En quête d'un été estréventin | Cassiopée

_ Que vous ayez le droit de propriété sur des biens immobiliers et mobiliers me semble tout à fait normal. Je ne remets pas ça en question. En revanche, c’est le principe de posséder un être vivant qui me parait difficilement justifiable. Les considérerez-vous comme votre possession le jour où l’un d’entre eux voudra quitter le servage ? Nous avons le même problème avec l’esclavage ici, même si mes compatriotes ont une attitude très, trop … complaisante … envers l’esclavage.

_ Je pense sincèrement que le servage est une bonne chose. Prenons une famille ruinée par une mauvaise récolte. La dure loi de la vie voudrait qu’ils meurent de faim, croulant sous les dettes. Heureusement, le servage arrive pour les sauver de cette mortalité. En théorie. La famille renonce à quelques libertés mais pas toutes, ils gardent des droits essentiels mais engorgent davantage de devoirs. En contre partie le seigneur doit leur assurer un lopin de terre ainsi que la sécurité et idéalement, j’y tiens mais je ne peux tout surveiller, des rations nécessaires à la survie pour éviter au maximum les décès liés à la privation. Une fois qu’un de ses membres à suffisamment économisé ou a porté les armes plus de X années avec l’accord de son seigneur, alors il peut gagner sa liberté pleine et entière. Je reconnais que le Choix de l’être est quelque peu tronqué mais il permet à une société de tenir et offre une main d’œuvre constante.

L’esclavage aussi est une bonne manne financière, c’est certain. Mais si le servage est déjà un jeu dangereux avec le Souffle donné par Nééra, l’esclavage en est le bafouement ultime. Et l’esclavage sexuel est encore pire ! Ne dit-on pas que l’Estrévent est la contrée de toutes les opportunités ? ET chaque opportunité cache un vice plus ou moins virulent. Il est des fois où tu te rêves Prince marchand… et puis tu te rappelles que mourir de vieillesse ou les armes à la main est tout de même plus agréable que de périr empoisonné dans un harem juste après avoir subi une morsure volontaire et cruelle d’une prostituée vaanie.

Deux pays, deux visions du monde. Il n’empêche qu’en ce moment il fait davantage bon de vivre de l’autre côté de l’Olienne dans la paix et l’allégresse plutôt qu’à quelques centaines de lieues d’un siège mené par la Sombre race. En ces temps troublé en Estrévent, la liberté pleine et entière d’un homme est-elle la source de préoccupation la plus importante ?
Revenons sur quelque chose de plus joyeux.

_Et bien ma foi, un diner avec vous serait un vrai plaisir.

Tu lui souris. Ce bon vieux Desmoulins allait être ravi de recevoir une invitée de marque… invitée justement chez lui sans son consentement mais tu en es certain, il en sera ravi ! Et s’il ne l’est pas, il le gardera pour lui car l’Histoire s’écrira dans sa demeure, à proximité d’un tableau fruité. Ce sera l’occasion de présenter cette femme forte incroyable à ton épouse.

_ Je ne suis pas mariée. Je n’ai jamais pris ce temps et comme vous le savez, les sang-clairs vivent plus longtemps que le reste des mortels … On ne peut pas dire que je sois pressée.
_ C’est certain… Vous savez, c’est étrange de se dire que j’ai déjà peut être dépassé la moitié de ma durée de vie et que dans dix ans je sois frappé par la fièvre. Nos objectifs doivent être si différents. Rendez vous compte que dans dix ans ma femme ne sera peut-être plus fertile et qu’elle doit donner à notre Maison le plus d’enfants possible sans mettre en danger sa santé. Quant à moi, je dois faire en sorte de rendre le futur de mes enfants le plus prestigieux possible. Courir partout et retourner des montagnes en moins de trente ans. Comment voulez-vous que l’on soit aussi cultivés et réfléchis que vous autres Elfes.

Tu ris à ces derniers mots. En y réfléchissant bien, la vie d’un humain est rythmée par son apprentissage, rapide et intense, son mariage et l’éducation des enfants, puis solidifier une alliance avec lesdits enfants et travailler à leurs léguer un patrimoine riche et solide pour leur permettre de se concentrer sur ce qu’ils pourraient apporter et non pas ce qui doit être réparé.  

_ Eh bien allons-y, ne faisons pas attendre Linaëlle et Monsieur Desmoulins… Si nous arrivons après le coucher du Soleil, je vous laisserais porter seule le chapeau !

Spoiler:

Une douleur qui n’était pour autant pas insoutenable s’était emparée du ventre de la religieuse. Elle se tordait, grimaçait et serrait les dents tandis que des larmes se formèrent au coin de ses yeux. Linaëlle était vêtue richement mais sans pour autant délaisser ses atours de religieuse. Un moyen de ne pas attirer l’attention mais de rester proche de ses confrères et consœurs. Prévenues par le cortège et les plaintes de la Péninsulaire, deux femmes s’approchèrent et tandis que l’une s’occupait de tenir ce beau monde à distance, la seconde s’était approchée de la jeune adulte.

_ Madame. Décrivez-moi vos symptômes …

Il s’agissait de quelque chose d’inconnu jusqu’alors. Une vive douleur venant de nulle part qui s’apparentait à un état nauséeux. Les mains ceinturant son abdomen, Linaëlle leva les yeux vers la femme. Elle ne la connaissait pas. En réalité si, elle connaissait la Haute Prêtresse de Thaar de réputation mais n’avait aucune idée de son physique. Elle se prépara à répondre mais clôtura ses lèvres en quelques secondes et se mit à profondément respirer, paniquée.


_ Madame … il me faut votre prénom et aussi une description de votre mal …

Ses yeux devinrent rouges et son cops entier se mit à frissonner. Difficilement, elle entrouvrit les lèvres et articula lentement dans un murmure les réponses aux questions.

_ Je… me nomme Linaëlle de Laval, née de Lancrais… de Langehack. J’ai mal… J’ai des crampes d’estomac…

Et elle était épuisée aussi. Et elle était de mauvaise humeur aussi. En fait, depuis ce matin Linaëlle n’était pas dans son assiette, elle n’avait qu’une envie, c’est de rentrer à Missède et de dormir des jours et des nuits entières sans que personne ne vienne l’emmerder. Elle posa une main sur le bras de la prêtresse et reprit.

_ Ne me jugez pas d’avoir pris le nom de mon époux ma Sœur… Je ne pouvais y renoncer comme j’ai renoncé au miens…