La grande finale | Hanegard, Urgoll’Ven & Shyn’tae

Le huitième jour de la deuxième ennéade de Barkios de l’An 14:XI, dans les Grands Sablons

« Enfin ! »

La voix claire — et magiquement amplifiée — de Mamba résonne dans les Grands Sablons et couvre un tempse le brouhaha assourdissant qui sévit dans les gradins.

« Enfin ! Enfin ! Enfin ! Enfin ! »

La sulfureuse sang-mêlé à toutes les raisons de se réjouir : ses grands jeux sont un franc succès ; en témoigne la foule impressionnante qui se masse dans et hors de la plus grande arène de Thaar. Les organisateurs ont pris le parti d’ouvrir en grand les portes et de laisser entrer qui veut et qui est capable de payer le bon prix. Résultat : il n’est pas un centimètre carré des Grands Sablons où l’on ne se marche pas dessus, sinon le sable chaud en son centre. Des accidents plus ou moins graves ont déjà « animés » l’attente des spectateurs, tant le moindre mouvement de foule un peu incontrôlé peut provoquer des réactions en chaîne aux conséquences difficilement prédictibles. Mamba se moque bien de tout cela : ni des pieds écrasés, ni des gens piétinés, ni des quelques morts étouffés. Tout ce qui lui importe, tout ce à quoi elle dévoue son attention, ce sont les deux portes diamétralement opposées desquelles deux guerriers sur le point d’entrer dans l’Histoire — celle avec un grand H, celle de Thaar, de son rayonnement, de sa richesse… et celle de Mamba aussi — vont jaillir.

« Vous l’avez attendue pendant des ennéades, elle est enfin là ! La finale est sur le point de commencer.  »

Elle applaudit trois fois et les claquements sourds vrillent les oreilles de son public, qui réduit enfin un peu son volume sonore.

Aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’excentricité — en tout cas, en apparence — et au centre de l’arène, il n’y a que du sable. Plus de piliers, plus de large constructions de bois, pas plus de marais magique. Si Mamba a décidé de faire preuve de beaucoup de créativité pendant ces longues ennéades de jeu, il semble qu’elle ait opté pour un retour aux sources pour les clôturer.

Le Maître du Jeu, s’adressant à Hanegard… Tu es le premier à entrer. Les grilles qui te barraient jusqu’à présent le passage se soulève doucement. « Il est un barbare, un soldat, un baron, un homme-lige, un traître, mais surtout, surtout, un redoutable gladiateur. Il l’a prouvé, encore et encore et encore et encore, à chaque épreuve. »

Un tonnerre d’applaudissement et de cris enjoués accueillent tes premiers pas dans la lumière. Il faut beau, le soleil est éblouissant, il n’y a pas l’ombre d’un nuage.

« Regardez comme il est impressionnant, notre prétendu tueur de rois !. » Mamba continue de te taquiner sur l’inexactitude de ton titre, mais le public, lui, se gausse bien des détails erronés qui entourent ton surnom. Il commence à le scander, une fois, deux fois, trois fois.

La sensation doit vraiment être indescriptible pour toi. Tu es venu à Thaar pour ta fille, mais ne combats-tu pas pour toi, désormais ? Pour eux. Pour l’amour presque hystérique qu’ils te portent ?

Le Maître du Jeu, s’adressant à Urgoll’Ven… « Son adversaire ne porte pas de couronne, mais ses mots feraient plier l’échine à n’importe quel roi. »

L’ambiance change d’un coup, tandis qu’à ton tour on te libère le chemin vers le cœur des Grands Sablons. Tu fais la fierté de tout un peuple, qui voit « leur » Triumvir’ prouver sa force, imposer sa loi, à la face du reste du monde. Ton peuple respecte la force, mais ne peut s’empêcher de considérer que lorsque tes poings s’abattent sur tes adversaires, ce sont leurs coups qui portent ; quand ta magie détruit tes ennemis, c’est leur Art qui prouve sa supériorité sur tous les autres.

Ta victoire, ce soir, c’est la promesse muette de tout un peuple, rangé derrière toi, de ne plus jamais perdre.

« Que s’avance aujourd’hui le Grand Gobelin que l’on aime tant craindre ! » résume doctement Mamba et ses mots trouvent un écho diffus, parfois à peine perceptible, mais néanmoins réels, dans le cœur de ceux qui ne sont pas les tiens.

Il n’est pas un peuple, pas une race, pas un royaume qui soit aujourd’hui présent à Thaar que le Puy n’a pas un jour dans son histoire attaqué en plein cœur.

Fiches des combattants:

Au roulement sourd des tambours... Sous les gradins, la présence vivace de la populace se répandait en un écho lointain, étouffé, qui su pourtant trouvé un écho dans la pulsation des éldéens présents. Deux visages étaient d'un noir profond, l'autre gris, et tous trois attendaient, frissonnant aux sons des vivats et des éclats de Mamba. Une vulgaire sang-mêlée dont, pourtant, ils oubliaient en cette heure la nature, seulement portés par son exaltation, et l'impatience qui se faisaient sentir dans leurs veines, en réponse aux tambours des noms scandés par la foule.

Un jeune prêtre de Zhak'Bar, habitué de Thaar et répondant au nom de Vorn, lorgna avec avidité la lumière filtrant à travers la herse, où les attendait une merveilleuse occasion de rappeler à la plèbe rampante de Miradelphia la place qu'était la leur. Enfin, eux... L'attendait lui. Presque craintif, le prêtre lorgna du côté de son supérieur, dont les yeux étaient clos, tandis qu'il faisait lentement jouer les muscles animant son corps massif. Si vieux... Et gris... Avoir côtoyé de nombreux mortels tendait à lui rendre ce terme de 'vieux' synonyme de faible, décrépi, que renforçait l'apparence usée du Gobelin. Mais, à le voir bouger, la sensation que ses battoirs pourraient lui broyer la gorge remettait les pendules de Vorn à l'heure. Qu'il écrase le champion humain et ce sera parfait. Sur l'autre flanc de l'eldéen massif, une prêtresse arborait un sourire dément de satisfaction.

"Réduisez-le en cendres, Ô Haut-Prêtre. Qu'il connaisse le souffle du Prime Dragon, et que ses semblables se remémorent Sa crain... susurra-t-il, .
- Tais-toi. Laisse-moi écouter... répondit le grondement du Gobelin. Lentement, ses lippes s'étirèrent, ses paupières se levant sur son regard de sang. Prépare-toi."

Dépité d'avoir été coupé dans son élan, le sombre retrouva néanmoins le sourire face à cette perspective. Oui, c'était une belle journée à Thaar. Où chacun avait son rôle à jouer, dans le spectacle qui s'annonçait. Inspirant avec délice l'air chargé de l'arène, le jeune prêtre se mit à incanter.

La lourde herse fut relevée dans un grondement de chaînes et de métal, le frémissement de la foule en écho des mots de Mamba. De la gueule obscure, il ne sortit d'abord rien. Puis, de l'autre côté de l'arène, le public put distinguer un rougeoiement, où se distinguaient des silhouettes sombres. De curiosité, les têtes des moins bien placés se tendirent... Et tous purent trembler car, brutalement, les murmurent moururent, dévorés par le rugissement qui emplit l'arène et s’éleva, à l'unisson d'un monstre de flammes.

Léchant de sa chaleur les plus proche, roussissant les visages des curieux, asséchant les gorges, une tête reptilienne s'extirpa du boyau, dévoilant crocs et flammes, cornes et crêtes hérissées. Un corps massif aux pattes puissantes et griffues suivit, de même qu'une queux qui balaya le sable et le fit grésiller. Pleinement libérée des entrailles de l'arène, portée par son élan, la bête flamboyante étendit ses ailes et rugit de nouveau, à la face des loges où se trouvait Mamba et les dignitaires... Avant de secouer le public de vagues de chaleur, prenant son essor, la gueule ouverte pour engloutir les cieux.

Aussi brusquement que le dragon avait surgi, le silence retomba, les peaux se rafraichissant brutalement après son passage. Les premiers spectateurs à baisser la tête découvrir sur le sable la présence de l'eldéen. Sans un chant, sans une pulsation magique, il s'était avancé, presque discret, laissant l’œuvre des prêtres de Zhak'Bar ravir toute l'attention, prières aux lèvres, regard levé vers le brasier s'élevant. Ce n'est qu'alors, une fois cette ode au Prime Dragon disparue au dessus de l'arène, que le Grand Gobelin rappela sa présence. Cuir sur la peau, plastron où résonnaient les tambours de son cœur, et ses deux lames en main, il frappa le sol du pied. Une fois. Arrachant un frisson au sable de l'arène.

HRP:

Einherjar ! Einherjar ! La foule extatique reprenait en cœur le cri de guerre de son champion tandis que la  grille se relevait, ce cri né lors de l'épreuve des madriers et qui depuis accompagnait chaque victoire de l'ancien baron d'Alonna dont le nom s'inscrivait en lettre de feu dans le cœur des vrais amateurs de combats. Depuis l'élimination de Sauveur, la foule portait ses faveurs sur le châtelain qui avait su se hisser jusqu'au duel final devant clôturer ces jeux historiques. Pour conquérir une foule, rien ne vaut la victoire d'un second-rôle réussissant à éliminer de son chemin les favoris annoncés par les parieurs. En tout cas dans les tribunes, ceux qui au début des jeux avaient mis une piécette sur la présence de Hanegard en finale pouvaient contempler avec plaisir leur bourse désormais bien pleine. Hanegard lui-même avait pensé se voir éliminé bien plus tôt mais le destin semblait l'apprécier au point de l'amener jusqu'à l'ultime affrontement contre le drow titanesque qui faisait trembler de peur les plus téméraires à chaque fois qu'il lâchait la bride à sa férocité démentielle.

Lorsque la grille fut entièrement relevée, une musique barbare en émergea alors qu'un objet indistinct s'avançait lentement depuis l'obscurité, bien trop imposant pour appartenir à un être de sang et d'os. Le public tendit le cou pouvoir voir ce dont il s'agissait, avant d'éclater en exclamations en constatant que l'objet se trouvait constituée d'un trône massif monté sur une plate-forme mobile que poussaient des esclaves en sueur aux muscles huilés. Assis sur le trône se trouvait majestueusement assis le Tueur de Rois, vêtu d'épaisses fourrures d'ours (pour un habitant de Thaar, une fourrure fait forcément penser à un barbare nordien) tandis que les mêmes jeunes filles quasi-dévêtues qui l'accompagnaient déjà en demi-finale attendaient dans des poses alanguies à ses pieds. Afin de parfaire la scénographie, de fausses têtes tranchées portant des couronnes avaient été installées sur les abords du trône, comme pour rappeler que les seigneurs de l'arène devraient se soumettre à son jugement.

Hanegard ne broncha pas alors que la grille du Gobelin se levait également et que les effets pyrotechniques des mages drows prenaient leur essor dans une sorte de feu d'artifice destiné aux fêtes d'anniversaires des hobbits. Quelle virilité y a t'il dans le maniement des arcanes permettant de frapper de loin sans jamais oser affronter son adversaire ? Les drows démontraient ainsi une nouvelle fois leur talent magique... et personne à Thaar ne remettait en doute les capacités des mages du C'nros psychopathes ou des prêtres déments bavant devant les autels de leurs dieux corrompus... au détriment de leurs capacités lames en main. A Alonna comme à Oësgard, des explosions arcaniques spectaculaires avaient ainsi pu jeter le trouble parmi les humains avant que les natifs de l'Elda n'y endurent d'humiliantes défaites. Ainsi en serait-il à nouveau en ce jour glorieux, et le drow massif qui venait d'entrer dans l'arène n'y pourrait rien changer !

Se redressant sur son trône, sublime dans sa farouche beauté barbare, le Tueur de Rois se saisit des armes que lui tendaient deux jeunes filles tandis que les autres l'aidaient à ôter les fourrures qui l'encombraient. Tous purent alors constater que son équipement semblait similaire à celui utilisé lors de la demi-finale... à deux exceptions prêt : dans sa main gauche il tenait un bouclier rappelant celui du Gorlock, mais recouvert d'une gaine de velours comme pour en cacher les détails du motif à la vue de son adversaire. Et à sa ceinture pendouillaient deux petites jarres en terre cuite semblables à celles qui ornaient l'embout des flèches enflammées de X'Andarin dont l'usage avait produit tant d'effets dévastateurs lors de son dernier combat. Apparemment le Tueur de Rois ne se contentait pas de décapiter les seigneurs de l'arène, il leur prenait également leurs armes.

Sautant lestement au sol, Hanegard brandit sa lame en direction de son adversaire tout en s'exclamant d'une voix qui résonna dans toute l'arène :

Lor a dosst elamshin, obok m'thain d'Zhak’Bar ! Zhennu zhah dosst yorn lu'gareth zhah dosst orn, jhal nindol orn naut tlu z'lonzic qua'laen l'valuk's ktonos !
Contemples ton destin, Haut-Prêtre de Zhak’Bar. Grand est ton pouvoir et solide est ta volonté, mais cela ne sera pas suffisant contre le Tueur de Rois !

Nombre de spectateurs furent surpris de voir un humain défier ainsi le Triumvir dans sa propre langue, d'autant plus que peu de péninsulaires qui parlaient rarement ce lointain idiome avec une apparente telle maîtrise. Mais Hanegard ayant pendant une décennie dirigée la baronnie frontalière où les osts drows se brisaient lamentablement, il possédait quelques notions de base dans la langue eldéenne et avait ainsi pu apprendre par cœur le texte composé grâce à l'aide d'un traducteur fourni par Aerianna. S'il n'était à nouveau clairement pas le favori tant Urgoll paraissait indestructible et animé d'une magie pouvant déchaîner de redoutables cataclysmes, Hanegard avait montré une résilience lui pouvant laisser espérer de réussir l'impossible : vaincre l'un des trois Seigneurs de l'Elda.

Avisant Krish en tribunes aux côtés d'Aerianna, l'ancien baron lui envoya un baiser comme en demi-finale, autant pour montrer qu'il ne craignait pas le titan se dressant face à lui que pour préparer l'avenir au cas où le sort des armes lui serait favorable. Sa lame fièrement levée pour capter les rayons du soleil, le Tueur de Rois entreprit tranquillement un tour d'arène pour bien chauffer le public qui ne demandait pas mieux que ces manifestations d'avant-combat permettant de faire durer le plaisir. Toutefois, et à l'inverse de sa demi-finale, Hanegard entreprit cette fois-ci de regarder discrètement mais attentivement les lieux afin de déceler sur le sable de l'arène toute trace qui pourrait indiquer la présence de "surprises" contactées par Mamba. Une fois son tour achevé, il vint se placer à un endroit bien précis repéré la veille où il attendit que l’organisatrice donne le signal du début des hostilités.

À Mamba, il pousse des ailes. Ses prunelles s’éclairent et son cœur s’emballe, car sous ses yeux c’est sa finale qui vient de commencer ; et ses gladiateurs sont à la hauteur de ses espérances. Même elle est surprise par la créativité et l’énergie que mette les finalistes à s’attirer les faveurs du public. À ce jeu là, le Tueur de Rois s’en sort peut-être un peu mieux. Il a su rester simple dans son exubérance, quand la démonstration de force d’Urgoll’Ven rappelle la puissance que les daedhels sont capables de mettre en œuvre avec les Arts.

Qu’importe, au fond, les atermoiements des uns et des autres. Les nuages sombres qui obscurcissent l’avenir des Principautés se dissipent, poussés par la ferveur populaire. Le Vaani a peut-être peur d’Urgoll’Ven, mais dans l’arène, il a appris à respecter sa force. Il en va de même pour Hanegard Kastelord ; ceux qui se gaussent de lui comme d’un barbare primitif sont les premiers à scander son nom et à répondre à son cri de ralliement.

C’est là la magie des Grands Jeux, que personne n’attendait, que personne n’a vu venir, mais que tout le monde ressent désormais.

Quand les combattants ont fini de se positionner là où on le leur a demandé, Mamba frappe plusieurs fois dans ses mains et les Grands Sablons applaudissent à leur tour. Alors, la sang-mêlé rit, car son public chéri n’est pas au bout de ses surprises.

Il reste à la sulfureuse présentatrice un ultime atout à annoncer. Son dernier présent à la plus grande cité du monde qu’elle aime tant.

« Ô, vous qui avez su triompher des épreuves les plus dures et des adversaires les plus féroces, êtes-vous prêts à vous battre une dernière fois ? L’un d’entre vous est appelé à devenir le plus grand guerrier de Miradelphia ! » Elle marque une pause et ronronne presque de contentement, avant d’enfin lâcher la grande annonce dont elle rêve depuis plusieurs ennéades déjà. « À moins que ! À moins que ma championne ne vous brûle la politesse… »

Elle éclate de rire.

Une grille se soulève. Une troisième. La dernière, a priori.

Le Maître du Jeu, s’adressant à Shyn’tae… Quand Mamba en personne est venue te proposer de participer à son tournoi privé, elle t’a promis gloire et fortune si jamais tu venais à te frayer un chemin jusqu’à la victoire. Elle a bien pris garde de ne pas mentionner que son champion participerait à la finale des Grands Jeux, cependant !

La veille, tu as triomphé de ton adversaire masqué. On t’a soigné avec beaucoup d’application et cette diligence était suspecte, car après tout, tu n’avais plus à te battre. Tu as pu te dire que c’était pour que tu sois présentable pendant les grandes célébrations qui doivent marquer la fin des jeux, ou bien tu as commencé à te douter de quelque chose. Dans un cas comme dans l’autre, te voilà qui pénètre dans cette arène que tu ne pensais plus pouvoir visiter.

Te voilà qui t’avance vers tes deux adversaires du jour.

Ils te regardent, très certainement avec beaucoup de confusion, car ils n’ont pas été mis dans la confidence.

Au dessus de toi, ta silhouette diaphane s’élance dans les airs. Tu la vois danser, bondir, frapper d’estoc… après quelques secondes de confusion, tu te rends compte que ce sont tes combats du tournoi de Mamba qui sont en train de se rejouer, pour la plus grande surprise du public. Ton double terrasse X’andarin quand tu t’arrêtes à cinq bons mètres de tes nouveaux adversaires, que tu sais redoutable et qui ne voient peut-être pas ta présence d’un très bon œil.

« Pendant que vous vous battiez dans la lumière, ma Shyn’tae se démenait dans l’ombre. Elle triomphait des autres prétendants qui voulaient devenir mon champion. Elle a gagné sa place ici, que personne n’en doute ! »

Après cette rapide explication au Tueur des Rois et au Gobelin, elle énonce un ultime avertissement — qu’elle t’a déjà adressé en privé en même temps que la « grande nouvelle ».

« Vous êtes ici pour vous battre pour vous, pour la victoire, pour la gloire, pour vos admirateurs qui vous regardent. Vos allégeances ne nous importent pas. » D’aussi loin, c’est difficile de t’en assure, mais tu as l’impression qu’elle regarde le Triumvir’ en disant cela. « Si nous, peuples de Thaar et de Miradelphia, nous apercevons que vous avez perdu cela de vue, que vous vous abaissez à de vulgaires et basses alliances pour triompher… nous saurons rééquilibrer le combat. »

La menace est vague, mais l’intention claire.

Mamba t’aime et te respecte, mais tu es une Eldéenne et elle n’a aucune envie de voir le clou final de son spectacle tourner au désastre.

« GUERRIERS ! COMBATTEZ ! » hurle-t-elle enfin, sans autre forme de procès.

Le tournoi de Mamba s'était achevé, laissant derriere lui le goût de la victoire. Pourquoi était-il si amer, s'était-elle demandé? Après cette chute humiliante, elle avait triomphé de tous les adversaires qui s'étaient dressés devant elle, les uns après les autres et parfois plusieurs à la fois. Cette victoire, elle l'avait arraché, pourtant, maintenant qu'elle la tenait enfin au creux de sa main, elle s'était avérée bien décevante. Il ne fallait pas se méprendre: Avec elle s'ouvraient les portes qu'elle espérait, et elle pourrait certainement assouvir ses ambitions en laissant de l'espace à celles de Viconia. La mission était accomplie. Mais cela ne suffisait pas à faire taire en elle l'impression qu'elle aurait du ressentir un peu plus d'enthousiasme.

Par contre, elle était parvenue à éviter son père, Et ca c'était une victoire qu'elle appréciait à sa juste valeur. Malheureusement, cela ne durerait par éternellement, il faudrait bien l'affronter à nouveau un jour. La vie était un éternel recommencement.

Na'ri s'était d'abord occupé de ses blessures, vite assistée dans sa tâche par une équipe de soigneurs additionnels. C'était pour le moins louche, et la drow, pas totalement née de la dernière pluie, avait commencé à se poser des questions dont la réponse viendrait bien vite.

Son cœur avait manqué un battement à la proposition de Mamba. A ses implications vertigineuses. Et un large sourire était apparu sur son visage fin, un sourire qui valait toutes les réponses. Ce n'était pas une proposition qu'elle aurait pu, ni voulu refuser. Oubliée la deception. Voilà quelque chose qui la faisait vibrer. Un nouveau défi que la voix de la raison hurlait qu'elle ne pouvait remporter. Était-ce vrai? Il n'y avait qu'un seul moyen de savoir. L'excitation venait d'embraser sa flamme.

***

Dans l'obscurité, la daedhelle tournait comme un lion en cage. D'un coup d'oeil au travers de la grille, elle avait suivi les entrées tonitruantes des deux finalistes. Déchainement d'énergie arcanique pour l'un, decorum en carton pate pour l'autre. Il fallait avouer qu'ils avaient tous deux un certain sens du spectacle, et les moyens pour les mettre en oeuvre.

Pour sa part, elle n'avait rien, pour ce qu'elle en savait, son sponsor n'était pas informé non plus. Elle n'avait rien, mis à part l'effet de surprise. La perfection était dans la simplicité. Nul besoin de surenchère pour faire oublier le fracas des deux fanfarons(1).

La drow sourit en se souvenant des paroles de Mamba. L'organisatrice s'était sentit l'obligation bien naturelle de lui conseiller de ne pas s'allier au triumvir. "Aucun risque. Si les éldéens n'aimaient pas tant se malmener les uns les autres, le monde serait bien different." Avait-elle répondu en riant. Et en effet, Shyn'tae se demandait si sa présence ne serait pas plutôt un atout pour Hanegard.

Le cœur battant à tout rompre, la magicienne ferma les yeux et fit l'effort de souffler.

***

La grille s'ouvre finalement, et, sans avoir besoin de les commander, ses jambes fines, ses pieds nus se meuvent et foulent le sol de l'arène. Le soleil l'éblouit un instant, mais elle ne s'arrête pas, impassible, un léger sourire au lévre. Le public s'est tu, pris de surprise par la révélation de Mamba et l'irruption de la drow au cheveux de neige dont la cape et la jupe vole au vent. L'ambiance est irréelle. Elle n'est pas pressée, elle imagine Viconia. Elle est forcément surprise. Parvient-elle a cacher les émotions qui la traversent? Deux alliés, Urgoll'ven et Shyn'tae, dans une arène, à s'entretuer pour l'amusement d'autrui. Ca ressemble à une si bonne idée.

Son regard pétille d'excitation, un petit sourire plein de malice orne son visage. Eveil, dégainé, reflète comme un miroir les rayons du soleil pour étinceler plus vivement qu'une lame de feu. Concentrée, elle ne regarde pas les images opalescentes au dessus d'elle. Le ruban de tissu entourer la silhouette dansante, puis s'élancer au travers des combattants et y faire un carnage. Les finales de ses duels, parfois légèrement romancés, puis à la fin, la chute de X'andarin, au ralenti, Eveil au travers de l'abdomen et la tête de la daedhelle dans son sternum.

La drow s'arrête à l'endroit prévu. Les trois adversaires forment un triangle parfait. Elle s'incline devant eux souplement.

- Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre. J'ai du emprunter un léger détour.

Et sur ces entrefaites, Mamba donna le signal du combat.

(1): Malgré tout le profond respect teinté de crainte qu'elle avait envers Urgoll'ven, il fallait bien avouer que le dragon de feu avait été une demonstration à l'esthétique un tantinet folklorique.

Lui. Lentement, les battements de coeur du Gobelin s'amplifit. A la provocation du mortel, il ne répond pas. Satisfait de l'avoir pour adversaire. Amusé par son petit discours. Ses mâchoires se crispaient sous la douce sensation. Familière. Avide. L'impatiente avant un combat. Que son adversaire fanfaronne, tournoie, fasse des milles et des cents... Cela ne changeait rien aux yeux du Gobelin. Une vulgaire perte de temps... Avant la vérité.

Une nouvelle surprise, un nouvel éclat de Mamba. Une nouvelle porte s'ouvre, et c'est une danseuse qui s'avance. Stupéfait, le Gobelin en haussa un sourcil. Après la chute, elle s'était relevée ? Bien, voilà qui était bien. Les propos de la présentatrice ne lui tirèrent qu'un ricanement sombre : des alliances ? Dans l'arène ? Dans la fosse ? Là n'était pas le but, là n'était pas le plaisir. D'un hochement de tête, le triumvir' salue la 'cueilleuse' de drosera, avec un grondement sombre. Voilà qui pimenterait les choses...

La foule qui explose en cri, stupéfaite, réjouie. Leurs voix tonnent et tordent l'air, faisant peser sur l'arène leur attente, ravi par ce spectacle inattendue, cette nouvelle facétie. Sous leurs vivats, les combattants ont prit place. Par d'amples inspiration, le Gobelin se prépare, ses mains accrochées à ses lames, son être vibrant d'une énergie ne demandant qu'à être relâchée. Seuls les prêtres ont fait parlé leur feu, celui du Haut-Prêtre ne fait que gagner en puissance. En as-tu fini, demi-sang ?

Et c'est avec le sourire qu'il l'entend, enfin : l'appel à la mort.

Ou peut-être pas. Ce n'est pas l'objectif des Thaari. Cette volonté cependant pulse dans l'eldéen, qui ne se fait pas prier. Après tant d'épreuves, de détours, de test et d'ennui, voici la fin, celle qu'appelle le peuple Thaari ! Que les eldéens, eux-aussi, y goûtent, à cette orgie. Car de la puissance, il y en a. Deux mages, rien que cela. Que restera-t-il de l'arène ? S'il ne tenait qu'au Gobelin, des ruines et des cendres. Cela ne sera pas permis... Sans que cela l'empêche d'y aspirer. Avec vivacité, envie et rage, il se met à danser. Martial et ancien, son corps attire, précipite à lui les flux arcaniques : le corps à corps à corps viendra sans doute, mais d'abord, il embrasera l'arène de magie !

Admirablement digne et sublimement stoïque, tel parvint à demeurer le beau gosse d'Alonna lorsque Mamba annonça que le duel tant attendu se voyait ajouter un nouveau participant dont personne n'aurait imaginé la présence. Ou plutôt une participante car l'organisatrice dévoila une autre daedhelle en théorie éliminée depuis la désormais lointaine épreuve des madriers : la belle Shyn'tae Vaen're. Par les valseuses atrophiées d'Uriz l'Impuissant, que faisait-elle donc là ? Et de quels autres prétendants parlait Mamba pour ces combats ayant eu lieu dans l'ombre ? Le peu d'explications données en pâture à la curiosité bien naturelle qu'engendrait une telle surprise ne suffisait probablement pas, mais au fond les deux finalistes primordiaux se désintéressaient des raisons ayant amené Shyn'tae jusque là. En véritables guerriers, seul leur comptait sa présence et ce que cela impactait.

Ta foutue championne, je vais me la faire fissa fessa et ensuite c'est toi que j'irai démonter, marmonna le Tueur de Rois dans sa barbe en jetant un regard mauvais à Mamba qui pérorait comme une catin avinée sur son estrade. Car sous son apparence digne et stoïque, Hanegard n'appréciait pas du tout ce qui arrivait.

Passer de deux à trois duellistes changeait en profondeur les données du problème à résoudre, le complexifiant et le rendant plus chaotique à la fois. Sans se prétendre un expert dans l'art du calcul mathématique de haut-niveau, Hanegard soupçonnait vaguement que ses chances de succès venaient de passer approximativement d'une sur deux à une sur trois, quand bien même il ne disposait présentement d'aucune méthode formelle apte à appuyer sa thèse avec toute la rigueur scientifique nécessaire. Mais ce chiffre de un sur trois sera cependant accepté comme valable jusqu'à preuve du contraire. Afin de remporter le titre de meilleur guerrier de Miradelphia... et accessoirement de survivre à cette journée sanglante... il lui fallait maintenant venir à bout de deux adversaires à la fois.

Ça faisait chier.

Il fallait ajouter à cela qu'Hanegard connaissait particulièrement mal les caractéristiques de combat de Shyn'tae, ne l'ayant quasiment pas croisé tout au long des différentes épreuves du fait de son élimination précoce. De fait, il ne l'avait véritablement vu combattre que durant la Grande Mêlée, où le bazar ambiant ne permettait guère de véritablement deviner les points forts ou faibles de chacun des participants. Contrairement à Urgoll avec qui il avait pu combattre durant la Horde des Morts puis dont il avait soigneusement décortiqué la violente demi-finale, le Tueur de Rois ignorait quasiment tout de cette nouvelle menace qu'il lui fallait gérer. La dernière ennéade lui avait permis d'imaginer une tactique apte à contrer le Haut-Prêtre démolisseur forcené d'arène, tactique qui ne pouvait hélas plus fonctionner correctement lors de l'ajout d'un troisième larron dans l'équation.

Ça faisait sacrément chier.

Le peu qu'il savait de la championne désignée par Mamba se résumait à ceci : il s'agissait d'une puissante magicienne de l'immatériel appartenant à une sorte d'université drow au nom rigoureusement imprononçable pour un cerveau insuffisamment embrumé par les vapeurs de l'alcool ou de la drogue. Mais une magicienne pour sûr, c'est-à-dire une adversaire pouvant l'atteindre à distance avec une précision probablement au moins égale à celle dont X'Andarin faisait preuve avec ses flèches. Enfin, précision... le mot pouvait paraître quelque peu exagéré car certes X'Andarin lui en avait collé une dans l'épaule, mais la seconde avait fini dans le genou d'un spectateur innocent. Malheureusement un pareil coup de chance en sa faveur n'allait pas se reproduire à chaque tir et Hanegard se retrouvait donc le seul du trio à ne pas pouvoir utiliser de véritables armes de jets, si l'on exceptait sa dague ou ses jarres de terre cuite dont la portée de lancer demeurait notoirement limitée. Point de telles limitations pour les deux drows qui pouvaient l'assaisonner depuis l'autre bout de l'arène s'ils manœuvraient habilement.

Ça faisait tellement chier qu'on aurait pu en élever une statue de merde à l'image de Mamba.

Réfléchissant à toute allure, Hanegard adapta sa stratégie initiale pour adopter une nouvelle tactique issue des enseignements des meilleurs stratèges dawis. A savoir la méthode fort appréciée au Zagazorn et portant le délicat nom de "quand tu as le cul contre le mur, baisses la tête puis fonces dans le tas". Cette tactique aussi subtile qu'efficace lui avait été enseignée par Dun Eyr, un dawi d'illustre mémoire alliant la folie furieuse du dément en phase terminale à la légendaire ruse du goupil des fables lorsqu'il s'agissait de trouver une bergère à culbuter ou un gigot à mitonner. Bref la meilleure défense face à l'imprévu resterait l'attaque, tactique qui pouvait d'ailleurs recevoir également l'aval d'Urgoll dont le regard carnassier lui dévorait les pupilles. Si la délicatesse avait un temps imaginé avoir droit de citer durant ce duel, elle pouvait maintenant abandonner tout espoir.

Hanegard ne fut guère surpris de voir le vieil eldéen se mettre à danser pour invoquer son art car il ne faisait là que répéter le scénario victorieux de sa demi-finale : déclencher un colossal chaos dans l'arène pour s'en délecter et se trouver dans un environnement déstructuré qui lui convenait parfaitement. La main du Tueur de Rois se saisit du poignard qui pendait à sa ceinture et le lança au jugé dans la direction du danseur avec le secret espoir de le troubler dans son incantation voire de l'atteindre. Du coin de l’œil Hanegard vit que sa tentative allait rater sa cible, pas de beaucoup certes mais la dague ne se planterait pas dans la peau parcheminée du Gobelin. Dommage bien que guère surprenant, la maîtrise du lancer de couteau tellement révérée par la pègre péninsulaire ne faisait pas partie de ses principaux talents. Restait à espérer que de voir siffler une lame à une dizaine de centimètres de sa tête troublerait le Haut-Prêtre.

Mais déjà le Tueur de Rois s'était déplacé sans attendre de savoir si sa dague réussirait à remplir son objectif initial. Ses pieds puissants martelèrent le sol de l'arène alors qu'il fonçait en direction de...

...de Shyn'tae.

Certes le Gobelin faisait peur, certes le Gobelin pouvait causer des dommages titanesques, certes le Gobelin constituait une menace considérable, mais à tout le moins il connaissait la façon de combattre de cet adversaire et pouvait espérer agir en conséquence. A l'inverse, sa quasi-ignorance des capacités de la magicienne constituait un risque qu'il s'avérait impossible d'ignorer et qui imposait de la mettre rapidement hors de capacité d'agir. Seule des trois duellistes à avoir pu se préparer à une telle configuration pour la finale, la belle disposait d'un avantage indéniable en ce début de confrontation. Par chance, l'eldéenne semblait surtout concentrée sur son massif congénère et sur la magie destructrice qu'il s'afférait à assembler, concentrée au point de ne pas voir d'où venait le danger immédiat la menaçant. Bouclier dressé devant lui, fonçant tel un taureau furieux, le Tueur de Rois la percuta violemment et l'envoya valser au sol comme une poupée de chiffons. "BONG" firent le crâne et le bouclier en entrant en collision, pour la plus grande joie de la foule qui profitait du spectacle.

jet de dés:

Shyn'tae avait eu beau retourner cette situation dans sa tête à de nombreuses reprises lorsqu'elle attendait son tour, elle n'avait trouvé aucune manière de la tourner à son avantage. Elle connaissait le potentiel de destruction du Gobelin, et le savait capable d'incanter vite, sous la pression, tout en prêtant attention aux alentours. Bref, c'était un mage du C'nros, prêt au combat.

Hanegard quant à lui était un combattant expérimenté et, pour l'avoir vu combattre, il méritait sa place en finale. Le fait qu'il ait tué des rois ou pas n'était pas la question. C'était un débat historique passionnant, mais qui l'indifférait pour l'heure : la question était qu'il se trouvait à quelques mètres de lui, et qu'il était armé et dangereux.

Trois adversaires. Elle pensait comprendre la psychologie d'Urgoll, et il connaissait ses capacités. Elle soupçonna qu'il cherche soit à la neutraliser rapidement, soit à emplir le champs de bataille d'un tel déchainement de puissance arcanique que ses deux adversaires seraient condamnés à y bruler à petit ou grand feu. Mais Hanegard était une inconnue totale. Comme si deux éldéens n'étaient pas déjà capables de créer le plus grand des chaos à eux deux, il avait fallu ajouter un electron libre.

C'était une question de paris. Il ne fallait pas qu'Urgoll lance son sort. Elle supposa qu'Hanegard en était conscient aussi, et qu'il ferait ce qu'il fallait pour s'y opposer. Urgoll était l'individu le plus dangereux dans cette arène, il était capital de commencer par  N'importe quel drow aurait fait cela. Elle tenait un début de plan. Ce n'était pas le genre de plan qui donnerait la victoire, et il fallait bien reconnaitre qu'il était plein de trou. Mais avec un peu de chance, il la mettrait dans une situation pas trop défavorable pour la suite.

Son corps se mit en mouvement aussitôt que le signal avait été donné par Mamba. Vive, précise, elle savait ce qu'elle avait à faire. Et elle devait le faire aussi vite que possible. Ses mirettes sanglantes se posèrent sur la danse bestiale du haut prêtre, ses jambes fines s'animèrent, Eveil dansa en reflétant les rayons du soleil. Quelques secondes seraient suffisantes. Puis elle changerait de position.

Mais ce plan avait une faiblesse critique. Hanegard n'était pas drow. Alors que les alterations des motifs se propageaient jusqu'à Urgoll, le bouclier de l'humain lancé à pleine vitesse la frappa de plein fouet. Il y eu un nuage de poussière lorsque ses pieds légers décollèrent littéralement du sol selon les lois de la physique. Une centaine de kilogrammes d'Hanegard contre une cinquantaines de Shyn'tae faisaient ce genre de chose. Le sort lui échappa et se dissipa alors que la drow se sentait voler, à moitié assommée par le choc. En retombant sur le sol dur de l'arène, une douleur intense s'empara de son poignet gauche.

Etourdie par l'impact, au sol, les bottes d'Hanegard dangereusement proches, la daedhelle dut bien admettre que ce combat démarrait un petit peu moins bien qu'elle ne l'aurait espéré.

jets de dés:

Au rythme du corps en mouvement, la magie est attirée, accumulée. Tel un feu qui s'embrase, le Gobelin se fait vecteur de la magie de son dieu. Adoration, destruction, deux volontés liées en son projet funeste. Le mortel charge... Sur l'autre. La percute. L'envoie au sol. L'eldéen apprécie le gain de temps... Avant qu'un reflet n'attire brusquement son attention. Malédiction !

Pourtant, l'arme de jet rate, ne touche en rien peau comme protection, disparait dans le sable derrière-lui. Cela, pourtant, suffit. S'étant crispé, le grand sombre perd le fil... Et son sort lui échappe. Chaos intérieur, l'énergie arcanique s'emballe... Un peu. Car le mortel a été vif, ne lui laissant pas le temps d'accumuler davantage. Dommage pour le sort, tant mieux pour le drow. Echouer ainsi, chargé réellement de magie eut été pire. Ridicule. Le corps s'agite un bref instant, hors de contrôle, sous un flux chaotique, alors que des lumières brouillent sa vue. Puis cela passe, le drow se secoue puis sourit sombrement, malgré les piques de douleur, malgré les légers spasmes.

Une pichenette divine. Pour lui rappeler ce qu'il en coûte. L'échec. La douleur. La mort. Toujours ainsi. Ainsi survit-il. Envers et contre tout. Qu'ils périssent... Ou qu'il se consume dans cette démence destructrice. Un rire le prend, qui lui desserre les crocs, lui enjaille la gueule.

Bien. La sombre est au sol, le mortel encore debout. Voilà un défi qu'il lui faudrait savourer.

jets de dés:

Hanegard jeta un regard morne en direction de la forme prostrée qui gisait lamentablement à ses pieds. Shyn'tae avait encaissé de plein fouet sa charge et la différence de poids entre eux venait de faire le reste en l'envoyant temporairement au pays des songes et des licornes volantes. Rien de véritablement étonnant car la daedhelle ne pesait guère lourd alors que le Tueur de Rois se trouvait doté d'une solide carrure, sans compter l'ajout amené par sa cotte de mailles et par son bouclier. L'assaut tenait d'ailleurs presque plus de la bagarre de taverne que du noble art du duel, mais comme l'enseignaient la plupart des maîtres d'armes à travers le monde "tous les moyens sont bons tant que tu zigouilles l'autre enfoiré en face". Placé dans une situation aussi dangereuse que ce duel face aux deux redoutables eldéens, Hanegard validait totalement ce principe martial plein de bon sens.

Plus étonnant, aucun sortilège mortifère ne se déchaîna entre les doigts crochus d'Urgoll alors qu'Hanegard aurait juré que sa dague l'avait bel et bien loupé et que Shyn'tae n'avait pas eu le temps de lancer sa propre attaque avant le choc contre son bouclier. Apparemment le Gobelin venait tout simplement de rater son incantation, pris de surprise par l'éclair métallique l'ayant frôlé. Béotien complet en magie, Hanegard n'ignorait toutefois pas qu'incanter un sortilège demandait une concentration remarquable tant l'édifice arcanique se révélait fragile et propice aux effets entropiques. Au moins une bonne vieille épée comme on les aime ne risquait pas de décider en plein assaut qu'elle serait mieux placée en changeant de forme ou toutes autres innovations inattendue. Cette perpétuelle incertitude liée aux arts magiques et les risques qu'ils faisaient courir à leurs lanceurs constituait l'une des raisons pour lesquelles Hanegard s'en montrait fort méfiant.

Car franchement, il faut être un peu timbré pour devenir mage, non ?

Flanquant un coup de pied dans les côtes de Shyn'tae pour vérifier qu'elle était bien inconsciente, Hanegard se retourna vers Urgoll et le désigna du bout de sa lourde épée bâtarde que bien des gens auraient eu du mal à manier à deux mains mais qui semblait une plume lorsqu'elle se retrouvait au bout de son bras musculeux et huilé. Cette finale n'était pas seulement un duel, pas seulement un affrontement entre les trois meilleurs gladiateurs de leur époque. Cette finale constituait l'apothéose des jeux organisés par les plus puissants Princes Marchands de Thaar, l'aboutissement de nombreux mois d'efforts et l'origine de maintes légendes qui parcourraient bientôt le monde d'Ydril à Lante et de Malereg à l'Elda. Le public voulait vibrer, frissonner, s'extasier, s'élever dans des orgasmes virils dans cette arène où communiaient tant de Souffles unis par la violence inhérente à la nature des mortels.

Sois patient, Haut-Prêtre ! Je finis cette gêneuse puis nous réglerons notre affaire comme cela était écrit.

La voix du Tueur de Rois avait résonné jusqu'aux plus hauts gradins qui ne demandaient que cela. Non seulement ils assistaient à un combat féroce entre les dieux du stade, mais en plus on leur offrait les dialogues nécessaires ensuite à égayer les différentes histoires qu'ils pourraient narrer au coin du feu à leurs petits-enfants émerveillés. J'y étais, ce jour là ! Dans la grande arène de Thaar ! J'étais présent lorsque le Seigneur des Wandres et le Triuvmir Eldéen se défièrent tels deux titans des âges oubliés ! Et n'oubliez pas de revenir voir papy à la prochaine ennéade, bande de p'tits ingrats !

Après avoir ainsi interpellé le Gobelin, Hanegard fit pivoter son épée pour la pointer en direction de Mamba qui les regardait depuis sa place sous la loge d'honneur avec un regard où se mêlait la joie de voir le public apprécier ainsi "ses" jeux et la déception que sa championne se soit retrouvé projetée au sol dès le premier assaut.

Mamba ! Ta championne a peut-être survécu aux duels dans l'ombre, mais n'oublies pas qui est le véritable juge dans cette arène !

C'était gratuit, je l'admets. Provoquer non seulement Urgoll mais également l'organisatrice pouvait s'apparenter à un manque de prudence, mais oseriez-vous seulement recommander les demies-mesures lors d'une finale ? Si oui, alors vous n'en avez jamais remporté. En ce jour unique, sous ce soleil au zénith, aucun des trois combattants ne pouvait faire preuve de modération. L'Histoire attendait d'eux... non, l'Histoire exigeait d'eux... qu'ils se donnent à leur maximum en ôtant toute retenue et toute contrainte qu'en d'autres circonstances ils auraient respecté (dans le cas d'Urgoll cela était aisé, il lui suffisait d'être naturel). Pour Hanegard, cette rage de vaincre ne lui était plus habituelle depuis son exil des Wandres deux décennies auparavant, mais il retrouvait la saveur de ce doux nectar qu'est la violence brute et cela l'emplissait d'un feu intérieur qu'il ne contrôlait plus.

Pour un peu, il aurait demandé à Urgoll si le clergé de Zhak'Bar recrutait des humains.

Ayant fini ses provocations, Hanegard revint à Shyn'tae qui gisait toujours dans le sable tout en veillant au passage à la placer entre lui et Urgoll afin de ne pas perdre de vue le massif Haut-Prêtre. Ignorant la réaction que pouvait avoir un individu aussi chaotique et dément que le Gobelin, mieux valait ne pas lui tourner le dos. Inversant sa prise sur la poignée de sa lame afin de la placer pointe vers le sol, Hanegard banda ses muscles et arma son coup non sans ressentir une pincée de regret face à la cruauté de son acte en tout point digne des mœurs drows mais fort éloigné des enseignements du clergé de Néera auquel il avait longtemps tenté de rester fidèle.

Désolé Shyn'tae, tu n'aurais jamais du intervenir dans ce duel.

Cette phrase ne fut pas beuglée comme les précédentes mais presque murmurée et seule l'intéressée aurait pu l'entendre si elle prêtait l'oreille. Frapper ainsi un adversaire au sol manquait de panache, toutefois ce duel ne respectait en rien les codes de l'escrime auquel s'adonnaient les nobles indolents de la péninsule ou d'ailleurs. Dans la même situation que lui, Hanegard ne doutait pas que les deux eldéens auraient eux aussi agit ainsi et il ne voyait aucune raison de se comporter comme un preux chevalier face à des drows qui auraient trouvé de tels scrupules risibles. La cible à terre était si facile à atteindre que même totalement torché il aurait pu frapper au but. La lame du Tueur de Rois plongea vers le bas, vers le corps immobile de Shyn'tae lorsque au dernier moment celle-ci se retourna à la vitesse du serpent et que sa propre épée fusa en direction de son bourreau. En plein attaque, Hanegard ne pouvait plus stopper son mouvement. Avait-il péché par arrogance en n'achevant pas plus rapidement la daedhelle ?

Ce n'était pas bon. Le sable de l'arène mêlé à ses cheveux de neige, le goût du sang dans la bouche, la drow avait du mal à reprendre ses esprits. La magie bourdonnait encore dans ses oreilles. Sa main serrait encore Eveil, en un reflexe salutaire. Les yeux à moitié clos, elle regarda, légèrement absente, les bottes de l'humain se rapprocher. Un pas vers elle. Dans le recoin le plus lucide de son cerveau, une voix claire nota qu'il était décidemment bien stupide, quoique… Ils auraient du tous deux être à l'état de chair carbonisées à cet instant.

Mais que faisait donc le Haut prêtre? Buvait-il une tisane au milieu de l'arène en les regardant? Était-il incapable de lancer un sort avec tout le temps que lui offrait cet imbécile? Ou prenait-il le temps de concentrer tant de puissance arcanique qu'il allait faire flamber toute l'arène. Il fallait dire qu'à sa place, Shyn'tae aurait été vexée d'être ainsi complétement ignorée.

Un pas de plus. La douleur de son poignet gauche était finalement assez supportable. Elle avait subi bien pire. Rien d'autre ne semblait cassé. Elle ne bougeait pas. L'homme donna un coup de pied dans ses côtes. Elle se força à ne pas réagir.

Sois patient, Haut-Prêtre ! Je finis cette gêneuse puis nous réglerons notre affaire comme cela était écrit.

Oui, c'est ca, il est certainement en train de t'attendre. Gêneuse. Juste ca. Tu vas voir, je te le ferai payer d'une façon ou d'une autre.

Mamba ! Ta championne a peut-être survécu aux duels dans l'ombre, mais n'oublies pas qui est le véritable juge dans cette arène !

Le véritable juge? Certainement pas lui. L'arrogance de cet individu commençait à lui taper sur le système, au moins autant que son obstination à vouloir lui faire mordre la poussière. Ses muscles se raidirent légèrement. Pas encore… Bientôt. En espérant que le Triumvir ne les incendie pas avant. C'était bien le genre de personnes à faire ca.

Désolé Shyn'tae, tu n'aurais jamais du intervenir dans ce duel.

Oh, vraiment? Elle remarqua l'épée monter. Le cœur de la sombre se mit à battre plus fort, plus vite. C'était… C'était maintenant.

Elle se retourne soudainement comme un chat, le regard meurtrier un instant croise celui du vétéran. La drow n'a peut-être pas son experience, mais elle est rapide...

« Comme le reste, le timing viendra avec la pratique. Réagit trop tôt et tu es facile à feinter, trop tard et… et bien justement, c’est trop tard. »

La phrase de Vaervy lui revint en mémoire. Était-ce trop tard? Elle s'appuya par inadvertance sur son poignet blessé. Elle aurait pu supporter la douleur sans grande difficulté, mais… le poignet céda légèrement, incapable de donner à la demoiselle l'impulsion qu'elle attendait de lui.

L'épée plongea. Trop tard. C'était un rien trop tard. Son épaule gauche encaissa le coup à la place de son thorax, la préservant du destin funeste que lui avait réservé le guerrier. Un craquement sinistre retentit néanmoins alors que la lame passait au travers du cuir de l'armure pour écraser et trancher dans les os et dans les chairs. Avait-elle déjà ressenti une pareille douleur?

Portée par l'adrenaline, elle hurle de rage comme un animal blessé. Il va la tuer, rien ne compte d'autre que lui, dont le visage se grave dans son esprit avec la douleur infernale qui consume tout son coté. Sous le bouclier, elle voit les fioles incendiaires de X'andarin. Vive comme un serpent malgré la souffrance, Eveil s'insinue sous le bouclier et fracasse une des deux fioles que le guerrier porte à la ceinture. La sombre s'attendait à une explosion, ou au moins à un début d'incendie. Nullement L'huile se répand le long de sa surface polie et sur le pantalon du tueur de roi. Manifestement, il en avait remplacé le contenu. Habile.

L'opportunité se referme alors que la lame du guerrier se retire de son épaule et que le bouclier pousse la lame de coté. Le sang imbibe son armure. Elle se souvient alors du serviteur du Prime dragon. Une idée impensable nait dans son esprit. Une idée pourtant si évidente  qu'elle se maudit de ne l'avoir envisagée plus tôt. Et si les deux finalistes s'étaient mis d'accord pour l'éliminer et avoir leur combat? Ca ne cadrait pas avec l'idée qu'elle se faisait du haut prêtre. Mais le connaissait-elle vraiment?

Elle ne veut pas mourir. Pas aujourd'hui, pas pour l'amusement d'une foule et surtout pas comme ca.

jets de dés:

Et le mortel de gueuler. Et l'eldéen de ployer. C'en était ridicule. Spectacle. Défi. Vraiment ? Le regard encore troublés par des lumières qui n'existent pas, le grand sombre se déplace, ayant semble-t-il le même genre d'idée que le Tueur de Rois. Au lieu de se retrouver dans le dos de celui-ci, il est bien placé pour le voir déclamer puis s'approcher de la femelle pour l'achever. De cela, le Gobelin n'a cure. Pour cela, il n'a pas la moindre pensée, le moindre intérêt. Il ne perçoit que le temps qui lui est offert. Jubilation. A nouveau, il se met en mouvement. A nouveau, il attire la magie, par cet appel dément de puissance, de celles qui peuvent ravager l'ennemi comme l'incanteur. Tels sont les servants de Zhak'Bar. Ainsi est-il, lui, plus particulièrement. Dément.

Le sable virevolte, ses muscles chauffent, son souffle est puissant, contrôlé, sa masse se courbe, ploie et se tend. Et cette sensation qui l'emplie... Atteignant le sommet, la crête, entre agonie et jouissance. Ô Prime Dragon. Ô Dieux Sombres. Sans plus de cérémonie, avec un sourire carnassier, Urgoll'Ven relâche, projette, emporte. Le sol. Crissant, grondant, le sable et la roche sous lui sont arrachés à leur lit, soulevés, retournés, jetés contre les deux combattants qui se confrontent. Millions de grains, éclats de roche, poings d'une dureté minérale, tout cela se déversent sur eux,  griffent,  repoussent, frappent et écrasent dans un petit déluge de violence brute, comme si la terre même se faisait leur ennemi, voulant les étouffer de son étreinte agressive et insidieuse.

Là où l'eldéenne se fait projeter sans offrir de résistance, le mortel parvient à tenir bon. Leurs armes ne leur sont pas arrachées. Succès en demi-teinte... Mais le sable les enlace, les retient. Toujours vivants. Toujours prêts pour le défi. Exultant, le Gobelin frissonne d'avance, un rictus de jovialité bestiale lui défigurant le visage. Ce n'est pas fini. Pas encore. Tant mieux. Il a faim de les frapper encore.

jets de dés:

Lorsque l'on joue son destin avec la Mort, ce qui sépare le succès de l'échec est aussi fin que le fil de sa faux, aussi rapide qu'un battement de cœur, et aussi éternel que les étoiles accrochées à la voûte céleste en se riant du destin des mortels. La lame de la drow jaillit tel un serpent sous le bouclier d'Hanegard mais ne put atteindre son corps musculeux et vint à la place fracasser l'une des deux flasques que le Tueur de Rois portait à la ceinture. Brisée en multiples fragments, la flasque dégueula un épais liquide qui se répandit sur la cuisse et le tibia. Pas de flammes ? Non, au grand désarroi des pyromanes en puissance qui auraient certainement adoré voir notre héros sans peur ni reproche se transformer en torche humaine, aucun effet pyrotechnique ne se joignit à la fête. Bien que d'apparence semblable à celui utilisé par X'Andarin lors de la demi-finale, le liquide dont disposait Hanegard ne semblait pas pouvoir déclencher sa combustion au seul contact de l'air.

La lame du péninsulaire par contre ne manqua pas sa cible, et si un mouvement désespéré de Shyn'tae lui évita de se faire transpercer de part en part comme un agneau destiné au méchoui familial, l'acier vint profondément trancher la chair et les muscles de l'épaule d'ébène. Avide d'ichor, la foule stupide et cruelle éclata en cris d'enthousiasmes qui couvrirent le hurlement de douleur de la blessée. "Putain de connards", pensa intérieurement Hanegard qui détestait ces merdeux compensant depuis ces gradins l'inutilité de leur vie misérable par la souffrance d'autrui. Être le champion de la foule et recevoir ses louanges à chaque victoire ne changeait rien au mépris qu'il portait à cette masse ignorante parmi laquelle bien peu auraient pu seulement encaisser sans s'évanouir le dixième de la douleur que subissait Shyn'tae en cet instant.

Mais l'heure se prêtait mal à la philosophie, comme allait nous le rappeler le Gobelin. Pour mettre la magicienne hors jeu, Hanegard avait en effet du détourner son attention du Haut-Prêtre en espérant que ce dernier le laisserait en finir avec elle avant d'entrer à son tour dans le bal. Pari risqué et dangereux qu'il n'aurait surement pas tenté s'il avait connu la mentalité profonde du Prime Dragon et la folie destructrice dans laquelle ce serviteur des ténèbres se complaisait. Profitant de ce moment de calme qu'on lui offrait pour incanter un sortilège, le Gobelin avait invoqué des arcanes maléfiques à la gloire de son dieu et les relâcha contre ses deux adversaires sans qu'ils puissent rien y faire. Une muraille de sable quasiment solide s'abattit sur eux avec la force d'un ouragan, entraînant dans son sillage des bouts de roche qui traînaient dans l'arène.

Faites moi penser de dire à cette gourde de Mamba qu'elle devrait mieux nettoyer sa niche, la prochaine fois.

Pivotant pour se placer face à la tempête, Hanegard leva son bouclier et s'arc-bouta dans le sol, raidissant ses muscles noueux pour résister à la puissance du sortilège. Du coin de l’œil il vit Shyn'tae se faire soulever comme une poupée de chiffons et projeter en arrière, mais à ce stade il n'en avait franchement rien à foutre tant l'effort consenti pour ne pas reculer ni laisser ses armes se faire arracher lui imposait une concentration totale. Sans doute Urgoll avait-il espéré le voir balayé comme un fétu de paille, sans doute comptait-il une fois le sable retombé le retrouver lui aussi gisant lamentablement au sol, sans doute croyait-il que jamais un humain ne pourrait résister à la divine fureur de Zhak'Bar. C'était là bien mal connaitre le métal dans lequel sont forgés les guerriers wandrais, et sous-estimer l'entrainement qu'ils subissaient avant de pouvoir revendiquer ce titre.

Enfin le souffle démoniaque cessa et Hanegard put reprendre son souffle, constatant à son grand déplaisir qu'il se retrouvait avec du sable quasiment jusqu'à la taille, et que le temps nécessaire à se dégager risquait de lui être refusé par Urgoll qui déjà entamait une nouvelle danse incantatoire destinée à punir l'insolent mortel osant lui résister. Que faire ? Sa dague gisait dans le sable hors de portée et ses flasques ne créeraient plus l'effet de panique tant espéré dès lors que les deux drows avaient compris qu'elles ne s'enflammeraient pas sans aide. Il ne restait que... la puissance de la technologie, l'érudition du savoir, le savant calcul issu d'études poussées dans le domaine des lois de la physique... tant de domaines dans lesquels les wandrais excellent, comme vous le savez sans doute. Non ? Attendez un instant, peut-être réajusterez-vous votre opinion sur les peuplades vivant entre le Royaume Péninsulaire et le Zagazorn.

Bouffes ça, ragea Hanegard en arrachant le mantelet de velours qui couvrait son bouclier pour en dévoiler le motif soigneusement caché depuis le début du combat, un motif qui n'en était pas réellement un contrairement à ce que tous dans le public ou dans l'arène pouvaient croire.

Le bouclier du Tueur de Rois se mit à luire violemment alors que l'intense soleil d'Ithri'Vaan à son zénith se reflétait sur le miroir qui s'y trouvait enchâssé et venait aveugler le Haut-Prêtre. Ce dernier, sous le coup de la surprise, interrompit un court instant son invocation destructrice sans cependant en perdre le contrôle comme lors de l'attaque avec la dague. Un court instant gagné, un court instant qu'il ne fallait pas gaspiller. Hanegard ne perdit pas de temps, profitant de ce répit inespéré pour se dégager de l'étreinte du sable en quelques coups de hanches aussi puissants que s'il s'était trouvé en train de besogner Krish. La gangue poudreuse s'ouvrit sous son passage et le Tueur de Rois s'écarta du piège juste avant qu'un éclair ne jaillisse du ciel pourtant limpide et ne vienne carboniser la zone où il se serait autrement trouvé. Tempête de sable, éclair, le Gobelin ne volait son titre de cataclysme sur pattes et il s'en était fallu de peu que le duel ne se soit arrêté là.

Se remettant en garde, le Tueur de Rois fit face à son ennemi, prêt à en découdre.

'jet de dés':

Une dune de sable, quelques grains de sables en dégringolent la pente, poussés par une brise invisible. L'imagine parfaite du désert? Un hurlement collectif, fruit de milliers de gorges retentit soudain. Le narrateur s'éloigne légèrement, se focalise sur l'arrière plan. Nous sommes pas dans le desert, mais bien dans une arène, à Thaar.

Un reflet éblouissant emerge soudain du sable, suivi d'une main d'ébène qui lâche la lame aussitôt, suivie, laborieusement, par la tête d'une daedhelle à l'air complétement déboussolée et maculé d'un mélange de sable et de sang. Le sien, car celui des deux autres n'a pas encore coulé. Elle prend une inspiration soudaine, puis tousse le sable qui lui emplit la bouche et elle ne sait quoi d'autre. Nul ne sait ce qui passe par sa tête, mais on se doute qu'elle n'a pas passé une très bonne journée.

Retour en arrière. La lame se retire in-extremis de sous le bouclier du wandrais avant que celui-ci ne risque d'écraser le poignet de sa propriétaire. La drow, le regard enragé, alors que l'épée de l'homme se retire de son épaule ouverte en une gerbe de sang acclamée par le public. Elle ne l'entend pas. Ce qu'elle sait, c'est que l'enfer va probablement se déchainer sur eux dans quelques instants. Elle aimerait se trouver loin de cet endroit, mais ce n'est malheureusement pas le cas. De toute façon rien ne se passe comme elle l'avait prévu.

L'instant d'après, elle se trouve justement loin de cet endroit, dans les airs, comme une poupée de chiffon, sur le dos, accompagnée d'un tas de sable et de pierres. Shyn'tae n'a rien contre s'envoler. Mais en général pas dans ces conditions. Elle en profite, malgré la douleur si intense qui rayonne de son épaule à chaque battement de son cœur, pour réfléchir au sens de la vie, ou plutôt à son manque de sens. Une idée géniale émerge.

Le sol frappe comme un gourdin, suivi d'une avalanche de sable qui la recouvre. Revenons à l'instant présent. Il parait que les drows sont têtus. Il faut dire qu'on les élève comme ca, à rechercher la perfection en toute chose, et surtout à ne jamais s'arrêter au moment où ils le devraient. Car c'est bien connu, si les drows savaient s'arrêter, ils auraient peut-être déjà conquis le monde, au lieu de rien du tout. Celle-là, plus particulièrement, a été élevée par deux parents tellement aimants qu'elle n'a jamais cessé d'aller à l'encontre de ce qu'on essayait de lui faire faire.

Ainsi donc, elle finit de cracher ses poumons en se relevant péniblement, remarque les deux couillons qui ont enfin décidé de s'apercevoir qu'ils existaient l'un et l'autre, et n'attend pas d'évaluer les dégâts. Ils ont l'air simples après tout. Avant, elle avait mal au poignet, maintenant plus aucune sensation ne semble émaner de son bras gauche, lequel pend lamentablement, surplombé par ce qui a du être une épaule à un moment ou l'autre. Mais maintenant, l'ensemble est une plaie dans laquelle surnagent quelques éclats d'os au milieu du sable et du sang. Elle souffre comme elle n'a jamais souffert, mais elle sait pourquoi. Finalement, se mettre un couteau au travers de la main, c'était plutôt léger en comparaison.

Mais lorsqu'on est têtu comme une mule, et bien on ne se laisse pas abattre. Après tout, elle avait de la chance, elle était toujours vivante. Ignorant le public, à genoux derriere le talus, la sombre arrache vivement sa cape, et, la tenant entre les dents et le genoux, la découpe en lanière de rapides coups de couteau. Elle a si peu de temps. Le sable qui emplit sa blessure va probablement désespérer les soigneurs, mais il est là, et il ralentit l'écoulement de son sang, qui se serait peut-être déjà vidé sans ca. Elle gémit en se bandant du mieux qu'elle peut vu les circonstances, puis bloque son bras blessé contre son torse à l'aide de quelques bandes supplémentaires. L'heure n'est pas à l'esthétique, mais au bricolage.

Une fois le travail accompli, elle pose ses stylets au sol et se redresse, titubant quelque peu. Les acclamations résonnent à nouveau dans l'arène, accompagnées d'un coup de tonnerre. Hanegard a encore une fois échappé à la mort. Ce type est incroyable. Elle est tout au fond de la mer de sable crée par le gobelin.

Le public peut la voir alors lever un bras, et tenter quelques pas de danse maladroits, puis plus assurés en grimaçant. A cœur vaillant, rien d'impossible.

Le combat n’évolue pas forcément dans le sens qu’attendait initialement Mamba.

Elle a fondé beaucoup d’espoir dans sa championne ; à force de voir l’Eldéenne se tirer de tous les mauvais pas et défier et vaincre tous les adversaires qu’elle a mis sur sa route, la présentatrice des Grands Sablons à fini par se convaincre que celle qu’elle appelle désormais à qui veut bien l’entendre sa favorite est insubmersible. Son naufrage la peine donc plus encore qu’elle ne voudra jamais l’avouer.

Et dans le même temps, Mamba ne perd pas espoir. Les choses se présentent mal pour Shyn’tae, mais tout n’est pas encore perdu. L’arène est une compagne capricieuse qui se joue de ceux qui cherchent à la conquérir. Elle a du trouver la championne trop sûre d’elle et a voulu la punir, mais le combat désormais est ailleurs et la daedhelle est debout. Un gladiateur ne peut souvent rien demander de plus. Les conflits d’intérêts de Mamba ne quitte cependant pas sa loge. Dans le reste des gradins qui bordent l’arène, le public est sur-excité. Ils ont le pain, ils s’en gavent et en redemandent. Cela tombe bien, car il reste à Mamba un grand cru à déboucher ; elle va verser dans leurs gosiers égosillés une ultime rasade de ce sens du spectacle qui a fait sa renommée et ils vont la boire jusqu’à la lie.

Peu importe à la sang-mêlé qui l’emporte dans les minutes qui vont suivre ; elle le sait, dans cent et mille ans, tout le monde l’aura oublié, mais tout le monde se souviendra d’elle et de ses Grands Jeux.

« THAAR ! » hurle-t-elle et sa voix, magiquement portée à des lieux à la ronde, vrille des milliers de tympans. « Entends-tu cette rumeur qui gronde dans le creux de ton cœur ? Il approche, désormais, le moment où tu découvriras le nom du plus grand guerrier de tout Miradelphia ! »

L’attention du public dévie l’espace d’une seconde des armes tirées au clair, du sang qui s’écoule des plaies et de la colère qui consume les regards des combattants.

Mamba a réussi à capturer leur attention.

Le sol tremble légèrement et ce n’est pas le Gobelin qu’il faut blâmer pour une fois.

« Ce… »

Le sable qui borde les murs de l’arène centrale commence à rougeoyer sous l’action des mages de celle qui se veut la reine de la journée.

« … n’est… »

Les spectateurs les plus proches peuvent le voir prendre feu, littéralement, puis fondre l’instant d’après.

« … plus… »

Il s’agglomère et bouillonne.

« … qu’une… »

Il est une coulée de lave, désormais.

« … question… »

Mamba darde ses yeux joyeux sur Shyn’tae ; ô, comme cela lui être délicieusement familier.

« … de temps ! »

Cette nouvelle menace est loin encore, car l’arène est grande. Mais elle est comme une sablier que l’on vient de retourner. Le Vaani est impatient et Mamba est la plus Vaanie de tous.

Le Maître du Jeu, s’adressant à ses victimes… Vous avez trop à perdre pour vous laisser distraire par les jeux malsains de votre hôtesse. Pour vous, le combat continue, mais vous savez désormais qu’il y a cette épée de Damoclès au dessus de vos têtes.

Ce fut l'une des charges les moins impressionnantes de l'histoire, très loin des grandioses chevauchées comme celle de la brigade légère dont l'exemple ne devrait cependant pas être si souvent pris comme référence au vu de la manière tragique dont elle s'acheva. Ou alors ce fut l'incantation la plus efficace qui puisse s'imaginer, peut-être motivée par la poussée d'adrénaline qui devait enflammer les veines des gladiateurs et les inciter à omettre toute notion de prudence dans leurs actions. Dans tous les cas, le Gobelin eut le temps d'incanter ses sombres arcanes avant même de se faire rejoindre par le Tueur de Rois qui venait de planter son bouclier dans le sol afin de créer une distraction optique lui permettant de porter une attaque en biais. Erreur ! Grave erreur ! On ne prend pas deux fois une mouche dans la même toile et le Haut-Prêtre n'avait certainement pas atteint sa position de Triumvir en n'apprenant pas des leçons que lui offraient ses nombreux affrontements. Surpris quelques instants plus tôt, il réussit cette fois-ci à maintenir non seulement sa concentration mais également sa visée, et le pari d'Hanegard qui espérait rééditer son astuce du bouclier pour se gagner le temps nécessaire échoua. De peu, certes, mais pour un échec même "de peu" restera toujours de trop.

Tout autour de lui le sable se mit à bouillir, à fumer, à se liquéfier comme si le prime Dragon lui-même rugissait sa rage par en-dessous l'arène et cherchait ainsi à faire payer sa résistance à ce méprisable humain osant tenir la dragée haute à un Triumvir eldéen dans toute sa gloire destructrice. Affirmation certes un peu exagérée quoique élégante par l'aspect métaphorique impliquant Zhak'Bar, car en réalité Hanegard réussissait jusque-là surtout à esquiver les attaques sans toutefois réussir à mettre le moindrement en danger le Gobelin qui enchaînait sortilège sur sortilège à la même vitesse qu'un Dun Eyr bourrait autrefois les biquettes Alonnaises.

Certaines ne s'en sont d'ailleurs jamais remises.

Leurs bergères non plus.

Bref, où en étais-je ? Ah oui, l'histoire du méchoui dans l'arène. A l'instant où le Tueur de Rois posa son pied sur la surface rougeoyante, il sentit la brûlure remonter en flèche comme s'il venait de plonger dans de la lave. Une nouvelle fois le Gobelin démontrait sa maîtrise des éléments à des niveaux que peu de ses sombres comparses pouvaient prétendre égaler, et cela expliquait probablement pourquoi il se trouvait être le favori des parieurs. Parmi la foule massée dans les gradins, ceux qui voulaient jouer la sécurité au détriment du gain avaient sans hésitation choisi ce colosse indestructible animé d'une colère divine que lui-même ne semblait pas pouvoir contrôler lorsqu'elle débordait de ses digues mentales. A l'inverse, ceux qui osaient tenter les grosses côtes et les profits juteux espéraient intérieurement qu'Hanegard leur permette de réaliser le jackpot en renversant les pronostics par un exploit inattendu.

Hanegard justement n'avait pas commis l'erreur de demeurer dans cette espèce de magma en fusion mais venait de sauter d'un bond puissant jusqu'au petit cercle de sable intact entourant le Gobelin. Son pied gauche le tiraillait douloureusement car la chaleur avait fait en partie fondre la protection d'acier de sa botte mais l'heure n'était pas à se morfondre ou à réclamer des soins. Mort ou vainqueur, il aurait bientôt tout le temps nécessaire pour s'occuper de ses blessures et c'est avec une détermination redoublée qu'il se présenta face au lâche qui préférait se reposer sur des attaques à distances plutôt que sur un vrai combat virilement mené au corps-à-corps. Pour Alonna ! Ce sac à poux eldéen allait se souvenir des raisons pour lesquelles les osts du Puy se prenaient de monumentales raclées contre les murailles péninsulaires à chaque fois qu'ils quittaient le taudis volcanique leur servant de nid.

WOUF !

A cet instant le bouclier-miroir du Tueur de Rois siffla dans l'air juste entre les deux adversaires sans toutefois réussir à les toucher. Shyn'tae ! Bien que blessée, la drow avait du réussir à reprendre un peu ses esprits et utilisait sa magie télékinésique pour leur envoyer des objets en pleine poire comme une ivrogne balançant des choppes de bière lors d'une bagarre de taverne. Regrettable de ne pas l'avoir achevée lorsque l'occasion s'était présentée, mais à combattre deux drows à la fois Hanegard ne pouvait pas non plus finir proprement le travail sans prendre des risques inconsidérés. Alors que le Haut-Prêtre semblait se demander s'il lui fallait céder à la provocation de la magicienne et la démolir pour son impertinence, Hanegard ne se laissa absolument pas distraire et conserva l'intégralité de son attention sur son unique objectif : détruire Urgoll.

Entendent-ils les tambours ? Massifs, puissants, ils tonnent dans le torse de l'immortel, exigent et tiraillent la grande carcasse. Viens. Viens ! Quoi de plus vivifiants que ces ennemis qui survivent, que Zhak'Bar qui joue et s'amuse avec sa magie, que le sentiment d'urgence et d'envie ? Frapper, arracher, broyer. Ce merveilleux oubli que la perspective d'une mort prochaine, que ce soit la sienne ou celle d'autrui. D'un regard sanglant, d'un sourire carnassier et fanatique, le Gobelin accueille la vision du mortel le chargeant. Pesant mais violent dans sa ténacité, à la gueule habité d'une énergie semblable. L'eldéen apprécia ses initiatives face aux hordes de cadavres : il exulte à présent à l'idée d'offrir son coeur battant à son dieu. Cela au moins, le fait sentir vivant.

Animé, encore, attirant à lui la magie, l'élémentaliste apprécie l'initiative de mamba. Les flux arcaniques lui caressent les sens, la perspective de voir ce triste sable fondre l'inspire... A son tour, il s'empare de cette idée, fixant la proie avec avidité. Vif, toujours vivant malgré les attaques, le mortel s'élance... Tente de surprendre, par un détour, sans succès...Et le sol devant lui se fait traître, brûlant, destructeur à qui se risque à le toucher. L'humain ne peut tout à fait l'éviter. Qu'il sourit le Gobelin, qu'il sourit. Vient danser, mortel ! Vient que l'on se tue, que nos dieux rient !

Brusquement, ses sens l'avertissent... A temps pour voir le maudit bouclier passer entre lui et sa proie. A toute vitesse. Se fichant dans le mur telle la lance d'un chasseur, avec une puissance démesurée. Alors, le Gobelin exulte, écho malgré-lui de l'enthousiasme des imbéciles des gradins, préférant regarder plutôt que vivre. Finalement, la surprise était bonne. Finalement, il y avait quelque chose à en tirer. Quelque plaisir. Quelque occasion de sourire vraiment. Mais l'heure n'est pas à l'appréciation. Un être est là, un ennemi se fait pressant. Rivant ses mires sanglantes dans celles furieuses du mortel, le Gobelin exulte. Plus massif. Pas encore blessé. Cela fera-t-il une différence, dans la lutte qui s'annonce ? Nulles questions, nulles hésitations en son esprit. Seulement la faim. Le désir. L'avidité mortelle. Que leur sang soit versé.

jets de dés:

La magie est une compagne à la fois fidèle et fantasque. Puissante comme un torrent, fuyante comme un nuage et capable de frapper l'imprudent comme l'avalanche, dirait un élémentaliste. Shyn'tae aurait plutôt dit qu'en tirer un brin du tissu de la réalité avait tant de répercussions alors que l'onde se propageait pour altérer le monde que personne n'aurait pu s'assurer qu'une telle initiative n'aurait pu avoir d'effets néfastes. Tout le talent d'un mage respectable (du point de vu de notre magicienne en tout cas), était d'anticiper, de comprendre, et d'orienter l'action de ces effets additionnels pour qu'ils ne s'opposent pas aux objectifs du mage, et plus précisément, qu'ils ne le tuent pas.

Dit de cette manière, ca avait presque l'air facile. Shyn'tae était particulièrement douée à ce jeu là, et aurait probablement pu en temps normal mettre les deux lourdauds sur des trajectoires qui les auraient renvoyé dans leurs contrées natales respectives. Alors on lui avait donné quelques handicaps mineurs.

Elle dansait, du mieux qu'elle pouvait en tout cas. Car n'avoir qu'un seul bras de disponible a tendance à affecter votre équilibre. Ses multiples contusions la faisaient souffrir, mais ce n'était rien à coté de la brûlure qui embrasait son coté. Un festival de sensations contradictoires plus qu'une brulure d'ailleurs, un festival qui lui hurlait qu'elle aurait voulu que tout s'arrête.

Mais la drow n'avait jamais écouté quiconque, alors… Et elle a quelque chose à finir. Elle plonge dans les motifs, les cris du public s'efface, la douleur, persistante, tambourine toujours au rythme de ses battements de cœur rapides, elle se sent s'essouffler si vite.

Le bouclier qu'Hanegard a planté dans le sol est devant les deux combattants qui sont maintenant au corps à corps. C'est bien, ca l'arrange. La vengeance. L'energie arcanique répond si vite qu'elle est surprise, trop vite, comme une bête assoiffée de sang. De son sang ou de celui des adversaires? La daedhelle chasse l'image, car elle n'a aucun sens. La magie se fiche bien de ses insectes qui peuplent le monde, elle se contente d'exister. Eveil fend l'air, imprécise. La drow se verrait qu'elle aurait honte. Ses dessins dans les motifs, les ondes qui s'y propagent sont imparfaites, les erreurs nombreuses, et la puissance mal maitrisée coule, irrégulière. Sa chevelure s'élève, tout comme des grains de sable autour d'elle. Trop de pertes, mais elle s'en fiche.

Le bouclier vibre soudain, puis s'envole brusquement en laissant un nuage de poussière derriere lui, si rapide que personne ne parvient à le distinguer. Il passe entre les deux hommes, frôlant leurs visages, et va se planter dans le mur de l'autre coté de l'arène, éclatant en milles fragments de metal et de bois mêlés et laissant quelques morceaux d'acier fichés dans la pierre.

La magicienne ne s'arrête pas. Car qui sait combien de temps son corps à l'agonie lui donnera-t-il? Dans son regard, on ne distingue rien d'autre que la rage. Celle de vivre, celle de se venger.

Le bouclier était passé entre les combattants. Si rapide qu'il aurait été bien difficile de le distinguer, et si lourd qu'il aurait certainement arraché la mâchoire des deux participants s'il les avait touché. La daedhelle se maudit. Elle ne visait pas si mal d'habitude. Mais d'habitude, elle ne faisait pas des sorts rassemblant d'effroyables energies arcaniques retenues métaphoriquement par trois bouts de ficelle. Au fond, ca marchait peut-être même mieux que ce qu'elle aurait cru.

Le visage de l'éldéenne se durcit un peu plus. Le triumvir et le tueur de roi s'enferment tous deux dans une lutte au corps à corps sans merci, l'un l'autre tentant de jeter l'autre dans la marre de lave que le pouvoir du prime dragon avait créé à leur pieds. La magie coule en elle en un torrent arcanique difficile à contrôler.

Elle serre les dents. Son cœur s'emballe, Eveil danse souplement, le corps svelte suit la lame plus que le contraire. La magicienne ne sait pas s'il faut plus de magie, mais elle vient quand même. Un pas léger dans le sable, mais celui là ne se repose pas sur le sol, elle danse à quelques centimètres au dessus du sol.

Le tueur semble prendre le dessus, puis l'instant d'après Urgoll parvient à rétablir l'équilibre.

Sur le sol, un de ses stylets vibre soudainement, puis décolle maladroitement pour rejoindre la danseuse, oscillant comme tenue maladroitement. Puis il se tend soudainement, oscillant au rythme de son cœur.

Le public hurle, acclame, encourage, hue.

Elle ignore ces idiots qui voient tout cela comme un divertissement. Cela n'en est pas un. C'est vivre vraiment.

Eveil et le corps de la magicienne se tendent soudain vers l'avant, comme si elle allait s'élancer. Son souffle se coupe. L'épée résiste au mouvement comme si elle rencontrait une opposition. Une vague, mal dimensionnée, brutale, secoue les motifs.

Un instant le stylet est immobile, un instant plus tard il a disparu.

Une détonation tonitruante, suivie de plusieurs echos alors qu'elle se répercute dans l'arène.

Un imposant nuage de poussière et de fragments de pierre s'échappe du mur à l'opposé de la magicienne drow, là où l'arme a disparu dans le mur d'enceinte de l'arène.

De plus petits nuages de poussière mouchettent le sable un peu partout, là où des fragments de la garde sont retombés après avoir été déchiquetés par l'acceleration.

Au milieu, Urgoll'ven et Hanegard sont un instant surpris.

Deux trous parfaits au travers de l'épaulière d'acier du tueur de roi, l'un devant, l'autre derriere. Traversée comme une feuille de vélin.

Deux trous parfaits  à hauteur de la poitrine du Haut prêtre du Prime dragon dans son plastron, l'un devant, l'autre derriere. Traversé comme une feuille de vélin.

Le public se tait un instant comme s'il tentait de comprendre ce qui vient de se dérouler. Puis il hurle sa joie. La championne de Mamba fait finalement du spectacle, pour le plus grand plaisir de l'intéressée.

jets de dés:

La surprise. Le couteau n'avait pas trouvé le chemin de la gorge du mortel, ce dernier en venant aux mains à l'approche du Gobelin. Agacé, l'eldéen n'en force pas moins, se rapprochant, encore, encore, forçant, grondant, le visage souriant de manière démente, les muscles bandés. Il résiste. C'était plaisant. Ce sentiment de vie, la tension, la rage. Et puis... Une mouvement aussi rapide que violent, dont seule les conséquences furent perceptible. Un regard ébahi, l'eldéen ne voyant pas sa propre blessure, la sentant seulement, voyant en revanche le trou, précis, étrangement bien découpé, dans l'épaule de l'adversaire avec qui il luttait. Comment... ? Et puis...

La force retournée contre lui. Des gestes, son corps écarté, malgré sa volonté de s'accrocher. Si proche. Ses dents qui avaient claqué à un souffle de la gorge contractée, si près de la vie y pulsant furieusement. Peut-être enrageait-il. Peut-être était-il agacé. Peut-être. Peut-être. Tout cela disparut quand son dos heurta la lave qu'il avait lui-même formé. A la surface ayant commencé à noircir. Mais dont le cœur restait chaud. La chaleur. Brûlante. Mordante. Dévorante. Aussi vite qu'il put, l'eldéen roula sur lui-même, se jetant loin de cette couche mortelle. Pas assez rapidement. La morsure n'avait pas attendu pour réveiller la chair sensible.

Respirant comme un bœuf le drow serrait les dents, prostré, le dos en feu. Il en avait lâché ses couteaux, l'un gisant aux pieds du mortel, l'autre se parant de couleurs étranges sous la vicieuse caresse du magma. A nouveau... Comme hébété, respirant trop vite, le Gobelin sentait à peine le sable sous lui, la présence de l'ennemi, le regard de la foule... Il n'y avait que cette plaie dans son dos, cette chair qui hurlait, cette souffrance qui lui vrillait les sens. Fébrilement, chaotiquement, ses mains parvinrent à trouver les sangles, que la chaleur avait noirci. S'y blessant les doigts, il parvint pourtant à les défaire, la coque de métal tombant, la partie dorsale ayant une étrange couleur, ne laissant qu'une couche de cuir crissant de chaleur.

Le Gobelin était encore conscient. Au sol, une plainte rauque s'échappait de sa gorge. Il ne se releva pas. Ses mains s'agrippaient au sable, ses phalanges blanchissant, les grains s'enfonçant dans ses paumes calleuses. Il était en sueur, tremblant, le corps en feu, le cuir sur son torse prenant les couleurs de l'hémorragie. La douleur l'étourdissait. Il n'y avait plus que cela. Cette grande plaie qu'était à nouveau son dos, anéantissant toute conscience autre que celle de son existence.

jets de dès:

La force physique du Triumvir dépassait celle de tous les adversaires qu'Hanegard avait pu affronter jusque-là. Les muscles saillants du colosse imposaient une pression considérable à laquelle le Tueur de Rois ne résistait qu'en faisant appel à toute son énergie, à toute sa volonté. Des années de vie politique l'avaient certes assagit vis-à-vis du métier des armes mais jamais il n'avait totalement cessé l'entrainement et s'en trouvait fort heureux car cela lui permettait de tenir le choc face à deux drows vétérans. Lentement, péniblement, il tenta de repousser le Haut-Prêtre en arrière lorsqu'une brutale douleur lui vrilla l'épaule comme si un poignard chauffé au blanc venait de s'y nicher. Mis à part l'aspect chauffé au blanc, l'image se révélait exacte. Profitant de se retrouver seule à distance, Shyn'tae avait décidé de nouveau d'utiliser sa magie en projetant un stylet qui avait profondément pénétré l'épaule gauche du wandrais avant de traverser le côté du torse du Haut-Prêtre puis de finir sa course planté dans les murs de l'arène.

Deux blessures, deux combattants qui faillirent perdre leur concentration. Ce duel historique se jouait sur le fil du rasoir et aucun des deux ne voulait abandonner. Ils avaient tant accompli, tant souffert, tant espéré avant d'en arriver là qu'il fallait désormais s'adonner à leur fureur virile sans la moindre retenue jusqu'à ce que leurs corps les trahissent. Une férocité démente brillant dans son regard où brûlait un feu que rien n'éteindrait jamais, le Gobelin réussit à prendre le dessus sur son adversaire et à approcher ses canines aiguisées de la gorge non protégée du Tueur de Rois. Luttant à la fois pour ne pas faiblir mais également pour échapper à la panique ; car l'intention bien claire du drow de lui arracher la trachée pouvait s'avérer à tout le moins déplaisante ; Hanegard tenta le tout pour le tout en pivotant brutalement sur sa jambe intacte dans l'espoir de projeter Urgoll par dessus son épaule.

Surpris par cette manœuvre inattendue à l'instant où il savourait déjà sa victoire, le Haut-Prêtre ne put contrer son élan et basculant comme une masse jusqu'à la flaque de magma en fusion. L'ayant vu torse nu quelques jours auparavant, Hanegard savait que le colosse portait déjà des cicatrices sur le dos dont la moindre question sur l'origine aurait probablement valu une sévère bastonnade au curieux. Mais la douleur d'une chair déjà brûlée semblait dépasser l'endurance que le colosse s'imposait par sa colère, et alors qu'Hanegard se tournait vers sa nouvelle adversaire il savait déjà que le Triumvir ne se relèverait pas sans l'aide des soigneurs qui interviendrait après la fin du combat. Le Tueur de Rois ne faisait décidément pas mentir son surnom... même si Urgoll était un Triumvir... et qu'il n'était pas mort mais seulement gravement blessé. Mais franchement, ce genre de détails vous importe-t-il encore au milieu d'un tel flot d'adrénaline ?

EINHERJAR ! rugit le wandrais en guise de défi, l'heure n'étant plus vraiment aux longs discours. Sans cette tierce combattante imposée sournoisement par Mamba, il serait déjà le champion de Miradelphia, le meilleur guerrier que le monde ait connu. Peu importait, cela ne faisait que retarder l'inévitable et la magicienne serait la prochaine victime de son courroux. La-dite magicienne n'attendant d'ailleurs pas son bon vouloir pour commencer une invocation destinée probablement à lui envoyer un autre stylet avec les mêmes effets destructeurs que précédemment, Hanegard se saisit d'une des lames du Haut-Prêtre afin de la lui envoyer avant de mener sa charge que ralentirait inévitablement son pied blessé. Conscient qu'il ne pourrait en aucun cas la rejoindre d'ici au déclenchement du sort, Hanegard espéra que la lame ferait son effet tout en se promettant de bondir sur le côté au moment où la magie se verrait relachée.

Ce fut le jet le plus raté du tournoi, la lourde lame mal étudiée pour un tel usage partant totalement à côté de sa cible. Mais peut-être surprise malgré tout ou souhaitant improviser une contre-attaque habile, Shyn'tae tenta de diriger sa magie pour s'en saisir et la retourner vers le lanceur qui esquiva... rien du tout. La magie se révélant aussi défaillante que le lancé, les deux adversaires venaient juste de perdre quelques précieuses secondes à jouer avec une arme sans réussir à en tirer le moindre avantage. Probablement fallait-il voir dans la fatigue qui torturait leurs organismes ces échecs, car le duel commençait à durer depuis de longues minutes et les efforts consentis pompaient dans leurs réserves à une vitesse affolante. Il fallait en finir vite, d'autant plus que le cercle de lave animé par les mages de Mamba se rapprochait peu à peu et allait finir par constituer une menace.

Profitant de son élan certes interrompu par un saut inutile, Hanegard reprit sa charge en s'efforçant d'ignorer les élancements douloureux qui traversaient son pied blessé. Comparativement, sa blessure à l'épaule l'inquiétait peu car le stylet y avait causé une blessure nette sans rien trancher de vital et le principal risque ne venait à cet endroit que de la perte de sang qui lui engourdissait déjà le bras. Par contre, le métal fusionné avec sa botte aurait demandé des soins immédiats qu'il ne pouvait obtenir avant la défaite de Shyn'tae et le risque de conserver un handicap permanent devenait dès cet instant une certitude. Rejetant ces pensées défaitistes qui ne pouvaient que le distraire, Hanegard fonça comme un taureau sur la puysarde en brandissant sa lourde épée bâtarde avec laquelle il comptait bien lui rendre la monnaie de sa pièce. Une nouvelle danse, un nouveau sortilège mais rien n'en sortit comme si l'art arcanique se refusait à cette maudite drow qui n'allait plus pouvoir profiter longtemps de son avantage offert par la distance !

jets de dés:

Ainsi donc, le Haut prêtre était tombé face au tueur de rois. Il fallait admettre que c'était un surnom fort bien choisi, à moins qu'il ne soit prophétique, car c'était à peu près la même chose, mais en different. Elle avait cru qu'Urgoll tiendrait un peu plus sur la durée, et avait donc entreprit de se rapprocher rapidement pour tenter un sortilège peut-être excessivement élaboré vu son état, mais capable de mettre au tapis les deux mâles virils d'un même coup rusé.

Mais la situation venait subitement de changer. Le wandrais se redressait déjà en lançant un hurlement tonitruant dont il avait le secret, auquel la foule répondit. On savait de quel coté penchait le public. Quelles étaient donc les chances d'une drow dont la carrure indiquait qu'elle avait plus sa place alanguie sur une couche? Shyn'tae s'arréta nette, et entreprit aussitôt de canaliser la puissance arcanique. Elle était fatiguée, et cette fois-ci, elle eut plus de difficulté à l'appeler à elle. La sueur coulait sur son visage concentré et se mêlait au sang qui le couvrait déjà en partie.

Hanegard saisit un des couteaux d'Urgoll. Elle pressentit Il souhaitait l'empêcher d'incanter comme il l'avait fait avec Urgoll. Quelle idée. Même si la perspective de recevoir le couteau d'Urgoll en pleine poitrine ne l'enchantait guère, quelles étaient ses chances de réussir?  L'arme n'était pas conçue pour ca. Heureusement, voyant cela, la magicienne se dit que c'était le moment de donner des cours de lancer à son adversaire. Economisant ses mouvement, elle bricola un sort avec arrogance.

L'humain lança l'arme,  puis s'élança à sa suite. La magie se diffusa au même moment dans l'arène, et la lame, qui aurait du s'écraser lamentablement dans le sable fort loin de la magicienne s'arrêta en plein vol, avant de repartir perpendiculairement au guerrier boitillant vers la daedhelle, laquelle fit une moue déçue.

"Zero pointé, va mourir sous les huées si elle ne fait pas plus d'efforts", susurra la voix professoral au fond de son esprit perturbé par le déroulement des évènement. En effet, la dernière fois que le guerrier l'avait chargée, elle l'avait regrettée. Elle se doutait aussi qu'un deuxième coup de l'épée bâtarde risquait fort de lui prendre bien plus qu'une épaule.

D'un mouvement gracieux, la demoiselle passa telle une anguille sous la lourde épée qui ne fit qu'effleuré son bras droit y laissant une longue estafilade. Quelques gouttes de sang s'envolèrent, mais ce n'était rien en comparaison des sensations qui la faisaient presque délirer. Cet homme voulait la tuer, et réussir à lui survivre lui prouvait si bien qu'elle était vivante. Eveil fendit l'air dans le même élan d'un coup de taille, aussi fine et vive que l'épée du tueur de rois était puissante et virile.

Pourtant, étonnement rapide, le wandrais se déroba à la morsure de l'acier. Il était insupportable avoua-t-elle avait plaisir, un demi sourire apparaissant sur son visage concentré. Les deux adversaires entamèrent une danse martiale, si proches l'un de l'autre. Les pieds nus et les bottes blindées soulevaient le sable. La main d'Hanegard saisit la jupe de son armure, qui se détacha d'elle même, lui restant dans les mains(1). Elle était insupportable, insaisissable. Le public, tenu en haleine, aurait été bien en peine de donner gagnant un des deux combattants.

Mais au goût, de Shyn'tae, cela ne pouvait pas durer longtemps. La daedhelle ignorait déjà comment son corps meurtrit pouvait la porter si bien, et cela ne pourrait durer longtemps. Le tueur avait certainement perdu du sang lui aussi, mais il fallait qu'elle prenne des risques pour porter le coup de grace et en finir.

Brusquement, voyant une ouverture dans la garde du guerrier boitillant, elle changea de direction et, l'épée pointée en avant, s'enfonça sous sa garde pour le transpercer. Le mouvement brutal lui donna un haut le cœur, et sa vision se troubla un instant. L'instant suivant, elle rebondissait contre Hanegard, un instant déséquilibrée. Eveil n'avait pas rencontré de resistance, car elle était passé contre le flanc de l'humain, le manquant de peu, mais le manquant néanmoins. Dans ces cas là, manquer de peu, c'est manquer. Le reste importe peu.

Une lueur de panique apparut dans son regard, si proche de son adversaire qu'elle pouvait sentir l'odeur du sang et de la sueur qu'il dégageait.


(1): Car c'est ainsi que Viconia l'avait voulu, dans son infinie sagesse de Triumvir.

jets de dés:

L'anguille, voilà comment Mamba aurait du surnommer sa championne et Hanegard ne pouvait que soutenir une telle proposition. La lourde épée du wandrais avait sifflé dans l'air en dessinant à peine une estafilade sanglante sur la peau d'ébène tant l'agilité de Shyn'tae dépassait l'entendement. Peu de guerriers auraient ainsi pu esquiver une telle attaque mais la magicienne n'appartenait pas au commun des mortels. Formée pour tuer, formée pour vaincre, formée pour survivre, formée pour relever des défis que bien d'autres jugeraient impossibles, elle s'avérait un adversaire redoutable par sa vivacité quasi-surnaturelle et Hanegard commençait intérieurement à douter de l'efficacité de son épée bien trop massive pour se révéler utile dans cette situation. Il s'était attendu à affronter uniquement Urgoll contre qui la violence des coups portés à l'épée s'annonçait maximale et toute sa stratégie s'était bâtie sur ce seul postulat. Les fioles piégées, le bouclier-miroir, la puissance pure... les atouts grâce auxquels le Tueur de Rois avait pu défaire le Triumvir s'avéraient malheureusement inefficaces contre une combattante aussi agile que la demoiselle qui tournoyait face à lui. Regrettant amèrement de ne pas avoir prévue une seconde dague dont l'utilité aurait été parfaite dans cet échange au corps-à-corps, Hanegard décida d'improviser et d'utiliser d'autres ressources de son arsenal.

Lâchant son épée qui ne pouvait que l'encombrer, il tenta d'attraper Shyn'tae dans une prise de l'ours pour lui briser la colonne ou à tout le moins lui bloquer la respiration. Raté ! A nouveau elle esquiva et d'un pas gracieux en arrière remit de la distance entre eux deux. Fuyait-elle un adversaire désarmé ? Assurément non, la drow venait juste de se donner un peu d'élan pour charger à son tour lame en avant dans l'espoir de l'empaler façon méchoui. Raté également ! Aussi affaiblie que lui par la perte de sang, le coup de Shyn'tae manquait de la vitesse nécessaire et Hanegard esquiva sans la moindre difficulté l'acier affûté qui glissa sans danger sous son bras. Une lueur carnassière apparut dans le regard du Tueur de Rois face à cette erreur qui offrait le corps sans défense de la demoiselle à ses virils coups de boutoir. Déséquilibrée et en pleine extension sur sa jambe d'attaque, même l'agilité déjà légendaire de la drow ne pourrait lui permettre d'échapper à sa juste punition.

DÉGUSTE CA ! rugit le wandrais en lui décochant un coup de poing directement dans la mâchoire.

Non, cette mandale patriarcale ne peut s'assimiler à de la violence conjugale tant que Hanegard et Shyn'tae n'auront pas couché ensemble. J'admets toutefois une légère hésitation vis-à-vis de cette affirmation car si chez les humains les coups ne viennent qu'après le mariage, chez les drows ils commencent généralement avant même le premier flirt. Dans tous les cas, le coup fut incroyablement violent et les genoux de Shyn'tae tremblèrent alors qu'elle s'apprêtait à s'effondrer assommée net aux pieds de son vainqueur. Déjà le Tueur de Rois relâchait son étreinte pour profiter des acclamations de la foule qui allait pouvoir adorer son musculeux vainqueur lorsqu'une étincelle de détermination nouvelle s'éveilla dans les yeux de la drow. Comment ? Comment pouvait-elle encore se tenir debout après un coup qui aurait envoyé au tapis plus d'un vétéran bagarreur de taverne ? Quelle force se cachait dans ce corps d'apparence délicat pour ainsi encaisser de tels chocs sans céder ?

Ne pouvant plus le frapper de son épée ni tenir à la lutte, la drow adopta la meilleure tactique qui lui restait face à un adversaire plus massif qu'elle : viser les jambes. Aucun édifice ne se révélera jamais plus résistant que ses fondations et Hanegard ne faisait pas exception à cette règle universelle d'architecture. Une tactique intelligente qui cependant ne fut pas couronnée de succès grâce à une agilité parfaite venue du Tueur de Rois qui pouvait lui aussi en faire preuve lorsque la situation l'exigeait ; et qui écarta juste assez sa jambe pour esquiver l'assaut. Bien décidé à désarmer cette agaçante anguille et en finir une bonne fois pour toutes, Hanegard se saisit du poignet de Shyn'tae au moment où elle s’apprêtait à frapper de nouveau sa jambe blessée. La logique voulait qu'une seconde tentative n'ait pas plus de succès que la première, n'est-ce pas ? Toutefois, la fatigue aidant, les réflexes du wandrais ne fonctionnaient plus que par intermittence et ce second coup de pied atteignit correctement sa cible sans qu'il puisse tenter une nouvelle esquive. Rien cependant qui n'aurait du le gêner en temps ordinaire s'il ne s'était agit de sa cheville carbonisée par les flammes d'Urgoll un peu plus tôt et dont la solidité s'apparentait désormais à celle d'un château de sable face à la marée montante.

La cheville craqua sous le choc dans un bruit assez écœurant... l'appui au sol du Tueur de Rois s'effondra brutalement et il se sentit chuter en arrière. La lave ! La lave se trouvait juste derrière lui car pendant que les deux combattants s'affrontaient, les mages au service de Mamba avaient continué à restreindre le cercle de feu les entourant jusqu'à ne leur laisser qu'un minuscule îlot à peine assez grand pour s'y tenir debout ; en aucun cas suffisant pour qu'une grande carcasse comme celle de Hanegard puisse s'y coucher. Dans sa chute le Tueur de Rois tenta une manœuvre désespérée : inverser les positions pour faire glisser la drow dans la lave comme il venait quelques minutes auparavant de le réussir avec le Triumvir, mais l'absence d'appui sur sa cheville en miettes ne lui permit pas de concrétiser son ultime attaque et il tomba lourdement dans le magma bouillonnant qui les encerclait.

AAAAARRRRRGGGGGHHHHH !

Le cri de douleur résonna dans toute l'arène lorsque la lave en fusion entra en contact avec le dos de Hanegard, faisant littéralement fondre sa cotte de maille. Son cri fut cependant immédiatement couvert par les acclamations extatiques du public et de Mamba car il devenait évident dès cet instant qu'il ne pourrait pas plus se relever qu'Urgoll et que la meilleure guerrière de Miradelphia serait la magicienne eldéenne qui porterait seule la couronne tant convoitée. Torturé par les flammes infernales qui le perçaient de milles pointes aiguisées, le wandrais roula désespérément sur lui-même à la recherche de l’îlot de sable où il pourrait trouver un refuge salvateur. Fort heureusement pour lui, les mages de Mamba avaient des consignes extrêmement strictes et à l'instant où l'organisatrice déclenchait les effets pyrotechniques de la victoire, ils conjurèrent leur magie pour forcer la nappe de magma à se refroidir rapidement tandis que Shyn'tae essayait d'étouffer les flammes qui dansaient sur son adversaire vaincu à l'aide des restes en lambeaux de sa cape. Déjà des soigneurs jaillissaient des portes de l'arène pour venir en aide aux trois gladiateurs dont les corps portaient les terribles stigmates de cet affrontement titanesque tandis que la foule en délire comprenait qu'elle venait d'assister à un événement qui marquerait longtemps l'histoire de cette partie du monde.

Le Tueur de Rois savait quant à lui qu'il survivrait à ce duel épique, mais il survivrait avec le poids de la défaite sur les épaules. Seul le temps dirait si les blessures ancrées dans sa chair se révéleraient plus douloureuses que cette sensation d'impuissance face aux caprices du destin qui à l'ultime instant s'était refusé de lui ouvrir le panthéon où l'attendait une gloire immortelle. Cependant ; et alors qu'il sombrait peu à peu dans l'inconscience tout en sentant vaguement des mains amies s'affairer sur lui pour ôter les restes fondus de sa cotte de maille et permettre ainsi aux soigneurs d'intervenir sur sa chair torturée ; Hanegard s'autorisa un court instant de satisfaction en se rappelant les véritables raisons de sa présence en ce lieu. D'une certaine façon, il venait lui aussi de remporter la victoire : certes pas celle qui lui aurait valu le titre de meilleur guerrier de Miradelphia, mais l'argent versé par son sponsor et la renommée qu'il venait d'acquérir grâce à cette place en finale assurerait à sa chère Liliana la dot nécessaire pour qu'elle puisse voguer sans crainte vers l'avenir.

Cette victoire paternelle demeurerait la plus belle que Hanegard remporterait jamais.

Jets de dés:

Récapitulatif des blessures de Hanegard:

HRP:

DÉGUSTE CA ! Elle vit à peine venir le coup de poings qui lui ouvrit la lèvre et l'envoya valser en arrière. Peut-être.. devrait-elle s'arrêter là. Elle fit un pas en arrière, secouée, prête à tomber. Le tueur de roi souriait. Il tenait sa victoire. La drow se fichait bien de gagner. Ce qu'elle voulait, c'était se battre. Encore et encore... Faire plus… Elle pouvait faire plus. Tenir encore un peu.

Elle poussa un feulement, le regard sauvage, et frappa sa botte déformée par la chaleur d'un coup de pied nu. Attaquer un homme là où il était déjà blessé n'était peut-être pas très fairplay, mais notre demoiselle était une noirelfe, donc il aurait fallut s'y attendre. L'éphémère parvint toutefois à éviter l'impact de la jambe du chat enragé et saisit son poignet, le serrant comme dans un étaux avant qu'elle ne puisse le frapper de l'épée qui renvoya les rayons du soleil.

Le visage tendu par l'effort, elle ondula et lança de nouveau sa jambe de toute ses forces, car il fallait bien admettre que c'était tout ce qui lui restait, mis à par les dents peut-être. Et le tueur de roi devait se douter de quelque chose, car il se tenait pour l'instant bien à l'écart de ses petites quenottes. Cette fois-ci le pied nu s'écrasa sur la boite, enfonçant le métal bien abimé.

Il y eut un craquement désagréable, son pied se joignit au reste de son corps dans la symphonie de douleur qui submergeait ses sens. S'était-elle cassé ca aussi, fut l'idée qui traversa plus ou moins les nuées, sans qu'elle n'en ait cure.

Mais ce fut Hanegard qui vacilla, perdant appui, et entama sa chute vers la lave qui s'était approchée si prêt alors même qu'elle ne s'en était à peine aperçu. Combien de temps avaient-ils ainsi lutté pour que les organisateurs avides de spectacles et de tensions, aient fait parvenir la v? D'un mouvement, il tenta de l'entrainer pour se servir d'elle comme matelas et s'éviter la brûlure. Vu que finir le dos carbonisé aurait considérablement nuit à sa beauté, l'instinct de survit de l'Eldéenne se révéla plus rapide.

Le hurlement viril et puissant du mâle résonna dans l'arène alors qu'elle tombait à genoux devant lui dans le sable. Elle n'écoutait ni le public, ni Mamba. Lorsque l'homme se retourna pour échapper à la brulure de la pierre brulante, elle lâcha Eveil et fit de son mieux pour éteindre les flammes qui s'étaient emparées de ses vêtements. Pourquoi faisait-elle ca exactement? Elle y repenserait plus tard. Lorsqu'il ne bougea plus, elle se sentit saisir Eveil, et la porter loin au dessus de sa tête. Tenir… un peu plus longtemps. Un tout petit peut plus...

Son visage se redressa… Ses yeux parvinrent difficilement à faire la mise au point sur la tribune. Elle fut prise de vertige. La forme avachie tristement sur la balustrade… n'était-ce pas Aerianna? Soudain, on la saisit, elle entendit la voix de Na'ri, rassurante. Son amie était toujours là pour s'occuper de ses menus problèmes. Elle crut voir Krish et Viconia s'embrasser. C'était… Bien. Un petit sourire naquit sur son visage, et Eveil retomba dans le sable. Le néant était accueillant.

Récapitulatif des blessures de Shyn'tae:

HRP:

Les Grands Sablons exultent, mais pas autant que Mamba qui voit contre toute attente Shyn’tae triompher. Alors elle rit, à gorge déployée. Elle a réussi son pari. La plus grande guerrière de Miradelphia est sa championne ; elle a écrit son nom en lettre d’or dans la légende de ses Grands Jeux.

La lave a stoppé sa course folle après avoir mordu sans le moindre remord le dos du Tueur des Rois. En quelques secondes, elle a viré au gris et s’élancent dessus les soigneurs des différentes écuries. Mamba s’agace, car leurs zèles lui volent cette scène dont elle a rêvé sans y oser, où sa championne, sous l’ovation de la foule, met à mort ses prétendants défaits ; sans doute le Wandrais aurait été épargné, tant il a soulevé les foules, mais l’idée de pousser Elda a tuer Elda flattait son égo et son sens du spectacle.

Tant pis ; elle ne se laissera pas gâcher son plaisir.

« Nous avons notre vainqueur ! » se contente-t-elle d’annoncer.

Le reste se joue sans elle, pour une fois. Les applaudissements, les cris, les ovations, les louanges ; les peuples de Thaar et de Miradelphia les donnent sans compter. Que Shyn’tae et les deux miraculés en profitent, car ils l’ont indubitablement mérité.