[La prime justice] Etape 5 : Retenter sa chance | Les chasseurs de prime

25ème jour de Karfias
An 17:XI

Cimetière pour gens aisés aux alentours de Thaar


-J'en ai assez d'attendre... Tu es sûre qu'il vont venir ?

Habraen venait de passer des ennéades enfermées dans une maison aux volets fermés puis des heures dans un tunnel pour finir par aller se terrer dans un cimetière lugubre. Vous parlez d'une sinécure ! Certes, ils avaient bien aménagé le riche caveau dans lequel ils avaient établi leur campement mais la compagnie n'était... pas des plus chaleureuse. Ils étaient là depuis des jours, ils s'étaient préparés à recevoir le groupe qui était à leur poursuite et il ne s'était toujours rien passé jusque là.

-C'est à croire qu'elle est pas aussi douée qu'on le pensait. Vous l'avez mise hors d'état sans problème et elle a toujours pas retrouvé notre piste apparemment.

Le frangin commençait à se dire que les rumeurs sur le compte de Sirène étaient faussées. Ils l'avaient vaincue très facilement et avaient pu s'enfuir sans même être poursuivis. Ils étaient prêts depuis des jours et toujours aucun signe d'eux à l'horizon. Mais sa sœur ne l'écoutait pas. Elle avait perçu quelque chose... C'était lointain et fugace mais elle reconnaissait le Souffle qui effleurait sa perception.
Un sourire carnassier se dessina sur son visage tandis qu'elle relevait la tête vers son aîné qui tournait en rond dans le caveau.

-Ils sont là.

Elle n'en percevait qu'un mais il y avait fort à parier qu'il n'était pas venu seul. Les deux autres devaient se cacher tandis que celui-là faisaient diversion. Ce n'était pas grave... Ils avaient de quoi les recevoir.
Sans rien ajouter, elle se leva et sortit, se dirigeant vers l'esprit qu'elle sentait de plus en plus proche. Elle s'arrêta à une vingtaine de mètres du caveau, Habraen et Légende sur ses pas. Le terrain était assez plat et n'offrait que bien peu d'endroits où se dissimuler : quelques mausolées et pierres tombales en plus de deux ou trois arbres disséminés. Les deux hommes observaient déjà chacune de ces cachettes potentielles tandis que la jeune femme observait leur visiteur d'un air satisfait et plein d'envies.

Pour tout un tas de raisons, il s’est une nouvelle fois porté volontaire pour jouer les appâts. Rien ne change, il reste le plus à même de se débrouiller seul et de s’en sortir en cas de pépin, alors il vaut mieux qu’il prenne les risques et prépare le terrain… Et puis, en matière de distraction, la rigidité ténébreuse de Nehril, c’est tout de même pas un grand spectacle, ça, non !
Et puis… Quand bien même il en fait un prétexte, il y a tout de même cette histoire de mur qu’il faut régler !

Voilà pourquoi il est seul à s’avancer, dans une tenue totalement sombre, le couvrant entièrement, le visage couvert par son masque, s’avançant nonchalamment, l’épée au fourreau - la dague et la targe dans le dos, des couteaux de lancer dissimulés et prêts à l’usage - l’esprit en alerte, dont il renforce les défenses pour rendre d’autant plus délicate d’emblée la tâche de la fratrie, les yeux scrutant les alentours l’air de rien. Bon, seul, pas réellement. Outre les autres qui se sont planqués, le dragon s’est posé non loin, mais il l’espère suffisamment loin - il veut se ménager cet effet, même si l’idée qu’elle ait soudain à gérer un contact avec un dragon, ça serait pas pour lui déplaire en matière d’ouverture, mais c’est pas le plan.
Quand elle apparait, les deux autres à sa suite, le dragonnier se note le caveau d’où il sorte, une pensée vers son dragon… Ce caveau, c’était une possible position de repli dont il fallait les priver si ça dégénère. Une cache de moins, et ils deviendraient davantage des proies sur un terrain dégagé. Dissimulé sous le masque, il affiche un sourire carnassier. C’est qu’il y va pas la boule au ventre et tenu par la peur.

Il s’arrête lui aussi à une distance raisonnable… Pour échanger quelques courtoisies d’une part, car c’est le but du jeu, faut les occuper et les distraire tandis que les autres prennent position, mais aussi pour passer à l’action dès que nécessaire. Il examine les trois, s’attardant sur le nécromant, sans accorder d’attention véritable à celui qui est sa véritable proie, Habraen… Il aurait l’occasion d’être le centre de son attention, celui-là.

“V’là mes trois petits fripons ! Drystan, égale à lui-même se montre léger face à ces trois menaces, tout en sachant qu’ils ne sont pas dupes, scrutant les alentours. C’est ça, soyez distrait… Bon, c’était pas dans ce sens là, bien sûr, que devait se faire la distraction, mais les grands plans, ça s’adapte, et si ces deux-là lui laissent du champ pour s’occuper d’Ihisca…  J’dois dire que l’portrait qu’on m’a fait est finalement réducteur… Dommage qu’il y ait cette histoire de mur entre nous.” Il hausse des épaules, prenant une attitude vraiment navrée.

Néanmoins, il a pas l’intention de discuter… A vrai dire, il mise rien sur sa présence pour les distraire, ça, non ! Sans ça, comme actuellement, ça regarde à droite à gauche, ça cherche les autres. Alors il attend pas, et après ces quelques mots, il se lance sans attendre. D’un premier geste, alors qu’il esquisse un début de course, il tire un premier couteau de lancer d’une main, se saisit de la targe de l’autre, et fonce sur eux. Dès que la distance se réduit, il en lance un premier, sans nécessairement rechercher la précision, il cherche tout de même à les atteindre en focalisant leur attention sur lui, préparant le second dans la foulée.
Son idée est simple : il doit anéantir la distance et aller trouver le contact d’un Habraen qu’il espère protecteur avec sa soeur. Quelques projectiles pour les empêcher de simplement l’attendre - et pourquoi pas faire quelques dégâts - et les contraindre à se concentrer exclusivement sur le gaillard qui leur rentre dedans de front.

A la façon dont l’homme les alpagua, les réactions furent différentes. Légende l’ignora simplement, un sourire amusé et mauvais s’étira sur les lèvres d’Ihisca tandis qu’Habraen fronçait des sourcils agacés. Les deux compères n’avaient rien vu pour le moment mais le demi-drow reporta définitivement son attention sur le seul adversaire qui leur était visible pour le moment. Le nécromancien, quant à lui, semblait un peu ailleurs, la tête baissée et les yeux fixés sur le sol devant lui.

Face à l’attitude du masqué, la spiritualiste hésita. Elle soupçonnait un piège mais elle avait bien envie de se laisser tenter par l’idée de se trouver une nouvelle marionnette. Alors qu’il s’élançait vers elle, elle sonda son esprit et ressentit aussitôt une force qui la repoussa. La secousse fut violente si bien qu’elle lâcha un cri de surprise tout en détournant la tête. Habraen savait ce que sa soeur était en train de faire et n’avait pas bougé, il savait reconnaître lorsqu’elle se concentrait. Cependant, il était malgré tout resté aux aguets, et à raison. Voyant qu’elle n’y arriverait pas -ou pas à temps tout du moins- il s’était élancé pour s’interposer entre elle et leur ennemi. De sa lame, il dévia un projectile ou deux afin de préserver la sécurité de sa cadette qui se redressait à peine du contact avec cette force inconnue.

Relevant la tête pour se tourner à nouveau vers l’homme masqué, elle le regarda avec une certaine contrariété dans les yeux. Cet homme était visiblement particulier et protégé contre ses talents. Voilà pourquoi il avait été envoyé en distraction…
Le combat s’engagea entre Habraen et lui et elle fit part de ses observations à son frère dans le plus grand secret. Sauf pour ceux qui étaient capables de ressentir le lien qui venait de se faire entre leurs esprits. Le demi-drow n’afficha aucune réaction mais le message lui était bien parvenu. Cependant, il était clair pour l’un comme pour l’autre que sans ses illusions il ne ferait pas le poids contre son adversaire… Ihisca se recula de manière à sortir du champ d’action des deux hommes puis se tourna à demi vers le nécromancien qui ne bougeait toujours pas.

-Légende… Il est temps.

Le mage releva aussi ses yeux rougeoyants sous l’effet de la magie. Un sourire inquiétant se dessina sur son visage tandis que des sons inhabituels commencèrent à résonner dans le caveau dans lequel ils s’étaient réfugiés, de même que dans un mausolée non loin. Si Habraen n’était pas encore en mauvaise posture, cela ne tarderait pas pour l’importun qui avait souhaité leur faire une petite surprise.

Spoiler:

Elle n’a pas su se retenir, l’idiote ! Trop forte, cette tentation, cette habitude de s’introduire sans y être convié dans l’esprit des autres ! Bon, d’une certaine manière, son attitude est une invitation, certes, une provocation à peine voilée mais comment aurait-elle pu savoir ?
Pour le dragonnier, cela ne semble avoir duré qu’un instant… L’intrusion paru à peine à l’orée de son propre esprit que celui du dragon se jetait dessus, comme l’illusion d’une bourrasque secouant et balayant les avances fort malvenues d’une Ihisca qui n’y offre aucune résistance. Il n’y est pas allé de main morte, sans toutefois insister : il voulait la chasser, la dissuader d’y revenir, et à la réaction qu’il voit dans sa course, nul doute qu’elle n’y reviendra pas de sitôt.
La question sans grand intérêt qui se pose, c’est de savoir ce qu’elle en perçut, ce qu’elle en comprit, confrontée à l’inconnu.

Comme prévu, Habraen se dresse entre lui et sa sœur, et sans une once d’hésitation, il s’engage à son tour au contact, sans parvenir à faire la différence d’emblée. Alors il met en place ce qu’il a en tête depuis qu’il s’est proposé dans cette folle distraction : un harcèlement implacable, constant et de proximité, ne pas lui laisser le temps de souffler ou de mobiliser sa concentration ailleurs que sur sa lame et son bouclier pour lui faire un petit tour.
Oh, il espère qu’il va s’y essayer, bien sûr… Il veut le punir. Alors il ne cesse pas, même quand les sons voisins lui indiquent l’entrée en scène du nécromant, comme prévu, il ne relâche pas l’effort et pousse son adversaire.

« On dirait qu’elle n’a pas apprécié que je repousse ses avances, v’là qu’elle lâche même les chiens ! » Malgré la situation, il dégage une certaine sérénité. Pour l’heure, bien qu’il ne soit pas parvenu à se défaire d’Habraen, ça se passe bien. Certes, certes, des morts s’agitent et il ne faudra pas les oublier ! Mais son approche du combat, cette recherche constante de contact, le fait qu’il ne le lâche pas, et qu’Habraen ne puisse pas compter sur sa sœur pour lui donner de l’air, ça rend punitif tout emploi de sa foutue magie qui offrirait ne serait-ce que l’instant dont le dragonnier a besoin et c’est ce qui fait qu’il prend doucement – trop néanmoins – l’ascendant sur un type dépendant de son Art.

« J’crois qu’entre ça et l’mur, c’est foutu entre nous, t’en pense quoi, toi ? » Il provoque son adversaire, évidemment, s’appliquant dans son harcèlement néanmoins, mettant en scène un contraste certain entre son engagement des plus sérieux et méticuleux et son attitude désinvolte. Au fond, il sait qu’une possibilité de sanction viendra : bien vite, Nehril et Sirène débarqueront et ils pourraient bien lui offrir la seconde d’inattention qu’il recherche pour condamner l’issue de ce combat et se mobiliser contre la menace grouillante qui s’anime.
Qu’ils tardent trop, toutefois, et c’est lui qui pourrait offrir l’instant de répit qu’attend l’illusionniste.

La chasseuse avait fait le vide en elle. Tous ses sens magiques étaient en éveil et sa magie déjà à l'oeuvre. Et pour cause, elle avait trois individus à localiser, trois autres à dissimuler et des morts à repérer, en plus de prêter attention aux sorts qui pourraient être lancés par leurs cibles et qu'elle n'aurait pu anticiper. Pour l'instant, tout se passait comme prévu. Drystan avait fait son apparition, attirant l'attention du groupe de renégats. Ihisca n'avait pas pu résister à la tentation et Pradias l'avait dissuadée d'insister. Et, enfin, Habraen s'était interposé pour protéger sa cadette et amante. Malheureusement, la partie la plus détestable de cette soirée commençait...

Alors qu'ils se tenaient près du mausolée, Sirène ressentait la magie à l'oeuvre à l'intérieur... Une magie qui, par sa seule proximité, assombrissait l'expression de la mystique. Elle avisa silencieusement Nehril de ce qui était à l'oeuvre alors que les voix plaintives des morts commençaient à se faire entendre à l'intérieur. Cependant, elle devait attendre le dernier moment pour agir car son intervention perturberait avant tout Légende et c'était Habraen qu'il fallait surprendre pour le moment. Le mercenaire s'interposa aussitôt, sortant de l'ombre pour affronter les revenants avant qu'ils ne s'extirpent du monument et ne s'élancent pour submerger Drystan. Sirène, quant à elle, posa une main sur la pierre. Un corps tomba tandis qu'elle se concentrait... Puis un deuxième alors qu'un flux invisible qui reliait Légende aux quatre autres créatures encore debout s'amenuisait jusqu'à presque disparaître.
C'était la seule forme de magie que Sirène se refusait à reprendre à ses adversaires et à manipuler. Le sort jeté sur ces défunts fut tout simplement repoussé et rompu et le mort qui venait de s'élancer vers Nehril s'effondra seul dans sa course... Ainsi que tous ceux qui se trouvaient derrière lui.

Le regard rendu vide par la concentration qu'elle déployait, Sirène sortit à son tour de derrière le mausolée et adressa quelques mots au mercenaire sur un ton si neutre qu'il en paraissait glacial.

-Va l'aider. Je m'occupe d'empêcher les morts de se lever dans notre dos.

Oubliant visiblement Nehril, elle se mura à nouveau dans ce monde de magie, étirant sa perception des flux jusqu'à plusieurs dizaines de mètres derrière l'endroit où Drystan affrontait un Habraen dont l'apparition du demi-elfe n'avait en rien perturbé la concentration. Elle visualisa là une grande zone dans laquelle elle coupa peu à peu l'afflux magique, empêchant quiconque de venir y pratiquer son Art.

Alors qu'il venait de perdre plusieurs de ses créatures, la colère de Légende s'était levée à son tour. Il avait vu la chasseuse de prime apparaître et, avant même que le mercenaire ne s'avance dans leur direction, il avait poussé en cri de rage. Aussitôt, plusieurs cadavres sortirent en courant vers le premier chasseur, bien déterminés à fondre sur lui d'ici quelques secondes...

Jets de dés:

Un rien vous manque et tout bascule…

… enfin, pas tout à fait.

Il est vrai que l’indifférence avec laquelle Habraen accueillit l’apparition de Nehril n’est pas sans conséquence dans les plans du dragonnier. Un vétéran, cet Habraen, bien conscient de la précarité de la situation de son adversaire et des quelques instants encore à tenir pour que l’équilibre bascule en sa faveur. Puisqu’il doit tenir jusqu’à ce que les pantins du nécromant ne lui confèrent l’avantage, il tient, évidemment !
Du côté du dragonnier, Nehril ne constitue qu’un renfort très relatif – rien à voir avec ses compétences, voyons ! – puisque sa crainte tient dans la capacité de l’illusionniste à mettre à profit son Art. Que les deux soient quelques instants occupés ailleurs et cette ordure pourrait se mettre à jouer avec leurs sens… Rien à voir avec les capacités du cador, donc !

Tout ça pour dire que sans encore être le début des emmerdes, on s’approche aussi vivement que les cadavres portant avec eux la rage de Légende qui foncent sur eux du point de bascule. Quelques instants et on y sera…

… quelques instants qu’il peut encore mettre à profit.

Pas de temps à perdre, alors allons-y ! Une pensée parcourt le Lien, et à l’occasion d’un nouveau choc, du contact percutant de l’acier contre l’acier, le tintement métallique se fait vacarme, un « bang » sonore et brutal, vrillant l’air alentours, extrêmement localisé et dont l’existence s’évapore rapidement au point d’être certainement imperceptible pour les autres – hormis pour la Sirène dont il espère qu’elle saura ne pas se laisser perturber, cette fois – mais pas pour Habraen. Non… Puisqu’il est bien trop concentré pour qu’on en tire quoique ce soit, le dragonnier opte pour son dernier atout : une gêne intense et physique pour s’offrir l’ouverture, enfin !
Et il se précipite dedans, sans une once d’hésitation, percutant le sang-mêlé étourdi avant de lui asséner lourdement une frappe à la tempe du pommeau de sa dague, l’accompagnant dans une chute confuse dont il se dépêtre sans élégance… C’est bordélique et pas propre, mais voilà le frère momentanément sur le carreau.
Devant lui les pantins du nécromant ne sont plus très loin, quelques mètres à peine, ne lui laissent pas le temps de soigner son travail et de finir… Tant pis !

Sans mot, sans un regard à l’attention de Nehril, il se relève rapidement et prend la tangente… Il se barre ! Partant du côté opposé à celui d’où viendra la Grise – quand on daignera la faire rentrer sur scène – sur quelques mètres, il vire dans une nouvelle allée pour se rediriger vers Ihisca et Légende. C’est grossier, mais il cherche à contourner les pantins arrachés aux limbes, sans paraître faire montre du moindre égard pour son partenaire : que Nehril se débrouille, il a à faire !
Deux d’entre eux virent également tandis que les autres poursuivent en direction de Nehril, alors il accélère pour ne pas être intercepter si tôt… et les v’là à ses trousses, pas bien loin derrière… Il aura intérêt à bien gérer le moment où il se retournera sur eux, mais pour l’heure, il file droit devant, il s’accroche pour honorer totalement sa part : jusqu’à ce que Sirène marque le démarrage de la phase suivante, il divertira et accaparera la lumière des planches, il se démènera à concentrer sur lui l’attention du public et à garder dans l’ombre de sa prestation les autres… C’est sa part… Bon, pas en ces termes, mais il s’est proposé pour faire diversion, alors il met le paquet… jusqu’à ce que Sirène décide…

Jusqu’à ce qu’elle décide, oui… Bon sang, qu’est-ce qu’elle attend !? Il n’a pas l’intention de danser avec des cadavres décomposés pour son bon plaisir ! C’est elle l’adoratrice de la mort, pas lui ! Alors, vite, vite !

Un cri avait retenti. Il ne provenait pas des morts. Il ne provenait pas des chasseurs de prime. Il ne provenait pas de Légende.
Il provenait d’Ihisca. C’était un cri si déchirant que l’on pourrait croire que quelqu’un était en train de lui arracher la peau. Mais il n’en était rien. Ce qu’on lui avait arraché, c’était la conscience de son frère qui s’écroulait sur le sol après l’attaque du dragonnier. Il n’était pas mort mais elle ne ressentait plus l’éveil et l’agitation de son esprit qui ne l’avait jamais vraiment quitté depuis qu’ils étaient amants. Elle continua à fixer son corps inerte, ne relevant les yeux que pour s’apercevoir que le chasseur fondait sur elle. Fort heureusement, Légende était resté bien plus vigilant qu’elle et celui qui était devenu son allié par la force des choses avait divisé les forces de ses morts pour la protéger. Sur les quatre près à combattre, il en laissa deux accueillir le demi-elfe qui arrivait et lança les deux autres à la poursuite de l’assaillant de la spiritualiste. Il attribua à ses derniers bien plus de rapidité afin de leur permettre de rattraper leur cible, ce qu’ils firent avant que Drystan n’ait atteint la mage de l’esprit. L’un attrapa son bras armé pour le retenir et l’empêcher de frapper sa victime tandis que l’autre agrippait fermement son bouclier avec dans l’idée de le lui arracher.

Sur les deux morts qui accueillirent Nehril, l’un était armé. C’était une épée de cérémonie mais cela n’en restait pas moins une lame. L’autre -une femme- ne l’était pas mais il lui restait ses dents et ses mains pourvues de longs ongles abîmés. Cela ne servirait pas à grand chose à un humain mais, à un mort qui ne craint pas qu’on lui transperce le coeur ou qu’on lui tranche la tête…
Et il ne fallait pas oublier les quatre autres zombies qui sortaient à leur tour du caveau… Ils auraient tôt fait d’arriver sur les deux hommes que Sirène ne pouvait protéger avec sa zone dépourvue de magie sans les priver eux aussi de leur Art. A peine sortis, les morts se séparèrent. L’un se diriga vers Drystan et les trois autres vers le mercenaire. Mais l’un d’eux ne prêterait aucune attention à Nehril, car c’était le demi drow au sol qu’il avait en tête.

Derrière eux, la mystique était en place et achèvait de repousser les flux pour empêcher que d’autres morts ne se relèvent dans leurs dos. Le temps était certes longs aux yeux de celui qui se trouvait en première ligne et bien plus avancé que ce qui avait été convenu mais la magie prend du temps et le cimetière était grand.
Lorsqu’elle posa enfin les yeux sur le combat qui se déroulait devant elle, la sang-mêlée réalisa le guêpier dans lequel Drystan s’était lancé tête baissée. Impossible pour elle de pester après lui pour le moment ou même d’être inquiète. Elle devait maintenir sa concentration sur les différents sorts qu’elle mènait en même temps et l’attention qu’elle portait à leurs adversaires pour anticiper leurs actions.

Protégée par ses deux gardes-morts et voyant ceux qui approchaient, Ihisca reculait lentement pour se mettre à l’abri mais sans pour autant perdre son frère de vue. Elle ne pouvait s’en prendre au dragonnier. Mais le demi-elfe en revanche… Sirène sentit la menace, c’était cette action qu’elle attendait pour faire intervenir La Grise. Un sort qu’elle pourrait manipuler pour renvoyer sur quelqu’un d’autre…

-Il est temps. Dit-elle simplement.

Elle ne semblait regarder personne en particulier mais la personne concernée se reconnaîtrait bien vite.

Jusqu’au tout dernier instant, il s’évertua à offrir à son rôle la meilleure prestation, même si son public, tout son public, ne l’appréciait pas à sa juste valeur.

Lorsqu’il arrache un cri à Ihisca au moment où il parvient à neutraliser Habraen, il voit une opportunité dont il doit se saisir… Jusqu’au bout, il doit paraître la menace la plus franche, plus concrète que l’invisible qui dénoue les sorts depuis les coulisses - qui constitue pourtant un problème autrement plus épineux pour ces individus si dépendant de leurs magies - et jusqu’au bout, il doit paraître, non comme une simple diversion, finalement, mais comme le fer de lance, celui qui peut effectivement vaincre. C’est son rôle. Et c’est d’autant plus son rôle qu’il n’en oublie pas son caractère chevaleresque, dans une certaine mesure son abnégation… Il y peut rien, qu’importe ses efforts en la matière, il se sent l’obligation de veiller et de protéger, c’est dans sa nature profonde, faut croire. Alors même si c’est très présomptueux de sa part, lorsqu’elle crie, l’Ihisca, il se voit bien débarrasser ses collègues d’une seconde menace et ouvrir une voie royale et sûre même si ça signifie pour lui de prendre toujours plus de risques, même avec l’appuie d’un dragon. Et ce qu’il voit, et bien, il le met à l’oeuvre… Et il était à un rien, un rien d’y parvenir !

Mais ces maudits cadavres, ils trichent ! Et au moment où il est enfin à portée au terme d’une jolie course, les voilà doués d’une vélocité surhumaine, l’interceptant finalement en lui arrachant sous le nez un coup décisif…. Les ordures ! Foutu nécromant ! Baiseur de cadavres ! Mais pas le temps de pester en voyant s’éloigner l’opportunité, le voilà avec deux macchabées dont il doit se dépêtrer et un effort - prodigieux tout de même - coupé, en même temps que la dynamique sur laquelle il est lancé depuis le début. Effectivement, ceci met fin à sa folle marche en avant et il devient plus important de se tirer de cette situation dans laquelle il s’est jeté pour le plaisir du spectacle et dans l’intérêt général - moins un - alors avec le soin qu’il a mit dans la diversion, mais avec moins d’engagement, forcément, le voilà à gérer les deux cadavres après s’être arraché à leur première étreinte, non sans leur avoir concédé sa targe - plus un troisième en approche - tout en prenant conscience qu’on jette le gros des forces sur Nehril - ou plus exactement, on couvre le corps encore inconscient d’Habraen - et qu’il s’agit là de sa contribution suivante… Mais celle-ci, il a moyen d’en déléguer une part… Si Sirène donne son signal ! Qu’elle délaisse un instant son tricot mystique - mais pas trop - pour lui permettre d’arrêter le jeu pour lequel il a certes trop donné.

Bon, en définitive, le mercenaire semble tout à fait capable de s’en sortir - en même temps, que sont quelques cadavres en comparaison d’une bande d’assassin qu’il se vantait d’avoir éliminé, hein - alors il peut se concentrer sur son seul problème, enfin… les trois. Et un temps encore, il se réserve, fixe la menace et l’attention, guette le signal. Et finalement vient la délivrance, si l’on peut dire… Il est temps, oui ! Plus que temps pour lui de sortir son grand numéro et de donner le plus de champ à la Grise pour réaliser ce qu’on attend d’elle.

“Ô vent, entonne ton chant de fureur !” Tel est le cri qu’il pousse, comme une prière adressée au ciel après avoir mit quelques pas entre lui et les morts…

Des secondes s’écoulèrent, suspendant l’ultime mise en scène du dragonnier, à l’instant même où il a entamé son cri, le dragon reprit le chemin des airs, et il offrit sa réponse sous la forme d’un rugissement terrible - mais nullement amplifiée - dès qu’il paru aux yeux des êtres qui gesticulent sur la terre. Il les survole avant de fondre vers la position de son dragonnier, balayant d’un souffle les trois macchabées, sans chercher à s’en débarrasser définitivement, tout juste accorde t-il un répit à son partenaire le temps qu’ils se relèvent et chargent à nouveau, mais ce sont quelques instants bienvenus alors qu’il accueille l’imposant reptile qui se pose à ses côtés, une caresse sur le flanc avant de récupérer son épée courte, Raumo. Les deux lancent alors à l’attention de Légende et d’Ihisca un cri de défi, comme d’une seule voix, avant que le dragon ne reprenne la voie des airs, laissant le champ au dragonnier qui se détourne complètement des deux mages pour ne plus se concentrer que sur les morts, tandis que le dragon se met à décrire de large cercle au-dessus du cimetière, comme prêt à frapper à n’importe quel moment…

Et pendant ce temps, non loin, le dräke perché sur l’épaule de la petite dernière de la joyeuse bande mordilla gentiment l’oreille de la Grise, en guise de signal dépourvu de magie. Il était temps qu’elle mérite sa part !

Le moins que l'on pouvait dire, c'était que Nehril était pour le moins efficace avec les morts. Là où les armes obligeaient nécessairement à toucher plusieurs fois un mort pour le démembrer jusqu'à ce qu'il devienne inutilisable, le demi-elfe lui n'avait besoin que d'un seul sort... Légende trouva que ce n'était pas très sportif de sa part. Il fallait avouer qu'il n'avait pas l'habitude de perdre. Tandis que cinq de ses marionnettes combattaient, il porta son attention sur celui qui devait ramener le corps inerte d'Habraen et un sourire malsain se dessina sur ses lèvres. Visiblement, le mercenaire n'était pas un familier de son Art...
Alors que l'homme décharné s'était arrêté devant le mur de flammes qui le séparait de sa cible pour en faire le tour et tenter de trouver une entrée, le nécromancien profita que le mercenaire était occupé pour en reprendre le contrôle un bref instant. Il commanda sa créature et la fit subitement entrer dans le cercle de feu. Sa chose n'était pas un animal, elle n'avait pas de conscience propre et Légende savait -comme la plupart des gens- que le feu ne pouvait pas prendre instantanément... Une fois à l'intérieur, le mort souleva le demi-drow pour le prendre sur ses épaules et ressortit comme il était entré, le ramenant rapidement vers le caveau.

Pendant ce temps, Ihisca se concentra plutôt sur Nehril pour essayer de pénétrer son esprit. Malheureusement, la tâche était plus complexe qu'il n'y paraissait... Le chemin de ses pensées était long et sinueux, trop pour un simple homme d'armes. Elle porta son regard sur Sirène, comprenant alors que c'était elle qui le protégeait. La chasseuse esquissa un sourire satisfait en la voyant peiner de la sorte. Elle aurait pu simplement bloquer son sort mais elle avait besoin qu'elle le maintienne aussi longtemps que possible. La spiritualiste ne comprit pas son jeu et vit rouge. Elle mit plus de rage dans son sortilège mais cela ne fit qu'accroître la complexité du labyrinthe tissé autour du mercenaire.

Tandis qu'il laissait ses créatures décider de la façon dont elles accompliraient les tâches qu'il leur avait attribué, Légende porta son attention sur les alentours. Tout autour du caveau, plusieurs tombes avaient été ouvertes et se trouvaient donc "prêtes à l'emploi'. Quelques bruits commençaient tout juste à s'en échapper lorsque, soudain, un hurlement fendit l'air. Les deux fugitifs levèrent la tête et découvrirent la grande silhouette blanche qui volait au-dessus d'eux. Ils la guettèrent un moment, observant la menace qu'elle représentait et la facilité avec laquelle elle fit vaciller les morts que les deux chasseurs devaient encore affronter.

-Il n'attaque pas vraiment, ils essaient de nous faire peur. Lâcha Ihisca à l'attention de son comparse.

Légende hocha la tête. Il était d'accord. Si cette chose était là pour aider les chasseurs, elle les aurait attaqué eux plutôt que ses morts. Elle faisait simplement diversion. Il se concentra alors à nouveau sur ses sorts qui, à défaut d'avoir été interrompus, avançaient simplement plus lentement tandis qu'il évaluait la menace que représentait le dragon. Il s'attacha donc à faire rapidement venir les renforts... Quant à la spiritualiste, elle redoubla d'efforts pour percer les défenses protégeant la seule personne à laquelle elle pouvait s'en prendre dans tout ce cimetière.

HRP:

La Grise avait connu bien des situations, au fil de son existence. Charger avec une troupe, se faufiler et prendre à revers, bluffer, ripailler gaiement... Le plus souvent, les évènements s'enchainaient sans qu'elle s'interroge, réagissant, improvisant... Présentement, la situation était tout autre : elle avait dû attendre. Et découvrir à quel point elle n'appréciait guère la chose.

Contourner la zone de l'affrontement, voir l'Ecailleux s'avancer seul... Les zombies surgirent. Le dénommé Nehril - plutôt taciturne, mais elle ne l'avait guère côtoyé, vérifier ce qu'il en était autour d'un verre serait intéressant - joindre ses lames au combat. Les frémissements face à la magie. Une multitude de 'petits points' frétillant, s'amassant, bougeant... Les affaires des mages n'étaient guère présentes dans le quotidien de la fille de catin. Côtoyer de bonnes lames, un petit peu. Quant au dragon... Avoir une telle créature à leur côté était un avantage. Certainement. Pourtant elle ne fut pas sereine en voyant dragon et dragonnier s'exclamer à l'unisson. Qu'est-ce qu'il a dans la tête... ? Pah ! Pas l'moment !

Vêtue de sombre, avançant bas derrière les stèles et la maigre végétation, la Grise n'était qu'yeux et tension. Les morts se relevaient, finissaient face aux lames, oppressaient les combattants... Alors qu'un duel magique dépassant les capacités de la semi-drow se livrait, en plus de ce combat-ci, sous ses yeux. Garder son calme était un art. Tout particulièrement quant la sensation de pouvoir se faire écraser par plus puissant que soit se faisait sentir. Un picotement à son oreille la ramena au moment présent, lui faisant repousser sans violence le dräke. Agir.

La manipulatrice... Telle était sa cible. Pourtant, la demi-drow hésita. Elle avait entendu le cri de la mage au moment de la chute de son comparse, et pour ce qu'elle avait cru comprendre... En tout cas, l'inconscient avait suffisamment de valeur aux yeux des assiégés pour qu'ils prennent le temps, dans leur lutte, pour envoyer un cadavre le sortir de là. Ne restait que deux ennemis - avec la ribambelle de cadavres debout, ou se relevant -, face aux trois autres, et elle pour venir perturber leurs actions. De quelle manière ? La demi-sang songea à une approche autre, le cœur serré par la tension.

Les mages sous ses yeux ne rigolaient pas avec leur magie, là où elle savait tout juste se servir de la sienne. En revanche... Ils demeuraient semble-t-il sensibles. Observant le combat par le flanc, la Grise se mit à marmonner des injures, déformant la magie à l’œuvre. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle faisait, mais elle n'avait pas le loisir d'hésiter. Une petite action, une simple perturbation... Avec tout ce qu'il avait à contrôler, le nécromant n'y ferait sans doute pas attention, n'est-ce pas ?

Le non-mort transportant l'inconscient changea de trajectoire, dédaignant la planque pour rejoindre les fourrés.

"IHISCA ! fut-il soudain clamé. ARRÊTE LÉGENDE  OU TON FRÈRE MEURT !"

Agenouillée près d'une stèle, la Grise tenait la gorge de l'inconscient dans l'étreinte d'un de ses bras, tout en le menaçant de sa lame. Pour faire bonne mesure, elle avait attaché les mains du sabreur - avoir une corde sur soit est toujours utile -. Le regard étréci, la demi-sang surveillait les deux mages, affichant toute l'assurance dont elle était capable, tout en sentant une goutte de sueur dévaler sa nuque. Des non-morts à n'en plus savoir qu'en faire, et une manipulatrice pouvant les retourner les uns contre les autres... Il fallait neutraliser le nécromant, Sirène pourrait ensuite neutraliser la mage ennemie sans problème. Si cette dernière faisait le travail à leur place... Cela serait bienvenu, non ?

Trop occupé à faire se lever de nouveaux morts, Légende ne sentit pas le contrôle de l’une de ses créatures lui échapper à moitié. Car le zombie lui appartenait toujours mais avait simplement été dévié de sa trajectoire… Ainsi, lorsque le cri interpellant Ihisca retentit, le nécromancien fut surpris de voir le demi-drow dans les bras de la nouvelle venue. Comment elle avait fait ça ?!
Durant quelques secondes, le temps se suspendit du côté des fugitifs. La femme à la peau grise sortait de nulle part et aucun d’eux ne l’avait sentie venir. Durant un instant, la spiritualiste prit peur et son sort sur le mercenaire s’arrêta tout simplement. Sirène n’en montrait rien mais elle pestait intérieurement. Ce n’était pas ce qui était convenu et cette improvisation n’était pas une bonne idée… Elle était même très mauvaise, comme la suite des évènements tendrait à le prouver.

Après ces quelques secondes de flottement, un rire retentit dans le cimetière, recouvrait même les bruits des combats et des morts approchant. Un rire sincère et moqueur à l’égard de la nouvelle chasseuse car elle venait de commettre une grossière erreur.

-Me prendrais-tu pour une idiote ? Vous vous êtes renseignés sur nous avant de nous prendre en chasse, ne crois-tu pas que nous avons fait pareil que nous avons su que la célèbre Sirène était à nos trousses ? Je sais que la seule et unique consigne sur laquelle elle ne transige pas, c’est le fait de tuer gratuitement ses cibles… Sans quoi il n’y a pas de salaire. Si ce n’est pire. N’est-ce pas Sirène !  Cria-t-elle à la mystique qui ne pouvait que serrer les dents en guise de réponse. C’était l’inconvénient d’être devenue aussi compétente et reconnue dans son domaine… Il y avait suffisamment de gens à interroger pour recueillir des informations sur la chasseuse de mages. Ihisca prenait un malin plaisir à faire ce petit rappel. La nouvelle chasseuse pensait avoir un point de pression sur elle ? Elle avait tout faux. La spiritualiste se tourna à nouveau vers elle.

-Voilà pourquoi tu ne toucheras pas à un cheveux de mon frère. Ajouta-t-elle avec assurance.

Soudain, des voix étranges s’élevèrent à quelques dizaines de mètres de la Grise. Derrière le caveau s’était élevé une dizaine de nouveaux morts, formant une ligne disparate. Trois d’entre eux portaient leurs regards laiteux ou absent sur la mercenaire tandis que les autres se tiendraient bientôt près d’Ihisca et de Légende.
Sans prêter attention aux grommèlements dans son dos, la Grise eut un mince sourire, crispé, en réponse aux moqueries de la mage. J'peux faire plein d'autres choses qu't'aimeras pas ma grande...Prestement, serrant toujours l'inconscient d'un bras, la demi-drow lui tira une oreille, détourna la lame de la gorge et vint la faire glisser contre le crâne.
Son épaule se teinta de rouge, alors qu'elle laissait tomber le petit morceau de chair coupé en biais. La lame se repositionna sous la gorge, alors qu'elle resserrait son emprise pour bien tenir sa prise.

-Arrête Légende ou je coupe d'autres morceaux. Répondit froidement la Grise.

Ihisca avait hurlé tandis que la lame tranchait la chaire de son frère mais cela n’avait en rien arrêté le geste de la Grise. Elle regarda avec dégoût l’oreille de son frère qui tombait sur le sol. Elle voulut projeter toute sa colère sur cette femme mais elle se retrouva face à un mur, incapable de l’atteindre. Elle tourna un regard furieux vers Sirène que la concentration rendait impassible. La chasseuse ne bougeait certes pas et ne disait rien mais elle était attentive à tout ce qu’il se passait et son Art s’agitait, invisible parmi les flux. Ihisca était frustrée car elle se savait incapable d’agir. Mais avait-elle vraiment le choix, si elle ne pouvait plus agir...

-Légende…
-Je lui recollerai. Râla-t-il.
-Légende, arrête !
-Quoi ?! Non ! J’ai plus d’une douzaine de créatures debout. Je ne vais pas m’arrêter et me laisser prendre pour ton crétin de frère qui n’est bon qu’à te faire couiner !

Le nécromancien tourna alors son regard noir vers les chasseurs. D’un geste, il envoya ses morts à la charge. Ceux-ci s’élancèrent d’un seul et même cri vers les trois guerriers dans une course frénétique. Mais alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques pas de leurs cibles désignées, une force les repoussa en arrière et ils s’écroulèrent avec violence.

-Quoi ?!

Légende s’avança d’un pas, observant ses créatures étendues sur le sol. Soulevant le vide de ses mains, il tenta de les forcer à se relever mais les corps ne faisaient que frémir sans parvenir à lui obéir vraiment, comme dépourvus de la moindre volonté. Le nécoromancien était puissant mais Sirène était parvenue à étendre sa zone inerte jusqu’à lui. Certes, plus personne ne pouvait pratiquer la magie entre elle et le caveau mais elle offrait à ses partenaires un temps de répit plus qu’appréciable alors que plus rien ne se dressait entre eux et leurs cibles. Les quelques filets de flux qui parvenaient encore à passer à travers les mailles fragiles qu’elle achevait seulement de mettre en place s’amenuisèrent jusqu’à disparaître complètement et les morts redevinrent alors aussi inertes qu’ils l’étaient auparavant.

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L’intervention de la Grise eut l’effet escompté… Elle surprit tout le monde, et même ses alliés !

Bon, probable que ça ne plaise pas à la Sirène qu’on emploie de telles menaces, mais en ce qui concerne le dragonnier, dès lors que l’objectif est atteint et les conditions remplies - en l’occurrence, quoi qu’abîmer, Habraen vivra - les moyens employés pour y parvenir importe peu. Et pour être franc, si elle ne l’avait pas fait, c’est la gorge du frère dans la gueule d’un dragon qu’il aurait proféré un avertissement comparable. Légende devenait hors de contrôle, et pour autant qu’il pouvait en juger, Sirène ne parvenait pas à contenir la levée des morts, exploiter le lien des deux et provoquer la division, c’était une bonne option à saisir. C’était même la meilleure… Et les mots d’Ihisca le conforte dans cette idée. La volonté inconditionnelle de Sirène à vouloir préserver vivantes ces cibles est connue, manifestement, suffisamment pour en faire une faiblesse, une faille sur laquelle on mise. La Grise y apporte la bonne réponse, celle qu’il défendra même face à une Sirène qui peut désapprouver. Blesser n’est pas tuer, après tout, le contrat n’est pas rompu. Dès lors qu’Ihisca prit conscience que cette limite qu’elle voyait comme une faille est balayée, et devant son impuissance manifeste, sa volonté n’était plus.

Reste alors Légende, devenu incontrôlable et levant toujours davantage de morts… A cet instant, à travers le lien se dessine le point de bascule… Si il ne veut pas faire de son dragon une arme manifeste, il n’a pas l’intention de se rendre impuissant. La souplesse des principes, ces règles qui ne valent que tant qu’elles ne confèrent pas un avantage à l’adversaire. Un instant avant que Sirène n’entre complètement en scène, la foudre s’apprêtait à frapper. Mais Sirène fit la démonstration de ses capacités et rendit inutile une telle extrémité.
Au-delà des morts qui s’effondrent, c’est dans la rupture soudaine de son lien avec Monarth qu’il comprend ce qu’il se passe. Il jette un oeil à la Sirène… Nécessité fait loi, n’est-ce pas ? C’est ce qui vaudra à la Sirène de ne pas prendre une baffe pour avoir toucher au lien qu’il partage avec le reptile. Écartant l’idée, il ne perd pas de temps, lançant un “Combien de temps ?” à la chasseuse de prime, et lorsqu’elle lui répond qu’il en aura bien assez, il se lance à l’assaut de Ihisca. Dans le même temps, le dragon se pose devant le caveau, coupant toute possibilité de fuite - le dragonnier soupçonnant à l’intérieur l’existence de quelques tunnels comme lors du premier combat.

Contrairement à son frère, Ihisca ne présente plus aucune menace… Sans sa magie, elle est peu de chose. Juste avant de l’atteindre, il laisse tomber ses armes, plus gênante qu’autre chose - d’autant qu’un accident est si vite arrivé - et l’engage au corps à corps, la maîtrisant avant de passer dans son dos, pour l’étrangler avec une clé de cou, l’avant-bras appuyant sur la trachée pour bloquer sa respiration. Elle se débat, évidemment, avec la force du désespoir, mais ses efforts sont vains, ses ongles trouvent ses brassards ou son masque en obstacle. Le dragonnier est attentif, il vise la perte de conscience, pas la mort.

“Ça vaut pas le mur que tu m’as envoyé dans la figure, mais on va dire que ça règle nos comptes.”

Lorsqu’elle rend les armes, il relâche sa prise, l’accompagnant en douceur à terre, la laissant allonger tandis qu’il se laisse lui-même choir sur les fesses, assit en tailleur, soufflant un grand coup, tout en constatant que Nehril s’est occupé du nécromant. Il se laisse finalement aller, s’allonge en fermant les yeux, accueillant les premières gouttes d’un orage probable qui n’avait rien à voir avec lui.

De là où elle se trouvait, Sirène perçut une question. Courte. Simple. Et la réponse vint de la même manière, sur un ton monocorde et glacial qui trahissait son état de concentration avancé.

-Faites ce que vous avez à faire. Et alors que le dragonnier s'élançait, elle acheva pour elle-même. Je tiendrais...

Sous ses yeux impassibles, elle vit leurs deux dernières cibles tomber l'une après l'autre.
Légende se débattit, comme s'il pouvait tenir tête à un mercenaire de métier. Il se défendit aussi longtemps qu'il le put, jusqu'à ce qu'un coup de poing bien senti ait raison de lui.
En voyant le chasseur masqué fondre sur elle, Ihisca voulut s'enfuir mais fut arrêtée dans son élan par une seconde intervention du dragon. Tandis qu'elle perdait lentement connaissance, elle utilisa la seule arme à sa disposition -ses ongles- pour tenter d'arrêter Drystan mais en vain.

Les première gouttes tombaient et le champ d'anti-magie se réduisit pour ne plus former que trois zones de petites tailles. Elle s'approcha de la première et se pencha sur le corps inanimé et amputé d'Habraen. Elle l'étudia quelques instants avant de porter sa main sous son col. D'un geste habile, elle en extirpa une chaîne à laquelle était accroché un pendentif en or. D'un coup sec, elle le lui arracha avant de se relever.

Plus que deux zones.

Sans un mot, elle vint se poster près de Légende et s'accroupit. Évitant de regarder son visage rougit et sanguinolent, l'une de ses mains passa au-dessus de lui, comme pour l'examiner. Elle parcourut son torse et l'un de ses bras avant de s'arrêter sur sa seconde main. Elle retira le large anneau bleu qui ornait son index droit et se leva de nouveau.

Plus qu'une zone.

Enfin, Sirène s'arrêta près d'Ihisca. Debout devant son corps inconscient, elle la regarda sans qu'aucune émotion ne traverse ses yeux. Elle s'accroupit de nouveau et porta aussitôt son attention sur un petit bijou qui était attaché à sa chevelure. Se munissant d'une dague, elle coupa la mèche pour le lui retirer. A cet instant précis, la mystique leva la dernière zone exempte de flux magique et elle sentit aussitôt le contact entre Drystan et Monarth s'établir à nouveau.

Sirène ferma les yeux dans une grande expiration, se libérant de cette concentration qui oppressait la moindre de ses émotions. Elle resta ainsi quelques instants, reprenant son souffle devant tout ce qui la submergeait soudain après un tel combat. La peur, l'excitation, l'horreur, la tristesse... Lentement, elle laissa sa tête basculer en arrière et offrit son visage au ciel qui pleurait. Sa capuche tomba, laissant apparaître ses cheveux noirs attachés en une large tresse. Après quelques instants, elle remit sa tête droite, les gouttes de pluie qui perlaient sur ses joues masquant les quelques larmes qui s'étaient échappées de ses yeux. Son regarda fatigué chercha ceux de ses partenaires afin de s'assurer qu'ils allaient bien.

Contrairement à Nehril qui n’accorde qu’une importante toute relative aux gestes de Sirène, Drystan comprend – ou croire comprendre – qu’elle est parvenue, d’une manière ou d’une autre, à détecter les focaliseurs de leurs adversaires et qu’ils viennent d’en être privé… De quoi les rendre durablement moins menaçant. Inutile de demander comment… Cela tient très certainement à la perception propre de la Trame que possède la mysticiste, plus précise et fine que la sienne.

Quand il retrouve l’esprit du dräke – qui vient se poser entre les pattes d’un dragon qui garde ses distances avec le groupe, pour se procurer un abri contre la pluie-, il est immensément soulagé et accueille avec chaleur son compagnon, retrouvant son intégrité arraché quelques instants.
Aux mots de Nehril – qui ne sont pas de véritables reproches, ou bien, si s’en est, c’est pas ainsi qu’il les accueille -, et après la tension, le dragonnier renoue avec son attitude légère.

« Voyons ! J’ai fait le pari de ta vaillance ! A toi qui a servi une Princesse-Marchande et vaincu une bande d’assassins, demander de gérer seul quelques macchabés, c’est finalement peu de chose, non ? Point de scepticisme ou de moquerie, il joue franc-jeu et pouvait-il offrir plus grande preuve de confiance que de laisser le mercenaire s’occuper de ses arrières et de la sécurité de Sirène ? Quoiqu’il pense de son petit tour et de son « abandon » de poste, c’était un compliment, pas un mauvais tour ! Mon imprévisibilité faisait partie de ma tâche. Un numéro trop prévisible et prudent et le divertissement n’aurait pas été à la hauteur, ils auraient flairé un mauvais coup, il me fallait convaincre du contraire ! Ce n’était pas indispensable, effectivement, sauf à prendre en compte le souci du dragonnier de garantir la sécurité de la Grise pour son entrée en scène. Alors non, je ne te préviendrai pas ! Te prévenir, c’est les prévenir et tout le jeu s’effondre ! » Pas sûr que Sirène goute totalement sa nonchalance, pas plus que son attitude visiblement suicidaire – mais un dragon pour couverture, ça donne des ailes – mais il lui faudrait accepter les principes du chevalier comme il accepte et se conforme aux siens, mais surtout accorder de la confiance en sa capacité et sa volonté de s’en tirer. Elle n’a pas besoin de le couvrir, elle n’a pas besoin de le protéger, lui… C’est peut-être ça qui la gênerait le plus ?

Cette idée le fait sourire et il se lève à son tour, se dirigeant vers la Grise dont l’entrée en scène était très inspirée.

« La Sirène n’appréciera peut-être pas la manière, mais jouer sur la division des deux autres quant au sort d’Habraen, c’était finement joué. »

Tirer un poids mort eut cela de bon que cela occupa la Grise, la détourna du froid intense qui l'avait saisi face au nécromant on ne peut plus volontaire pour lancer ses cadavres sur elle. Fort heureusement, Sirène était intervenue... Et le reste était allé de soit. Surveillant sa prise, puis le tirant jusqu'au trio - dont elle ne comprit pas tous les propos, occupée qu'elle était -, la demi-drow laissa le sabreur retomber sur la terre se gorgeant d'eau... Liquide se mêlant à la sueur qui s'était discrètement installée sur ses tempes. Parfait ! Les autres n'y verraient que du feu ! Bon, elle frissonne encore, mais qui irait s'en rentre compte alors que le ciel déverse des lampées ? Les enfoirés sont à terre, youhou !

"Eh beh, vous n'avez pas chaumé ! sourit la Grise en baissant les yeux sur leurs prises. Ah, ça fait toujours du bien quand ils la ferment... Elle eut un sourit pour Drystan, un peu tiré, mais se détendant toujours un peu plus, quoiqu'elle n'eut pas l'air particulièrement secouée. Un plaisir d'lui avoir causé du déplaisir ! A croire les autres plus prévisibles que soi, on finit par se faire avoir. Elle se tira le lobe de l'oreille. Jolies quenottes ta bestiole, l'Ecailleux. J'suis sûre qu'elle aurait pu distraire l'nécromant. Un trou dans l'oreille, ça dérange toujours !"

N'empêche... Il a combien d'trucs dans la tête ? Repoussant la petite voix de l'inquiétude, la demi-drow se eut une grimace de compassion pour le mercenaire demi-elfe - Jolie barbichette. Mani bien ses lames c'cui-la. -.

"Pas trop rance, l'odeur des morts ? C'est qu'j'en ai vu plus d'un pas loin d'te faire un suçon. Tes lames leur ont rappelé les bonnes manières en tout cas ! La demi-drow eut un sourire contrit, comme si ces mots lui avaient échappée, la lueur de malice dans ses yeux le démentant tout à fait. Puis elle se tourna vers la patronne. Z'avez bien t'nu l'coup chef ! On peut les dépouiller du coup ? Comment ça s'passe pour la suite ? Eux au trou et nous les poches pleines ?"

Cela dit avec un grand sourire, sans arrière-pensée autre que l'espoir d'une bonne paye... Et une bonne pinte. Un bon gigot. Et d'la musique pour s'dégourdir les gambettes toute la nuit. C'est qu'j'ai les jambes raides d'mettre planquée moi !

Sirène ne réagit pas aux conversations qui se tenaient près d'elle jusqu'à ce qu'une voix ne s'adresse directement à elle. Elle posa alors sur Nehril un regard bien plus neutre que tous ceux qu'elle avait pu lui adresser jusqu'alors. Elle détailla ensuite les expressions des différents membres du groupe. Cette fois, tout le monde était satisfait de l'issue du combat, malgré les aléas dû aux quelques évènements qui n'étaient pas prévus dans le plan. Drystan n'aurait pas dû s'aventurer aussi près de leurs cibles et la Grise devait manipuler un sort d'Ihisca et non de Légende. Puisque cela avait marché, elle ne dirait rien mais le fait qu'elle ne montre aucune réaction au cours de l'affrontement ne voulait pas dire qu'elle n'avait rien vu.
Aux questions de ses partenaires sur la suite à donner à tout ceci, elle leur adressa un sourire, certes fatigué mais sincère.

-Ils sont tous trois attendus au Gué de Thaar contre récompense. Elle se tourna vers Drystan, étirant un bras dans sa direction. Dans sa main se trouvaient les effets dont elle avait privé leurs cibles. Je pense que vous êtes plus indiqué pour conserver ceci que moi.

Le dragonnier avait vu juste en pensant qu'elle ne cherchait pas des trophées mais bien les focaliseurs des mages. Cela ne les empêcherait certes pas de pratiquer la magie mais ils seraient moins dangereux sans. Sirène pouvait les empêcher de pratiquer leur Art mais elle devait être concentrée pour cela. Drystan n'en avait nul besoin pour être immunisé contre la magie d'Ihisca et il saurait se défendre contre les deux autres si d'aventure ils parvenaient à se relever et se défaire de leurs liens. Lorsqu'il les eut pris, elle poursuivit.

-Je vous fais confiance pour les ramener et distribuer les récompenses. Notes néanmoins que je ne me fais jamais payer pour les nécromanciens. Libre à vous de vous partager ma part, de la refuser ou d'en faire don.

Sirène avait peut-être tort de leur faire confiance maintenant qu'il s'agissait d'argent mais elle n'avait jamais caché faire partie des gens aisés. S'ils devaient lui prendre ses gains, peu lui importait. Ils en avaient certainement plus besoin qu'elle qui n'utiliserai cette somme que pour renouveler son équipement lorsqu'elle en aurait besoin ou payer un éventuel informateur. Tant que leurs cibles arrivaient vivantes au Gué, le reste ne comptait pas.

-Quand à moi, je vous accompagne jusqu'aux portes de la cité puis je vous abandonnerai. Elle posa à nouveau son regard sur le cimetière dévasté. J'ai une affaire plus urgente à régler...

La conclusion qui se dessine lui semble étrange alors qu’il récupère les trois breloques que lui remet la Sirène. Elle n’a pas l’intention de les accompagner au-delà ? Il referme la main sur les trois objets, s’interrogeant sur ce qu’il doit en faire… Les remettre au Guet ? Il en doute, entre les mains de n’importe qui d’autres que leurs propriétaires, ce sont des objets quelconques, sans valeur… Des trophées ? C’est hors de propos, d’autant qu’il ne serait pas le seul à pouvoir y prétendre. La seule option raisonnable, il la trouve quand son regard accroche momentanément le Blanc, fondus, ils ne présenteront plus le moindre risque… Plus tard, après la récupération des récompenses, pour l’heure, il les range dans une poche.
D’ici là, il est le plus indiqué, il est vrai… Le “seul” à pouvoir repousser Ihisca, et probablement à pouvoir tenir en respect les trois avec l’appuie de ses compagnons à écailles, en cas de problème… Mais l’attitude de Sirène lui parait étrange, sans qu’il soit en mesure de donner un sens à cette dernière. Ils avaient remportés un franc succès et la chasseuse de mage n’en semble pas plus satisfaite que cela, pourquoi ? Mais c’est un sujet qu’il se garde pour une autre occasion.

“Je m’assurerai que tu ais ta part.” On va dire que ce genre de combat, ça vous façonne des liens particuliers dans l’esprit du dragonnier, suffisamment pour se permettre cette familiarité. Il dit cela en hochant de la tête, acceptant la curieuse indifférence avec laquelle la Sirène s’en remet à des étrangers pour lui remettre sa part d’un joli magot. Alors, certes, elle a probablement eu assez de temps pour les cerner un peu, les loustics - bon, pas forcément la Grise - mais quand même, c’est accordé une bien faible importance à ce qui est une belle récompense, cette attitude ! Quant à celle du nécromancien… Probable qu’on repartage en trois la prime, alors lui vient l’idée de ce qu’il fera de la proportion qui serait revenue à la Sirène dans sa propre part. Pour de probables principes, elle considère sûrement que la chasse au nécromant est un devoir, pas un boulot.

Là-dessus, il se dirige vers son dragon qui lui facilite l’accès à ses affaires, dans lesquels il récupère deux cordes supplémentaires - Légende et Ihisca sont toujours dans les vapes mais libre - et alors qu’il revient vers sa propre proie, il lance la seconde à Nehril. “Avant ça, saucissonne donc le nécromant, tu veux ?” avant d’attacher solidement la soeur. La chose faite, et puisqu’ils s’entendent manifestement pour quitter le lieu, s’organisent le transport des corps inconscient, l’un allant chercher les montures dissimulés un peu plus loin, à l’extérieur, les autres acheminant les trois prisonniers vers l’entrée du cimetière.
Quand tous les préparatifs pour le départ furent terminés, le dragonnier reste en retrait - pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas lui-même de monture -, revenant à l’entrée, il accorde une prière silencieuse, se recueillant, à l’attention de la Déesse des Morts autant qu’aux défunts troublés par la bataille ou par les tours du nécromant. Il prend finalement une profonde inspiration et se détourne vers ses compagnons, croisant le regard d’une Sirène toujours dans sa curieuse attitude, mais appréciant le geste et la démarche auquel il répond d'un petit hochement de tête entendu.

“Allez-y, on tardera pas à vous rattraper.” Un sourire sur les lèvres avant de se retourner vers un dragon qui attend, manifestement, que s’éloigne les chevaux nerveux en sa présence.

Ayant peu côtoyé la misticiste, la Grise accueillit ses propos sans grand questionnement, si ce n'est une vague interrogation quant aux raisons pouvant mener à ne pas revendiquer sa part de la prime. Enfin, si cela en faisait plus pour sa poche, c'était tant mieux ! C'est que c'était un fichu puits sans fond, celle-la.

Faisant sa part, se mettant Ihisca sur l'épaule, la demi-sang emboîta le pas au mercenaire peu loquace. Là où les propos de celui-ci était bien sombres, la Grise, elle, n'eut de cesse d'évoquer la promesse des bonnes pintes qu'ils trouveraient sans doute à des adresses de sa connaissance. Avec ce qu'ils allaient ramasser, ils allaient pouvoir s'en payer des tournées... !

Un coup d'oeil par dessus l'épaule lui fit voir l'Ecailleux se... Recueillant ? *D'la famille dans l'coin ?* Pour le peu qu'elle en savait, cela lui paraissait improbable, mais elle en savait peu alors... Ah oui, cette histoire de pinte ? Mais le dragonnier lui rappela à son bon souvenir sa créature et, si la demi-sang fit un signe de main avec un sourire, celui-ci ne montait pas tout à fait jusqu'aux yeux. Mais dans une taverne, le dragon ne pourrait pas se pointer, n'est-ce pas ? Elle balaya ses inquiétudes par une simple réalité : bientôt, elle aurait les poches pleines !