J'ai trouvé l'eau si belle... [Ssol]

Soirée du 7ieme jour de la 2ieme enneade de Karfias, deuxième mois d'été
An 17 du XIe Cycle
L'eau courait, sans relâche, depuis des siècles, depuis des cycles. Sol'dorn, une vie d'elfe, l'Elda vengeur lui-même n'étaient rien de plus qu'une goutte de temps dans l'océan de l'éternité pour l'Oliya,.
L'eau creusait la roche la plus dure, inlassablement. Dans ce méandre, il y a de cela des cycles, une roche cyclopéenne avait succombé à ses assauts. Brisée, ses morceaux usés surnageaient encore dans l'onde claire comme du cristal. L'astre solaire avait laissé place à la lune pleine. Ses rayons disséminait des éclats d'argent sur les flots.

Une silhouette fluette apparut entre deux feuillages, s'immobilisa un instant, puis enjamba l'onde. Les petits pieds nus se posèrent sur la roche, puis elle se redressa. Seul le bruissement de l'eau, et l'occasionnel cri des marins qui de l'autre coté du fleuve brisait le silence. C'était une demoiselle, gracieuse comme une elfe. Ses doigts fins libérèrent sa tresse. En coula une longue chevelure d'argent qui ondoya doucement sous la brise légère.

Elle s'arrêta quelques instants, yeux clos, la tête tournée vers les étoile. Puis cette petite main glissa sur la brassiere d'étoffe noire, et l'entraina avec elle. Le vêtement tomba au sol sur la pierre. Puis la jupe l'accompagna avec légèreté.

La gracieuse daedhelle portait une lame au coté. D'un geste fluide, rubis toujours clos, elle dégaina. La lame reflétait la lueur lunaire comme si elle en était un rayon. Puis, nue, elle dansa. D'abord lente, puis virevoltante, ses mouvements gracieux l'emmenèrent peu à peu au plus prés de l'onde.

La pointe d'un pied se posa sur l'eau. Un cercle s'étendit sur la surface de l'Oliya, suivi d'un autre. Des gouttelettes s'élevèrent autour de son corps ondulant.

La délicate sombre dansait sur l'onde, entourée d'un millier de lunes.

Je ne suis arrivé au camp sud que quelques ennéades plus tôt et je ne pense qu’à une chose depuis. La voir. Pas l’apercevoir, non, vraiment la voir.

Je la croise la première fois dans les couloirs de l’Erkd’Fe Renor, et j’ai un peu de mal à remettre la situation, mais quand je demande à rencontrer Shyn’tae Vaen’re les jours suivant on me dit d’abord qu’elle n’est pas disponible, ensuite qu’elle n’est tout simplement plus là. Tu m’aides à la retrouver je ne sais trop comment ensuite, en m’aiguillant vers Thaar, vers cette arène. Je pense que c’est impossible, tu ne peux pas l’avoir retrouvée aussi facilement, pas en étant resté dans ma tête, et pourtant, quand elle lève son épée dans le ciel la première fois je comprends que tu es un miracle. Elle tombe bien vite et je suis prêt à rentrer au Puy déçu mais c’est sans compter sur un autre de tes conseils. Tu m’annonces qu’elle est encore dans la ville, qu’elle combat encore. Je fais toutes les arènes pendant toute la durée des jeux et je m’essouffle assez vite. Quand la finale arrive je fais partie du public, puisque je suis là autant y être, et tu me pousses vers ça. Puis je la vois arriver de nulle part, et elle gagne ce combat, au prix d’un bras. Je ne me souviens pas de ce qui a suivi, mais je n’arrive pas à mettre la main sur elle et oublie le reste. Tu me répètes depuis un moment que ce ne sont pas mes souvenirs, que ce sont ceux d’un autre, ce qui expliquerait en partie mes quelques absences, mais je ne te crois pas. Ces absences sont tellement fréquentes depuis toujours que je suis persuadé qu’elles n’ont aucun lien. Et puis, à chaque fois que j’y réfléchis un peu je comble facilement les trous.

Et quand je rentre au Puy, je ne la vois toujours pas, et tu me parles du C’nros, et on me confirme tes dires. J’en ai marre, et chaque absence vient m’empêcher d’avoir du temps devant moi pour la trouver, mais on parle d’un destin tellement particulier qu’il me pousse à chercher de plus belle encore. Forcément elle fait partie de tous ces déplacements vers Sol’dorn et après avoir passé beaucoup de temps à me convaincre – je sais que j’ai beaucoup de temps devant moi et je procrastine – je fais le déplacement. Et j’arrive ici. Mais dans un camp bondé comme celui-ci et avec les responsabilités qu’elle a je n’ose pas vraiment aller la voir. Nous la surveillons tous les deux jusqu’à ce que je comprenne son rythme et que je sache à quel moment l’aborder. Tu me dis qu’il y a mieux à faire que de l’aborder pendant qu’elle se baigne dans l’Oliya, et tu rajoutes que peu se baignent habillés, mais je te rappelle en riant un peu trop fort qu’on est des Daedhels.

Si je précise que je ris trop fort, c’est parce que je suis à ce moment là pas très loin de la Daedhel. Et que je la regarde danser avec son épée. Et qu’elle est vraiment nue. Et que c’est joli. Tu me demandes si c’est la danse ou elle qui est jolie. Je te réponds que je ne parlais que du premier cas de figure mais que l’autre est intéressant aussi. Je te remercie de l’avoir mentionné. Cette fois tu ris toi. Elle ne t’entend pas, mais je ne peux croire qu’elle ne m’a pas entendu et je reste là, sur la berge, immobile.

La magie coule tantôt comme un ruisseau, tantôt comme le plus violent des torrents. La daedhelle sent Éveil la porter, Elle sent la magie effleurer son être comme milles caresses enflammées prêtes à devenir brûlure. Elle a oublié la lune, elle a oublié la nuit. Elle a oublié les responsabilités, les mesquineries bénignes, les haines farouches. Elle vient ici lorsque les choses vont mal, pour sentir le vent de la magie et l'eau de l'Oliya purger la colère comme l'angoisse.

Elle sourit en s'abîmant dans son art. Impressions vives dans les motifs. Elle n'était plus aussi précise qu'avant, mais elle regagnait du terrain. Elle était plus rapide par contre. Il y a quelques années elle aurait pesté contre les gouttelettes qui s'envolent, dansent avec elle, puis viennent embrasser sa peau nue. Depuis, elle a renoncé au contrôle absolu. Alors l'eau danse autour doucement autour d'elle sans que ce ne soit l'oeuvre de sa volonté. La magie ne lui obéit pas complétement, elle a une vie propre, et elle n'en est que plus belle.

Elle se sent si bien, loin du fracas de l'Elda vengeur.

Un rire retentit. Il est bien trop proche pour venir du port. Quelqu'un est ici dans son sanctuaire. Sa danse s'arrête, mais elle reste concentrée. L'eau retombe paresseusement autour d'elle comme de la poussière d'étoile, et, rouvrant les yeux, encore elle jette un regard par dessus son épaule dans la direction du bruit clair.

C'est un drow, un mâle se dit-elle, un brin androgyne, qui la regarde en souriant. Que fait-il ici? Que veut-il? Il ne semble pas se moquer d'elle, et tant mieux, car il l'aurait regretté. La drow fait un pas dans sa direction. Un cercle traverse l'onde. "Il est mignon", se dit-elle. Elle s'approche jusqu'à être à quelques pas de lui, ses pieds fins sur l'onde endormie, le bras tenant l'épée légèrement écartée. L'eau du fleuve vient, goutte à goutte, perler sur la lame.

Elle le jauge, curieuse. Ses yeux couleur rubis se promènent sur lui, sur la végétation et entre les rochers qui les entourent. Manifestement il est seul. Son sourire grandit, plein de malice.

- J'espère que ce que vous avez vu vous a plu…" Elle n'est pas de mauvaise humeur, et elle a trouvé un sujet d'amusement. Qui? Pourquoi? "Etes-vous venu pour une danse?" demande-t-elle, telle une nymphe dans son domaine.

Je ne me départis pas de mon sourire qui est né de mon rire et quand elle se tourne vers moi elle ne peut que le remarquer. Quand elle se rapproche je me rends compte que si j’ai trouvé le meilleur moment pour l’accoster je n’ai rien préparé à lui dire et je lève une main pour me gratter la joue en réfléchissant. Je continue de la regarder sans pudeur ou timidité même si mon regard s’éloigne un peu de son corps pour regarder cette lame. Il ne faut qu’un tout petit effort d’imagination pour imaginer du sang à la place de cette eau. Mais je ne fais pas cet effort là et je trouve ça assez joli, encore une fois. Mon regard mauve revient se plonger dans le sien alors que je remarque ce sourire… intéressant.

Forcément, elle est curieuse de plusieurs choses concernant cet intrus qui est peut-être le seul à l’avoir dérangée de cette façon. Et elle n’exprime certainement pas tout, pas de manière directe en tout cas. « Je n’en ai pas vu beaucoup, mais oui. » Je réponds bêtement à cette question qui n’en était pas vraiment une. Sans lui mentir j’essaie de la pousser à croire que je ne parle que de la danse en précisant que je n’avais pas tout vu, mais tu m’as déjà fait comprendre qu’il n’y avait pas que ça. A sa deuxième question je réponds plus facilement mais de cette voix douce et un peu timide. « Non… » Me faire danser, quelle idée… « Et puis, je ne peux pas faire tout ce que vous avez fait là. » J’aurais pu faire semblant, mais personne ne connait mon rapport à la magie et je n’ai aucune raison de le dévoiler maintenant.

Tu me pousses et tu as raison, plus vite ce sera fait plus vite je pourrais enchaîner sur je ne sais trop quoi… la suite, quelle qu’elle soit ? Je baisse les yeux avant de comprendre un peu tard ce que ça donnait et de les remonter assez rapidement. « J’ai juste beaucoup entendu parler de vous et je voulais vous voir pour… » Pour vérifier que ce qu’on disait sur elle était vrai ? Tu n’aurais pas accepté cette déclaration, car elle remettrait en question la confiance que j’ai en toi, et je ne sais pas trop par quoi la remplacer donc je m’interromps. « Mais vous êtes très occupée ici… et… partout, vraiment… » Je me précipite pour combler le vide et justifie ma présence ici de façon assez incompréhensible, il faut le dire.

La daedhelle hausse un sourcil, son oreille opposée s'abaisse, elle est interrogative. D'un bond, elle passe sur la berge. Quelques instants plus tard, la magie l'abandonne lorsqu'elle cesse de l'appeler. Son bras qui porte l'épée s'abaisse finalement, les gouttes d'eau tombent de l'acier comme elles tombent de sa peau. Qui est le plus déçu, la magicienne ou la puissance qu'elle manie? Elle se doute bien que le mâle ne peut pas faire ce qu'elle fait, le contraire l'aurait à la fois enchantée et étonnée. Mais elle aurait certainement pu l'entrainer avec elle quand même. Cela aurait été un bon exercice. Tant pis. Lorsqu'une opportunité se ferme, d'autres s'ouvrent.

- Tans pis.

Elle l'écoute bégayer,. Il lui évoque un de ces étudiants qu'elle pouvait avoir à l'étude noire, ce qui est surprenant ici, à Sol'dorn. Heureusement pas d'une mauvaise façon, car elle préféraient ceux si attentifs à leurs travaux qu'ils en devenaient timides, à l'opposaient de ceux dont les certitudes inébranlables devenait le plafond qu'ils ne pourraient jamais franchir. Des souvenirs traversent son esprit, elle les rangent de coté. Un frisson la parcourt alors qu'une brise fraiche vient agiter les feuillages.

Devrait-elle être inquiête que ce ne soit pas une coincidence, mais qu'il soit venu ici dans l'idée de la rencontrer elle? Cela sous entendait qu'il la suivait. Depuis combien de temps? Le pourquoi quant à lui devenait plus mystérieux à mesure que le sombre, un Eldéen vu son accent, s'avérait incapable de dérouler le fil de ses pensées.

Elle éclata de rire et vint l'observer tel un félin joueur jouant avec sa proie. La Phord'ur avait besoin de se détendre, et il n'y avait manifestement nul part où se cacher de ceux qui surveillaient ses faits et gestes. Enfin, cette fois au moins, elle pouvait apparemment confronter l'indiscret.

- Oh. Entendu parler de moi? Mais de quelle façon?" Elle fit le tour du jeune homme. Sa démarche était souple, et les mouvements imprécis de son bras qui ne portait pas l'épée en paraissaient d'autant plus étranges. Elle s'arrêta face à lui, ses yeux pleins de malice dans les siens."Je suis curieuse… de savoir ce qui t'a donné la bravoure pour me déranger ici." Son corps nu et sombre séchait peu à peu, gracieux et vif sur le sol pierreux.

Tant pis. Deux mots qui ont tendance à rappeler qu’une autre réponse aurait pu être préférable à celle donnée, mais qui soulignent aussi une sorte de finalité. Pas exactement comment j’aurais voulu commencer, mais bon, elle ne semble pas le prendre si mal que ça. Et mon hésitation semble la faire rire au moins. Tu me dis que ça marche toujours, et je souris, mais d’un sourire aussi hésitant que le reste pour dissimuler le reste. Le prédateur continue l’interrogatoire dans lequel sa proie s’est fourrée toute seule en lui tournant autour, cherchant une faille. Et une fois sa question posée elle s’arrête devant moi, elle l’a sûrement trouvée, sa faille. Mais non, son regard exprime tout autre chose, pas seulement de la curiosité comme elle l’exprime à voix haute. Il est bien difficile de savoir qui est tombé dans le piège de qui en fait.

Je relâche un peu la timidité, c’est attendrissant au début mais peu crédible sur le long terme, d’autant plus qu’elle a déjà souligné ma bravoure. Je feins une grande concentration et un grand sérieux alors que je commencer à compter sur mes doigts et réfléchir à voix haute, d’une voix songeuse. « L’étude noire. » Je lève un premier index. « Les jeux de Thaar. » Je rajoute le majeur. « Le Cn’ros. » Je rajoute l’annulaire. Juste trois, ça valait le coup de compter avec mes doigts, tu me dis. Je m’arrête quelques instants, restant pensif, j’en avais entendu des choses. « Il y a du bon… et du moins bon… » Je reste vague alors que je ne peux pas vraiment lui répéter tout, ni le bon débarras entendu quand on m’a dit qu’elle n’était plus à l’étude noire, ni les centaines de voix qui doivent encore penser que l’humain aurait dû gagner les jeux, ce n’est pas si grave – et les voix en question sont celles d’idiots – mais je ne veux pas déjà détériorer l’ambiance à ce point là. Et puis, enlever le vainqueur d’un combat à trois n’assurerait pas que le deuxième gagne, ça ne fait aucun sens. Mais ça empêche sûrement le vainqueur d’être le vainqueur, peut-être qu’ils ont raison, finalement.

Je ne me suis perdu qu’un instant en vérité et je reviens très rapidement à la situation qui est devant moi. Du bon et du moins bon n’est pas satisfaisant comme réponse, je la balaye donc d’un revers de main avant de recommencer à être bavard. Pas le bavard sûr de lui, celui qui n’a que l’impression de l’être et comble les vides avec précipitation avant d’attendre que l’autre traite tout ce qu’il lui a lancé d’un coup. « Mais je ne suis pas vraiment là parce qu’on m’a dit des choses… ni parce que je vous ai croisée dans un couloir de l’étude noire… ni parce que j’ai assisté à tous vos combats qui m’étaient accessibles à Thaar… ni parce que… » Est-ce-que j’ai réellement quelque chose d’avouable à dire de ce que j’ai vu de la Phord’ur ? Non. « Non… je suis là pour comprendre s’il y a une raison à ce parcours assez… amusant ? » Ce n’est certainement pas le bon mot, mais bon, c’est mieux que ce que j’ai essayé de rattraper. Sûrement.

La Phord'ur a un mouvement de recul, son pied nu retombe dans l'eau, et son visage souriant se ferme soudainement. La malice est remplacé par la méfiance. Depuis combien de temps la suit-il, l'observe-t-il tapis dans l'ombre? Des années apparemment. Il dit qu'il y a du bon et du moins bon... Est-elle en réalité une souris qui se prenait pour un chat?

Une douleur soudaine la fait frémir, sa main gauche tressaille visiblement. C'est un souvenir d'il y a des années maintenant, une affreuse agonie dans ce membre qui pourtant est le plus souvent insensible, absent. La daedhelle y jette un oeil rapide, crispée. Forcément, il n'y a rien. Elle fait de son mieux pour ignorer le souvenir de sa précédente rencontre avec la Doth'ka. Ce jeune drow timide est-il un de ses agents? Ont-ils quelque chose contre elle?

Elle doute, car elle peut lister sans avoir à réfléchir une dizaine de choses qu'ils pourraient avoir à lui reprocher, et quelques autres qu'elle connait et qu'ils seraient certainement heureux de connaitre aussi. Un frisson la parcourt, son cœur bat plus vite, plus fort dans sa poitrine.

- Je vois… Cela fait quelque années que tu t'intéresses à moi déjà. Dois-je être flattée?"Son sourire qui avait disparu quelques instants auparavant revient de lui-même. Est-ce de la curiosité ou du défi qu'il peut voir dans la profondeur de ses yeux?

- Mais attends moi, l'air se rafraichit." Elle se retourne et bondit, légère comme une plume, sur le rocher derriere eux pour retrouver ses affaires. Cela lui donne le temps de reprendre ses esprits, d'élaborer une stratégie. Devrait-elle craindre l'adorable étudiant? Ce ne sont pas les manières de la Doth'ka, mais a-t-elle vraiment des manières? N'est-elle pas partout? Restera-t-il aussi mignon que charmant, ou s'apprête-t-il à devenir cruel si ses réponses ne lui conviennent pas?

La daedhelle s'accroupit pour fouiller dans sa sacoche, et en sort un petit objet blanchâtre. Le drow reconnait un savon. L'instant d'après, l'épée posée sur le bord du rocher, elle se glisse dans l'onde et y disparait de longues secondes… En même temps… elle n'est plus professeur de l'étude noire, se rappelle-t-elle. Elle représente la Ditrown Da're à Sold'orn. A moins qu'on ne veuille toucher la rose noire au cœur, on ne va pas lui chercher des noises.

Sa tête émerge soudain, elle reprend son souffle. Puis s'avance un peu pour sortir à nouveau de l'eau. D'une main sûre, nullement gênée par son visiteur, elle se savonne.

- Les fortunes sont changeantes… j'ai voulu saisir les opportunités que la vie me présentaient." C'est vrai, et faux en même temps. Sauf que la vérité est à la fois multiple et inavouable à un inconnu. Elle se doute néanmoins que cette réponse ne le satisfera en rien. "Je crois.. que ca vaut la peine de prendre des risques… Pour apprendre de nouvelles choses. Pas toi? Dis, je finis ca, et tu m'invites à diner?" Autant lui semble connaitre beaucoup de ses faits et gestes, autant elle ne connait rien de lui.

Le savon luit sur sa peau noire, après avoir parcouru son dos et son ventre, elle s'intéresse à sa poitrine. Son épée est toujours à portée de main. "Tu disais qu'il y avait du bon, et du moins bon? Que dit-on donc de moi? " Cela l'amuse-t-elle, ou son attitude est-elle feinte?

Une petit moue qui apparaît sur mon visage fait face au visage nouvellement fermé de Shyn’tae, juste après un mouvement de recul que je ne peux ignorer. Je suis convaincu être un idiot à ce moment là, mais tu me rassures un peu, il vaut mieux un choc maintenant, dès le départ, que quelque chose qui n’apparaîtra qu’éventuellement plus tard. J’ai du mal à en être convaincu et je me traite d’idiot une deuxième fois. Ce que je vois sur son visage ensuite n’est pas cohérent avec son état émotionnel et j’imagine que quelque chose d’autre l’a provoqué, mais je ne cherche pas quoi. Tu veux me dire quelque chose mais ce n’est pas le moment, si tu m’en dis trop je serais incapable d’être honnête en lui disant n’en rien savoir. Puis, je ne te fais pas aveuglément confiance non plus, tu as peut-être juste eu de la chance jusque là. J’attends que ça passe, et si j’ai une petite crainte elle semble revenir vers une expression plus ouverte en me répondant. Je ne sais pas ce que j’ai provoqué, mais c’est passé ?

Qu’est ce que je peux répondre à ça, par contre ? Cet intérêt doit-il flatter ? Je redeviens songeur en répondant. « Je ne sais pas, je n’y ai pas pensé. » Il n’y a rien de faux, si j’avais pensé à ce genre de réaction je ne me serais sûrement pas approché comme ça. Mais heureusement elle se détourne rapidement de sa propre question et à ses mots je sens pour la première fois l’air frais sur la surface de peau nue sur bras près des épaules. Je ne doute pas qu’être complètement nue et ruisselante d’eau pourrait rapidement devenir désagréable. Je la regarde s’éloigner mais ne force pas plus avant et quand je comprends qu’elle n’a pas tout de suite l’intention de s’en aller je m’assieds sur la berge, les jambes en tailleur. Elle disparaît, elle réapparaît, elle commence à se savonner et je continue de l’observer, avec la même gêne dont elle fait preuve, aucune. Quand elle reprend la parole je souris. Ça ne veut rien dire de très intéressant, mais cette façon de le dire… J’en apprends un peu plus d’elle, forcément.

Elle n’est pas trop du même avis ou en tout cas ne le montre pas et surenchérit. Je souris, forcément, en baissant légèrement la tête pour regarder le sol devant moi quelques instants. Quand je relève la tête mes yeux se plongent instinctivement dans les siens mais je les détourne légèrement en m’en rendant compte, ma timidité retrouvée. « C’est un peu ce que je suis en train de faire… » Si j’ai légèrement rosi des joues c’est aussi à cause de la deuxième question je crois. « Je… oui… mais prenez votre temps… » Je ne suis pas vraiment pressé en réalité, mais j’ai eu mon lot de déclarations curieuses et je n’en rajoute pas. Toujours sans la moindre gêne je l’observe alors qu’elle atteint la prochaine étape de son savonnage. Ce n’est pas une surprise depuis quelques temps, alors que je n’ai eu que son corps devant les yeux depuis que je me suis approché mais je me rends compte à quel point elle est différente des autres eldéennes, physiquement au moins. Mais après tout n’est-ce-pas le cas pour moi aussi ?

Puis elle s’intéresse vraiment à ce que j’ai entendu. Je regrette déjà d’avoir appuyé sur ce point et reprends en commençant par un petit soupir. « Rien d’important, et puis, je ne connais aucun de ceux que j’ai entendu. Que ce soient vos apprentis quand j’envisageais rejoindre l’étude noire, ceux à qui j’ai demandé où vous étiez passée quand vous n’y étiez plus, ou ces quelques Thaaris qui ont plus ou moins apprécié votre exploit… Ils sont tous tellement loin et si insignifiants de là où on se trouve… » Cette petite plainte appuyée par une voix un peu plus traînante qu’elle ne l’est depuis le début peut suffire à lui faire lâcher le morceau mais j’en doute. « Depuis les jeux je n’ai rien entendu par contre, je vous ai trouvé comme un grand… Il faut dire que vous êtes quelqu’un de particulièrement importante ici au camp sud, ce serait difficile de ne pas s’en rendre compte. »

Son corps ruisselle lorsqu'elle se redresse pour poursuivre sa toilette, indifférente au regard du sombre. Indifférente, vraiment? Ou ondule-t-elle souplement pour lui? La réalité est qu'autant la daedhelle n'est pas certaine de comprendre les motivations forcément suspectes du mâle, autant elle a décidé de jouer le jeu et de s'en amuser. Elle espère presqu'il y ait un risque, même si elle ignore ce qu'il pourrait être. Elle caresse l'idée, la choie intérieurement, charmante distraction face à son quotidien.

Son quotidien… Il lui fait y penser, Depuis les jeux, il n'a rien entendu.Pendant qu'elle était auprès de la rose noire certainement, car elle aurait été dans un cachot qu'elle n'est pas certaine qu'il en aurait été bien différent. Un peu différent, car les prêtres de Kiel n'y auraient pas autant prêté attention à éviter les dégâts irréversibles. C'est tellement mignon d'être reconnaissante en L'Renor d'une chose pareille, murmure le cynisme à son oreille effilée . Quant-à aujourd'hui… Il la voit arrêter de se savonner,  et l'observer d'un regard intense, qui pourtant ne décèle nul humour et nulle moquerie, seulement de l'innocence: La daedhelle sait ce que certains pensent d'elle au sein des osts, et même du C'nros.

Elle estime avoir elle-même un avis assez juste sur la question: sa nomination est particulièrement injuste. Pourtant l'idée même de renoncer lui donne un haut le cœur.

- Rassure-toi, je me fiche bien de ce qu'on dit de moi." C'est un mensonge. Elle ne veut simplement pas que quiconque ne dicte son comportement. Cela conduit forcément à devoir faire des compromis, car la vie en est pleine. "Je sais que certains me mettent en partie sur le dos l'excellente stratégie du feu d'Uriz. C'est mal la connaitre..." Ses yeux brillent d'une lueur intense lorsqu'elle évoque Krish Al'serat. De l'admiration? Plus que cela? La lueur s'évanouit malheureusement en un instant.

- Il faut reconnaitre que je n'ai aucune ancienneté dans les corps militaires, n'ai vécu aucune de nos guerres sur le terrain. Me voir dans un état major en étonne plus d'un." Elle sourit étrangement. Est-ce de l'amertume? Parler d'étonnement est un doux euphémisme. Les rumeurs tout comme les paroles de l'obok Kerath évoquent plus le dégoût le plus complet. "Mais au fond… être important ou pas n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est d'être la bonne personne au bon endroit pour l'Elda." Le soucis est qu'elle n'était pas certaine de l'être, reconnait-elle intérieurement.

Comme à son habitude dans ces cas là, elle change aussitôt de sujet.

- "Je crois que j'avais des apprentis qui m'appréciait, même si on ne peut jamais être sûre." Continue-t-elle, pensive. D'une certaine façon, c'était le bon temps, avant la fuite en avant. C'était il y a juste trois années, pourtant cela lui semble des décennies.

La daedhelle s'interrompt pour rincer ses cheveux, sa posture féline et cambrée. " Je suis jeune, alors on ne m'a jamais donné les meilleurs éléments. Désolée, si j'avais ils avaient compté t'envoyer suivre mes enseignements. Mais je crois avoir pu apporter des choses à ceux qui en faisaient l'effort." Son sourire grandit. "C'est pour les autres, ceux qui pensent à leur statut plus qu'au travail, que j'étais la harpie. Tu as envisagé de devenir mage? Quelle discipline?"

Elle saisit une serviette et remonte sur le rocher pour se sécher.
- Et excuse-moi.. je m'aperçois que j'ai été vraiment impolie… Comment-t-appelles-tu?

Je l’écoute parler de choses que je ne comprends pas et d’autres qui me sont familières. Je découvre que sa place ici est en rapport avec la seul Triumvir sur place à Sol’Dorn, je découvre qu’elle n’a aucun passé militaire, je découvre que son statut n’est pas important, mais ce dernier passage me touchait particulièrement. Je n’avais pas de bon endroit, je savais à peine pourquoi j’étais dans ce camp, et si tu m’aidais à expliquer à n’importe qui pourquoi j’avais le droit d’être là et pourquoi on ne devait me chasser, à cet instant là tu me soutiens que je n’ai pas besoin de connaître ma place, que parfois, être la bonne personne au bon endroit c’est juste suivre le fil de ma vie sans m’en préoccuper. Est-ce que tu utilises vraiment ses concepts à elle pour me rassurer ? Je demande, surpris. Tu n’as pas parlé de fortunes ou d’opportunités qui se présentaient mais c’est tout comme et je deviens suspicieux à ton égard.

Elle m’aide bien quand elle change de sujet, je dois bien l’admettre, car tu te tais déjà, mais surtout parce qu’on arrive sur une des seules choses que je maîtrise bien. Ce n’est pas la magie que je maîtrise bien, mais le mensonge que je sers à tous ceux qui me posent des questions liées à cette magie. Il n’y avait aucun doute que ce moment arriverait et je m’y suis préparé. « J’ai réussi à ne pas être conscient du potentiel que j’avais avant très tard, et je ne suis pas le seul à l’avoir loupé. Maintenant qu’on arrive à le percevoir et que j’ai trouvé le moyen d’invoquer l’énergie que je pourrais utiliser on a essayé de me pousser vers l’étude noire… » Tu me préviens les dents serrées que je ne dois pas dire ce que je m’apprête à dire, mais après tant de secret j’ai décidé d’être honnête. Ou plutôt, de dévoiler les faiblesses de la réalité de mon mensonge pour sembler honnête. « …mais je ne sais pas encore ce que je veux faire de ce potentiel, et je n’ai pas envie de me précipiter pour faire un mauvais choix. » Je lui souris en tournant la tête vers elle. « J’aurais sûrement pu être un de vos élèves si vous n’aviez pas les meilleurs éléments, mais vous ne m’auriez peut-être pas détesté. »

Je suis presque surpris lorsqu’elle s’inquiète de mon identité, beaucoup plus tard par rapport à ce que j’avais prévu. Au lieu d’accepter ses excuses je prends tout le blâme alors que depuis le début je connais le nom de Shyn’tae. « Non, c’est moi, j’ai continué la discussion sans combler l’avantage que j’avais sur vous. » Sans me lever, je me penche en avant, démontrant une certaine agilité et hochant de la tête. « Imdri. » Je reste pensif un instant avant d’ajouter quelques mots avec mon sourire le plus charmant possible. « J’ai toujours trouvé ça joli, pas vous ? »

"J'ai toujours trouvé ca joli, pas vous?" La demoiselle cessa de frictionner sa peau d'ébène pour l'observer de son regard curieux. Joli? C'était une drôle de question, elle se sentit un instant désarçonnée.

"Imdri…" Dit-elle, en faisant rouler le nom sur sa langue comme pour en gouter la sonorité, debout sur le rocher moussu. Il fallait bien reconnaître que qui que soit son congénère, il était amusant. Elle le répéta une fois de plus, sa voix plus douce, traînante... Joueuse. Elle avait accompagné l'énoncé d'un mouvement de bras montant, puis descendant.

- Cela m'évoque.. Une énigme. Doux et dur, lent et vif. Multiple, changeant… et court à la fois."Elle avait rattaché la fine ceinture à sa taille dénudée, et replacé la lame fidèle à son fourreau. Elle saisit ses affaires, et bondit avec légèreté de pierres en pierres pour le rejoindre, un grand sourire au bec. Elle s'amusait. Comment le prendre au sérieux ? Peut-être pouvait elle simplement oublier un peu ses soucis. On était si peu de chose. Personne ni rien n'était irremplaçable. Et si c'était un piège ? si c'est un piège, n'as tu pas envie d'en savoir plus ? Tu n'en rencontreras pas deux des comme ça. "Hmm… " La daedhelle inclina la tête pour l'observer de plus prêt.

Puis, vive comme un chat à moins que ce ne soit une anguille, elle vola un baiser sur ses douces lèvres " Ca c'était pour ce joli nom." Sa chevelure dansait contre le haut de son dos, son regard pétillant et son sourire en coin indiquaient sans ambiguïté possible son humeur.
- Tu ne veux pas te précipiter? Tu as peur de faire un mauvais choix? C'est exactement comme ca qu'on manque les meilleures choses." Son sourire devint carnassier. "Regarde."
Et là-dessus, sans crier gare, elle lâcha ses affaires sur le sable, saisit d'un bras doux le malheureux drow et s'appuyant sur lui, sur la pointe des pieds, l'entraina dans un baiser fougueux.

S’il y a une chose à avouer, c’est qu’en aucun cas je ne m’attendais à ce qu’une telle question provoque tout ce qu’elle allait provoquer.

Tu commences par t’amuser de cette grande importance qu’elle accorde à ce qui ne devrait être qu’un nom. Je ne peux te suivre alors que je réalise que quelques minutes plus tôt je n’étais qu’un admirateur parmi d’autres – s’il y en avait d’autres – et elle est maintenant là à répéter mon nom. La conscience que l’objet de votre attention dissimulée a pris conscience de votre existence est une sensation étrange qui ne laisse vraiment pas indifférent et cette façon de s’approprier un nom emplit d’une fierté assez inexplicable. Je n’ai pas perdu mon sourire et il s’agrandit même quand elle commence à décrire ce que ce nom lui évoque. Ça ne fait à mon avis aucun sens mais je l’écoute tout de même avec grand intérêt, acceptant toutes ces oppositions qu’elle trouve. Il n’y a aucun doute qu’elle s’amuse et je préfère ça à tous ces scénarios que j’avais imaginé avant de me révéler à elle.

Je me redresse quand elle commence à s’approcher de moi et je ne la quitte pas des yeux alors qu’elle passe de pierre en pierre, la détaillant toujours sans éprouver la moindre gène.

Si elle s’amuse toujours, c’est la curiosité qui semble la diriger alors qu’elle vient m’observer d’une façon assez étrange pour être souligné. Je la laisse faire sans bouger et en restant assez rigide, habité par la légère impression d’être une bête curieuse. Ce n’est en rien dérangeant, je suis là pour être remarqué et tout se passe pour le mieux. Jusqu’au baiser, un baiser qui me fige un instant. L’explication me convient, mais je suis bien conscient qu’en réalité n’importe laquelle m’aurait convenu, et je loue simplement ma bonne étoile, celle qui m’a fait choisir ces mots. Par contre, ce n’est pas vraiment le genre de comportement qui va me rendre moins intrigué. Heureusement, cette envie de découvrir ce qui se cache sous le mystère semble mutuelle. Je reste particulièrement figé par contre, toujours pas remis. Tu me charries un peu, me faisant souligner que quelques instants plus tôt je lui avais précisé que les Daedhels étaient plus ouverts à ce genre de chose, pour me perdre au premier baiser.

Puis comme l’ancienne enseignante qu’elle était elle commence à me faire la… non, pas comme l’ancienne enseignante, ou on ne m’a pas parlé de ça, alors qu’elle vient de laisser tomber tout ce qu’elle tenait dans les bras un instant plus tôt et se rapproche dangereusement. Je devine l’intention l’instant après qu’elle m’ait saisi et la réceptionne de manière un peu plus contrôlée alors qu’elle s’appuie sur moi. Mon corps tout entier semble avoir plus de souvenirs que mon esprit et je sais instinctivement quoi faire alors qu’une de mes mains se pose sur sa taille et que l’autre se retrouve plaquée contre son épaule la plus valide. Ma bouche lui répond à peu près aussi bien que la sienne alors que je peux goûter à ses lèvres. Tout paraît beaucoup trop simple et j’ai une sensation étrange qui commence à m’habiter, comme si cela décrédibilisait le seul objectif dont j’avais conscience dans ma vie aux trop nombreux trous de mémoire, celui de la trouver elle.

Une fois que le baiser s’interrompt et que nos lèvres se décollent je ris légèrement avant de plonger mon regard violacé dans le sien tout en simulant une moue déconfite. « Si j’avais peur de faire un mauvais choix vous concernant je ne serais pas ici. Et puis… c’est censé être moi l’admirateur secret, pas vous. » C’est idiot, mais il est des circonstances où seule l’idiotie répond à l’appel fait à la raison.

Les lèvres se touchent, se caressent, la daedhelle ferme les yeux, ses oreilles s'abaissent et, sur la pointe des pieds, elle l'embrasse.

Shyn'tae aime les baisers, elle aime comment ils font battre son cœur plus fort, comment ils la font frémir, comment elle se sent vivre. Elle aurait cru le mâle hesitant, et est surprise de le sentir l'enlacer, une main sur la taille, l'autre sur l'épaule. Ils goutent leurs lèvres, le baiser dure, puis finalement elle recule légèrement, si proche de lui qu'il peut sentir son souffle plus vif, essoufflé.

C'était un doux baiser. Cela faisait combien de temps qu'on ne lui en avait pas offert? De la douceur, de la tendresse même. Un sentiment étranger qui la prend au dépourvu. Elle découvre seulement maintenant à quel point cela l'avait frustré. Une de plus, pas la dernière souffla la petite voix au fond de sa conscience.

Il rit doucement, s'en amuse, et malgré elle, la daedhelle se sent rougir. Ce devait être elle qui aurait du le gêner, et non pas le contraire.

- Alors il ne faut pas que tu l'ais pour les autres de tes projets… Le plus mauvais choix, c'est de n'oser en faire. Enfin… C'est ce que je crois." C'est peut-être plus compliqué que cela, pense-t-elle... Mais en tout cas c'est la seule manière qu'elle avait trouvé de de satisfaire le besoin, l'ambition bouillonnante de toujours vouloir faire mieux qui l'habitait… La seule manière de continuer à brûler plutôt que risquer de s'éteindre en arrêtant. L'hésitation la rongeait tant de l'intérieur.

Dans les bras d'Imdri, elle repense à la situation incongrue. Elle a un admirateur. C'est incompréhensible, inconcevable. Un admirateur qui sait fort bien embrasser, ajoute-t-elle pour elle-même. Le mâle doit faire erreur. Il va être déçu. Se détournera-t-il, sa curiosité satisfaite lorsqu'il découvrira la vérité? ou la regardera-t-il avec mépris? Cela n'aurait guère d'importance, c'est un drow charmant, mais elle y survivrait sans peine. Son admiration est-elle déjà un mensonge? L'idée du piège lui revient. Cette idée nourrit son excitation. Ce serait bien que ce soit un défi, et pas seulement une erreur.

Elle frissonne à nouveau. Tout autour d'eux, les insectes chantent leur chanson nocturne. Elle a envie d'oublier les idées qui reviennent dés qu'elle leur en donne l'opportunité. Elle veut profiter du moment. Elle n'est pas certaine d'en être capable. "J'embrasse si ca me fait plaisir. Pas besoin d'être ton admiratrice pour ca…." Il y eut une pause, et son sourire félin revint orner son charmant visage. " Je suis contente de l'experience. Y-a-t-il d'autres choses que tu fais bien et que tu m'aurais caché?" Elle est joueuse, mais sa voix sonne-t-elle faux à ses propres oreilles?

Je remarque aisément que quelque chose la perturbe, la gêne, mais je n’en fais rien et continue dans la discussion comme si je n’avais rien remarqué. « Peut-être ne suis-je resté immobile que parce que ce n’était pas vraiment mon projet ? Peut-être que je veux autre chose que d’être doué à je ne sais quelle école de magie. » Ce n’est pas totalement un mensonge, et puis, je ne sais même pas ce qui m’a amené à développer cette magie que je feins ne pas connaître. Ça a été un de mes projets, à une époque, dans un monde que j’ai perdu, un monde dont tu me donnes des aperçus de temps en temps pour m’aider, mais ce ne pouvait être un projet dans celui-ci. Et tu me laisses m’empêtrer dans mes pensées cette fois, tu ne m’offres rien pour que je puisse m’enfuir et remettre ça à un autre jour, tu me laisses perdu face à ces concepts de projet et d’objectif.

Je ne sais pas d’où Shyn’tae était partie mais j’ai vu une ascension naturelle, mue par ce qu’elle appelait des opportunités. Je ne sais pas non plus d’où je suis parti, mais je ne vois qu’une vie à trous. L’univers menaçant de m’engloutir dans l’oubli si je ne remuais pas assez vite. Il ne reste que toi pour te souvenir de moi, vraiment, les autres ne me voient presque plus. Isten ne m’avait vraiment pas gâté et il n’y avait en moi presque aucune ambition pour me pousser vers autre chose. Tu me soulignes que ce n’est peut-être pas à Isten de faire tout le travail et je reste pensif un instant. Un instant, parce que malgré toutes ces pensées, je tiens quand même l’objet de ma curiosité sur plusieurs années dans mes bras…

En tout cas elle change de sujet, et si j’ai un doute au début son sourire me rassure assez rapidement. Me rassurer de quoi ? Je ne peux répondre à cette question que mes joues commencent à rosir à sa question à elle. Seulement elle n’a aucun moyen de le savoir, car si cet artifice qui parvient à brunir ma peau ne risque rien, il couvre aussi les changements de couleur naturels. A sa question j’aurais pu trouver plusieurs réponses et certaines étaient plus osées que d’autres, alors qu’Isten n’avait pas tout raté chez moi. Mais si mon sourire est entendu et que j’essaie de lui montrer que j’aurais bien quelques réponses plus classiques, je feins – volontairement très mal – ne pas avoir compris l’éventuel sous-entendu. « J’aurais bien quelque chose. Je ne l’ai pas vraiment caché mais je ne l’ai pas non plus montré. »

Et là, dans une espèce de frénésie interne dont elle ne devrait pas pouvoir se rendre compte j’entre dans une discussion à bâtons rompus avec toi. Quelque chose qui ne fait aucun sens, quelque chose qui ne risque pas de faire apparaître quelque forme lumineuse, quelque chose d’idiot, mais quelque chose de puissant. Et même si elle n’est pas utilisée, la magie qui emplit désormais l’air autour de moi devrait facilement être détectée par la mage avec laquelle je n’avais pas rompu le contact physique. Et quand je te dirais simplement non il n’y aurait plus rien, et peut-être que je cesserais cette dernière mascarade.

Son corps nu est lové contre le sien. Elle n'est pas si mal comme ca. Plutôt bien même. Sa main est contre son dos, les siennes la retiennent toujours contre lui. C'est une experience, elle se laisse aller, oublie la fureur. Ainsi Il n'était pas allé à l'étude noire pour y apprendre la magie. Les maitres ont du être bien désappointés. C'était elle qu'il voulait. C'est ce qu'il dit depuis le début de leur conversation, réalise-t-elle, mais c'est seulement maintenant que l'idée parvient à faire son nid au milieu du chaos de l'inspiration.

Pourquoi? Cela reste trop inconcevable. Une partie d'elle voit cela comme une trahison. Mais ce n'est pas lui qui a trahit, c'est elle qui n'a pas su écouter. A moins que ce ne soit elle qui se fasse des idées. Pourtant les faits concordes. C'est la meilleure hypothèse.

Ils pourraient danser ainsi l'un contre l'autre. Elle l'écoute maintenant, intéressée, son sourire malicieux remplacé par de grands yeux ouverts sur ce mâle si étrange. Si étrange par sa réponse d'abord, laquelle interpelle la daedhelle non pas par ce qu'elle contient, mais plutôt par ce qu'elle ne contient pas. Evidemment, il a vu l'allusion. La sombre n'avait pas fait preuve d'une grande subtilité. Mais il préfère partir dans une autre direction. De quoi parle-t-il donc? Quel est ce quelque chose? La curiosité est la graine qui a fait grandir l'ambition de Shyn'tae. Imdri pique son intérêt.

Et, graduellement, elle sent les motifs autour de lui changer. Il accumule de la puissance arcanique. L'oeil exercé de l'ex professeure admire la beauté du processus. Elle le trouve maladroit, elle remarque l'irrégularité, les tressaillements, les variations dans cette magie brute qui attend d'être façonnée, cette matière première libre et enivrante.

Comment a-t-il pu partir? D'un recoin de sa conscience qu'elle referme aussitôt surgit soudain un bref instant de panique. Elle ne veut… ne peut pas penser à cela. Alors elle se concentre sur Imdri. La Maitrise est absente de ce qu'il lui montre, mais le torrent qu'il produit est puissant. Presque trop pour un apprenti.

Elle recule d'un pas, se libère de son étreinte. l'observe d'un regard neuf. Le mystère s'épaissit. Ce serait un crime fait à Valas que de laisser un tel potentiel en friche. La phrase rencontre un écho étrange dans son esprit.

Comment a-t-il pu partir?

- Tu… Ils… " Son cœur bat plus fort. Colère. Comme dotée d'une volonté propre, mais sa magie fait echo à la sienne. Elle est plus puissante bien sûr, mais surtout plus stable. Flamme vive et droite, là où celle d'Imdri ondule et fluctue. Comment a-t-il pu ne pas choisir. Panique: Un sentiment inconnu. Une flèche de feu traverse son crâne, elle vacille.

Il voit les emotions se succéder dans ses yeux. Elle fait un pas en arrière. Le pied nu entre dans l'eau. Elle ne peut pas. La Phord'ur se retourne soudain et s'enfuit, laissant tout à l'abandon.

A son premier mouvement de recul tu regrettes d’avoir participé, tu penses que j’en ai trop montré, tu penses qu’elle a pu percer à travers mon mensonge, et j’essaie de te rassurer comme je le peux. Au début je penses que tu t’en fais pour rien, j’ai confiance en ce que j’ai montré et tant que rien n’apparaît je reste simplement un apprenti particulièrement doué, qui n’a toujours pas lancé un seul véritable sort, qui s’amuse simplement de cette sensation grisante, comme d’une drogue. Mais quand sa magie commence à s’exprimer et se mêler à la mienne, tu me hurles un avertissement, un avertissement non nécessaire, j’ai vu ce dont elle est capable, une fois, dans cette finale, et si je peux éviter d’être à la réception de ce coup de tonnerre, ma vie n’en sera que plus longue. Mais si l’avertissement est non nécessaire, je partage maintenant toute ta crainte. Ce n’est pas tant sa magie particulièrement stable qui nous effraie tous les deux que ces émotions instables qu’elle montre.

Je ne sais quoi faire et reste immobile face à elle. Quand elle fait un pas supplémentaire en arrière je murmure un mot à ton attention, un mot qui n’est pas resté sur notre plan interne, mais que tu entends très bien quand même. « Non… » Toute ma magie s’évanouit alors mais l’eldéenne n’y est de toute façon plus très réceptive et elle s’est déjà retournée pour s’enfuir, laissant tous ses effets ici, là où elle les a lâché. Je reste figé là, toujours, et pense que j’aurais peut-être dû aller avec sa proposition à peine voilée au lieu de lui proposer quelque chose qui en fin de compte n’avait soulevé que des choses négatives. Mais je ne pouvais pas savoir, et au lieu de continuer de la craindre je m’élance à sa poursuite, contre tes conseils.

Seulement, je n’ai strictement aucune idée de comment l’arrêter, et si j’essaie bien de l’appeler par son nom une ou deux fois quand je suis au plus proche j’abandonne bien vite la poursuite pour revenir sur mes pas, près de la pile de vêtements qu’elle viendrait éventuellement chercher. Mais au lieu de rester sur la berge j’imite ses bonds de pierre en pierre pour me rendre sur celle entièrement recouverte de cette eau avec laquelle elle avait dansé de longues minutes plus tôt. Je m’assieds là, face à l’Oliya, me faisant patience, profitant d’un instant qui disparaîtrait sûrement de mes souvenirs à la première occasion, un instant plein de doutes, plein de questionnements, dans le havre de paix de la fuyarde, un havre de paix qu’elle avait très bien choisi, si je peux me permettre ce commentaire alors que je l’ai envahi de ma présence.

Le drow était amical, souriant.
- Elle a un excellent potentiel, et des predispositions pour une branche magique rare. L'Eda…"
- Non!" L'Eldéenne l'avait interrompu, son regard brillant de colère, sa voix pleine de mépris. "Ne parlez pas de l'Eda vengeur. Retournez vous cacher comme des lâches dans vos laboratoires. Sa voie est toute tracée."
- Ce serait gach..."
- Finissez ce mot et vous en répondrez devant Uriz."

Il avait levé la main en signe de renoncement, jeté un regard sur la petite fille qui se faisait discrète au fond de la pièce, et les avait quitté sans une parole de plus. La petite fille se faisait discrète. Sa mère, magnifique, fière et rayonnante de colère, se tourna vers elle malgré tout. Elle sentait le poids du dégoût dans son regard. Elle l'avait encore déçue. Elle allait en payer le prix. Et elle savait qu'il reviendrait.

Elle est assise sur le sol en terre, tremblante, le souffle court. Prostrée, elle tient ses jambes repliées contre elle d'un bras, l'autre frémit contre son flanc. Son front, posé sur ses genoux, luit de sueur. L'écorce rugueuse d'un arbre lui écorche le dos. Un feu brulant comme le soleil paralyse ses pensées…

Elle parvient à se calmer peu à peu… La douleur, la panique refluent, peu à peu, remplacées par le doute, l'incomprehension. Elle reprend son souffle. Que vient-elle de faire exactement? Pourquoi? N'y pense pas. L'idée s'impose d'elle même. La daedhelle le fait quand même, par inadvertance. Le dragon se reveille. Douleur insupportable.

Combien de temps s'est-il écoulé? La jeune drow relève la tête, le regard perdu. Elle se sent mieux. Elle n'a plus la nausée. La réalisation de ce qu'elle vient de faire la frappe comme le poing d'un guerrier. Elle a fuit. Mais qu'a-t-elle fui au juste? N'y pense pas. Elle se relève, titubante, pupilles dilatées, et découvre les alentours. Elle est seule, un petit bosquet lui sert l'abris. L'eau qui coule chante doucement à ses oreilles un peu plus loin.

Elle est nue, et la fraiche brise nocturne la force à se recroqueviller. Elle devrait aller chercher ses affaires. Il est peut-être toujours là. Il t'a vu. Elle pourrait rentrer au camps. Certains se poseraient des questions de la voir l'arpenter nue comme un nouveau né, mais cela ne ferait qu'ajouter peu de choses à sa réputation en définitive. Rien de ce qu'elle a laissé là bas n'est irremplaçable. C'est l'option la plus raisonnable. Sa decision prise, elle s'avance vers ce qu'elle pense être la direction du camps.

Donc tu fuis à nouveau. Ca devient une habitude? Elle s'arrête à nouveau, et serre les dents, hésite. Mais s'il posait des questions? Elle n'a pas à répondre. Et s'il la pense folle? Aucune importance, il n'est pas grand chose, et peut-être a-t-il raison… Elle n'y pense pas. Shyn'tae est habituée aux rumeurs.

Elle fait demi tour, et retrace ses pas pour déboucher finalement entre les arbres. Imdri est toujours là, il l'a attendu. Elle hausse une oreille, étonnée, mais lui jette un regard fier qui lui parait un peu faux, et en silence, entreprend de ramasser ses affaires.

Mes oreilles se meuvent en entendant quelques sons dans mon dos. Je me lève et me retourne. Elle est revenue. Et pour pas qu’elle ne disparaisse à nouveau – et si elle ne revenait pas ici j’aurais du mal à trouver ce genre de moment – je lui lance un unique mot. « Attends ! » Je m’élance sur les pierres pour la rejoindre sur la berge. Elle a fini de ramasser ses affaires mais je me poste devant elle. « Je ne sais pas ce que c’était mais je m’en fiche. » C’est un mensonge mais je souris. « Et si c’est quelque chose que j’ai fait je ferais attention. » Cette fois ce n’est pas un mensonge. Il n’y a pas grand chose pour me ôter cette curiosité mais je ne veux pas la brusquer et si quelque chose doit venir il faudra que ça vienne d’elle, c’est la limite que je me fixe. Pour l’instant.

Je ne me départis pas de mon sourire et essaie d’innocemment faire retomber la tension. « Je ne peux pas rester sur un échec si cuisant. La première personne à qui je dévoile être un admirateur ne peut pas s’enfuir aussi rapidement. » Je porte une main sur son épaule nue, à peu près là où elle était placée avant qu’elle ne décampe. « On peut essayer de reprendre avant… ça ? » Tu ris à ma demande, pour quelqu’un qui s’en fiche je mets peut-être trop d’emphase sur le mot. Je ne dévie pas de mon idée. « Il faudra peut-être reprendre quinze ou vingt mots en arrière… » Je compte dans ma tête… Mes deux appels, mon non, ses tu et ils, ma réponse vaseuse… Le compte était presque bon… Et avant… Je souris. « Tu me demandais quoi déjà ? » Un nouveau mensonge, je me rappelle très bien de l’allusion.

Je reste perplexe à mes propres mots alors qu’un passage dans ma tête s’impose. A quel moment me suis-je mis à mentir autant ? Je te soupçonne directement mais il ne me semble pas que tes interventions soient tombées à ces moments là, et puis, j’aurais résisté normalement. Il y a bien ces trous de mémoire qui me forcent à les combler, comme au sujet de ma magie, mais il y a autre chose. N’est-ce-pas comme si je cherchais à lui plaire par moments ? Ou au moins à rendre ma présence plus agréable qu’elle ne le serait avec mon honnêteté curieuse ? Je ne reste pas bien longtemps dans ma tête et en ressors sans aucune de tes interventions, sans conclusions, juste plus de questions.

Il y a une autre question. Je l’ai tutoyée, non ?

Ne pas penser à ce qui vient d'arriver. La daedhelle ramasse sa jupe de soie sans regarder dans la direction du mâle. Lorsqu'elle entend sa voix, ses oreilles se dressent et elle lève le regard vers lui, brièvement. Son visage est pincé, il remarque sa gêne, peut-être même de la honte et de l'incomprehension, comme si l'évènement l'avait mise à nu bien plus que sa baignade nocturne. Elle se sent vulnérable, et préfèrerait être seule à cet instant. Elle a besoin de temps. Pourquoi? Pour réfléchir?  Cela n'était pas censé se passer ainsi. Rien que d'y penser, elle sent la tension au creux de son ventre, comme une bête prête à bondir. Il faut qu'elle trouve un moyen de régler ca.

La drow a fini de nouer la jupe à son coté, plus rapide qu'on n'aurait cru au premier abord. Peut-être sa main a-t-elle été rendue experte par la pratique. Imdri bondit de roches en roches, jusqu'à la berge. Elle ramasse le reste de ses affaires, et s'apprête à se retourner lorsque le drow s'interpose pour lui parler précipitamment.

Sa main se pose sur le torse du drow qu'elle a l'intention de pousser de coté, mais ses mots l'arrêtent, et elle reste immobile, fronçant les sourcils.

- Je.. je ne demande pas qu'on fasse attention à moi. Je ne suis pas si faible… Mais" Elle le regarde dans les yeux, un petit sourire en coin pour appuyer son propos, mais cette phrase a le goût du mensonge dans sa bouche. Puis Imdri continue, reparle de l'admiration qu'il a pour elle. Elle se demande à nouveau s'il est sincère, puis suggère d'oublier ce qui vient de se passer et de reprendre la où ils avaient laissé leurs échanges. Que lui demandait-elle déjà? Son expression devient interrogative, le temps qu'elle comprenne de quoi il parle.

La main de Shyn'tae retombe alors que celle d'Imdri s'est posée sur son épaule toujours nue. La drow frissonne…  C'est une excellente idée, honore Isten et ne pense plus. Il la voit interloquée, devenir pensive, un sourire plein de malice se dessiner sur son visage. Puis elle éclate de rire.
- Si tu avais des talents cachés." Intérieurement, une bataille fait rage, sans vainqueur pour l'instant.  "Mais tu mens, tu  t'en souvenais très bien... " Ce n'est pas vraiment une question, car la petite daedhelle s'est approchée, le regard félin, la tête levée vers lui.

Elle se hisse sur la pointe des pieds. Ce serait une bonne idée oui. Ses lèvres viennent chercher les siennes, les frôlent, reculent à peine à quelques centimètres. "Oublie-ce qu'il s'est passé tout à l'heure." A qui cette phrase était-elle donc réellement destinée. Oui. Sans savoir pourquoi elle sent qu'il serait facile d'oublier. Aussi simple que tentant. Irrésistible même. "Fais-moi oublier."

Elle pousse contre lui et unit ses lévres aux siennes, sauvage comme si elle voulait y déverser toute la frustration qu'elle avait accumulé.

Est-ce vraiment la première fois?

Elle me rétorque que je m’en fais pour rien, qu’elle n’est pas faible, mais ce mais se dresse en travers de la conviction qu’elle ajoute dans sa voix. Je reste attentif, un peu sur mes gardes alors que tu me répètes que j’ai pris un risque plus tôt. Mais je crois pouvoir identifier une nouvelle crise de ce genre, et j’ai confiance, dès le moment où sa main érigée en rempart s’abaisse. Et comme pour me confirmer que l’intégralité de la barrière est tombée, elle rit, le visage soudain souriant à nouveau. Il n’y a pas que son parcours qui est attirant… ça… aussi… C’est avec une bonne humeur retrouvée qu’elle décide que je lui mens, et mon sourire ne disparaît pas alors que je lui réponds doucement. « S’ils sont cachés où est l’intérêt de les dévoiler tout de suite ? Et puis, je veux bien savoir ce que tu trouveras. » Et si autre chose fait son apparition, si elle m’apprend des choses sur moi ? C’est idiot, tu me fais remarquer, mais pourquoi pas ?

Et après s’être rapprochée dangereusement proche elle se reprend un instant et susurre des mots que je veux bien entendre. C’est l’oubli qu’elle me propose, en accord avec ma proposition quelques mots plus tôt. Et s’il y a quelque chose en quoi je suis doué, c’est lorsqu’il est question d’oubli. Il ne me faut pas plus que ces trois derniers mots pour prendre mon rôle très à cœur et accepter son baiser. Il y a de longues minutes je n’étais qu’un admirateur, mais maintenant une mission s’offre à moi, une mission pour elle, une mission des plus agréables, si elle venait à réellement trouver ces talents cachés. Si je peux réfléchir autant à cette situation après avoir accepté le baiser c’est parce que c’est un autre mensonge, que le baiser n’arrive que maintenant, et que je n’ai pas réellement l’option de le refuser, pas après tout ce qui a été dit, pas après être revenu, pas après son ordre.

Je ne peux pas le refuser, mais je prends soin de ne pas le subir. La main sur son épaule glisse si légèrement dans son dos et autour de son cou alors que je raffermis ma prise, l’autre revient sur sa taille et va plus loin que la dernière fois. Ce n’est pas tous les jours que je me retrouve aux prises avec une eldéenne si différente des normes, mais pour être honnête, ce n’est pas tous les jours que je me retrouve aux prises avec n’importe quelle eldéenne, alors que mon expérience semble s’être forgée sur les nombreux trous de mémoire. Je me penche sur elle alors que son dos se cambre et que ses pieds n’ont plus besoin de se tenir sur leurs pointes pour m’atteindre, l’embrassant aussi fougueusement et sauvagement qu’elle l’avait fait, prenant les commandes quand elle me les laisse. Mais bientôt je détache mes lèvres des siennes pour oser quelques mots alors que mon cœur s’emballe. « Tu as déjà découvert ce talent là, non ? » Mais en opposition avec cette proposition pas du tout voilée, je me penche une nouvelle fois sur sa bouche.

Un baiser, puis un autre. Lui s'est penché sur elle, elle s'est cambrée pour faire prolonger le contact de leurs lèvres, les frissons qui la parcourent à chaque nouvelle bise. Elles s'enchainent, tantôt fugaces, tantôt profondes…

La daedhelle soupire, ferme les yeux, leurs bouches jointes à nouveau, et sa langue va chercher la sienne avec plus d'entrain, de fougue. Son cœur bat fort aussi, et chaque nouveau baiser vient nourrir le feu qu'elle apprécie tant ressentir en elle. Un feu synonyme d'instant présent, de plaisir et de liberté.

Le mâle est tendre… Depuis combien de temps ne l'avait-on pas traité ainsi? Au moins depuis qu'elle était entrée au C'nros. Elle avait oublié à quel point cela lui manquait. Les doigts fins de la demoiselle effleurent son torse, descendent sur sa taille, puis ses hanches.

Elle rouvre des yeux embrumés par le désir, et le regarde un long instant, en silence.
- C'est… un défi? Découvrir tes talents cachés?" Sa voix est douce, apaisée, joueuse même. Elle incline la tête en suivant des yeux la danse de ses doigts sur l'étoffe qui dissimule son corps à ses yeux. "Il faut que je cherche alors… ou j'ai droit à des indices?" d'un coup, sa mâchoire vient saisir la lèvre du mâle qu'elle mordille délicatement. D'autres baisers suivent, et il sent sa main dextre chercher les attaches de ses vêtements, à la recherche d'un moyen de rétablir l'égalité entre eux.

Autour des deux noirelfes, le vent léger fait bruisser la végétation et le clapotement de l'eau sur le rivage lui répond. Ici, on pourrait se croire seul au monde, loin du tumulte, de la jalousie et des conflits. A cet instant, il n'y a pas de meilleur endroit.

- Je vais avoir besoin de ton aide…." Et, d'une main, elle soulève l'étoffe, ses doigts d'ébène découvrent sa peau douce, l'explorent… Elle sourit, contente, et se rapproche de lui imperceptiblement, cambrée, son buste offert candidement à ses regards.

Ses questions génèrent du doute, peut-être que je me trompe ? Peut-être que je n’ai aucun de ces talents ? Je ne sais pas à quoi je fais confiance quand je pense que c’est le cas, mais ça rend aussi tout plus excitant. Je suis curieux de ce qu’elle trouvera, peut-être autant qu’elle, peut-être pas. J’entame une réponse d’une voix chaude. « Pas d’indices… » Je n’ai pas le temps d’aller plus loin, je n’ai pas le temps de lui dire sans lui mentir que je ne suis pas sûr de ce qu’elle va trouver, à la place elle enferme mes lèvres contre les siennes, n’hésitant pas à user de ses dents pour raffermir sa prise. Avant de complètement me laisser happer par le moment j’ai quelques pensées qui peuvent se glisser dans mon esprit. Cet inconnu, c’est la beauté du moment, que la seule personne qui existe dans ce monde de l’oubli soit celle qui aille à la recherche de ce que j’ai oublié…

Je n’ai rien d’autre à lui répondre que de l’obéissance quand elle demande mon aide, non sans profiter de cette main qui se glisse sous le vêtement, contre ma peau, une main qui retarde finalement de quelques poignées de seconde cette aide que je lui apporte finalement. De l’autre côté de sa main la mienne aide à soulever et totalement retirer cet obstacle qui la dérange alors que mes cheveux noués retombent le long de mon torse. Je ne perds pas de temps et plaque vivement mon corps contre le sien pour qu’autre chose que mes yeux profite du moment. Si mon côté de la gemme accrochée à mon nombril est chaud, elle découvre sûrement sa froideur à cet instant là. Je lie à nouveau mes lèvres aux siennes et nos langues glissent l’une contre l’autre, s’agitant comme dans une danse rituelle. Elles s’écartent puis se rencontre à nouveau avant que la mienne ne se retire tout à fait quand mes lèvres se décollent finalement des siennes et libèrent sa bouche.

Pendant cette union une main s’affaire à défaire ce nœud qui n’aura pas duré longtemps au côté de la jupe de Shyn’tae, cherchant à récupérer une avance sur l’eldéenne. Elle y parvient bien plus prestement que ne m’y attendais et c’est un regard avide, un regard empli de désir qui détaille ce qu’il peut détailler avec une grande attention. La main désormais sans activité remonte le long du flanc de la belle pour se positionner dans son dos et quand le bras s’active le peu de distance entre mon corps et le sien se referme. Elle ressent sans doute une nouvelle piqure froide et sa poitrine s’écrase une nouvelle fois contre moi alors que nos lèvres s’unissent.

Oui… elle apprécie la confiance qu'il dégage, mais surtout la douceur qui est la sienne. Il ne cherche pas à imposer son rythme, au contraire il la guide imperceptiblement. Est-elle une chatte sauvage qu'il aurait peur de faire fuir s'il commettait quelque imprudence? Et en effet, elle hésite, toujours méfiante, mais pourtant attirée par cette tendresse inhabituelle. L'eau lèche délicatement sa cheville nue, la drow frissonne en retour.

Alors sa poitrine appuie bientôt contre son torse, sa chaleur la rassure. elle picore ses lèvres, sa jupe retombe à ses pieds, sur la berge, à demi dans l'eau. Shyn'tae n'y prête aucune attention, c'est sans atours qu'elle veut être à cet instant. Elle a vu dans son regard qu'il aime ce qu'il voit autant qu'elle apprécie ce qui s'est dévoilé au sien.

Son sourire fin et joueur s'épanouit, elle le regarde dans les yeux un long instant, puis ses lèvres finissent par abandonner celles d'Imdri. Elles glissent alors contre sa mâchoire en la picorant de baisers.

- je peux me passer d'indices…" murmure-t-elle, en un souffle à peine audible.

Son corps se love contre le sien, sa peau cherche la chaleur de son contact. Le bijou au nombril du mâle glisse contre sa peau, sa froideur, sa dureté contraste avec la chaleur et la douceur de soie de sa peau. Elle est maintenant blottie dans ses bras, elle ferme les yeux. Est-elle en securité? A quel point peut-elle risquer de s'abandonner à la tendresse de l'instant? Son cœur se serre, la Phord'ur en a tant envie. Elle a envie d'être une daedhelle comme une autre, même pas une Eldéenne. Juste vivre le présent et tout oublier, là sur les rives de l'Oliya.

Elle l'enlace et ne bouge plus pendant un long instant, il la sent hésitante… Puis ses baisers reprennent, sur sa mâchoire, lentement, puis au creux de son cou… Sa main s'attarde sur sa taille, l'effleure, goûte les détails de cette peau soyeuse. Elle ne le quitte pas des yeux alors qu'elle descend lentement, si lentement pour déposer ces lents baisers sur son torse et ce sans jamais rompre le contact qu'il a créé entre eux.

Sa langue joue malicieusement avec les petites pointes qui l'ornent, une après l'autre, tendre et joueuse, un sourire mutin aux lèvres, le regard pétillant sur le sien.

La magicienne n'est plus habituée.

Je sais comment les nôtres sont, je sais comment je devrais être, mais à cet instant là je loue cette mémoire défaillante, je loue ces souvenirs qui ont décidé de s’absenter, car ils me permettent sûrement d’être qui je suis, et d’offrir une douceur qui m’est aussi inconnue qu’elle semble l’être pour Shyn’tae. Et pour ça je n’ai pas besoin de guide autre que celle que je tiens dans mes bras, je n’ai pas besoin de toi, j’écoute simplement, je regarde simplement… Tu me déclares en disparaissant que j’aurais pu faire autrement pour te chasser. Je ne réagis pas, il n’y a que l’eldéenne qui compte. Plus tard je le ferais sûrement, alors que c’était bien rare que tu me laisses savourer un moment sans y prendre part.

Je frémirais même en réalisant la portée de l’événement. Si je perdais ce moment, tu ne serais pas là pour me le rappeler, pour me le partager à nouveau, j’en étais le seul gardien. Mais dans l’instant tout ça est bien loin, bien insignifiant.

Je reçois les premières attentions non mutuelles de la part de Shyn’tae et je ne peux qu’avouer tout l’effet produit, laissant une main se poser sur son épaule avant qu’elle ne remonte vers le cou. La main caresse la base de cette chevelure d’ivoire parfaite, une chevelure en contraste avec la mienne qui n’a jamais cessé d’être d’ébène, sans que je ne puisse en connaître la raison ni les répercussions. Je la laisse faire aussi longtemps qu’elle le veut, prêt à sacrifier beaucoup pour lui laisser le droit de décider de tout. Ce n’est pas moi qui ait fui, ce n’est pas moi qui ait souffert, alors je peux bien faire ça. Pour qu’elle ne disparaisse pas…

L’autre main descend le long de son flanc et se rapproche vers l’intérieur sans pouvoir aller bien loin, bientôt coincée alors que nos corps sont collés l’un contre l’autre. Elle est prête à profiter du moindre espace, elle est prête à aider à rétablir une égalité d’absence de vêtement, mais elle se montre patiente… Trop patiente ?

Patiente… est-ce le bon mot? En son coeur, elle ne l'est pas, au contraire, elle doit presque se forcer à retenir la passion sauvage qui la prend si souvent, car elle veut prendre le temps de savourer ce tendre moment. Le temps de savourer le désir qui fait s'emballer son coeur, le désir qui brûle dans ses veines. Elle tremble, son corps gracieux se déhanche à la recherche de ces doigts qui la flattent, elle danse contre lui à la recherche de ses caresses, de son contact.

Sa main libre, descend plus bas, cherche sa ceinture, la manipule avec sensualité. Nulle maladresse, au contraire, il la sent peu à peu plus féline et confiante à mesure que la lueur du désir grandit dans le rubis de ses yeux.

Un soupir franchit ses lèvres, la ceinture s'ouvre, sa main se glisse contre la courbe de ses reins, et elle s'emploie à le débarrasser de ce qui le couvre encore. L'amante continue pourtant à descendre contre lui, ses lèvres découvrent le bijou à son nombril. La gemme est belle, son regard s'y arrête, elle y donne un coup de langue joueur.

Son horizon s'arrête au cercle d'arbre et de l'eau scintillante à la lumière d'argent des deux lunes, il s'arrête à son désir et au drow face à elle. Le siège, Sol'dorn, l'état major, son père, ni même au C'nros, elle les oublie volontier. Elle n'est plus Phord'ur ni même magicienne, rien de plus qu'une amante.

C'est délicieux

Ses lèvres la conduisent plus bas encore. Lentement, féline, malicieuse. Chaque baiser est une goutte qui s'ajoute à l'excitation de l'instant, elle joue avec son désir, ses espoirs… Attend-il qu'elle aille plus loin? Leurs efforts font finalement tomber les vêtements qui les séparaient encore.

- Hmm... Mais c'était tes talents à toi que je voulais découvrir!", soupire-t-elle, sa deception clairement surjouée. Ses baisers l'entrainent un peu plus bas, jusqu'à son entrejambe…

Elle y dépose soudainement un coup de langue, sa main sur l'orbe d'une charmante fesse. Shyn'tae se sépare finalement de lui, et se redresse en une danse lascive pour ses seuls yeux.

- C'est toi qui finit le reste… je t'attends... conclut-elle, rieuse. Car, avec ses bottes et son pantalon sur les genoux, il ne reste que peu de travail pour les mettre à égalité. La daedhelle ne le laisse pas tranquille pour autant, et, devant lui, aguicheuse, continue à danser, à ondoyer… Quelques pas légers sur la berge l'emmènent derriere lui, son corps le frôle parfois, puis s'éloigne.

Elle se met tantôt à portée, tantôt joue à lui échapper. La sauvage drow désire pourtant bien se faire attraper.