La Belle et le Bête [Mara]

17ème année du 11ème cycle,
Deuxième ennéade de Favrius, premier mois d'automne,
Le huitième jour…

« Je relance de trente souverains, annonça Ascanio Vossula, le visage impénétrable.
- Comme vous y allez, Seigneur Prince ! Mais soit ; je suis.
- Je crains, Eligius, que ce ne soit pas votre soir de chance », railla le Prince Marchand en abattant ses cartes.

A dire vrai, sa main ne comportait pas la moindre combinaison gagnante ; mais il avait tout de même un Obok Senger, un Haut Prêtre d’Arcam et, surtout, un Empereur nisétien dans son jeu. Comment perdre avec ça ?

« Brelan de Seigneurs protecteurs d’Anaëh, déclara Eligius avec un sourire triomphal en dévoilant ses propres cartes. Votre coup de bluff était bien tenté, Ascanio.
- Quel coup de bluff ? Je ne bluffais pas du tout.
- Ah. »

Cette partie commençait à l’agacer ; de toute façon, il n’était pas certain d’avoir bien compris les règles de la prime miradelphienne. Il abandonna sa mise au vainqueur et quitta la table, en quête d'un meilleur passe-temps.

Et les passe-temps, ce soir, il y en avait. On ne s’ennuyait guère aux réceptions de Constant Nikephoros ; ce dernier, jeune nouveau riche, avait fait fortune dans le commerce du jasmin. Gloire montante dans les hautes sphères de l’opulente megapole vaanie, il était suffisamment lucide pour ne pas se reposer sur ses lauriers : à Thaar, les fortunes se font et se défont aussi vite, et nombreux étaient ceux qui, avant lui, s’étaient brûlés les ailes en cherchant à voler trop près du soleil. Alors l’ambitieux marchand léchait allègrement les postérieurs les mieux poudrés, cherchant à s’attacher les relations les plus stratégiques. Pour ce faire, il multipliait les petites sauteries en belle compagnie, dans le somptueux palais qu’il venait d’acquérir. Qui sait ? Un jour, il siégerait lui-même au Conseil.

Il y avait du beau monde, ce soir. D’abord Soupline le Souple, philosophe de renom, qui, avachi dans un sofa, entouré d’admirateurs, déblatérait sur le sens de la vie. Son auditoire buvait ses paroles, chacun étant probablement trop stupide et naïf pour ne pas réaliser que le vieux savant était totalement ivre. « Être ou ne pas être, c’est une chose, mais faudrait voir à aller quelque part », bargouinait l’ancien, déclenchant moult hochements de têtes approbateurs comme s’il venait de révolutionner le savoir. Plus loin, c’était Kurtophore Cobanus, jeune musicien un brin provocateur, qui jouait de son oud en chantant de sa voix rauque si particulière. Sa fameuse chanson, “Je me sentois tel l’esprit d’un princillon”, n’était faite que de paroles vides de sens, symbole d’une génération sans avenir qui avait perdu le goût de rêver ; pourtant les amateurs s’obstinaient à trouver, entre deux vers mal agencés, un sens caché qui traduirait une réflexion plus profonde. Et puis, il y avait Diodore le Mycosien, fameux sculpteur, qui évitait soigneusement Ascanio depuis le début de la soirée ; ce dernier avait publiquement dénigré le travail de l’artiste quelques jours plus tôt, en refusant une sculpture que le maître avait réalisée pour lui.

Bercé par la mélodie du oud, les rires des convives et le murmure des conversations, Ascanio s’en alla gagner la terrasse. La brise de cette soirée d’automne lui caressa le visage, réveillant agréablement ses sens émoussés par l’alcool et la fumée de pipe. Il s’accouda à la rambarde qui surplombait les jardins, et observa distraitement les étoiles. Lorsqu’il était enfant, on avait tenté de lui enseigner le nom des constellations ; il n’avait jamais été foutu de retenir un seul de ces noms, pas plus qu’il ne savait les distinguer les unes des autres. De toute façon, ce soir-là, on ne les voyait guère ; les lumières de la ville faisaient de Thaar un véritable phare, et seules brillaient les étoiles les plus vives. La lumière la plus forte chasse toutes les autres ; finalement, on en revient toujours au même principe. Las, il s’arracha rapidement à sa contemplation.

C’est à ce moment précis, alors qu’il tournait le dos aux jardins, qu’il remarqua la présence de Maralina Irohivrah. La lumière douce et tamisée de la terrasse faisait briller son visage angélique et ses yeux en amande. Ascanio la connaissait relativement peu ; elle siégeait pourtant au Conseil depuis au moins cinq ou six ans, mais feu le père d’Ascanio n’avait jamais cru bon devoir s’en faire une alliée.

« Maralina ! » claironna Ascanio, du ton enjoué de celui qui salue une vieille amie - mais après quelques verres et un peu d’herbe, le monde entier devenait généralement son ami. « J’ignorais que le brave Constant se trouvait aussi dans vos petits papiers. Belle soirée, n’est-ce pas ? »

«Pardon, je crois que vous m’avez prise pour quelqu’un qui se souciait de ce que vous pensiez.»


Le bedonnant personnage s’étouffa dans son breuvage tandis que ses suivants se contentèrent de retenir leurs éclats de rire. Voilà bien une dizaine minute que le marchant tentait tant bien que mal de négocier un quelconque arrangement avec la princesse de la chair, et il fallait dire que ses talents de négociations étaient inexistants. Maralina tourna rapidement les talons, preuve que la discussion était terminée avant de se diriger vers la terrasse. Quelle perte de temps! Un autre grassouillet marchant qui tentait de faire sa place parmi les puissants… Parmi une classe qu’il n’atteindrait jamais dans sa courte vie…  La Princesse Marchande finit rapidement son verre avant de le déposer sur le plateau d’un de ses serviteurs qui se trouvait sur son passage.  Marchant de pièce en pièce, son éternel sourire amusé aux lèvres, elle observait les différents personnages qui l’entouraient.  Gourmandise, paresse, luxure … tous étaient présents à cette vertueuse fête… Un paradis sur terre pour certains, un rêve hors d’atteinte pour d’autres.  Dans ce déluge de rire et d’esprit embrumé,  la demie-elfe s’amusait toujours autant de voir les gens rampé autour d’elle, tous à essayer de prendre un quelconque avantage, tous à essayer de prouver qu’ils étaient forts, qu’ils ne pouvaient se tromper. Il y avait beaucoup trop de pathétiques créatures dans ce monde et si peu de chasseur pour les dominer…


Maralina arriva finalement sur la terrasse, un semblant de havre de paix comparé a ce qui se passait à l’intérieur. Ses soirées devenaient de plus en plus ennuyantes… Trop peu frivole, pas différente… Les gens se contentaient de faire encore et toujours la même chose, rien qui n’excitait la Princesse. Elle posa ses mains sur la rambarde, admirant la ville qui se dévoilait devant elle.  On ne pouvait définitivement pas s’ennuyer devant cette vue.


« Maralina ! » La demie-elfe tourna doucement la tête vers la voix qui l’avait interpellée. Ses prunelles bleutées  balayant la pièce pour finalement s’arrêter sur son homologue, Ascanio Vossula. Un de ses confrères avec qui, étonnamment, elle n’avait pas eu le privilège de s’entretenir énormément jusqu’à maintenant. Certes lors de son ascension elle avait tenté de faire bonne figure, accumulant les présences dans les soirées le plus éclectiques les unes des autres, mais disons que jamais le hasard ne les avait vraiment rapprochés. Il fallait dire que le père d’Ascanio n’avait pas daigné tester les eaux de la Princesse d’Uldal’Rhiz.


« J’ignorais que le brave Constant se trouvait aussi dans vos petits papiers. Belle soirée, n’est-ce pas ? »


Un sourire éclaira le visage de la demie-elfe, alors qu’elle s’approchait d’un pas presque félin vers son interlocuteur, faisant virevolter le voilage de sa robe de soie qui – avouons- le – ne laissait pas vraiment place à l’imagination. Après tout attendiez-vous réellement autre chose de la Princesse des plaisirs? «Ascanio! Quel plaisir de vous voir! »  S’arrêtant tout près de ce dernier, elle pencha légèrement la tête sur le côté, non sans lâcher de son regard son interlocuteur. Peut-être qu’après tout cette soirée ne serait pas aussi ennuyante. «Constant m’a aimablement invité à sa fête. Apparemment  qu’il voulait discuter affaires dans un cadre un peu plus intime. » La Princesse Marchande haussa doucement ses épaules menues, non sans lâcher de son regard son homologue. «Apparemment que nous n’avons pas tous la même définition d’intime.»  Maralina aperçut soudainement un serviteur qui arrivait avec deux coupes de verre finement taillé.  Ce dernier, terrifié s’arrêta net à l’entrée de la terrasse, semblant débattre intérieurement s’il devait ou non interrompre les deux mondains qui discutaient tranquillement. Maralina recula d’un pas avant de contourner doucement le marchand, laissant les effluves de son parfum emplir l’atmosphère. La demie-elfe s’approcha du serviteur, avant de prendre doucement les coupes pour retourner vers Ascanio. Le serviteur, quant à lui ne perdit pas une seule seconde pour fuir la terrasse, semblant apeuré par la présence des deux marchands.


Maralina tendit doucement l’une des coupes à Ascanio,  une fois qu’elle arriva devant lui, avant de contenu, sourire aux lèvres ; «Vous n’allez tout de même pas refuser de prendre un verre avec votre homologue?  » Portant la coupe à ses lèvres la demie-elfe but une gorgée du liquide ambrée avant de reculer de quelques pas, s’accotant contre la rambarde de la terrasse. « Mais pardonnez-moi, comment vont vos affaires et votre famille? » La mort du père du Prince d’Eofel n’était un secret pour personne, et Maralina n’avait jamais réellement l’opportunité de parler au vieil homme.  Qui sait? Peut-être que la famille Vossula n’était pas si terrible que ça.

Le Prince Vossula s'amusa des mésaventures du pauvre Constant. C'était un beau revers qu'essuyait là leur hôte, mais dans le fond, il eut été idiot de ne pas tenter sa chance ; Maralina Irohivrah était le genre d'atout qu'un ambitieux aime avoir dans sa poche. Peut-être même escomptait-il la mettre dans son lit, mais baste ! Celle-ci avait douché ses ardeurs. Forts de leur domination, les Princes Marchands pouvaient parfois se révéler bien cruels avec leurs inférieurs. Mais c'est tellement rigolo.

D'une main preste, Ascanio se saisit de la coupe que lui proposait Maralina. Son conseiller Ultuant l'aurait probablement dissuadé d'en boire sans méfiance, mais Ultuant n'était pas là ; et puis, qui pourrait en vouloir à sa vie ? Tout le monde m'aime. Il adressa un sourire mielleux à sa commensale tandis qu'il buvait. Puis il avala de travers et manqua brièvement de s'étouffer. "Kof! kof!" Pris d'une quinte de toux, l'idée qu'on puisse attenter à ses jours lui parut tout à coup moins fantaisiste. Bah, un peu plus ou un peu moins, se dit-il, et il apaisa sa gorge meurtrie d'une autre rasade de vin. Si celui-ci contenait du poison, il était très bon.

« Ah, la famille ! s'exclama-t-il, le regard si pétillant qu'on jurerait qu'il avait oublié que son père venait de calancher. J'ai une épouse formidable et des enfants acceptables. Mon fils Vahram m'a parfois l'air un peu simple d'esprit, mais enfin, c'est un gamin ; le temps devra bien le bonifier un peu. Par bonheur, il a un frère et une sœur. Rien de mieux qu'un peu de concurrence pour forcer un héritier à se montrer à la hauteur, n'est-ce pas ? Vous avez des enfants, Maralina ? Un conseil, ne laissez pas leur mère en faire des chiffes molles. » Il fronça les sourcils, pris d'un doute quant à ses propres paroles. « Leur père, je veux dire. La mère, c'est vous. »

La Princesse Marchande ne quitta pas des yeux son homologue qui but la coupe d’un grand trait. Malheureusement son empressement sembla causer sa perte, et Ascanio s’étouffa dans sa coupe. Cela lui prit quelques secondes pour se ressaisir, avant de reprendre une nouvelle gorgée de son breuvage. Ascanio avait un charme certain. Même ces paroles maladroites semblaient anodines ou peut-être que la Vaanie était simplement de bonne humeur qui sait? Mais en voyant son expression, elle ne put s’empêcher d’éclater de rire. Un rire doucereux, presque cristallin. Son homologue devait être chanceux, ou assez charmeur pour ne pas attirer les foudres de la Vaanie. Disons que Maralina n’était pas reconnue pour son sens de l’humour. «J’ai bel et bien quatre  enfants. Deux garçons, Lukas qui a 6 ans et  Loghan, 4 ans. Elia, ma fille adoptive et une petite fille, Alvyna, d’à peine 2 ans, mon dernier petit miracle. » Dit-elle, un sourire aux lèvres. Ce n’était pas tout le monde qui savait que la Princesse Marchande avait failli y laisser sa peau lors de la naissance de son deuxième. À croire que leurs origines oesgardiennes laissaient leurs traces. Au moins maintenant, elle aurait pu se vanter que presque tous les membres de sa famille, son époux, et deux de ses enfants avaient failli la tuer… Aucunement une famille dysfonctionnelle! Maralina prit une nouvelle gorgée de sa coupe, avant de retourner son regard vers Ascanio. Elle déposa doucement la fine coupe de cristal sur la rambarde de pierre avant de reprendre la parole;  « Et disons que leurs pères ont peu à dire dans leurs éducations puisqu’ils ne sont pas nécessairement présents dans leur vie de tous les jours. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter, personne ne pourra les rendre mous  » chacun des pères de ses enfants était inconnus, du moins, au grand public. La raison était simple, mieux valaient ne pas trop déranger la petite vie péninsulaire des pères…. Ou du moins, pour le moment.


«Mais je suis totalement d’accord avec vous Ascanio, un peu de compétition entre eux ne peut définitivement pas les heurter. Du moins c’est comme cela que mon père m’a élevée et puis regardée où j’en suis maintenant. » Bon d’accord… elle avait un peu omis le fait qu’elle avait fait assassiner sa sœur, mais ce n’était qu’un tout petit détail ça... Maralina lui fit un sourire charmeur avant d’observer son homologue de la tête aux pieds. «Mais, votre femme Ascanio, où est-elle? J’aurais bien aimé avoir eu le privilège de la rencontrer. » L'air amusé la Princesse de la Chair regardait son homologue avec attention, cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas été dans une de ses soirées arrosées... Pourquoi ne pas en profiter?

A regarder Maralina évoquer sa progéniture, Ascanio ne pouvait s'empêcher de songer que le sang elfique faisait bien les choses. Quoi, après quatre enfantements, cette femme avait toujours la silhouette menue, la peau immaculée, des traits fins sur-lesquels le temps ne semblait avoir aucune prise ; et les hanches qu'elle avait ! On se damnerait pour ça. Triphallicus sait qu'Ascanio adorait son épouse, mais tout de même, il avait vu à quel point trois accouchements l'avaient changée. Elle avait pris un peu de poids, la fatigue avait légèrement creusé ses traits ; elle était toujours belle et Ascanio l'aimait, n'empêche, son souvenir de la jeune Caley parfaite s'imposait parfois comme un fantasme. Maralina ne le lui rappelait que trop, avec son insolente jeunesse inaltérable, et sa bouche qui riait comme si elle appelait un baiser.

« Mon épouse ne goûte guère ce genre de soirée, je le crains, répondit Ascanio d'un ton badin. Elle souffre d'agophora... d'agoropho... d'agra... elle n'aime pas trop quand y'a plein de monde qu'elle ne connaît pas. »

On eut été tenté de croire que le Prince la tenait volontairement à l'écart de ces fêtes, afin de s'adonner à ses plaisirs sans craindre de reproches. A la vérité, c'était Caley qui s'imposait cette réclusion, mais la pauvre n'avait peut-être pas envie, justement, d'être spectatrice des frasques de son mari. Elle avait accepté depuis longtemps le fait qu'elle ne le changerait pas.

« Mais je vous la présenterai un jour, si vous voulez. Ce serait bien pour elle, d'ailleurs ; ce sont des amies telles que vous qu'il lui faut, car elle peine à se faire à nos coutumes vaanies. Ah, les péninsulaires ! » Il haussa les épaules sans se départir de son sourire, puis il s'adossa à la rembarde. Son regard s'était fait rêveur, alors qu'il faisait manichalement tournoyer sa coupe de vin pour en libérer les arômes ; sans doute se rappelait-il les circonstances de sa rencontre avec Caley. « Elles sont rafraîchissantes pour leur exotisme, mais en même temps si rigides dans leurs principes. Ne faites pas comme moi, Maralina, n'allez pas chercher votre tendre moitié de l'autre côté de la mer ; l'amour nous fait perdre la raison. »

Maralina observa silencieusement son homologue, tentant de déterminer si son air semblait être la conversation ou simplement certains souvenirs qui refaisaient tranquillement surface, il semblait être totalement envouté par sa charmante – du moins de ce qu’elle avait entendu jusqu’à présent – épouse.  Les deux époux semblaient bien différents l’un de l’autre. L’un semblait timide et l’autre semblait adorer l’attention. À croire que les différends s’attirent. N’en était pas, elle-même le parfait exemple? Tous les hommes qu’elle avait aimés jusqu’à présent avaient été totalement différents d’elles. Deux péninsulaires aux idées arrêtées et pourtant deux hommes pour qui elle était tombée totalement amoureuse… « Cela serait un énorme plaisir de rencontrer Caley, si je ne m’abuse.  Peut-être pourrais-je lui montrer une différente version de l’Ithri’Vaan… » Maralina lui lança un sourire amusé, elle se doutait bien que Caley était totalement différente d’elle… Mais qui sait ce que cette rencontre pourrait apporter?


Maralina fit signe au serveur qui vint rapidement remplir non seulement sa coupe, mais celle d’Ascanio. Ce dernier était bien différent de l’idée qu’elle s’était faite. Il lui semblait candide, comme s’il ne pourrait faire de mal à une mouche. Ces frasques étaient pourtant connues dans tout Thaar, et pourtant Ascanio semblaient presque innocent. L’amour qui vouait à sa femme en était presque honorable.  La Vaanie vint s’asseoir sur la rambarde à ses côtés, en soupirant. «Vous avez totalement raison, Ascanio. L’amour est dangereux. Il nous pousse à prendre des décisions illogiques et pourtant vous voilà, amoureux d’une personne qui ne pourrait être plus différente de vous.» Elle savait exactement de quoi il parlait. Étant elle-même mariée à un péninsulaire, elle avait remarqué de nombreuses fois les éclats de désapprobation dans le regard de son mari. De par ce qu’elle portait parfois, ou de son raisonnement. Brohan était un Nordiens aux morales les plus strictes, et pourtant elle l’aimait. Elle, la princesse de la chair, celle qui ne vivait que pour le plaisir… On ne pouvait être plus différent… et pourtant les voilà marier. «Je suis très mal placée pour vous parler de mon ressentiment quant à tout cela. Si elle vous rend heureux, Ascanio. Je ne peux qu’espérer que votre mariage soit heureux. » Maralina approcha délicatement la coupe à ses lèvres, l’air pensif. Cette conversation lui semblait bien surréaliste, surtout avec tout ce qui se passait au-delà de la principauté. « Je dois vous poser une question indiscrète Ascanio, mais il me tarde d’avoir votre opinion sur la situation. » Maralina balaya rapidement la pièce du regard, et lorsqu’elle fut satisfaite de voir qu’il n’y avait pas d’oreille indiscrète, elle se tourna rapidement vers Ascanio; « Que pensez-vous de ce qui se passe à Sol’Dorn? » Une question incroyablement directe, qui surprendrait probablement son homologue. Maralina avait une petite idée de ce que ce dernier dirait, mais elle voulait confirmer ses doutes, confirmé qu’elle n’était pas la seule à observer l’horizon.

Maralina parlait d'amour avec une passion contagieuse ; pourtant, alors qu'elle évoquait les bienfaits du couple, Ascanio s'intéressait bien davantage à tout ce que la Princesse ne disait pas. Elle semblait avoir gros à dire sur le sujet, et en même temps... eh bien, en même temps, elle ne se livrait guère. La pratique du négoce vous apprend à deviner chez l'autre ce qu'il aimerait garder pour lui-même ; et si Maralina cultivait l'art de la dissimulation avec un certain brio, Ascanio avait suffisamment de nez pour sentir qu'il y avait anguille sous roche.

Que la reine des bordels en sache un rayon sur les plaisirs de la chair, c'était une chose, mais l'amour ? Ascanio peinait à imaginer que sous la robe et derrière l'opulente paire de seins se cachait un cœur, un mignon petit cœur tout rose, et que celui-ci battait pour quelqu'un d'autre qu'elle-même. Ascanio aurait donné cher pour deviner qui avait pu conquérir ce joyau-là. C'est que, comme n'importe quel homme à Thaar, du plus modeste au plus riche, le Prince avait érigé la reine des plaisirs au plus haut rang de ses fantasmes. Or, jusque-là, il l'imaginait dépourvue de sentiments, croyant qu'elle n'assouvissait sa soif de stupre qu'en compagnie d'esclaves plus beaux et plus forts qu'Ascanio ne le serait jamais, se gorgeant de leurs phallus du soir au matin, expiant dans des orgasmes à répétition sa haine des hommes. Là ! Chacun son jardin secret, après tout. Ses amours étaient peut-être gardées secrètes pour préserver ses affaires. Qui était-il pour l'en blâmer ?

Au vrai, alors qu'il rêvassait à l'intimité de cette femme et à toutes ces choses qui ne le regardaient en rien, celle-ci le prit de court avec une question pour le moins indiscrète - elle l'avait pourtant prévenu. L'indiscrétion eut tôt fait de chasser les pensées d'Ascanio, indiscrètes elles aussi, et de lui ramener les pieds sur terre.

« Ma foi, la situation à Sol'Dorn pourrait être préoccupante, si leur siège s'achevait avant la fin du cycle. » Son trait d'esprit lui arracha un ricanement. « Mais il est vrai que les drows peuvent se permettre de prendre leur temps, contrairement aux gens comme moi... »

Il avait prononcé ces mots d'un ton badin, le regard imperturbable, comme si c'était là un sujet des plus banals et non une véritable patate chaude que se refilaient entre eux les membres du Conseil de Thaar, incapables de décider d'une position commune à adopter face à ce problème. Car c'était bien un problème. Et un problème qu'Ascanio lui-même ne traiterait pas à la légère en abattant innocemment ses cartes, alors qu'il ignorait dans quel camp se rangeait la Princesse d'Uldal'Rhiz.

« Après tout, Krish Al'Serat est l'une des nôtres. Nous devrions sans doute nous en réjouir, nous qui craignions que les Puysards n'en viennent un jour à reconquérir leurs anciennes possessions. Que l'une des nôtres soit parvenue à s'asseoir sur leur trône, c'était inespéré. Plus rien ne nous menace, désormais, et les affaires devraient continuer à prospérer. C'est là l'essentiel, il me semble. »

Le Prince se fit songeur, et un voile de gravité passa sur son visage. Il jeta un regard autour d'eux, s'assurant que ne traînent pas d'oreilles indiscrètes, puis poursuivit sur le ton de la confidence :

« Toutefois... je m'inquiète pour vos affaires, Maralina. Je n'oserai mettre en doute la probité de notre bonne amie Krish, mais l'esclavagisme est une seconde nature chez les Puysards ; je vois d'ici ces sauvages inonder notre marché de leurs captifs ! Il y a quelques ennéades, l'un de leurs Sengers est venu en personne écouler le fruit de ses pillages. Vous auriez vu les engins ; des éclopés, des orphelins sales et malodorants, de la racaille de pillage en somme, de la mauvaise graine, indigne de concurrencer votre propre marchandise. Je gage qu'avec le temps, ils seront de plus en plus nombreux. Espérons que la clientèle continuera de faire la différence. » Le Prince haussa les épaules, embêté, avant de se faire plus rassurant. « Bien sûr, je ne doute pas que Krish Al'Serat usera de toute sa volonté et toute son influence pour préserver votre position, et qu'elle réfrénera la cupidité de ses nouveaux sujets. Je l'espère, en tout cas. » Il gratifia Maralina d'un sourire torve. « Sinon, vous allez vous retrouver toute nue. »

Et ce serait dommage.

Elle en avait peut-être trop dit… Mais si Ascanio s’intéressait autant à son intimité, il n’avait qu’à tenter plus. Mais la vie privée de la Princesse d’Uldal’Rhiz était un secret bien gardé…


« Ma foi, la situation à Sol'Dorn pourrait être préoccupante, si leur siège s'achevait avant la fin du cycle. Mais il est vrai que les drows peuvent se permettre de prendre leur temps, contrairement aux gens comme moi... »


Une réponse vague, imprécise… Aucunement ce qu’elle avait voulu entendre. Chaque Prince Marchand s’inquiétait d’une façon ou d’une autre des affaires des Puysards et peut-être que le Prince d’Eofel se disait qu’ils avaient le temps… Mais ce n’était pas un argument que pouvait utiliser la demie-elfe. Haussant les épaules en déviant le regard sur des convives qui jacassaient un peu plus loin, la Princesse Marchande ne put s’empêcher de douter des arguments de son homologue. Était-elle la seule à avoir un mauvais pressentiment sur ce qui se passait à l’est? Était-elle la seule qui avait déployé ses espions, ses petits oiseaux, pour lui rapporter les moindres mouvements des drows? Krish avait un plan, et Maralina trouverait bien ce qu’elle avait en tête… Prendre le trône du Puy n’était qu’une étape, qu’une marche de plus vers le succès. Elle le savait, et tout le monde s'en doutait...


« Toutefois... je m'inquiète pour vos affaires, Maralina. Je n'oserai mettre en doute la probité de notre bonne amie Krish, mais l'esclavagisme est une seconde nature chez les Puysards ; je vois d'ici ces sauvages inonder notre marché de leurs captifs ! Il y a quelques ennéades, l'un de leurs Sengers est venu en personne écouler le fruit de ses pillages. Vous auriez vu les engins ; des éclopés, des orphelins sales et malodorants, de la racaille de pillage en somme, de la mauvaise graine, indigne de concurrencer votre propre marchandise. Je gage qu'avec le temps, ils seront de plus en plus nombreux. Espérons que la clientèle continuera de faire la différence. Bien sûr, je ne doute pas que Krish Al'Serat usera de toute sa volonté et toute son influence pour préserver votre position, et qu'elle refrénera la cupidité de ses nouveaux sujets. Je l'espère, en tout cas.  Sinon, vous allez vous retrouver toute nue. »


Si la Princesse d’Uldal’Rhiz était restée de marbre devant la remarque de son homologue, son esprit bouillait à l’intérieur. Alors comme ça un Senger décidait de venir jouer dans ses plates-bandes? Et bien décidément, il avait décidé de jouer avec la mauvaise personne…«Allons voyons mon cher… » La demie-elfe eut un sourire amusé alors que son regard se portait sur le Prince d’Eofel. «Vous avez si peu confiance en mes capacités? Cela me peine… » Maralina porta doucement la coupe à ses lèvres avant de boire une nouvelle gorgée du liquide avant d’avancer doucement vers l’homme devant elle. «Je croyais que nous nous comprendrions, car après tout n’avons-nous pas des intérêts communs? La survie de la principauté est le plus important après tout. » Son regard azuré brillait d’une bien étrange lueur, mais si le Prince Marchand était un tant soit peu observateur, il comprendrait bien assez vite de quel côté était la Princesse d’Uldal’Rhiz. Maralina vida d’un trait avant de la déposer doucement sur la rambarde où était accoté son homologue. Puis son regard azuré se posa doucement dans le sien, avant qu’elle ne comble le vide qui était entre eux. Une proximité qui aurait pu déroutante pour certain, mais pas pour la Princesse de la Chair. Après tout, elle avait toujours eu ses manières quelque peu fougueuses…  Sa main se déposa doucement sur la poitrine d’Ascanio, pendant que son regard tentait de captiver le sien. «Mais nous sommes amis Ascanio, je crois bien que vous n’hésiterez pas à m’appeler la prochaine fois que vous trouverez cela nécessaire. Bien entendu, peu importe la situation. » Sa main glissa doucement sur le luxueux tissu des habits de l’humain. Pour finalement s’arrêter sur sa joue. « Mais oui, en effet, quel dommage de me retrouver nue. Ne trouvez-vous pas?» souffla-t-elle, un sourire aux lèvres.

Ascanio l'avait laissée s'approcher et ne broncha pas davantage lorsqu'elle se permit de le toucher. Pas né de la dernière pluie, il savait à quoi s'en tenir avec les femmes de pouvoir ; il savait les petits manèges auxquels elles se livraient pour déstabiliser l'interlocuteur, en piochant dans les arcanes de la séduction. Il ne se laisserait pas jouer si facilement.
Las ! C'était plus facile à dire qu'à faire.

Pratiquement collée à lui qu'elle était, il pouvait humer son parfum, lequel se mêlait à la fragrance délicate de ses longs cheveux soyeux que souffletait le vent. Dans cette proximité que la nuit environnante ne rendait que plus intime, Maralina dardait de ses yeux bleus un regard sibyllin, impénétrable, et en même temps si insistant qu'Ascanio n'eût pu s'en détourner, l'eut-il voulu. Il devinait, sur son torse, sur sa joue, les doigts fins de la Princesse, et ce contact le ramenait à ses rêvasseries précédentes, quand il songeait aux secrets qu'elle gardait sous sa robe. Et Maralina insistait, cruelle, si bien qu'il eut pu jurer qu'elle avait accentué le mot "nue" - à moins qu'il n'ait entendu que ce qu'il voulait entendre. Le Prince soutint comme il put le regard de son homologue, s'efforçant de masquer le léger trouble qui s'était emparé de lui, mais Maralina l'avait provoqué à dessein ; elle verrait bien qu'elle avait fait mouche. Les pupilles d'Ascanio brillaient, et ce n'était nullement l'effet du vin.

« Maralina, Maralina, Maralina », murmura-t-il comme elle lui caressait la joue. « Vous êtes exquise, vous êtes délicieuse, mais votre jolie bouche susurre des choses dangereuses. Parler ainsi de la survie de notre principauté, comme si les affaires de Sol'Dorn la mettaient en péril ; on pourrait croire que vous prêtez à notre consœur Krish de mauvaises intentions. » Sa main vint chercher celle de Maralina, et ses doigts se refermèrent doucement sur celle-ci. « Que feriez-vous à sa place, Princesse, si vous pouviez déchaîner le feu du Puy d'Elda sur le moindre de vos rivaux ? » demanda-t-il très sérieusement, avant d'ajouter d'un ton badin :  « j'ose espérer que moi, au moins, vous m'épargneriez. »

Nous vivons parfois dans un monde cruel, mais aux opportunités hors du commun. La destinée de chacun n’est pas fixe, ce n’est pas une affaire de chance, mais de choix. Il fallait prendre chaque grain de poussière que les autres laissaient derrière et les transformer en diamants. Rien n’est donné, on n’a d’autres choix que de créer ses propres opportunités. Et pourtant, les gens ne semblaient pas se rendre compte du jeu qui se déroulait devant eux. Ils vivaient au jour le jour sans ne se soucier de rien. C’était ce que la Princesse d’Uldal’Rhiz avait ressenti alors qu’elle avait mis les pieds dans cette fête. Les femmes se pâmaient devant les hommes, tentant tant bien que mal d’attirer l’attention du plus fort ou du plus riche.  D’ailleurs, curieuse créature qu’étaient les hommes… Ils se croyaient si puissants, si mystérieux. Et pourtant il était si facile à comprendre, à manipuler… Ne fallait que penser à ce cher Ascanio qui tentait si bien de lui résister alors que ses prunelles décrivaient une bien autre situation, un désir bien plus prenant que celui de parler politique. Maralina eut un léger sourire amusé, avant de baisser doucement le menton, plongeant son regard dans le sien. Elle pouvait sentir le souffle de son monologue devenir de plus en plus profond alors que sa main venait doucement rejoindre la sienne.  Aucun besoin de le nier, elle jouait carrément  avec le désir de ce dernier, faire en sorte d’attirer et surtout de conserver son attention. En jouant avec le désir d’Ascanio, elle contrôlait parfaitement son attention, ne manquait qu’à l’amener à un endroit plus tranquille, la, ou personne ne pourrait entendre leurs conversations des plus intéressantes. Peut-être qu’elle réussirait à parler affaires en paix en paix qui sait?


N’étant qu’à un souffle de ce dernier, elle se mordilla doucement la lèvre inférieure, très consciente de l’ambiance tendue qu’elle venait de créer. Puis son regard devint soudainement  interrogateur, presque insouciant, perdant soudainement son sourire pour faire un air faussement offensé. «Moi? Mais voyons Ascanio, nous savons tous que je suis probablement la plus innocente des Princesses Marchandes. » Le sourire lui revint rapidement alors que ses doigts caressèrent une nouvelle fois l’étoffe luxueuse de son homologue. Sa main contre la sienne, il pouvait dire ce qu’il voulait, elle avait la magnifique impression qu’il n’avait aucunement envie de briser ce contact aussi merveilleux que soudain. «Nous sommes Princes Marchands, Ascanio, ne venait pas me dire que vous ne saisissez pas les chances qui se présentent devant vous.» Son regard baissa doucement vers sa main emprisonnée sur le torse de l’homme, savourant pleinement la soudaine tension sur le balcon. «La différence est que mes pions sont placés ailleurs… » Relevant soudainement son regard et sa tête vers Ascanio, elle continua; «Mais ne vous inquiétez pas Ascanio, j’aurais toujours une place bien spéciale pour vous… » Pouvait-il simplement être plus près l’un de l’autre? Elle en doutait…. Quoique…

Ascanio ignorait au juste quelle place spéciale pouvait bien lui réserver la Princesse de la Chair, et s'il se faisait une idée d'où il aurait bien aimé cacher ses propres pions, ceux de la semi-elfe n'avaient que des secrets pour lui.

Au vrai, il ne savait à quoi elle jouait et devinait encore moins où elle cherchait à l'emmener. Il eut aimé croire qu'elle ne cherchait qu'à l'entraîner dans sa couche, émoustillée par son esprit et son charme. La chose, après tout, n'avait rien de surprenant : il n'était homme plus désirable que lui-même. Mais Ascanio n'oubliait pas qui était Maralina Irohivrah ; il flairait là un doux parfum d'intrigue que ne masquaient pas tout à fait les senteurs délicates de son enivrante interlocutrice. Prendrait-elle plaisir à me donner son con, elle n'en exigerait pas moins son prix, songeait le Prince, c'est là le propre des putes, et elle est leur reine. Et que valait le prix d'une reine ? Les Vossula régnaient sur des montagnes d'or, il demeurait toutefois des choses qu'ils ne pouvaient s'offrir. Intérieurement, Ascanio se damna ; que ne puisse-t-il faire taire cette voix qui l'appelait à la raison, quand la féline Maralina se collait ainsi à lui, corps contre corps, le toisant de ce regard de braise, souriant de ces lèvres purpurines si proches qu'elles semblaient quémander un baiser...

« Nous saisissons tous les merveilles qui s'offrent à nous », reconnut-il, et lors qu'il gardait la main de la Princesse dans la sienne, son autre main avait lâché la coupe de vin pour s'aventurer sur sa hanche, ses doigts courant sur la robe de soie, si fine qu'il pouvait croire caresser sa peau. « Je ne saurais renier mon appétence pour les plaisirs de l'existence, mais il est une maîtresse à laquelle je serais toujours loyal ; elle est la seule que je vois flamboyer dans la nuit, quand la lune illumine les sommets pointus de ses hauteurs, quand les vents marins cinglent ses flancs délicats, quand la marée haute creuse en elle ses sillons fertiles. Cette maîtresse, Maralina, c'est Thaar. Et il me chagrine que notre consœur la néglige au profit de ce volcan stérile où se nichent les rejetons les plus nuisibles de son espèce. »

Les grandes portes se refermèrent soudainement, à croire que certains serviteurs avaient compris le manque d’intimité que les deux êtres avaient? Pas que cela dérangeait la princesse Marchande, après tout, elle ne serait pas gênée. Si elle avait envie d’Ascanio, elle le prendrait à la vue de tous… Comme si le fait qu’il y est des témoins la dérangerait. A moins que tous savaient qu’une quelconque magouille se dessinait sur le balcon?  Elle sentit soudainement une main sur sa hanche, caressant timidement la douceur de l’étoffe avant de devenir un peu plus certaine. Ah! Il avait beau résister, son langage corporel racontait une tout autre histoire. Puis il vint sa réplique sur Thaar, une réplique très bien formulée, digne du grand Ascanio! Mais ô combien révélatrice ! Ce fut un regard complice que lui retourna la Princesse Marchande, elle avait eu ce qu’elle voulait savoir. Peut-être certain appelait cela de la torture, mais qu’es  qu’il y avait de si mal à succomber à vos désirs et pulsion? La Vaanie  approcha doucement son visage de celui d’Ascanio, arrêtant ses lèvres tout près des siennes, sentant son souffle profond sur son visage alors que sa main remontait doucement vers la nuque de l’homme. « Il faut croire que vous et moi avons la même vision des choses. » Murmura-t-elle en dévorant du regard son homologue, elle s’approcha doucement de son oreille «Et je serais damnée le jour que je laisserais quelqu’un la mettre en danger. » Le bout de son nez toucha doucement la nuque d’Ascanio alors qu’elle fermait les yeux, sourire aux lèvres. Laissant son parfum l’envahir, du désir? Oui définitivement, c’était bien réciproque. Mais la Princesse d’Uldal’Rhiz ne se donnait pas à n’importe qui et pour n’importe quelle raison. Sa main descendit doucement de sa nuque, rejoignant doucement le torse du Prince Marchand.  La demie-elfe tourna doucement son visage pour regarder une nouvelle fois Ascanio, sourire aux lèvres; «Mais cette maîtresse ne m’en veut pas lorsque mon regard est porté sur un humain pour une nuit. »

La demi-confession d'Ascanio, bien qu'innocente en apparence, avait émoustillé Maralina au-delà de ce qu'il aurait cru. Tout à l'heure, elle dispensait oeillades et sourires racoleurs ; à présent, ses yeux pétillaient de concupiscence, et il lui semblait percevoir dans son souffle les prémices de l'union charnelle qu'elle appelait de ses vœux. Déteste-t-elle à ce point Krish Al'Serat ? Je devrais lui promettre sa tête, elle se jetterait à mes pieds, pensa le Prince. Il remarqua à peine qu'on avait fermé les portes du balcon, et que celui-ci s'était vidé de ses occupants, les laissant seuls face à leurs fantaisies. Sa fantaisie pourrait être de me faire égorger là, sans témoins, conjectura Ascanio, mais il en doutait ; il ne prêtait pas à Maralina l'intention de gâcher la fête. Non, elle n'était pour l'instant habitée que par des besoins plus terre-à-terre. Le désir était évidemment réciproque : l'idée de saillir la Princesse d'Uldal'Rhiz n'était pas pour déplaire à Ascanio, tant elle avait hanté son sommeil à bien des reprises. Pourtant, alors qu'elle confiait à demi-mot son désir de signer leur entente dans le stupre, Ascanio tiqua.

« Un humain...  », répéta-t-il en grimaçant, comme si le mot lui laissait un goût amer dans la bouche. « Ne me réduisez pas à cette pitoyable engeance, ma chère. Les hommes sont si tristes ; ils vivent dans l'attente craintive d'une mort inéluctable, et leurs désirs et leurs ambitions sont aussi limités que leur existence est courte. Ils n'ont que leurs frustrations à partager... si c'est un homme comme ça qu'il vous faut, ils sont nombreux parmi les convives ce soir. » Il sourit, et dans son regard, une flamme brillait avec acuité. Il caressa du bout des lèvres le lobe de l'oreille de la semi-elfe, avant de souffler d'une voix rauque : « moi, je vous ferai jouir, Maralina, je vous ferai jouir si fort que vous aurez l'impression de ne jamais avoir connu le plaisir avant cette nuit, et en oublierez jusqu'au souvenir de votre dernier amant.  »

Elle n’avait pas manqué la légère grimace d’Ascanio, et ses paroles n’étaient pas tombées dans l’oreille d’une sourde. Ainsi donc le Prince Marchand se considérait comme un surhumain, comme un représentant de son élite…  La Princesse lui rendit un sourire amusé alors qu’une étincelle sembla apparaître dans son regard. «Il faut croire que vous savez comment parler pour attiser ma curiosité, Ascanio. » Et quelle parole! Il fallait définitivement croire que le Prince d’Eofel connaissait assez bien son interlocutrice, n’hésitant pas une seule fois à lui prouver qu’il n’était pas n’importe qui et surtout pas de la masse qui tentait tant bien que mal de s’élever à leurs rangs. Puis, Ascanio posa un premier rapprochement, n’hésitant pas à aller lui mordiller l’oreille, non sans lui susurrer de douces paroles à l’oreille. Le sourire aux lèvres, la Princesse ne put s’empêcher de relever doucement la tête, les yeux mi-clos, avant de lâcher un léger soupir de plaisir. Ainsi donc son homologue voulait jouer… très bien, ils joueraient...


Maralina tourna légèrement la tête, arrêtant ses  lèvres à un millimètre des siennes, la Princesse ne put s’empêcher de sourire, presque frissonnante, sa main remonta doucement sur la nuque du Prince avant de murmurer; « Que de promesses, mais aucune action… » Dit-elle alors que son regard bleuté se plongeait dans le sien. «Auriez-vous peur de ne pas les réaliser? » Elle libéra doucement sa main de celle d’Ascanio, la faisant doucement glissé sur le riche tissu avant d’effleurer doucement des doigts le sexe encore emprisonné de ses vêtements. Elle baissa doucement son manteau, un sourire aux lèvres, semblant agréablement défier le Prince Marchand. Puis, elle bifurqua légèrement pour s’attaquer à son tour à son oreille, laissant son souffle lui chatouiller la peau, lui rendant doucement sa caresse alors que se dents mordillait légèrement le cou du Vaanie « Qui sait, peut-être est-ce moi qui vous ferais criez comme une jouvencelle… » lui murmura-t-elle à son oreille alors que ses doigts continuaient sa volatile caresse un peu plus bas.

« Vous apprendrez, Maralina, que j'adore parler », susurrait Ascanio, nullement décontenancé par les sarcasmes de la Princesse. Il les connaissait, les femmes de son genre, aussi entrepreneuses qu'entreprenantes ! Elles aimaient donner l'impression de garder le contrôle, mais s'en défaussaient bien vite une fois en piste. « J'adore parler, mais il se trouve aussi que je... » il s'interrompit, ne pouvant réprimer un grognement rauque en sentant les doigts fins et habiles de la belle qui flattaient son entrejambe. « Il se trouve aussi que... » l'assaut de ses dents contre son cou le fit frissonner alors qu'il sentait monter en lui le désir, comme une vague lente et puissante, et il oublia ce qu'il avait voulu dire. « Moi, crier comme une jouvencelle ? Pourquoi pas, si ça vous excite », souffla-t-il tandis qu'elle lui mordillait le cou, et il ferma les yeux, et il enfouit son visage dans ses longs cheveux noirs, et il l'enlaça avec brusquerie. Il s'accorda quelques instants de calme, le regard dans le néant, l'esprit envahi du parfum délicat de son eau de senteur, rien que le temps d'une accalmie avant l'orage.

Il rouvrit les yeux, releva d'un geste le menton de Maralina. La faible clarté avait agrandi ses pupilles ; elle lui renvoyait un regard trouble, empli d'énigmes et de pensées cachées, mais il était une chose sur-laquelle elle ne pouvait mentir. Ce soir, je baise, résolut Ascanio, et il avait déjà franchi le point de non-retour. « On pourrait nous voir », glissa-t-il tout de même, mais il ponctua ces mots d'un sourire en coin ; il se fichait pas mal de ce que les convives puissent les surprendre ; au vrai, cette idée ne faisait que le stimuler davantage.

La seconde d'après, il était sur elle, plaquant ses mains sur ses cuisses, ses hanches, s'emparant de sa bouche. Par les trois verges du dieu aux trois verges, s'émerveillait le Prince, se faisant violence pour ne pas perdre tout contrôle. Si Ascanio ne se cantonnait pas au menu fretin, Maralina n'en demeurait pas moins une friandise particulièrement sucrée ; ses baisers avaient un goût de miel, et son corps bien en chair, aux formes voluptueuses, lui évoquait la douceur du velours. S'accaparant ses charmes, il laissa libre court à ses fantaisies, se pressant contre elle tout en la faisant reculer jusqu'à la rambarde du balcon. Maintenue en équilibre, la tête légèrement penchée en arrière, Maralina pouvait sentir une brise de vent frais caresser ses cheveux ; heureusement, les bras puissants d'Ascanio la maintenaient solidement, lui évitant la culbute.

Pourquoi le laisser parler alors que la tension devenait de plus en plus tendue.  Sourire aux lèvres, la Vaanie dévora du regard, savourant l’effet qu’elle avait sur l’homme devant elle. Voir son regard brûlant de désir alors qu’il tentait de ne pas résister a son envie grandissante. «Que se passe-t-il, Ascanio? Vous avez perdu la voix? » murmura-t-elle en lui jetant un regard amusé alors que ses doigts le taquinaient légèrement. Puis, il céda finalement. Plongeant son visage dans ses cheveux, semblant s’enivrer de son odeur alors que ses caresses semblaient devenir de plus en plus pressante. Se couvrant de baisers et  prodiguant des caresses de plus en plus pressantes l’un a l’autre. Au bout d’un moment, Maralina s’arrêta, passant délicatement des bras autour d’ alors qu’elle flottait la, dans le vide. La brise saline vint caresser son visage alors que ses yeux se refermèrent. Ses cheveux virevoltaient selon les caprices du vent alors que la Vaanie se cambrait légèrement, un sourire aux lèvres, profitant de cette courte accalmie pour reprendre son souffle alors que ses lèvres brûlaient toujours des baisers d’Ascanio.  Nul besoin d’expliquer la chose, la situation n’était loin de lui déplaire…


La Vaanie se redressa, se callant a même la rambarde alors qu’elle combla une nouvelle fois le vide pour embrasser son homologue. L’embrassant avec passion avant de devenir de plus en plus fougueuse, lui embrassant le cou, les épaules, lui mordillant délicatement le lobe d’oreille. Puis, tout à coup, la Vaanie se libéra doucement de l’emprise de son –disons – amant, collant son corps contre le sien pendant qu’elle menait la danse. Ascanio sembla se laisser prendre aux jeux, car son dos heurta soudainement la porte, qui laissa échapper un grincement. La Princesse eut un sourire amusé aux lèvres avant de murmurer; «Oh non… Ils pourraient nous entendre…» Sarcastique certes, mais elle n’en avait rien à faire qu’on les entende.  Maralina prit doucement ses poignets pour les plaquer contre la porte, retenant prisonnier Ascanio alors sa cuisse se déplaçait doucement entre les jambes du Prince Marchand, vérifiant qu’elle faisait doucement son effet…

Ascanio éprouvait d'ordinaire une certaine méfiance à laisser une femme approcher son genou si près de son entrejambe ; de telles circonstances avaient donné lieu par le passé à quelques expériences malheureuses. Le Prince, toutefois, n'avait pas la force mentale nécessaire pour s'opposer à elle, et il demeura là, acculé contre la porte close, les poignets maintenus par la belle, rendant grâce au Tri-Unique pour la nuit enflammée qui s'annonçait.

A mesure que la cuisse de Maralina caressait la soie de son vêtement, Ascanio sentait sa virilité gagner en vigueur. C'est que la vision de cette cuisse nue qui, en se soulevant, emmenait dans son sillage un pan de la robe, laissait notre héros songeur quant aux merveilles que ladite robe dissimulait encore. Ne lui eut-elle maintenu les poignets qu'il se serait déjà jeté sur elle pour la trousser complètement. Mais Ascanio était un Prince aux bonnes manières, et puisque son amante semblait se plaire à mener le jeu, il n'aurait pas la goujaterie de lui confisquer le contrôle. Pas maintenant.

« Votre bouche, Maralina, est bien belle et à la fois si douce », susurra-t-il entre deux baisers humides. « Puissiez-vous en faire le plus agréable des fourreaux. » C'était formulé avec la galanterie qu'on lui sait, et le Prince ithyphallique lorgnait la belle de ses yeux céladons, tout à l'espoir qu'elle daigne lui faire cette faveur.

Maralina détacha doucement ses lèvres de celle d’Ascanio avant de planter son regard dans le sien, un sourire amusé aux lèvres alors que les plus doucereuses paroles étaient prononcées. Vraiment? C’était une façon des plus incongrues de lui demander une quelconque marque d’affection. Ceci étant dit, c’était plutôt créatif, du moins beaucoup plus créatif que ses précédents amants. «Vous savez parler aux femmes Ascanio. Cela explique votre réputation sulfureuse. » La Vaanie eut un sourire amusé avant de continuer; «Qui pourrait vous en blâmer? Vous n’êtes pas le seul à espérer à découvrir mes habiletés. » Sa main remonta doucement sur l’étoffe avant de s’arrêter sur sa nuque. Son regard dans le sien, la Princesse resta silencieuse, analysant son homologue. Devait-elle réellement aller plus loin? Après tout, elle avait su ce qu’elle voulait… Bon, disons, presque tout ce qu’elle voulait. Après tout, cela faisait quelques ennéades déjà que son époux était parti et les nuits étaient horriblement longues lorsqu’il n’était pas auprès d’elle.


Néanmoins, une promesse avait été faite, et elle respecterait cette dernière. Maralina ramena doucement sa main vers la joue d’Ascanio, avant d’écarter légèrement les doigts en caressant du pouce cette dernière. «Malheureusement, vos  magnifiques paroles ne sont pas assez pour s’offrir la Princesse de la chair. » Sa main gauche lâcha doucement le poignet d’Ascanio alors que cette dernière lui donnait un dernier baiser passionné avant de se détacher doucement de son homologue. Sourire aux lèvres, comme amusé de laisser se languir un tel homme, la demie-elfe tourna le dos a Ascanio pour retourner près de la rambarde du balcon. Elle déposa délicatement ses mains sur la pierre froide, en fermant les yeux doucement, donnant l’impression qu’elle reprenait ses esprits, mais non...il lui en fallait bien plus pour s’abandonner au plaisir. Après tout, elle n’avait aucune intention de se donner aussi facilement à un homme.

A l'issue d'une copieuse dégustation de soupe à la langue, il devint clair que Maralina ne laisserait rien d'autre pénétrer sa bouche. A regret, Ascanio la regarda s'éloigner sans qu'elle lui eut offert sa friandise. Elle n'alla pas bien loin, toutefois ; sa démarche chaloupée la conduisit au bord du balcon, où elle se pencha légèrement, offrant de fait au Prince une vue imprenable sur sa chute de reins. Une bonne épée se glisse dans bien des fourreaux, se raguaillardit-il, avant de la rejoindre. Il se trouva derrière elle en quelques enjambées et, l'enserrant de ses bras puissants, chantonna quelques paroles mielleuses dans le creux de son oreille :

« En une prairie verdoyante par un chaud soir d'été
Nous nous tiendrons par la main, les doigts entrelacés.
Dans le silence troublé de nos passions inavouées
La fougue transpirera de tes bleus yeux enfiévrés.
Amour sincère ou feint, qu'importe !
A tout malheur mes sentiments l'emportent.
T'étendant dans l'herbe en ce parfait jardin
Je humerai ta toison et j'embrasserai tes seins. »

Ah, la poésie ! Rien de tel pour faire rougir une femme et faire chavirer son cœur, et il n'était plus grand poète que le Prince d'Eofel et de Feldorn - à sa connaissance. Un fin sourire de satisfaction étira ses lèvres alors que ses mains cavalières s'aventuraient sur le doux corps de la belle ; mais c'est à ce moment précis que les portes s'ouvrirent à la volée, surprenant les deux amants.

Un instant plus tard, l'hôte de la soirée, Constant Nikephoros, surgissait sur le balcon, l'air passablement éméché, uniquement vêtu d'un slip - ce vêtement d'origine zurthane avait été inventé l'année précédente. « Sapristi, vous étiez là ! Tout le monde vous attend ! » Si Ascanio ne saisit pas tout de suite où il voulait en venir, la situation ne tarda pas à se clarifier ; à travers l'embrasure des portes, ce que l'on distinguait de la grande salle laissait clairement entendre que l'ambiance s'était réchauffée. De nombreux convives avaient quitté la robe et procédaient par groupes à d'audacieux rapprochements. Voilà donc ce que Constant entendait, quand il parlait de fluidifier les rapports de l'élite thaarie. Dans la lumière tamisée, on distinguait mal les corps entrelacés d'hommes et de femmes, si bien qu'ils semblaient former d'étranges creatures dotées de tant de seins et de fesses qu'Ascanio lui-même ne savait les compter. Dans cette curieuse mosaïque de chair, il crut distinguer le vieux philosophe Soupline le Souple, vieillard à bout de souffle qui semblait au bord de la crise cardiaque, mais qui n'en tirait pas moins sa crampe ; plus loin, quatre sublimes jeunes femmes se disputaient les faveurs du musicien subversif Kristophore Cobanus.

« Immoral et décadent », jugea Ascanio à voix haute. Se tournant vers Maralina, il ajouta : « J'adore ça. Venez, allons nous amuser ; quand il y en a pour un, il y en a pour cinquante. »

Cela ne prit pas de temps qu’Ascanio vint la rejoindre. Ses bras se resserrèrent autour d’elle alors qu’elle pouvait sentir son corps contre le sien. Définitivement le Prince n’abandonnait jamais.  Et quelle curieuse poésie! Un arrangement des plus espiègle, qui aurait probablement pu séduire la majorité des femmes… Malheureusement la Princesse d’Uldal’Rhiz n’était pas l’une d’elles. Si un léger sourire vint orner son visage pendant quelques secondes, elle eut à peine le temps  de se retourner que les portes s’ouvrirent à la volée, faisant sursauter la demie-elfe. Qui osait donc interrompre leur jeu?!


« Sapristi, vous étiez là ! Tout le monde vous attend ! »


La Princesse haussa un sourcil en observant de la tête aux pieds leur hôte qu’elle avait si gentiment envoyé paitre un peu plus tôt. Ce dernier portait cet affreux et bizarre pagne zurthan. Non, mais, qu’est-ce que les gens pouvaient manquer de créativité parfois! Pourquoi se cacher derrière ce répugnant bout de tissus alors que l’on pouvait démontrer sa masculinité d’une tout autre façon? Son regard azuré se glissa derrière lui. Les sons et les lamentations qui parvenaient à ses oreilles ne lui laissèrent aucun doute. À croire que Constant avait invité tout le monde expressément pour cela…  Puis elle entendit les paroles d’Ascanio retentirent…


«Nous amuser? » Maralina se retourna vers Ascanio, sourire aux lèvres. Ses mains se déplacèrent doucement sur le torse de l’homme alors que son regard azuré se planta dans le sien. Cette situation était définitivement des plus amusantes. Elle pouvait clairement voir quel type d’individu était Ascanio, et elle n’était aucunement impressionnée. Curieux à quel point on atteint le pouvoir si facilement et plier aussitôt qu’une demoiselle se mettre à battre des cils pour le faire céder.  « Il n’y a pas de nous Ascanio, que moi. » Elle prit un air faussement pensif avant de continuer; «  À croire que vous voulez réellement vous amuser avec les pauvres et tristes humains qui vous révulsaient autant il y a quelques minutes. » Maralina haussa les épaules, avant de continuer; «  Allez-y. Mais je ne me donne point aux ratés de ce monde. » La Vaanie s’avança pour donner un dernier baiser sur la joue d’Ascanio, avant de murmurer; « Dommage, nous aurions pu nous amuser ce soir… » La Vaanie se libéra des bras de son homologue, avant de le contourner, sourire amusé aux lèvres. Ce n’était pas ce soir qu’elle allait s’abaisser à une orgie avec la racaille de leur société.  La Princesse d’Uldal’Rhiz se dirigea rapidement vers la sortie, pour elle, cette rencontre était terminée.

« Je vous trouve bien frigide, pour une putain  » souffla Ascanio, lors que Mara se retirait. S'il était quelque peu décontenancé par le comportement de la mal-nommée Princesse de la Chair - elle qui avait déployé ses charmes et joué de sa langue pour le mettre en jambe, puis se rebiffait au moment crucial - le Prince ne s'y attarda guère ; faute de grives, on mange des merles, et il y avait ce soir-là tant et plus de paires de seins contre lesquelles son désir délaissé saurait rebondir. « À une prochaine fois, très chère ! » lança-t-il à la prude princesse, tandis qu'il se frayait un chemin parmi les convives en semant ses propres vêtements sur son passage. Tel un renard dans une basse-cour, Ascanio jaugeait du regard les invités, se demandant sur quelle pièce de viande fraîche il jetterait son dévolu en premier. Il y avait là une femme sublime qui lui tournait le dos, dont les longs et soyeux cheveux d'un noir de jais descendaient jusqu'aux creux des reins ; la vision d'un tel fessier lui fit oublier pour de bon Maralina, et il résolut d'en faire son dessert, empoignant la chair tendre et rebondie de ses deux mains viriles. L'intéressée tourna alors la tête, révélant un visage qui n'était pas tout à fait féminin. Mince, pensa d'abord Ascanio en constatant sa méprise, avant de hausser les épaules. Boarf et puis après tout.