Les flèches, ça pique | Sorsha

5ème ennéade de Barkios de l'an 16:XI
A deux jours de la route menant à Lante, dans les Wandres

Les petits fils de p-... Faut que je trouve de quoi remplacer ce mot... C'est pas que de la faute des putains si leurs enfants sont des salauds... La Grise se dit que le moment n'était peut-être pas le plus approprié pour penser à ce genre de subtilités. Puis son regard noir balaya les landes obscures et mornes, qui l'avaient laissée sur sa faim pendant ces deux derniers jours. Son estomac renchérit en se tordant d'une douloureuse manière, ce à quoi répondit la demi-drow en talonnant de plus belle sa monture. Elle ne l'avait pas vraiment ménagée, mais l'étalon trouvait déjà plus à mâchonner qu'elle : le désavantage de ne pas être herbivore.

Cependant, ce n'était pas le dernier de ses problèmes : bien que résistante, par la grâce de son demi-sang, à beaucoup de chose, la Grise n'appréciait pas de se trimbaler une flèche dans le flanc. Un petit souvenir des bandits qui s'en étaient pris à la dernière caravane qu'elle accompagnait. Comme s'il n'y avait qu'eux... A vrai dire, ils n'étaient que la dernière péripétie d'une longue liste, l'ayant grandement éloigné de Thaar. C'est qu'elle avait eu le déplaisir d'y croisé ses anciens compagnons mercenaires ! A croire que la Péninsule ne leur avait pas réussi... Bizarrement, ils ne s'étaient pas montrés disposés à faire la causette, et la demi-drow s'était empressée de prendre le large, le temps qu'ils aillent chercher fortune ailleurs. Creusant la distance en réalisant que certains avaient décidé de la coller. D'occaz' en rencontre, la Grise avait donc plus largement pris ses distances, appréciant le grand heure, la compagnie des arpenteurs des routes, se retrouvant sur une les menant en direction de Lante, rien que cela ! Et puis... Les bandits. La flèche. La fuite. La faim. Douleur. Blablabla... Râlant depuis deux jours sur le sujet, la demi-drow tentait vaille que vaille de se focaliser sur la recherche de nourriture. Malgré son esprit divaguant légèrement.

Brusquement, le vent tournant, une délicieuse odeur vint jusqu'à ses narines. Frémissant de bonheur, la Grise se morigéna aussitôt : pour que cela sente aussi bon, cela devait être cuit. Qui disait cuisson disait... Gens. Et les derniers rencontrés, comme les théoriques habitants du coins, n'étaient pas réputés pour être des plus accueillants. Toutes ces précautions étaient bien belle, la demi-sang n'en avait pas moins les tripes tordues de faim. Baste ! Enragea-t-elle, orientant Casse-Crâne, remontant la piste tel un chien son daim. Avec un peu de chance, il n'y aurait personne. Avec un peu de chance, ce serait si rapide qu'elle pourrait s'enfuir avec de quoi se caler le bide, ne serait-ce qu'un peu... Son esprit s'échauffant d'arguments pour ce plan risqué, la Grise fonça. Jusqu'à débusquer, derrière une corniche rocheuse, l'origine de ses tourments : un feu, où cuisait quelque chose sentant fichtrement bon.

Bondissant littéralement de sa monture, la demi-drow embarqua ce qu'elle put, s'en carrant un morceau dans le bec, un autre sous un bras, les larmes lui venant aussitôt de douleur et de joie mêlées. P'tain d'flèche... C'que c'bon, par les dieux, vindieu ! Et sa deuxième main se rappela qu'elle avait une lame accrochée à la ceinture, qu'elle dégaina précipitamment, tournoyant un bref instant dans son élan.

"Je chuis armée ! Et j'chais par quelche bout t'nir une épéech !" baragouina-t-elle en mâchonnant à demi, se rappelant l'importance de vérifier la position d'éventuel ennemi avant tout approche.

Le problème était que son estomac, ce coquin, avait bien entendu endormi semblable vigilance, jusqu'à ce que la nourriture soit en bouche... Et que, de nervosité, ses entrailles fassent des nœuds.

Sorsha avait cessé de compter les jours depuis qu’on l’avait enlevée à sa tribu. Son don de guérison, précieux et recherché, était la principale raison pour laquelle on l’avait enlevé. Sorsha avait résisté et devant sa combativité, on avait rapidement décidé de la garder attachée. Maintenant, si elle pouvait se déplacer, ses mouvements étaient fortement limités, à sa plus grande insulte. Outre les soins qu’on l’obligeait à administrer, elle était également attitrée à diverses tâches au sein du clan, en outre la préparation de la nourriture. Dans son ancien clan, on lui avait attribué un certain statut qui venait avec son importance et si les gens se méfiaient d’elle, ils la traitaient tout de même avec respect. Ici, elle n’avait rien de tout cela et il lui était impossible de fuir.

Elle avait allumé le feu, un exploit dans une contrée aussi humide, avant de disposer les carcasses de lièvre sur des broches pour les faire griller. Le repas s’annonçait maigre et c’est pourquoi les hommes étaient présentement à la chasse. Avec un peu de chance, ils ramèneront une carcasse de chevreuil ou de sanglier. La vie n’a jamais été facile dans les Wandres, mais elle était plus pénible encore depuis la croisade des péninsulaires. Depuis, les peuplades se déplaçaient à la recherche d’un refuge à l’abri du dragon en colère. Sorsha était stupéfaite par la stupidité de ces hommes. Qu’avaient-ils cherché à prouver en voulant le chasser ? Tout ce qu’ils avaient rencontré sur leur chemin fut la mort et la désolation. Mais pour Sorsha, rien n’arrivait sans raison. Les esprits, d’une façon ou d’une autre, avaient permis que cela arrive. Il était peut-être temps pour les Wandrais d’aller ailleurs…

Satisfaite de son feu, Sorsha s’éloigna quelques instants pour vaquer à d’autres tâches lorsqu’un bruit attira son attention. En se retournant, elle tomba sur une intruse qui n’avait visiblement pas remarqué sa présence. Cette femme s’emparait de leur maigre repas ! Sorsha saisit une pierre, la seule arme à sa disposition, prête à se défendre. C’est alors qu’elle aperçut la blessure. Quelqu’un l’avait atteint d’une flèche. Elle ne semblait pas très grave, mais devait sérieusement la gêner dans ses mouvements. Ce n’était pas non plus une wandraise, mais elle n’avait jamais vu de Péninsulaire qui lui ressemblait. Sorsha n’aimait pas les étrangers, mais c’était peut-être sa seule chance de pouvoir partir.

« Vous êtes blessés. Je peux vous guérir, mais faudra m’amener avec vous. »

Sorsha avait ses entraves aux poignets et aux chevilles et fixait intensément la demi-sang. Son visage n’exprimait aucune émotion particulière et ses traits rigides la privaient de tout charisme, la rendant aussi sympathique que la pierre qu’elle tenait toujours entre ses mains. Détail non négligeable, elle ne s’exprimait qu’en wandrais. Espérons que cette étrangère puisse la comprendre.

La Grise ne saisit rien, mais rien de ce qui fut baragouiné. En revanche, elle constata qu'aucune lame ni énième flèche ne l'avaient transpercé... Et que la pierre que tenait la seule inconnue présente n'avait pas quitté ses mains, malgré son intention première - quelque peu visible dans la précpitaton avec laquelle elle s'était emparée du caillou -. Hmmm c'est à elle je présume ? La notion d'appartenance fut quelque peu remise en question à la vue des lanières de cuir qui la gardaient pieds et poings liés comme un sac. Abaissant son épée, la demi-drow continua de mâchonner, visiblement perplexe. Une esclave ? Les sauvages d'ici en avaient ? Curieux. Bon, j'fais quoi ? Si j'la r'lâche, elle pourrait m'poser problème... Ou alors les gusses qui doivent l'avoir lui courront après et m'ficheront la paix. J'espère. Hésitante, entre la supposée esclave et sa monture, la Grise n'eut pas l'occasion de pousser davantage ses réflexions.

Un hennissement. Faire volt face. Voir la lame qui se précipite. Bouger. Être percutée. Chuter. Être écrasée.

Grondant, le sauvage, qui gardait précédemment - et très discrètement - les environs, pesa de tout son poids sur la Grise, luttant pour sortir sa lame de sous le flanc de laquelle elle était bloquée. S'en rendant compte, la demi-drow lui cracha sa brochette à la figure avant de rouler brusquement sur le flanc, frémissante d'énergie après avoir manqué se faire empaler sans prévenir. Tâchant de dégager son propre bras armé, la demi-drow est bien emmerdée quand le salaud, réalisant lui aussi le danger, lui fait un gros câlin. SALAUD ! La flèche... ! Se crispant de douleur, la donzelle se fit cueillir le pif par le front de l'enfoiré... Et ainsi de suite, l'un comme l'autre se démenant pour prendre l'ascendant sur l'autre, roulant, s'écrasant, manquant de peu le feu. Aussi musculeux soit le guss, la demi-drow avait son sang mêlé en réserve, pour la surprise !... Même si la flèche dans le flanc n'aidait pas franchement. Merde, merde, merde... !

Et vlan ! La pierre s’abattit lourdement sur le crâne du wandrais. Un coup, deux coups, trois coups. Sorsha le frappa encore et encore jusqu’à ce que le bruit d’os fracassés lui indique que plus jamais cet homme ne devait se relever. Elle poussa ensuite le corps qui roula sur le sol, lourd et flasque, afin de libérer la demi sang. Tout un côté de sa tête s’était renfoncé sous la hargne de l’esclave et un regard étonné fixait encore les deux jeunes femmes. Le sang avait giclé sur le visage et les vêtements de la wandraise qui ne semblait nullement bouleversée parce qu’elle venait de faire. Elle laissa tomber sa pierre où s’accrochaient des bouts de peaux et des cheveux. Le souffle court et le regard mauvais, elle fixait toujours l’intruse.

« Aide-moi et je te soigne. » Répéta-t-elle, cette fois en tendant ses mains toujours attachées. Le cuir lui avait maintenant entaillé la peau. Elle s’était fait mal pour sauver cette femme. Elle espérait que le message soit assez clair maintenant.

Agressive, la dame. songea la Grise, éclaboussée de sang elle-aussi, un peu stupéfaite d'être encore en vie, et d'avoir vu un homme se faire pulvériser le crâne à coup de rocaille. Bon, ce n'était pas la première fois, mais si près... Un mort est un mort, que t'ais le nez dessus ou pas. Essoufflée, la demi-drow se releva en grommelant de douleur, - la saloperie de flèche s'était cassé dans l'affaire - tout en soufflant un 'merci' un peu perplexe. Entre les peaux la couvrant, son air hirsute et son regard aussi doux qu'une lame dans les côtes, la sauvage n'était pas la plus charmante qui soit... Mais la Grise lui en devait une. Et cela tombait bien, son geste était des plus explicites. Avec un grand sourire, elle s'empressa de trancher les liens aux mains et aux pieds de l'étrangère, sans trop taper à côté.

"Je pige pas un mot de c'que tu dis ma grande, mais en tout cas, j'crois qu'on est quitte. fit-elle avec une soudaine bonne humeur - le contre-coup de survivre a une attaque... Et la perspective de bouffer -. Maint'nant, tu m'excus'ras, mais j'ai la dalle, et j'veux pas traîner..."

Tout en parlant, la demi-sang s'était relevée, baragouinant son oliyan avec une bonhomie un peu exagérée, prenant la direction de sa monture nerveuse tout en récupérant les lièvres - filandreux, mais gouteux, parfait ! - qu'elle avait à peine eut le temps d'apprécié. Oui, même celui entamé puis craché, elle le récupéra. S'approchant de Casse-Crâne tout en surveillant l'étrangère du coin de l'oeil, elle jeta un coup d'oeil aux environs... Et jura en voyant d'autres guss se ramener. Ceux-ci se mirent à beugler - sans doute de joie d'avoir une invitée - à sa vue.

"Sac à chiasse ! J'ai bien b'soin d'ça... Fourrant les sacoches du cheval avec la barbaque, elle monta en scelle prestement, malgré la douleur... Puis jura de plus belle en tendant la main vers l'étrangère. Ramène tes fesses, ils arrivent !"

Sorsha croyait qu’elles auraient plus de temps pour fuir, mais le bref combat avait alerté les autres qui rentraient de leur chasse. Elles devaient donc partir sans plus attendre, mais la wandraise n’avait aucune arme et ne voulait pas fuir sans avoir au moins un couteau pour se défendre. Elle se précipita sur le corps de leur assaillant pour lui voler son arme. En le fouillant, une flèche passa tout près de sa tête. Derrière, la demi-sang gesticulait dans tous les sens sous l’effet de la panique, mais avait tout de même réussi à récupérer les carcasses de lièvre. Elle disait quelque chose que Sorsha ne comprenait rien, mais en toute logique, elle lui disait de faire vite. La wandraise trouva enfin ce qu’elle cherchait. Armée de son couteau, elle se précipita vers sa sauveuse et sa monture. Jamais dans sa vie elle n’était montée à dos de cheval. Elle se hissa avec peine et s’accrocha de toutes ses forces à la Grise. Avec la monture, elles avaient peut-être une chance de leur échapper, mais il fallait être prudente. Non loin, il y avait une petite ravine profonde de quelques mètres. Dans la noirceur, il serait facile de s’y précipiter et le cheval s’y briserait les pattes, mais Sorsha connaissait assez bien le terrain. Elle guida tant bien que mal l’autre femme par des signes de la main et insista pour continuer pendant près d’une heure. Les autres allaient les chercher. Elles avaient donc intérêt à mettre le plus de distance possible entre eux. Éventuellement, il fit beaucoup trop sombre pour que ce soit prudent de continuer, même à la lueur de la lune, sous les arbres, les ombres étaient si opaques qu’il était impossible de savoir ce qu’y s’y cachait. Sorsha fini par descendre du cheval, contente d’enfin sentir le sol sous ses pieds. À ses yeux, les chevaux ne servaient qu’à être de la nourriture ou peut-être tirer des choses, rien d’autre.

« Nous sommes en sécurité, je crois, mais pas de feu cette nuit et il faudra partir tôt demain. » Pourquoi elle parlait, Sorsha ne le savait pas. Même la nuit, la forêt n’est jamais totalement silencieuse. Hanté par les prédateurs et leurs proies, celui n’ayant pas l’habitude de tous ses bruits pouvait facilement avoir peur, mais Sorsha était détendu. Elle n’entendait rien d’anormal. Il était donc maintenant temps de remplir sa part du marché. Elle lui avait promis de la soigner, mais est-ce qu’elle se laissera faire? Avait-elle seulement compris que la wandraise pouvait le faire? Sorsha revint vers elle et pointa la blessure avec son doigt. « Il faut soigner ça. » N’ayant pas l’habitude de passer par quatre chemins, elle saisit le bout de flèche qui dépassait et tira d’un coup sec. Sans l’avoir examiné, elle savait que la blessure n’était pas très sérieuse, sinon elle n’aurait jamais pu s’agiter autant. Elle fut tout de même impressionnée par la réaction de l’inconnue qui se figea simplement en marmonnant des trucs incompréhensibles. Elle aurait pu hurler, ce qui aurait été une très mauvaise idée vu la situation. Sorsha posa sa main sur la plaie. Elle sentait le sang couler sur ses doigts, mais ça ne l’inquiétait pas. Elle ferma les yeux pour se concentrer et commença à chanter à voix basse. Elle ne pouvait pas faire de magie sans chanter. C’est ainsi qu’elle s’adressait aux esprits pour qu’ils lui permettent de soigner la demi-sang. Sa prière fut exaucée. Une agréable chaleur irradia de sa main. Le sang cessa de se répandre, les chaires se refermèrent et la douleur s’évanouit enfin. « C’est fait. »

N'aimant guère se trouver dans une forêt inconnue, sur le territoire de sauvage, de nuit, la Grise accepta néanmoins la situation. Elle avait une locale avec elle. Cela allait sans doute servir... Plus tôt qu'elle le crut. Décidant de faire confiance à la donzelle qui l'avait débarrassée d'un emmerdeur, puis qu'elle avait emmené loin d'autres pas très heureux, la laissa toucher au reste de flèche qui lui tiraillait le flanc... Tout en la maudissant, elle, ses ancêtres, sa future ou déjà existante descendance, ses animaux de compagnie et tout ce qui lui venait en tête pour oublier, ne serait qu'un instant, la douleur cuisante qui la fit frémir... Avant que, de stupeur, elle ne se fige, voyant moult petits points se concentrer sur sa plaie, et celle-ci se refermer sous ses yeux ébahis. Une mage... C't'une mage ! S'esbaudit la demi-sang en tâtant la peau toute fraiche - Et encore sensible, s'pèce de brute, laisse-la, arrête de toucher ! - sans pouvoir s'en empêcher.

"C'est... Oh...! Fichtre ! Mais... Elle touchait, ça piquait, elle touchait, ça piquait, elle touchait, ça piquait, mais ça ne lui remuait plus les chairs et elle n'avait plus mal ! Attend, j'm'y étais fait à cette saloperie... L'autre couillon qui m'a tiré d'ssus... J'l'aurais r'tiré comme y faut c'machin. J'aurais douillé, ça m'aurait mis des jours à s'fermer tout bien. Et toi tu m'le fais en... En..."

Soudainement, sans réfléchir, avec un grand sourire joyeux, la demi-drow se jeta au cou de la sauvage. C'est que sa crinière hirsute lui picota le faciès; elle avait une drôle d'odeur d'herbe se mêlant à celle d'un corps encrassé; elle ne semblait pas tout à fait préparée à pareille accolade, paressant d'autant plus guère encline à la bonne humeur au vue de l'air renfrogné qu'elle conservait, mais la Grise ne résista pas à l'envie, et ce avec un léger rire joyeux. Un instant pour l'étreindre de joie en sautillant à demi, puis elle se recula, lui offrant un grand sourire de satisfaction, de ceux que l'on a face à une excellente surprise. Reprenant un minimum de distance, elle se pointa du doigt en articulant exagérément.

"On m'appelle la Grise. La Grise. Gri-se. Puis elle pointa du doigt sa soigneuse. Et toi ?"

Sorsha n’avait rien fait de plus que remplir sa part du marché, mais elle restait méfiante, car les gens ne réagissaient pas tous de la même façon à la magie. Elle ne tenait pas particulièrement à être brulée vive par la même personne qui l’a libéré de ses captifs une heure plus tôt. D’abord, l’inconnue ne sembla pas y croire. Elle passa un bon moment à examiné l’endroit de la blessure et ne trouva qu’une peau réparée peut-être un peu sensible, mais pas à proprement parlé douloureuse. La Grise ne le savait pas, mais Sorsha était soulagé. Elle accompagnait généralement ses soins avec une panoplie de rituels qui comprenaient des huiles et des herbes médicinales en plus des prières chantées. Elle n’avait rien de tout ça en ce moment, mais la magie avait tout de même fonctionné. Les esprits voulaient donc que cette femme vive. Heureusement que Sorsha comprit cela, car lorsque la Grise la prit dans ses bras, elle faillit se retrouver avec un couteau cette fois de planter dans le flanc. Elle ne manqua pas de la foudroyer du regard lorsqu’elle la relâcha. La wandraise n’aimait pas qu’on la touche et les autres avaient généralement trop peur d’elle pour s’approcher. Cette femme était la première personne à se montrer aussi familière et elle espérait que ça ne viendrait pas une habitude.

« Gri-se... » Les premières lettres sonnaient comme un grognement dans la bouche de Sorsha. Elle répéta quelques fois le nom pour s’habituer à l’étrange agencement de lettres dans sa bouche. Heureusement, les sons n’étaient pas totalement étrangers à la langue wandraise et après quelques essais, il coulait comme du miel de la bouche de la sauvage.

« Sorsha. » S’en étaient fait des présentations. La Wandraise voulait maintenant savoir ce qu’elles avaient sous la main. Sans plus de cérémonie, elle commença à fouiller. À part les lièvres, il n’y avait pas de nourriture. Ça expliquait pourquoi elle les avait volés. Sorsha pouvait chasser, mais elle avait besoin d’un arc. Elle se tourna vers la Grise et la pointa du doigt.

« As-tu un arc? » Elle mima le mouvement. Si elle avait un arc, elles allaient peut-être pouvoir s’en sortir.

La demi-sang s'exerça elle-même au nom de sa... Camarade ? Compagne de voyage ? Invitée ? Le résultat fut bien moins 'agressif' que tel qu'il avait sonné dans la bouche de la mage, et la Grise au beau le répéter, soit il était trop 'effacé', soit il ne ressemblait plus à rien. Bon, le plus important était que 'Sorsha' se reconnaisse... J'espère juste que c'est bien son prénom. Qu'elle n'a pas dit 'femme', ou 'allié', ou... Ami ? Non, ça ne lui ressemblerait pas. Avec une mine embêtée, la demi-sang fit non de la tête... Avant de le refaire, tout en prononçant le mot, pour qu'elle puisse l'associer. Enfin, ce n'est pas comme si elles pouvaient chasser dans l'obscurité tombante. Et on va éviter le feu pour que les autres gars ne nous retrouvent pas.

"On va... Dormir. fit-elle en mimant, les mains jointes, la tête penchée, accompagnant le tout d'un léger ronflement. Puis, demain on... Mangera... Et on... Chevauchera." Elle se sentit très maligne en sautillant sur place, penché en avant, tout en faisant mine de tenir les rênes et de hennir.

La question importante était ensuite... Jusqu'où ? Elle n'avait pas la moindre idée de ce que comptait faire la sauvage - Sorsha, elle a un nom. -, ni pourquoi elle était en la compagnie de sauvages qu'elle n'appréciait visiblement pas, pour avoir défoncé sans hésitation le crâne de l'un d'entre eux avec une pierre. Et moi, est-ce qu'elle le ferait ? La Grise fit la moue en se disant que la question n'avait pas lieu d'être : elles s'étaient toutes deux mutuellement sauvé la couenne, et elle ne l'a retenait pas. Quant à la suite des opérations... Elles aviseraient le lendemain. C'est pas tout cela, mais elle comptait bien se remplir le bide puis dormir.

S'approchant de Casse-Crâne, elle lui flatta l'encolure tout en l'attachant à l'arbre le plus proche, avant de se servir en lièvre cuit et de récupérer une couverture. Revenant vers la sauvage, elle lui tendit une brochette.

"Manger. Dormir. Oui ?" fit-elle en mimant chaque mot, avant de la regarder avec interrogation.

Va falloir qu'on apprenne à causer ou qu'on trouve quelqu'un qui sache causer, et fissa, si on veut faire d'la route. Se dit la Grise.

Si elle pensait que Sorsha s’arrêterait sur la prononciation correcte de son nom… Elle avait d’autres chats à fouetter. Déjà, le fait qu’elles n’aient rien pour chasser posait bien plus de problèmes et c’est sans parler qu’on allait surement les traquer dès la levée du jour. Les ressources étant rares dans ce coin du monde, voler de la nourriture était un crime grave qui devait être puni. Ça expliquait la violence des raids entre les villages. Plus tu tuais dans le camp adverse, moins les risques d’une riposte étaient grands, car, affaiblis, un clan n’allait pas risquer plus de bras valides. Dans l’immédiat, elles ne craignaient rien. La nuit leur offrait un couvert plus que bienvenu et la Grise semblait penser la même chose qu’elle. Si Sorsha avait eu le moindre sens de l’humour, elle aurait ri de ses mimiques. Au moins, elle parvenait à la comprendre et c’était l’occasion pour Sorsha d’assimiler quelques mots au passage.

« Dormir. » Elle répéta deux fois dans cette langue qu’elle ne connaissait pas. Puis manger et chevaucher bien que pour ce dernier mot elle n’était pas certaine, mais ça devait avoir rapport au cheval. Qu’elle ne s’y attache pas trop, car si elles venaient qu’à manquer de nourriture, Sorsha n’aura aucun remords à le tuer pour sa viande.

Elle prit la brochette de lièvre, un bien maigre repas, mais ça irait. Contrairement à La Grise, Sorsha n’était pas affamé. « Manger. Dormir. Oui. » Elle répétait systématiquement tout ce qu’elle disait et après un temps de silence, elle acquiesça. On voyait qu’elle ne faisait pas ça pour se moquer, mais bien pour apprendre. Par précaution, Sorsha ne mangea que le strict nécessaire et garda le reste de la carcasse. À l’aube, elle tenterait de trouver un bâton assez long pour en faire une lance ou quelque chose du genre. L’autre solution serait d’aller voler dans un autre village, mais ce n’était pas sans risque.

Une fois son repas terminé, Sorsha se trouva un coin à peu près confortable et s’y étendit. Sa fatigue ne suffit pas à lui faire trouver le sommeil. Trop de choses se bousculaient dans sa tête. Elle dormit par intervalle de quelques heures jusqu’à ce que le ciel prenne une teinte acier. Sorsha avala une ou deux bouchées supplémentaires et commença à s’activer. Comme elle s’était réveillé la première, elle prit une branche pour réveiller La Grise en la poussant avec une certaine fermeté. Ce n’était pas le temps de trainer. S’il y avait assez de lumière pour elles, il y en avait aussi assez pour eux.

La Grise avait, comme qui dirait, dormi comme une pierre. Éreintée des suites de sa cavalcade, d'avoir manqué se faire écharper, et par la grâce de la magie qui, bien que l'ayant soigné, avait aussi pioché dans ses réserves, elle connut un sommeil profond... Avant que des rêves ne s'en mêlent, la faisant se retourner et marmonner dans son sommeil. C'est pourquoi, naviguant entre deux eaux sans même en avoir conscience, la demi-sang maugréa, tandis qu'un bâton lui flattait sans douceur les flanc.

"Hmmm bordel, Gaspien... T'sais, faire la brute c'marrant que'que temps... Cela était dit dans un péninsulaire du nord, sur un ton à moitié endormi et geignard. Mais j'veux m'reposer moi... Dis, tu voudrais pas... T'sais... Hein ?"

Papillonnant des yeux, la Grise redressa un tantinet la tête, en serrant sa couverture dans ses bras... Et hoqueta de stupeur en découvrant une sauvage qui la regardait avec une chaleur hivernal.

"Par les burnes d'Othar ! s'exclama-t-elle, se tortillant sur elle-même... Avant de se rappeler les derniers évènements, qu'elle 's'entendait' bien avec la wandrase, et de revenir à l'oliyan. Ah ! Sorsha ! Bon sang, tu m'as fait... Euh... Peur. Avec ton bâton là. Je... Bonjour ?"

Constatant qu'il n'y avait pas de danger et que, merveilleux ! la sauvage ne l'avait pas massacrée dans son sommeil - visiblement, tout le monde semblait d'accord vis-à-vis de l'intérêt de la coopération... Casse-Crâne n'ayant pas son mot à dire -, la demi-sang se laissa retomber un instant, expirant l'énergie apporter par la décharge confuse d'adrénaline, qui tentait encore de la faire partir en courant.

"Aaaaah... Qu'est-ce que j'donnerais pas pour un toit au d'ssus m'a tête... Fait frais, pas les dieux !" clama-t-elle à la face des arbres, en guise de réveil.

Puis elle se redressa avec vivacité, sautant presque sur place... Et le regrettant aussitôt. Bast ! Fourmis dans la gambette... Détendant précautionneusement le membre concerné, la Grise transforma sa grimace d'inconfort surprise en charmant sourire matinal, à l'adresse de Sorsha.

"Manger ?" fit-elle avec une bonne humeur presque fraîche, avant de se décrocher la mâchoire dans un bâillement.

Sorsha resta interdite devant la réaction de La Grise. Elle s’exprimait comme ces lâches du royaume des hommes ! Pourtant, elle n’avait pas du tout la même tête qu’eux. Il faut dire que Sorsha n’avait eu qu’un aperçu assez restreint de ces habitants du sud et jamais dans des circonstances très glorieuses. Elle ne les avait pas en haute estime. Ils faisaient de mauvais esclaves, passaient leur temps à se plaindre et si certains savaient effectivement se battre, ils avaient un goût pour les causes perdues qui les mèneraient certainement à leur perte. Là où ils voyaient de la bravoure, Sorsha voyait de la stupidité.

« Langue. Moi connaître. » Répondit simplement Sorsha lorsque la Grise lui demanda si elle voulait manger. « Non, pas manger. Peu de nourriture. Chasser avant. Chasser sinon mourir. Toi pas arc, toi stupide venir ici sans. » Toujours aussi délicate qu’une fleur, mais Sorsha avait raison. Pourquoi avoir fait un tel voyage sans avoir suffisamment de nourriture en réserve ? Elle pouvait s’être fait dérober en chemin, mais ils auraient aussi volé le cheval. « Sinon, tuer cheval. » Elle sortit son couteau comme si elle s’apprêtait à le faire. Elles n’étaient pas encore dans une situation désespérée, mais elle n’hésiterait pas à le faire pour sa survie. Dans l’immédiat, elles devaient reprendre la route et le cheval allait leur permettre d’aller plus vite que si elles étaient à pied. « Faut partir, maintenant. » Avec son bâton, elle pointa le ciel qui prenait une teinte grisâtre. Ça serait une journée morne, potentiellement pluvieuse. Voyager serait un réel plaisir, surtout si l'autre continuait à gémir.

Par les dieux ! Elle cause qu'que chose que j'connais ! La Grise en oublia sa jambe sensible un instant. Si un de ces anciens camarades était là, elle l'aurait embrassé de joie, pour avoir appris leur baragouinage, qui lui servait même pour causer avec une sauvage du nord ! Voilà qui allait être plus simple, et ouvrait un champ de possibilité fantastique... Et de déplaisir tout aussi grand. Sorsha avait un parlé aussi doux que ses manières étaient un tantinet brutal. Pas une fille d'la cité, c'est sûr. S'amusa la demi-sang, tout en se plaçant entre la demoiselle hirsute et sa chère monture.

"Arc perdu. Attaque. Pas eu le choix. grimaça-t-elle au souvenir, tout en se tapotant le flanc, là où la sauvage avait extraite la flèche reçue lors de sa fuite. Cheval trop important. Pas aller loin sans lui. fit-elle en fronçant les sourcils. On bouge, d'accord. Mais où ? Pourquoi t'étais attachée ? Où tu comptes aller ?

« Où tu veux. » Répondit aussitôt Sorsha. «  Magie. Don précieux, esclave de choix ici. » Elle haussa les épaules. « Deux hommes morts. » Voilà toute l’explication qu’elle donna sur la raison pour laquelle on l’avait attaché. Un vague sourire flottait sur ses lèvres, en ajoutant un peu plus à son air inquiétant. « Toi, tu viens d’où? Ta langue, pas connaître. Royaume des hommes? » En fait, Sorsha était réellement intrigué, car elle ne connaissait pratiquement rien en dehors des Wandres, juste quelques détails à propos du royaume des hommes. On disait qu’il y avait des villes, des regroupements monstrueux de maisons où les gens vivaient entasser les uns sur les autres. Elle peinait à s’imaginer à quoi ça pouvait ressembler.

Vraiment pas délicate, la demoiselle. songea la Grise, en apprenant ses 'méfaits'. Malgré ses manères abruptes, qu'elle lui ait sauvé la peau sans l'égorger à la faveur de la nuit la lui rendait sympathique... Sans parler de la sensation d'une rude vie qui se dégageait de la wandraises hirsute.

"Royaume homme ? Péninsule, qu'on l'appelle. Toi connaître... Autre royaume... ?" questionna avec une semblable curiosité la demi-sang.

Pour qui voyageait par mont et par vaux depuis des décennies, c'était toujours curieux que de rencontrer des personnes ne connaissant que leur bout de terrain. Voire la forêt à côté. Mettant prestement la main sur un bâton, la demi-sang tâcha de gratter un coin de terre dégarnie afin de tracer la forme grossière de Miradelphia, remerciant en silence l'elfe qui lui avait donné quelqus notions en la matière.

"Ici, nous. Sud, Péninsule. commença-t-elle, avant de montrer ensuite toutes les grandes terres de ce monde. Là, Zagazorn. Montagnes, beaucoup et nains. Ici, Anaëh, forêt partout, elfes. Là, Ithri'Vaan, tout, humain, elfes, nains, drows, demi-sang... Ici... Terres Stériles. Quelque part, Puy d'Elda où drow. Les drows, elfes noirs, tu connais ?  demanda-t-elle soudain, se demandant si un drow était jamais venu se perdre dans le coin. Drow, elfe noir. Très dangereux, dieux destructeurs. Peut vivre avec, mais pas sans danger."

Voilà qu'il lui semblait raconter le monde...

"Ma famille ici. Thaar, en Ithri'Vaan. Grande ville. Ville ? Plein de maisons. En pierre. Plein de gens. Je t'y emmêne ?" dit-elle encore.

À la question, Sorsha secoua négativement la tête et quand La Grise commença à tracer des formes sur le sol, esquissant grossièrement les frontières des différents territoires, elle se rendit compte qu’elle en connaissait encore moins qu’elle pensait. Son territoire n’était qu’un point minuscule comparativement à tout le reste. Elle s’accroupit pour regarder de plus près comme si elle s’attendait à voir les villes et les villages apparaître sur la carte de fortune. « Eux. » Elle désigna la Péninsule. « Croire nous barbare. Vie difficile ici. Enfants mourir beaucoup. Femme mourir beaucoup aussi. Nous croire Esprit avoir raison. » Elle leva les yeux vers la Grise. « Peu de guérisseurs ici. Toi tomber sur moi. Chance? Non, esprit guider toi. Esprit vouloir moi suivre toi. »

Elle se releva. Sorsha n’était pas certaine de ce que représentait ce voyage. Elle se doutait bien que le route sera longue et sans nourriture, ça compliquait rudement les choses, mais Sorsha était débrouillarde. Si les Esprits voulaient de se voyage, alors elles trouveront en chemin ce qu’il faut pour les aider. Il suffisait de garder l’œil ouvert et de saisir les opportunités qui se présenteront sur leur chemin. « Faut partir. » Avec une confiance aveugle envers les Esprits, Sorsha se mit en route avec sa nouvelle compagne.

Les premiers temps ne furent guère aisés. Malgré toute la détermination de Sorsha, la nourriture demeurait un enjeu important. Heureusement, elle connaissait les plantes et les racines comestibles, il était donc possible de manger un peu, mais ce n’était guère aussi nourrissant qu’un délicieux morceau de viande grillée. Après quelques jours, Sorsha en rêvait et elle envisageait de plus en plus l’option de tuer le cheval. La Grise y tenait, mais si elle voulait survivre à son voyage, ça serait bientôt leur seule option.

Sorsha s’arrêta quelques instants pour souffler. Le soleil brillait au-dessus de leur tête ce qui changeait de la température maussade qu’elles connaissaient depuis quelques jours. Le manque de nourriture solide commençait à l’affaiblir. Sorsha manquait d’énergie et ça la rendait particulièrement irritable. Un bruit attira son attention. Une rivière passait tout près. Elles avaient croisé des ruisseaux et des sources qui leur avaient permis de s’abreuver, mais ça, c’était bien plus gros. Sorsha se remit péniblement sur ses pieds et s’avança en direction du bruit. Au pied d’un dénivelé assez abrupt passait une rivière de quelques mètres de large. Avec un peu de chance, elles pourraient peut-être attraper du poisson. « Faut un bâton. Un branche droit. Je attraper poisson... » En cour de voyage, La Grise a tenté d’inculquer à Sorsha quelques notions de langue, mais la Wandraise, mélangeait allégrement le féminin et le masculin. Peu à peu, elle fera sans doute des phrases complètes, mais elle n’était pas près de perdre les intonations brusques de sa propre langue. Dès qu’elle eut trouvé son bonheur, elle s’employa à tailler la branche du mieux qu’elle pu pour en faire un harpon. Elle devait réussir, c’était leur seule chance. L’arme prête, elle s’avança dans la rivière et attendit, immobile. L’eau était froide et mordait ses pieds, mais la douleur n’était rien comparé à celle d’un estomac vide. Elle tira une première fois, mais manqua sa cible. Elle tira une seconde fois et une troisième. Il ne manquait pas de poisson dans cette rivière, mais Sorsha peinait à se concentrer. Ce ne fut qu’à la huitième tentative qu’elle fit mouche. Elle tomba à genoux dans l’eau pour retenir l’énorme poisson qui, même transpercé d’une lance, avait encore assez d’énergie pour se débattre. Sorsha ramena sur le bord de la rivière un gros saumon. Il y avait amplement de quoi se remplir l’estomac avec ça. Elle était trempée jusqu’aux os et grelottait, mais au moins, elles avaient de la nourriture.

V'la qu'des Esprits s'penchent sur mon cas tiens. La Grise avait trouvé l'idée amusante, sans rien en dire, plus intéressée par leur problème immédiat. Bien qu'il fut hautement appréciable de pouvoir ainsi communiquer, les deux femmes n'en restaient pas moins le ventre vide, et loin de toute civilisation où la demi-drow eut pu plus aisément retomber sur ses jambes. Avec l'aide de leur cheval et d'une volonté de fer - ou un entêtement certain -, les deux voyageuses poursuivirent leur voyage, prenant la direction - à peu près - de Thaar. La Grise espérait rapidement tomber sur une route où des voyageurs pourraient les renseigner et les situer.

Cela ne survint pas le premier jour, ni le second, mais elles prirent leur mal en patience, se débrouillant avec les connaissances de l'une et de l'autre. Le ventre criait famine sans pour tant être tout à fait vite, et il leur était toujours possible de s'accrocher au cheval qui, lui, trouvait de quoi avancer encore. Que la sauvage parvienne à pêcher fut une merveilleuse aubaine. Partie chercher de quoi se nourrir dans la verdure alentours, la demi-drow s'esbaudit devant la grosse prise, mettant la couverture dont elles disposaient sur les épaules de sa partenaire avant de filer chercher du bois, afin de constituer un feu. Non sans effort et acharnement, elle parvint à le faire démarrer, puis elles attendirent que l'odeur du saumon cuis vienne jusqu'à leur nez, au gré des grondements de leur ventre. Autant dire qu'elles le savourèrent comme jamais.

Ce n'était jamais qu'une étape, il leur restait encore bien des jours de voyage. La Grise avait cependant bon espoir... Et le ventre rempli. Après le voyage, il resterait encore à retrouver Thaar... Et sa famille. Sa mère. Mais chaque chose en son temps.