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| Un phare dans la symphonie [Libre] | |
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Alcariël
Elfe
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| Sujet: Un phare dans la symphonie [Libre] Mer 10 Avr 2019 - 21:00 | |
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Quatrième ennéade de Barkios, seizième année du onzième cycle. Après le tumulte qui avait secoué notre Noss toute entière, j’avais réussi à trouver un peu de calme et d’isolement pour que le crâne me restitue tout ce que je lui avais confié. Les émotions retrouvées me confirmaient que l’issue avait été assez juste, au final, avec un léger déséquilibre en notre faveur. Puis j’avais rejoint Ungwë qui m’avait attendue pour rentrer, rentrer vers là où les nôtres nous avaient annoncé qu’ils attendraient. Notre retour se déroula sans accroc et dans un calme relatif qui faisait énormément de bien. Je n’avais pas été la plus bavarde mais je ne cachai pas un instant à ma protégée que j’étais bien, aussi bien que je pouvais l’être. Je continuais de la penser comme ma protégée en l’honneur de cette promesse faite à Lorna, mais en vérité, elle m’avait épaté. Elle avait su se relever après avoir encaissé les coups, et si je pouvais être radieuse, c’était grâce à elle. Au camp, si je ne changeai pas officiellement de statut et ne participai pas aux discussions quant à notre rapprochement de la cité des Taledhels, tout changea. J’avais l’impression d’être retournée dans le passé, lorsqu’on m’avait confié mon premier rôle important. La première mission n’était pas si dangereuse, elle n’avait si mal tourné que j’avais dû faire des choix durs, et toutes les tensions avaient été désamorcées avant de vraiment dégénérer, mais elle restait une mission accomplie. J’étais fière d’avoir été fiable, d’avoir servi de support quand Ungwë en avait eu besoin, de ne pas avoir fui. Peut-être grâce à ce bien-être interne, tous les regards posés sur moi ne semblaient désormais plus si scrutateurs, et je retrouvais peu à peu une place, forcément différente de celle que j’occupais avant mon départ, mais dont les contours se précisaient. Lorsque les Iarin’Dath avaient décidé de retourner vers Alëandir, le trajet me vit être moins isolée. Il y eurent d’autres présences que celle d’Ungwë pour m’accompagner, alors que ses mots lors de la chasse au serpent résonnaient, encore une fois. *** Je n’avais rien vu comme Alëandir dans ma longue vie. Que ce soient ses pierres blanches éclatantes, ses constructions étonnantes, ou ses aménagements resplendissants, pour une construction artificielle, la ville était grandiose. Là, un bâtiment envahi de plantes grimpantes qui me faisait lever la tête pour en voir le sommet, ici les sons agréables des mouvements de l’eau d’une fontaine qui me faisaient frémir les oreilles, ou encore là, un jardin qui participait à la symphonie de l’Anaëh malgré son environnement qui semblait trop mort. Des Iarin’Dath, il n’y avaient qu’Ungwë et moi, aucun autre ne nous avait suivi. Grâce à la confiance que notre impact sur la terrible situation nous avait valu, il faisait sens pour les Anciens de nous laisser entrer encore une fois en contact avec les Taledhels, sans craindre que nous ne provoquions d’autres troubles. En continuant notre chemin, nous déboucherions éventuellement sur l’Estel, notre destination. Mais je ne pouvais affirmer dans quelle direction elle était, mes talents ne servant que peu dans ce genre d’environnement inconnu. Et si nous venions à nous perdre, nous pourrions toujours demander notre chemin à ces Taledhels, plutôt à ceux qui ne nous dévisageaient pas d’ailleurs, si j’avais mon mot à dire. J’avais fait un effort pour ne pas paraître un danger en laissant mes armes au camp et ne gardant rien qui pourrait y ressembler sur moi. Je pensais avoir atteint mon but, alors que ma taille même n’était pas un trait très étonnant ici, mais je n’avais pas fait d’effort pour cacher ce côté sauvage qu’on devait me trouver et qui devait attirer ces regards. Au bout de longues minutes, le moment de découverte passé, j’avais l’impression d’avoir cédé face à un moment de faiblesse, m'émerveillant de ce que je voyais plus que de ce que je ressentais. Mon expression radieuse se transforma en une plus réservée, alors que je réalisais finalement à quel point la symphonie était différente ici. Pas vraiment plus faible, grâce à toutes ces plantes qui traçaient leur chemin jusqu’à la lumière du jour, faisant fi des constructions, mais différente quand même. Et surtout, il y avait une présence plus forte que toutes les autres, une présence qui rendait le concept d’égarement complètement idiot… Bien sûr qu’on le trouverait. Je tournai un regard interrogateur vers Ungwë. « C’est lui qu’on ressent, tu penses ? »
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Mer 10 Avr 2019 - 22:07 | |
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Depuis notre départ du camp, je m'efforçais de garder mon calme et ma joie de vivre habituelle. Pourtant, malgré le sincère soulagement qui avait suivit la confrontation avec les citadins, cela faisait plusieurs jours que mon moral n'était plus au beau fixe. J'aidais, je soignais. La routine avait repris son cours... Et pourtant beaucoup de choses avaient changés. Lorna la première. Son sourire et ses mots me hantaient autant que le silence de Tuo depuis ce soir là. Cette fois je n'y échapperai plus... Je devais choisir mes tatouages.
Depuis trois jours, des peintures maculaient mon visage. Du rouge sang sur le front, du noir sur les yeux, et des touches de blanc pour marquer la ligne d'esprit. Elles entouraient mes yeux, couvraient mon front en marquant l'emplacement de l’œil invisible, et barraient mon menton, mon cou et ma clavicule en volutes précises. Leur tracé était grossier et leur significations assez banales. Pour m'habituer disait ma cher mentor... Mais j'avais beau savoir que c'était un acte de récompense et de fierté, je les sentais presque me bruler la peau.
En quittant le camp, enroulée dans mon sari de soie colorée, j'étais soulagée de m'éloigner de Lorna pour quelques heures... A moins que ce ne soit la perspective de pouvoir poser mes questions à l'Estel qui allégeait mon fardeau ? Mais avant l'Estel, il y avait un obstacle de taille qui avait toute les raisons de me sortir de mon marasme pour me projeter vers l'instant présent : les murs.
Les gardes ne nous laissèrent aucune arme, mais personne n'osa nous interdire l'accès. Ce que les citadins protégeant le Chêne d'Or avaient fait quelques années plus tôt leur avait visiblement servit de leçon. Alors nous nous sommes approchés et nous sommes entrés dans l'espace énorme ou déambulaient les elfes de pierre. Pressés, pâles, hauts, étranges, occupés. Ils ne se regardaient pas vraiment... Par contre ils nous regardaient nous... Ils me regardaient moi. Petite et sombre arborant des couleurs criardes. J'ai rabattu un pan de mon sari comme une capuche sans baisser la tête pour autant... Mais plus nous nous enfoncions dans la cité, plus je me sentais... déracinée.
La symphonie parvenait par bribe, le long des plantes grimpantes qui maculaient les façades, crevaient les murs et reliaient de petits carrés de plantes ordonnées et dressées. Peu d'animaux. Peu d'insectes. J'en était tendue, le cœur battant. La crainte au ventre.
Alcariël m'a dit quelque chose, mais j'ai mis un long instant à m'en rendre compte avant de me tourner vers elle.
- Hein ?
- Style de marques en un peu plus net:
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Ven 12 Avr 2019 - 13:36 | |
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En marchant aux côtés d’Ungwë, je réalisai comprendre de mieux en mieux Alëandir. La logique ordonnée des Taledhels m’était toujours étrangère, mais toutes ces plantes étaient plus bavardes que je ne l’avais pensé de prime abord. Et surtout, avec un peu d’imagination, j’avais l’impression qu’elles s’étaient entraidées pour arriver à survivre dans un monde de pierre et qu’à leur façon elles avaient construit un autre type d’équilibre. Avec tout le naturel du monde et en réaction à ces pensées, j’avais pris un rôle qui ressemblait de plus en plus à celui que j’avais eu pendant des siècles au sein des Iarin’Dath, je m’étais détachée d’un pas au devant de ma protégée.
Je souris en voyant Ungwë aussi rêveuse. Tout avait été si intense ces dernières ennéades, mon retour miraculeux, les mouvements fréquents de la Noss, ce conflit, les tourbillons d’émotion, l’absence de sa demie-sœur, c’était beaucoup, et la voir parvenir à être paisible me rassurait et m’apportait un peu de calme aussi. « L’Estel, j’ai l’impression de le sentir, vers là-bas. » Je tendai un bras dans la direction concernée, attirant par le même geste son attention vers une porte de sortie tant attendue. « Comme s’il nous appelait… Pas vraiment, ce serait idiot de penser qu’on soit si importantes pour lui… La Symphonie est tellement étrange ici, je ne sais plus quoi penser… » J’aurais pu la penser non naturelle, elle l’était peut-être, mais j’avais vécu la dissonance du Linoïn il n’y a pas si longtemps, et j’étais probablement la plus à même d’accepter sa différence. Je finis en posant la même question à Ungwë. « Mais il n’y a que lui qui pourrait être aussi fort, pas vrai ? »
Sans l’exprimer à Ungwë, je nous avais fait prendre un tout petit détour alors qu’un lieu m’avait emplie de curiosité. Je n’en avais eu que des échos à peine perceptibles mais je savais y trouver une osmose entre la cité et la nature, et je ne fus pas déçue. Au moment où je finissais ma question, mon regard se posa sur un mur blanc duquel sortaient plusieurs goulottes par lesquelles se déversaient quelques ruisselets dans un étang paisible, comme plusieurs petites cascades. Autour de l’étang quelques plantes, animaux et arbres s’y abreuvaient et une petite famille de gerbilles impériales qui osait se pencher sur l’eau releva la tête à notre arrivée mais se désintéressa presque aussitôt alors que je m’arrêtai là pour l’observer. Il n’y avait pas de Taledhel ici, et je me remis à sourire. Forcément, le lieu n’était pas aussi majestueux que certains petits paradis de l’Anaëh, mais la Symphonie m’avait dirigée ici de la même façon.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Dim 14 Avr 2019 - 23:41 | |
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J'écoutais avec attention pour être certaine de recevoir tous les mots. Déracinée... Sur cette pierre égale et taillée, j'étais debout seule. La terre ne me soutenait plus de la même façon. La symphonie lointaine laissait un sifflement désagréable à mon oreille. La décontraction et la joie simple d'Alcariël... Je pouvais au moins m'y accrocher. Essayé de m'y accrocher... Mais elle avait quelque chose d'étrange et de décalé par rapport à mes propres perceptions. Alors j'étais surtout... seule.
Mais je gardais le sourire. Mis à part la difficulté que j'éprouvais à me concentrer et la tension de voir tant de monde grouiller dans ces artères vides de vie, je maintenait encore la façade. Peut-être que mes peintures aidaient ? Peut-être...
- Oui, sans doute. " Je m'efforçais de répondre sans être totalement sûr du sujet abordé.
Et presque aussitôt, je me retrouvais dans un carré de verdure au centre duquel s'écoulait une eau maîtrisée, Aclariël me précédant toujours de quelques pas. Un sentier de gravier courrait autour du bassin faussement sauvage, mais à côté, un peu de terre et d'herbe haut me tendait les bras. Je quittait immédiatement la sente et me glissait jusqu'au bord de l'eau, remarquant à peine les gerbilles pour m'asseoir, les genoux repliés contre ma poitrine et mes bras entourés autour de mes genoux. Juste au bord de l'eau. Même ici, alors que je baissait obstinément la tête vers l'herbe et l'eau, l'impression ne passait pas. Je me sentais fébrile. C'était la première fois que je m'aventurais si profondément dans une cité fermée. J'essayais de respirer mais ma poitrine était de plus en plus oppressée.
- Je ne me sens pas bien, Alcariël... " Je veux rentrer... Je veux rentrer maintenant... Je ne pouvais pas le dire, mais je le pensais tellement fort. J'en avais la nausée. J'en avait assez... Je n'arrivais même pas à repérer ce dont parlait Alcariël. J'étais perdue... Tellement perdue... Désemparée.
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Lun 15 Avr 2019 - 0:26 | |
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Je réalisai bien assez tôt que même ce petit havre de paix ne rassurait pas Ungwë, mais je ne réalisai à quel point elle souffrait de la différence de cette Symphonie que quand elle me l’exprima clairement. « Je sais… » Je lui dis simplement, m’approchant d’elle doucement. « On peut partir si tu veux, on a très bien vécu jusque là sans voir l’Estel. » Mes gestes allaient être contraires à mes mots alors que je m’accroupissais à côté d’elle, ne prévoyant pas de partir tout de suite. C’était un peu triste qu’elle ne puisse pas se rattacher à ce qu’il y avait jusque là, mais je ne pouvais pas non plus prétendre comprendre son lien avec la Symphonie et les plantes, son rôle la poussait à avoir une relation plus forte avec elles que je ne pourrais jamais avoir. C’était peut-être cette sensibilité exacerbée qui l’empêchait de passer outre la différence et qui la rendait aveugle à ce que j’étais convaincue être l’Estel.
Je me rapprochai encore un peu d’elle, établissant un contact entre un genou et son bras gauche. « Tu sais ? Ça me fait penser au Linoïn. Quand j’y ai mis les pieds la première fois je n’ai eu qu’une envie, m’en aller, l’abandonner, retrouver les miens, te retrouver toi, Faelwen, Tuo… » Mes yeux se plongèrent dans l’eau devant moi alors que je me taisais un instant, avant de reprendre d’un ton un peu triste. « Mais c’est cette différence qui m’a retenu. Moi, je pouvais me protéger en revenant dans les zones saines régulièrement… » Je ne pouvais pas parler du crâne… « Mais les arbres, ils n’avaient pas cette chance, ils étaient obligés de subir la Dissonance, tout le temps, jusqu’à en devenir fous. Je discutais avec eux de temps en temps, c’était désagréable pour moi, mais peut-être que je leur ai fait du bien. J’espère. » Un instant j’étais pensive, le prochain je trouvais de nouveaux mots.
« Je ne pouvais pas les abandonner là, donc j’ai insisté, je suis revenue, tous les jours. Si je leur tournais le dos, je refusais leur existence, je refusais qu’ils puissent souffrir, je refusais qu’ils puissent avoir besoin d’aide. » Je tournai la tête vers Ungwë, cherchant à moitié son regard. « J’ai l’impression que c’est pareil ici. Tout le monde ne parle pas aussi facilement, cet arbre n’a peut-être pas grand-chose à raconter, ça devient peut-être répétitif à la longue pour tout ce petit groupe de plantes. Mais si on s’enfuit maintenant, est-ce qu’on leur dit qu’elles vont dans la bonne direction ? Est-ce qu’on félicite celle là, qui a mis des années avant de traverser la pierre blanche, qui a peut-être eu besoin du Voile pour retrouver la lueur du soleil ? Ou est-ce qu’on lui dit qu’elle ne sera jamais assez bonne pour nous ? » J’inspire et expire profondément une fois avant de me relever doucement. « Je sais que c’est dur, mais si tu penses avoir l’énergie, essaie de braver ce qu’on ne comprend pas ici. Sinon, je rentre avec toi maintenant. »
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Lun 15 Avr 2019 - 1:23 | |
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Gorge serrée. Cœur au bord des lèvres. Seul le contact d'Alcariël me procurait un peu de protection. Je l'écoutais. Et ses mots finissaient par avoir un sens... J'aurais préféré qu'elle ait tort pour pouvoir me réfugier dans ses bras et pleurer comme quand j'avais 20ans et que je tombais des arbres. Pour qu'elle me ramène au camp en me portant. Que je puisse encore me laisser bercer par ses pas et les voix innombrables qui enlaçaient, accueillait et apaisait mes douleurs d'enfant... Mais chaque murmure ici méritait mon oreille et ma voix. La mort et le vide que je sentais ne devaient exister qu'en surface.
- Je vais me reprendre. Promis... "
Après ce que m'avait apprit Lorna, les paroles d'Alcariël prenaient un sens profond, presque prophétique. C'était ma voie... Et pour la première fois elle me semblait réellement difficile à suivre. J'étais physiquement déphasée et sans repère. Il aurait pu me manquer un bras, un œil et une oreille que je ne me serais pas senti moins entière. Il fallait que je lutte... Seule... Que je respire...
Le regard toujours baissé, je faisais tourner mon anneau d'apprenti du bout du pouce, ravalant ma nausée et mon malêtre pour tenter ne serait-ce que de sentir les racines sous moi alors que la Symphonie me semblais toujours fragmentaires. Mais le silence me rongeait...
- Tu veux bien... Tu veux bien encore me raconter comment c'était au Linoïn ? Ce que tu as vu, entendu, appris ? " J'avais besoin de sa voix à elle, de son expérience pour me calmer. Et tout en intégrant ses mots, je cherchais à renouer le contact magique. L'herbe qui plongeait dans le sol, à la surface. Les racines qui bougeaient légèrement, baladées par les bêtes qui montaient et descendaient dans la terre appauvrit par le manque d'humus et de carcasses. En dessous... En dessous... Comme lors de mes toutes premières leçons, j'avais du mal à rester concentrer pour filer gracieusement le long des rhizomes.
J'inspirais. J'expirais. J'écoutais. Enfin... Le bout d'une racine épaisse. Je remonte jusqu'à l'ancre primaire de ce saule pleureur, arbre solitaire proche d'un mur blanc. Je sens son rythme. Je sens sa présence... Et maintenant que j'ai au moins un point d'entrée, je tends l'oreille. Sa petite voix est là. Douce. Timide. Un enfant qui parle peu, qui entend seulement des bribes. Un solitaire qui chuchote à ses camarades. Tendre... fragile. Il ne s'est jamais défendu. Il n'a jamais vu la mort ni la douleur. Il n'avait jamais connu de véritable joie non plus. Il était... simple et doux. Un bourgeon. Ici, les elfes s'occupaient de lui, évitant même que les animaux ne creusent son écorce pour s'y nicher. Je prenais une longue inspiration, quelques spasmes forçant mes poumons à se déployer totalement sur les dernières secondes. Peu à peu, les murmures m'apparaissaient et pépiaient autour de la voix et des paroles importantes d'Alcariël. Sans être confortable, je me détendais un peu, paupières closes.
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Mar 16 Avr 2019 - 11:36 | |
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J’avais orienté mon corps et mon attention loin de ce petit jardin, dans la direction d’où nous étions toutes deux venues, montrant ainsi que je ne la forçais pas et que fuir était une option que je comprendrais complètement. Mais elle ne jeta pas un regard dans ma direction, et je souris en l’entendant répondre à mes mots, qui avaient porté. J’espérais simplement que sa promesse était pour elle seule, car personne d’autre n’en avait besoin. Je revins alors vers elle à pas lents, écoutant sa demande qui éveillait autant de sentiments positifs que négatifs. Ce serait dur de trouver les mots, mais il n’y avait pas de raison qu’elle soit la seule à faire des efforts, je me devais de la soutenir. Revenue à son niveau, je m’assis à côté d’elle en tailleur.
« C’était différent, mais pas comme ici, à aucun moment je ne les ai cru morts. J’avais du mal à m’intéresser à eux au début, à chaque fois que je leur tendais les bras, ils retournaient de la douleur, de la colère… Ce n’était pas comme dans le reste de l’Anaëh, quand je les interrogeais, ils mentaient, ils essayaient de me guider vers des pièges. Je savais que je n’aurais pas été capable de guider les Iarin’Dath à travers le Linoïn, au début. J’aurais eu trop peur de perdre des enfants, des chasseurs… » Avouer cette faiblesse fut plus compliqué que je ne le pensais, et ma voix se brisa un instant. C’était vrai, le Linoïn m’avait forcée un temps à remettre en cause ce qui avait été mon rôle pendant si longtemps. « J’ai considéré cette forêt dont nous conservons les mémoires positives comme un ennemi pendant plusieurs mois, mais quelque chose me poussait à continuer d’essayer de la comprendre. »
« Puis, j’ai réussi à mettre de côté toutes ces émotions, elle n’était plus mon ennemie ou mon alliée, elle était, simplement. » Mon regard s’illumina alors que je me dirigeais vers des pensées qui me rendaient fière. « Je me suis liée à un chêne immense, qui était sur le chemin quand je rentrais de mes expéditions. Ça paraît peut-être fou, mais je voulais qu’il entende ma voix tous les jours. Je voulais qu’il puisse se raccrocher à quelqu’un qui n’était pas corrompue. Je voulais qu’il change… J’étais convaincue qu’il pouvait être sauvé, j’étais convaincue que toute cette souffrance qu’il causait n’était que la réponse à toute celle qu’il avait enduré. Au bout de quelques mois, je sentais qu’il avait autre chose que sa douleur à raconter. Au bout de plusieurs années, ses pensées commençaient à être destinées à d’autres que moi, et je commençais à les retrouver chez d’autres autour de lui. » La lueur de fierté céda peu à peu alors que l’humidité faisait scintiller mes yeux, quand j’avais pris la décision de rentrer, j’avais aussi pris celle de ne pas lui dire au revoir.
« J’ai vu le Linoïn changer à travers lui, Ungwë. Au début je pensais qu’il n’y avait pas d’espoir, mais il m’a peu à peu montré qu’il se remettait. Je pourrais nous y guider maintenant… » C’était la première fois que j’en parlais autant, et c’était la première fois que cette conclusion me venait à l’esprit. Je souriais, maintenant.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Mer 17 Avr 2019 - 1:17 | |
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L'espoir... A bien y réfléchir, voilà quelque chose qui caractérisait bien notre clan. Quelque chose qui caractérisait encore bien mieux Alcariël et qui filtrait à travers chacun de ses mots pour m'atteindre. Bien loin de me déconcentrer, ils orientaient mon attention. Ils m’apaisaient et me poussaient à tendre l'oreille d'une façon nouvelle. Je ne cherchais plus la Symphonie qui me manquait, j'en accueillais une nouvelle que je ne devais pas juger à l'aulne de mes souvenirs. Elle pouvait être différente. Elle pouvait être infime. Elle n'en était pas moins importante. Chaque être vivant avait sa propre histoire, sa propre sagesse et méritait une attention propre. Je ne le comprenais que trop bien.
Les yeux rendus humides par ce partage d'émotions et de souvenirs importants, mes oreilles s'étaient peu à peu aplaties. Le frisson de la brise dans les feuilles et sous le voile qui me couvrait les cheveux. Les craquements de l'écorce. Un a un, les chuchotements s'élevèrent. Le parterre d'herbe repris vie et les gerbilles à deux pas s'approchèrent en penchant la tête, avant de détaler sans raison apparente.
Comme les arbres du Linoïn dans la Mémoire d'Alcariël, ceux d'Alëandir renvoyaient à ma conscience une version déformée de ce que je leur offrait. Non pas douloureuse, mais... incrédule ? Étonnés. Ils ne savaient quoi faire de ce qu'ils voyaient et en étaient devenus hermétiques.
Aussi droite qu'un tronc qui tombe, battu par les vents, je me laissais glissée sur le côté sans prévenir. Ma tête a heurté la cuisse d'Alcariël avant de s'y loger un peu plus confortablement avec un soupire. Je n'avais toujours pas ouvert les yeux. Je ne le voulais pas vraiment. J'avais besoin d'un peu de temps. Juste un peu de temps.
- C'est toi qui nous rend l'espoir, Einior. " murmurais-je avec sincérité.
Mon oreille était de nouveau dresser, s'habituant doucement à cet étrange murmure avant de devoir y confronter le monde réel. Et je restait là, désirant conserver le contact protecteur de la chasseresse pour me servir d'ancrage.
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Ven 19 Avr 2019 - 12:03 | |
| Ungwë me l’avait confirmé à maintes reprises, cela aurait aussi dû devenir naturel pour moi, mais à chaque fois qu’elle me montrait qu’elle comptait sur moi je ne pouvais m’empêcher d’en être émue. Je ne savais pas comment elle faisait ça, chaque démonstration de sa part était plus forte que la précédente, et je n’avais qu’une seule envie, la serrer dans mes bras pour lui dire que tout irait bien. Mais je résistai, dissuadée par les marques offertes par Lorna sur son visage qui semblaient essayer de me dire quelque chose. Je savais que c’était une récompense, mais je pensais aussi que ces marques rapprochaient Ungwë du moment où elle devrait choisir, et où elle ne pourrait plus être considérée comme une enfant. J’osai poser une main sur son épaule avant d’y exercer une toute petite pression, comme pour lui communiquer mon soutient conscient. Je n’ouvris pas la bouche et lui laissa ce qui parut être une éternité.
Sans montrer un seul signe d’impatience dans ma voix, avec quelques mots qui se voulaient être la continuité de tout ce qu’il se passait, je brisai le silence. « Tu l’entends, maintenant ? L’Estel ? » Je n’avais pas perdu un instant la perception de l’entité, mais peut-être que maintenant Ungwë l’entendrait, après avoir ouvert son esprit à toutes ces nouvelles possibilités. Il trônait toujours au loin, et semblait plus bruyant même que lorsque je l’avais entendu la première fois. J’avais du mal à me positionner sur mon opinion de lui, ne partageant pas l’intérêt que les shamans lui portaient ni la plupart de leurs connaissances. Il semblait par moments être un roi tyran qui dominait une Symphonie toute à lui, mais quand je décalais ma ligne de pensée il devenait un résistant submergé par les pierres d’Alëandir, et quand je pensais à la Mère, il devenait un cadeau fait à des Anedhels qui avaient besoin de ce contact pour se rapprocher d’elle.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Lun 22 Avr 2019 - 21:07 | |
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Je prenais une grande inspiration en sentant la main d'Alcariël se poser sur mon bras. Malgré l'étrangeté de ce que j'entendais, j'arrivais à me sentir... presque bien.
- Oui... "
L'Estel... En cherchant... En laissant aller l'oreille de murmure craintif en chuchotement timide, je l'entendais... Quelque chose me démangeait dans ce que j'entendais, mais il était trop différent et trop fort pour qu'il s'agisse d'autre chose. Il ne disait rien de particulier. Il donnait. Elle n'arrivait pas à savoir à quoi il lui faisait penser particulièrement, mais il était là. Une note sourde. Permanente. Un diapason. Un courant d'air portant les mots des autres.
Un sourire sur les lèvres, j'ouvrais les yeux, retrouvant avec surprise le minuscule étang entouré d'herbe vivace et les murs couverts de plante grimpantes desquels on ne voyait que quelques pierres blanches.
- Il y a quelque chose d'étrange avec l'Estel d'ailleurs... Je saurait pas dire quoi... Mais... " J'hésitais un instant, l'oreille frémissante comme si un insecte était passé trop près. " Non. Je sais pas... "
Avec un soupire provenant d'un effort sur elfique, je me redressait sur un bras et me tournais pour faire face à ma protectrice. Je souriais timidement.
- On peut essayer de finir le chemin... je crois... "
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Sam 27 Avr 2019 - 17:22 | |
| J’avais partagé mon expérience auprès d’Ungwë pendant quelques minutes, assumant un rôle que j’avais rarement eu avec elle. Mais à peine remise qu’elle souriait déjà et reprenait cette avance qu’elle avait sur la perception de la Symphonie et pouvait déjà supposer que quelque chose était étrange avec l’Estel. Pour moi il restait une voix que j’entendais à peine mais qui illuminait mon chemin, et si j’étais attirée par lui, si je savais exactement où il se trouvait, je ne pouvais pas décider de quoi que ce soit sur sa nature. Heureusement, je n’avais pas toujours à prendre des décisions, et j’étais ravie de me reposer sur ma protégée.
Je me relevai prestement, mue par cette envie d’avancer d’Ungwë que je ne voulais surtout pas tuer dans l’œuf. Je tendis un bras dans sa direction au cas où elle voudrait de mon aide et murmurai un rapide adieu à ce petit paradis dans un monde de pierre. Il était apparu quand nous en avions besoin et je ne pouvais m’empêcher de penser que nous l’abandonnerions lâchement maintenant que nous n’avions pas besoin de lui. Mais peut-être qu’ils n’oublieraient jamais notre passage, et que quoi qu’Ungwë leur ait partagé soit une pierre dans le propre édifice qu’ils construisaient pour rivaliser avec les pierres d’Alëandir.
Suivant comme plus tôt le guide qu’était l’Estel, je m’avançai dans les rues avec Ungwë sur les talons, bien déterminée à ne pas me laisser distraire par d’autres endroits comme celui-ci.
« Allons-y. » Je lui murmurai simplement.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Mer 1 Mai 2019 - 14:41 | |
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Sur les talons d'Alcariël, je me glissais à nouveau dans le dédale de pierre. Mais cette fois, les regard ne me gênaient plus. Je me concentrais, silencieuse, pour continuer à percevoir la ballade que murmuraient les racines sous les pavés, la vigne sur les murs, les nénuphar dans les fontaines, les mousses entre les briques, les fleurs dans les parterres étroits. En tendant l'oreille et en ouvrant les yeux, on voyait finalement que les animaux, quoi que discrets, étaient également présents dans les coins d'ombre que laissait se fouillis de bipède. campagnols, musaraignes, oiseaux, insectes, lézards et serpents. Les elfes étaient tellement nombreux que cela donnait le tournis... une dizaine de clans n'auraient sans doute pas suffit à remplir ces murs qui semblaient pleins à craquer. Des vêtements de toutes les formes, de toutes les couleurs. La Symphonie rendaient tout aussi étrange et triste que supportable. Ils étaient si différents de nous... A croire que nous ne formions véritablement pas le même peuple.
A plusieurs reprises, nous avons hésité, mais nos pas nous menèrent tant bien que mal jusqu'aux abords d'un jardin des plus sauvages... L'Harmalaica. Au dessus des autres arbres, on devinait les branchages lointains d'un géant très particulier.
J'y suis entrée avec respect... et soulagement. Ici, la forêt reprenait ses droits étrangement rapidement. La Symphonie était complexe et vive, joyeuse et forte. A chaque pas que nous faisons dans le dédale végétal, elle n'en était que plus présente, plus vibrante, plus vivant... Et plus sereine. Une présence sourde coulait toujours entre les notes et entre les mots. Toujours silencieuse, de plus en plus tendue vers cet étrange note basse et perpétuelle, j'avais l'impression qu'elle confirmait à mis voix les paroles de Lorna. Celles que j'avais toujours du mal à accepter.
Nous avons marché longtemps. Une heure ? Sûrement plus. Jusqu'à ce que la végétation redevienne clairsemée pour former une clairière à l'herbe plus verte que par l'été le plus parfait. Trois citadins étaient présents mais je ne leur accordais aucune importance. En son centre, des branches majestueuses portaient des guirlandes de feuilles formant des rideaux inégaux des plus hautes cimes jusqu'à terre. L'énorme tronc brun sombre en était presque totalement caché... Mais des racines titanesques ondulaient sous et sur la terre, noueuses et puissantes. Elles serpentaient et s'enfonçaient hors de la vue, semblant tenir le sol plutôt qu'être tenues par lui. Un saule pleureur. Immense. Majestueux. Sa voix douce s'élevait en un songe discret, une volonté calme... Et je comprenais enfin cette impression étrange qui ne me quittait pas depuis que je l'avais reconnu grâce à ma protectrice. La magie se mêlait à la Symphonie ici...
J'en suis restée pétrifiée.
J'étais face à un Cœur.
Son rôle, son chant, ses paroles, sa raison d'être. Il offrait support et espoir à tous, aussi loin qu'il parvenait à s'étendre. Il guérissait. Il encourageait. Il était là, offrant de sa sève et de son sang pour que les Frères les plus timides osent de nouveau faire entendre leur voix.
Divin.
Un large sourire s'est répandu de mes lèvres à mes yeux. Un sourire tendre. L'impression de mettre enfin un visage sur quelque chose de familier... Et en même temps d'être confronté à quelque chose que je ne pouvais appréhender dans sa totalité.
- La renaissance, l'espoir et la guérison... Mon maître aurait du venir... Il est magnifique, tu ne trouves pas ? " Je n'ai pas détourné les yeux de l'arbre. A mon côté, la présence d'Alcariël me donnait l'impression de partager ce moment avec toute notre Noss. Je lançais un regard heureux à ma protectrice et recommençais à avancer vers l'Estel. Du bout des doigts, j'effleurais les premières guirlandes de feuilles vert vif. " Comment les Citadins peuvent vivre autour d'un être aussi exceptionnel et rester à ce point sourds ? "
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Ven 3 Mai 2019 - 18:09 | |
| Comme deux vases communicants, plus Ungwë s’accommodait à sa situation plus je perdais pied. Elle était devenu guide la guide, j’étais devenue une gêne qu’on devait traîner derrière soit. Les citadins qui se préoccupaient de notre présence me devenaient insupportables alors qu’elle parvenait à les ignorer complètement désormais. La raison était simple, Ungwë n’avait plus besoin de moi et je n’étais plus focalisée sur ma protégée. Faisant le dos rond je la suivais du mieux que je le pouvais, je ne devais lui montrer aucune famille, je devais être prête à la soutenir à l’instant où elle en aurait besoin. Les dernières pierres s’espacèrent de plus en plus en laissant de plus en plus de voix se glisser entre elles, en laissant de plus en plus d’espace à ces petites voix, en laissant leur place au profit d’une nature plus sauvage. Nous pénétrions dans le jardin qui était le domaine du gigantesque arbre et je ne pouvais plus que le voir lui, un des rois de l’Anaëh.
La Symphonie, elle, perdit encore un peu plus de sa différence alors que nous nous rapprochions de l’Estel. Sa voix était connue des nôtres et même si nous étions les premières à l’approcher à ce point, il ne me rapprochait pas des sensations de notre forêt perdue. Comme en écho à l’attitude d’Ungwë je ne pus d’abord m’en détacher, sa voix était trop puissante pour ça et il semblait couvrir tout ce qu’il se passait autour de lui. Cette puissance était un message à elle seule, et n’ayant pas la finesse d’interprétation de ma protégée, je ne pouvais pas voir au delà sans être complètement submergée. Il était beau quand je suivais sa voix de loin, il était magnifique quand j’avais pu voir l’intégralité de ce qu’il ne cachait pas sous terre, mais maintenant que je projetais mon esprit en lui, il était prêt à me dévorer. Il fallait que je reste en surface ou je n’en sortirais jamais.
Ce fut la voix d’Ungwë qui ébranla mon obsession du phare qui voulait me rendre aveugle. Je ne répondis d’abord pas, mais elle acheva de me séparer de l’entité lorsqu’elle tourna la tête pour plonger son regard dans le mien. Les Taledhels, leur surdité ? Comment pouvais-je répondre à ça ? Je me raccrochai à quelque chose que je savais et répondit doucement mais distraitement, l’esprit toujours un peu perdu. « Certains l’entendent. » Mes premiers mots me remirent l’esprit peu à peu en place. « Je ne sais pas, mais c’est peut-être mieux pour eux ? Ce serait sûrement trop lourd à supporter… » Je parlais pour moi, ne m’en rendant compte qu’à moitié, et je décidai de faire tout ce qui était possible pour ne pas me replonger en lui, estimant le risque trop grand.
Et quand j’essayai de trouver autre chose, j’entendis une petite voix. Elle était pleine de vigueur mais nouvelle, et semblait plus tournée vers sa propre croissance que vers les autres. Elle en restait bavarde, mais je ne comprenais rien de ce qui venait d’elle, je ne comprenais que les échos de ceux qui l’entouraient. Je me tournai vers la voix et vit un arbuste. Je continuais d’essayer déchiffrer ce qu’elle me chantait et même si j’avais l’impression que c’était peine perdue, je restai totalement tournée vers elle, incapable de m’en détacher.
Aussi fou que cela puisse paraître, elle ne parlait pas que de l’Anaëh.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Ven 3 Mai 2019 - 21:51 | |
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- Trop lourd ? "
Je penchais un peu la tête, étonnée par les paroles de ma protectrice soudain si hésitante. Elle semblait troublée, gênée, agressée même. Je pouvais voir dans ses yeux qu'elle avait du mal à se concentrer. Mais pourquoi ? Lorsqu'elle s'est détournée de moi pour regarder dans la direction des racines, j'en ai profité pour poser à nouveau le regard sur l'Estel. Mon pouce faisait tourner pensivement l'anneau qui me servait de focaliseur. Un tel mélange de magie et de vie pouvait-il se montrer sous des aspectes à ce point différents d'une oreille à l'autre ?
- Maurquimellë. Liltalaima. " Je murmurais respectueusement à voix basse, me plaçant sous la bienveillance et la sagesse de l'Harmonieuse et de la Secrète en invoquant leur véritablement nom. La douceur grandiose de ce que j'entendais me faisais bondir le cœur, mais laisser Alcariël était impensable... Et il y avait toujours ce cœur que je ne pouvais totalement appréhender. Je pouvais me contenter de l'écouter... si j'avais été seule, je l'aurai sans doute fait, mais avant, il y avait autre chose d'important.
J'ai pris une profonde inspiration emplie de l'odeur de sève montante et de terre humide réchauffée par le solei. Alcariël est alors redevenue réellement le centre de mes préoccupation. Elle... et une sorte d'étrange bouture vers laquelle elle était tournée. Un arbuste... Ou plutôt un arbre miniature. Alimenté, enserré, enivré par la présence de l'Estel, il semblait pousser pour et par lui. Sa voix en était distordue. La voix ancienne d'un arbre lointain ayant il y a bien longtemps perdu une si jolie branche. La voix étrange d'une branche solitaire, changée, gravée, imprégnée d'une chose étrange. Morte. Mais pas tout à fait. L'histoire d'un combat, d'un abandon, de tristes retrouvailles et d'une dette à payer. Une histoire qui n'avait rien d'habituelle et qui détonait; même à côté du grand saule.
Il était si différent... intriguant.
Je regardais un moment le profile d'Alcariël avant de glisser doucement ma main dans la sienne. D'un sourire, je la guidais presque hors d'atteinte des branches les plus éloignées du joyau de l'Harmalaica, au plus près de son étrange bouture. Littéralement à trois pas des feuilles tendres, juste assez loin pour que les puissantes racines et la présence du héraut ne l'écrase pas. Le vieux-jeune arbre n'avait rien d'un saule et tendait résolument ses fines tiges vers le ciel clair.
Si j'avais voulu m'en approcher et entrainer ma protectrice avec moi, elle qui semblait subjuguer par cette petite présence, ce n'était pas tant pour mieux l'entendre que pour mieux le voir. Son tronc un peu plus haut que moi était droit comme un bâton de marche tout en restant étrangement fin. Son écorce épaisse d'un riche brun tirant sur le gris, laissait entrevoir sous ses feuilles oblongues des dessins étranges... Arrivées près du tronc, je repoussais de ma main libre les branches souples du végétal pour poser les yeux sur son corps de bois. Un frisson d'horreur m'a grimpé l'échine. Ce n'étaient pas de simples dessins... mais des scarifications abjectes... Pourtant, la douleur de sa voix ne chantait pas pour lui. Les mots et les souvenirs, il n'en était ni auteur ni destinataire... En place de blessures, là étaient des lettres inconnues et des mots que je ne pouvais pas comprendre. Des pensées dont il était à jamais forcé de se souvenir. Des mémoires qui ne lui appartenaient pas, tout en faisant partie de lui.
Comme cette volonté de pousser et de croitre qui ne semblait pas lui être propre mais émanait de son gigantesque voisin. Belle... Mais tyrannique.
L'horreur se changea en compassion. Comme souvent ; dû à ma nature que bien des voix avaient jugée trop sensible ; les larmes me montaient aux yeux, sans que je ne tente de les retenir. Sans qu'elles ne soient lourdes à porter. Il était même possible que ce soit un sourire qu'elle soulignent sans que je puisse en avoir la certitude. Ma main enlaçait toujours celle d'Alcariël.
Après les murmures timides qu'elle m'avait fait découvrir et respecter pour leur courage et leur beauté, elle m'entrainait une fois de plus vers l'Autre. Celui qu'on ne comprends pas parce que l'on présume de sa nature. Celui qu'on ne veut pas comprendre car il pourrait nous changer. Celui sans qui le monde serait plus simple, mais ô combien plus terne. Car l'Autre, quel qu'il soit avait droit de vie et de voix.
Et cet Autre; alors que les chants de renouveau me subjuguaient encore et lui ordonnaient de vivre; me disait que si le souvenir était un don, l'oubli pouvait être un cadeau.
...
Je ne sais combien de temps nous sommes resté là.
Mes doigts se sont raffermis sur ceux de ma sœur de clan. Celle qui portait en elle et avec elle tant de Mémoires. Celle qui s'était battu tant de temps pour que rien ne se perde, pour se rappeler et retrouver les voies oubliées. En tant que Iarin'Dath, la leçon de l'étrange bouture résonnait en moi et se gravait dans mon cœur sans que ma raison n'arrive à la garder. Sans que je ne parvienne à expliquer pourquoi ces larmes. J'ai oublié. Mais durant un instant, un bref instant, j'ai eu la certitude d'avoir compris quelque chose de fondamental.
Et guidé par un instinct innocent, ma voix sereine s'est élevée pour pousser un gravier du haut d'une montagne, les yeux tournés vers ma sœur.
- Il te ressemble... "
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Dim 5 Mai 2019 - 14:55 | |
| Mon premier contact avec Ungwë eut lieu alors que l’arbuste vers lequel mon esprit était tourné accueillit sa conscience, l’identifiant comme une autre entité avec laquelle bavarder. A travers lui je pouvais sentir sa curiosité à elle, et sans m’en rendre compte je m’ouvrais encore plus à lui pour pouvoir la trouver. J’étais devenue sourde à tout le reste. Aucun de ses mots n’aurait pu me distraire, l’Estel n’existait plus qu’à travers l’arbuste, l’Anaëh avait presque disparu… En tout cas, jusqu’à ce que la petite main se glisse dans la mienne et me rattache à la réalité. La main fit l’effet d’une corde me retenant à la taille alors que je me lançais dans le vide, trop loin, quelque part où je pourrais être témoin de cette discussion entre l’arbuste et ma sœur. Un univers de sensations nouvelles s’ouvrit à moi et j’écoutais.
Rien n’arrivait trop vite, je ne fus pas submergée, j’accompagnais l’Ornedhelle dans sa découverte du petit arbre, et lorsqu’il répondait à ses questionnements il ne pouvait faire autrement que de me partager ses réponses, de m’inclure. J’aurais pu me perdre et je faillis le faire à plusieurs reprises, mais à chaque fois, cette main me ramenait à la conversation qui m’intéressait. J’écoutais la curiosité d’Ungwë lorsqu’elle trouva les dessins, j’écoutais son horreur lorsqu’elle les cru douloureux, j’écoutais cette envie de comprendre pourquoi ils ne l’étaient pas vraiment, j’écoutais cette compassion envers l’être auquel nous faisons face, j’écoutais cette contemplation de l’inconnu, j’écoutais cet… amour ?
Une légère pression de cette main me libéra finalement, et j’ouvris mes yeux verts avant de plonger mon regard hébété dans celui d’Ungwë. Elle était souriante et ses yeux brillaient alors que des larmes avaient coulé le long de ses joues. Il ne me fallut qu’un instant pour me rendre compte que je devais lui offrir le même spectacle, comme si j’avais été elle pendant tout ce temps. Et ses mots… ses mots me heurtèrent de plein fouet. Je ne pourrais jamais organiser mes mots assez bien pour exprimer la justesse des siens, mais je n’en avais pas besoin finalement, j’avais profondément compris ce qu’Ungwë exprimait là. Et je n’eus pas non plus les mots pour la remercier ou au moins répondre à ce que je prenais comme une déclaration d’amour, je restai là, comme une idiote, gardant sa main dans la mienne comme si je ne voulais jamais la lâcher, comme si je ne pourrais jamais la lâcher.
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| | | Ungwë
Ancien
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Lun 6 Mai 2019 - 12:19 | |
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J'étais bien.
Après m'être spécifiquement concentré sur la bouture, les chants reprenaient leurs places respectives et leur entraînante cacophonie. Je profitais encore un long moment de la présence d'Alcariël, puis je laissais les feuilles retomber et cacher en parti les scarifications sur l'écorce avant de chasser mes larmes d'un revers de main. Un rire d'émotion fit vibrer ma gorge.
- Lorna interprétera ce qu'elle voudra, mais je pense que nous avons eu notre signe. Il est temps pour notre clan de tourner une page et de choisir une voie.
Laquelle ce serait ? La était la question. Oublier et cesser de courir après un passé qui les constituait, ou accomplir la mission qu'ils avaient accepter depuis la chute du Linoïn. Il y avait un monde à découvrir... Mais au delà de notre nature clanique, il y avait aussi ma nature, et celle là m'incitait à m'attarder encore. Je commençais à croire que Lorna avait encouragé ma venue seule en sachant exactement ce qu'elle faisait. La Cité, l'Estel, la Bouture. C'était une journée spéciale.
- Tu peux rentrer si tu le désires. Je vais rester ici un moment... Lorna m'a apprit des choses importantes ces derniers temps et j'ai besoin de faire le point.
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| | | Alcariël
Elfe
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| Sujet: Re: Un phare dans la symphonie [Libre] Lun 6 Mai 2019 - 18:25 | |
| Je me remettais peu à peu de toutes mes émotions mais contrairement à Ungwë je n’essuyai pas mes larmes. Les sentir couler le long de mes joues me maintenait dans cet espèce de rêve encore un peu plus longtemps, et si j’entendais ses mots, ils ne me sortaient pas de cet état second. J’aurais le temps de me poser des questions sur leur sens plus tard. Je ne savais pas lequel de tous les signes elle garderait, je ne savais pas de quelle voie elle parlait, mais si j’avais dû imaginer quelque chose, mes pensées m’auraient inévitablement conduite vers le Linoïn. Je la laissai réfléchir, je la laissai parler, et n’intervins que quand elle eut fini de parler, lorsqu’elle me congédia.
« Tu pourras rentrer seule ? » Je lui demandai, connaissant parfaitement la réponse à cette question que je me sentais obligée de poser. Je ne craignais pas qu’elle l’interprète comme une énième question condescendante simplement parce qu’en dépit de notre différence d’âge et d’expérience elle m’avait autant protégée moi que je l’avais protégée elle depuis mon retour. Un acquiescement me répondit, et quelques mots comme quoi elle n’avait plus peur. Quelques mots qui allaient me satisfaire alors qu’elle avait droit à toute ma confiance pour une centaine de raisons.
Je lui jetai un dernier regard avant de me détourner d’elle et de retourner dans cette cité pleine de défauts mais aussi pleine de miracles. Il n’y aurait pas de phare pour me guider à travers elle cette fois, mais j’avais l’esprit libéré, et tout le temps du monde.
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