[Ellipse] Il suffit d'une rencontre pour faire basculer une vie | Mara & Sauveur

7ème ennéade de Barkios
An 14:XI

Le tournoi était enfin terminé, et ce depuis quelques ennéades. La cité s’était déjà largement désemplie et l’effervescence avait diminuée. Même dans l’école de l’Aile Blanche, l’ambiance était différente. Les entraînements intensifs avaient peu à peu accueillis de moins en moins d’adeptes au fur et à mesure des éliminations pour prendre définitivement fin après la défaite de Sauveur au championnat privé de Mamba. La vie avait donc repris son cours, quoi qu’avec quelques changements pour l’Hadjaoui. En effet, le jeune gladiateur ne dormait plus sur sa couchette dans le dortoir commun. Il disposait désormais de ses propres appartements, avantage d’être parvenu jusqu’en huitième de finale. A présent, tout le monde connaissait son nom et son combat contre le Haut prêtre drow avait malgré tout joué en sa faveur. Il n’avait pas perdu bêtement et ne s’était pas dégonflé malgré toutes les blessures que le sombre lui avait infligé. Il n’avait pas capitulé et l’arbitre n’était pas intervenu. Il était tombé, au sens figuré, rendu incapable de combattre tant il avait été amoché. Il s’était vaillamment défendu malgré les bleus, les bosses, les entailles et les brûlures. Le mage de la vie payé par l’école avait eu du travail pour le rafistoler correctement… A présent, il ne portait plus de trace de ce combat mais il n’en était pas moins gravé dans les mémoires.

Après un peu de repos, Sauveur avait repris les entraînements. Il en avait toutefois un peu plus qu’auparavant afin de maintenir son niveau et se montrer digne de sa nouvelle renommé. Ce jour-là, après avoir été éprouvé par Hashar une bonne partie de la matinée, il s’était rendu comme convenu chez Maralina l’après-midi pour un second entraînement. Exercice du jour : le un contre quatre. Les cinq hommes étaient armés de bâton afin de rendre l’exercice plus réel en terme de tentatives d’assaut car aucun n’hésiterai ainsi à venir frapper celui qui se retrouverait seul.
Sauveur affrontait donc quatre miliciens à la fois. En tant que guerrier à deux épées, l’exercice était bien plus facile à trois contre un car il disposait seulement d’une arme de moins que ses adversaires. Là, il y en avait deux fois plus en face de lui…

L’Hadjaoui avait bien changé depuis que Maralina avait décidé de le prendre sous son aile. Il avait désormais vingt six ans et renssemblait moins à un tout jeune homme. Avec la chaleur, les hommes s’entraînaient torses nus et dévoilait donc la musculature du gladiateur. Déjà présente à l’origine, elle s’était un peu plus étoffée encore avec le tournoi et les entraînements associés. Ses capacités martiales étaient bien meilleures et tendaient à s’améliorer toujours plus au fil des entraînements.
Alors qu’il se battait, il ignorait complètement les regards qu’il savait en train de se poser sur le groupe, et sur lui aussi. Lors de bon nombre de ses visites, la Princesse Marchande était venu l’observer en exercice. C’était son seul véritable contact avec elle depuis le jour où elle lui avait offert de le parrainer avec Courtois. Elle n’avait pas besoin de le lui dire pour qu’il sache qu’elle venait juste s’assurer de son retour sur investissement. Au même titre que le public qui le regardait dans l’arène, il avait appris à occulter totalement sa présence, se concentrant sur son combat et rien d’autre.

A la fin de l’entraînement, les miliciens commencèrent à se disperser. Sauveur s’entretenait avec l’instructeur, faisant le point sur sa prestation du jour.

-Ca va ta jambe ?
-Oui, c’est rien. Juste un beau bleu.
-Ça serait pas arrivé si tu protégeais mieux ta gauche. Tu te concentres tellement sur ta droite parce que c’est le côté que tu as l’impression de moins maîtriser que tu en oublies ta main principale.
-Ouais, je sais. C’était la droite que je délaissais avant. Je me suis équilibré les derniers mois et…
-... Et ça s’est inversé, c’est ça ?

Sauveur hocha la tête en guise de réponse.

-C’est souvent le risque. Il faut que tu trouves comment gérer les deux côtés de la même manière. C…

Le milicien fut interrompu dans son explication. Quelqu’un venait de prononcer le nom du gladiateur. Ce dernier se retourna pour découvrir la personne qui l’avait interpellé alors qu’il lui tournait le dos.

«Sauveur!» L’instructeur arrêta net, non sans froncer légèrement les yeux avant de remarquer que cela ne venait de nul autre que du fils aîné de la Princesse Marchande, Lukas. Ce dernier s’inclina respectueusement et recula de quelques pas avant de tourner le dos pour s’éloigner. Mieux ne valait ne pas déranger la colérique Princesse Marchande en s’attaquant à sa progéniture. Le petit blondinet haut comme trois pommes s’approcha rapidement du gladiateur avant de regarder l’épée qu’il tenait toujours à la main avec de grands yeux.  Clairement impressionné, le jeune sang-mêlé releva ses grandes prunelles verdâtres vers le gladiateur avant de reprendre la parole. « Ma maman, elle dit que t’es le meilleur gladiateur! Dis, tu vas pouvoir m’apprendre a manier l’épée? Ma maman m’a dit qu’on avait beaucoup d’ennemis et qu’il fallait que je sache me défendre!....» Et il continua encore et encore, à croire que le petit être pouvait déblatérer pendant de longues minutes avant de reprendre son souffle, un exploit en soi. Puis une voix cristalline vint interrompre le monologue incessant de l’enfant. « Lukas» Ce dernier s’arrêta net, avant de s’arrêter pour voir sa mère qui se tenait droite en haut du grand escalier de pierre blanche. Oh ho… Avait-il commis une erreur en dérangeant le gladiateur? Mais il voulait seulement apprendre comment se battre! « Mais! Maman! Je voulais seulement devenir grand et fort comme Sauveur!!» La jeune demie-elfe se contenta d’esquiver un sourire avant de lui faire signe de venir à elle de son index. Le garçon s’approcha de sa mère en boudant, comprenant que sa conversation avec le gladiateur était terminée. Puis, il s’arrêta devant sa mère qui s’agenouilla doucement vers lui. «Sauveur a besoin de s’entraîner, et tu ne peux le déranger pendant qu’il le fait. Sinon il ne sera plus le meilleur!» Le jeune garçon ouvrit grand les yeux lorsqu’il se rendit compte de son erreur. «MAIS! Mais je veux pas que Sauveur perde à cause de moi!!» Maralina se releva avant de rétorquer; « Alors vas à tes leçons ton maître t’attends!» Lukas croisa les bras, l’air frustré puis sans un mot,  entre dans le palais pour aller retrouver son maître qui l’attendait depuis quelque temps déjà.


Maralina s’approcha de son pas gracieux vers le gladiateur avant de s’arrêter devant lui. Elle ne lui avait pas vraiment parlé depuis qu’elle avait commencé à le parrainer. Certes, la demie-elfe s’était assuré que ce dernier ne manque absolument de rien. Elle avait dépensé sans compter pour le gladiateur, s’assurant qu’ils aient les meilleurs entraîneurs possible, profitant même de l’expérience de ses miliciens pour la montrer au jeune homme. Pour elle, il valait mieux être prêt à toute éventualité, et le grand tournoi de Thaar l’avait bien montré. Surtout lorsque Sauveur avait affronté le prêtre de Zhak’Bhar. «Désolé si Lukas a interrompu ton entraînement» Dit-elle sans émotion. «Comment vont tes blessures?» dit-elle en  baissant son regard vers  le torse du gladiateur. Oui, elle s’inquiétait. Voir Sauveur serait définitivement une perte. Pas seulement monétaire, mais une perte de talent, car même si ce dernier avait perdu, il avait du talent. Il avait cette flamme qui brûlait en lui. Il ne se battait pas seulement pour sa survie, mais pour quelques choses de bien plus important, de bien plus profond.  «Est-ce que tes entraînements vous suffisent ou aurais-tu besoin d’autre chose?» La demie-elfe pencha légèrement la tête sur le côté en plissant les yeux. Laissant ainsi l’opportunité à l’esclave de lui demander ce qu’il voulait. Il était chanceux, elle se sentait généreuse aujourd’hui.

Alors qu’il découvrait le petit garçon derrière lui, Sauveur haussa un sourcil interrogateur. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Son instructeur ne demeura pas pour le savoir et il prit bien vite la poudre d’escampette. Le gladiateur se tourna alors pour faire totalement face à Lucas. Il aurait voulu lui répondre dès la première phrase mais le gamin ne lui laissait pas en placer une… Après plusieurs tentatives infructueuses, il soupira pour se forcer à garder patience puis posa un genou à terre pour se mettre à la hauteur de l’enfant. Mais plus rien ne semblait pouvoir l’arrêter…

Rien à part…

-Lucas !

Sauveur releva les yeux vers le haut de l’escalier pour y découvrir la Princesse Marchande qui demandait d’un geste à son fils de la rejoindre. Lorsque le petit s’éloigna, le gladiateur se remit debout. Il assista à la scène sans rien dire, un sourire en coin aux lèvres devant l’attitude de l’enfant. Certes, Lucas était difficile à arrêter lorsqu’il était lancé mais, après coup, cela l’amusait malgré tout. Tant d’insouciance… C’était quelque chose qu’il avait oublié depuis longtemps.
Finalement, le garçon fut renvoyé à ses leçons. Au lieu de disparaître dans les méandres de son palais, Maralina descendit l’escalier pour venir à la rencontre de l’esclave. Ils ne s’étaient pas parlés depuis ce jour où elle lui avait offert de le financer, aussi n’était-il pas habitué à côtoyer la Princesse. Fronçant légèrement les sourcils, il appréhendait un peu l’échange à venir. Il le devait sans doute à sa performance dans l’arène au cours du mois écoulé. Il était perdu d’avance face au Haut Prêtre drow mais sa défaite avait malgré tout participé à sa renommé, ne baissant pas les bras, infligeant même des dégâts à son adversaire, jusqu’à ce que son corps le lâche après de nombreuses blessures.

-Désolé si Lucas a interrompu ton entraînement.
-Nous avions terminé. Répondit-il, non pas pour être poli mais de manière tout à fait factuelle.

Il sentit le regard de Maralina courir sur lui comme si elle cherchait les emplacements de ses cicatrices sous le tissu de sa tunique ou sur ses bras nus. On pouvait dire qu’Ulk avait vraiment fait un travail formidable en la matière. La brûlure de son bras droit avait totalement disparue, ainsi que les petites entailles disséminées un peu partout sur le haut du corps. A la demande d’Hashar, il n’avait laissé visibles que les deux blessures qui participaient à sa renommé : l’entaille sur le flanc gauche qui avait handicapé son bras principal ainsi que l’épaule où l’épée du Gobelin avait traversé de part en part, signant la fin de leur combat. Il en serait probablement mort s’il n’avait pas été pris en charge par le mage dès sa sortie de l’arène.

-J’ai reçu d’excellents soins. Je reprendrais bientôt les combats.

Cette perspective n’était pas pour le réjouir mais il n’avait pas vraiment le choix. Tout le monde devait se contraindre à faire quelque chose pour subsister, même une Princesse Marchande. Si le pêcheur se forçait à partir au large, lui entrait dans l’arène pour combattre, la plupart du temps jusqu’au premier sang et parfois jusqu’à la mort. C’était ainsi. Il ne se ferait pas plaindre mais il ne sauterait pas de joie non plus, même devant celle qui lui apportait un soutien si conséquent qu’il était parvenu jusqu’en quart de finale à un tournoi qui comptait près d’un millier d’inscrits.

-Est-ce que tes entraînements te suffisent ou aurais-tu besoin d’autre chose ?
-J’avoue que j’ai du mal à voir ce que vous pourriez faire de plus pour moi là-dessus. J’ai presque trois fois plus de séances que la plupart des gladiateurs.

La Princesse Marchande ne bougea pas son regard une seule seconde. Elle aimait bien ce gladiateur, certes il avait poussé quelques limites niveau insolence avec ses instructeurs, mais elle avait toujours eu l’impression qu’un quelconque respect s’était installé entre eux. Il lui énuméra les faits, sans émotion, et c’était une chose qu’elle appréciait. Après tout, la Princesse avait autre chose à faire que de gérer les pleurs des esclaves. Néanmoins, Sauveur lui avait rapporté beaucoup. Son brutal combat avec le Gobelin avait énormément fait parler. Bon d’accord, le pauvre gladiateur s’en était sorti assez amoché, mais sa bravoure ainsi que ses compétences avaient été remarquer et cela avait franchement fait une jolie publicité presque gratuite. « Et Courtois? » Demanda-t-elle, non sans jeter un regard autour d’elle pour tenter d’apercevoir son autre champion. Elle savait que ce dernier avait été particulièrement surpris d’être choisi par la Princesse Marchande, mais elle avait toujours eu l’impression qu’avoir les deux frères au lieu d’un seul, aurait un impact beaucoup plus positif sur les deux curieux personnages. Après tout, les deux se battaient pour leur liberté. Ils voulaient retrouver leur famille et elle savait très bien qu’ils n’auraient aucunement abandonné l’un ou l’autre derrière. Ne voyant pas Courtois, la Vaanie retourna son regard azuré vers Sauveur en l’interrogeant de ce dernier, attendant patiemment que ce dernier lui donne la réponse à ses questions silencieuses.


Maralina lui fit un sourire, avant de baisser le regard pendant quelques secondes pour ensuite faire quelques pas de reculons. Une question lui venait en tête, une question qui pourrait peut-être donner un peu trop d’espoirs à Sauveur, mais elle se devait tout de même de la poser. « Et si tu obtenais ta liberté, là, maintenant. Dis-moi que ferais-tu avec cette dernière ? » Maralina pencha légèrement la tête sur le côté, en surveillant la moindre réaction de son champion. Cela faisait déjà un petit moment qu’elle y pensait. Certes, elle avait la réputation d’être terrifiante et dure en affaire, mais la demie-elfe avait ses moments et il fallait dire qu’avec ses enfants, ces moments étaient devenus de plus en plus extrêmes… La Princesse Marchande pivota doucement pour monter une marche avant de s’arrêter. « La liberté n’est pas quelques choses de gratuit. Lorsque tu l’obtiendras, il y aura des épreuves. Certaines que tu n’auras jamais vues venir. Êtes-vous le moindrement prêt à y faire face? Avez-vous un quelconque plan? » Bien évidemment, les deux frères auraient besoin de support une fois leur liberté acquise. Un support que la Princesse Marchande pourrait offrir, mais bien entendu rien n’est gratuit dans ce monde, et la générosité des Princes Marchands avait souvent des limites. Maralina monta doucement les marches pour se rendre à son palais, et s’arrêta une fois la dernière montée, pour se retourner vers Sauveur, l’air pensive.  « Mais peut-être me feras-tu l’honneur de me démontrer les innombrables techniques que tu as appris depuis ce dernier combat? » La demie-elfe fit rapidement signe à trois miliciens d’approcher. Ces derniers comprirent très rapidement ce qu’attendait leur employeuse et dégainèrent rapidement leurs épées, prêt à combattre. Pendant ce temps la Princesse Marchande se tenait bien droite en haut des marches, ne voulant pas manquer une seule seconde du spectacle improvisée qui se préparait. Elle avait un but très précis en tête, un test pour voir la volonté de son champion… Ne restait qu’à voir si ce dernier comprendrait ce qui était en jeu…

A la question sur Courtois, Sauveur prit un instant pour réfléchir. Il n'avait pas forcément brillé par son excellence pendant le tournoi. Ils s'étaient entraidés pour la première épreuve mais, à la seconde, il était tombé des madriers. Il avait pourtant un style de combat très particulier qui avait de quoi déstabiliser ses adversaires avec ses lames en forme de croissant de lune. Mais cela ne lui avait pas été d'une grande aide.

-Il n'en a pas tout à fait autant. L'école l'emploie parfois comme adversaire dans mes entraînements personnels, sinon, il n'est pas convié.

L'école dépensait de l'argent pour entraîner ses gladiateurs. Elle n'investissait que dans ceux qui avaient le plus de potentiels. Sauveur était arrivé en quart de finale dans un immense tournoi, il méritait d'être traité comme les champions. Courtois en bénéficiait un peu par extension mais pas autant que s'il avait pu faire connaître un peu plus son nom avec les épreuves suivantes des jeux.

Sans crier gare, la Princesse changea subitement de sujet, posant une question qui fit froncer les sourcils au jeune homme. On lui avait offert sa liberté une fois pour mieux la lui reprendre ensuite. Il était devenu méfiant à ce propos afin de se préserver et ne pas risquer de retomber dans ses travers de l'époque. Il avait laissé sa rage l'envahir totalement au point de ne plus être capable de raisonner correctement. Cela faisait trois ans maintenant...

-Nous avons plusieurs objectifs, certains ne se réaliseront pas sans aide...

Courtois et lui n'avaient goûté à la liberté que durant une ennéade mais ils avaient eu le temps d'échafauder des projets et de commencer à réfléchir au meilleur moyen d'y parvenir. Ils devaient retrouver leurs mères et leurs sœurs mais cela leur serait difficile en tant que simple affranchi. Personne ne répondrait à leurs questions. Sans compter les terres qui leur avait été volées et qu'ils ne pourraient récupérer sans quelques soutiens sûrs.
La Princesse se fit de plus en plus étrange, continuant à parler de liberté et des épreuves qu'il lui faudrait endurer pour l'atteindre et la vivre. Sauveur de fit de plus en plus soupçonneux, fronçant les sourcils plutôt que de continuer de répondre à ses questions. Elle ne sembla pas s'en offusquer et lui soumit une requête avant de demander à trois de ses hommes d'approcher. Du coin de l’œil, il les regarda avancer dans sa direction et se mettre en place tout autour de lui. Lorsqu'ils s'arrêtèrent, il porta son regard sur eux, chacun à leur tour, avant de revenir sur Maralina. Portant à nouveau son attention sur le milicien qui se tenait devant lui, il lâcha un soupir. Il avait passé sa journée à se battre et voilà qu'on le lui demandait encore... Finalement, tenant ses deux lames d’une main, il retira leurs fourreaux de l’autre, les envoyant d’un même mouvement hors de la zone de combat. Puis il répartit ses épées entre ses deux mains et se mit en position.
Sauveur n’était pas tellement du genre à attendre lorsque cela ne le nécessitait pas. Aussi fut-il le premier à engager les hostilités. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il ne s’en prit pas d’abord à celui qui était devant lui mais plutôt au milicien qu’il voyait le moins, surprenant ainsi ses adversaires et s’évitant une attaque dans le dos. Néanmoins, les deux autres ne tardèrent pas à réagir, aussi le gladiateur repoussa-t-il rapidement celui qu’il avait choisi d’affronter pour se concentrer sur eux.

Sauveur s’était nettement amélioré depuis le premier combat auquel Maralina avait assisté. Déjà à l’époque, il s’était plutôt bien défendu face au champion qui lui faisait face. Depuis, il avait lentement progressé jusqu’à ce que le tournoi s’annonce et que tous les entraînements soient doublés. Courtois lui avait également appris à utiliser sa colère pour en faire une énergie positive plutôt que de la laisser lui embrouiller l’esprit. Ainsi, il s’en servait pour augmenter la rapidité de ses mouvements et la force de ses coups. C’était plutôt efficace car, de la colère, il en avait à revendre… Cela lui donnait également un regard noir et menaçant tandis qu’il combattait qui, associé à sa grande taille et sa masse musculaire plus développée qu’auparavant, le rendait quelque peu impressionnant aux yeux de ses adversaires.
Après plusieurs minutes de combat, Sauveur était toujours debout. Il avait entaillé le bras de l’un des miliciens mais celui-ci ne s’était pas laissé démonter et l’attaquait toujours, ce qui n’avait rien d’étonnant pour un homme de Maralina. Elle savait très bien s’entourer, surtout en ce qui concernait sa sécurité. Aussi le gladiateur n’avait-il pas vraiment espéré que cela rééquilibrerait les forces mais il avait gagné quelques secondes le temps que le gars encaisse la douleur.
L’Hadjaoui venait de faire tomber un autre milicien lorsque le combat se figea soudain. Un genou presque à terre, Sauveur ne chercha pas à se relever. Il posa le regard sur sa gauche et vit une lame près de sa joue qui ne lui appartenait pas. Il en suivit le fil et se tourna lentement jusqu’à apercevoir les contours d’une silhouette. L’un de ses adversaires avait arrêté son coup juste avant de le toucher et maintenait sa position pour faire valoir la défaite du gladiateur. Ce dernier baissa ses armes et le vainqueur retira son épée pour lui permettre de se relever. Sauveur s’approcha de celui qu’il venait de faire tomber, resté au sol le temps de reprendre son souffle, et lui tendit une main secourable. S’il faisait preuve de rage lorsqu’il se battait, il n’éprouvait pourtant aucune rancœur contre ceux avec qui lui faisaient face. Il n’était pas mauvais perdant, pas plus qu’un vainqueur orgueilleux. C’était quelqu’un de bien plus simple qu’il n’y paraissait.

La princesse ne manqua pas une seule seconde de la danse qui se déroulait devant elle. Chaque milicien qui travaillait pour elle été soumis à un des entrainements les plus rigoureux.  Maralina avait redoublé sa sécurité après son enlèvement et surtout après la naissance de ces premiers enfants. Faire combattre Sauveur contre plusieurs miliciens était du suicide. Oui, Sauveur était doué, très doué, mais ce n’était tout simplement pas un combat juste et équitable. Elle observa le moindre mouvement du gladiateur, son regard et ses expressions durant le match improvisé. Un de ses instructeurs approcha doucement de la princesse avant de lui murmurer; « Il s’est amélioré.  N’est-ce pas? » La Vaanie eut un sourire amusé; « Oui, définitivement Ulric. Bon travail. » Et c’est à ce moment que le combat devint plus intéressant. Un des miliciens se retrouve rapidement au sol, puis ce fut un de ses miliciens qui mit fin au combat en approchant sa lame dangereusement près de la joue du gladiateur. L’Hadjaoui avait perdu. «  Beau combat » dit-elle en applaudissant lentement. Certes le gladiateur s’était amélioré, mais il avait encore beaucoup de chemin à faire. Néanmoins, la Princesse Marchande lui était redevable pour tout ce qu’il avait fait et elle avait une proposition à lui faire, une proposition qui pourrait être fort attrayante pour ce dernier.


Elle fit signe à ses miliciens de se reculer, ce qu’ils firent rapidement, pendant qu’elle s’approcha de ce dernier d’un pas séducteur, presque félin vers Sauveur. Elle ne s’arrêta que lorsqu’à un souffle de ce dernier, avant de planter son regard azuré dans le sien. Puis elle lui fit un sourire, avant de commencer à marcher tout doucement autour de lui. Comme un prédateur autour de sa proie. « La mort, la vie. La rage, la joie et le plus grand désespoir. Ce sont ses sentiments, cette peur qui nous guide à travers la vie. J’ai toujours su que se battre pour sa famille était la plus noble des actions. Je protège la mienne comme vous souhaitez retrouver la vôtre. Mais vous et moi le savons qu’un affranchi aura de la difficulté à s’en sortir. » Maralina s’arrêta une nouvelle fois devant ce dernier et releva la tête pour soutenir le regard du gladiateur; «Vous vous battez pour la liberté? Je peux vous offrir cette liberté, à toi et à Courtois.  Je n’ai qu’une seule condition. » Elle se recula d’un pas avant de baisser légèrement la tête sur le côté. « Rester à mon service. Que cela soit en tant que mercenaire, milicien ou tout simplement professeur pour mes enfants. Vous aurez la liberté de vos actes, et un salaire. Un salaire qui vous permettrait beaucoup plus que vous puissiez l’imaginer.» Maralina n’était pas dupe, elle savait qu’il y avait des gens qui en voulaient contre sa famille. Avoir le gladiateur auprès d’elle ou de ses enfants en découragerait plus d’un. Elle se doutait bien que ce dernier s’absenterait quelques fois pour retrouver sa famille. Mais cela ne se ferait pas en un claquement de doigts et le gladiateur aurait besoin d’argent pour cela. « Je suis bien consciente que tu dois en parler à Courtois. L’offre est sur la table. À vous de la prendre ou de la laisser. Sachez seulement que si vous la refusez, l’occasion ne se représentera pas. »

Après avoir aidé le milicien à se remettre debout et avoir échangé avec lui à travers un simple tape amicale sur l’épaule qui lui fut rendu, Sauveur reporta son attention vers la Princesse Marchande. Etrangement, personne n’avait peur qu’il s’en prenne à elle. Pourtant, les gladiateurs étaient dépossédés de leurs armes dès la fin de leur entraînement ou combat. Mais lui, ici, on ne prenait même pas cette peine. En même temps, quel intérêt aurait-il à s’attaquer à la poule aux oeufs d’or ? Plus encore chez elle, au milieu de ses gardes ?
Le souffle encore court de l’effort qu’il venait de fournir, il posa sur elle un regard suspicieux, fronçant les sourcils devant son attitude plus qu’étrange à ses yeux. En haut des marches demeurait encore Ulric qui les observait d’un oeil satisfait. Qu’est-ce qu’il se tramait au juste ? Il l’écouta, restant immobile alors qu’elle lui tournait autour tel un animal affamé. L’offre qu’elle lui fit était très alléchante mais il était bien placé pour savoir se méfier du loup que cela pouvait cacher. Elle leur proposait la liberté et un salaire… Et la seule contrepartie serait de travailler pour elle ? C’était presque trop beau pour être vrai.

-Je ne peux pas parler pour mon frère mais vous vous doutez que nous serions idiots de refuser. Avec votre permission, je voudrais prendre le temps d’en parler avec lui. Nous aurons sans doute des questions sur les conditions de cet arrangement.

Soudain, Sauveur eut l’impression d’entendre son père. Il avait déjà assisté à des échanges entre lui et ses clients et il avait à peu près le même ton et le même langage que celui qu’il venait de tenir. C’était… surprenant et il sentit un brin de mélancolie en repensant à cela. Il quitta le palais dans les minutes qui suivirent et se rendit directement auprès de Courtois pour lui résumer son échange avec Maralina. Ils prirent le temps d’en discuter ensemble mais aussi avec Aimé avant de retourner auprès de la Princesse.
Si Azza ne voulait pas tellement voir deux de ses meilleurs financements partir, elle ne voulait pas non plus chercher des problèmes avec une personne telle que la demie-elfe. Elle préférait se tenir en marge du Conseil de Thaar. Elle n’opposerait donc que peu de difficultés à leur libération.

Maralina offrit donc emploi et logement aux deux hommes. Ceci choisirent d’être mercenaires travaillant exclusivement pour elle et décidèrent de se loger par eux-mêmes. Certes, cette dernière décision ralentirait un peu leurs économies pour rechercher les femmes de leur famille mais ils devaient déjà énormément à la Princesse Marchande et ils ne voulaient pas lui être plus redevable encore. Les choses furent ainsi arrangées et, dans les jours qui suivirent, tous les hommes Hadjaoui fêtaient leur liberté. Pour la première fois depuis le début de leur relation, Sauveur put se réveiller auprès de Sanaa sans être obligé de se lever aux aurores et de la laisser seule dans la couche qu’ils venaient de partager.
Et cela avait un goût exquis… L’amour au petit matin...