Dans l'ombre, le chat dort | Dante option Na'ri

Nuit du 7e au 8e jour de la 2e ennéade de Barkios de l’An 14:XI,
Après le traitement de X'andarin à la fin de la Finale de Mamba

Le silence s'était refermé sur eux depuis longtemps déjà.

Dante avait relâché sa main et s'était endormit presque aussitôt. Puis tout s'était un peu accélérer. Il y avait eu de l'agitation, une couverture était apparue pour cacher ses cicatrice et... Et elle n'était pas certaine d'avoir tout compris. Sa concentration vaporeuse avait vaguement entendu et répondu. La pièce restait assez indistincte. Par contre, elle se souvenait avec précision de ses doigts fins dans les cheveux noirs de son Chasseur. Elle avait doucement détendu puis détaché chaque mèche constituant sa tresse. Le souvenir de la dernière fois qu'elle avait accomplit ce geste avait suffit à la faire frissonner.  

A présent qu'elle le retrouvait, cela lui confirmait qu'elle avait eu raison de revenir. Partie sans un mot pour d'excellente raisons... Ce n'était qu'un effet secondaire de ce qu'il lui avait fait cette nuit là. La magie était retorse et l'effet finirait par s'estomper. Elle passerait à autre chose. Mais sa mémoire ne la laissait pas en paix. Les mots qu'elle avait prononcés, ceux qu'elle avait entendus, les choses qu'elle avait ressenties, tout lui revenait avec précision. Rien n'avait la même saveur. La plupart des plaisirs simples la fuyaient. Alors elle était revenue. Et elle avait tenté la chose la plus stupide de sa vie pour lui épargner un solitaire retour au Néant. Même plusieurs heures après, elle s'en sentait encore... mise à nue. Le sentiment étrange d'avoir laisser quelque chose la percer de part en part sans que ça ne la gêne vraiment.

Elle l'avait vu dans l'arène. Elle avait entendu ces gens l'acclamer. elle avait vu les poings et les figures se lever pour ce X'andarin. Elle s'était demandé pourquoi il s'infligeait ça... Et il avait osé lui dire dans son demi-sommeil qu'il avait essayé de se donner la mort... Que ce soit sérieux ou une simple boutade, cela ne la faisait pas rire, elle.

Pourtant, elle n'était pas partie et son regard n'avait même pas changé sur le moment.

Elle était trop soulagée de le sentir vivre.

La main qu'il avait serré lui faisait encore mal. Elle en gardait une trace bleuâtre et n'avait plus aucune force de préhension, mais au moins, rien était cassé. Avec sa propre dague et surtout sa patience, elle avait fini de débarrasser l'homme des derniers pans d'armure qui entravaient toujours ses membres afin qu'il ne se retrouve pas trop ankylosé. Au bout d'un long moment, il s'était enfin retrouvé libre sous la couverture qui gardait pour lui ses innombrables marques. Si ça avait été possible, elle aurait préféré que personne ne les voit. Elles étaient trop personnelles pour être offertes ainsi à des étrangers. Elle avait payé le prix fort pour les admirer, elle ! Alors ce n'était pas grave si la présence du tissus rendait son entreprise plus longue.

Et tout en laissant son corps s'adonner à cette tâche fastidieuse, elle réfléchissait.

Ou du moins, elle démêlait. Comme dans ses souvenir de leur dernière rencontre, la raison seule n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait. Il méritait de crever comme un sac pour avoir tenté de se suicider. C'était la preuve qu'elle ne pouvait pas lui faire confiance... Mais était-ce si simple ?

Pendant des heures, elle était resté là. La guérisseuse drow était restée dans un coin et dormait tel un grand chat noir, soit disant là pour pouvoir agir si son patient avait un quelconque problème durant la nuit. La fin d'après-midi était passée. La nuit était tombée. Et elle était restée là, sur une chaise. Sa main douloureuse posée sur celle de son Chasseur sous la couverture. Les yeux clos. Elle ne dormait pas. Elle ne voulait pas dormir avant d'être certaine qu'il ne risquerait plus rien et la drow qui partageait cette pièce, même endormie, était tout sauf un gage de réussite. Immergée dans les sons les plus infimes de la pièce plongée dans le noire, ses méditations introspectives avaient pris leurs atours habituels.

La lune avait déjà bien entamée sa descente sans que Dante n'ouvre à nouveau les yeux.

La main sur laquelle elle veillait s'échappe pour se poser sur ses doigts gourds. Un pique de douleur mollassonne crépite vers son poignet. Elle ouvre les yeux. Elle croise les siens. Deux. L’œil vert est intacte. Un détail futile et pourtant source de soulagement.

Il était... Heureux.

Soulevant doucement la grande main pour la poser sur ses genoux, elle vint s'asseoir sur le bord du lit de soin. Du côté de son flanc intacte et de sa jambe valide, elle n'avait pas trop peur de faire un faut mouvement qui lui aurait fait mal. La joie simple qui brillait dans son œil brun avait des chances d'être en partie du à la fièvre ou au contrecoup d'avoir frôlé la mort, mais l'agacement qu'elle ressentait n'arrivait pas à gagner face au soulagement que ce regard lui inspirait. Toujours vif, un brin sauvage jusque dans cet état de faiblesse.

Non, en réalité, ce regard lui faisait peur... D'autant plus maintenant qu'elle avait agit stupidement avec les Lamentations. Il n'y avait pas de choix a faire. Elle ne voulait se trouver nulle part ailleurs. Mais après toutes ses heures de réflexion, elle devait avouer que l'idée de le voir arrêter de se battre dès qu'elle tournerait le dos la hantait presque autant que la révélation qu'elle avait eu à Sol'Dorn.

Et puisque c'était lui, elle ne cachait rien de ce mélange de soulagement, de joie réciproque et de crainte.

- C'est toi qui est brûlant. " murmura-t-elle avant de se lever.

Elle fureta silencieusement dans la pièce, les oreilles de la drow semblant la suivre malgré son sommeil. En revenant près du lit elle récupéra le broc d'eau posé sur la lointaine desserte qui n'avait pas été brisée dans les opérations de la veille. Tout en étendant un grand drap et une couverture supplémentaire sur son Chasseur, elle désigna d'un coup de menton la boule de drow endormit à proximité.

- C'est elle qui t'as soignée. Elle tenait à rester au cas où tu rechute. Je crois qu'elle dors vraiment.

Puis, la jeune femme remplit d'eau un verre en terre cuite et aida son Chasseur à boire quelques gorgées, reproduisant la manœuvre aussi longtemps qu'il en aurait besoin ou qu'il lui resterait de quoi remplir le verre. Comme a son habitude, ses gestes étaient précis et doux. Elle profitait de ce contact retrouvé, de sa respiration forte et ne manquait plus que les battements égaux de son cœur. Alors, lorsqu'il eu terminé son premier round contre la déshydratation, elle se pencha sur lui pour venir nicher son visage au creux de son cou, glissant ses lèvres contre sa jugulaire pour y sentir passer le sang à grands coups. Il avait intérêt à se remettre et fissa...

Elle inspira à fond, s'emplissant de son odeur par delà le cuivre et les baumes qui le nimbaient. Ses lourdes boucles d'oreille cuivrées pesaient contre ses joues. Elle remonta légèrement pour que ses lèvres se retrouve tout contre l'oreille de son Chasseur, soufflant quelque mots encore plus bas que ses précédents murmures.

- Ne refaites plus jamais ça. " Un ordre qui sonnait comme une supplication. Qui était une supplication. Chargée de toute la colère qu'elle avait ressentit en comprenant qu'il avait vraiment essayé de mourir, et de toute la peur qu'elle avait ressentit lorsque son cœur s'était arrêté. De toute la solitude qui s'était refermé sur elle. Cette fois, c'est elle qui chercha sa grande main à tâtons pour la serrer entre ses doigts.

- C'est toi qui est brûlant. " murmura-t-elle avant de se lever.

Il se laisse faire, pour une fois même si dans les prunelles dichotomiques, une lueur irritée transparait. Dante essaye de bouger, mais ca ne lui réussit pas trop. Chaque cellule hurle… Mais l'homme suit la femme dans la pièce, accueille avec gratitude la flotte fraîche qui coule dans sa gorge. Il s'aide comme il peut, mais n'est pas d'un grand secours, le vertige le prenant… L'obligeant à se réétendre.  Il accepte à contrecoeur la couverture supplémentaire. Il a froid. Il se sent essoufflé. Son corp a le minimum de sang requis pour fonctionner. Cécilie montre du menton la drow étendue… Se tournant la tête lentement, les yeux étranges fixent l'immortelle endormie… Il écoute la respiration de l'Eldéenne.

- C'est elle qui t'as soignée. Elle tenait à rester au cas où tu rechute. Je crois qu'elle dors vraiment.

Dante n'aime pas être dépendant et faible… Ca l'agace. Les faibles crèvent. Mais il se laisse faire. Aussi quand elle s'arrête de le faire boire, Dante accepte le visage au creux du cou, Les lèvres le long de sa jugulaire le font frissonner d'une tout autre façon que le manque d'hémoglobine… Grondant tout bas, il tourne la tête, mi irrité, mi content. Elle remonte le long de son oreille… Si il n'était pas si amoché, drow ou pas, Dante lui ferait bien son affaire… Mais il n'a même pas assez de sang pur se payer le luxe d'en prendre pour une érection. Un autre étourdissement violent le rappelle à l'ordre. Il hume avec délice ses odeurs féminines, son imagination galopante à défaut du reste.

- Ne refaites plus jamais ça. "

Un léger coup de joue sur la boucle d'oreille de Cécilie, tandis qu'il accuse réception du message. Et il répond du même ton chuchotant, bas, enveloppant tandis que ses grandes mains se lèvent et touchent les courtes mèches rousses, s'emmêlant dans celles-ci.

Vous vous êtes poussées sans rien dire. Nous pensions que votre jeu était de la pure foutaise… On est donc revenu au plan initial. Et vous, tes copines et toi, vous avez foutu quoi tout ce temps?

Il n'y a plus de monde… Que trois couleurs entremêlées et une pièce qui s'assombrit. Dante a le souffle court, et il empoigne les cheveux de la simili Zurthane mais il est faible… Il tremble.  

J'ai fuit... On a essayé de revenir au plan initial et je l'ai regretté. Alors j'ai écouté tes conseils. On a mené les moutons sur une mauvaise piste pour pouvoir revenir.

L'assassin a un sourire las… Et fier. Il ne sait pas trop pourquoi, mais il est fier de Cécilie. Dante porte son attention sur les cheveux de feu… Ses yeux pétillent un peu, d'avidité et de fatigue.

Ma Ténébreuse… Ma Flamme…  La partie est pas finie… On joue encore?

Il la fait s'approcher de lui… Et c'est à son tour de murmurer à l'oreille de la Belle.

On a un monde à...

La grande bouche murmure, à peine audible.

à chasser… à bouffer

Il s'empare de sa courte crinière, faisant faire une embardée à la respiration de la jeune femme malgré la faiblesse de son geste. Ce simple rappel l'électrise. Il lui était revenu souvent pendant son absence, quoi que plus fougueux. D'un mouvement rapide, elle fait tourner ses deux lourdes boucles d'oreille pour s'en débarrasser, laissant apparaitre la boucherie qu'a été leur installation. Trop larges, leur propriétaire n'a clairement pas attendu suffisamment de temps pour s'adapter petit à petit à la courbure du métal. Mais elle s'en moque, elle pose les deux breloques au pied du lit, refusant de les sentir une fois de plus s'interposer entre elle et la joue de son Chasseur.

Elle ne pense pas un instant à mentir ou à fuir la question qu'il lui pose. Une vérité bien plus simple qu'elle ne l'aurait cru lui vient aux lèvres. Ce qu'elle essayait de démêlé depuis des jours apparaissait désormais avec une évidence étonnante face à ces yeux dichotomiques. La petite main se glissa jusqu'à sa joue décorée. Son pouce souligna doucement l’œil vert qu'elle avait cru perdu pendant quelques instants, effleurant tout juste sa pommette... Et repéra un nouveau coup de pinceau sur la toile de sa peau. Ce ne devait pas être le seul combat qu'il avait fait pendant les dernières ennéades.

Son sourire... lui fait du bien. Elle lui sourit en retour, inconsciente des inclinaisons tendres que prennent ses lèvres à ce moment précis malgré l'avidité qui ne la quitte jamais.

Elle remarque la façon dont il la détaille. Ses cheveux en particulier. Oui... Elle a changé. L'apparence sous laquelle il l'avait connu était différente. Celle qu'elle arborait à présent était sûrement au plus proche de son véritable visage, si elle en avait encore un. La façon qu'il avait de la regarder la fascinait. C'était un véritable compliment... Et un appel à bien plus. Hélas il n'était pas en état, alors elle briderait l'impatience qu'elle avait de sentir contre elle et en elle... Et elle ravalerait la frustration enivrante que provoquait sa voix grave. Il faudrait attendre pour qu'il chasse définitivement la pestilence dont elle avait tenté de se couvrir en espérant lui échapper. Attendre qu'il récupère, et surtout attendre qu'ils soient véritablement seuls.

- Ma Ténébreuse… Ma Flamme… La partie est pas finie… On joue encore?
- Oui... " gronda-t-elle d'une voix sourde

Il l'attire. Elle pose une main près de la tête de l'homme pour se soutenir tout en se glissant au plus près de lui. Contrairement à ses souvenir, elle aurait pu échappé à son emprise rien qu'en reculant. La main agrippée à sa crinière aurait probablement chuté sans autre forme de procès, la laissant libre comme l'air. Mais elle ne résiste pas à la main lasse qui tient encore ses courtes mèches rousses. Elle s'approche, partage un bref instant le souffle de son Chasseur avant qu'il ne passe sournoisement vers sa tempe, jusqu'à son oreille. Il peut la sentir frisonner des pieds à la tête. Il peut entendre sa respiration; l'expiration plus ample que ses mots lui tirent. Ce n'est pas l'heure. Ce n'est pas le lieu. Mais elle adore ce qu'elle entend. Du timbre rauque au sourire affamé en passant par la légère dissonance de sa dernière proposition. Ces mots son autant de cadeaux. Elle n'y résiste plus. Oubliant la présence de la drow, elle vient frotter félinement sa tête contre celle de l'homme, son corps ondoyant sans préméditation contre le flanc et le torse protégés par l'amoncellement de couvertures. Un bref instant.

- Tu voulais m'apprendre le goût de la peur. Tu n'as pas changé d'idée, n'est-ce pas ? " Cette chasse en duo qui les attendait. Une chasse qui en serait probablement deux, puis beaucoup d'autres. Une dans le monde de chacun d'eux, et une multitude pour se trouver un monde commun. Elle restait sage. Elle n'avait pas le choix. Mais bien des détails la trahissaient. Elle souffla longuement par le nez. Elle ne pouvait continuer comme ça... Faisant preuve de toute la volonté et de toute la raison dont elle était capable, elle recula pour revenir à son regard. Elle partage son souffle, mais ne le touche pas, s'accrochant à une avidité pour en combattre une autre. Il fallait sauter du coq à l'âne...

- C'était quoi ton plan initial ?

Il était impitoyable, son Chasseur... Même sans savoir, il frappait juste... Douloureusement juste. De la réalité d'Amblère aux fantaisies d'un assassin de Thaar, elle semblait être condamnée de la même façon. Soumise de la même façon. Pour que cette histoire précisément soit la plus simple, la plus crédible, son visage avait-il si peu changé qu'il inspirait toujours les mêmes fantasmes de domination ? Une réelle tristesse passa dans son regard mais elle ne lui en voulait pas le moins du monde. Ni colère, ni vanité, ni regret. Elle ne savait que trop bien quel était le plan initial de la situation qu'il décrivait... Il fallait seulement qu'elle se souvienne que ce n'était pas sa réalité.

- C'est bien possible. Ils sont trop avides de gloire pour rester indifférent à ce tournois. " ricana-t-elle avec un mépris qui sonnait juste à un point qu'imaginer qu'il était faux en devenait difficile.

Le plus faible fixe les limites, et il a déjà arrêté les siennes. Entendre ce souffle grave lui ordonner d'arrêter était grisant après tout ce qu'il lui avait fait à leur dernière rencontre... Mais malgré l'éclair de satisfaction qui se logeait au coin de son sourire, elle respecterait sa volonté. Alors elle repose la tête sur son épaule, pelotonnée sur le bord inconfortable de l'étroit lit de soin. Ses pieds se dégagent l'un l'autre des chaussons de cuir qui tombent sur le sol avec un claquement mâte. La chaleur du corps contre elle lui manque et elle est prête à lui donner la sienne aussi longtemps que nécessaire. Qu'il s'endorme sans crainte, elle ne bougerait pas.

Face à elle, la silhouette de la guérisseuse noiraude.

- T'oublier. " articula-t-elle enfin pour lui répondre sur un timbre légèrement voilé. " Attendre que le temps et l'âge acceptent les barreaux de ma cage. Reprendre les affaires de mon père. Épouser Ernest comme ma mère me l'ordonne et prendre un ou deux maris de plus pour m'y perdre. " Elle serre un peu plus leurs doigts entremêlés. Le meilleurs mensonges ont un fond de vérité... Ou même plus qu'un fond. " Mais tu sais comment c'est. On donne un doigt, ils prennent un bras. Alors je te laisse imaginer ce qui serait resté de moi si j'avais donné ma main. "

- Libre... " répéta-t-elle presque rêveuse, comme si le mot avait un goût étrange... un goût nouveau. Un goût dangereux et salutaire. Ce genre de chose qu'on n'ose pas demander de peur de l'obtenir. Un goût de lui. C'était ça... exactement ça... Libre... Elle voulait qu'il comprenne à quel point ce qu'il venait de dire comptait pour elle, et - même si elle avait confusément l'impression qu'il comprenait déjà - elle le vocalisa sans peine dans la petite pièce sombre. " Trois... " murmura-t-elle tout contre lui, ses yeux trop dilatés vaguement posés sur la silhouette endormie. " A vingt-et-un ans, j'avais déjà été mariée et veuve trois fois. "

Elle l'avait senti gronder de dégoût en entendant le récit minable qu'elle avait fait de cet hypothétique plan initial... Cette hypothétique vie qui avait été la sienne. Il la méprisait. Il la trouvait immonde et indigne. Elle lui en était infiniment reconnaissante et se pelotonna plus encore contre son épaule dessinée et marquée de la façon la plus sauvage et meurtrière qui soit. Elle exécrait cette vie de faux semblant et d'hypocrisie. Elle exécrait la faiblesse dont elle avait accepté de faire preuve au profit des autres. Elle exécrait la bonne morale et crachait à la face des dieux qui les gardaient en servitude. Elle haïssait ceux qui avaient foulé au pied son nom, ses actes et sa personnalités pour tenter de la briser.

- Les contrats, les serments creux et les actes qui donnent envie de vomir, j'en ai eu plus que ma part. J'ai rejeté tout ça, ce n'est pas pour replonger dedans. "

Eux... Libres... Sans contrainte, ni devoir derrière lesquels se cacher. Juste eux... dangereux et entiers.

- La seule promesse dont j'avais besoin, tu l'as renouvelée avec notre nouvelle partie. "

Vivre pour une autre partie... Et une autre après celle là. Le risque faisait parti du jeu et ça lui allait, mais elle n'allait pas perdre pour autant... Et elle n'allait pas le perdre non plus. S'il avait essayé de mourir, elle finirait par le convaincre que ce n'était pas la solution. De toute façon, elle n'avait d'autre choix, puisque c'était lui.

- Tu es à moi et je suis à toi. Ce n'est pas un serment. C'est un fait. " expliqua-t-elle encore au creux de ses murmures sur le même ton d'évidence sérieuse. Il était à elle. Elle le sentait dans chaque fibre de son corps et jusque dans son âme. L'oublier lui était aussi impossible que d'arrêter de respirer. Le reste, elle s'en foutait.

Trois fois… A vingt et un an elle a été mariée trois fois… Trois mâles, minimum lui sont passé dessus. Est ce qu'ils lui ont demandé son avis au moins? Les prunelles dépareillées se font dures, pleine d'une colère qui n'appartient qu'à lui. Autant Dante est un enfoiré de première, autant la notion de consentement mutuel sur ce sujet précis lui est primordial. Au moins sont morts… Les a t'elle tués elle-même de sa blanche main? Si oui c'est juste et bon… Si non, bien tant mieux. Si ils étaient encore en vie, elle ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. 

Ce qu'on vit nous sculpte et nous forme aussi sûrement qu'un artiste le fait avec un bloc de pierre.  Ce n'est pas toujours beau, mais c'est toujours ce que nous devons être.

Silencieux, les yeux fermés sur ses émotions, l'assassin écoute les confidences de la jeune femme… Attentivement. Economisant son énergie au maximum. Trois fois putain… Les Vaanis ne sont pas si barbares. Elle vient de la péninsule? Ca serait logique à son accent. Le teint pâle lui indique une haute naissance. Et il n'y a que les nobles de la Péninsule pour faire des mariages à répétitions. Mais Dante garde sa grande bouche fermée, gardant cette déduction dont il n'a strictement rien à foutre dans un recoin obscur de son esprit tordu. Peu importe ce qu'elle a été, ce qu'elle a fait. L'important est ce qu'elle est maintenant.  

La seule promesse dont j'avais besoin, tu l'as renouvelée avec notre nouvelle partie. "

Retenant sa respiration, l'homme se tasse un peu sur les draps raidis par le sang perdu pour qu'ils soient inconfortable ensemble et non lui bien et elle non. Il grimace un peu quand les points sur son flanc et son mollet tirent sur ses plaies. Prises séparément ces blessures ne sont rien. S'il ne s'était pas entêté à vouloir la voir, il ne se serait pas mis dans ce sale état. 

Tu es à moi et je suis à toi. Ce n'est pas un serment. C'est un fait.

Il sourit tranquillement. Les prunelles dichotomiques s'entrouvrent de nouveau pour se fixer dans cette glace. Lui aussi il le sent… C'est une nécessité. Est ce à cause de ce qu'elle lui a fait? Toucher une âme si profondément? Non, décide t'il soudain. C'était là bien avant. C'est venu quand elle lui a montré ses copines?… Quand elle a voulu les toucher eux?… ou avant? Quand il a léché son sang? Ou après, au pieu quand ils essayaient de se résister l'un l'autre?  

Non mais c'est quoi toutes ces questions!?! Ta gueule c'est magique.  

Il lui appartient, c'est un fait. Objectivable, vérifiable et indiscutable. Pourquoi nier l'évidence? Couteau serait aise de l'apprendre sûrement. 

Une… Il n'y en a eu qu'une… Et on m'a pas demandé non plus. J'étais pas mal plus jeune que toi. d'au moins cinq ans, surement plus. 

Est la réponse qu'il finit par lui donner… Dans un souffle.

On était pas mariés ni rien… Mais je lui appartenais corp et âme… Et c'est une de trop

Dante continue de regarder Cécilie, la lueur inhumaine de son regard teinté d'une haine pure qui n'est pas dirigée contre elle… 

Je l'ai tuée… J'l'ai bouffée. 

Il n'y avait pas vraiment de question. Pas vraiment de réponse. Contrairement à leur dernière rencontre pendant laquelle ils s'étaient arracher l'un l'autre des bribes de savoir et de compréhension. Cette fois, ils les offraient comme d'autres auraient apporter des fleurs. En excuse, en confession, en condoléances. Ils flirtaient sur le fil du mythe pour atteindre la vérité, eux dont les ombres polymorphes s'entremêlaient qu'ils le veuillent ou non. Ils étaient allés droit au cœur du mirage que l'un et l'autre entretenait si assidument, si bien qu'ils comprenaient sans savoir et ne pouvaient que découvrir les origines d'évidences.

Elle le retint quand il tenta de se tasser pour se dérober à elle. Elle ne voulait pas que ses blessures se rouvrent, certes, mais elle ne voulait pas non plus qu'il s'éloigne. Elle n'avait pas besoin de plus de place pourvu qu'il supporte le contact que leur position lui imposait.

Elle n'avait pas envie de réfléchir à ce qui était en train de se passer et elle n'avait pas besoin de savoir pourquoi ou quand ça avait commencé. Elle n'en avait plus besoin. Elle ne voulait pas non plus penser au lointain futur. La liberté qu'il lui offrait lui suffisait. Elle s'arrangerait pour qu'elle dure. Tant de choses à découvrir, à envier, à posséder ou à détruire. Mais sa curiosité buvait les chuchotements de l'homme jusqu'à la lie. Elle voulait toujours le connaitre dans ses moindres détails.

Une seule... Une seule amante ? Une seule attache ? Une seule maîtresse ? Un esclave... La péninsule n'était pas si barbare... Avait-il vraiment porté des chaines lorsqu'il était enfant ? La vision de cet homme sans marque, docile, servile l'assaillit tout à coup. Cet homme qu'il aurait put être. Celle du garçon qu'il avait été, les fers aux poignets, obéissant loyalement à cette elle qui avait tenté de lui arracher griffes et crocs... et qui n'avait pu que les aiguisé davantage. Elle l'imaginait en serviteur heureux, toute sauvagerie, tout danger, toute majesté disparue, envolée. Si le matin même on lui avait dit que les hommes aussi pouvaient être soumis de la sorte, elle en aurait rit. Mais dans ce souffle, elle sentait une vérité aussi répugnante que familière ramper sous la surface.

L'oreille aux aguets, les yeux remontés vers le vert et le brin terreux, son visage était resté de marbre... Mais ses iris bleutés crachaient une colère supérieure et méprisante qui n'est en rien dirigée contre lui. Elle haïssait cette femme. Par jalousie, parce qu'il disait lui avoir appartenu corps et âme et que son avidité extrême ne pouvait le supporter. Mais plus encore parce qu'elle la dégoûtait pour ce qu'elle avait fait à son Chasseur, ce qu'elle avait fait à un si jeune homme. Si par ses mains, il était devenu l'esprit libre qu'il était à présent, elle acceptait l'acte et n'en éprouvait pas de rancœur en tant que tel. Mais elle méritait le Néant et elle espérait que c'était lui qui l'y avait condamné.

La haine croisa la colère dans une direction commune. Elle avait encore tant d'emprise sur lui... Mais la confirmation de son Chasseur radoucit ses yeux de glaces et laissa le mirage d'un sourire sur ses lèvres. Il s'en était reput... Elle ne s'attendait pas à moins de sa part. Elle glissa sa petite main jusqu'à la joue rugueuse... juste pour le ramener à elle. Au moment présent.

C'était exactement pour ces mots qu'elle avait fuit... Son souffle était court mais il n'y avait pas de peur dans son regard.

- Moi aussi je suis une de trop ? " Moi aussi tu vas me tuer ? Me dévorer ? ...

La vérité dépasse largement tout ce que l'imagination peut bien inscrire en lettres de feu dans l'esprit de la rouquine. Lui racontera t'il par le menu un jour? Peut-être… Peut-être pas. Est ce vraiment nécessaire lui raconter ça? Probablement que non.

Les deux yeux se referment sur cette pensée. Non, ce qu'il a vécu lui appartient en propre.

La petite main se pose sur sa joue. Toujours impeccablement rasé pour des raisons de confort personnel, Dante se dit que ca fait deux en deux que ces poils superflus s'insinuent entre elle et lui, comme milles aiguilles lui perforant la peau. Malgré lui, il sille un peu, son épiderme tressautant au contact de la femme, s'attendant à souffrir. Souffrant. Et revenant avec Cécilie dans ce lit dur...

 - Moi aussi je suis une de trop ?

Non… 

Il essaye de lever sa main, mais sa réserve d'énergie est trop basse… Il gronde de dépit. 

… Toi, c'est différent... t'es moi... Même Elle... jamais été… Non… 

Comment dire… Comment exprimer sa pensée. de façon cohérente? Dante déglutit, la bouche soudainement sèche. Il doit lui dire, il a besoin de lui dire. 

Non… Tu es arrivée et elle est tombée de trop tout de suite. Si je l'Avais pas déjà fait, je l'aurais fait sur le champ tellement ca m'aurait été insupportable. Toi… C'est… T'es la seule sur cette planète que j'ai pas envie (d'égorger) de perdre… Non, je n'en ai aucune envie… S'il n'y a aucune autre solution je le ferai sans hésiter… Tout comme tu l'aurais fait pour moi aujourd'hui. 

Oui, si il n'y aurait pas d'autres solutions, je te tuerais. Je te boufferais plutôt que de laisser ton corp en pâture aux animaux, à la pourriture. Si il n'y avait aucun espoir de te sauver, je t'enlèverais la vie… J'en crèverais, sans doute au passage, mais je le ferais. Par ta mort je vivrais jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, puis je te suivrais avec joie, qu'on puisse danser ensemble au royaume des damnés. 

Ou peu importe où. Pourvu que tu y soit. 

Je peux vivre seul cent ans si je sais que tu va revenir… Je peux pas vivre seul trente jours sans savoir… La prochaine fois que tu te pousse, Ma Flamme Ténébreuse, tu m'averti ok? 

Il faut qu'il dorme... il gronde contre sa propre faiblesse. Leur temps de cette nuit est compté. Pourtant il réfléchit et tente de trouver les mots justes. Elle le sent se tendre légèrement. Il n'aurait pas put se tendre davantage état donné son état de toute façon.

Sa négation catégorique la soulage, la valorise. Elle n'est pas comme cette autre. Elle n'est pas en sécurité pour autant, mais elle avait fait son choix et c'était en toute connaissance de cause qu'elle pouvait dire qu'elle s'en moquait. Elle l'écoute avec attention. Elle avait fait chuté cette autre de son piédestal. Elle... Elle avait montré à son Chasseur, autre chose ? Quelque chose qui avait rendu le souvenir de cette autre insupportable ? En tout cas, elles n'étaient pas comparable. Lui ne les comparaient pas.

Perdre... Elle ne voulait pas le perdre non plus... C'était ce qu'il lui avait dit lors de leur dernière rencontre. Que ça le ferait chier de la perdre alors qu'ils venaient de se trouver. C'était ainsi qu'il lui avait demandé de se contenir, de se mesurer... Où du moins c'était ainsi qu'elle s'en souvenait et ainsi que sa mémoire l'avait torturé. Mais surtout, il le ferait. Il n'hésiterait pas. Un espoir fou lui murmurait que peut-être alors, elle n'affronterait pas seule le Néant. Une envie malsaine se figurait comme une part de lui. Une peur atavique lui ponçait la peau en répétant inlassablement qu'il risquait de la tuer. Il pouvait vraiment le faire... Et c'était peut-être la seule mort qui ne lui faisait pas si peur que ça au final. L'envie malsaine jouait bien son rôle. L'espoir fou de distillait déjà en elle... Et l'étrange confiance primale qui existait entre eux lui présentait une évidence : il ne le ferait pas s'il y avait un autre moyen, et s'il n'y en avait plus, il ne fuirait pas et ne la laisserait pas seule

- Merci... " souffla-t-elle en réponse.

Malgré l'accord tacite qui s'était établit entre eux, elle se redressa sur un coude pour venir l'embrasser avec une douceur qui donnait toute la perspective de l'état de faiblesse de son Chasseur. Elle ne voulait pas l'électriser à nouveau, le geste était doux. Les mots qu'ils prononçait, bien que confus, étaient de réels trésors. La dernière de ses demandes la fit sourire. La main quitta sa joue rugueuse, la tête revint se poser contre sans quitter ses yeux.

- Oui, mon Chasseur. Je t'avertirai. " murmura-t-elle avec son sérieux habituel. " Mais de toute façon, je reviendrai toujours. "

Satisfaite, heureuse même, elle resta là, la main de nouveau posée sur la sienne. Elle le retrouvait et le trouvait. La pièce était comme un écrin dans lequel la silhouette au souffle régulier servait de vague rappel à l'existence du reste du monde.

- Et tu peux dormir sans crainte et quand tu le souhaites, je ne m'en irai pas. Je veille. "

La main de la jeune femme vola vers la bouche de Dante dès qu'elle entendit la première syllabe de son prénom. Qu'il ne le finisse pas. Pas ici. Pas alors qu'ils n'étaient pas seuls. " Irulan. " corrigea-t-elle sans hausser le ton avant de le libérer. Elle n'avait pas prononcé son nom, elle. Elle aurait bien aimé, rien que pour sentir rouler la sonorité sur sa langue, mais elle ne l'avait pas fait. Elle ne savait pas ce qu'il avait dit à qui, ou qui risquait de le reconnaitre ou d'associer ce nom à son visage. Elle ne voulait pas prendre de risque. Elle ne voulait pas non plus qu'il lui fasse prendre celui là.

Elle se redressa à nouveau pour le regarder tandis qu'il lui expliquait comment procéder, étape par étape. Sa voix était posée, mais il était... tendu ? Peut-être autre chose. Ses blessures le travaillaient sûrement. Le visage de la jeune femme resta neutre, vaguement suspicieux, mais elle finit par remettre pied à terre, s'éloignant à regret pour se rechausser. Ce n'est qu'après avoir trouvé la dite clef dans les reste de ses affaires, qu'elle revint à son chevet.

- 3e alcôve. Tes affaires et les filles... Tu as encore soif ? "

Tout en parlant, elle avait tiré sa propre dague. Un poignard plutôt. Une arme péninsulaire de très belle facture. Bien sûr elle ne valait pas l’artisanat nain, les armes mortelles des drow ou les chef d’œuvres elfiques, mais son fil était bien entretenu, l'équilibre était bon et la poignée finement travaillée pour que la garde représente un faucon, les ailes déployées. Elle glissa le couteau entre les doigts gourds de l'homme. Même si ce n'était que pour quelques minutes et qu'il n'était à priori pas en danger, elle ne voulait pas le laisser totalement sans défense.

En fronçant le nez de déplaisir à l'idée de le laisser seul, elle s'obligea pourtant à tourner les talons pour quitter la salle en un pas aussi léger et furtif que rapide.

Des bruits.
Des bruits de pas. Des bruits de choses que l'on déplacent. Des chuchotements. Une voix féminine et une autre masculine. Les oreilles de la sombre s'agitèrent.

Il était encore trop tôt. La sombre n'avait pas envie de se levait.
Les murmures ne cessèrent pas. Que cela en était agaçant… Alors elle tenta de se rendormir.
Les chuchotis continuaient. Alors, elle tendit l'oreille. Non mais c'est pas vrai… en plus je ne comprends qu'un mot sur deux… Je suis où ? pensa t'elle dans sa bulle de sommeil.

La sombre ne voulant toujours pas ouvrir ses yeux, fit appel à des autres sens : il y avait des effluves de sang, d'herbes médicinales et de cuir. Elle était retenu des deux côtés par des choses de dures. Le sol aussi était rigide, froid sans être glacé.

Froid.
D'ailleurs, petit à petit qu'elle se réveillait, le froid l'engourdit. Elle ne pu réprimer un frisson. A tâtons, elle chercha une couverture où quelque chose qui puisse le recouvrir. Mais, elle ne trouva que ses jupes et jupons.
Grognon… la drow se sentait ronchonne. Et en plus ses membres, son dos commençait à tirer. Où s'était elle endormie ?

Analytique, elle fit le tour des indices. Les souvenirs de la journée remontaient à la surface, la réveillant encore toujours un peu plus. Dans une infirmerie. Avec des humains. L'humain et son cœur. Il en était où ?

La drow bailla et s'étira de tout son long puis ouvrit les yeux. Il faisait nuit maintenant. Elle attendit que sa vue s'adapte à l'obscurité.
Une silhouette était penché sur le lit. Dans le lit ça bouge et ça parle. C'était eux qui discutaient.
La silhouette partit.

La sombre se leva enfin, et s'approcha légèrement du lit discrètement. Le patient s'était tu.

Bon soir ? L'Oliyan était approximatif dans la voix pâteuse de la prêtresse. Comment allez vous ?

La dague n'est pas faite pour sa grande main. L'assassin n'est pas capable de lever l'arme pour en admirer la facture. Il sait juste que la garde n'est pas assez grande et longue pour ses doigts. Il garde la fille d'Irulan près de lui, la ramenant lourdement sous la couverture, le long de sa cuisse. Cet effort l'épuise.

Ca ne fait pas cinq secondes que sa compagne est partie, comme un grand chat noir attendant que la proie soit prête, la drow couturée de cicatrices baille et s'étire de tout son long. La tension fait palpiter le coeur fragile de Dante. Il manque encore du sang… La fixant d'un air étrange, les prunelles dichotomiques laissant transparaitre leur lueur inhumaine dans la pénombre de l'infirmerie, Dante la laisse venir à lui.

B'nuit

Répond il doctement… Il a vraiment une sale gueule, même dans le noir. La voix puissante de l,homme est voilée, rauque.

Je me sens comme si un païm m'étais passé dessus.

Sous les draps, son poing affirme sa prise sur la dague. Il n'est même pas certain d'avoir la force de frapper. L'adrénaline essaye d'affluer dans ses veines, causant un étourdissement certain. Les yeux roulent légèrement dans leur orbites avant de reprendre leur examen attentif de la soignante.

Résumons donc. Dante est à poil, faible, devant une drow aux motifs indéfinis.

T'es qui toi?

La prêtresse s'avança jusqu'au lit, du même côté que la demoiselle.
L'homme lui répondait, tentait de l'humour et faisait preuve de curiosité.

" T'es qui toi ? "
" Na'ri Yisfi  " Immédiatement elle donna son nom en eldéen, ne cherchant pas à le rendre plus prononçable. " Servante de Kiran " Ne sachant pas dire prêtresse, elle avait choisi un terme plus passe partout, ce n'était pas totalement exact, ni totalement faux.  Ceci dit, elle voulait lui dire tellement de choses ! Mais les mots ne passaient pas les lèvres, le vocabulaire avait des difficultés à passer le brouillard de la fatigue.

" Fait pas trop noir, ici ? " La sombre se détacha du lit pour partir à la recherche d'un bout de chandelle ou d'une lampe à huile. Bien qu'elle ne connaissait pas les lieux depuis très longtemps, il n'y avait pas non plus trop d'endroit à fouiller. Mais cela prit un semblant d'éternité avant qu'une première lueur vienne éclairer par en dessous le visage ridé et souriant de la sombre. On pouvait encore voir du sang étalé sur sa joue. " Mieux ! " Fière d'elle, la daedhelle rejoignit l'homme et déposa son trophée sur la desserte nettoyée. Elle en profita pour ramasser les bandages et les pots qui avaient chut.

Prenant place sur la chaise, la sombre demanda d'un voix douce "Peux prendre ton bras ? " Cette fois ci, elle n'avait pas l'envie de se battre avec l'homme. Il s'exprimait correctement, il était cohérent et réceptif à son environnement : il n'était plus dans un état critique. La medecin voulait juste vérifier la fièvre et le pouls, avec son aval pour un fois. Les mains posées sur ses genoux, elle attendait avec un léger sourire.

Quand l'homme acquiesça d'un geste, la medecin souleva la couverture pour prendre le bras qu'elle saisi sans dire mots.
La peau de miel se hérissa et frémit au contact des doigts froids de la drow. " Ho! Pardon!  Mais elle ne bougea pas pour autant sa main.
Il était chaud… un peu plus que la normale. Le pouls était régulier mais faible. Rien d'étonnant, il n'était pas au mieux de sa forme. Mais c'était des choses à surveiller.

" Peux voir tes blessures ? Demanda t'elle en replaçant le bras sous la couverture . X'andarin accepta dans une grimace.
Jambe d'abord. Quittant sa chaise, la soignante se frotta énergiquement les mains pour se les réchauffer. Puis elle souleva le drap en faisant attention à ne pas révéler plus que necessaire la jambe blessée. Avait il froid ou craignait il quelque chose ? Dans tout les cas, X'andarin rabat la couverture sur sa marque du Prime Dragon. La soignante haussa un sourcil mais ne dit mots.
Elle écarta doucement les bandages pour voir l'état des chairs proche de la plaie. Mais à chaque fois qu'elle effleurait la peau, la même réaction se reproduisait : chair de poule et spasme.

" Douleur comment ? " Le visage de la drow trahissait son inquiétude.
Après un arrêt cardiaque, il avait droit à une infection. Foutu humain.

" -T'inquiète, c'est normal. Je n'ai pas plus mal que d'habitude. Ce fut au tour du second sourcil de se redressait. Non ce n'était pas normal. Alors soit cela voulait dire qu'il avait une forte accoutumance à la douleur, et au vue des scarifications aperçues plus tôt, c'était la solution la plus probable ; soit il y avait autre chose.

" Brulure ici ? Picotement ? Pincement ? Tant pis, la medecin défaisait les bandages pour voir correctement la plaie. Elle tentait d'aller au plus vite.
Mais elle ne constata rien d'alarmant. Oui c'était chaud, gonflé. Mais à la lueur de la flamme la couleur était attendue.
Alors, elle alla chercher à nouveau ses pommades et des linges propres pour refaire le pansement. Cet homme était une énigme.

L'humain grimaçant, observait tout, suivait tout ses gestes. Quand il posa sa question, il la surprit. Alors elle prit le temps de réfléchir et de trouver les bons mots.

- J'avais commencé pour servir Uriz, j'ai continué pour prévenir Teiweon. Aujourd'hui, pour offrir un avenir à ceux qui arrivent entre mes mains. Elle se mordit la lèvre. Ce qu'elle avait réussi à baragouiner était d'un pompeux… Cela ne lui plaisait pas du tout.
- Pardon… j'ai des difficultés avec la langue. Elle regardait ses mains, penaude. Elle avait avoué une faiblesse. Même si ce n'était pas très compliqué à deviner.
- Peux voir le flan(1) ? L'humain acquiesça discrètement. Rapide. Alors elle saisit la couverture pour la soulever… mais X'andarin eut le réflexe de la garder. Elle n'insista pas. Froid ? Sans attendre de réponse, elle repartit farfouiller dans l'obscurité.

Il pu entendre un bruit anormal. Un bruit d'un meuble lourd qu'on déplace. S'en suivi un Vith !* sifflait entre les dents. La prêtresse revint avec une seconde couverture dans une main et sa hanche dans l'autre. Elle déplia en partie le drap et le posa sur le buste de l'homme.
- Je vais voir prévient elle en baissant la première jusqu'au bandage. Mais son patient remontait petit à petit du bout des doigts la couverture sur la partie non blessée. La medecin soupira en le laissant faire et se concentra sur son ouvrage. A nouveau dès qu'elle touchait la peau, celle-ci réagissait violement. Cette fois, elle ne palpa pas, se contenta de regarder. Et toujours dans le but de ne pas le toucher, elle déposa l'onguent sur le nouveau pansement plutôt que sur la peau. Elle faisait de son mieux pour ne pas éveiller la douleur, mais ce n'était pas facile.

Tu devrais pas…
La sombre releva la tête, étonnée. Pas quoi ? Je dois mettre le pansement. Sinon maladie. Ha non, il allait pas recommencer à vouloir refuser les soins. Dans un soupir, elle commença son argumentaire Beaucoup de sang est sorti de la plaie. Eveil(2) a beaucoup coupé. C'est recousu mais encore fragile. Je n'avais plus assez d'Art(2) pour cicatriser. J'ai préféré travailler sur le sang et le coeur. En attendant demain, je dois mettre le pansement. D'accord ? Sa voix était plutôt douce comme pouvait l'être celle une mère en répétant la même consigne à son enfant.

*Censuré
(1) Oui, flan… et pas flanc. En tant qu'amatrice de douceur, elle la découvrit lors du voyage et l'adopta immédiatement.
(2) En drow

l’obscurité se referme sur cette grande pièce sans vide ni fenêtre. La jeune femme n'avait prit aucune bougie ou source de lumière. Une habitude qui lui faisait défaut.

La clef dans une main, oreille aux aguets, elle était passé à côté d'un fauteuil et avait évité au dernier moment une table basse pour se prendre le coin d'une table dans la hanche. Et direction la 3e porte à gauche... En partant de quelle entrée de la salle ronde ? Pas à pas, elle suivit le mur du bout des doigts et testa deux portes avant que la clef ne glisse sans effort dans la serrure. Bien, elle avait trouvé l'alcôve ! Un vestiaire aménagé plus qu'une véritable chambre... Et une étrange boite de bois sculpté trônait en son centre, clairement posée là pour être vue.

Suspicieuse, la jeune femme referma la porte derrière elle et s'approcha pour en soulever rapidement le couvercle. Certes... L'élégant coffret fut refermé et elle commença a rassembler les affaires pliées de Son Chasseur... Bon. Autre grande question, il allait falloir un peu d'organisation pour transporter tout ça. Elle passa le ceinturon d'arme en bandoulière, empila les pièces de cuir, ajouta les vêtements dessus et regarda les bottes avec mépris. On recommence ! Finalement elle parvint à saisir les bottes dans une main, pressant le restes des affaires contre elle du même bras pour ne rien faire tomber. La boite sous l'autre bras, elle se glissa hors de l'alcôve mais renonça à refermer à clef. S'il y tenait, elle repasserait après.

Son oreille se dressa pourtant en seulement quelques pas. Une voix féminine à l'accent étrange et à la langue pataude sifflait dans l'infirmerie. Le timing était trop parfait. La garce faisait semblant de dormir depuis le début ?! Les bras encombrés, mais prête à tout laisser tomber pour attaquer au besoin, l'humaine tenta de se glisser le plus silencieusement possible dans la salle de soin... Sans grand résultat puisque les bottes qui pendaient au bout de ses doigts heurtèrent le battant de la porte.

Penchée sur le flanc de Dante, l'eldéenne tenait un tissus enduit d'un onguent gras à l'odeur puissante. Un frisson froid remonta le long de l'échine de la coursière. La guérisseuse... Semblait figée, finissant de prononcer quelques mots des plus explicites. Les préjugés avaient la vie dure et voir Dante en position de faiblesse n'aidait pas, mais cette femme lui demandait réellement son accord pour le soigner... calmement.

Cécilie s'efforça de prendre une longue inspiration avant de se rendre compte que ce n'était pas nécessairement une bonne idée étant donné le mélange d'odeur improbables d'un dispensaire comme celui-ci. Elle réprima une toux discrète et quitta finalement le seuil, avançant d'un pas régalien pour venir poser avec précaution son chargement sur la chaise qu'elle avait occupé pendant des heures. " Merci de vous occuper de lui. J'étais allé chercher quelques affaires. " Le ton était cordial mais le visage glacial. Ses yeux froids ne cessèrent de couver la drow, ses oreilles guettaient les gestes et les changements de timbre, mais l'humaine la laissa s'entretenir avec son patient sans rien dire, se plaçant de l'autre côté du lit d'observation.

Tu devrais pas

Tu devrais pas quoi? C'est flou, même pour l'humain. Mais ce n'est pas une question de pansement. Elle parle beaucoup pour une Eldéenne. Elles ont toujours ce foutu travers. Heureusement pour Na'Ri, Dante est trop fatigué pour grincer des dents. Elle essaye de moins le toucher. Mais c'est louche, c'est suspect. Pris entre le drap et la couverture, il essaye d'être coopératif. Très fort. De toute façon, elle pourrait faire ce qu'elle veut et il ne pourrait protester.

Ce…
qu'elle…
veut…

Vas y qu'on en finisse…

Dit il d'un ton neutre, la bouche sèche. Putain, Dante viderait un océan. C'est alors que le cruit des bottes heurtant quelque chose attire son attention. La main se crispe encore plus sur sa dague. La dague de Cécilie. Va t'elle seulement bien? Trop étourdit, il ne tourne plus la tête. Se laisse aller sur l'oreiller, offert au bon vouloir de qui voudra bien le tuer, ramassant son ultime énergie au bout de ses doigts gourds. Les yeux mi-clos sur ses iris de miel et de brume irlandaises, fixant Na'Ri.

Merci de vous occuper de lui. J'étais allé chercher quelques affaires.

Avec un soupir, la guérisseuse peut voir la tension quitter littéralement le corp de l'homme tandis que ses paupières déjà lourdes finissent de se rebattre sur ses prunelles dépareillées. Il ne tourne pas la tête vers sa compagne. Ce n'est pas nécessaire et il n'a, de toute façon, pas l'énergie. Abandonnant le combat pour le moment, en confiance parce que sa Ténébreuse est là et veille, il en profite pour déclarer forfait. 

Une inspiration profonde, la tête qui retombe légèrement, indique que l'homme vient de succomber à l'épuisement, laissant les deux femelles entre elles. Ca n'a pris à Cécilie que le temps de s'Asseoir et de poser la main sur la sienne, sur la garde de sa propre dague.  

La prêtresse avait suspendu ses gestes. Et suspendue aux lèvres du malade, elle attendait son verdict.

Vas y qu'on en finisse…

Oui, mais non. Non, mais oui. L'homme qui était allongé n'était plus à une contradiction prêt. Finalement la fatigue, la fièvre et la guérison avaient malgré tout des effets sur le patient… Au moins, de ce côté, c'était quelque chose de normal.
La medecin allait reprendre son travail quand elle fut surprise par la compagne du mortel. D'un hochement de tête, elle  la salua en prenant le temps de la détailler. Une peau de lait, un visage encadré de cuivre, un regard inquisiteur et froid. Il manquait une petite touche d'acidité ou fruité, de corriger le goût métallique, et on avait là un désert fort rafraichissant.  

"Merci de vous occuper de lui. J'étais allé chercher quelques affaires. "

- Le plaisir est pour moi répondit la soignante sans réfléchir en eldéen. Mais elle se reprit. Non, ce n'était pas un plaisir… et parler noirelfe n'était pas l'idée la plus judicieuse qu'elle ait eut. Je vous en prie. Je finis le pansement. dit elle en oliyan pour se faire comprendre.

Avec douceur, elle refit le pansement en faisant toujours attention à ses gestes. Puis elle, remonta la première couverture d'un côté et descendit l'autre. L'homme s'était endormi. Il en avait bien besoin.

- Ne le réveillons pas.  Bottes, ceinture, cuir, faut éviter. Tout ce qui serre aussi. Si les vêtements sont larges et en tissus, c'est parfait. dit elle en pointant les habits. Visiblement il y avait autre chose dans la boîte. Mais quoi ? Des bijoux ? Elle se garda bien de poser des questions… Enfin presque.
- Avez-vous faim ? Je crois que j'ai des biscuits quelque part…

La sombre quitta le lit pour aller farfouiller à nouveau dans l'obscurité. Ce fut après quelques minutes qu'elle revient, la mine réjouit par avance. Elle tenait un pochon en tissus qu'elle déballa sur le coin d'une desserte. Puis elle tendit le contenu à la demoiselle.

- C'est des biscuits de Thaar. N'ai pas peur. Ils sont bons ! Avec un fruit bizarre… Ci… Cirons je crois. Non… Citron ! C'est jaune et presque rond… Les yeux pétillants d'une joie enfantine, la drow gourmande tentait de partager sa découverte culinaire avec une inconnue, dans un endroit aussi incongru qu'une infirmerie d'arènes.

Assise sur l'extrême bord du lit, la main glissée sous la couverture pour se poser sur sa grande main crispée sur la poignée trop petite. Il s'est laissé aller, sans résistance. La marque de confiance la touche. Les mots sombres de la guérisseuse lui ont fait levé un sourcil, mais les explication n'avait pas tardé.

Elle était si inquiète pour Dante qu'elle ne s'était encombré d'aucun personnage lorsqu'elle était venu à lui quelques heures plus tôt... Et maintenant, elle se demandait ce qui conviendrait le mieux à garder la situation sous contrôle. Changer totalement de visage n'était pas vraiment possible, mais se laisser aller et se dévoiler plus qu'elle ne l'avait déjà fait ne l'était pas non plus.

- C'est noté. Que des vêtements amples. " Elle doutait d'avoir le moindre mot à dire quant à la tenue que son Chasseur voudrait porter, mais elle essayerait au moins de lui faire entendre raison.

La drow était... étrangement amicale. Non pas qu'elle n'ait jamais vu de drows amicaux ces dernières années, mais même dans leur sympathie ils restaient toujours méfiants. La plupart étaient cyniques ou violents. Bon, elle n'avait pas forcément vu le haut du panier ceci dit. Elle pouvait avoir un avis encore tronqué, mais tout de même, cette femme agissait avec une sorte de candeur. Elle avait tenté d'aider un humain avant sa congénère, même quand ce dernier avait manqué lui casser le nez. Et maintenant, elle lui offrait des biscuits... ça avait quelque chose d'assez surréaliste... et de répugnant. La jeune femme en aurait presque eu pitié. Être avilie à ce point, elle avait connu ça... Mais la curiosité était bien plus forte que le reste des sentiments que cette drow pouvait lui inspirer.

- Et bien c'est très aimable. Je n'ai pas mangé depuis hier matin. "

Elle la regarda commencer à farfouiller, et profita de son dos tourné pour récupérer son poignard et poser un baiser sur les lèvres de Dante avant de faire le tour du lit pour se retrouver mine de rien entre la drow et lui.

- Vous faites parti de la délégation drow, n'est-ce pas ? meubla-t-elle en attendant qu'elle ne finisse pas revenir, une poche de tissus à la main et une joie puérile dans l’œil. En voyant ce que lui offrait la noiraude, l'humaine laissa un sourire assez large éclairer son visage. " Ils ont l'air très bon, oui. " Son accent étranger n'était pas aussi prononcé que celui de la guérisseur et sa diction était quant à elle sans défaut. Il fallait qu'elle se souvienne d'employer un vocabulaire simple. Sans hésiter, l'humaine piqua un biscuit et le porta à ses lèvres. Une première bouchée... et elle acquiesça avec entrain. " Ils sont vraiment bon. Merci beaucoup. " Le verdict de son bec sucré était sans appel. Cela ne valait pas la tarte au citron de sa région natale, mais ces biscuits avaient un sacré goût de reviens-y. En plus, étant donné le prix du sucre et du miel, elle ne mangeait pas des douceurs tous les quatre matins. Ajouter à ça la faim qui commençait à poindre et on obtient des biscuits absolument délicieux. " Il y a du sésame aussi, non ? " réfléchit-elle à voix haute entre deux bouchées longuement savourées. Elle hésita un instant à en garder la moitié moitié pour Dante, mais vu l'intérêt qu'il avait montré pour les dattes et le gâteau au miel lors de leur dernière rencontre, il y avait peu de chance qu'il apprécie... " Si vous aimez, vous devriez essayer les cornes d'Ibak. Ce sont des gâteaux à la bergamote. Un régal. " Et elle était sincère. Elle avait eu l'occasion d'en manger de nombreuses années auparavant, en passant à Geresh pour la première fois.

Une fois le premier terminé, elle pointa l'intérieur du sac d'un indexe interrogatif. " Je peux ? "

La frustration du plaisir peut participer au désir. Par contre, la frustration de la curiosité était seulement agaçante. Car pendant que les soigneurs de Mamba s'afféraient à remettre son épaule en état, la gagnante de son tournoi n'obtenait aucune réponse convaincante de la principale intéressée. Que le processus soit abominablement douloureux était une chose que la sombre était prête à accepter en serrant les dents. La magie circulait sous sa peau en quantité, réparant les muscles et ressoudant les chairs, illuminant au passage tous les nerfs qui lui passaient à portée. La drow laissa échapper un gémissement que Mamba trouva charmant dans son enthousiasme habituel. Shyn'tae devait admettre qu'elle trouvait l'organisatrice charmante, à sa manière. Par experience, la drow savait qu'elle n'en tirerait rien. Elle ferma les yeux lorsque les mages de vie reprirent leur rituel. Pourquoi diantre était-elle si pressée?

***

 

Shyn'tae avait accueilli le départ de la petite troupe de mages et de soigneurs avec soulagement. L'épreuve l'avait épuisée, mais elle s'était achevé sur un succès indéniable. Son bras était peut-être ankylosé, mais ils lui avaient assuré qu'après une bonne nuit de repos, il n'y paraitrait plus rien. En attendant, on lui avait laissé un assortiment de plats à l'allure des plus appétissants. La daedhelle huma leur odeur, trempa un doigt dans la sauce, et finalement le porta à ses lèvres. Ce n'était probablement pas qu'une allure. Par contre, ils avaient du confondre leur championne avec une petite armée.

Dommage que tout ce qu'elle avait en tête, c'était cette petite humaine et son étrange magie d'une part, et cet homme bizarre couvert de scarifications rituelles d'autre part.

***

La silhouette s'avançait silencieusement dans les longs couloirs sombres de l'arène. Pieds nus, chargée de lourds plateaux de nourriture en équilibre précaires, les rares personnes qui la croisèrent crurent que c'était une servante. La silhouette ne les détrompa aucunement, et poursuivit sa progression.

..." Ils sont vraiment bon. Merci beaucoup. " ..." Il y a du sésame aussi, non ? "... " Si vous aimez, vous devriez essayer les cornes d'Ibak. Ce sont des gâteaux à la bergamote. Un régal. "

Shyn'tae resta un instant silencieuse et incrédule à écouter le discours de la jeune humaine à l'intérieur.  La drow avait bien du mal à reconnaitre là la demoiselle hautaine et froide dont elle avait fait la rencontre plus tôt dans la journée. Parlait-elle... biscuits? Na'ri avait certainement encore frappé. Si elle n'était pas aussi lourdement chargé, la daedhelle aurait haussé les épaules. La prêtresse de Kiran avait des pouvoirs surnaturels.

La magicienne glissa la tête dans l'encadrure de la porte, souriante.

- Bonsoir… Je risque de me prendre un coup de coude si je rentre? J'ai quelques victuailles à partager. Je crois qu'ils voulaient me faire mourir d'indigestion. Son ton était malicieux, et son sourire taquin. Félinement, elle fit apparaitre les plats par la porte. On trouvait à des dattes, des assortiments d'olives et de condiment, un tajine d'agneaux aux citrons confits, et un plateau entier de patisseries.

- Par contre, il faudra tout finir. Une expression de fausse cruauté était apparue sur son visage. Elle y parvenait très bien.