[Finale] Le Gobelin et Le Tueur-Dans les estrades (libre)

La finale… le vainqueur des vainqueur sera défini aujourd'hui. Dans les tribunes, l'atmosphère est effervescente, aujourd'hui. Le Roi des Eldéens contre le Tueur de Roi. Dans cette finale, qui aurait pu bien penser que le plus éminent guerrier de la délégation drow affronterait un vétéran en ce jour de finale? La fine fleur du Puy contre la fine fleur des humains. Ca promet d'être intéressant.

Tessa est assise dans le coin des tribunes, juste sur le bord de l'entrée la plus près de l'infirmerie. Dans ce coin, il n'y a pas de risque qu'elle soit bousculée. Il lui manque une jambe, les mages de la Vie n'ont pu la sauver, aussi Dante l'a t'il prise sous son aile et octroyée les soins de sa volière. S'assurant ainsi de sa loyauté pour le reste de ses jours. On s'entend que avoir une volière c'est peinard et bien respecté.

Quand elle arrive, il est archi tôt et elle est dans les premières. Bien équipée et approvisionnée, la jeune femme s'octroie deux places. Il y a bien quelques échanges de gros mots, mais personne ne veut s'attirer l'ire d'une infirme. Gardant les choses près d'elle, aux crétins qui veulent éventuellement piquer la place de son patron, (parce que même si elle le considère comme un ami, elle ne le nommera jamais ainsi) Il se fera agiter sous le nez une paire d'aiguilles à cheveux. Et ca marche, personne ne voulant taxer une unijambiste revêche.  

Les heures passent, les gradins se remplissent. La place à côté de Tessa reste résolument vide. L'heure de la finale approche… L'activité augmente. Les preneurs de paris hurlent dans tout les coins, les gens s'agitent et s'excitent. Dans la loge des gros légumes, c'est plein à ras bord. Eldéens, princes et princesses marchandes picolant et devisant comme les gros bourges impotents qu'ils sont. Non… L'action se passe du  côté de la pécore… C'est tellement plus intéressant.

« Tout cela est très beau », déclara Ascanio, révélant dans un grand sourire une rangée de dents blanches qui étincelaient dans la lumière du jour.

L'esclave rangea le miroir et le Prince de la Soie fit son entrée dans la loge d'honneur. Et il est vrai qu'il était fort beau en cette occasion, malgré les grosses gouttes de sueur qui suintaient de son front et coulaient le long de ses joues. Revêtu d'une ample tunique couleur saumon, il arborait une ample chaîne d'argent et ses bras et ses doigts étaient parés de toutes sortes de bracelets et de bagues d'alliages complexes dont on devinait, à défaut de leur nature exacte, que tout cela devait coûter la peau du dos.

Son entrée fut remarquée. D'abord parce qu'il s'agissait de sa première apparition publique officielle depuis que son père, souffrant, s'était emmuré dans le secret de son palais. L'autre raison, sans doute la principale d'ailleurs, tenait à la façon dont il déboula dans la loge, à l'aise comme un roi, saluant familièrement les princes et les dignitaires étrangers comme s'ils étaient tous cul et chemise, suscitant autant de réactions amusées que d'expressions outrées.

Il se laissa tomber dans le siège destiné à son père en poussant un large soupir, épongea son front humide et, tout en agitant un éventail devant lui, lança à la cantonade :

« J'ai tout misé sur le Tueur de Rois ! Non mais regardez donc cette carrure d'athlète ! Ces biceps ! La rudesse du sauvage des Wandres sculptée avec le raffinement de Nisetis. Celui-là est imbattable, et je m'y connais ! »

Puis, tandis que le Gobelin pénétrait à son tour dans l'arène, Ascanio jugea bon de modérer quelque peu son propos :

« Oui, enfin bon, hum. Il y en a qui savent comment ça se passe pour annuler un pari ? »

Elle ne manquerait pas ca pour rien au monde. La fébrilité hérisse son opulente chevelure sertie de pierres précieuses qu'elle laisse couler librement dans son dos. Une robe d'un noir translucide doublé de rouge souligne à merveille ses courbes d'ébène voluptueuses. Fendue jusqu'au haut de sa cuisse, sa robe Eldéenne attire els regards, à coup sûr.

Pourtant, Viconia n'A pas le coeur à la fête. Aujourd'hui, Urgoll combat pour al dernière fois. Elle prie tout les dieux qu'il gagne. Par contre, bien malin est celui qui saurait la déchiffrer. Avec un flegme, une prestance toute Eldéenne, Viconia est gentillesse et sourire, Varg le chien ours, couleur d'ombre brûlé sur les talons. Elle passe devant Ascanio, s'Arrête pour saluer et discuter un moment avec un autre privilégié, offrant au fils du prince marchant une superbe vue sur ses interminables jambes. Elle prend place, d'ailleurs au siège dédié, à côté du prince de la Soie. Son bracelet en forme d'ouroboros luit doucement. Les prunelles d'émeraudes rougeoyantes passent, naturellement caressantes, sur le fils de la Soie.

Elle a un sourire engageant envers l'humain, avant que le spectacle pyrotechnique d'Urgoll ne lui réchauffe la figure et le coeur. Eclairant ses prunelles d'une lueur tout ce qu'il y a de plus sauvage.

Vous disiez quoi déjà sire de la Soie à propos... de votre pari?

L'accent exotique de la femelle est on ne peut plus mélodieux. Sa maitrise de la langue est imparfaite, mais ca ne la rend que plus charmante.

Je vous parie 50 rouleaux de soie araignée que le Triumvir défait votre.. héros. Le tueur sera tué.

Ah... Enfin... Le revoilà. A peine avant le début de l'ouverture il arrive, s'extirpant de l'entrée difficilement, avec une béquille pour ne pas porter de poid sur sa jambe blessée. Aidé par une femme habillée à la mode Zurthane, aux lourdes breloques d'oreilles ondulant doucement. Elle peut reconnaitre Irulan qui peut reconnaitre la dite Nani. Il s'affale lourdement à côté de la jeune femme. Et ils se tassent pour faire de la place à son aide.

Salut Irulan!

Bien sûr que la rousse l'ignore, mais l'autre rousse ne lui en tient pas rigueur.

J'ai manqué de quoi?

Pas vraiment.... Des pervers comme d'hab. Ta jambe?

Yaura pas de séquelles... T'inquiète. Ta jambe?

Aussi absente que d'habitude…

Sur ce Mamba annonce l'entrée du Haut-Prêtre de Zhak'Bar. Dante se penche un peu en avant, les yeux plissés sur son visage, les prunelles devenant de miel et de brume irlandaises. La large bouche prend un pli neutre tandis que les flammes du Prime Dragon lui chauffent le front, font danser les mèches de ses cheveux. Illuminant ses traits hâves, tirés, son teint blanc par manque d'hémoglobine. Juste sortir de son lit lui coûte.

Putain... Faut pas être arrogant et imbu de lui même pour gaspiller son énergie à faire ca... Il le regarde s'avancer le grand Gobelin. Et une chance qu'il ne voit pas Vorn, caché dans l'ombre... Jambe ou pas, il serait mort.

L'assassin arbore, en ce jour, son attirail habituel, exempté ses dagues. Ses bracelets de forces cachent quelques menus surprises si nécessaire. On compense toujours un handicap. En temps normal, il serait resté dans son trou, mais il veut connaitre son ennemi. Ce grand gris laid comme une Aberration.

Quel spectacle que cet oiseau de feu qui s'était élevé sur l'arène ! Les applaudissements d'Ascanio se joignirent aux cris de la foule qui, bien qu'impressionnée par la mise en scène, réclamait avec impatience le début du combat. Puis, alors qu'il tournait distraitement la tête, le regard du Prince de la Soie accrocha Viconia X'Ianxin, ou plus exactement la majestueuse chute de reins qu'elle exposait sans complexe, si bien mise en valeur par sa somptueuse robe couleur ébène et sa démarche féline. Il fit mine de regarder ailleurs lorsqu'elle se retourna, mais elle venait dans sa direction ; il prit un air tout innocent et feignit de ne la remarquer que lorsqu'elle fut seulement à deux pas de lui. Tous deux n'étaient nullement des intimes ; ils n'avaient d'ailleurs jamais échangé plus de trois mots jusqu'alors, mais il n'ignorait pas qui elle était. Elle faisait partie du Triumvirat qui régissait le Puy d'Elda depuis quelques années, ce qui en faisait l'un des personnages les plus puissants qui soient - d'où sa présence dans cette tribune. Ascanio avait beau être distrait, il l'avait assez facilement intégrée dans un coin de sa mémoire, bien que, pour cela, la silhouette lascive de la drow et sa chevelure immaculée si reconnaissable aient certainement joué davantage que son statut.

« Cinquante rouleaux de soie ! Voilà qui est audacieux, Triumvir ; mais rusé, car l'on n'est jamais mieux récompensé que par ce qui vient de chez soi. Je tiens le pari, et j'espère que ce Tueur de Rois, dont je ne sais quels rois il a tué, ne me fera pas regretter ma mise. »

Il fut interrompu par la clameur de la foule, indiquant que quelque chose se passait dans l'arène. Le combat n'avait pourtant pas encore débuté, mais Mamba, l'organisatrice des grands jeux, avait réservé à la foule une surprise de taille. Les deux champions étaient déjà là, et voilà que surgissait une troisième concurrente ; une daedhelle, frêle en apparence comparée aux deux autres - pour autant qu'Ascanio puisse en juger de sa place.

« Je ne donne pas cher de celle-ci, commenta Ascanio, mais cela sera distrayant de voir les deux colosses la mettre en pièces. Décidément, Mamba a le sens du spectacle ; encore que, si c'était moi, j'aurais fait combattre la daedhelle nue. Pour, hem, qu'elle puisse se mouvoir plus facilement, m'voyez. »

Ah bien voilà un humain enthousiaste! Les lèvres noires s'ouvrent sur les perles de ses dents tandis qeu Viconia tend une main aux longs doigts fins vers le prince de la Soie. Elle sait parfaitement qui il est. Et sa réputation. L'avions nous déjà dit déjà que ce voyage en est un pour ouvrir les occasions et l'économie? La soie d'araignée est un produit de luxe qui vaut son pesant d'or. cinquante rouleaux? Ce n'est pas trop cher payé, en tenant compte des liens commerciaux qui vont s'établir.

Mais il y a une surprise… de taille minuscule comparé à celle des deux colosses. Armurée d'indigo et de soie argentée… Sa divine comète est là en bas. Viconia a bien vu la veille qu'elle semblait ailleurs, pas dans son assiette… Mais Shyn'Tae n'A pas voulu parler de son trouble… Elle comprend mieux maintenant.

Je ne donne pas cher de celle-ci, commenta Ascanio, mais cela sera distrayant de voir les deux colosses la mettre en pièces. Décidément, Mamba a le sens du spectacle ; encore que, si c'était moi, j'aurais fait combattre la daedhelle nue. Pour, hem, qu'elle puisse se mouvoir plus facilement, m'voyez.

Elle éclate de rire.

Il ne faut pas se fier au format de l'emballage… Cette divine comète que Mamba réclame comme sa championne, c'est moi son sponsor…. Pour ce qui est de se battre nue… Comme toute Eldéenne, elle sait y faire sans peine mais… Je ne crois pas que les yeux de la majorité des Itriivans soient… Prêts *ceci dit d'une façon qui ne laisse planer aucun doute sur la signification de la phrase. L'accent exotique de Viconia et sa façon de parler lentement pour pallier son manque de pratique de l'oliyan rendant sa voix encore plus langoureuse.* Vous, vos yeux… le seraient ils?

Un sourire mystérieux aux lèvres, Viconia fixe brièvement le regard d'Ascanio. Pour un humain, il n'est pas trop laid. Ni particulièrement beau d'ailleur. Ce qui retient l'attention de l'Eldéenne ce sont ses yeux, sa voix et… sa mélodie. Intriguée, elle a une charmante moue avant de reporter son attention sur ce qui se passe en bas. Dans un coin de son esprit compartimenté, se trouve les affrespour Urgoll'Ven, Les affres pour Shyn'Tae. Elle désire plus que tout au monde que ses deux alliés aient un combat à la hauteur de leur talent. Elle n'est pas excitée. Autour d'elle ca crie et ca hurle, mais Viconia garde un calme surprenant et un flegme royal. Elle sourit plutôt.

Puisse Uriz leur donner le combat et le défi qu'il méritent…

La grande main serre brièvement la manche d'Ascanio en un geste parfaitement calculé.

Ca commence. Préparez votre soie cher ami…

« Les yeux d'un Vaani savent apprécier ce genre de spectacle, assura Ascanio en se fendant d'un sourire malicieux. Et les miens y sont largement exercés, vous pouvez me croire. »

Il coula un regard torve en direction de l'arène, où le combat tant attendu avait enfin débuté. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la daedhelle trop vêtue prenait cher ; le Tueur de Rois et le Gobelin lui en faisaient voir de toutes les couleurs. Cela ne semblait pas tellement émouvoir Viconia, qui se présentait pourtant comme sa mécène, mais la Triumvir révélait là un trait de  caractère qu'un Vaani n'aurait pas renié : il lui plaisait de jeter son argent par les fenêtres. Plus le temps passe et plus les Puysards nous ressemblent, songea Ascanio. Ou bien est-ce nous qui leur ressemblons ?

« Qu'est-ce qu'il lui met ! Elle prend cher, votre protégée », commenta le Prince de la Soie, amusé par la débauche de violence qui se jouait en bas. « Tiens donc, elle se relève encore et encore... je parie qu'une fois qu'on lui aura arraché bras et jambes, elle continuera de mordre... j'aime cette détermination, même quand elle ne sert à rien. »

Il applaudit, ravi du spectacle, avant que ne s'élève de nouveau la voix de Mamba qui révélait une nouvelle surprise. Il poussa un soupir émerveillé en sentant la terre trembler.

« Cette Mamba me plaît beaucoup, souffla-t-il à Viconia. Vous n'auriez pas son numéro, des fois ? »

Il parlait, bien sûr, de son numéro de chambre, car il s'était laissé dire - à tort ou à raison - qu'elle séjournait dans un hôtel des Soieries guère éloigné de son propre palais familial.

Ascanio exultait.

En bas, dans l'arène, le spectacle dépassait ses rêves les plus fous. Tandis que la daedhelle, qui avait pris fort cher au début du combat reprenait doucement du poil de la bête, le Tueur de Rois et le Gobelin livraient un duel des plus épiques. Le Prince de la Soie avait retenu son souffle lorsque l'humain manqua de griller telle une saucisse sur un barbecue, mais celui-ci semblait déjouer une à une chacune des ruses de son ennemi. Finalement, au terme d'un corps à corps épique, le Gobelin chuta dans le sable incandescent.

Ascanio exultait, donc. Il avait quelque peu regretté d'avoir parié trop vite sur le Tueur de Rois lorsque le Gobelin était entré dans l'arène, mais il semblait qu'il ait misé sur le bon cheval ; le combat n'était certes pas fini, mais l'humain avait toutes ses chances. Depuis le début de la mêlée, c'était lui qui s'était montré le plus intraitable. Et le Prince de la Soie, accoudé au bord de l'estrade, ne perdait pas une miette du spectacle, et il criait, il hurlait ses encouragements, commentait chaque action à la volée, pris par l'enjeu de cette finale comme s'il se trouvait lui-même en bas parmi les combattants.

« Vas-y ! Oui ! Encore ! Plus fort ! Oui ! C'est bon ! Oh, oui ! Oui ! Encore ! » beuglait-il frénétiquement, d'une voix rauque, et il était heureux que dans ce contexte, ses cris hallucinés ne soient pas source de malentendu. « Il y a une ouverture, là ! ENGOUFFRE-TOI DEDANS !!! »

La gorge secouée d'un grand rire sardonique, il tourna la tête vers Viconia.

« Eh bien, ma chère, que me disiez-vous tout à l'heure ? Le Tueur de Rois sera tué ? J'ai dans l'idée qu'il pourrait bientôt se faire appeler le Tueur de Triumvirs. »

Tueur de Triumvirs, ça sonne moins bien ; trop de syllabes, songea-t-il. Mais après tout, qu'importe ! Il espérait que tous les Eldéens présents dans l'arène suivaient la petite sauterie avec la plus grande attention. Voyez, mes amis, voyez ce dont les Humains sont capables.

 

 A l'exubérance d'Ascanio s'oppose le flegme et la prestance de Viconia. Non mais… Deux alliés, étant en finale. Elle veut qu'Urgoll gagne, elle veut que Shyn'Tae gagne. Elle ne veut surtout pas que l'un ou l'autre ne crève.  Mais elle accepte avec la dignité de sa race les risques. Une mort pour la gloire des dieux. Deux morts pour la gloire des dieux. Le Grand Gobelin tombe. Relevant le menton, les prunelles impassibles contemplent l'Epreuve imposée au vieux mâle. 

Eh bien, ma chère, que me disiez-vous tout à l'heure ? Le Tueur de Rois sera tué ? J'ai dans l'idée qu'il pourrait bientôt se faire appeler le Tueur de Triumvir

Viconia échange un regard avec Krish qui arbore un sourire un chouia ennuyé pour qui la connait. Un haussement de sourcil agacé, invisible pour le prince de la soie répond à l'expression du feu d'Uriz. Les prunelles vertes se portent vers Shyn'Tae. La Divine comète donne tout ce qu'elle a. Contre l'humain pas mal amoché. Des flaques de magmas refroidissant lentement entre eux deux. Et elle est belle dans son Epreuve. Et elle danse … 

Je trouve votre choix de mots maladroit… Aahhhh ce que l'émotion peut faire faire, l'appel du sang peut faire dire bien des choses… Je ne vous en tiens pas rigueur. Vous avez le sang chaud!!!! Ne criez pas victoire trop vite. Nous ne sommes pas encore tombés. 

Termine la triumvir d'un ton aimable, suave. Rien ne laissant présager son état émotionnel.

« Tueur de Rois ! Tueur de Rois ! Tueur de Rois », scanda une foule enivrée par le spectacle qui se jouait en contre-bas. De là où il se tenait, les trois adversaires n’étaient pourtant que de petits personnages sans visages. Ou presque ! Haesys, dans un élan de curiosité, avait déjà réussi à percevoir la trogne d’un des trois héros. On le surnommait Tueur de Rois, et l’homme luttait en cet instant avec toute l’ardeur d’une bête féroce pour rester en vie. Humain, brave et loyal. Ça l’avait poussé à une forme d’admiration qui le maintenait désormais en haleine à chacun des coups que le tueur de rois se prenait.

- Tueur de Rois, Allez ! hurla-t-il en même temps que des milliers d’autres voix.

Haesys avait fini par se prendre au jeu de l’arène, même si pour y assister, il avait fallu accepter d’être placé tout en haut. C’était là que les rayons de l’astre solaire étaient les plus vifs. Certains avaient même fini par tourner de l’œil avant de céder leurs places à ceux de derrière. C’était d’ailleurs grâce à cela qu’il avait réussi à grappiller quelques rangs du dessous. Il pouvait à présent contempler la finale qui se déroulait et espérer que l’humain l’emporte. Il se prit d’ailleurs à rêver que le tueur de Rois puisse être son père ; que celui-ci n’aurait jamais abandonné sa mère, et aurait continué à la chercher jusqu’à finir par se retrouver dans cette arène à devoir combattre pour sa vie.

-T’es mignonne ma jolie, entendit-il dans son dos en même temps qu’une main venait se poser sur son cul.

Sans même chercher à savoir qui lui avait fait ça, Haesys se retourna et frappa violemment la gorge du rustaud qui se tordit de douleur. Les badauds d’à côté, trop concentrés par le combat se déroulant dans l’arène, ne cherchèrent même pas à s’interposer. Le malheureux terminerait la finale la tête contre les gradins à essayer de retrouver péniblement sous souffle. Enfin tranquille, Haesys plongea sa main dans la petite bourse remplie de dattes séchées et en avala une avant d’encourager de nouveau son héros. Le dénouement final approchait. Il le sentait.

La finale. Les Vaanis l'attendaient fébrilement. Krish, elle, s'en amusait plus qu'autre chose. Pour restée neutre entre Eldéens et Vaanis, elle n'avait sponsorisé personne. Pas même son propre fils qui avait pourtant attirer quelque peu l'attention en arrivant jusqu'aux duels. Non, elle voulait surtout que ce plan machiavélique - celui consistant en une fête énorme et en combats soigneusement orchestrés pour détendre les relations entre Eldéens et Thaaris - réussisse. Et pour l'instant, il se déroulait sans accroc. Les doebs et les non drows s'étaient peu à peu décrispés au court de ces jeux. L'ennemis séculaire était un peu moins mystérieux. Les eldéens avaient attirés la sympathie dans l'arène et par conséquent à l'extérieur, malgré les bagarres de tavernes qui s'étaient multipliées.

En ce jour, la tension était à son comble et, installée aux premier rang, elle avait hâte de voir qui tirerait son épingle du jeu, sachant qu'elle avait expressément demandé au Haut-Prêtre de Zhak'Bar de se retenir pour ne pas l'arène quand il s'était inscrit... ça aurait fait mauvais genre, et mieux valait garder sa véritable puissance de feu pour des combats réels. Fait rare dans ce pays : elle n'avait pas parié non plus. Au final, c'était réellement la curiosité et un amusement simple qui l'amenai à suivre ce spectacle.

La foule en transe. L'arrivée des eux champions.

Le dragon de feu était de toute beauté et elle applaudit des deux mains, mais ce ne fut pas l'eldéen qui retint son attention... En même temps il ne lui prêtait aucune attention particulière, lui. Alors que le poulain d'Aerianna...

Comme lors de son précédent combat, l'humain lui adressa spécifiquement un baiser. Si la dernière fois, elle lui avait retourner son baiser, aujourd'hui était un jour de surenchère. Flattée par son geste, un sourire resplendissant sur le lèvres, elle se leva en attrapant le baiser au vol d'une main et rassemblant de l'autre sa longue crinière diaphane sur l'une de ses épaules. Sa robe de soie blanche tranchait sur le jais de sa peau, laissant son dos nu et créant un dangereux décolleté. Dangereux si le but n'était de pas trop en dévoilé cela dit, ce qui ne semblait pas être le cas de Krish. En réponse au manège du gladiateur, une main suaves aux longues griffes  d'argent plissa le tissus pour déloger la bretelle et dévoiler un sein. Les yeux rouges de l'eldéenne croisèrent volontairement le regard du tueur de roi avec un air de défi joueur avant qu'elle ne se couvre et ne se rasseye.

Puis arriva la Comète qu'elle avait vu combattre la veille et échangea un regard avec Viconia. Aguicheuse envers l'humain, elle n'en avait pas moins vue les prouesses de la véritable pièce maîtresse de ce tournois : la belle danseuse dont elle avait refusé d'entendre le nom un an auparavant. Maintenant, son nom, elle le connaissait plutôt deux fois qu'une et avec lui, tout son curiculum vitae. Quand elle l'avait reconnue lors de la mêlée au ruban, la surprise avait été de taille. Elle se battait bien et elle ne renonçait pas. Jamais.

Et le début du combat le montra une fois de plus... Même si la violence du coup faisait frémir. Magie et épée se croisaient. Silencieuse, Krish n'avait pas assez d'yeux pour observer. Les cris d'encouragements fusaient de tout côtés et à partir des premiers reflets de lave, la Princesse Triumvir joignit sa voix aux autres. Assise sur l’extrême bord de son siège, elle trépignait et s'exclamait au gré des coups et des avantages. A chaque fois que l'un d'eux se relevait, encaissait, ripostait, elle s'embrasait un peu plus. Le bouclier de l'humain s'encastra dans le mur de l'arène.

- La jambe ! Croche lui la jambe !! " hurla-t-elle sans qu'on arrive à savoir si c'était à Urgoll ou à Hanegard, luttant tout deux au bord de la marre de sable changée en magma par le Gobelin. Les deux hommes résistaient, leurs muscles bandés à l'extrême pour maîtriser la masse de l'autre. Et la Comète ne leur laissait pas un instant de répit. Sa lame les transperçait à distance, bondissant, rebondissant sur les armures pour trouver une faille... Jusqu'à ce qu'un infime déséquilibre ne permette au Tueur de changer de prise.

En voyant sa main se refermer, l'angle, la poigne, Krish cessa de respirer. La lutte avait toujours été son point fort et la seule forme de combat pour lequel elle avait gardé de l'affection tout au long de sa vie. Du haut de ses mille ans d'expériences, elle n'avait pas de doute. Il l'avait ! Elle se leva sans en avoir totalement conscience, s'appuyant sur le bord du garde fou pour. La puissance du Gobelin jouait contre lui. L'humain changea d'appui. Un vacillement. Puis le drame.

Un rugissement furieux monta de la foule, partagée entre joie et huée lorsque le drow s'extirpa du magma sans parvenir à se relever. Mamba sonna la fin du combat pour lui de sa voix clair. Krish retomba sur le bout de son siège alors que les deux derniers combattants se tournaient l'un vers l'autre, échangeant un nouveau sourire - ennuyé cette fois à cause de la réflexion d'Ascanio - avec Viconia. Il ne fallait pas qu'Urgoll'ven meurt... La perte d'un Triumvir dans ces jeu serait de très mauvais augure pour la suite... Il avait intérêt à s'en sortir cet imbécile !

Mais déjà la lave approchait et les dernières secondes du combat approchaient, rattrapant l'attention de l'eldéenne.

Encore un duel, et encore cette sensation que tout pouvait s’écrouler là, en un instant.

Je pensai ça alors qu’une troisième personne apparut au milieu de l’arène. Une personne que je pensais éliminée depuis longtemps. Une personne dont j’avais vu la chute de mes propres yeux alors que j’avais rencontré certains de ses… proches ? Et dans ce qui était la troisième fois que je la remarquais, elle avait encore changé de nom. Mais le plus grave, c’était qu’Hanegard faisait désormais face à deux eldéens, deux magiciens. Tout le cérémonial d’avant-combat était allé tellement vite, et la seule chose que je pouvais retenir était l’apparition de Shyn’tae. Elle était directement contre mon poulain, contre nous, contre moi.

Malgré cette difficulté supplémentaire, mon excitation était encore intacte, et je suivis activement les prémices du combat, réagissant comme la foule, comme la loge, même comme Krish, parfois. Comme lors de la demi-finale, elle avait décidé que ma place était à ses côtés, peut-être pour un accès direct sur la sponsor du gagnant si l’humain venait à triompher. Hanegard s’élança vers Shyn’tae d’abord, le bouclier en avant, tout en arrivant à perturber le géant eldéen juste assez pour qu’il ne réussisse pas à incanter un sort. Le meilleur départ, un départ qui m’arracha même un hurlement, alors qu’Hanegard abattait sa lame sur le bras de l’eldéenne, un bras qui avait été utile, un an plus tôt…

J’avais déjà énormément de mal à suivre le combat d’un gladiateur contre un autre, alors le fouillis que j’eus devant les yeux tandis que la magie partait dans tous les sens ne me donna rien d’autre qu’un peu de jalousie envers ces mages. Jusqu’à ce que la voix de Mamba couvre l’arène et que du magma se joigne à la fête, l’univers qui se moquait encore un peu plus de moi, et à ce moment-là, le duel sembla être devenu celui d’Hanegard contre le gigantesque eldéen. Un Triumvir, j’avais appris quelque part pendant le déroulement des jeux, même si le sens de ce mot ne m’atteignait pas. Mais ce n’était que le début du moment où je compris que tout s’alignait réellement contre moi, que je n’étais pas paranoïaque.

Et cette confirmation vint avec un coup de tonnerre, alors que par sa magie, Shyn’tae trouait littéralement ses deux adversaires. Le public se tut, aussi surpris que les gladiateurs l’étaient, avant d’exploser à nouveau. C’est à ce moment là que je n’eus plus aucun espoir, que je posai les mains sur le parapet devant moi, et que j’enfouis la tête dans mes bras. Une panique muette se déclencha en un instant. Je voulais que ça s’arrête, je voulais que tout le monde se taise, je voulais que Shyn’tae disparaisse, je voulais reprendre du début, que Mamba n’intervienne jamais, que personne ne vienne me voler ce moment que j’avais tant espéré… Il n’y avait aucune chance que ça s’améliore. Pour la première fois, l’univers m’amenait vers un échec que je n’avais pas prévu, un précipice dont j’ignorais l’existence, et j’étais persuadée maintenant que je tomberais dedans.

Je ne pouvais plus regarder l’arène, et l’obscurité la plus totale était mon seul refuge. Les sons passaient, eux, et plusieurs fois j’eus envie de relever la tête en entendant hurler mon héros son cri de guerre et la foule son nom, mais j’avais trop peur. Trop peur qu’au moment où je lève la tête je le voie basculer dans le magma. Trop peur de le voir mourir sous mes yeux, avec tous les espoirs que j’avais. Trop peur d’être impuissante et de ne pouvoir changer ce que j’aurais devant les yeux en les relevant. Le pire, c’était qu’une défaite plus tôt dans le tournoi m’aurait simplement poussée à hausser des épaules, qu’une défaite d’Hanegard seul face à l’autre finaliste ne m’aurait pas émue… Mais là, ce n’était pas seulement lui qui n’était pas assez bon, c’était autre chose, quelque chose d’inexorable. Et Mamba était la représentation actuelle de cet univers qui se riait de moi, alors qu’elle m’enlevait sûrement la plus grande victoire de ma vie.

Quand la confirmation vint que mon héros était tombé, à travers la voix de ce public qui exultait ou celle de Mamba, peu importait, je ne bougeai pas. Pire, même, je sentis des larmes glisser sur mes joues puis sur mes bras.

Il aurait dû gagner, pas parce qu’il était meilleur, pas parce qu’il était humain, pas parce qu’il était chanceux, parce que c’était lui que j’avais choisi.

Après avoir passé sa nuit à l'infirmerie des arènes, la medecin suivit le déménagement de son patient aux Sablons, là où se devait se dérouler la finale. Elle avait réussi à mettre la main sur des vêtements propres mais un peu trop grands pour elle, et de se débarbouiller. Pas tout à fait remise de son opération, elle avait confiance en l'avenir… Jusqu'à ce qu'elle apprit la participation de Shyn'tae quelques minutes avant l'entrée de celle-ci. Depuis, Na'ri tournait en rond dans l'infirmerie.
Celle-ci était un peu plus aménagée, plus grande, il y avait des alcôves, plus de lits et plus de soignants. Et l'humain avait réussi à se faire la malle.
La medecin tournait en rond, et râlait en eldéen. Ce qui eu comme effet de taper sur le système des autres… et elle fut mise dehors.

Après avoir erré comme une âme en peine dans les couloirs des vestiaires, la drow fut attirée par la trappe d'accès de l'arène. Et pour la première fois, elle regarda le combat. Ce fut une erreur.
Une grosse erreur. Elle comprenait pourquoi ils étaient séparés du combat par une grille de fer.
Elle ne voyait plus comment cela pouvait être des jeux, comment on pouvait s'amuser de voir des gens se tapaient dessus… s'amuser des blessures des autres. A chaque fois qu'un drow se prenait un coup, elle le ressentait dans sa chaire, à elle. A en avoir des hauts le cœur.
Et maintenant la lave. La medecin ne voyait plus correctement l'action. Et dû suivre les exploits à l'oreille. Ce ne fut pas pour la rassurer.

Enfin il y eu les hourras, les feux d'artifices. La lave fut stoppée.
La grille s'entrouvrit pour les soigneurs. Dès qu'elle put se faufiler, Na'ri s'engouffra dans l'arène.
A l'autre bout, il y avait Shyn'taë, chancelante. Et avant, Urgoll'Ven, au sol.
Elle court, elle court la servante de la Dame Pestilence.
Elle dérapa pour pouvoir ausculter le Haut Prêtre de Zhak'Bar. Vivant. Il était vivant. Alors elle fit un signe à la tribune pour dire que tout allait... bien ?
Puis elle repartit au quart de tour.  Shyn'taë.
C'était la sombre qui occupait tout les esprits de la medecin.
Un humain au sol ? Ce n'était pas grave. Elle sauta au dessus.

Shyn'taë était à genoux, vacillante, tenant Eveil dans les airs. Na'ri la pris alors dans ses bras et l'enlaça. Le nez dans l'épaule, elle n'aima pas ce qu'elle voyait. Dans le dos, la prêtresse traça des sorts. Elle ne ferait pas grand-chose mais au moins, elle pourrait soulager sa camarade de la douleur. Pour un temps.

Petit à petit l'arène se remplissait de soignants et de brancards.

Quelle immonde déveine, songea Ascanio, alors qu'il assistait, impuissant, à la défaite du Tueur de Rois. S'il était un dénouement qu'il n'avait pas prévu à ce combat, c'était bien de voir la daedhelle l'emporter, lui qui ne voyait en elle qu'une curiosité dans cette finale, un élément de décor, une touche de fantaisie, voire d'humour...

La défaite du Tueur de Rois lui faisait perdre une belle mise. Mais il était surtout agacé par la quantité de soie qu'il allait devoir céder à la Triumvir Viconia. Avant de se rappeler des termes exacts de leur pari. Minute, papillon, songea-t-il, elle n'a jamais dit qu'elle pariait sur la victoire de la daedhelle... se pourrait-il que...

Son visage s'illumina soudain, alors qu'il tournait vers Viconia un sourire prédateur.

« Eh bien, ma chère, que disiez-vous tout à l'heure ? Le Triumvir devait défaire le Tueur de Rois ? Aucun d'eux ne l'a emporté, mais il semble clair que c'est mon champion qui a défait le vôtre ; c'est bien lui qui a fait mordre la poussière au Gobelin. On dirait bien que je viens de gagner cinquante rouleaux de soie. »

Grisé par cette victoire dans la défaite, il se dandinait, fanfaron, au rythme des vivats de la foule qui acclamaient ou conspuaient la championne de Mamba. Et puis il ajouta à voix basse :

« Mais je m'en voudrais de vous priver d'une telle richesse, alors que j'ai déjà pris tant de plaisir à jouer contre vous ; je suis prêt à y renoncer, si cela ne vous gêne pas de me devoir une faveur... »

Quel est le but des jeux déjà? Tisser des liens commerciaux et autres avec Thaar. Cinquante rouleaux de soie n'est pas cher payé tout compte fait.  Il y a bien des occasions commerciales qui se sont ouvertes. Bien des échanges de savoir qui a eu lieu entre la Grande Bibliothèque et les archives d'Elda, certains livres rares ayant été recopiés et envoyés à ce haut lui du savoir. Des livres…. soigneusement choisis dirons nous. 

Le combat est féroce, est rude. Viconia ne frémit pas à voir Shyn'Tae se battre. Sous son port et son attitude  royale, fortement contrastée avec celle de Shyn'Tae, les prunelles d'émeraudes rougeoyantes férocement. D'une lueur sauvage qu'on ne leur a rarement que vues… Sauf Urgoll quand il exige et qu'elle accepte. 

Et elle gagne… Sa divine comète. Se levant avec grâce et s'avancant devant les tribunes, Viconia offre en pâture à Ascanio son fessier ferme, mis en valeur par la belle soie arachnide qu'elle porte. En haut, bien en vue de tous dans la tribune, elle fixe Shyn'Tae, en bas… un sourire aux lèvres. Fière pour tout ceux qui ne le seraient pas aujourd'hui. Elle s'incline brièvement devant sa championne, avant de tourner bride pour lui laisser toute la gloire du moment. Partout ca hurle, ca crie… Il y a des vivats. On n'entend pas Mamba qui parle… Son travail est fini. Elle a poussé ce potentiel, c'est maintenant à Shyn'Tae de continuer sur sa lancée. Et d'atteindre ses sommets.

La triumvir se retrouve alors face à face, ou plutôt, poitrine à face avec le Prince de la Soie. Ils font dans le même domaine, qu'il regarde la qualité du tissus Eldéen, ou… la qualité de ce qu'il y a dessous. La voix mélodieuse prend des inflexions suaves, ce qui rend son accent particulièrement attrayant. 

Oh, mais je m'en voudrais de vous priver d'un prix si amplement mérité. Vous aurez vos cinquantes rouleaux… Et je vous les livrerai moi même. J'aimerais acheter de votre… marchandise… Je n'ai besoin que de votre adresse… 

Et Krish, surexcitée, de réclamer son attention… Toute son attention…

« Nooooooon.... »
Sa complainte désespérée à l'instant même où le tueur de Rois avait chuté n'y changea rien. Le combat était terminé. L'humain avait perdu contre la daedhelle qui n'avait pas su conquérir le cœur des badauds présents dans les hauteurs de l'arène à ses côtés. Ce fut une déception immense avec un arrière goût amer dans la bouche qui le fit fulminer de colère. L'un de ses bras, par mégarde, bouscula un ivrogne qui renversa sa chope sur la tête d'un autre grand dadais à l'allure peu sympathique. Sa hargne s'estompa subitement avant qu'un long frisson ne le prenne.
– oh oh...
Sans compter son agresseur à la main baladeuse qui commençait tout juste à reprendre des couleurs, et les deux nouveaux qu'il venait de déranger, Haesys prit la fuite en dévalant les gradins. L'on eut dit un félin bondissant agilement de rangée en rangée, sans omettre de provoquer une vague de mécontentement dans son sillage. Ses « S'cusez » en pagaille qu'il laissa derrière lui n'y changèrent rien non plus. On le prit sans doute pour un voleur en pleine fuite pour tenter ainsi de le faire trébucher ou l'attraper. Il parvint à s'extirper de leurs sales paluches à plusieurs reprises, jusqu'à finir par se retrouver nez à nez avec une montagne de muscles vaanie. Celui-là le stoppa net en pleine course. Sa respiration coupée, Haesys tomba lourdement à la renverse sur le sol. Les yeux entre-ouverts, il distingua loin au dessus de lui les tribunes d'honneur réservées aux puissants de la cité. La honte...
– Rends ce que t'as volé p'tite !
Avec le peu de force qu'il lui restait, Haesys lui donna sa bourse de dattes séchées.
– Tout ce raffut juste pour ça ?
Haesys acquiesça. Il avait eu beau se faire mal et être la risée des richissimes tharries, ses uniques pensées furent pour le Tueur de Rois qui avait gagné son admiration. En ce jour, et malgré sa fâcheuse posture, Haesys était persuadé qu'il lui servirait d'exemple à suivre. Mais pour le moment, il eut juste assez de force pour découvrir la bosse qui commençait à se former sur son crâne. 
– Aille...  

- Allez.... Alleez........ Oui ! Non... Oui ?! Raaah...

Debout, les deux mains appuyées sur la balustrade, Krish suivait les derniers échange avec une attention totale. Chaque léger changement d'appui, chaque mouvement infime, chaque tension musculaire. Elle voulait tout voir et elle était trop loin. Il suffisait qu'un grain de sable se dérobe et ils auraient un vainqueur. Pour elle l'identité du dit vainqueur importait peu, la tension qu'elle voyait était ce qui la mettait au comble de l’excitation. Un beau combat, certes, mais surtout la certitude que même manchots, borgnes et cul de jatte, aucun des deux ne se serait arrêté. Aucun des deux n'aurait renoncé. Ils étaient bien décidé à arracher la victoire avec les dents s'il le fallait.

- Oh.. Mmm ! OUI ! HAHAHAHA ! " La pièce lancée venait de retomber. Krish sautilla sur place en riant. " La comète ! La comète ! La comète ! "

A côté d'elle, Aerianna resta vautrée sur le parapet. De l'autre côté, Viconia se retrouva à côté d'elle sans qu'elle ne sache trop comment.

- Félicitations ! " s’esclaffa la noire elfe en sautant au cou de sa consœur pour l'embrasser à pleine bouche sans aucune gêne avant de se tourner à nouveau vers le sable pour acclamer la gagnante ou d'échanger des commentaires et impressions enfiévrés avec les spectateurs alentours, certains lui demandant en riant si elle n'était pas trop déçu que l'humain n'ait pas été déclaré victorieux après son manège du début de combat.

La Triumvir Viconia était visiblement du genre à acquitter ses dettes ; ou peut-être n'avait-elle pas envie de lui être redevable. Bien malin celui qui put dire pour quel genre de service Ascanio l'aurait sollicitée. Viconia, pourtant, semblait encline à donner beaucoup : il n'y avait qu'à voir la manière dont elle se dandinait, agitant son postérieur proéminent et son buste comme une poissonnière des marchés du port cherchant à refourguer le produit de sa dernière pêche. Elle a la fougasse en feu, celle-là, songea le Prince de la Soie, qui certes profitait du spectacle, mais en éprouvait des sentiments mitigés. L'appel de la chair le tentait évidemment, mais le jeu de Viconia manquait de subtilité. S'il ne s'agissait que de tirer un coup sans s'embarrasser de séduction, Ascanio avait déjà à sa disposition toutes les filles du monde - dans son esprit, du moins.

Il reportait déjà son attention vers la scène en contrebas quand Krish Al'Serat se jeta littéralement sur Viconia pour échanger avec elle un langoureux baiser. Cette séquence, on s'en doute, eut le don d'accaparer toute l'attention du Prince de la Soie - et, du même coup, de susciter en lui un regain d'attrait pour la Triumvir. N'était-il pas normal, après tout, que d'être absorbé par le spectacle de ces deux corps tout en rondeurs entrelacés, de ces visages tout à la fois lisses, tendres et impérieux, unis dans un touchant moment de passion, ces poitrines fermes et affriolantes qui s'entrechoquaient et remuaient à mesure que les deux noirelfes respiraient... les yeux ronds et brillants de désir, la bouche sèche entrouverte, Ascanio fixa le charmant couple jusqu'à ce que se relâche leur étreinte, l'esprit agité de fantasmes aussi tordus qu'inavouables.

Il ne sortit de sa torpeur que pour mettre en pratique la lumineuse idée qui lui avait traversé l'esprit.

« Mais oui ! Félicitations ! » lança-t-il, et, profitant du mouvement initié par Krish, se jeta sur Viconia pour lui prendre la bouche et l'assaillir à grands renforts de langue.

Parce qu'elle s'était gardée de le repousser ouvertement, Viconia avait su tromper son monde. En fait, elle trompa même Ascanio, surtout lorsque sa main baladeuse glissa le long de l'entrejambe du Prince de la Soie. Elle est joueuse, pensa-t-il, juste avant qu'elle referme ses griffes d'acier sur ses parties intimes. Bon sang, elle s'accroche, se dit-il, et Viconia se mit à serrer, serrer de plus en plus fort, arrachant quelques larmes de douleur au supplicié. Malgré la souffrance de ses bijoux compressés par cette main de fer, il demeura aussi stoïque que possible ; il ne voulait pas vexer sa partenaire en lui avouant qu'il n'aimait pas ce jeu. Après tout, il avait suffisamment roulé sa bosse pour savoir que tous les goûts sont dans la nature, et il était naturel que de hauts dignitaires noirelfiques comme Viconia, probablement adeptes de Kiel, prennent plaisir à faire souffrir leur partenaire. Néanmoins, il n'était pas client de ce genre de plaisirs ; il préférait largement les jeux d'Isten et d'Arcam, auxquels il s'était adonné jadis avec May'Inil Baenrahel, une autre haute dignitaire noirelfique qui avait partagé sa couche.

« J'ai beaucoup aimé », souffla-t-il alors que Viconia s'était déjà détournée de lui et qu'il massait ses bourses endolories. Il avisa Krish Al'Serat un bref instant et envisagea de renouveler l'expérience avec elle, mais il craignait que ses parties ne s'en remettent pas s'il prenait au Feu d'Uriz la même lubie.