J'ai trouvé l'eau si belle... [Ssol]

Mon souffle se raccourcit légèrement alors qu’elle me confirme de bien des façons qu’elle n’a pas prévu de disparaître tout de suite. J’essaie de ne pas rater une miette de ses diverses danses qui me font tout l’effet du monde, peinant seulement à la suivre des yeux quand elle passe derrière moi, manquant même au moins une fois de finir comiquement la tête dans le sable alors que j’essaie de lui obéir et d’effectuer ma mission. La tâche qu’elle m’a donné s’accomplit rapidement et je me débarrasse adroitement de tout ce qui semblait la déranger. Il y a plus de pantalon à demi-tombé, plus de bottes, et je sens enfin la berge sous mes pieds nus, alors que l’eau revient pour m’apporter une fraîcheur surprenante.

Là, finalement, je partage vraiment le même espace que Shyn’tae, je ressens la brise comme elle la ressent, mes pieds foulent le même sol, il n’y a plus grand-chose d’autre que la distance entre nous pour nous séparer.

Je la poursuis mais ce ne sont vraiment que quelques accélérations plus ou moins volontaires entre plusieurs pauses où je ne fais que l’observer se mouvoir et danser. Plusieurs fois je réussis tout de même à l’effleurer d’une main alors que je me prends peu à peu au jeu, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien de moi qui ne lui laisse pas entendre que je lui sois tout acquis. Et quand ma patience s’estompe et que je souhaite finalement que la réciproque soit vraie je pars vraiment après elle et me saisis de son poignet pour l’arrêter. Je tire doucement mais avec force pour qu’elle revienne vers moi, laissant l’autre main la réceptionner en recevant un sein dans sa paume. Quand son corps est contre le mien je lâche son poignet et laisse ma main se poser sous ses fesses. Je me penche à nouveau sur elle pour l’embrasser et laisser nos langues communiquer silencieusement.

Ç’aurait pu ressembler à un retour à la case départ mais il n’y avait vraiment plus rien entre nous d’autre que la pierre précieuse ainsi que ma masculinité qui coincée contre elle remonte vers son ventre.

Quand je me libère du baiser je lui souffle quelques mots à l’oreille – des mots qui sont en grande partie irréfléchis et peuvent faire référence à quelque chose que je lui avais dit être comme oublié. « Je n’allais pas te laisser échapper une deuxième fois… » Le ton est joueur mais je me rends compte de l’erreur commise alors que mon regard intense se plonge dans le sien. Intérieurement j’espère que ce ne sera pas assez important pour être retenu, mais extérieurement tout porte à croire que je continue de brûler de désir.

Elle est certaine qu'il la trouve belle, qu'il la trouve séduisante. Son cœur bat plus vite alors qu'elle danse autour de lui, sa longue tresse vole derriere elle. Elle est rapide, légère comme une plume. Elle rit en le voyant se presser, manquer de tomber, lui tire la langue. La daedhelle n'evoque en rien la Pord'ur du c'nros, et la seule chose qui rappelle la championne de Thaar est ce bras gauche si maladroit comparé à la grace surprenante du reste de ses mouvements.

Il se joint à elle dans la danse, elle sourit plus encore, regard pétillant comme une adolescente.
Il frôle un bras, un sein, une fesse.
Elle frôle son dos, ses hanches son ventre en retour.

Elle a envie de lui, elle n'a jamais rencontré d'Eldeen pareil. Il n'a pas besoin d'être fort, il ne cherche rien à démontrer. On rirait certainement d'elle en la voyant, mais quelle importance? Ici ils sont seuls au monde.

Le mâle finit par attraper son bras. Elle s'immobilise, le regarde, son sourire innocent s'emplit de malice. Elle résiste un peu, pour la forme, puis il l'attire à lui, et, d'une pirouette qui fait valser sa chevelure, elle est dans ses bras, la paume du drow sur son sein.

Elle se cambre, si légère, et appuie un peu de son poids sur la  main qui s'est posée sur ses fesses. Une jambe levée, elle caresse du pied l'intérieur de son mollet, pendant que lui descend sur sa bouche. Leurs lèvres s'unissent à nouveau, il l'entend miauler faiblement, sa langue cherche la sienne. Il sent la passion qui se cache derriere la douceur qu'elle lui offre. Elle teste, expérimente. La daedhelle n'est pas habituée au rythme lent et tendre qu'elle se force à adopter, mais apprécie les douces sensations qu'il fait grandir toujours plus à chacune des caresses de sa langue contre la sienne et de leurs corps réunis.

Il parle, la drow pose alors un doigt fin sur ses lèvres, elle ne parvient à détacher son regard du sien, plus intense qu'elle n'aurait cru. C'est hésitante qu'elle murmure alors."Ce serait dommage… de perdre ta sauvageonne juste après l'avoir apprivoisée… Mais rassure-toi… je ne compte pas te laisser partir..."

Elle sent le membre, rigide,  appuyer  doucement contre son ventre au gré de ses attentions. Les mâles sont toujours amusants à cet égard, pense-t-elle malicieusement. La jeune eldéenne ondule doucement contre lui, appréciant les sensations du contact contre son bas ventre et les étincelles de plaisir qu'ils provoquent.

Son imagination fertile évoque milles envies qu'elle voudrait assouvir... Elle s'appuie d'une main sur son épaule, se redresse un peu plus haut sur la pointe de son pied, et, brusquement, s'appuie sur l'épaule et la main sur ses fesses pour se laisser porter. Ses jambes se croisent autour de sa taille pour la serrer.

Enfin à la même hauteur, leurs lèvres se scellent en un nouveau baiser cette fois-ci sauvage. Elle hisse son bassin plus haut encore, l'écarte de lui jusqu'à sentir l'extremité de sa masculinité caresser son intimité… Un miaulement lui échappe, et voilà qu'elle se remet à jouer avec lui. La demoiselle se déhanche, le laisse à peine entrer, se retire, ondoie malicieusement. Ses lèvres écartées par son sommet le caressent cruellement pour l'un comme pour l'autre pour attiser le feu de leurs désirs.

Il sent ce corps soyeux et chaud se serrer  peu à peu plus fort contre lui… Le baiser de la jeune noirelfe devient de plus en plus sauvage, de plus en plus enflammé au gré de ses miaulements, au gré de la merveilleuse torture qu'elle s'inflige elle même. A ses frémissements, à son souffle rapide, à la fébrilité de sa danse , il peut se rendre compte qu'elle ne résistera pas longtemps sans quelqu'un pour l'y contraindre.

Et alors, doucement, elle finit par renoncer à son jeu pour le faire glisser si lentement en elle, le cœur battant. Le baiser n'est plus, les yeux clos, les lèvres entrouverte, elle s'oublie dans le plaisir qui s'empare de son ventre, les sensations magnifiées par l'attente qu'elle s'est elle-même imposée.

Ce ne sont que des mots, mais ils sont bienvenus et je les accueille de la meilleure des manières que je le puisse. Elle le sent et bientôt je dois m’assurer de bien la tenir alors que je supporte finalement le poids léger que représente son corps. Elle joue de la plus agréable des manières qui soient et ne fait qu’amplifier cette excitation et ce désir qui sont miens, rendant de plus en plus compliqués mes efforts pour garder un semblant de contrôle. Si ma main qui la maintient en place ne bouge pas et ne peut bouger, le pouce de l’autre caresse doucement les formes de l’orbe collée contre lui. Au milieu de ces jeux j’entends un miaulement qui ne fait que confirmer que c’était déjà ça que j’avais entendu plus tôt, et je me questionne si la joueuse féline pense encore devoir essayer d’attirer mon attention. Je lui confirme que non en mordillant ses lèvres pendant ce baiser plus fougueux que tous les précédents.

Plus bas aussi je suis conscient de tout ce qu’il se passe et je la laisse faire, un peu passif, ne l’arrêtant pas alors que je devine sans mal ses objectifs. Quand je sens que son propre jeu en est trop pour elle je m’apprête à prendre le relai… juste un peu trop tard. Elle succombe à sa propre torture et alors qu’elle m’a presque totalement envoûté je n’ai pas le temps de la retenir. Elle descend pour la première fois aussi loin et je ne peux m’empêcher un souffle rauque qui s’échappe pour répondre de manière particulièrement appropriée à son dernier miaulement. Au lieu de m’abandonner tout de suite à ce qu’elle m’offre, ce qu’elle désire, je recule le bassin et la remonte à la force de mon seul bras en position. Si elle n’est pas capable de continuer ce jeu là je pense à ce moment pouvoir en assurer le contrôle, et j’essaie de la garder là quelques instants, au dessus mais toujours en contact, essayant de relancer ses oscillations…

Je me méprends bien évidemment sur ma volonté, alors que je sais que ça fait tellement longtemps que je n’ai pu me retrouver dans une telle position… et cela, si la mémoire ne peut en attester, le corps lui se souvient… Je cède alors que ma main ne l’empêche plus de descendre et que mon bassin s’avance pour que j’entre en elle… Une fois, deux fois, plus encore, avec la légère crainte que nous n’ayons tous les deux succombés et que personne ne puisse sauver l’autre. Mais veut-on réellement être sauvé ? Ma main se crispe sur son sein, l’autre essaie de se déplacer juste assez pour être en position plus centrale et participer à sa manière, ajoutant une nouvelle sensation à un mélange déjà bien intéressant. Mes yeux eux ne quittent pas le visage de Shyn’tae alors que je résiste à peine à plonger dans son cou et l’y embrasser… elle était déjà belle avant, c’était indéniable, mais il y avait quelque chose dans son expression qui la rendait encore plus irrésistible… et j’accélérai malgré moi la cadence, n’arrivant plus à me soucier d’aller trop vite et de déjà consommer le moment.

Lèvres entrouvertes, yeux mi clos, la daedhelle danse lentement, délicieusement contre son amant, le plaisir de le sentir en elle bien assez pour qu'elle y consacre toute son attention. Puis, alors qu'elle allait une fois de plus revenir sur lui, il la retient. Un gémissement de surprise et de contentement lui échappe, c'est une initiative qu'elle semble apprécier alors même qu'elle continue à forcer pour que son sommet écarte et caresse ses lèvres.

Puis le mâle la relâche soudain, et elle redescend sur lui plus vite qu'elle ne l'aurait voulu initialement, et, frissonnante, laisse échapper un cri de plaisir étouffé qui n'a rien de redoutable. Elle se cambre un peu plus encore pour lui offrir sa poitrine qu'il retient plaisamment, et, l'instant d'après, sent le mâle la chatouiller aussi en un délicieux endroit. Elle le remarque un instant l'admirer, alors elle se laisse aller aux sensations qu'il lui procure, et fait de son mieux pour lui rendre l'appareil.

Peu à peu, Imdri rend leur danse plus intense, à moins que ce ne soit elle? Sa tresse bat son dos nu, elle ferme les yeux, gémit, sent l'extase approcher,  puis réalise qu'elle voudrait que cela dure plus longtemps… alors elle le force à ralentir, son souffle court, son regard embrumé par le désir.

-Pas tout de suite… lui murmure-t-elle entre deux inspirations. "C'est si bien… comme ca..." Ce moment où l'excitation magnifie la moindre sensation, depuis le souffle du vent sur la peau jusqu'aux magnifiques motifs magiques du frémissement des feuilles dans les arbres. Ce moment où elle ferait tant de choses pour obtenir la délivrance, ce moment où rien d'autre ne compte que l'instant présent.

Elle veut qu'il dure.

Ses jambes se détachent de sa taille, et elle les pose au sol. Le membre quitte la douce chaleur de son étui. Elle laisse naitre, pour lui, un gémissement de frustration, puis tombe à genoux souplement, délicatement. Dans le même mouvement, les lèvres charnues de la drow s'emparent de lui. Ses doigts légers dansent entre ses jambes, effleurant à peine, ni trop peu, ni trop fort.

Elle en a envie.

Je l’entends, je l’écoute, je partage son envie de faire durer le moment, mais il me faut bien de la volonté pour lui obéir et m’arrêter enfin. Je n’arrête pas tout, simplement les mouvements du bassin, alors que mes deux mains mettent plus de temps à ralentir et finalement suivre le reste de mon corps. Mon cœur emballé lui ne cesse pas, ni ma forte respiration, et toujours avec la même volonté je ramène mes deux mains sur ses fesses pour la soulever et la laisser se dégager de cette quasi fusion de nos deux corps, alors que je me retire d’elle et que finalement elle desserre ses jambes de là où elles s’étaient crispées. Je n’ai le temps de l’embrasser alors qu’elle se laisse poser à genoux, mes deux mains remontant le long de son dos en glissant sur sa peau nue pour se retrouver autour de ses épaules.

Avec sa nouvelle position et ses nouvelles intentions elle me retire une grande partie du pouvoir que je peux avoir sur elle, sur la direction à prendre, il ne me reste que mes deux mains et l’une la caresse dans le cou tandis que l’autre, au bout d’un bras repassé devant l’épaule de la belle eldéenne, lui flatte le flanc. Je laisse échapper un gémissement – un peu trop aigu – alors qu’elle commence son affaire, mon attention toute à elle, même si on aurait pu croire que me décharger de certaines responsabilités aurait pu me donner l’opportunité de l’en détourner. Mon regard lui aussi se fixe à elle, s’accrochant à ce à quoi il peut s’accrocher, la plupart du temps à son dos et à la tresse qui s’y promène en se balançant, mais si elle venait à lever les yeux il n’hésiterait pas un instant à s’y plonger avec envie et adoration, un éclat mauve répondant à un éclat rouge sombre.

Et de temps en temps, alors qu’une attention est plus juste qu’une autre, alors que plusieurs sensations s’accouplent entre elle pour en donner une plus puissante, quand la passion passe tout près de me faire lâcher prise, je gémis doucement, me retenant pour une raison que j’ignore mais à laquelle je n’accorde aucune importance. La main dans son cou remonte sur sa nuque et se met finalement à accompagner le mouvement.

Leurs lèvres se séparent, Imdri admire quelques instants le regard pétillant et félin de la belle qui se glissent plus bas. Elle est évidemment déçue de ne plus le sentir en elle, mais elle a des solutions pour ca. Sa main droite est déjà posée entre ses jambes, un doigt fin entre les replis de peau moite qui se cachent là.

Ses lèvres, frôlent le torse du tendre mâle, sa langue caressent sa peau, à chaque instant plus bas. La hampe s'appuie sur son ventre. Elle passe ensuite entre ses seins ronds, puis effleure son menton avant de trouver ses lèvres.

La daedhelle regarde le membre, puis y depose un baiser, suivi d'autres… Elle soupire sensuellement, son plaisir évident. il la voit espacer les jambes sensiblement, sa main refugiée là danse doucement, presqu'immobile, ébène contre ébène.

Lorsque finalement ses lèvres accueillent le membre, elle poursuit avec lenteur, toute dédiée à chercher son plaisir et à le faire durer encore longtemps dans la nuit. Tout doucement, sa tête oscille. Tout doucement sa langue danse, ses lèvres le flattent. La daedhelle est concentrée, elle goute ses sensations. Plus bas, ses doigts dansent aussi, contre la perle, entre les lèvres, leur ballet au rythme si semblable à celui de sa tête.

Elle oscille sur lui, sa tresse danse dans son dos, elle frémit et soupire, appréciant les caresses de ses mains sur son cou. La jeune sombre redresse la tête pour que leurs regards se croisent, ses yeux pleins de malice sont sur les siens..

Il peut l'admirer parfois les fermer partiellement, son visage extatique lorsqu'une étincelle de plaisir un peu plus forte que les autres menace de l'emporter. Pourtant, elle joue de son plaisir et du sien pour le mener toujours plus haut, mais sans pour autant franchir le cap. Attend-elle de savoir lequel des deux cédera le premier?

La main si tendre d'Imdri vient finalement se poser sur sa nuque, et accompagne son mouvement. Un frisson d'excitation la parcourt à se contact, à sa participation, et, peu à peu, le rythme de ses oscillations s'accélèrent. Et bientôt, c'est à elle de chercher son plaisir avec une fougue renouvelée.

Je ne me rappelle pas d’un seul moment aussi exceptionnel dans ma vie. Il y en a sûrement eu, mais tous ont été engloutis de la même façon, par l’oubli, sans que je ne puisse m’y opposer, avec seulement mon corps pour s’en rappeler, pour avoir les bonnes réponses, pour parfois me rappeler qu’il y avait un jour où je m’étais senti aussi bien, qu’il y avait un jour où j’avais partagé le même genre de sensations et autres émotions avec quelqu’un. Pas Shyn’tae, ou elle se serait souvenue aussi, mais finalement, c’était elle qui tenterait de rester, avant d’être éventuellement engloutie comme les autres. C’est effrayant, trop effrayant, et je préfère m’abandonner au moment plutôt que de trop y penser. Et abandonné à l’instant je le suis particulièrement, alors que machinalement ma main accompagne encore et toujours le mouvement de l’eldéenne. Machinalement car tout mon être est tendu dans une direction, une direction associée à un seul ordre, celui de tenir bon. Et je tiens bon.

Mais pour combien de temps ? Si le corps se souvient, le corps me dit aussi que ça faisait bien longtemps, et qu’il ne tiendra peut-être pas aussi bien qu’il l’aurait fait dans d’autres circonstances, que l’avidité de Shyn’tae est un défi qu’il n’est pas sûr de pouvoir surmonter. Il y a l’esprit aussi, lui se plaint, il se plaint que le corps ne participe pas assez, il se plaint que ce ne devrait pas être à elle de tout faire. Mais il intervient trop tard, vraisemblablement, alors qu’un nouveau regard de l’amante interdit à l’amant de faire quoique ce soit pour déranger cet équilibre qui s’est installé. Et puis, il serait toujours temps de réparer les injustices après. Le corps, l’esprit et l’amant s’entendent en vue de concéder la défaite face à la bouche de l’amante, mais il ne décident pas quand, et chacun essaie de montrer aux deux autres qu’il est plus fort qu’eux.

La main sur la nuque relâche un peu la pression contre sa volonté et c’est l’amant qui prend les commandes le temps de prévenir l’amante. « Shyn’tae… je… vais… » Il soupire plus fort, il ferme les yeux, il ne l’a pas vraiment dit mais il se doute que ça a été compris, il se tend au moment d’avouer sa faiblesse, il ouvre à nouveau les yeux, il les descend dans ceux de la belle d’ébène, il ne sait pas ce qu’elle va faire de l’alerte, il tient encore un peu et il relâche toute cette tension bâtie sur ces longues minutes, peut-être même ces heures, il n’en sait rien à cet instant, mais pour être totalement honnête, cela ne l’intéresse pas, et il est loin d’avoir décidé que c’en est fini. Ce qui l’intéresse, par contre, c’est celle qui est là, celle qu’il n’a pas envie de voir disparaître, pas maintenant, pas ensuite.

La daedhelle se concentre sur l'instant présent, sur les frémissements de son amant. Elle aime la situation paradoxale dans laquelle elle s'est elle-même placée. Un spectateur la trouverait peut-être docile, tournée vers le plaisir du mâle qu'elle garde entre ses lèvres. Mais lui n'a que peu à faire, contraint de se laisser porter par le bon vouloir de la magicienne qui a entre ses mains leur plaisir à tout les deux.

Elle sent les mains sur sa nuque mêlée à ses cheveux d'une blancheur virginale(1), elle sent chacune des pressions qu'il exerce sur elle, et elle choisit d'adapter ses propres flatteries, ses mouvements de tête langoureux, la pression de ses lèvres autour de lui pour lui offrir cet envoûtant plaisir.

Shyn'tae guette ses réactions. Ses yeux dans les siens, elle joue avec ses désirs comme un chat avec une souris. Il pulse en elle, elle est rendue ardente par l'effet qu'elle lui fait. Sa langue danse, puis, soudainement, sa frimousse ondule amplement. Plus bas, hors de sa vue, ses doigts vifs dansent eux aussi avec l'expertise que seule l’expérience peut apporter.

Il la relâche, il gémit, elle leve des yeux pétillants sur lui sans pour autant s'arrêter. Tout au contraire, elle danse plus fougueusement encore, se reserre délicieusement sur lui. La drow veut assister à son plaisir. Sa main gauche à remplacée la droite entre ses lévres, l'autre serre la base de ce membre viril qu'elle idolâtre depuis de longues minutes pour mieux le guider.

Elle devient sauvage. Et est récompensée de ses efforts. Ce n'est pas pour autant qu'elle se refrène. La daedhelle fait tout son possible pour le garder ainsi dans l'extase et entre ses lèvres exquises encore et encore, sa longue tresse bat son dos sans discontinuer.

Lorsque finalement le flot se tarit et son extase se dissipe, la jeune daedhelle sauvage se fait à nouveau plus tendre sans pour autant l'abandonner tout de suite... Sa main droite rejoint la gauche, ses cuisses d'ébènes se séparent un peu plus... elle ferme les yeux, la virilité lui échappe... Son corps se tend ainsi, comme une sensuelle statue, et, devant son regard, elle vocalise longuement son plaisir, sa voix faible, son bassin agité de souple et envoûtants balancements, son goût toujours en bouche.

Elle profite pleinement du plaisir qui s'est emparé d'elle et qui court dans ses veines comme un feu liquide.

(1) Les dictionnaires de synonymes procurent de petits plaisirs toujours renouvelés.

Un râle d’extase qui tient plus du long gémissement m’échappe alors que Shyn’tae me tient à sa merci et ne fait pas mine de m’en libérer. Son choix est un choix qui me convient parfaitement et qui est d’autant plus satisfaisant que personne ne lui a imposé. Je sens sa bouche, ses lèvres, sa langue et sa main dans une explosion de sensations intensifiée par cette nouvelle sensibilité apportée par cette libération tant appréciée par mon corps. Jusqu’à ce qu’elle lâche prise, jusqu’à ce que mes yeux ne puissent plus voir les siens, jusqu’à ce que je comprenne qu’il n’est plus question de moi, jusqu’à ce que je comprenne qu’il n’est plus que question de Shyn’tae, et que si elle m’a offert beaucoup c’est à mon tour de faire de même. Quand ses lèvres me libèrent je me laisse lestement tomber à genoux, comme elle de longues minutes plus tôt…

Je n’ai plus que l’intention de participer à son plaisir et je laisse une main joindre les deux siennes et se frayer un chemin pour apporter un peu d’inattendu à une situation qu’elle semble trop bien maîtriser. Je n’ai qu’une intention et c’est celle de prolonger autant que je le peux son moment à elle, ainsi je l’enlace de l’autre bras pour la serrer contre moi, pour que nos deux corps semblent près de fusionner, sans que je ne ralentisse jamais le rythme, sans que je ne relâche jamais l’intensité de mes gestes, tout ça tant qu’elle reste réceptive à mes nouvelles attentions, tant que son bassin continue de s’agiter, tant que sa voix continue de se faire entendre, tant qu’elle semble possédée par l’extase. Et quand son plaisir à elle est finalement consommé, lui aussi, je nous laisse basculer tous les deux sur le sable et je l’embrasse avec toute la fougue qu’il me reste, lui découvrant un nouveau goût.

Une petite rotation et nous nous retrouvons tous les deux l’un face à l’autre allongés sur la berge et que l’eau de l’Oliya vient par vague nous lécher nos corps nus. J’éloigne mon visage et l’observe avec un regard intense alors qu’une de mes mains vient paisiblement lui prodiguer de douces caresses dans le cou. Je n’ai alors aucune envie d’être le premier à briser cette paix fragile qui vient de s’installer après tant de fougue et de folie.

L'extase, bienvenue, monte en elle, une merveilleuse apothéose délicieuse qui s'empare et fait tout oublier, l'aboutissement d'une longue marche de plaisir et de désir, de frustrations jusqu'à un sommet où trone pour une fois une récompense. Elle sent le jeune mâle se joindre à elle, alors elle s'ouvre à lui, lui offre de la remplacer, le guide doucement pour qu'il la fasse chevaucher sa passion comme elle a la lui a fait chevaucher la sienne.

Il n'a pas besoin de beaucoup d'aide, et elle lui laisse vite le soin de jouer de son plaisir comme d'un enchanteur instrument dont il serait le musicien. Il lui offre sa voix, elle repose les mains derriere elle pour offrir à ses yeux son corps frémissant… Le temps ne compte plus.

Mais tout a une faim, et finalement les flammes les plus fortes retombent aussi. Elle ne sait quand il s'est étendu, mais elle se retourne pour poser la tête sur son torse, une main contre lui, leurs corps dans le sable sous cette voute celeste peuplée d'étoiles. Leurs cœurs battent fort à l'unisson. Elle entend le sien battre dans sa poitrine. Les doigts de la drow caressent son ventre, sa main à lui effleure son cou. Elle lève la tête, leurs yeux se croisent.

Elle sourit

La magicienne est bien dans ses bras. Elle ne veut pas non plus briser le silence et la quiétude. S'ils passaient la nuit ici, elle seule avec ce noirelfe qu'elle ne connait même pas et qui en sait tant sur elle. Tous les deux avec leurs secrets.

Il te font confiance, tu as du travail à terminer. Murmure la voix de la raison. Elle l'ignore. Elle n'a pas le temps, mais elle veut le prendre tout de même. Tout au plus dormira-t-elle un peu moins. Un nuage traverse son regard pétillant.

Finalement c'est elle qui ouvre la bouche la premiere.

- Qui aurait cru que tu saches si bien caresser les demoiselles… Tu as en effet de merveilleux talents cachés. Beaucoup d'amantes?

Fou aurait été celui qui aurait trouvé une critique dans les mots qu'elle avait choisi. Au contraire, cela semblait l'amuser comme une adolescente.

Un moment comme celui-ci est peut-être indigne de nos préceptes, indigne de notre espèce, trop calme, trop doux, mais qu’est ce qu’il est bon. Il n’y a rien qui indique qu’il est prêt de s’arrêter, il n’y a rien qui indique que nous ne sommes pas tous les deux bien, son sourire a droit à un des miens en réponse, ses caresses me font autant frissonner que les miennes elle, et rien ne vient perturber ça. Pas même des pensées parasites, pas même ta voix, pas même d’élément parasite. Il y a les étoiles, il y a l’eau, il y a le sable, il y a nous. Après un long moment duquel je ne veux même pas essayer de deviner la durée c’est elle qui brise le silence, c’est elle qui commente, c’est elle qui se questionne. Et je soupire, imperceptiblement, le moment ne peut jamais être évité, je le sais, sans pouvoir retracer jusqu’à la dernière fois où cette loi de l’univers a été vérifiée. Peut-être que le moment peut être évité, finalement, simplement pas aujourd’hui.

Sa question te fait revenir, sa question te fait commenter, sa question te pousse à me dire ce que je sais déjà, que je n’en ai aucune idée, sa question, finalement, te pousse à me dire de le cacher, te pousse à me dire qu’elle n’a pas besoin de savoir. Et le moment paisible s’est effondré alors que la question a amené une vague de doutes, de questionnements, et de rappel de ma condition. Mais je résiste, et j’apporte l’honnêteté, j’apporte quelque chose qui rompra la paix encore plus sûrement que le reste, mais quelque chose que je contrôle. Je soupire encore, mais je souris d’un sourire légèrement triste, lui répondant à mi-voix, paisiblement. « Je ne sais pas, je ne sais presque rien, je découvre en même temps que toi. » Tu te mets en colère mais je te repousse. « Ce qu’on appelle les souvenirs, je n’en ai pas, je ne possède que ceux qui te sont liés, tout ce que j’ai dit connaître de toi c’est tout ce que je connais. » Je me rends compte n’avoir jamais pensé à comment présenter la chose, car c’était un secret à ne jamais révéler. Là, je l’ai fait, et je ne sais plus quoi dire.

Est-ce faible de se laisser aller? De profiter un peu d'un moment de calme dans la tourmente. La jeune drow soupira, la tête posée sur son torse. Son cœur battait encore au rythme du plaisir qui achevait de se dissiper dans ses veines. D'un doigt tendre, elle traçait des motifs sur la peau tiède du sombre.

Une brise soudaine fit bruisser les feuilles des arbres autour d'eux, puis souleva sa longue chevelure. Elle observait son visage, un mince sourire au lèvre, le regard pétillant.

Lorsque celle-ci vint finalement, elle laissa le silence s'installer à nouveau, et se blottit un peu plus contre lui. Son doigt persistait à tracer des signes qui n'avaient de sens que pour elle.

Ses paroles raisonnaient étrangement en elle. Shyn'tae était incertaine de comment elle devait interpréter ce qu'elle avait entendu. Un admirateur lui avait-il envoyé un esclave dont l'esprit avait été si étrangement brisé? Non, il n'avait pas de marque, il s'agissait d'un drow libre.

Un drow libre… dont la mémoire aurait été effacés. Pour lequel on n'aurait donné qu'une seule personne en souvenir. Elle frissonna, l'idée étrangement attirante et inquiétante en même temps. Peut-être d'ailleurs était-ce cela qui l'attirait ainsi.

Puis, prenant appui sur sa jambe, l'escalada, son corps appuyé contre le sien, jusqu'à avoir la tête au niveau de la sienne. Elle l'observa de longs instants avec grand sérieux. Il avait l'air de l'accepter. Son regard prit progressivement la teinte de la curiosité.

- Ca ne fait pas mal? De… ne pas savoir.. le reste?

D'un bras appuyé sur lui elle se redressa, à cheval sur son ventre. De sa main valide, sa main gauche caressant toujours la peau du drow, Shyn'tae glissa sa longue chevelure derriere ses oreilles effilées. Puis sa main revint se poser sur le torse pour s'amuser avec un téton.

- La triumvir Viconia pourrait découvrir qui tu es. Tu n'es pas curieux?

La lune éclairait ses cheveux pour leur donner des reflets d'argent. Son sourire était emplit de malice.

Je la sens remuer sous mes caresses, je la regarde, attendri alors qu’elle réfléchit, alors qu’elle se pose sûrement beaucoup de questions, mais des questions qui la rapprochent plus qu’elles ne l’éloignent, il n’y a pas de fuite, il y a de la curiosité. Elle se rapproche tant qu’elle se retrouve à nouveau sur moi, penchée au début, assise sur mon ventre ensuite. Elle me questionne et je dois faire un effort pour me concentrer et ne serait-ce que comprendre ce qu’elle me demande. Je ferme les yeux, je pense, je m’imagine avoir une vie dans laquelle chaque jour est comme ceux dont je me souviens. C’est comme ça que ça fonctionne pour les autres ? Est-ce qu’ils arrivent à se souvenir de tout ? Ne se laissent-ils pas écraser par le brouhaha ? Est-ce qu’ils ont la place d’avoir de nouvelles pensées quand tant d’anciennes pensées se bousculent ? Non, je n’avais pas mal, et je savais que certains souffraient des souvenirs, est-ce que je voulais vraiment souffrir de souvenirs d’une société si violente, à la place ?

« Ce n’est pas comme si je connaissais autre chose, je ne vois pas comment ça pourrait être douloureux. Et puis, le reste, au Puy… »

Je doute légèrement, mais l’espoir monte. Tu rugis, tu me dis de ne même pas penser à ça, tu me dis que c’est idiot, tu me dis que c’est dangereux. Mais je t’ignore, je me prends à rêver, qu’est ce que cela ferait, de savoir ? De savoir que je vis, de savoir ce que je vis, de savoir pourquoi j’oublie, et pourquoi je ne l’oublie pas elle. Mais pour chaque espoir il y a un pendant négatif, parfois horrifiant, et si mon corps ne porte pas de marques qui laissaient entendre une vie de torture, peut-être que je vis une vie de souffrance mentale, que je ne suis qu’un objet pour quelqu’un, quelque part. Toi, tu t’es tu, tu as écoutes mes pensées, et tu frappes au moment où mon esprit est le plus friable. Tu me dis que c’est peut-être même la Triumvir Viconia qui a fait de moi ce que je suis, et je considère la possibilité avec un frisson qui n’est pas dû à une quelconque brise.

« Que suis-je pour intéresser une triumvir ? » Je commence, comme pour m’excuser d’exister, pour appuyer mes prochains mots, ou au moins appuyer mon doute. « Non, je ne suis pas curieux… pas de ça, en tout cas… mais de toi, toujours… » Je souris en finissant cette phrase, et une main se lève jusqu’à sa poitrine pour la caresser de la même façon qu’elle le fait avant de remonter le long de sa gorge et de lui caresser les lèvres d’un pouce. Ma main passe dans son cou en l’attirant vers moi et je l’embrasse dans un long baiser.

La daedhelle l'observait, les deux yeux carmins et profonds parcouraient son visage, ses reactions. Son poids appuyé sur les hanches du mâle, ses genoux effleurant le sable, elle le chevauchait toujours, immobile, curieuse. Elle écoutait sa voix lente et flottante prononcer des réponses qui n'amenaient que plus de questions.

Elle ne répondit rien sur le champ.

La main du mâle glissa alors sur la peau couleur de nuit marquée par les épreuves. Elle effleura délicatement le galbe d'un sein, escalada sa gorge, son menton, jusqu'à caresser ses lèvres noires. La magicienne le laissa faire, même lorsqu'il l'attira à elle pour l'entrainer dans un nouveau baiser qui se révéla plus doux que le précédent.

Il sentit les questions, les doutes dans la manière avec laquelle Shyn'tae y répondit. Elle passait un bon moment, Imdri, quel qu'il soit, était un jouet plaisant. Ce baiser ravivait délicieusement sa flamme, et c'était déjà très bien.

Mais en l'état, c'était un jouet, elle n'arrivait pas à le voir comme plus que cela. Par contre, qu'en était-il de lui? Il était curieux d'elle. Un frisson la parcourut. Avait-elle fait une erreur? Était-elle en train de faire une erreur, de nourrir cet intérêt alors même qu'elle ne savait rien de lui?

Finalement, leurs lèvres se séparèrent en un soupir, lui allongé, elle blottie contre lui à nouveau, leurs yeux si proches. Elle fit une grimace.

Le doigt de la demoiselle suivit le dessin des lèvres de son amant d'un soir en susurrant d'une voix pleine de douceur. "Tu es adorable, Imdri. Alors je ne te mentirai pas… Ce serait un plaisir d'honorer Isten tout la nuit avec toi… mais... Les doigts glissaient avec tendresse, sa peau tiède douce contre lui.

- Tu es curieuse de moi, mais je ne me souviens pas d'une époque à laquelle je n'ai pas été curieuse de tout. Elle soupira. La discussion lui rappelait le temps qu'elle avait passé à Frontière avec sa mercenaire.  "J'ai l'impression que tu es un jouet qu'on m'offre en cadeau..."

La demoiselle soupira profondément en proie à un agacement qu'elle savait excessif. Ca aurait du l'amuser, à la place ca la faisait enrager. Elle était au centre de sa curiosité. Pire, elle était aussi seule au centre de sa curiosité qu'elle était seule au sein du C'nros. C'était un rappel des plus dérangeant.

Ses pensées étaient soi inavouables, soi honteuses. Si elle venait s'isoler ici, si elle avait tant besoin de prendre le temps de parler cuisine avec Na'ri, si elle avait cherché la compagnie d'une humaine même, c'était qu'elle avait besoin d'oublier qu'elle craignait ne pas être à la hauteur. Et sa petite voix intérieur persistait à le lui rappeler. Qu'elle devait faire mieux, toujours mieux.

Et Imdri la mettait au centre à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. C'était dérangeant. Peut-être aurait-elle pu lui confier ce qu'elle avait sur le cœur, mais encore aurait-il fallu qu'elle lui fasse confiance.

Comment pouvait-on rationnellement avoir confiance en quelqu'un qui soit mentait, soit avait eu l'esprit altéré dans le but qu'elle s'intéresse à lui? Pourquoi ne fuyait-elle pas?

"Je ne suis pas comme Myr'hennis Vekt. Lui, ca lui ferait plaisir de rencontrer quelqu'un comme toi. Il faut toujours que tout tourne autour de lui. Il te raconterait tout ce qu'il accompli sans cesse." Un sourire d'amusement éclaira le visage de la drow.

- Je t'imagine volontiers te glisser dans ma tente et me dessiner pendant mon sommeil. Elle fit la moue. Oui elle pouvait imaginer ca. Ou me dessiner dans des situations étonnantes. Si tu le fais vraiment, pense à me montrer le résultat."

Mais au fond, le vrai problème, c'était qu'elle n'avait aucune envie que quiconque ne tente de la mettre à nu. Elle, ses doutes, ses imperfections. "Tu me mets mal à l'aise." Cela avait été un murmure.

Les mots défilent, les coups sont portés, mon regard s’éteint, mes yeux se ferment. Elle me voit comme un objet, elle me voit comme une arme utilisée contre elle, elle me lance des mots qui ne font aucun sens, elle retombe dans ses premières craintes. Tout est plus doux que sa crise précédente, mais c’est justement ça le plus dur, alors que je ne peux simplement pas lui offrir ce qu’elle veut, que ça n’a rien à voir avec ce que je veux. La situation aurait pu être une victoire et je m’en serais satisfait si on m’avait dit que j’obtiendrais une telle danse de la seule qui habite mon esprit, mais après tout ça, c’est l’impression de gâchis qui prédomine, et l’impression qu’elle ne souhaite pas me donner une chance. Elle me considère comme une coquille vide, ignorant ce que je lui ai montré, et aucun mot que j’aurais pu lui servir ne lui aurait suffit.

Tu ris parce que tu m’avais prévenu, tu ris parce que être honnête m’a perdu, tu ris parce que tu sais que je n’ai que ça, et quand je te demande plus tu me le refuses, car quand je choisis l’honnêteté d’une réalité que je ne connais qu’à peine, je te repousse.

Je n’en sais pas plus que mes souvenirs, donc, des souvenirs vastement dépassés, des souvenirs qui semblent s’effriter, des souvenirs qui sont de moins en moins précis, jusqu’à ce que je ne me rappelle que de cette unique rencontre. J’ouvre les yeux, je la regarde, je me souviens de sa forme, je me souviens des sensations qu’elle m’a apportés, je me souviens de lui avoir apporté des sensations, mais ses mots me fuient, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une demi-douzaine. Tu me mets mal à l’aise. Comment peut-on dire ça maintenant ? Il y a tant d’autres choses à dire, et elle choisit ça. Tes moqueries m’atteignent enfin alors que le vide s’est créé, et j’y réponds par la colère, une colère froide, une colère froide que j’essaie de garder en moi, que j’essaie de ne pas laisser sortir alors que mes bras retombent le long de mon corps, qu’est ce que je peux faire d’autre ?

Tu me proposes le meurtre, tu me proposes la vengeance, tu me proposes quelque chose d’horrible, mais quand je la saisis par la taille je la dégage simplement de mon corps pour m’en libérer. Je me lève, je ramasse des vêtements, je m’éloigne, je me rhabille, je la regarde, je la reconnais à peine, je ne sais ce qui m’arrive, et je reste là. Elle me considère comme une coquille vide et je deviens une coquille vide, ne t’écoutant plus que toi sans t’obéir, utilisant les rares choses qui peuvent me servir, et tu te lances dans une entreprise que je ne comprends pas, mais que je suis. « Je ne suis jamais venu à l’étude noire. Je n’étais pas à Thaar. Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Et… personne ne m’a parlé de toi, à part lui. » Elle ne peux pas comprendre qui tu es et tu laisses passer. « Et personne ne m’a envoyé, je ne suis le cadeau de personne, je n’ai jamais existé, seulement ce soir. » Je pars là où elle a fui, doucement, de façon monotone, exactement comme je lui ai parlé, si on omet cette unique hésitation.

Je ne suis plus curieux, je ne suis même plus certain d'être.

Toute dans sa douleur, sa révolte contre la situation dans laquelle on l'a placée, la daedhelle ne réagit d'abord pas lorsque, la prenant par la taille, le drow s'est écarté. Que fait-elle là. Pourquoi a-t-elle accepté l'ordre de sa supérieur. Depuis elle ploie. Elle voudrait croire qu'elle est un roseau, mais n'est-elle pas en train de céder, petit à petit, fibre par fibre?

Tu dois accomplir les tâches qu'on te confie, et les accomplir bien. Même si c'est pour être traité ainsi? Cela n'a pas d'importance, cela ne te dérange pas, au contraire. Si, voudrait-elle hurler.

Elle le regarde se lever, le regard morne, et reste sur le sol, prostrée. Elle voudrait se confier, mais c'est impossible. Dire à quel point son enfoiré de père a raison, à quel point elle est en dessous de la responsabilité qu'on lui a confié.  C'est faux, c'est vrai. Elle ne sait pas. Elle croit que c'est la vérité.

La démarche du mâle est monotone, sa voix celle d'une coquille vide. Pourquoi a-t-il du subir sa colère, mesquine, gratuite. Il parle, elle baisse les yeux. La sombre a un doute, puis secoue la tête, il ne peut que dire la vérité. Elle ne comprend pas, mais elle sait intimement que c'est vrai.

Il l'a fait sourire, elle a méthodiquement cherché la faille, et l'a détruit en retour. C'est comme frapper un innocent. Quel plaisir en ressent-on? Est-ce que ca soulage?

Non.

Tant d'impuissance, de solitude qui cherche un exutoire.  Elle a travaillé jour et nuit pour oublier. Elle s'est battu jusqu'à l'épuisement, elle s'est fait souffrir, elle s'est donné du plaisir jusqu'à ne plus pouvoir se relever pour oublier. Elle repense un instant à Irulan, un soulagement à l'époque. Un peu. Aujourd'hui ce n'est plus qu'une souffrance de plus.

"Seulement ce soir."

Seulement ce soir… Il est sincère, elle ment. Il s'offrait à elle, elle est égoïste. Titubante, elle se relève, ses pieds nus dans le sable humide. C'était la douleur qui avait parlé à travers elle, mais cela n'apaise en rien, bien au contraire. C'est un peu de souffrance en plus.

Sa voix affaiblie emporte le silence.
- Je ne sais pas… pourquoi je suis ici. Elle serre les dents, le barrage est en train de céder. Un vague sourire furtif, nerveux tire ses lèvres. Elle fait un pas vers lui. "Je... ne suis pas forte… pas ce que lui t'a dit de moi..."

La drow le rattrape, son bras fin se redresse, sa main fine, tremblante, attrape son bras.

- C'est faux.. tu as des souvenirs. Ce soir. Juste ce soir… C'est déjà bien. Oublie les autres. Tu me parleras de lui, un jour, si tu veux…

La drow est tendue, ses mouvements maladroits, son regard brillant.

- Ne pars pas… Si… si on s'en faisait d'autres?

Elle ne m’a fait confiance avant qu’elle ne sache que je lui ai menti, elle me fait confiance maintenant que je l’ai avoué. Elle ne sait pas ce qu’elle dit, elle ne connaît pas la portée de ses mots, et elle essaie de les détruire pour les remplacer par d’autres. Elle parle de Toi, mais elle ne comprend pas, elle ne peut pas, je ne veux pas qu’elle comprenne, je ne compte pas lui parler de Toi, je ne compte pas lui dire que tu n’as pas dit qu’elle était forte, que c’est plutôt l’inverse. Elle ne sait pas à quel point elle t’est indifférente, c’est complexe, elle pourrait croire que c’est parce que tu t’intéresses à elle, alors que c’est simplement parce que tu es moi, et que si j’étais intéressé tu devais me parler d’elle, que tu n’avais pas le choix. Elle croit beaucoup de choses, mais rien ne fait du sens, finalement il est moins difficile de faire face au néant qu’à ce à quoi elle doit faire face, je te préfère toi à ce qui l’habite.

Mais elle insiste, et sa main prend mon bras, et je m’arrête.

Je la regarde, longuement, mais je ne dis rien. Tu as des souvenirs. J’ai déjà perdu les premiers de cette soirée, je ne suis même pas sûr d’en avoir un. Juste ce soir c’est déjà bien. Peut-être que tous les soirs je me détruis pour mieux réapparaître. Oublie les autres. Elle demande à un aveugle de ne pas voir. Un jour, si tu veux. Un jour, est ce que ça veut dire quelque chose ? Ne pars pas. Je ris. Si on s’en faisait d’autres. Je ne ris plus. Je pense. La proposition est alléchante, mais tu dis non, et je n’ai rien pour te répondre, je n’ai rien pour t’empêcher de faire de ta volonté ma volonté. C’est marrant, parce que je me souviens t’avoir désobéi plusieurs fois, je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais c’est ça, le souvenir qui reste, l’unique souvenir. C’est marrant mais ça ne me fais pas plus rire, ça me fait pleurer, et des larmes coulent alors que je ne lui fais pas face.

Je me retourne, je souris, je n’étais pas sûr de pouvoir sourire, mais je le peux.

Il y a quelque chose, peut-être, que je peux faire, quelque chose qui change tout. Un pari, un pari que je fais contre ton avis alors que je consomme mon dernier souvenir. « Si je te vois à nouveau… » A nouveau, ça ne fait aucun sens. « Si je me souviens de ton nom… » Je l’ai déjà oublié. « Si je me rappelle… » Impossible. « Un jour… » Qu’est-ce qu’un jour, déjà ? « Nous en ferons des nouveaux. » Je souris encore.

Je me retourne, je dégage mon bras, je m’en vais, et je ne l’écoute plus.

Sa main d'ébène glisse sur son bras, il s'écarte d'elle, avance. Elle reste sur place, abasourdie. "Ne pars pas", des mots inutiles. Pourtant c'est la faute du mâle, pas la sienne. Les arbres et la nuit se referment sur lui. Les insectes et les animaux nocturnes se sont tus, le vent s'est arrêté. Plus un bruit ne parvient à ses oreilles. Ce n'est pas la sienne. Vraiment? Elle aurait pu faire semblant. Elle fait si bien semblant. Elle fait si mal semblant.

La sombre ferme doucement les yeux. Tout cela n'aurait du avoir aucune importance. Elle ne connait même pas ce drow. Elle serre les dents, ses oreilles effilées s'aplatissent, frémissantes. Pourquoi cela fait-il mal? Elle lui a fait mal. Pourquoi? Pour se soulager? Par reflexe? Par Révolte? Pour quel résultat?

Elle est seule.

Elle est toujours seule.

La drow retourne auprès de l'eau. Elle se penche brusquement, ramasse son épée. D'un geste, le fourreau tombe, abandonné. La lame semble lumineuse à la lumière de la lune. Elle n'est pas seule. Pas complétement? Ses doigts tremblent en serrant la poignée. Il y a comme une boule coincée dans sa poitrine, qui ne veut pas sortir. Qui ne veut jamais sortir.

Eveil fend l'air. Son bras suit le mouvement, son corps ensuite. Elle n'est pas seule, la magie, si belle amante, vient à elle. Eveil vibre, résiste, la daedhelle force. La magie rugit, puissante, brûlante de colère.

Shyn'tae l'écoute. Shyn'tae lui répond. Elle danse, plus vite, à en perdre haleine. Le sable que ses pieds fins soulève reste suspendu, marque ses pas, ses mouvements amples.

La lame d'acier fend l'air.

Elle rencontre la pierre, mais ne ralentit en rien. Un geste, la colère brille dans le rubis de ses yeux. La lame revient, frappe à nouveau.

Elle s'immobilise. Sa porteuse haletante, en sueur, étourdie, tombe à genoux. La boule dans sa poitrine, lancinante, était encore là.


C'était un roc sur le bord de l'Olyia. Coupé net par deux fois. Certains racontaient qu'Othar lui-même l'avait tranché pour démontrer sa divinité. D'autres que le lieu était le théâtre de la chute d'un des derniers Nisétiens.

On racontait bien d'autres histoires.

Aucune ne parlait d'une magicienne.