Les cendres sont froides, mais la piste ? | Dante

<< Les hôtes de ces bois

Toutes nos condoléances >>

été - 5e jour de la 4e ennéade de Karfias
Quelque part sur la route principale entre Geresh et Thaar
Une ennéade après l'attaque du convois de la Princesse de Geresh

Cela faisait presque deux ennéades qu'ils avaient croisé l'homme étrange sur la plage et qu'ils s'étaient rendu compte après quelques heures de chevauchée, qu'il ne se dirigeait pas vers Thaar, mais vers le Nord. Leurs déductions tombaient donc à l'eau et c'était avec bien peu d'indices qu'ils étaient retourner se poser dans leur auberge du moment. A l'origine, ils ne devaient attendre que le temps dont Cécilie aurait besoin pour cicatriser totalement... Mais de fil en aiguille, ils s'étaient permis de finir les deux ennéades de vacances que Dante avait promis.

Et cette fois, du repos, ils en avaient vraiment pris. Avec l'argent que leur avait apporté Tessa et les quelques emplettes en passant à Thaar, ils avaient payé rubis sur l'ongle et ne s'étaient plus mêler de la moindre affaire ou du moindre client étrange. Le temps passant, ils avaient peu à peu refaits leurs forces, aussi bien physiques que mentales. Ils mangeaient trois repas par jour avec de la viande, et laissaient leurs corps fatigués dormir des nuits étonnamment longues... ce qui n'était pas non plus bien impressionnant connaissant les deux insomniaques. Ils voulaient tous les deux être simplement ensemble, encore un peu, tirant sur un corde qu'ils ne voulaient pas voir rompre.

Depuis cette étrange rencontre et le contre coup magique cependant, ni l'un ni l'autre n'avait tenu à avoir une réponse fixe sur la question d'une planque commune... Mais Cécilie avait sans s'en rendre vraiment compte, commencé à faire des allusions enthousiastes sur son futur laboratoire. Il restait pourtant clair pour l'un comme pour l'autre que la jeune femme ne renoncerait pas à pousser son compagnon à régler ses problèmes avec la Bête avant toute autre chose. Même s'il devait s'éloigner ou qu'elle devait prendre des risques pour lui faciliter la tâche. Ce détail mis de côté, les journées s'étaient écoulées avec leur abondance précieuse de souvenirs agréables et de bonheurs simples. Même les deux chasses qu'ils s'étaient offert dans les environs pour se maintenir en bonne forme s'étaient passées sans heurt.

Ce matin là, sous le vent chaud des plus vif qui leur venait de l'ouest, les deux cavaliers avançaient pourtant en direction du nord, sachant que ces moments de répit étaient derrière eux... du moins pour un temps. Mais histoire de ne pas simplement se quitter sur des adieux déchirants qui auraient bien trop contrastés avec les dernières ennéades, il s'étaient mis en tête de voir s'ils pouvaient retrouver la piste la trace la plus infime de leur étrange rencontre balnéaire. Peut-être piqueraient-ils jusqu'à Thaar pour reprendre contacte avec le monde réel après ça... Enfin ils verraient bien.

Leurs capes de voyages roulées sur eux pour éviter qu'elle ne claque dans le vent violent, ils avançaient sur la route principale, dépassant sans mal les caravanes qui peinaient contre le mistral. Silencieux, ils regardaient et écoutaient, reprenant leur route là ou ils s'étaient arrêtés bien des jours auparavant, juste pour voir s'ils trouvaient quelque chose d'ici Geresh.

Tout en tendant l'oreille, ses yeux baguenaudant sans trop savoir ou se poser, Cécilie s’arque bouta sur sa selle pour sortir une grenade de ses fontes. Utilisant son fin poignard pour la couper en deux, elle en tendit une moitié à Dante, sans grand espoir qu'il la prenne cependant. Loin du bruit du vent et des pas du Païm qu'ils venaient de dépasser, elle ne put pourtant pas rater la zone dévasté sur laquelle ils arrivèrent quelques minutes plus tard...

La terre et la végétation rase de chaque côté de la route avaient été changés en cendre et en charbon. Le pavé portait encore des traces de suie et la carcasse d'une sorte de litière ou de chariot plat  avait été abandonnée là. Pourtant, tout cela pouvait passé pour un détail par rapport à ce que pouvait voir un œil averti. Des charognards avaient festoyés ici. Des traces de sang. Ce qui restait des corps avait du être emmené après plusieurs jours, mais il restait des fragments d'os. De chair calcinée à ne plus savoir qu'en faire étaient piqués dans la terre brûlée et les cendres froides. S'il s’agissait d'humains, cela représentait plusieurs dizaines de corps. Si c'étaient des animaux plus gros... Mais non. Les animaux plus gros ne portaient pas de boucle de ceinture fondue dans l'os. La force de frappe pour les abattre était dévastatrice.

Arrivant en sens inverse, un colporteur fit un signe aux dieux devant ce triste spectacle. Du haut de son baudet, il salua les deux cavaliers de la tête et Cécilie prit une nouvelle bouchée de sa grenade, regardant de tous côtés. Qu'est-ce que c'était que ça... ?
 

En deux ennéades de viande à tout les repas, la silhouette de Dante s'est étoffée quelque peu, retrouvant quelque réserve… Une fine couche de gras recouvre ses muscles secs. Ces moments, de vacances avec Cécilie, il les apprécie et les chéris, cependant, un braiser, une rage et une colère ardente bouillonnent en un dangereux amalgame depuis leur rencontre avec ce connard de pyromancien.

L'assassin n'a pas appris la valeur d'une émotion. Si les identifier chez les autres est facile, les identifier chez lui-même est une autre paire de manches... La vérité c'est qu'il ne sait rien identifier d'autre que ce maëltrom…  Tout se heurte et se mêle. Aussi repousse t'il l'inévitable, engloutit le tout aussi loin qu'il le peut. Plus tard se promet t'il… plus tard. Pour le moment, il goûte un peu la paix relative de l'autre côté de la barrière, apprécie chaque moment passé en compagnie de Cécilie et les grave dans sa mémoire comme autant de rubis étincelants sur un bijou de grande valeur…

Il prend plaisir à entendre les allusions de Cécilie à propos de son futur laboratoire, mais si elle l'entend renchérir sur de futurs projets pour elle-même, lui-même n'en fait pas. Son enthousiasme est un baume sur la rage latente de son compagnon… Dormir lui apporte un certain repos certes… Comme un animal blessé, il se concentre sur son physique pour ne pas avoir à penser à son état émotionnel. Les chasses les ont contentés, mais n'ont pas diminué sa  hargne…  

Alors a t'il acceuilli, sinon avec une joie débordante les signes que sa Ténébreuse était prête à chasser, au moins est il aise de quitter cette auberge douillette…. Trop douillette… De retraverser de son côté de la barrière. Enroulé dans sa cape, la cagoule remontée pour le protéger du vent, il offre un spectacle quand même étrange, monochrome sur Le Pommelé. Son oeil vert encore caché, archer anonyme accompagnant sa maitresse sur la route de Geresh…

Quand la jeune femme lui tend sa part de grenade, étonnamment, il prend la part fruit. Baissant sa cagoule, il s'amuse à grignoter quand ils arrivent sur la zone dévastée… Le Pommelé, docile, s'arrête à la limite de la zone. L'oeil marron parcoure le site d'un œil froid, clinique.

Une belle oeuvre de Destruction… Pas mal brouillonne par contre, mais du beau boulot quand même… Les pavés sont encore noircis, encroûtés de brun passé… D'anciennes taches de sang qui ont eu le temps de figer longtemps… Les charognards de la place ont fait leur boulot, ont nettoyés le chemin, emmenant les macchabés dans un endroit où ils ont pu festoyer en paix. La végétation, déjà rendue sèche par l'été, a bien flambée et n'a pas repoussée… D'après lui, elle ne repoussera pas non plus. Mais les couleurs ne sont pas intenses… Affadies par le soleil et le temps elles témoignent d'une scène passée… Il enlève son bandeau, voulant voir et apprécier la scène avec ses deux yeux.

La part de grenade, mangée, tombe au sol tandis qu'il se laisse glisser en bas de l'ongre, laissant à Cécilie le bonheur, ou pas, de questionner l'individu, ou pas, quoiqu'il ne doit rien savoir à son avis…

Le pied botté de cuir souple se meut avec aisance parmis les échardes carbonisées de ces chairs détruites dont même pas la plus petite bestiole n'a voulue… Des flammes… Un pyromancien… Puissant… Ou plusieurs de moindre envergure… Evoluant de l'extérieur vers l'intérieur de la zone dévastée avec un méthodisme frisant l'obsession, il regarde, tâte et goûte bien une écharde ou deux, essaye d'essuyer la suie grasse qu'ont laissé les corps lorsque leur gras a fondu, incrustant les pavés.

Instantanément, Dante sait deux choses. Les traces, effacées par les dizaines de pieds de voyageurs, ne seront plus fiables. Ensuite, que ca fait un bail, un sacré bail… Se redressant, il va alors s'intéresser à la litière à demi carbonisée… Il va de soit que tout ce qui a été de valeur a depuis longtemps été ramassé… Lentement, il regarde et hume, ne trouvant pas d'odeur de flammes, preuve que la piste est froide. Le cuir des larges sangles, raidit et craqué, s'effrite sous ses doigts.

Sans s'y connaitre à fond, il en a assez vu pour reconnaitre la selle d'un Païm. Selon son orientation quand elle est tombée, la caravane allait vers Thaar, de Geresh probablement… Seuls les riches peuvent s'offrir et entretenir de tels animaux. A voir la dispersion des os et des taches sur les pavés, ils ont été attaqués de front et les victimes protégeaient quelqu'un…

La thèse de l'embuscade s'effrite… Les taches auraient été tout autour de la litière et pas seulement en avant…

Se redressant, l'assassin essuie ses longs doigts sur un dernier lambeau de tissus blanc sale qui volète au vent… Il revient vers sa compagne. Froid, implacable, professionnel…

- Un groupe avec un Païm… Riche, très riche… Parce qu'ils avaient l'air nombreux. Ils ont été attaqués de front, en s'en allant vers Thaar, il y a, a voir la quantité d'os… Ca pourrait être ceux des attaquants, mais j'en doute… Le ou la richard aurait rembarqué sa selle et sa bestiole… Je te parierais la prime qu'on a pas que c'est le gros qu'on a dépassé tout à l'heure, parce que c'est un domestiqué qui se trimballe…   Les traces sont pas fraîches mais il n'a pas plu depuis, donc au moins une ennéade, peut-être deux. Sur le long terme je ne peux pas être plus précis. Il y avait au moins un pyromancien dans le lot.

Il a un léger sourire

-Mais ca, je ne te l'apprend pas. C'est visible. C'est soit un pyromancien ou ton gus aux boules de feu… Quoiqu'il en soit, c'est pas une embuscade… Je peux pas être plus précis… Les cendres sont froides. La piste s'arrête ici et on en est réduit à des suppositions. A moins qu'il y ait des témoins proches.

Le temps de finir son encas, Cécilie resta sur sa monture, prenant aussi lâchement la bride du pommelé pour éviter qu'il aille brouter ailleurs. Le hongre était aussi doux et placide que l'étalon était nerveux et réactif. A défaut d'être bien luné, Zayase finissait par se faire à l'idée que sa cavalière ne lui voulait pas de mal. Il tirait toujours, comme s'il était impossible pour lui de faire ce qu'on lui demandait sans y mettre de son caractère, mais au moins, il ne bottait plus. La zone brûlée semblait cependant mettre les deux destriers aussi mal à l'aise l'un que l'autre.

D'un œil contemplatif, Cécilie observa son Chasseur à l’œuvre. Méthodique. Son propre esprit se perdait en spéculations de toutes sortes. Certaines impliquant l'homme qu'ils cherchaient. D'autres plus farfelues et improbable les unes que les autres... Et de façon subreptice elle se dit que cela pourrait faire un bon jeu d’énigmes. Il faudrait qu'elle y pense pour sa prochaine soirée en ville.

Elle écouta le rapport de Dante avec attention. Riche. Venant de Geresh vers le sud. Décimés par poignées. Elle pris à nouveau le temps de réfléchir. Qui pouvait bien avoir des informations... Les rescapés de la caravane de richards s'il y en avait. Ce seraient sans doute les seuls à pouvoir expliquer ce qui s'était passé de façon fiable. Mais comment savoir où ils étaient partis. Ils ne savaient même pas si après ça, ils étaient repartis vers le nord, ils avaient été amené à des guérisseurs locaux ou ils avaient repris leur progression vers le sud, que ce soit pour Thaar ou pour ailleurs.

Elle se remémora ce qu'on lui avait dit d'Amblère... Et la tempête de Lourmel. Certains corps n'avaient été récupéré qu'après un long moment. On avait envoyé des chariots. Mais là, pas de trace indiquant un tel procédé. La terre était peut-être trop dur pour marquer des jours après leur passage remarque.

- On peut faire un tour dans les environs, voir les villages les plus proches si on leur a amené quelqu'un ou s'ils ont vu quelque chose. Ils sauront peut-être vers ou ils sont repartis.

Au premier village qu'ils traversèrent, ni la taverne, ni le maréchal ferrant, ni la vieille femme un peu barge qui servait de guérisseuse n'avaient vu passé qui que ce soit. Il y avait bien eu quelques rumeurs sur les traces de brûlés sur la route, mais ils n'en savaient pas plus bien que les spéculations aillent bon train. Dans le deuxième village, ils perdirent quelques pièces pour qu'un vieux mythomane leur raconte une histoire invraisemblable d'un elfe avec un dragon blanc qui avaient attaqués seuls le convois secret d'Aerianna de Geresh allant retrouvé son amante eldéenne à Thaar.

Dans le troisième en revanche, alors que le jour déclinait, une cohorte de chasseur amateurs buvaient dans l'herboristerie qui servait aussi de distillerie. Dès que les nouveaux venus commencèrent à poser des questions sur la trace de brûlé, ils s’emballèrent avec mécontentement.

- Moi je sais pas c'qui s'est passé, mais je peux vous dire que c'étaient des gens de Geresh qui s'sont fait maravés.
- Ouais ! Y a un glandu qu'est venu nous chier une pendule pour récupérer le païm qu'on a capturé l'ennéade dernière. Un gars de la ville. Et richou avec ça.
- Une belle prise ! Vous l'auriez vu en plus, le pauvre avait des traces de brûlures comme CA ! " continua le dernier larron en mimant un espace grand comme trois fois sa tête entre ses mains.  
- Et vous leur avez rendu ? Vous saviez qui était cet homme ?
- Ca aucune idée.
- Mais il a bien fallut lui rendre quand même. Vivant l'animal aurait pu nous aider aux champs, du coup on avait commencé à le soigner et il avait bien un soleil sous la patte avant. Et bien v'la-t-y pas que le gus vient nous dire qu'c'est la propriété du Prince.
- On peut jouer au plus malin, mais on veut pas d'emmerde avec l'autre timbrée de Geresh...
- Et sinon... Pourquoi vous vous y intéressé ?
- Mon frère devait me rejoindre à Geresh il y a des jours. On essaie de savoir ce qui a bien pu lui arriver sur la route. Alors quand on a vu tout ça...
- Bah vous pouvez être rassurée, petite. Si c'était pas un homme du prince ou un brigand, peu d'chance qu'il se soit retrouvé mêlé à ça.
- Brigands tu parles... Les gars avaient encore tout leur matériel.
- La ferme, Dwyn.
- Mais on s'en fout ! Tout était fondu d'toute façon. Rien de récupérable. Même l'aiguiseur qui se balade dans la région a pas voulu du métal, trop abimé selon lui.
- Et les gens de Geresh qui se sont fait maraver, y'avait des survivants à votre connaissance? Et savez vous quelle direction ils ont pris?
- 'Savez, nous on était pas là.
- Et tant mieux parce qu'il y a qu'un montre pour faire ça ! Le karkal je vous dis !
- Roooh ! Tu vas pas encore remettre ça...
- Ok ! Un dragon alors. ça pouvait aussi être cette saloperie de dragon blanc qui est passé au-dessus de Thaar. "

La suite, malgré les questions, ne fut qu'une suite de remarques sur la tyrannie honteuse du Prince qui leur volait le païm qu'ils avaient braconnés ou des exclamation enthousiastes sur la façon dont ils avaient attrapés la bête. Le temps qu'ils vérifient l'enclos dans lequel les trois hommes avaient soigné la bête pour trouver des preuves de son passage aussi irréfutables qu'odorantes, la nuit tomba tout a fait.

- Tu crois ce que nous a dit ce vieux cinglé ? " sourit la rouquine en croisant ses doigts entre ceux de son homme en chasse.

Le reste de ses déductions était un peu moins farfelues par contre. Ainsi la princesse s'appelait Aerianna... Elle répéta le nom à voix haute pour en graver la sonorité dans sa mémoire, rangeant les informations qu'il lui donnait tout autour. Frêle, remarquable, difficilement approchable. Si elle avait bien survécu, en effet, le plus directe serait de s'adresser à elle. Sans doute serait-elle heureuse d'envoyer des gens sur la piste de son agresseur si c'était bien l'homme qu'ils cherchaient. Peut-être même auraient-ils le droit à un petit pécule ou à quelques renseignements.

- Oui. Il faut qu'on la retrouve... Mais qu'elle ait choisi son père ou non importe peu. On a le choix entre aller à Geresh avec une chance sur deux de la trouver et la certitude d'obtenir des informations sur la destination première de son convoie. Ou partir à l'aveugle à Thaar en pariant sur le fait qu'on trouvera où elle est descendue... Et encore, si elle est bien restée à Thaar pour voir cette fameuse eldéenne. " Le choix semblait assez simple en fin de compte.

Elle ferma les yeux, l'oreille tendue vers les mille bruits de vie alentours, à commencer par la respiration, le Rythme et les battements de cœur de l'homme contre lequel elle était blottie.

- Tu sais quoi que ce soit d'autre sur cette... Aerianna de Geresh ? ... Et je me suis demandé, tu penses que l'homme qu'on a vu s'est enfuit comment de chez ceux qui l'on prit pour sujet d'expérience ? "

La grande main aux longs doits s'égare parmis les mèches de flammes. Si elle se laisse bercer par les milles bruits alentours, lui veille. Il ne s'endort pas, et son cerveau carbure. Elle peut le sentir tout dédié à la chasse qui a court. 

A la réflexion de Cécilie, il ne fait qu'hausser les épaules, silhouette indéfinie sous cette nuit à peine éclairée par les lunes. Il n'a pas amené de lampe, ca limite leur vision… 

Croire ou non c'est pas important. ils auraient pas pu inventer le symbole… Ca concorde avec la couleur de la soie restante sur la litière…  Les Princes marchands sont aussi rigides sur les symboles et les codes couleurs que vos nobles péninsulaires, même s'ils se vantent du contraire.  

Plus il y pense, plus il pencherait d'aller voir du côté de Geresh… Ils perdraient une journée ou deux, certes, mais ca serait plus productif. Si elle est allée à Thaar, elle a sûrement envoyé des nouvelles ou est revenue à l'heure actuelle… Oui, ca expliquerait pourquoi quelqu'un soit venu chercher le bestiau…

T'a raison, aller à Geresh et demander audience à Dame Aerianna, maitresse des citrons jaunes, Jouet des Eldéens, reine des caprices et de l'instabilité émotionnelle… On murmure qu'elle ne trouve l'extase que dans les mains de Kiel en personne… Mais ce sont des rumeurs… Je me ferai une idée en la voyant. La trouver, l'identifier, l'observer pour trouver le meilleur angle d'approche… Elle n'est pas de celles avec qui je me permettrai d'improviser… Parce que les rumeurs, tu les coupe par deux…  

Il ricane. Raffermit sa prise sans douceur ni brutalité dans la longue soie des cheveux de Cécilie. La courte crinière lui coule entre les doigts comme de l'eau… Il adore ça [/size]

J'y ai pensé… Une expérience qui a mal tournée? Il faisait des expériences avec des potes mages? Il s'est fait avoir en traître? Quelqu'un a voulu sa mort? Un accident et il s'est enfuit? Il est abîmé corporellement, très… Ca fait sûrement pas juste une ennéade qu'il crapahute…. Et… Cécilie?

Il marque un moment de pause, les prunelles dépareillées luisant étrangement. 

S'il m'arrive ça… un jour. Tue moi… J'aime mieux être deux et partager ma tête avec Zhak'Bar que de me retrouver la moitié de moi même… C'est pas une vie que j'accepterais.

Comme toujours, un frisson lui remonta le long du corps lorsqu'il referma les doigts sur sa courte chevelure et une inspiration un peu plus profonde fit vibrer ses lèvres. Elle ne pouvait pas s'en empêcher.

- Un accident ça expliquerait pourquoi il est mentalement diminué à ce point... Il faudra que j'essaie de reproduire des configurations...

Mais la suite du discours de Dante était beaucoup moins anodin. Elle ouvrit les yeux pour jauger de la détermination sur son visage et tomba plutôt sur ses yeux dépareillés. Sa petite main serra plus fort celle de son compagnon.

- D'accord... Sauf si la moitié manquante à été arrachée et non détruite. S'il y a un moyen de réparer ce qui a été cassé, je le trouverai. Je pourrais aussi tenter sur le monstre qu'on cherche. Comme ça, si un jour ça doit nous arriver, on saura à quoi s'en tenir. "

L’homme s’immobilise un moment. Reflechit encore aux options offertes aux conséquences possibles de cette étude. Au fur et à mesure que les desseins de Cécilie s’éclaircissent, il lui semble prendre le problème à l’envers. Dante évite le côté personnel et émotif qui semble vouloir poindre. Ça pourrait le détourner de son but

- Ca amène un autre problème , si on met la patte dessus et qu’on le maîtrise pour tes etudes.... on le flanque où?

Le silence s'étira... Elle n'en savait absolument rien. Elle n'y avait même pas réfléchi en fait. La réponse qui lui vint tout de suite la fit souffler longuement. Elle ne voulait pas relancer le débat maintenant... Mais vu ce qu'il avait été capable de faire, ils ne pouvaient pas le garder dans une cave ou une chambre d'auberge... Quoi que...

- La salle souterraine... Celle dans laquelle tu m'avais enchainée ?

Dante hoche la tête, la salle de torture de la marquise, ça peut le faire ... Ca amène la question du transfert et du transport....

- Va falloir que je cuisine de quoi endormir un païm... A moins qu’il collabore de lui-même. Tu peux faire sans son autre part?
- Ça je le saurait qu'en l'étudiant. Mais on verra ça quand on aura retrouvé sa trace, d'accord ? Déjà, on a une princesse à localiser.
- Effectivement, mais faut voir quand même. Tu penses sûrement que je me projette trop loin... Peut-être que je prévois des trucs qui arriveront pas...

Dit il en s’amusant de nouveau à faire couler les mèches soyeuses entre ses doigts.

- C’est parce que ca sera pas le temps d’y voir si on met la main dessus. Va falloir bouger vite et bien...
- Mais ça dépend de où on le trouve. Quand. Avec qui autour. " Elle soupira en se blottissant un peu plus étroitement contre lui. Trop de paramètres de trop de façons. Ils auraient pu en parler toute la nuit. " Je vais dormir un peu. Réveille-moi quand tu ne tiendra plus. "

Il l’embrasse sur les cheveux et lui sourit de ce sourire qui n’appartient qu’à elle. Manifestement cette traque lui réussit. Les prunelles pétillent tandis que le cerveau de l’homme Carbure à fond.

- Dors Ténébreuse, je veille.

___

<< Les hôtes de ces bois

Toutes nos condoléances >>