[Libre] La forêt pousse dans Thaar

Il s’était un peu éloigné au bout que quelques questions, laissant volontiers la vedette à son coéquipier. La transe que leur avait provoquée le spectacle était terminée. Il revenait à ses manières plus habituelles et par conséquent il évitait la trop grande foule qui s’amassait. Et puis ils étaient vraiment bizarres avec leur question, ils ne leur laissaient même pas le temps de répondre…

Il n’avait cependant pas voulu suivre ses camarades rentrés dans l’auberge, alors il avait un peu marché sur la petite place. Pas bien loin, juste histoire de laisser la foule derrière lui. Bien sûr si un curieux était tout de même venu le voir, il lui aurait gentiment répondu, mais visiblement, Artiön jouait à merveille son rôle de vedette. Par conséquent il s’était retrouvé seul.

L’espace d’un instant, ses pensées s’étaient égarées vers la prêtresse. Il s’était demandé s’il avait l’occasion de la revoir. Si, à la manière de beaucoup d’autres spectateurs elle viendrait à la rencontre des artistes. 

Et puis il avait laissé cette question de côté. Il y avait peu de chance qu’ils se revoient un jour, que ce soit ce soir, où après. C’était dommage, mais bon la vie était ainsi faite. Le souvenir resterait, lui.

Ses pensées continuèrent de divaguer librement alors qu’il marchait lentement, comme récupérant encore un peu des efforts qu’il venait de faire. C’est une voix qui l’en sortit brusquement.

Lorsqu’il l’avait entendu il avait sursauté, et avait tourné des yeux écarquillés par la stupeur devant l’inconnue qui utilisait ce titre. Ce titre qu’il avait caché tout au fond de lui, bien à l’abri derrière son identité inventée. Ce titre qu’une thaarie ne pouvait pas utiliser pour s’adresser à lui.

Mais ça n’était pas une thaarie qui lui avait parlé. Il avait mis une ou deux minutes à, s’en rendre compte. Il avait fixé la petite silhouette qui se tenait au milieu de la rue laissé libre. Elle avait un aspect presque fantomatique avec la lumière des lunes et des torches restantes. Puis des flash de souvenir avaient soudain fait surface.  

Une petite silhouette vêtue d’une robe blanche qui s’enfuyait bien trop vite. Une discussion complexe avec cette jeune fille étrange, aidé par un autre elfe. Sa manière d’agir si spéciale. Son nom. Et puis d’autres souvenir quelques temps après. Un rapport. La disparition de cette petite elfe. De la pitié pour sa famille et de la colère pour les responsables.

La petite elfe qui fixait les passants sans autre raison que de vouloir comprendre un monde qu’elle ne connaissait pas se trouvait devant lui.

-Ciryië…

Il avança d’un pas vers elle et n’osa pas s’approcher plus, comme si s’approcher trop la ferais disparaître. Comme si elle n’était qu’une illusion, un produit de son imagination qui lui jouait des tours. Il ne l'avait même pas corrigé à propos de la manière dont elle l'avait appelé, la stupéfaction de cette vision presque irréaliste lui avait fait totalement oublier ce détail.

En comparant son comportement présent et celui qu’il avait pendant ces acrobaties je me rends compte qu’il est encore plus tactile dans les situations qui ne nécessitent pas de l’être et je frémis à chaque fois qu’il déplace une main sur ma peau nue. Je pense malgré moi à la personne qui doit connaitre ces mains mieux que quiconque et qui doit se trouver en cet instant loin en Anaëh. De mon côté je n’écarte aucun regard de lui et reste relativement immobile, réagissant à ses mots comme s’ils n’y avaient qu’eux dans le monde dans lequel j’existe à cet instant. Quand il commence par me féliciter je souris d’un grand sourire, acceptant le compliment sans rien avoir à lui opposer. Je le mérite sûrement et il semble particulièrement sincère, appuyé par ces mains remuant sur mes épaules.

Mais plus que son comportement général qui semble cohérent avec le reste ce sont ses mots qui me laissent perplexe. J’ai l’impression d’être une amatrice quand je me rends compte de l’avoir très mal jaugé, ne doit-il pas exécrer un tel endroit même après si peu de temps passé ici ? Il excuse bien facilement des elfes qui se perdent bien facilement. J’entends son argument mais m’y oppose pour l’instant silencieusement, alors que ces elfes condamnent leur descendance à un sort qui n’a rien d’agréable. Et encore, je suis de ceux qui s’en sortent bien, mais combien d’enfants de ces elfes arpentent seuls les rues pourries de Thaar après que leurs parents aient essayé de fuir la mort ? Ne peuvent-ils pas accepter la fin de leur vie si longue plutôt que de résister à quelque chose que tous les autres peuples ont compris comme inévitable ? Je connais la théorie concernant le mal de l’éternité dont les Anedhels parlent mais je reste persuadée qu’ils n’ont aucune excuse. Seulement, je suis là pour le comprendre lui, pas pour lui expliquer qui je suis.

Et je fais bien d’attendre avant de lui répondre car il précise ensuite son propos, n’excusant pas une partie de ces elfes fuyards. Je souris quand il rit et laisse entendre qu’il apprécierait que je ne devienne pas aussi violente que les ordures qui avaient essayé de faire dérailler le spectacle, mais pas pour les mêmes raisons. Je souris parce que je suis le fruit même de ce qu’il décrivait un instant plus tôt, je suis là où je suis parce que mes ascendants ont décidé d’écraser des plus faibles qu’eux pour survivre, je suis là où je suis parce que nous avons abandonné tout ce qui faisait de nous des elfes, qu’il ne nous reste que l’éternité. Et comme si j’avais besoin de quelque chose d’encore plus gros pour aller dans son sens, c’est Tesso qui a gagné presque par hasard ma dévotion.

« Mais est-ce qu’on peut s’élever comme vous le proposez quand pas si loin à l’est rôde ce qui y rôde ? Quelque chose qui pourrait nous détruire au moindre soupçon de bonté ? » Je secoue la tête finalement après avoir invoqué cette crainte. Ce serait peut-être une surprise pour beaucoup mais ce n’est pas parce que je les porte dans mon cœur que je me suis spirituellement jointe à eux. C’est mon pessimisme, un pessimisme qui me pousse à croire que quoi qu’on fasse de beau et de bon ils sont prêts à nous détruire, et que quand cela arrivera il ne vaudra pas mieux de compter parmi leurs amis ni parmi leurs ennemis, il vaudra mieux garder une certaine ambiguïté, un certain mystère, et Tesso me permet… Non… Tesso m’ordonne de cultiver cette ambiguïté. « Et vous et votre troupe, vous venez tromper l’ennui ? Vous comptez rentrer à temps ? Vous essayez de changer ce monde ? » Je pose la question avec un autre sourire, le plus naturellement possible.

Ton sourire s’élargit légèrement alors que vient sa première question. Tes doigts s’arrêtent. Tes yeux s’illuminent d’une glaciale flamme, voilée par une fine couche aqueuse. Elle secoue la tête, cherchant à chasser ces mots loin de ses lèvres, mais tu l’en empêches. Ta poigne sur sa nuque, dans une douce fermeté l’empêche de lancer son visage assez loin pour dissimuler ses paroles et tes yeux toujours à la recherche des siens ne la laissent pas fuir leur gravité.

- Ecoute. la caresse reprend, et ton front se pose contre le sien La menace prend toutes sortes de formes. ton regard se tente à creuser le sien Pour certains il s’agit du mal de l’éternité, et pour d’autres, il s’agit de ce qui rôde à l’est. Mais abandonner n’est jamais la bonne solution. Abandonner… fuir... se fuir… tout ça ne fait que créer encore plus de mal. À la fin, la menace finit de toute façon toujours par prendre au moins les vies qui lui sont dues. Abandonner face à elle, c’est lui offrir celles qui n’auraient pas dû mourir. tu fermes les yeux Penses-y. Mettre notre bonté de côté pour préserver sa vie, refuser de s’élever et de faire front, n’est-ce pas aussi abandonner quelque chose d’exceptionnel pour quelque chose de médiocre ? Et les enfants qui naîtront sous le joug de la menace que l’on a laissé gagner, en acceptant de les soumettre au destructeur, n’a-t-on pas failli à notre devoir envers eux ? tes mains remontent vers ses joues, les tenant avec une doucereuse fermeté Ceux qui aujourd’hui refusent de lutter pour mieux ne sont-ils pas aussi coupables que ceux qui t’ont imposé tant de médiocrité ?

Tes yeux se rouvrent, tes mains retrouvent leur place sur ses épaules et ton visage à hauteur du sien, mais à distance plus confortable. Parmi les présents proches, peu semblent avoir compris exactement de quoi il en retourne. Beaucoup se demandent ce que c’est que de « faire mieux ». Nombreux sont ceux qui méditent ces mots ne sachant pas s’ils devaient y voir une insulte ou un encouragement. Certains faute de comprendre sont partis. D’autres se sont passionnés encore plus pour la conversation. Quelques-uns par contre n’entendent rien, et n’attendent que de te voir embrasser cette femme, habitués qu’ils sont à ce que les affections ne dérapent.

- Ma troupe et moi nous sommes venus faire un peu de tout ça. tu ris, les yeux pétillants Aucun d’entre nous n’est assez vieux pour avoir connu le mal de l’éternité, mais nous avons tous connus des temps difficiles, et l’art est quelque chose dans lequel nous avons trouvé refuge, et que l’on prend une grande fierté à partager et à nourrir. ton sourire est sincère, plus sincère même que tu ne l’aurais voulu D’un point de vue d’elfe, l’histoire des terres mortelles, c’est l’histoire de peuples qui à peine nés chassent déjà la mort, et qui à cause de ça peine à trouver le courage de faire face à la menace. Venir ici c’était l’occasion de leur partager un peu du courage que nous nous avons trouvé, et de nous inspirer des courageux parmi eux pour que notre art continue de grandir. l’une de tes mains remonte contre sa joue Alors oui, il n’y a que nous, alors après avoir fait le peu en notre pouvoir pour changer le monde, nous ne pouvons que rentrer à temps. Mais si ce-faisant nous avons pu convaincre ne serait-ce qu’un Souffle qu’il était encore temps de lutter ou de rentrer prendre des forces… alors c’est une réussite.

Aegden avait prononcé son prénom... Il se souvenait... Et le visage impassible de la petite elfe se vit orné d'une larme silencieuse.

Ciryië n'avait pas l'impression que Don'dar ait touché à ses souvenirs le concernant. Ils ne s'étaient vu qu'une seule fois. Ils avaient discuté. C'était tout... Il n'avait eu aucun intérêt à s'échiner sur une banale conversation.

Ils ne dirent rien durant d'interminables minutes si bien que cela commença à s'impatienter et s'inquiéter derrière elle. Mais elle n'en savait rien. Miresgal se retiendrait... Et retiendrait Zaahrian si nécessaire. La petite elfe était remplie de peur. Sa mémoire avait été à ce point altérée que se retrouver face à un Taledhel qu'elle connaissait était une véritable épreuve pour elle. Et elle devait la vivre seule.
Tous avaient passé leur temps à lui répéter qu'elle n'aurait jamais fait le moindre mal à ceux qu'elle aimait, que seules les manipulations de son maître l'en avait convaincue. Cet homme n'avait pas peur d'elle... Même Ciryië pouvait le voir. C'était une des rares émotions qu'elle connaissait et reconnaissait chez les autres.

Le jeune mage ouvrit la bouche et hésita un moment avant que le moindre mot ne sorte de sa bouche.

-Nous voulons rentrer.

Sa voix s'étrangla alors qu'elle tentait de poursuivre sa phrase. Mais la question qu'elle voulait poser lui était si dure...
Elle était persuadée de n'avoir fait que le mal autour d'elle et à ses proches. Elle était partie d'elle-même. Les elfes n'aimaient pas que l'on quitte leur forêt.
Elle avait si peur que la réponse soit non...

Après une inspiration douloureuse entrecoupée d'un faible sanglot, il osa enfin.

-Est-ce que j'ai le droit ?

Il avait réussi ! Du haut de ses quelques années, qu'il n'avait pas pris le temps de compter - le narrateur vous informe qu'il en a 8 bien mouchés -, l'enfant galopait dans les ruelles de Thaar. Ce n'étaient pas les plus familières, cela l'effrayait... Un peu. Porté par l'envie, et par l'audace de son geste, le garçonnet n'hésitait pas, demandant aux badauds, s’éclipsant avant que qui que ce soit ne se soit interroger quant à sa jeune présence, ce jeune enfant vêtu de vêtements un peu rudes, mal dégrossis, mais courant avec l'énergie que faisait naître en lui cette aventure.

Brusquement, il se plaqua contre un mur, à la vue de figures familières. Son petit coeur tremblait, il tâcha mine de se fondre dans le mur rugueux... Et le groupe d'adultes aux mines patibulaires passa sans apercevoir la petite silhouette dans l'ombre, qui s'était plaquée les mains sur la bouche, de peur de s'exclamer... De rire ! Il avait réussi, plus rien ne le retenait, il devait être sur le bon chemin ! Dès que les grands eurent disparu un peu plus loin, l'enfant reprit sa course folle, un sourire ravi sur sa figure un peu sale, arborant encore les rondeurs de l'enfance.

Porté par l'impatience, il se faufila entre d'autres grandes personnes qui allaient dans l'autre sens, laissant traîner ses oreilles - oui, oui ils parlaient d'un spectacle ! Ce devait être là -, faisant naître quelques exclamations de surprise sur son passage. Puis, s'extirpant d'entre deux jupes bien amples, le garçonnet, découvrit, oui ! La place, avec les bancs, et surtout, surtout ! La scène !

Qui était vide.

Oh noooooon... ! S'étant arrêté un instant, le garçon s'élança de plus bel. Non, non, il ne pouvait pas avoir tout raté ! Pourquoi faire, les anneaux de métal accrochés ? Qu'avaient joué les musiciens ? Qu'avaient fait les grands elfes ? Où étaient-t... Ah ! Avec un sursaut de joie, le garçon en aperçu. Mais il y avait des gens aussi... Cela ne l'arrêta en rien. Passant sous le nez des gardes sans trembler, slalomant entre les bancs, l'enfant se rapprocha à vitesse grand V de celui qu'il apercevait le mieux. Contourner d'autres adultes, pousser un peu, disparaître aussitôt, poursuivre...

Relevant la tête, l'enfant le découvrit, grand, fort, tout brillant, avec les oreilles pointus, et des vêtements qui montraient beaucoup - on a le droit de faire ça ? -, ce qui laissa l'enfant baba, des étoiles dans les yeux. Grand, si graaaaand... Est-ce que je peux devenir grand comme ça moi aussi ? Il l'espérait. Il se demandait comment l'elfe voyait de là-haut... Il discutait avec une dame... Si le marmot écouta un temps sans s'en mêlant, admirant, regardant le moindre détail avec une grande curiosité, sa patience eut tôt fait de s'épuiser. Sans davantage de retenue, il s'approcha et tira gentiment sur le vêtement de la dame, pour attirer son attention. Si elle le regardait, le grand elfe le regarderait aussi, pas vrai ? Ses mires gris sombre pétillantes, il leur adressa un grand sourire, troué par la chute de deux dents de lait, rayonnant de sa réussite à être là. Son petit torse s'emplit grand, de courage et d'air :

"BONJOUR !" dit-il avec un enthousiasme un peu sonore.

Sa mère lui aurait sans doute dit deux choses : le dire moins fort, et qu'à cette heure, on disait bonsoir. Mais il avait tant couru, et il était si ravi d'avoir réussi. Ce qui en découlerait ne l'intéressait pas encore, il ne pensait à présent qu'au grand elfe de la forêt mystérieuse qui était là. Mais il avait raté le spectacle ! Ou peut-être qu'il y en avait un autre un peu après ? Ou peut-être qu'ils en feraient un nouveau s'il leur demandait gentiment ? Il lui avait dit bonjour !... Et, pendant un instant, il sembla que cela suffisait au bonheur du petit fuyard, qui ne fit rien d'autre que tenir la robe de la femme et de sourire grand à ces deux inconnus, qui illuminaient ce moment de leurs mystères.

Elle voulait rentrer. Elle avait besoin des siens. Aegden n’avait aucune idée de pourquoi ni comment elle apparaissait maintenant, après des années de silence. Mais ce qui était certain en revanche, c’est que maintenant qu’elle était ici, ils ne la laisseraient plus disparaître. Et si les éldéens voulaient la reprendre, qu’ils essaient seulement et ils en paieraient le prix.

A nouveau il s’approcha. Lentement, veillant à ne pas faire le moindre mouvement qui aurait pu effrayer la jeune fille. Au moindre mouvement de recul il se serait arrêté. Elle semblait si fragile. On eut dit qu’une simple brise aurait pu la faire s’envoler. 

-Nous ? Demanda-t-il à mis voix.

Mais elle ne l’entendit peux être pas, et sa question demeura sans réponse pour l’instant.

Elle pleurait. Il ne se souvenait pas avoir déjà vu la moindre émotion sur son visage de poupée. La voir ainsi avait quelque chose de douloureux, alors même qu’il n’avait dû lui parler qu’une seule fois. Son cœur se serra et il passa une main sur son propre visage pour éviter d’éventuelles larmes, puis il plia doucement un genou pour se mettre à sa hauteur. Il aurait posé une main sur son épaule si là non plus il n’avait pas eu peur de l’effrayer.
Rapidement il l'examina d'un coup d’œil. Physiquement elle n'avait pas l'air d'avoir beaucoup changée par rapport à ses souvenirs. Avait-elle eut de la chance dans son malheur? Était-ce un artifice? Il n'en savait rien mais voir qu'elle n'avait pas l'air blessée restait un soulagement.

-Bien sûr que tu as le droit. Rien ni personne n’a le droit de t’en empêcher. Il parlait avec un ton qui se voulait rassurant. On te ramènera chez toi, Ciryië. Je te le promets.

Alors, malgré le choc et la tristesse devant l'était mental de la jeune elfe, il lui offrit un sourire. Un sourire qui voulait dire ‘’Tout va bien. Le cauchemar est terminé.‘’ Il ignorait l’étendu de ce que cette pauvre elfe avait vécu, mais il voulait lui montrer que c’était derrière elle à présent. 

Elle était l'une des leurs, et les Anëdhels ne laissaient jamais l'un des leur sur le côté.

Il ne me laisse pas fuir ces mots, il ne me laisse pas changer de sujet, et après une toute petite résistante que je lui oppose je finis par me laisser faire pour l’écouter, son front contre le mien, ses yeux . Il est doué, il parle bien, et il pourrait me convaincre, mais je suis protégée par mon dieu tutélaire et il nous répète chaque jour que c’est si facile de manipuler qu’on ne peut se laisser convaincre par des mots seuls. Quand il ferme les yeux il commence à dresser mon portrait, il parle de bonté, de notre bonté, et je manque sourire, mais tout est beaucoup trop grave et je reste aussi grave que lui. Je ne veux être convaincue, je ne veux m’élever, je ne veux faire front, je veux juste être… Mais je le comprends, et alors que ses mains continuent de me sonder je prends le risque d’aligner mes pensées sur les siennes. Le risque est nécessaire si je ne veux rien rompre, et Il continue de veiller sur moi. Veiller n’est sûrement pas le bon mot pour un dieu sombre, mais je ne trouve pas celui que je devrais y substituer. Je ne réponds à aucun de ces mots de peur que mon ton ne révèle mes pensées, à part par un sourire et un regard compréhensifs à l’attention du visage depuis peu à ma hauteur.

Il en arrive à leur but à eux, et je n’ai jamais été aussi attentive que ça. Je ne peux même pas affirmer avec certitude attendre une glissade, une erreur, quelque chose sur quoi rebondir, je retrouve simplement cette impatience que j’avais sur le toit, celle qui m’avait fait descendre, celle qui m’exigeait d’apprendre de mon peuple, ou au moins ce qui fut mon peuple. Si j’écoute ce qu’il me partage, je n’y réponds pas, je suis juste poussée à parler de mon expérience de ce qu’il parle, une expérience on ne peut plus limitée mais quelque chose que je chéris depuis longtemps. Ma mère avait suivi mon père qui avait lancé cette migration, et si lui avait ses raisons et peu de regrets, c’était loin d’être le cas pour elle. Je commence d’une petite voix, avec une très légère hésitation. « J’ai entendu beaucoup de choses de l’art chez vous, la sœur de ma mère est danseuse, comme votre ami, même si c’est sûrement moins spectaculaire. » Je souris tristement un instant, mais rien de ce que je dis n’est triste. « Elle l’était quand mes parents l’ont abandonnée là-bas, en tout cas. Enfin, je ne sais pas qui a abandonné qui, mais ma mère en parle encore avec des étoiles plein les yeux. Elle aurait aimé être là, mais elle ne descend pas jusqu’ici. » Je ne peux m’empêcher d’accentuer le mot d’une telle façon qu’il comprendrait le dégoût lié à ce ici. Ce n’est pas le mien, je n’aurais pas exprimé le mien, c’est celui de ma mère, et je n’en partage pas l’intensité. « Je pourrais rencontrer votre ami, après ? » Je demande, alors que je n’ai pas été que fascinée par lui, que rencontrer le danseur aurait une valeur émotionnelle assez forte, je l’aurais bien cherché toute seule mais je ne sais pas où il est passé.

Je sens quelqu’un tirer sur ma robe et m’inquiète un instant avant de tourner la tête vers l’enfant responsable. Vous savez ce que je pense des enfants ? Rien de bien. Mais je suis à ce moment là une jeune elfe pleine de vie, et je ne peux pas penser ça d’un enfant devant les elfes que je suis venue voir. Je ne sursaute pas avec un mouvement de recul quand il s’exclame, je souris simplement. Je détourne mon attention du colosse et plie les genoux pour m’accroupir jusqu’à l’enfant. Je pose une main sur son épaule. « Bonjour ! » Je fais mine de m’exclamer, restant à bas volume, ou plus bas que le sien en tout cas. « Je suis sûr que tu n’es pas venu me voir moi, c’est lui qui t’intéresse ? » Je lève à moitié un index dans la direction de l’elfe. « Petit enfant, je te présente… grand elfe ? » Je ris doucement alors qu’il lève la tête vers le colosse.

Pour tous les compliments qu’elle pouvait faire sur votre prestation, tu remerciais Aegden, car même si des deux tu étais le plus visible, c’était en réalité lui le meneur sur ce tableau. Tu avais proposé, il avait arrangé, il avait composé, et c’est grâce à ses talents de danseur à lui que vous aviez pu proposer quelque chose de véritablement cohésif. Et tu es forcé de te demander… qu’en aurait-il été si le Mainyth n’avait pas été appairé à toi mais à un véritable autre danseur ? À quelqu’un qui n’avait pas ta force excessive, mais en possédait assez pour les réalisations, tout en ayant la précision des véritables maîtres de cet art ? À quel point tous ces gens, et surtout cette elfe, auraient-ils été impressionnés par un spectacle digne de ceux qui se dédiaient entièrement à l’art au sein des Cités d’Anaëh ? En tant qu’elfe, l’idée d’une telle excellence de vos arts te rendait incroyablement fier.

L’étrange personnage ne te laisserait cependant pas le temps de t’y complaire. Elle forçait une fois de plus tes sourcils à se lever dans un geste désolé, alors qu’elle racontait ce qui était presque un double abandon. On l’avait forcée à grandir ici, loin d’une culture dont elle se passionnant de loin sans savoir de quoi il en retournait. On l’avait abandonnée, laissée seule face à l’ersatz de la-dite culture, alors même que l’on en faisait l’apologie en son foyer. Situation douloureuse s’il en est, que celle d’un enfant de parents nostalgiques de terres qu’ils ont fui.

- C’est bien dommage. tu ne rajoutes rien, te relevant, et ramenant tes mains à ses épaules pour l’instant, la laissant renchérir avant de dire quoi que ce soit Oui bien sûr ! Il ne devrait pas être bien loin de l’entrée de l’auberge, derrière nous.

Tes mains la quittent enfin, sentant venir la fin de votre rencontre, et la venue d’une autre. L’interaction qui se brisait dans sa mort servirait de terreau à une nouvelle. Faite outil à l’enfant dans un jeu social qui lui était nouveau, la robe servit de carillon et annonça son arrivée. Elle se retourna vers lui, ton regard suivit, et la bouille du môme s’illumina dans la nuit. Que pouvait-il vouloir ? Tu n’en sais rien, et en réalité tu t’inquiétais de ce que personne ne semblait le suivre ni des pieds ni des yeux. Tu n’y laissas rien paraître pourtant, que l’enfant lui-même ne prenne pas peur, il serait après tout bien malvenu de le faire paniquer sur un malentendu.
Elle est la première à réagir, à se baisser vers lui. Elle fait les présentations, et tu joues le jeu. Face à petit enfant grand elfe se fait plus grand encore. Les poings sur les hanches tu souris, de la même manière que tu le faisais en contant les histoires de vos héros à ton cousin Uirphen. Et lorsque la pose fut tenue assez longtemps, c’est à ton tour de descendre pour lui parler en face à face.

- Bonsoir toi ! tu lui fais signe de la main Tu es venu tout seul ?

- Comme un grand ! il réplique du tac au tac avant de se retirer un instant, comme pris d’une légère culpabilité. Son sourire revient vite malgré tout, et ce qui fut réduit au silence ne tarda pas à être dit Tu es venus ici tout seul toi aussi ? Ou ton papa et ta maman sont là ?

Tu ris. C’était… c’était tellement naïf. C’était tellement naïf, mais ça en disait peut-être long sur sa vie. Après tout, tu avais tout sauf l’air d’un enfant. Peut-être donc était-il habitué à ce que même des adultes d’apparence approchant ton âge côtoient leurs parents. Peut-être ses grands-parents vivaient-ils toujours près de, ou avec sa famille, et possédaient-ils encore une certaine autorité sur ses parents à lui. Tant de potentiels messages en quelques mots…

- Non je ne suis pas venu seul. tu lui rends son large sourire Mais pas avec mon papa et ma maman. Je suis grand depuis très longtemps maintenant. Ça fait longtemps qu’ils ne m’accompagnent plus. et même si tu voulais qu’ils t’accompagnent, ils auraient bien du mal à le faire depuis les terres d’Emeraude Moi je suis venu avec mes amis, ceux qui étaient sur scène avec moi. Alors. Qu’est-ce que tu as pensé du spectacle ?

Ciryië laissa l’officier approcher autant qu’il le souhaitait, elle n’avait pas peur de lui. Elle le suivit du regard alors qu’il posait un genou à terre pour se mettre à son niveau. Les elfes étaient si grands comparés à elle qu’il fallait bien cela… Elle s’empêcha de bouger lorsqu’il vint poser une main sur son épaule. Elle n’aimait pas qu’on la touche mais elle craignait désormais moins le contact venant d’un presque inconnu que d’une personne à laquelle elle tenait. Ses épaules eurent un frémissement nerveux lorsqu’il entra en contact avec son corps, par réflexe… Et parce qu’Aegden n’en devenait que plus réel, de même que ses paroles.

Elle pouvait rentrer… Elle en avait le droit… Ils voulaient bien d’elle. Est-ce que cela voulait dire que Don’dar avait vraiment menti ?

De nouvelles larmes coulèrent sur les joues de la jeune mage et elle ferma les yeux. Aucun sanglots ne vint perturber sans respiration parce qu’aucun air ne pénétrait plus dans ses poumons. Elle rouvrit les yeux après un court moment. Elle inspira de nouveau avec le même hoquet de pleurs que précédemment. Peut-être même plus fort encore.

-Vous devez la ramener aussi. C’est à cause de moi qu’il est venu et qu’il l’a emportée.

Ciryië n’avait pas quitté Anaëh seule… Et jamais elle n’oublierait la Noss qui avait enduré le calvaire par sa faute. A l’interrogation du Commandant, la petite elfe se tourna à demi vers la rue dont elle s’était extirpée. Là se trouvait deux silhouettes dans l’ombre. Celle d’un homme et celle d’une femme. Tous deux comprirent le signal et se dévoilèrent à leur tour aux rayons de la lune. La femme sortit la première et demandant à Zaahrian de rester en retrait encore un peu. Elle s’approcha et s’arrêta à bonne distance. Tout comme son amie, elle portait une robe vaanie mais ses traits étaient ceux d’une elfe aux cheveux blonds attachés en une tresse assez lâche. Sur ses pommettes étaient tatoué le dessin de branches entrelacées trahissant ses origines ornedhelles.
Le regard plein d’espoir, sa poitrine se soulevait au rythme de de ses respirations rendues fortes à cause de l’émotion. Elle parla dans la langue chantante de son peuple, tel qu’elle n’avait plus pu le faire depuis des années parce que personne ne la comprenait…

-Je suis Miresgal du clan des Mithil’Di.

"Je m'appelle pas petit enfant, j'm'appelle Léréon !" avait répondu le môme, tout fier, à la dame.

Centre de l'attention des deux adultes, le garçonnet arborait le plus grand sourire du monde, ayant ri à la manière dont la dame l'avait appelé, et écouté avec intérêt la réponse du grand elfe. Grand depuis longtemps, longtemps comment ? Et son papa et sa maman n'étaient pas inquiets ? Il avait le droit de partir loin de la forêt mystérieuse ? Ou elle n'était pas trop loin ? Ah, mais il était venu avec des amis... ! L'esprit du petit interrogeait la moindre information, et ses yeux suivaient ses réflexions, cherchant les amis en question, avant de revenir au géant accroupi. Il est accompagné, donc il a le droit ! Léréon gloussa à cette pensée. Lui ne l'était pas, mais chut, il s'était débrouillé très bien tout seul ! Mais... Le petit fut soudain peiné, en comprenant le propos de l'elfe.

"Il est fini ? Mais... Mais... J'ai couru vite ! P'pa voulait pas mais moi j'voulais, alors j'ai courru super vite, et pis j'ai trouvé tout seul, j'ai traversé touuuut Thaar Réalité ou exagération par excès d'enthousiasme ? ,  et j'allais vite ! Mais... Je l'ai quand même raté ? Un instant, sa frimousse se chiffonna dangereusement... Avant de s'illuminer tout aussi vite. Mais tu es là ! Tu peux le refaire, hein ? C'était quoi ? Vous avez lancé des couteaux ? Y avait des animaux de la forêt mystérieuse ? Y avait de la magie ? NON ! Vous avez fait voler les gens ?! Les idées fusaient. Les yeux brillants, le petit se trémoussait, regardant tour à tour les deux adultes, cherchant dans leur yeux des réponses aux questions qui, à peine posées, se faisaient voler la vedette par la suivante. Ma tata Sol' elle dit qu'vous enchantez les gens, c'est vrai ? Vous les rendez heureux ?"

Tout en disant cela, il n'avait pas lâché la robe de la dame, qui avait posé une main sur son épaule sans qu'il ne se dérobe. Tata Sol' et son papa disaient d'autres choses, mais le petit ne comprenait pas trop. Et puis, les elfes avaient l'air gentils ! En tout cas, ils l'écoutaient ! Mais maman disait de faire attention... Je suis venu comme un grand ! Je sais ce que je fais ! Le grand elfe était un artiste, c'était certain, mais la dame... ? Elle était elfe aussi !

"Dis madame, tu as fait le spectacle ? dit l'enfant, un doigt interrogatif sur le menton. Un instant, brièvement, il se tut pour réfléchir... Et une nouvelle question surgit, bien différente des précédentes, résultant de son écoute curieuse. Dis monsieur, c'est quoi le mal de l'étérité ? Mon papy y dit qu'il a mal au dos, mais c'est pas pareil, si ?" fit-il, un monde d'interrogation dans ses yeux vifs.

-Non. Pas à cause de toi, Ciryië. Tu n'est absolument pas responsable des horreurs des sombres. 

Il releva les yeux vers celle qui s’approchait. Voilà que c’était au tour de la noss disparue de se montrer. Après un dernier sourire rassurant vers la jeune fille, il se releva et inclina la tête en signe de salutation. Mine de rien, voir les deux disparues d’apparence saine et sauve était un grand soulagement. Il ne doutait pas qu’une fois de retour en Anaëh, le soulagement laissera place à une véritable joie.

-Vous êtes donc restées toutes les deux ? Il eut un petit silence. Hum bon j’imagine que les questions ça attendra un peu. Il posa une main sur sa poitrine avec un air solennel. Heureux de vous savoir en vie toutes les deux dans tout les cas. On va vous ramener chez vous avant même que vous ne vous en rendiez compte.

Il eut l’air de soudain de se rappeler de quelques choses d’important. Il baissa à nouveau les yeux vers la plus petite après avoir eu l’air de vérifier qu’aucune oreille indiscrète ne se trouvait à proximité.

-Au fait, Ciryië, je dois te demander de ne plus m’appeler comme tu l’as fait, d’accord ? Pour vous je m’appelle Aithruïn. Et je suis juste un danseur. Il sourit et puis il se rendit compte que la noss ne devait pas parler un traître mot d'Oliyan et entrepris de lui répéter en elfique.

Et puis il finit par remarquer la troisième silhouette restée en retrait. Il le fixa puis lui fit signe de la main  d’approcher. Il ne connaissait pas ce troisième, mais Ciryië et Miresgal semblaient avec lui. Aegden n’avait tout de même pas envie de se sentir épié par un inconnu alors autant qu’il s’approche et se présente.

L’excitation de Léréon est presque palpable alors que je le sens remuer sous ma main, que j’ôte de son épaule alors que je le crois complètement absorbé par sa conversation avec le colosse. Il parle vite, trop vite, mais j’aurais presque pu me laisser attendrir par sa façon de gérer sa frustration sans en être totalement accablé, et je ne peux me départir de ce sourire que j’arbore depuis qu’il a ouvert la bouche. Je ne me suis pas relevée quand il me pose une nouvelle question qui me surprend un instant. Mais c’est assez logique, pourquoi ne me prendrait-il pas pour une de ces artistes si je partage avec l’athlète peut-être le seul point commun qui compte ? Si en perdant le besoin et l’habitude de me servir de ces oreilles je n’en avais pas perdu le contrôle – sans compter quelques réprimandes – j’aurais certainement récompensé ce regard curieux par un petit mouvement.

« Pas au début, j’étais venue les regarder, exactement comme toi. » Toujours accroupie je lui prends la main accrochée à ma robe autant pour qu’il la lâche que pour le tirer un peu vers moi. Avec un sourire malicieux je me rapproche de son oreilles pour lui souffler quelques mots qui l’exciteraient probablement encore plus. « Et il m’a faite voler. » Je me relève, fière de mon effet, avant de pivoter légèrement loin d’eux. « Mais je te fais confiance pour faire attention à lui, il est sûrement fatigué après tout ce qu’il vient de faire. » Je lui ai lancé un regard par-dessus mon épaule avant de plonger mes yeux dans ceux bleus du géant. La rencontre s’achève avec un petit hochement de tête et ce sourire qui devient moins enfantin, puis je tourne finalement les talons vers l’auberge.

Il y a bien des choses que je continue d’ignorer de ces elfes d’Anaëh, mais je m’assurerais que ce ne soit pas ma dernière rencontre avec eux. J’avais encore besoin de leur aide pour quelque chose d’important.

Après quelques mètres vers l’auberge en question j’aperçois enfin le danseur, faisant face à un petit groupe que je ne pense pas avoir vu plus tôt, mais il y avait beaucoup de monde pendant le spectacle, rien d’exceptionnel. En me rapprochant je me rends compte qu’au moins deux sont des elfes et je résiste à peine à me rapprocher comme si de rien n’était pour écouter ce qu’il se dit. Ce serait idiot d’envahir son espace et de créer une tension non nécessaire alors que je viens tout juste de me promettre de les revoir plus tard. Je me poste à bonne distance de lui pour ne presque rien entendre et comme il me tourne le dos – dont je peux encore légèrement admirer les peintures avec la bien faible luminosité aussi loin de la scène – il n’y a que ceux qui lui font face qui peuvent lui communiquer ma présence.

Le spectacle était magnifique, nul ne pouvait le nier et les danseurs rivalisaient de prouesses dans leurs acrobaties qui enchantaient une majorité des spectateurs assistant à cette représentation rarissime. Une majorité ? Oui, le terme se trouvait bien choisi car plusieurs humains avaient un peu plus tôt tenté de troubler la fête par des insultes ou des jets d'objets divers avant de se voir refouler de la place qui depuis retrouvait sa tranquillité. Mais dans un recoin sombre, une paire d'yeux émeraudes n'avait rien raté de la scène et se fixa avec sévérité sur le petit groupe qui s'éloignait. Pour un peu, tout aurait pu dégénérer et se finir dans une confrontation générale dont les répercussions ne se seraient pas limiter à Thaar. La sage diplomatie des danseurs avait permis de désamorcer la crise pour cette fois, mais ce serait bien mal connaître les humains que de croire qu'ils renonceraient aussi aisément à leurs préjugés raciaux.

Les humains sont d'éternels querelleurs.
L'Oeuvre en a beaucoup souffert par le passé.
Tu en sais quelque chose... Prima Sanguis.

La voix avait prononcé ces deux derniers mots avec un dégoût non dissimulé, comme si elle mâchait un citron pas assez mur. La référence au terme employé par les eldéens pour désigner les héritiers du Linoïn ne pouvait que lui être désagréable, mais il ne se révélait pas anodin. L'amitié entre hommes et elfes constituait peut-être un objectif chimérique malaisé à atteindre, mais à tout le moins pouvait-on limiter leurs penchants haineux par des actions discrètes. Quittant son recoin, le grand elfe s'éloigna sur les traces des querelleurs d'un pas rapide tandis que derrière lui la fête continuait joyeusement dans le meilleur des mondes. La Dame-Sauvage avait rendu son jugement, il lui appartenait d'en être l’exécuteur.

Les ruelles de Thaar se révélaient un véritable labyrinthe ou bien peu d'elfes se seraient retrouvés, mais l'elfe aux yeux d'émeraudes y avait vécu pendant des années et s'y déplaçait comme un natif des lieux. Rattraper Martial et ses derniers compères fut un jeu d'enfant, et les humains qui maugréaient encore des menaces contre ces "ordures de mages envoûteurs bouffeurs de salades" virent soudain un inconnu se dresser devant eux. un inconnu vêtu de sombres, mais dont les traits du visage ne laissaient aucun doute quant à son origine ethnique. A part eux, personne d'autre n'était visible dans cette petite allée qui sentait la pisse croupie, à part un chien galeux fouillant un tas de détritus et qui ne daignait même pas leur accorder un regard.

Encore un elfe ? Tu veux quoi putain d'connard ? gronda Martial qui ne décolérait pas.
Arracher la mauvaise herbe.

La surprise se lut l'espace d'un instant sur le visage buriné du tonnelier avant qu'une lueur de méfiance n'y apparaisse.

Trop tard.

Des doigts de l'elfe jaillirent des éclats d'ombres qui foncèrent dans l'air et vinrent se planter dans le torse velu du tonnelier qui comprit finalement ce que ressentait une barrique lors de mise en perce. Ses dernières pensées alors que la tanneuse et Richak se voyaient abattus par une nouvelle salve furent que les elfes étaient bel et bien des putains d'hypocrites, piètre consolation hélas face aux portes du royaume de Tari. Le visage de son fils apparut dans son esprit mais déjà il lui semblait loin, si loin, comme une image lointaine en haut d'une falaise.

Vérifiant de nouveau que personne n'avait assisté à la scène, Haldren vérifia brièvement que les trois humains soient bien morts, non pas qu'il en ait véritablement douté. Les blessures pourraient aisément faire penser à des coups de dague, et par précaution l'elfe veilla à vider les bourses des morts pour laisser soupçonner une attaque de voleurs. Puis sans un regard pour ses victimes, l'archimage quitta les lieux. Peu lui importait quand on trouverait ces cadavres, à Thaar la vie d'un artisan ne valait pas plus qu'un pet de cheval et la milice se contenterait d'ajouter une ligne à la macabre liste recensant les crimes commis chaque jour dans cette cité corrompue jusqu'à l'os. En tout cas, cela lui assurait que trois imbéciles cesseraient de colporter en ville des ragots hostiles aux elfes.

Quelques rues plus loin et alors qu'il revenait en direction de la place, Haldren jeta les pièces d'argent dans la sébile d'un vieux mendiant qui remercia le ciel pour tant de bonté. En voilà un à tout le moins qui bénirait longtemps les natifs d'Anaëh.

Si ça n’avait pas été de Ciriyë, Zaahrian ne serait pas là. Non, il serait resté tranquillement chez lui à se tenir le plus loin possible des elfes. Étonnant d’ailleurs qu’il en ait autant en ville. Qu’est-ce qu’ils faisaient là ? Après toute la destruction causée par l’un des leurs, ce n’était peut-être pas une super idée de venir ici en visite. Même Zaahrian, qui était pourtant connu comme le héros ayant tué l’elfe, faisait parfois l’objet de commentaires désobligeants. Dans tous les cas, leur présence, bien qu’elle le rendît nerveux, était peut-être la solution à son plus grand problème du moment : comment renvoyer Ciriyë chez elle. Il lui avait promis de le faire, mais ce vœu s’avérait bien plus compliqué à réaliser que prévu. Zaahrian en était arrivé au point où il se préparait à faire la route avec elle et à l’escorter jusqu’en Anaëh. Sachant toutes les difficultés qu’il a eues lors de sa première tentative, l’idée ne l’enchantait pas particulièrement, mais pour sa tante, il était prêt à tout. Il avait fait une promesse, il allait la tenir. Puis, la rumeur de la présence d’une délégation elfe en ville s’était propagée apportant avec elle l’espoir de voir ce souhait se concrétiser. Malheureusement, il fallait encore aller leur parler et, pour être honnête, Zaahrian était plus impressionné par les elfes que par les Drows. Déjà, ils ont un certain nombre de victoires sur ces derniers. Ensuite, il a du sang d’elfe qui coule dans ses veines et, lorsqu’il les a vu danser et enchaîner les acrobaties avec force et souplesse, bien qu’une part de lui se soit dit qu’il pouvait en fait autant, une autre savait trop bien que jamais il ne pourra atteindre cette perfection. Zaahrian n’était qu’un bâtard et, en général, les elfes n’aiment pas les demi-sang. En plus, il était un bâtard qui a tué l’un des leurs, ce qui le plaçait dans le fond de la hiérarchie des gens honorables.

C’est pourquoi il n’avait rien dit. Il n’avait fait qu’observer en silence le spectacle. Quand Ciriyë lui dit qu’elle les connaissait, il sourit en sachant que ça ne suffirait peut-être pas pour cacher son inconfort. Pour une rare fois, il se sentait mieux dans le secret des Ombres et sachant à quel point l’assassin haïssait s’y retrouver, ça en disait long sur comment il pouvait se sentir. Il la laissa prendre les devants lorsqu’elle voulut aller leur parler. Zaahrian était derrière, prêt à… Prêt à quoi, en fait ? Les défendre ? Contre qui ? Dès que l’elfe mâle posa son regard sur sa tante, l’assassin comprit qu’il ne lui ferait pas de mal. On ne pouvait pas feindre un choc pareil. Il sentit son cœur s’alourdir dans sa poitrine, car il savait aussi que le moment de leur séparation était proche. Une fois encore, sa famille se retrouverait éparpillée aux quatre vents, mais les au revoir ne sont pas nécessairement des adieux et ce n’est pas parce qu’il n’avait pas eu la chance de revoir son père que l’histoire se répèterait avec elle. Ciriyë voulait rentrer et seul son bonheur comptait à présent. L’elfe sembla enfin remarquer sa présence et lui fit signe d’approcher. Zaahrian s’exécuta en trainant presque des pieds. Jamais de sa vie il ne s’était senti aussi petit.

« J’ai libéré Ciriyë et Miresgal des mains du drow qui les tenaient captives. J’ai soigné leurs blessures et maintenant… maintenant elles peuvent rentrer à la maison. » Il aurait voulu ajouter qu’il était le fils d’Halandarin Las’Danir, mais il savait que son père avait fait des choses terribles. La dernière chose qu’il voulait c’était d’envenimer la situation.

Léréon n’avait rien à envier à ce qu’était Uirphen durant sa septième décennie. Les enfants étaient décidément tous les même. Ce qu’il advenait d’eux une fois adultes n’en était qu’infiniment plus triste… L’infinie curiosité des jeunes Souffles vous était, à toi et à ton accompagnatrice, infligée par le môme avec l’énergie d’un véritable ouragan. Les questions s’enchaînaient sans vous laisser le temps de répondre, plus incongrues les unes que les autres et surtout plus étranges les unes que les autres.

Qui avait bien pu parler à un enfant humain du mal de l’éternité ? Pas un humain pour sûr. Le mal de l’éternité ne leur était probablement pas un concept assez familier pour qu’ils prennent le temps de l’expliquer à leur descendance. Et qui entamerait ce genre de sombres discussions avec un enfant en si bas âge sans que ce ne soit nécessaire ? Tu étais interloqué, ton front s’était légèrement plissé, mais ta camarade du soir en prenant la parole durant ton silence surpris t’avait heureusement tiré de cette rêverie. Tu lui rendais son au-revoir en même temps qu’un silencieux merci, et puis ton attention  retournait sur le petit.

- Elle a raison tu sais. tu tends ton bras devant lui, lui désignant ton biceps Tu vois ça ? tu lui désignes la veine courant sur ton biceps et celles maintenant apparentes sur ton avant-bras Quand celles-là ressortent, c’est que les gens sont très fatigués. tu lui offres un sourire triste Du coup je ne peux pas le refaire malheureusement. En plus j’aurais eu besoin de mes amis pour ça, et eux sont déjà allés se préparer à partir. tes yeux pétillent à nouveau Par contre ! Je peux t’expliquer ce qu’on a fait, et répondre à toutes tes questions si tu veux !

Tu lui tends des mains aux doigts légèrement recroquevillés, lui intimant d’un appel au départ silencieux à y poser les siennes.

- Allez, accroche-toi !

De minuscules paumes viennent rejoindre tes gigantesques paluches. Tes doigts s’ourlent avec douceur autour d’elles jusqu’à lui dévorer les poignets, et tu le soulèves.

- Attention !

Tu le déposes sur tes épaules, tes mains venant par sécurité se saisir maintenant de ses jambes, alors que lui trouvait appui sur ta tête. Et tu entames ton chemin. Tu t’éloignes du reste des curieux, et comme conscients du moment que tu partages avec l’enfant, aucun  d’entre eux n’ose te suivre de plus près. Les yeux toujours écarquillés, et te semblant excité comme tout, l’enfant posait l’œil sur le monde d’aussi haut que ses jambes ne le lui permettraient jamais seules.

- Alors, il n’y avait ni animaux, ni couteaux, ni magie dans notre spectacle. Il y avait de la danse et de la musique. tu désignes les poutres toujours présentes aux quatre coins de la scène Tu vois ces barres, je m’y accroche avec les mains et je… attends, je vais te montrer.

Tu déposes l’enfant au sol à contrecœur, mais la satisfaction de voir son regard s’allumer quand tu prends la position du drapeau le vaut bien.

- Et tu vois, comme ça je peux faire semblant de marcher dans n’importe quel sens ! tu fais démonstration rapide de chaque chose dont tu lui parles Je peux monter, je peux descendre et normalement au bout d’un moment j’ai mon ami qui vient danser debout sur mon ventre… ou sur mes pieds ! tu souffles un instant, remettant les pieds au sol, avant de faire signe à l’enfant d’approcher Tiens ! Tu peux essayer de faire pareil que lui si tu veux ! Je ne monterai pas trop haut pour que tu ne te fasses pas mal.

De ton côté, tu ne pouvais pas dire que ton corps appréciait particulièrement d'être à nouveau sollicité, mais c'était pour la bonne cause, et l'exercice ne fait jamais de mal.

Même si Aegden n'avait pas si vite tourner son attention vers la Noss, Macabre n'aurait pas su quoi lui répondre et resta interdite tandis que les mots s'échangeaient à présent en elfique. Ils ne la tenaient pas pour responsable ?... Mais... Comment ?... Elle appartenait à Don'dar, il était normal qu'il finisse par la réclamer. Il savait que ce jour viendrait et avait préféré l'attendre plutôt que d'aller à sa rencontre. Et lorsque le moment fut venu, son maître avait fait une victime de plus... Si elle était retourné auprès de lui comme il le lui avait ordonné, rien de tout ceci ne serait arrivé... Il n'y aurait eu qu'elle pour pâtir de sa situation. Elle et personne d'autre.

Entendre sa langue dans la bouche d'un autre procura bien plus de soulagement à Miresgal que le sens des mots eux-mêmes. A eux seuls, ils représentaient la promesse de la fin de leur calvaire. Si Zaahrian avait tant fait pour elles, toute cette mésaventure ne pourrait véritablement se clore qu'avec son retour dans son clan, parmi les siens. Avoir un Anedhel devant elle était tel un immense rayon de soleil dans la nuit à ses yeux et elle eut -elle aussi- quelques larmes qui trahirent sa joie. Elle s'approcha davantage, d'un pas bien plus rapide que le précédent. Elle dépassa Ciryië et se jeta au coup d'Aegden dans un sanglot, incapable de retenir son geste.

-Merci... Souffla-t-elle à l'oreille de celui qui lui apparaissait comme leur ultime sauveur.

Elle ne laissa pas cette étreinte durer plus longtemps que nécessaire avant de reculer pour se poster aux côtés de celle qui avait si longtemps été sa voisine de cellule. Elle appliqua ses doigts derrière son épaule l'espace d'une seconde avant de retirer sa main.

-Oui, nous étions ensemble. Elle m'a sauvée à bien des égards mais ses souffrances ont été bien pires que les miennes. Je ne connais pas bien les institutions Taledhels mais elle a besoin qu'on l'aide.

Tandis qu'ils parlaient sans qu'elle ne comprenne un traître mot de ce qu'il se disait, la petite elfe regardait les anedhels avec son visage inexpressif. Aegden n'avait eu qu'un aperçu des conséquences des traitements qu'elle avait subi avant son arrivée en Anaëh. Ses tourments avaient été bien différents cette fois et elle en gardait toujours les stigmates en elle. Il ne s'agissait pas de blessures physiques mais de quelque chose de bien pire encore...

Le Commandant leur transmit des consignes, leur donnant un nom par lequel l'appeler ainsi qu'une profession correspondant à sa fausse identité. Miresgal se contenta d'acquiescer mais Ciryië pencha la tête sur le côté. Ses larmes avaient cessé et elle avait retrouvé ses traits habituels.

-Je n'arriverai jamais à le prononcer... Dit-elle en réaction au prénom qu'il lui avait donné.

La Noss étira un sourire attendri et amusé, preuve qu'elle comprenait un peu l'Olyian. Elle ne connaissait pas tous les mots de la phrase qu'elle venait d'entendre mais elle avait compris l'idée générale.

-Je aider à toi à dire ça. Lui promit-elle avec un accent déplorable.

Ciryië releva le regard vers Miresgal avant de se tourner vers Zaahrian qui venait d'apparaître derrière les deux femmes. Il résuma très brièvement ce qu'il avait fait pour elles. La Noss trouvait cela très léger de se cantonner à leur libération et à leurs soins mais elle aurait tout le loisir d'entrer dans les détails de l'aide qu'il leur avait apporté plus tard. Elle préféra laisser le soin à "Aitrhuin" de lui répondre d'abord.

Les propos de l'elfe sur le départ avaient laissé l'enfant encore plus émerveillé - oui, cela est possible -, oubliant quelque peu la nuance apporter pour se focaliser seulement sur cette perspective : les elfes savent voler. Ce fut autour du grand elfe de nuancer encore : oui, le spectacle était terminé, oui, il était fatigué... Léréon hésita, sentant presque venir une déception. La réalité fut tout autre, et le petit d'homme n'eut de cesse de sourire et de rire sur les épaules de l'éternel. Grand, si grand, plus grand que son p'pa, plus grand que tous les autres ! Le petit levait les bras comme s'il pouvait lui-même s'envoler. Il n'était jamais qu'installé sur les épaules de quelqu'un de grand, mais cela lui suffisait. S'élever ainsi avait fait bondir son petit coeur, et sa frimousse rieuse jetait des regards curieux en tout sens, se trémoussant entre les grandes pognes de l'elfe.

De retour sur terre, il n'avait d'yeux et d'oreilles que pour ce dernier, son être emporté par la joie d'une telle attention, d'un être si incroyable. S'il fut quelque peu perplexe devant la démonstration de force, l'idée de 'marcher dans n'importe quel sens' l'amusa beaucoup plus, ce qui l'amena à n'écouter que d'une oreille la proposition qui lui était faite, son esprit s'emparrant d'une autre idée.

"Attends, attends ! J'veux marcher aussi comme ça !" fit-il, s'approchant prestement d'une barre libre.

Ayant observer l'elfe en action, il plaça ses mimines de la même manière. Comment faisait le géant ? Loin d'imaginer tous les efforts nécessaires pour atteindre pareille capacité physique, le marmot fit ce qui lui vint le plus naturellement du monde : il sautilla, tout en se tenant à la barre, son faciès rosissant sous l'effort et la concentration. Ses godillots usés claquaient sur la scène, sans que l'enfant ne s'élève bien haut ni ne reste à l'horizontal. Rapidement, Léréon se rendit compte que le résultat était loin de celui attendu, et il lâcha la barre pour revenir aussitôt près de l'elfe.

"Dis, ça n'a pas marché, comment tu fais ? dit-il avec de grands yeux interrogatifs. C'est la musique qui est magique ? Mon papa il a jamais fait ça, alors qu'il est tout musclé aussi... Le fuyard jeta un rapide regard à la ronde et fut soulagé de ne pas y trouver l'intéressé. Puis, il se rapprocha encore du grand elfe, nullement intimidé par sa stature. Après tout, il venait de le faire voler ! Dis, je peux te donner un secret ? dit-il en chuchotant. Mais il ne doutait pas que l'elfe serait d'accord. Mon Papa il voulait pas que je vienne, mais je suis venu quand même... Il dis que les elfes sont méchants, qu'ils nous aiment pas et qu'ils sont hypozites... Cela dit sans méchanceté, l'enfant ne saisissant pas toutes les nuances des propos rapportés. Dis, si tu le vois, tu pourras me cacher ? Il a une grooosse moustache et il est très musclé... L'enfant poursuivit son descriptif avec moult détails qui, quoiqu'un peu chaotiques, dessinèrent une figure ressemblant étrangement à l'un des gaillards ayant semé la zizanie plus tôt. Il est beaucoup en colère en ce moment. Mais t'en fais pas ! Je lui dirai que vous êtes gentils !"

Cela dit avec un grand sourire, certain de ce fait. Puis, l'enfant se trémoussa un peu, comme pris d'un soudain excès de timidité, se rappelant certaines choses que son premier élan d'enthousiasme avait négligé.

"Je peux voler encore ? S'il te plaaaait..."

Je sais qu’il se passe quelque chose et je serre les dents en me maudissant légèrement. Ils ne m’ont toujours pas remarqué mais plus de mots ont été prononcés et l’une des silhouettes s’est jetée au cou du danseur, et j’ai tout l’impression de voir une occasion de comprendre qui ils étaient s’envoler. Ils ne font certainement pas partie de la procession que je surveille mais cette familiarité me fait douter de tout, des doutes dont je me serais bien passée. Mais je ne peux plus reculer devant la situation, quelqu’un quelque part exige ça de moi, et si j’ai beaucoup trop l’impression de m’approcher de quelque chose que je ne suis pas encore prête à confronter, je ne sais pas encore si j’ai le temps de repousser le moment. Je ferme les yeux un instant pour repousser ces doutes et me convaincre qu’il faut que je retrouve mes intentions initiales, que je joue le jeu de la spectatrice qui veut rencontrer les artistes, que je ne saute pas les étapes en cherchant des conclusions, que j’ouvre simplement les yeux et oreilles et note tout dans mon esprit pour trier ensuite.

Quand j’ouvre les yeux, je ne suis plus qu’une idiote qui reste plantée là, trop hésitante, incapable de héler le danseur. Une idiote qui maudit son esprit resté figé par les pensées qui y tournent et se dit que ce que Léréon a fait quelques instants plus tôt devrait être si simple. Mais cette instinctivité je l’ai perdue il y a bien longtemps, comme lui la perdrait probablement en grandissant. Et je me rends compte à cet instant là que je suis encore en train de m’enfermer dans des pensées, des pensées qui avaient pour objectif de me libérer d’autres pensées et qui à la place m’y enfermaient un peu plus loin. Je les abandonne toutes et reprends ma marche en avant, vers le groupe, quoiqu’ils pensent de mon approche, en faisant bien soin de ne pas user de ma discrétion habituelle.

« Aithruïn ? » Je fais confiance aux présentations du colosse et appelle le danseur par son nom. L’accent est impeccablement elfique alors que je n’ai jamais rechigné à apprendre ce langage et à l’utiliser le plus possible avec le peu d’elfes que je connais en dehors de ma famille. J’affiche un froncement de sourcils en interrogeant le danseur qui s’est retourné à mon appel. « J’espère que je n’ai pas confondu vos noms… toute cette excitation… » Mais une fois cette préoccupation exprimée je n’ai plus que mon admiration à partager et un grand sourire marque mes traits alors que mon regard se met à pétiller en cherchant le sien. Je lance un mouvement pour lui attraper une main – celle présentée à la femme qu’il avait fait danser pendant le spectacle – que je compte emprisonner entre les deux miennes. « C’était exceptionnel, je n’ai jamais vu ça à Thaar, merci, merci d’être venus. C’était vraiment comme ce qu’on m’a raconté… » Si je ne me départis pas de mon expression je reste légèrement pensive.

Il ne s’était pas attendu le moins du monde à ce que la noss se jette à son cou comme elle le fit, et la surprise passé, il lui offrit une tape amicale dans le dos avant qu’elle ne recule.  C’était une agréable sensation que de voir autant de joie de la part de quelqu’un qui avait dû vivre l’enfer. C'était comme un rayon de soleil chassant les nuages de pluie.

-Elle recevra l’aide dont elle aura besoin. Il hocha la tête. Comme elle devait déjà la recevoir avant.

Et puis il avait légèrement sourit d’amusement à l’entente de la phrase de la noss envers sa compagne d’infortune. Visiblement il n’était pas le seul à être incapable de se défaire de l’accent d’Anaëh, quand bien même avait-il, lui, apprit la langue vaanie.

Enfin, le dernier inconnu s’était approché. Il avait l’air de vouloir se trouver absolument partout tant que ce n’était pas ici, mais Aegden haussa mentalement les épaules devant cette observation.

-Hé bien j’imagine qu’on vous doit énormément.Et comment doit-on appeler leur bienfaiteur ?

C’était un peu étrange de demander le nom de quelqu’un alors qu’on venait soit même de donner un faux nom. S’il mentait, comment être sûr que son interlocuteur ne ferait pas de même ? D’un autre côté, il s’en fichait un peu tant qu’il pouvait mettre un nom sur son visage…

Et puis soudain c’est son propre surnom qu’il entendit dans son dos, interrompant le début de discussion qui s’était créé. La  femme qui l’avait appelé avait un accent elfique irréprochable qui l’intrigua surement autant que la voix qu’il ne reconnaissait pas

Il lança un regard désolé au trois autres, il l’aurait bien ignoré cet appel s’il avait pu. Mais s’il devait jouer la comédie, il était bien obligé de se montrer aimable avec les divers curieux… Alors il s’était tourné vers la voix. De trois quart seulement, comme pour faire comprendre aux autres elfes que leur conversation n’était clairement pas terminée, simplement en suspens le temps que la curieuse parle.

-Merci. Je ne sais pas ce qu’on vous a raconté mais ça nous fait tous chaud au cœur de voir un tel accueil.

Il lui offrit un sourire qui se voulait le plus sincère possible. Pourtant, il ne savait si c’était dû au fait que la jeune femme serrait sa main dans la sienne sans vouloir jamais la lâcher, son air pensif, où le fait qu’elle interrompait quelque chose de bien plus important, mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir un léger malaise.

Il devint vite apparent que l’idée de se mettre à la place d’Aegden n’avait pour cette fois rien de particulièrement excitant aux yeux de l’enfant. Du moins était-elle moins excitante que celle de se mettre à taplace. Le voyant s’écarter vers une des barres restantes tu souris, et tu te retiens d’éclater de rire lorsque petit saut après petit saut, il constate l’inefficacité de ses efforts. Tu te rapproches d’un pas, prêt à l’aider à trouver ses marques dans l’exercice avant de constater avec amusement qu’il était déjà passé à autre chose.

- C'est la musique qui est magique ? Mon papa il a jamais fait ça, alors qu'il est tout musclé aussi...

- Non, la musique n’est pas magique. En plus, tu entends bien qu’il n’y a plus de musique ! tu ris Le secret pour faire ça, c’est que non seulement il faut être très très fort… tu contractes un biceps pour l’exemple mais en plus, il faut prendre le temps d’apprendre la technique. Je suis sûr que ton papa pourrait le faire avec un peu d’entraînement !

« Un peu » d’entraînement. Tout dépendait de la condition physique de départ de l’intéressé, et de s’il avait le sens de l’équilibre ! Restait maintenant à espérer que l’enfant passe à autre chose avant que l’idée ne lui vienne de te demander d’enseigner la technique du drapeau à son père. Mais au vu de la manière dont les choses s’étaient engagées, tu ne doutais pas que ce soit le cas.
Le secret vint confirmer tes pensées. Le ton de la discussion venait encore de soudainement changer, et au départ, tu n’aurais pas pu plus t’en amuser. Tu te baisses, tendant littéralement l’oreille vers lui… pour y accueillir des mots finalement bien inquiétants. Tu souris malgré tout, le regard quelques peu attristé. Elle est adorable la naïveté des enfants, mais elle est aussi incroyablement dangereuse. Pour eux avant tout. L’enfant décrit son père avec une précision –malgré des détours constants – assez déconcertante, et tu te rends compte que son père, tu le connais. Du moins, tu ne le connais pas mais tu l’as vu. Tu as vu à quoi ressemble sa colère. Tu as vu sa colère contenue par la présence de congénères moins enclins à y céder et d’une garde sur le qui-vive… mais à cause de ça il était parti. Qui sait comment les choses se passeraient une fois qu’il se trouverait libre d’exploser ? Qui sait comment il réagirait après être rentré chez lui et après avoir découvert que son fils n’y était plus ? Au point où vous en étiez, tu ne pouvais définitivement plus te permettre de laisser cet enfant seul face à la suite des événements. Après tout, s’il se trouvait dans cette situation, c’était en grande partie ta faute.

- C’est d’accord ! tu confies avec entrain S’il arrive, je te cache ! Mais c’est bien parce que ce côté c’est celui de ma scène ! Par contre, une fois que j’ai répondu à toutes tes questions, je te raccompagne chez toi et si ton père est en colère, ce sera à ton tour de me cacher ! tu lui tends à nouveau les mains Mais en attendant, allez, tu retournes en haut !

Il te donne ses mains une fois de plus sans la moindre hésitation, et avec plus d’excitation encore que la première fois. Et de ton côté d’ailleurs, tu lui donnes de quoi s’exciter plus que la fois précédente. Plutôt que de seulement le poser sur tes épaules, tu le lances en l’air, à une hauteur bien plus raisonnable que ce que tu ferais avec Aegden cependant, et tu le rattrapes par sous les aisselles. Maintenant qu’il venait de faire son baptême de l’air, il pouvait retrouver sa place sur tes épaules.

- Alors. tu recommences à te promener autour de la scène avec Léréon sur le dos Oui, on rend les gens heureux, du moins on essaie, ça ne marche pas toujours tu ris doucement mais tu diras à ta tata Sol’ que jusque-là, on n’a encore enchanté personne. Pas avec de la magie du moins ! la suite, tu hésitais à la manière d’y répondre, incertain de comment formuler la chose pour ne pas l’alarmer, tout en acceptant de lui donner la satisfaction d’une réponse Et pour le mal de l’éternité… c’est quelque chose ne fonctionne que pour les elfes. tu réfléchis un instant Tu sais, nous les elfes, on grandit très très très lentement, mais une fois qu’on est grand, et bien on ne devient jamais des papy ! Moi par exemple, je suis beaucoup beaucoup beaucoup plus vieux que ton papy ! J’ai presque 700 ans ! tu manques de soupirer… déjà plus de sept siècles… c’est fou comme les temps passent vite Chez nous les elfes, ce n’est pas le temps qui fait qu’on devient des papy. C’est l’ennui. Tu t’es déjà ennuyé j’imagine ? Tu as vu comme on est tout lourd quand on s’ennuie ? tu lui laisses un bout de temps pour répondre Et bien chez nous, quand les grands s’ennuient beaucoup, ils deviennent tellement lourds qu’ils commencent à avoir mal au dos. Comme ton papy. C’est ça le mal de l’éternité.

Miresgal eut un sourire satisfait à la réponse du Taledhel. Non pas qu'elle en doutait mais elle avait besoin de s'assurer que celle à qui elle devait d'avoir pu conserver son esprit serait prise en charge comme il se le devait. Cependant, elle savait que la route resterai longue pour la petite elfe. Elle devrait probablement se charger d'expliquer elle-même ce que sa compagne d'infortune avait enduré. Elle n'avait certes pas vécu la même chose mais elle avait été témoin des capacités et des manipulations de Don'dar. Elle avait observé et écouté Ciryië durant les mois qu'elle avait passé chez Zaahrian. Elle avait une bonne idée de ce qu'il lui avait fait... Ce serait un bon début, même si elle ignorait comment il était désormais possible de l'aider. Il faudrait de la magie de l'esprit mais c'était justement cette magie qui lui avait fait tout cela. Et c'était la seule douleur qu'elle ne supportait pas...

Tandis que le danseur se tournait vers le demi-elfe, Miresgal vit approcher quelqu'un derrière lui. Elle n'eut que le temps d'afficher une réaction de surprise contenue avant que la femme ne prenne la parole, attirant l'attention de leur ultime sauveur. Pourquoi avait-il fallu qu'une groupie s’immisce dans une conversation déjà en cours ?! C'était impoli et plutôt perturbant vu le moment qu'elle avait choisi pour apparaître. La Noss hocha la tête en direction du Taledhel lorsqu'il leur adressa un regard désolé puis elle garda le silence. Tandis que leur discussion futile s'engageait, l'ornedhel ressentit le froid sur ses pieds... Une sensation qu'elle commençait à connaître. Ciryië aussi était mal à l'aise et voulait les faire disparaître toutes les deux ainsi que son neveu. Mais Miresgal ne voulait pas. Pas maintenant qu'elles avaient retrouvé l'un des leurs. Pas maintenant qu'elles avaient un moyen de rentrer. Alors, se tournant vers elle et invitant la petite elfe à faire de même pour lui faire face, elle s'accroupit pour se mettre à sa hauteur. Elle lui saisit les bras délicatement et plongea son regard dans le sien.

-Non... S'il te plaît, non...

Ciryië suspendit son sort qui n'était encore qu'une ombre très fugace au niveau de leurs pieds, un simple défaut dans l'éclairage environnant qu'il faudrait chercher pour pouvoir le distinguer. Elle eut une hésitation qui ne se traduisit que par quelques battements de cils. Elle ne voulait pas rester là et la Noss savait pourquoi. Techniquement, c'était toujours une esclave. Elle n'était libre que parce que son maître était mort. Il avait été assassiné pour cela... Et cela ne changeait rien à son statut pour autant. Cette apparition lui était dérangeante et elle ne pouvait que s'en méfier. Cependant, Miresgal insista par son regard et, finalement, le froid disparut de même que l'ombre que aurait dû les emporter.
Elle restait... Mais elle n'en resterait pas moins mal à l'aise et sur ses gardes. Pour peu que l'on puisse lire quoi que ce soit sur son visage de marbre.

-Merci...

L'enfant avait ri à l'idée d'avoir à cacher le grand elfe. Cependant, cette pensée ne fut rien par rapport à la sensation de voler ! Le coeur dans les étoiles, riant jusqu'aux cieux, le petit retrouva les épaules du géant avec un sourire à en attendrir les pierres. Il avait volééééé ! Son petit corps se trémoussait de joie sur les larges épaules, et il fallut quelques phrases avant qu'il ne prête vraiment attention à ce que disait son grand ami. Puis, quand il réalisa de quoi il était question, il ne fut plus qu'attention... Pour regarder, avec des yeux ronds, la touffe de cheveux qui lui chatouillait le menton, sous laquelle se trouvait le visage de l'elfe.

"T'es tout vieux ! clama-t-il avec une surprise innocente. Mais... Sep-Step... Sep - sang ? Ca fait beaucoup plus que mon papy ? Il n'avait pas la réponse, aussi continua-t-il. Mais t'as pas l'air vieux comme papy... Lui il a mal au dos parce qu'il est vieux, mais toi tu l'es pas vraiment, alors pourquoi ça te ferait mal comme un mal de dos ? D'excité comme une puce, le petit n'était à présent plus que concentration et réflexion, au sujet de quelque chose qui le dépassait. Je comprend paaaas... Si vous rendez les gens heureux, pourquoi vous vous ennuyez ? Et puis, si vous vous ennuyez, pourquoi vous faites pas autre chose ? Se penchant, il s'appuya sans plus de cérémonie sur la tête de celui qui le portait. Puis comment tu t'ennuis ? Moi, maman veut que je joue avec mes frangines, et que je les garde ! Même si j'ai pas envie. Et pis y a les corvées, et pis je l'aide, pis on mange, pis on dort... Je m'ennuie jamais ! Même que Gid' vient m'aider, et puis on joue au garde et au voleur, et maman nous dit d'arrêter de lancer les patates à travers la maison. Le petit pouffa à ce souvenir... Avant d'avoir une révélation, et de demander, avec curiosité. Dis, t'es tout vieux mais je t'ai jamais vu. Comment ça se fait ? T'étais caché ? Le petit s'agita encore. Nooooon ! T'as joué à cache-cache pendant tout ce temps ?"

S'il avait pu lever la tête pour voir la frimousse de Léréon, le grand elfe aurait découvert des yeux grands ouverts de curiosité, et un sourire de polisson, peinant à imaginer l'idée : est-ce que les elfes jouent à cache-cache pendant trèèèèèès longtemps ? Quoique, c'était peut-être pour ça qu'ils s'ennuyaient... Il faut que le chat soit très mauvais pour ne pas trouver les ceux qui sont cachés pendant aussi longtemps...

« Je m’appelle Zaahrian… Zaahrian Las’danir. » Voilà l’héritage laissé par son père, ça et les cheveux blonds, sa grande taille et une propension aux décisions douteuses et lourdes de conséquences. La pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre à ce qu’on dit. « J’ai seulement fait ce que j’avais à faire. Ciriyë et moi sommes liés par le sang. Je ne pouvais pas laisser une parente en difficulté… » Il l’avait dit plusieurs fois. Jamais il n’aurait laissé Ciriyë entre les mains de cet homme. Aujourd’hui, il était mort, mais il avait encore une certaine emprise sur elle. Les drows, mais aussi les étrangers provoquaient toujours chez elle des réflexes de sauvegarde. Dans son cas, elle disparaissait dans les ombres sans qu’on puisse la retenir. C’est d’ailleurs ce qui faillit arriver lorsqu’une spectatrice s’approcha pour féliciter l’elfe de sa performance. Zaahrian la vit se replier sur elle-même, prête à s’effacer. L’assassin allait la retenir, mais l’intervention de Miresgal réussit à calmer sa tante avant qu’elle ne disparaisse complètement. L’assassin lui adressa un sourire encourageant. « Je suis fier de toi. » Lui dit-il sans détour. Il se faisait un devoir de l’encourager à chacune de ses petites victoires en inébranlable optimiste qu’il était. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, il était loin de l’être. Lui aussi avait connu sa traversée du désert.

Son sourire s’effaça lorsqu’il rapporta son attention sur l’elfe. Effectivement, il n’avait pas envie d’être ici, mais Zaahrian était fier et il n’allait pas courber l’échine. « Il vous reste combien temps avant votre retour en Anaëh? » Il se doutait qu’ils ne partiraient pas le soir même, mais l’heure des adieux était peut-être plus près qu’il ne le voudrait. Zaahrian souhaitait préparer un petit quelque chose avant le départ. Pas une fête, car Ciriyë ne supporterait pas, mais plutôt leur trouver un petit cadeau, un souvenir avant la séparation.

Je sens un petit malaise dans le petit groupe avec mon apparition, comme si je dérange. Quelque chose se passe parmi eux mais je reste concentré sur Aithruïn qui semble le moins affecté pour ne pas sembler trop curieuse à propos de quelqu’un que je n’avais pas vu sur scène. Après tout, vu le côté grandiose du spectacle, il aurait tort de penser qu’aucun spectateur ne viendrait le voir. Je lui lâche tout de même la main et réponds à ses remerciements de mes remerciements d’une voix enjouée. « J’en parlais avec Noruì un instant plus tôt – c’est lui qui m’a dit où vous deviez être, et j’ai eu peur de ne pas vous retrouver – mes parents viennent d’Anaëh et une des deux sœurs de ma mère dansait comme vous. Enfin, elle doit encore danser, sûrement, peut-être même que vous la connaissez ! » Je souris en imaginant la possibilité, ce serait une sacrée coïncidence.

Des mots que je n’entends pas sont murmurés puis le plus grand des trois elfes qui n’étaient peut-être pas d’Anaëh déclare être fier de la plus petite pour quelque chose qui m’échappe. Mais je ne m’y attarde pas pour le plus naturellement possible renchérir avec une pointe de regret. « J’aurais bien voulu voir votre danse avec la spectatrice mais votre haut ami m’a un peu trop secouée à ce moment-là. » Je ris doucement en baissant la tête pour regarder mes pieds un instant. Je la relève et ose un nouveau sourire. « Peut-être une prochaine fois ? J’espère. » Et je l’espère vraiment.

Puis le même elfe que j’ai entendu profite d’un silence éventuel pour poser une question à Aithruïn par rapport au temps qu’il leur reste et je ne peux m’empêcher d’intervenir et de rebondir sur la question. « Vous partez déjà ? J’espérais voir d’autres spectacles comme celui-ci… » Puis je me rends compte que ce malaise n’est peut-être que né de mon impatience et impolitesse et je me tourne enfin vers les trois elfes. « Excusez moi, je peux m’en aller si vous le souhaitez, toute cette excitat… Vous avez vu le spectacle ? » La question fuse un peu trop vite au moment où ironiquement je propose de m’écarter et de quitter l’endroit. « Désolé, je suis vraiment trop excitée, pas vrai ? » Je me suis tournée vers le danseur encore une fois, attendant qu’il me le confirme pour peut-être m’en aller s’il le souhaitait.

-Qui sait ? Peux être que je l’ai croisé. Mais ça serait un heureux hasard. Il haussa les épaules.

Il avait remarqué que quelque chose ne tournais pas rond lorsque la noss se pencha  vers la petite elfe, puis lorsque que celui qui s’était présenté comme parent de Ciryië, avait à son tour parlé à la jeune fille.

Il arracha difficilement son regard de la petite elfe pour reporter la moitié de son attention sur la dernière arrivante. Il était conscient que son propre  comportement ne paraissait pas tout a fait normal. Il essayait tout de même de rester naturel.

C’est Zaahrian qui reprit ensuite la parole pour lui demander quand ils comptaient partir. Aegden n’eut pas le loisir de répondre que la spectatrice renchéri aussitôt. Il retint un soupir. Bon je veux bien répondre mais il faudrait me laisser le temps aussi… Se dit il.  A la place il offrit un sourire contrit.

-Oui, ce fut une expérience très gratifiante, mais on doit rentrer chez nous. Il s’adressa ensuite à nouveau au trois autres. Nous repartons dans le début de l’ennéade prochaine.

Le plus tôt serait sans doute le mieux, ne pouvait-il pas s’empêcher de penser. Ne pas avoir à mentir, ne pas avoir à constamment à se cacher derrière quelqu’un qui n’était pas tout à fait lui. Ne pas avoir à redouter le moindre passant. Dieux qu’Anaëh lui manquait...

-Je dois vous avouer Heri que j’ai rarement fait face à des spectateurs aussi enthousiastes que vous. Il passa sa main dans ses cheveux avec un air un peu embêté. Et soudain il eut faussement l’air de se rendre compte de quelque chose. J’y pense peux être que vous voulez remercier nos musiciens et notre mage de lumière ? Ils sont rentrés je crois, mais qui sais vous pourrez peux être les croiser ? Eux aussi seront surement contents de savoir que le spectacle vous a plus .

Et même si la manœuvre avait un tout autre but, il était tout de même vrai que leur trois camarades méritaient tout autant l’admiration de la foule. Sans eux leur représentation n’aurait pas été aussi belle.