[Mare Noire]Trois nuits pour une lune

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Nous conseillons aux participants des autres introductions aux mares noires de ne pas lire plus loin que ce premier poste pour garder le mystère entier !

Règles spécifiques à ce RP :

• Pas de longueur de poste minimale
  
• Double posts acceptés après 48h d'attente
  
• Pas de tour de parole

Les joueurs participant à l'évènement sont priés de ne pas ouvrir de RP se déroulant après la date du présent RP jusqu'à la clôture de celui-ci.

Sujet HRP de l'évènement

Clôture : Samedi 15 septembre à 23h

7e jour de la 9e ennéade de Karfias ~ été
17e année du XIe Cycle
Diantra

Dans les entrailles de la terre, deux silhouettes circulaient entre les soixante-douze officiants de bleu et de blanc vêtus. Leurs bras laissaient tanguer d'imposants encensoirs d'argent. L'odeur capiteuse enfumait  la salle au plafond pourtant haut.

Les pas des deux hommes de foi étaient couverts par un chœur de voix profonde. Une seule et même prière, récité sans interruption, telle une mélopée, gonflait toutes les gorges et animaient tous les Souffles présents. Une seule voix. un seul but. Une note grave faisait vibrer les tympans et les fondation de pierre. Et toujours les deux marcheurs continuaient leur devoir à la même cadence. Peu à peu, ils s'approchaient des six piliers centraux en décrivant une immense spirale entre les bures qui exhalaient leur foi en un fervent grondement.

Ces six colonnes, personne ne les regardait. Ils les avaient faites sculpter au cours des dernières années pour que six Saintes les aident à veiller sur les ténèbres qui suppuraient de leur fardeau à tous. Cette faille hideuse aux reflet métalliques...

Au-dessus des piliers de marbre blanc et des silhouettes emplies de grâce, une lueur pâle émanait du néant. Le nuage de lumière blanche aux reflets dansant était la seule source de lumière de la grande salle ronde. Sous sa capuche blanche, les iris sombres de la silhouette tenant l'encensoir se tournèrent vers le spectacle que ces scintillements surplombaient, comme happées. Se rendant soudain compte de sa fascination, il se reprit et se redressa, vérifiant rapidement que personne n'avait été distret par sa propre absence.

Puissions-nous réussir cette fois...

_____________________


En cette soixante-dix-neufième nuit de l'année, bien des yeux étaient tournés vers le ciel et plusieurs toits de la ville avaient été pris d'assaut. A commencé par la vieille tour nord qu'avait réservée un petit groupe d'astronomes, fort pressés d'utiliser leur nouvelle longue-vue.

Ce n'était pas la première fois en dix-sept ans, mais le spectacle qu'ils attendaient n'était pas des plus commun pour autant. Tout cela promettait d'être sur les lèvres des curieux et des prophètes de tout poil pendant un petit moment.

Les rumeurs et les colporteurs en parlaient depuis quelques jours maintenant. Les prêtres prévoyaient un évènement d'une rare beauté dans la les sphères céleste. Les auberges et les tavernes avaient fait du battage sur l'évènement, trouvant une occasion rêvée d'ouvrir particulièrement tard pour rincer les gosiers des noctambules. Les hommes de fois et de sciences s'affrontaient sur le comment du pourquoi de ces éclipses étranges. Les enfants levaient les yeux vers le ciel, guettant les étoiles que découvraient des lambeaux de nuages. Une course au premier qui repèrerait la lueur violacée du Flambeau avait tôt fait de s'organiser. Des conteurs narraient l'histoire du Voile et l’apparition de la Silène. Des buveurs un peu plus savant que les autres montraient les constellations en partageant des anecdotes. Et dans ces îlots d'éveil nocturne, la musique flambaient avec les feux de cuisson.

Jusqu'à l'heure dite.

Les spectateurs restaient fébriles. Le ciel clair était parcourus de nuages menaçant, poussés par le vent humide des orage d'été. Les clients de la Cathèdre, une auberge construite tout en hauteur à côté de Sainte-Deina, s'accumulaient sous la voute céleste. Ils surveillaient les vagues grisâtres tandis que le gérant mouchait les torchères laissées dehors pour que tous puisse admirer au mieux le ciel.

- Là ! Là ! " lança un garçonnet en pointant le doigt vers le cercle d'argent qui commençait à se faire grignoter par la fixe Silène aux reflets mordorés.

Quelques inspirations fascinées... Quand un grincement étrange résonna dans l'air. D'abord faible. Quelques yeux s'écarquillèrent en se tournant vers Sainte-Deina.

Un cri de terreur. Les clients sursautèrent. Sur un coin de la terrasse, une jeune femme se recroquevillait en hurlant, les mains sur les tempes. Se yeux grands ouverts restaient braqués juste devant elle et...

Un grand rire.

Au milieu de la foule, un homme entre deux âges se pliait en deux. Son rire était de plus en plus débordant, de plus en plus bruyant. Il se tenait les cotes, cherchant son souffle de plus en plus frénétiquement. Un second cri de peur. Un second rire. Le rugissement rageur d'un homme qui se jetait sur une barrique en perce pour la frapper de ses mains nues. Encore et encore. Jusqu'à ce que le bois craque et que les rivets grincent.

Oublié le ciel et les deux lunes. Le chaos s'abat sur la petite rue. Chaque souffle éveillé sombre en quelques secondes dans une transe étrange. Des larmes. Des rires. Des coups.

Puis le calme.

Aussi soudainement que le phénomène avait commencé, il disparut. Dans le ciel, la lune s'éloignait tout juste de la Silène. Les esprits quittaient leur état de transe. Hébétés. Dans les heures suivantes, la vie reprit son cours. Le retour de la normalité était étrange. Brumeux. Mais même lorsque le soleil illumina de nouveau le ciel, les incidents de la nuit n'avaient pas disparus. Tout était réel...

... Et des rumeurs variées faisaient vibrer les rues de la ville.

_________


Le Maître du Jeu s'adressant à son audience... Pour peu que vous fassiez partie des malchanceux réveillés au moment ou la Lune est passée derrière la Silène, la nuit a été éprouvante sur bien des aspects. Vous avez expérimenté des pulsions de colères, de peur ou de joie intenses pendant une dizaine de minutes avant de reprendre le contrôle de vos actes. Mais le plus déroutant était encore à venir.

Vous vous souvenez de tout dans les moindres détails, comme tous les autres gens que vous avez pu rencontrer depuis. Mis à part cette émotion qui vous a submergée, vous étiez pleinement vous et tout à fait conscient. Certains prétendaient que c'était une magie maligne, d'autre un message des dieux. Quoi que ce soit et quelle que soit l'émotion qui a été la votre, l'expérience avait sans conteste quelque chose de libérateur. Bien que la peur ou la colère puissent être éprouvantes sur le moment, malgré vous vous vous êtes sentit plus léger une fois la transe terminée.

Les dormeurs, au contraire, n'ont rien ressentis de tout ça et se réveilleront dans cette cité doutant encore de ce qui vient de se dérouler.

Heureusement, le soleil finit toujours par se lever. Le ciel est gris, alourdis de nuages qui ne laissent que peu de places à quelques plaies d'un bleu triste. Une bruine môle mouille les pavés.

Jouer votre nuit comme vous l'entendez. Vos personnages sont libres de se déplacer, de commencer à fouiller et d’interagir entre eux. Ne dépassez pas le levé du jour avant que tous les participants ne soient placés en jeu.

Le petit groupe était enfin parvenu à Diantra après avoir cheminé au sein des terres royales du comté de Scylla. Amarillys et Myosotis avaient été en permanence sur le qui vive, certaines qu'on s'était lancé à leur poursuite. Alors elles avaient demandé à Héléna d'éviter les routes principales, et, que ce soit par chance, astuce ou parce qu'en réalité personne ne s'intéressait à elles, le groupe était arrivé sans problèmes notables jusqu'à la capitale péninsulaire.

La grande et majestueuse cité de pierre blanche rivalisait avec le ciel de ses hautes tours. Les deux soeurs de Termer avaient bien évidemment déjà visité la cité, mais c'était il y a bien longtemps. Les yeux d'Amaryllis s'étaient grand ouvert sur les merveilles d'ingénierie que les architectes avaient déployés pour construire ces fortifications. Elle pointait du doigt avec passion les barbacanes, les arches, Bretèche, détaillait auprès de ses compagnes de voyage qui ne l'écoutaient pas vraiment les trésors d'ingéniosité qu'elles croisaient, faisait des hypothèses audacieuses sur les raisons de chaque élément architectural, indiquait statues et gargouilles étranges.

Quant à la prêtresse, Elle se souvenait très bien de cette ville. Héléna avait fait sa première bataille dans cette ville quant elle était encore une aspirante prêtresse. Dans le passé, la guerrière était au coté de l'armée royale faisant face aux rebelles qui assiégeait Diantra. Quant le trio de femme avait traversé l'entrée de la ville, Héléna revoyait le souvenir de la traitrise d'Hannibal de Roch en train d'ouvrir la porte à l'ennemie. A chaque pas qu'Héléna faisait, le souvenir de la bataille revenait dans son esprit. Dans une rue, la guerrière avait tué le premier homme. Dans une autre ruelle, elle voyait les défenseur et les citadins se faire massacrés. Dans une autres des ruelles, elle se souvint d'avoir fuit dans les égouts quand la bataille était perdue... A cette instant, elle caressa sa joue marqué quand la Corneille se souvint d'avoir était brûlée au visage

Mais, le passé était le passé; Héléna se contenta de regarder la nouvelle ville qui était en train de se reconstruire tout en laissant Amaryllis exprimer sa joie. Héléna ne disait rien, et ne lâchait qu'un sourire amusé de temps à autre.

Aux remarques de sa sœur, Myosotis la relança sur les différents matériaux utilisés, sur leurs solidités, sur l'époque aussi. Non pas par amour du savoir, mais juste parce que l'adolescente aimait voir sa cadette enthousiaste et heureuse de savoir.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin à l'auberge, la blonde demoiselle ne s'était pas encore arrêtée de parler.
-Oh! ca me fait penser.." Il n'y avait absolument rien qui en réalité justifiait ce soudain changement de sujet, mais elle continua neanmoins le fil de ses pensées décousues.
-Il y a une eclipse de lune.. hmm... la nuit prochaine. Ce serait formidable si on pouvait aller quelque part la regarder. Sur une tour. Ou un toit!" Elle regardait Héléna et Myosotis, ses yeux pétillants d'un espoir qui évoquait un chaton devant l'étalage du poissonnier.
-S'il vous plaîiiiiit. C'est un évènement si rare!"

***

Le trio arriva au sein du temple. De là, la prêtresse de guerre retrouva un vieil  ami de son maître : Emilien d'Ambroise. Le vieux prêtre était assez age, perdant le physique d'antan. Néanmoins, il gardait toujours sa prestance du vieux guerrier, accompagné d'une profonde sagesse. Il gérait le temple, apportant sa sagesse pour aider les citadins à faire face au contrecoup de la guerre qui avait ravagé Diantra tout au long des guerres Péninsulaire. Aujourd'hui, il n'était pas rare de voir les citadins retrouvaient le courage pour faire face à l'adversité de la vie.

Cependant, le temple d'Othar à Diantra était en sous effection, ainsi, Emilien avait appelé Helena pour l'aider à la gestion du temple avant d'avoir l'arriver des nouveaux prêtre venue d'Erac. Pour le vieil homme, l'excuse du sous effectif était une raison de retrouver l'ancienne aspirante devenue prêtresse. Ils avaient partagé une histoire commune, liée à la première bataille de Diantra. A cette époque, elle n'était qu'une jeune femme de 16 ans. Mais, aujourd'hui, elle était pleinement femme et une guerrière redoutable.

La jeune femme mit son temps à l'ouvrage, tout en donnant les ordres à ses protégées de se restaurer par un bon repas et entretenir le temple. Pendant que les jeunes femmes firent leurs taches ménagère, Héléna mettait son temps à profit pour soutenir, conseiller les citadins à faire face à l'adversité de la vie. Puis, la vielle guerrière profita du reste de son temps à aider ses protégés dans les taches quotidiennes, voir, profiter un petit moment pour entraîner Myo dans l'art de l'escrime.

***

Elles avaient cédé!

Les trois demoiselles étaient monté sur les toits du temple par cette belle nuit pleine d'étoiles. Les nuages s'étant dissipés,  la lune était clairement visible, haute et belle.

Amaryllis regardait les etoiles, à la recherche des constellations. Elle s'était assise dos à une statue d'une guerrière rageuse, à quelques pas à peine d'Héléna, ses deux jambes repliées contre son torse. Amaryllis en avait trouvé quelques unes. L'eclipse commencerait bientôt, elle avait hâte. La chevelure défaite, vêtue d'une robe rouge qu'avait prêté le temple et d'une paire de sandales, personne n'aurait reconnu la fille de Termer. Toute la journée, elle avait trimé au nettoyage du temple. Courbaturée, épuisée par leur journée et du travail qu'elle n'avait jamais eu auparavant le besoin d'accomplir, une petite part d'elle aurait voulu dormir. Mais elle n'aurait manqué l'évènement pour rien au monde.

Héléna portait une robe rouge de lin qui mettait en valeur ses courbes féminine tout en couvrant ses attributs. Sa longue chevelure blonde cendré était relâchée. Presqu'allongée sur  le toit plat du temple qui servait aussi de "terrasse", la prêtresse buvait à une cruche d'hydromel. Après un long voyage, elle était de nature rêveuse et songeuse. En un point, elle avait un petit point commun avec Amaryllis. Ainsi, la prêtresse en profita de raconter une petite histoire de sa vie

-"Quand j'avais douze ans, dans les montagnes d'Oesgard,il y avait une éclipse aussi. Toute ma famille était assis sur la terrasse en bois de notre maison. Ma mère était tranquillement assise sur sa chaise, buvant avec mon père une bonne cruche d'hydromel. C'était aussi à cette instant rare que j'ai bu mon premier alcool." souriait-elle " Par Othar, j'ai pris un coup de vieux." fit-elle d'un geste de la main.

Les paroles d'Héléna avaient attiré l'attention de la blonde demoiselle, qui s'était tournée vers elle pour la parcourir du regard.
-Quel âge avez-vous, dame Héléna? Quelle eclipse était-ce? "

La jeune fille n'était pas certaine de l'évènement dont parlait son ainée. Et surtout, elle n'imaginait pas regardait un évènement astronomique avec son propre père. C'était quelque chose qu'elle aimait partager avec Myosotis. Elle serra un peu plus ses jambes contre son torse, mais offrit à Héléna un petit sourire, le menton sur ses genoux.

J'ai 33 ans. Quelle éclipse, je ne pourrais pas te dire. Mais, c'était un bon souvenir que j'avais quand j'étais jeune.
-J'ai jamais bu d'Hydromel. C'est bon?

A cette instant, Héléna lui adressa un petit sourire. De nouveau, elle revoyait le souvenir de sa mère qui lui avait fait gouter de l'hydromel sous le regard amusé de son paternel. Helena se souvint d'avoir été pompette sous l'effet de l'alcool sous le rire de sa fière mère et de son père. A cette instant, elle lui tendit la cruche.

Goûte-en et fait ton avis là dessus, petite oiseau. sourit-elle amusée. La jeune de Termer tendit le bras pour saisir le recipient, il était alourdi par le liquide qui clapotait à l'intérieur. Il n'y avait qu'elles deux sur le toit, et Amaryllis sourit à la prêtresse, enchantée qu'elle lui fasse goûter quelque chose qu'elle ne connaissait pas. Quel goût cela avait-il? Myosotis avait toujours pris soin d'éviter qu'elle ne boive de l'alcool, ce qui n'avait fait qu'attiser sa curiosité. Peut-être devrait-elle le dire à Héléna?

Sa sœur était occupée à leur trouver quelque chose à grignoter, alors peut-être n'en saurait-elle jamais rien. Amaryllis rougit, la culpabilité au creux de son ventre. C'était trop compliqué. Elle préféra donc mettre ce dilemme de côté pour se concentrer sur la cruche clapotante. Elle avait vu la prêtresse boire directement dedans.

Elle la copia donc du mieux qu'elle pouvait. Le bec au dessus de la bouche grande ouverte, elle inclina, et l'hydromel se deversa comme d'une corne d'abondance, la moitié dans sa bouche, l'autre sur ses joues, son menton, jusque sur son col. Héléna la regarda avec les grands yeux, surprise par l'action de la jeune adolescente.

La demoiselle redressa aussitôt le pichet, la bouche pleine et avala en toussotant. C'était sucré, accompagné d'un drôle de goût fort, et surtout, elle venait d'en renverser partout sur elle. La prêtresse poussa un léger soupir, prenant un mouchoir dans sa sacoche.

-Oh zut... excusez-moi… La petite blonde semblait réellement désolée. "C'est bon... je ne sais pas pourquoi Myosotis ne veut pas que j'en boive..." Elle rit aux éclats et allait boire une autre gorgée, mais, Héléna retira aussitôt l'alcool de ses mains.

Pour Myosotis, la disparition de l'astre devint rapidement flou. Pour une raison inconnue, l'adolescente ne pouvait contenir ses larmes qui jaillissaient de ses yeux telle une source claire. Elles dévalaient les joues sans demander leur reste pour aller s'écraser contre le toit. Ne pouvant plus supporter l'horrible poids dans sa poitrine la damoiselle se recroquevilla sur le flanc, sa chevelure cachant son visage.

Il ne fallut pas longtemps pour que l'étrange effet aille prendre au tripe la femme. Ce n'était pas les larmes qui coulèrent, mais, une profonde colère et sourde prenaient ses tripes. D’où venait cette étrange colère ? La guerrière ne le savait pas vraiment, cependant, des souvenirs du siège de Diantra l'envahissait. Oui, tout d'un coup, elle se souvenait de sa première bataille sur la muraille de la cité, apercevant le traitre qui ouvrait la porte de la cité. De là, elle se ressouvint du pillage, du massacre qui envahissait la pauvre Diantra. Prise, violentée et lynchée, la cité était mis plus bas que terre. Héléna se souvenait très bien de l'horreur de cette bataille, la perte de ses amis et de sa brûlure sur sa joue.  Ses dents se serrèrent, ses mains se contracta avant de sentir ses ongles rentrer dans sa peau jusqu'au sang. Le regard quant à elle était fixé sur l'horizon de la cité.

Elle avait envie d'hurler, de déverser toute sa haine qu'elle n'avait pas pu il y avait si longtemps. Oui, sa flamme grondait à l'intérieur, envahissait son corps avant que le torrent de fureur sort de ses lèvres

"Maudit soit le traître qui a ravagé cette cité! Maudit celui qui a déshonoré la cité! Maudit celui qui a trahi ses frères ! Hannibal de Roch que ton nom soit maudit! Que la lignée soit maudite! Et, je jure devant Othar que si tu es encore vivant, je te tuerai sur le champs! J’éliminerai toute ta lignée pour toute la vie que tu as sacrifié par ta traîtrise! Parjure, Traître! Suppot d'Arcam! Sale vermine que ton nom soit pourri à jamais!  "

C'est stupide! Pourquoi vous êtes toujours tous comme ça ! Toujours tout savoir sans se poser de question! Juger! Vous venger ! Punir! Je ne sais pas qui est cet Hannibal de Roch, mais ses enfants y sont pour quoi? C'était peut-être un monstre, mais pourquoi eux devraient payer?"

La petite blonde s'était levée. Elle qui ne laissait jamais parler sa colère... la rage était montée en elle si brusquement, incontrôlable, puissante. Elle n'en pouvait plus. Les adultes qui pensaient tout savoir et qui pourtant se trompaient si souvent. Les adultes qui s'assommaient sans cesse de certitude.

Ses yeux bleus perçants étaient vissés sur ceux de la prêtresse. Vous vous fichez… de ceux.. de ceux qui sont morts, votre vengeance contre... contre des gens qui n'ont rien fait.  Je! Je! Je! Vous ne pensez qu'à vous."
La petite, ivre d'alcool et de colère, s'était jetée sur la prêtresse d'Othar.

Amaryllis s'était jetée sur Héléna pour la frapper de ses petits poings, elle qui avait ses grandes idées, ses certitudes, représentait à cet instant dans son esprit envahi par une rage incomprehensible, toutes les frustrations, les contraintes, les regrets qu'elle avait accumulé en elle depuis si longtemps.

Alors la petite blonde vêtue de rouge frappait, des pieds, des mains sur la femme qui s'était couchée sur elle. La panique s'était mélangée à la colère.
- Arrêtez!!! Me touchez pas! ME TOUCHEZ PAS!!" Les souvenirs étaient trop récents. Elle redoubla de coups maladroits, désordonnés, sans l'écouter. Son cri résonna au milieu de la cacophonie qui avait envahit le quartier.

Brusquement, elle fut emportée sans cesser de se débattre, en sueur, décocha un coup de poing sans grand effet à la vétérane. Héléna l'avait jetée à terre, puis la tira debout par les cheveux, sur le bord du temple. Ses petites sandales de cuir brun étaient si proches du vide. Elle poussa un cri de douleur, dents serrées...

- honneur… honneur!.. s'en fiche de sa famille… vous savez, vous.. ce que ces gens veulent? De l'aide peut-être… reconstruire leur vie? Ils Seront soulagés de savoir que des gamins.. qu'ils ont jamais vu sont… sont morts? Pourquoi.. pourquoi faut toujours faire du mal… répondre au mal.. en faisant plus de mal…"

La colère s'était évanouie, laissant un grand vide à la place, la douleur, et l'incomprehension. Que lui était-il arrivé?

La lune était à nouveau bien visible dans le ciel. Elle avait manqué l'Eclipse. Elle ne s'était pas reconnue. Elle était sur le toit d'un temple, suspendue à moins d'un pas du vide, sa chevelure tirée par les mains de la prêtresse qui les avait sauvées.

Son carnet à dessin et sa mine de plomb gisaient, abandonnés, non loin. En sueur, haletante, elle ne comprenait pas. Cela n'avait aucun sens. Elle tourna les yeux pour découvrir Myosotis qui gisait, prostrée un peu plus loin.

-Suis désolée… Myo… Myo? finit-elle par murmurer en se dégageant de leur hôte pour aller serrer son ainée dans ses bras.

La demoiselle pleurait. Elle pleurait toutes les larmes de son corps. Elle avait envie de s'enfouir dans le sol, mais le toit était trop dur pour cela. A côté d'elle des éclats de voix, des cris.
Une des voix lui évoqua quelqu'un… un être cher. Un être à chérir… sa sœur ! Sa petite sœur !

Malgré le poids de sa tristesse, la jeune fille se redressa maladroitement.
Son Amaryllis était en équilibre précaire. Dans sa poitrine les battements de son cœur grondaient et s'accéléraient. Elle se releva.

Un pied puis l'autre. Les yeux embrumés, elle étudia rapidement son angle d'attaque. Pas de derrière, sinon la prêtresse d'Othar pourrait basculer et lâcher sa prise.
Il fallait agir. Et vite. Alors l'adolescente se jeta sur la femme.

Tenant les genoux, elle enfouit son visage dans la cuisse  de la vétérane. La toile rouge de la robe se mouilla alors de ses larmes.

- Je vous en prie… implora t'elle. Je vous en prie, lais… laissez la… ren… rendez la moi… C'est… C'est ma sœur… C'est ma pe… petite sœur… Ne me… laissez pas… pas toute seule… Pas toute seule… hoqueta t'elle.

Le fleuve des larmes prit fin, laissant d'énormes sillons sur les joues et le tissus de la tenue. L'Eclipse était finie et avec elle les sentiments refoulés depuis tant de temps. Trop longtemps.

Hagarde et lessivée par l'expérience, Myosotis, toujours à genoux lâcha sa prise et s'affaissa. Le toit dégageait encore une douce chaleur qu'il avait accumulé de la journée. C'était réconfortant.

Mais le véritable réconfort vient en la présence de sa petit sœur. A son tours Myosotis la serra dans ses bras.
- Ama. Le nez dans le cou de sa cadette, elle respira son odeur. Ama ? Tu sais quoi ? demanda-t'elle, un sourire au coin des lèvres J'ai envie de te chatouiller !
Et elle joignit le geste à la parole. La rousse chatouilla la blonde. C'est ainsi que débuta, sur le toit du temple de l'auguste Othar une bataille de chatouille mémorable.

Tout autour de la femme rouge, les rires fusèrent.

La colère, la frustration, la tristesse s'envolèrent. Place à la joie. Place à la vie.

Spoiler:

Spoiler:

Elle s'était réveillé brusquement, les longs cheveux en bataille, ses yeux bleus pâles grands ouverts. La jeune fille, vêtue d'une chemise de nuit dont la blancheur rivalisait avec celle des draps se tenait droite, les mains pâles glissées entre les plis de l'étoffe.

Elle resta ainsi immobile, de longs instants. Une brise légère s'échappait de la petite fenêtre de la mansarde qu'on leur avait attribué. Une chambre de servantes au cœur du temple d'Othar de Diantra , car c'était plus ou moins le rôle qu'occupaient les deux jeunes fugueuse, ainsi que les robes grises soigneusement pliées sur l'unique petite table l'indiquaient.

Amaryllis s'en moquait bien. Déjà parce qu'elle était ainsi, mais surtout parce qu'il s'était passe la nuit dernière quelque chose d'extraordinaire, au sens premier du terme.

Elle avait repensé, rêvé encore et encore des événements de la nuit dernière, avec force détail, sans pouvoir ni vouloir les déloger de son esprit fécond. Les questions, les idées fourmillaient en elle, vertigineuses, attirantes, irrésistibles.

Elle se leva soudainement, et bondit vers le lit voisin, celui qu'occupait sa sœur encore endormie. Dehors le soleil s'était levé depuis peu.
-Myo! Debout ! Il fait jour ! Faut qu'on sache ce qui nous est arrivé hier soir ! C'était de la magie ! J'en suis sûre ! De la vraie magie ! " les mots s'étaient bousculés à la fin de la tirade.

La tête rousse émit un grognement et disparut sous le drap tel un escargot dans sa coquille.

-Mais ?

La jeune blonde haussa les épaules, déçue de cet incompréhensible manque d'intérêt, il ne lui restait plus qu'à s'habiller. L'expérience avait démontré qu'elle obtenait de biens meilleurs résultats en laissant sa sœur reposer quelques minutes avant la deuxième tentative.

Elle attrapa à deux mains les pans de sa chemise de nuit et la hissa au dessus de sa tête. Puis elle la laissa tomber au sol, aussi nue qu'un nouveau né. Amaryllis s'étira comme un chat(1), et chercha le miroir. Il n'y en avait pas, et il lui manquait le mètre ruban. C'était gênant, car cela risquait de provoquer des trous dans ses mesures, reconnut-elle en un soupire en touchant d'un doigt curieux ses formes plus épanouies à chaque fois qu'elle en prenait la mesure. La nature était si étonnante. Amaryllis ne savait pas par où commencer pour lui donner tout l'intérêt qu'elle méritait, alors elle faisait de son mieux pour porter attention à tout en même temps, et pas nécessairement dans cet ordre.

Soudain, on frappa à la porte. Perdue dans ses réflexions, la jeune fille se dépêcha d'aller ouvrir pour accueillir leur protectrice.  Entre temps, elle avait oublié de s'habiller.

Son joyeux sourire devint vite interrogatif, yeux bleus grands ouverts au travers de ses mèches ébouriffées.

- Bonjour! Présentable… Que voulez vous dire par là, dame Héléna?" Si elle venait de préciser, c'était qu'il y avait quelque chose de special.

(1) Comprendre: "sans aucune grâce"

- Myo !

Non… Pas déjà… Il faisait doux et chaud sous les draps. Alors, d'un geste expert, elle se réfugia en dessous en serrant l'oreiller contre elle.
La rousse demoiselle avait mis de temps avant de s'endormir. Et pour cause, les fameux évènements de la nuit. Magie ou pas, c'était… étrange. C'était donc ça pleurer ? Ça faisait mal. C'était épuisant. Ça empêchait de dormir. Et… et ça soulage quand même.

Les yeux fermés, la demoiselle cherchait à rassembler les lambeaux du sommeil que sa sœur avait si férocement éparpillé. Cependant, il se passait surement des choses étranges sous la mansarde. Et pour cause, il n'y avait plus de bruits. La puce s'était elle envolée ? Mais la porte n'avait pas couiné. S'était elle fait mal ? Mais il n'y avait pas eu de bruit de chute.
Par tout les dieux, qu'avait elle encore trouvé à disséquer ? Un instant la panique la prit.

Pas le choix, il fallait qu'elle se lève… alors la damoiselle dégagea le drap.

Des pas se résonnèrent dans le couloir d'à côté. C'était la prêtresse. Il fallait se lever, apparemment, elles devaient sortir.
La petite puce avait ouvert la porte, et sa puinée les yeux.

- Ho… oh…
- Présentable… Que voulez vous dire par là, dame Héléna?" Légèrement surprise, Héléna posa son regard sur Amaryllis et poussa un long soupir.

L'oreiller si tendrement serré vola à travers la pièce pour rencontrer la tête blonde.

- Ça veut dire pas comme ça ! Ferme cette porte, que je puisse me lever aussi ! Et as-tu fait ta toilette de chat ?

D'un bond, Myosotis était sur ses pieds, et tira à elle la jeune tandis que la porte se ferma sans ménagement.

- Tout sera fait selon vos désirs ma Dame.

Dans la chambre, la vie avait prit ses droits : c’est-à-dire que le chaos était total.

***

Propres, habillées, peignées, les deux demoiselles se présentèrent devant leur bienfaitrice en un tout petit peu moins de temps que celui imparti. Et si l'envie de la prêtresse d'inspecter la chambre lui prenait, les lits étaient fait, les affaires soigneusement bien rangées et une absence notable de grains de poussière au dessus des meubles.

Après une légère collation, elles partirent en ville.

La bandoulière à trésors autour du cou, Amaryllis les assommait aussi d'hypothèses et de propositions. Le phénomène avait-il affecté tout le monde? était-il localisé? Provoqué par l’éclipse, une pure coïncidence, ou bien lié indirectement ?
Myosotis, quant à elle, marchait en silence avec le visage renfrogné des jeunes de son âge par la contrariété de devoir laisser la pertuisane au temple.

Et déjà, Héléna poussa la porte de l'auberge.

Depuis qu'Héléna les avait laissées seules, Amaryllis ne s'était pas tut un instant. Elles s'étaient habillée des robes courtes caractéristiques des servantes du temple en été.

Il s'agissait de robes tuniques grises d'une grande simplicité. Celui qui les avaient conçues il y a de cela des décennies ou peut-être des siècles avait gardé en tête plusieurs objectifs. Le cout d'abord, puisque, retenus par des lacets et quelques coutures, le vêtement était des plus simples à fabriquer et à entretenir. La discretion ensuite, car les servantes du temple devaient se faire oublier à coté du rouge caractéristique des prêtres, tout en rappelant leur service au culte. La praticité enfin, car c'était bien elles qui devaient s'assurer que le lieu soit digne du perfectionnisme du culte, et cela en étant elles même irréprochables. Une ceinture rouge portée à la taille et une paire de sandales en cuir complétaient l'ensemble.

Finalement, Myosotis avait suivi les consignes à la lettre en coiffant les cheveux de sa sœur en longues tresses. Les siens étant courts, elle s'était débrouillée pour faire au mieux. Face à la première impression qu'avait fait ca sœur, elle comptait bien montrer qu'elles étaient capables de la perfection.

***

Il n'était pas évident qu'Amaryllis s'était aperçue que la petite troupe venait d'entrer dans une auberge. Elle avait beaucoup à réfléchir. C'était un sujet nouveau et complexe, incompréhensible, pour lequel elle manquait de référence.

C'était génial.

- Il nous faut plus de faits! Parce qu'en l'état, on ne sait rien. Qui a été affecté? Seulement nous? Je ne crois pas, étant donné les cris, mais il faut vérifier. Tout Diantra, Toute la péninsule? Le monde entier?

- Si c'est lié à l'Eclipse elle-même, cela devrait avoir affecté tous ceux qui l'auront vu…. Il faut qu'on interroge des habitants de Diantra qui se trouvaient en différents lieux de la cité. Ce n'est qu'un début, mais... D'ailleurs, vous croyez qu'on l'ait vue dans le monde entier, ou est-ce un évènement localisé? Vous imaginez que des elfes aient pu regarder l'éclipse en même temps que nous?" Ca faisait rêver en effet.

- C'est forcément un effet surnaturel. Myosotis qui se roule en boule en pleurant, ca ne peut pas arriver naturellement. Enfin, c'est quelque chose que je n'avais jamais observé. Tu en penses quoi Myo? Et je n'ai jamais été aussi énervée… C'était légitime, mais tout de même… Ca pourrait être les dieux, ou un rituel magique. J'ai jamais vu de vraie mag...

La demoiselle s'arrêta, car Héléna venait de s'adresser à un étrange vieil homme à la longue barbe. Elle avait découvert au fil des années que la supposée sagesse des anciens était une hypothèse assez peu fiable. Elle ne réalisa qu'ensuite ce que ses oreilles tentaient de lui transmettre depuis de longs instants.

L'homme, manifestement principalement constitué de deux yeux perçants posés sur sa longue barbe blanche, s'intéressait aussi à ce qu'il s'était passé hier soir.

Elle lui sourit avec innocence, et agita la main.

- Bonjour!

L'adolescente boudait encore. Bien qu'elle soit habituée au manque de tact d'Amaryllis, Myosotis avait fort peu apprécié les propos qu'elle jugeait déplacer. Oui, elle avait pleuré. Oui, elle avait eu mal. Mais quand même, le dire dans un lieu public, alors ça, non.

Alors pour la peine, la rousse n'écoutait plus sa sœur et lui fit savoir en se tenant comme on lui avait appris : dos droit, cou raide, regard baissé et un léger sourire aux lèvres. Ses jambes étaient repliées sous l'assise du siège, les chevilles croisées et les mains posées bien à plat sur les cuisses.

Cependant, cela faisait déjà un peu moins de trois minutes que la demoiselle s'ennuyait déjà à mourir. C'était Hespéris qui était la meilleure à ce jeu là. Alors son pieds commença à se balancer au rythme de la musique.

Dame Héléna avait entamé la conversation avec un homme d'un certain âge, pour ne pas dire assez avancé, mais pas encore grabataire puisqu'il était dans l'auberge. Elle fut fascinée par la barbe qu'elle observé à la dérobée. Elle n'en avait jamais vu une aussi grande. En effet, au moindre petit mot, la barbe s'agitait, tressautait, s'animait  d'une vie qui lui était propre. Ainsi, c'était donc ça une barbe fleurie qu'arborait les pères des héros des livres d'Hespéris… Ce n'était pas juste une barbe taillée dans laquelle une rosière avait tendrement coincé des fleurs par amour filial ?

"Hooooo mais par ma barbe! Où sont mes bonnes manières? Je ne me suis même pas présenté pardon. Je me nomme Nakor, de Nisetis."

La demoiselle attendit que Dame Héléna se présente avant de se mettre sur ses pieds et de le saluer comme un homme de rang devait être salué : avec grâce et respect.

Myosotis, Messire Nakor de Nisetis.

Elle aima immédiatement l'allitération et regretta un temps le prénom qui cassait un peu le rythme bien qu'il permettait l'alexandrin.

Elle resta debout à attendre devant son siège. Comme elle se désintéressait complètement de la conversation, elle se faisait oublier. Il fallait le dire Amaryllis lui facilitait bien la tâche en parlant tout le temps et en posant plein de questions.

Là bas, la musique l'appelait.

- Amaryllis!

La petite blonde observait le sorcier, des étoiles pleins les yeux. Elle détaillait sa longue barbe, ses yeux perçants, son chapeau hors du commun. Son regard le parcourut avec attention. Elle nota tout un tas de petits détails sur lui. Il avait en effet l'air d'un vrai sorcier. La barbe faisait pour beaucoup se dit-elle. Comment quiconque pouvait-il avoir une barbe pareille? S'agissait-il d'un phénomène naturel ou quelconque magie était-elle à l'oeuvre?

De plus il s'intéressait au même problème qu'eux. Il avait plusieurs hypothèses, l'idée d'une cabale de magiciens noirs les ensorcelant lui traversa l'esprit. Digne d'un roman d'Hesperis, mais assez chouette tout de même.

Enfin il s'appelait "de Nisetis". Cela signifiait-il qu'il en venait? Avait-il connu le royaume perdu de Nisétis? Y était-il né? Y avait-il vécu? Y vivait-il toujours? Pouvait-elle faire en sorte qu'il l'y amène?

Si Amaryllis avait été comme n'importe qui, ce tourbillon d'idées l'aurait probablement laissée coite. Mais elle n'était pas n'importe qui. Elle était elle-même, et ne se laissait donc pas démonter pour autant. Elle prit donc les idées dans l'ordre qui venait.

- de Nisetis… Vous connaissez des dragons tyranniques? Ou des rois démons? Ils sont comment en vrai?" Parce qu'elle avait des doutes sur les histoires. Les grands disaient souvent ce qui les arrangeaient, et c'était assez rarement la vérité. Ils étaient si agaçants à se compliquer la vie ainsi. Mais il y avait peu de chances qu'il révèle tout le savoir qu'il pourrait lui apporter sans qu'elle parvienne à...

gagner sa confiance.

- Nous étions sur le toit du temple d'Othar pour observer l'éclipse. J'avais pris un sablier et mon carnet de dessins. Lorsque la lune a commencé à disparaitre dans l'ombre, il s'est passé la chose la plus singulière de toute ma vie!

Des gens ont commencé à crier, pleurer, rire.

Myosotis s'est roulée en boule et s'est mise à pleurer. Ca n'arrive jamais, car c'est la plus courageuse d'entre nous, et de loin.

Dame Héléna s'est mise à vouloir tuer les enfants d'un certain Hannibal de Roch parce que leur papa avait commis des choses horribles. C'était peut-être vrai, mais je me demande en quoi ca va aider quiconque de tuer des enfants. Mais on me dit souvent que je suis pas assez sage pour comprendre ces choses là."

Elle venait de froncer les sourcils, sous le coup d'une intense reflexion. C'était vrai, elle ne comprenait pas. C'était comme si la pensée était si étrangère qu'elle ne pouvait trouver aucune place pour loger dans son esprit bien particulier. Mais elle disgressait.

A coté d'elle Héléna poussa un profond soupir. Était-ce du désespoir? Du contentement?(1) Les dieux la mettaient-ils à l'épreuve? Nul n'aurait su le dire à part la prêtresse.

- Moi je ne me mets jamais en colère. Ca ne sert à rien, et c'est fatiguant. Mais là… il y avait une telle rage en moi. C'était injuste. Alors j'ai dit à Héléna ce que je pensais. J'ai voulu me battre contre elle, elle m'a tiré les cheveux, et j'ai cru qu'elle allait me jeter du haut du toit. Mais je m'en fichais!

Elle finit d'une voix faible, rien de plus qu'un murmure.
- Je n'arrivais pas à penser. C'était insupportable.

- Puis soudainement tout est revenu normal. Et l'éclipse s'était achevée. J'avais renversé mon tablier en me jetant sur Dame Héléna. Le Pire c'est que je n'ai même pas regardé l'éclipse! C'est impossible que ce soit naturel. Elle était un peu déçue pour son observation ratée, et fit la moue. Cela ne dura qu'une fraction de seconde.

- Non! Il ne faut pas procéder de proche en proche. Il faut aller au plus loin, puis essayer à mi distance, et ainsi de suite, c'est beaucoup plus rapide, Messire Nakor de Nisetis!

(1) Il était en réalité extrêmement improbable que ce soit du contentement, mais exclure des hypothèses trop prématurément pouvait se révéler parfois regrettable.

Tap, tap, tap faisait la sandale sur le plancher au rythme de la musique. La demoiselle attendait patiemment son heure, et en attendant, elle écouta faute de mieux en dégustant son lait sucré.

Comme d'habitude, sa sœur essaya de faire passer le plus d'idées possibles avant qu'un adulte ne lui ordonne de se taire. Chose qu'Héléna ne tarda pas à imposer.

Imperturbable, elle écouta le sermon de la prêtresse guerrière. Les paroles résonnaient en elle… et elle comprenait que trop la colère de sa petite sœur. C'était frustrant, pourquoi les adultes ne pouvaient ils pas simplement assumer leur faute au lieu de sanctionner les enfants ?  Mais la Corneille croâ. Vraiment, profondément. Est-ce que cela étonnait quelqu'un ? Pour devenir une Corneille, il fallait surement avoir une foi sans faille et un tempérament en acier trempée. Chose qu'Héléna était fort bien pourvue, en plus d'un cœur fort généreux.

Enfin, le vieil homme eut toute la latence pour répondre. De sa personne, il se dégageait une aura de sympathie, auquel elle adhérât. En effet, elle savait apprécier les bons mots et la bonne humeur quand elle les voyait.

Surprise par le contact de la barbe, Myosotis eut un mouvement de recul qui la fit descendre du siège sur lequel elle s'était à nouveau perchée. Afin de ne pas effrayer le Nakor, elle lui offrit son plus beau sourire. Mais elle resta à bonne distance de l'homme et ne se rassit pas, laissant là la tasse.

Cette surveillance ne l'empêcha pas de rire intérieurement aux mimiques adressées à sa sœur pour qu'elle le laisse parler. D'ici quelque heure, ils n'auraient peut être plus besoin de ce genre de chose pour que sa sœur ait avec lui une conversation "normale". Bon… uniquement si on mettait de côté les sujets aussi improbables que farfelus de la damoiselle.

Là bas, la musique avait changé. Elle était plus entrainante, entêtante. La demoiselle tourna la tête pour regarder le musicien. Il n'y avait pas de danseurs pour l'accompagner. Ce n'était pas l'heure. Pas encore.

Que disait le Nisetien ? Que le phénomène était localisé ? Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Que seul les gens présents à Diantra avait été touché ? Comment le savait il d'ailleurs ?

La réponse ne se fit pas attendre. Ce qui était bien avec cet homme, c'était qu'il était comme Amaryllis, il répondait aux questions bien avant qu'on ait le temps de les poser. Elle hocha de la tête pour le remercier de cette économie de mots.

Discrètement, la jeune fille poussa sa tasse encore pleine vers celle que sa sœur avait vidée.

A l'évocation d'une petite promenade, Myosotis était partante ! Tant qu'il savait rester à une bonne distance d'elle et de sa sœur. Toujours muette, elle regarda la femme les yeux interrogatifs et quémandeurs. Sa sœur parlerait certainement pour elle.

C'était finalement le doigt d'Héléna sur son menton qui avait interrompu son discours. La tête de la jeune curieuse s'était tourné vers la prêtresse, son regard interrogatif, suivant avec obéissance le mouvement que lui imposait la dame.

Puis elle avait écouté. On la disputait clairement, en tout cas c'est ce qu'il paraissait. Pourquoi exactement? Amaryllis n'avait pourtant dit que des faits, un peu embellis peut-être. Était-ce là le problème?

Elle fronça les sourcils, et hocha la tête car, des années plus tôt, elle avait compris que c'était un mouvement qui pouvait résoudre bien des situations conflictuelles avec les prêtres. L'instant d'après on la libérer, puis Héléna proposait de visiter un lieu inconnu. Des étoiles apparurent plein ses yeux, étoiles qui ne firent que grandir avec l'evocation d'un lait au miel.

Amaryllis adorait le lait au miel.

- Merci Dame Héléna! Malheureusement, rien ne laissait paraitre qu'elle soit d'une quelconque façon gênée de la conduite.

Puis elle s'intéressa au vieux sorcier Nisetien à longue barbe dont les histoires promettaient d'être bien passionnante. L'homme était un peu inhabituel, elle trouvait cela charmant.

Ainsi, il était rare que les rois sorciers soient aussi à la fois des démons et des dragons. Rare signifiait possible. Rare signifiait également que Nakor de Nisetis était déjà tombé au moins une fois sur ce cas.

Mais elle éclaircirait ce point plus tard. Si elle ne se trompait pas, Nakor de Nisetis(1) serait à sa disposition pour encore quelque temps. Amaryllis n'avait jamais rien vécu d'aussi excitant. Elle lui sourit du mieux qu'elle pu, immobile comme une statue lorsqu'il lui chatouilla le visage de sa longue barbe, et nota que sa sœur avait préféré la fuite.

Il était different c'était vrai. Mais il n'avait pas l'air méchant, et même si la jeune blonde ne s'estimait pas très douée dans l'estimation humaine, elle le trouvait très amusant, amical, voire même charmant. Qui plus était, il était d'accord avec elle ce qui en faisait quelqu'un de raisonnable.

Enfin,  et pour ne rien arranger, il connaissait apparemment des sorciers nisetiens démoniaques, ce qui n'était pas donné à tout le monde.

Y en avait-il encore aujourd'hui dans le vaste monde? Si c'était le cas, ils devaient avoir eux aussi beaucoup à dire.

- Vous croyez que je pourrai parler à une sorciere Nisetienne démoniaque un jour? En reste-t-il? En connaissez-vous?" Venait-elle de dire tout haut la question naïve qu'elle se posait tout bas?
-Mais c'est pas le plus important! Nous avons une enquête à mener!

Elle pensait avoir terminé son lait au miel à un moment ou un autre, mais étant donné que la tasse devant elle était encore pleine, la demoiselle en but une nouvelle gorgée en fouillant dans sa besace de l'autre main.

En sortirent des pinceaux, une mine de plomb, une boite de pigments, des feuillets couverts de dessins criants de vie puis finalement un carnet. Après avoir mi sans ménagement de coté le surplus de materiel, elle ouvrit le carnet à une page vierge de croquis pour, à l'aide de la mine de plomb, dessiner d'une main sûre et d'un seul trait un contour aisément reconnaissable de la cité, sur lequel elle ajouta les rues principales et quelques monuments avant de le subdiviser.

- Nous avons regardé l'éclipse ici! Elle venait de poser une croix à l'emplacement du temple d'Othar. A la maison, elle avait déniché un plan de Diantra qu'avait du acheter son grand père. La cité paraissait si immense, elle s'en souvenait de nombreux détails. Mais il fallait reconnaitre que la réalité était mieux encore.

- Nous avons plusieurs hypothèses! Fallait-il regarder l'eclipse pour être affecté, ou a-t-on aussi été touché dans les bâtiments? Toute la ville a-t-elle été affectée de la même façon? Elle comptait sur ses doigts.

- Nous pourrions aller à différents endroits de la ville, et compter les gens affectés et ceux qui ne le sont pas! Qu'en pensez-vous?

C'était la partie qu'elle aimait le moins. Les gens étaient peu fiables en général, et parfois la regardaient de travers sans aucune raison.

- On pourrait se séparer pour aller plus vite! Mais par contre je vous laisse poser les questions. Les gens sont bizarres parfois. Allons-y!

La jeune fille finit sa tasse et se leva pour prendre sa sœur dans les bras et se blottir contre sa poitrine, la mine de plomb à la main.

Myosotis profita d'avoir la belle demoiselle dans ses bras pour lui glisser aux creux de l'oreille : Ma douce, est ce que tu te souviens qu'on ne peut pas parler de tout avec n'importe qui ? Et bien les sorcières rentrent dans cette catégorie. La rousse posa une main sur la hanche de sa sœur, puis lui prit sa main. Trois, quatre… Sur le rythme de la musique entrainante, dansant, sautillant et virevoltant, le couple de pucelle se dirigea enfin vers la porte.

Sur la table, le carnet restait ouvert sur le plan de Diantra griffonné à la hâte, sur lequel elle avait ajoutée une esquisse facilement reconnaissable de la cathédrale de Sainte-Deina.



(1): Elle aimait beaucoup ce nom.

Matin - 8e jour de la 9e ennéade de Karfias ~ été
17e année du XIe Cycle

Le Maître du Jeu s'adressant à son audience... La ville est belle et bien éveillée à présent, bien que dans une rue particulièrement large, un réveilleur s'égosille encore sous les fenêtre d'un tailleur particulièrement sourd. Dans le quartier du temple aux façades de pierre et toits de tuile bleues, tout évoque un mélange entre des vieilles constructions Diantraises et de nouvelles Langecines. C'est ainsi depuis près de sept ans, lorsque Soltariel et Missède ont repris la capitale des mains des bandes de mercenaires et de brigands qui y avaient élus domiciles.

Ce quartier a sans doute été le plus épargné. Que ce soit par la guerre, la famine, la destruction, la maladie ou les intrigues nobiliaires. Aucun temple secondaire n'est lové dans cette partie de la ville entièrement dévolue à la Bienveillante Mère des Hommes. L'ombre de la Cathédrale semble l'avoir placé sous la tutelle divine de la DameDieu... a moins que ce soit le fait que la Haute Prêtresse Irys soit une parente de la Baronne de Missède qui avait fallacieusement offert Edelys au culte et dont le mari avait choisit de protéger ce quartier plutôt que d'en reconstruire un plus simple à défendre. Dans tous les cas, que ce soit par appui politique ou bénédiction divine, les manoirs aux murs intactes sont bordés par des rues ou les ateliers d'artisans se succèdent comme autant de perles sur un collier. Des orfèvres, des papetiers, des scribes, des faiseurs de bougie, des luthiers et des parfumeurs créant également leurs encres et leurs huiles. Autant de travailleurs aux compétences nobles et aux cœurs pieux qui méritent de vivre une vie simple et tranquille dans la paix que projettent les flèches de Sainte-Deina.

Au milieu des rues pavées et entretenues, les balayeurs charrient les immondices du caniveau vers les bouches des égouts. L'eau et l'abnégation des hommes ne laisse pas l'air s'alourdir des odeurs de fanges que prennent bien trop souvent les villes. Les placettes sont souvent bordées de source publiques, si bien que les porteurs d'eaux n'ont que peu de chemin à faire. L'atmosphère vibrionne déjà d'activité. L'odeur de farine chaude d'une boulangerie se mêle aux roses odorantes bordant la devanture d'un manoir dont le porche est marqué d'un blason présentant un arbre blanc.

Devant la Cathédrale, les rues, avenues et placettes se sont changées en un grand parvis entièrement dallé. Divers vendeurs - licites ou non - et prophètes en tout genre s'y affairent déjà. Ici, un morceau du linceul de Sainte Ellébore se dispute à bas bruit. Là, un homme et son fils qui tressent des couronnes de fleurs fraiches ou sèches avec les dernières bribes de l'été. A gauche de la grande entrée, une jeune femme à la jambe désarticulée fait la manche avec six enfants dont le plus âgé ne devait pas être plus vieux qu'Ama. Un peu plus au centre, un crieur publique informe de la mort du régent et de la respectueuse veille que le peuple était invité à faire au couché du soleil le Tariho de cette ennéade, soit le lendemain soir. Il dit aussi que les Vêpres seront présidés par la Haute-Prêtresse Irys en personne pour apporter la bénédiction et la protection de la DameDieu sur les enfants troublés par l'étrangeté de l'éclipse. Près de lui, un vieil homme édenté arbore son bras manquant, sa peau vérolée et son dos vouté en remerciant d'une prière tous ceux qui lui donne l'obole. Quelques soldats en livrée patrouillent d'un air tranquille dans toute cette vie bouillonnante, hallebarde à la main.

Et surplombant tout cela, la façade de la Cathédrale. Blanche comme neige. Travaillée avec la lourdeur des constructions qui durent. Haute. Magnifique. Surplombée de deux flèches et d'un clocher plus haut que n'importe quel autre bâtiment de la ville. Le soleil levé depuis peu ne donne pas encore sur le tympan ouvragé entourant la grande porte. Les bas reliefs et les rondes-bosses représentant la vie de la DameDieu sont laissés dans la pénombre. Son feu blanc s'arrête à mi-hauteur de la façade, faisant scintiller le toit couvert de rosée et le verre coloré dont étaient constitué les vitraux obstruant certaines des fenêtres de la bâtisse. Une première rangée Saintes statues observent avec sévérité les pèlerins et les fidèles venus se recueillir dans ce sanctuaire.

A l'intérieur, la grande nef ovale se déploie de toute sa splendeur jusqu'à l'autel derrière lequel veille une colossale statue de Néera en Mère. C'est une femme ailée qui se dresse là. Ses traits doux à l'âge indéfini forment un parangon de beauté figé dans un marbre sans le moindre défaut. Ses longs cheveux s'étalent en douces arabesque, tout comme sa robe blanche, agitée par une brise perpétuelle que les Mortels n'ont pas la joie de connaitre. Sa main droite est tendue, ouverte, vers les fidèles qui viennent à elle. De son bras gauche, elle serre tendrement un enfant contre son sein. Son visage légèrement baissé et ses yeux clos laissent pensifs. Regarde-t-elle sa progéniture ou pense-t-elle à autre chose ? Une impression de sérénité et de douceur infinie émane de cette figure maternelle et morale. Au creux de sa gorge, un énorme diamant rappelle à tous la pureté de son Souffle et un second enchâssé à son front rappelle la Gloire de son pouvoir.

Les rangées de banc et les Prie-Déesse se succèdent. Tous connaissent leur place. Ici les gens du peuple. Là les bourgeois. Les nobles au plus près du cœur. Les va nu pied debout dans les zones d'ombre. Les matines sont déjà achevées depuis un moment, laissant les fidèles commencer leur journée et ouvrir leurs commerces. Pourtant, l'endroit est bien moins vide qu'à l'accoutumée. Les prières vont bon train. Les évènements de la nuit en ont troublés plus d'un.

Les ailes nord et sud de cette immense œuvre architecturale abritent des statues plus petites de Phiraam et de Sainte Deina. Elles sont prises d'assauts par ceux qui viennent déposer offrandes et vœux aux pieds des des serviteurs les plus valeureux de la Déesse Mère, produisant un bourdonnement constant dans l'acoustique résonnante des hauts murs. Plusieurs balcons surplombent l'endroit. Sur l'un d'eux, placé à un endroit très particulier pour que l'acoustique joue son rôle, une grande harpe marque l'emplacement des chanteurs lors des cérémonies. Les novices en tenue blanche mouchent les bougies et cirent les bancs. L'encens, la fumée, la cire et les fleurs se mêlent en une senteur lourde et entêtante dans la fraicheur humide de la pierre. Un parfum si caractéristique des temples de la Déesse Mère lorsque les vitraux n'en sont pas ouverts pour laisser le souffle du vent chanter dans les ouvertures.

Les prêtres, reconnaissables à leurs robes bleues, déambulent ça et là. Qui pour accompagner un fidèle vers l'hôpital de l'autre côté de la place. Qui pour prier avec un groupe ou conseiller ses oilles après cette nuit difficile. Qui pour organiser un mariage princier qui reste malgré tout à l'ordre du jour. Qui pour recevoir les confessions des habitants dans la grâce du Silence de Néera.

Bien que l’ambiance soit différente, la vie bouillonne à l'intérieur autant qu'à l'extérieur de la Cathédrale. Les prêtres sont tous affairés ou marchent d'un pas pressé vers de mystérieuses destinations.

La route depuis l'auberge n'est pas bien longue, libre à vous de le décrire. Très rapidement, une matrone rondelette aux cheveux tressés et portant le pendentif des prêtres confirmés vient vous accueillir Héléna en tant que prêtresse d'Othar et lui demande ce qu'une guerrière vient faire en ces heures troublées dans un sanctuaire dédié à la Paix.