[Méthylène] Qui aime le bleu?... (Cassiopée)

3ème jour de la 4ère ennéade de Barkios de l'an 17:XI
Dans la cité de Méthylène, a l'auberge du soleil Bleu
au coucher du soleil

Dans la petite cité, des cavaliers entrent. Vêtus de multiples couches pour se protéger du sable et de la poussière, les cavaliers s'arrêtent à la première halte à l'entrée de la ville. Le voyage a été long et ardu en tant que tel.

Udos vrine'winith ghil. usstan shlu'ta naut plynn ol jalamzild
-Nous faisons halte ici. Je n'en peux plus.
-Jabbress… Dit un grand mâle d'un ton inquiet sous son foulard.
Usstan tlun ula Kitrye. Usstan ssrig'luin fol v'dre. Lu'usstan orn saph ilfu'da nindol k'lar-
Ca va Kitrye, calme toi. Je n'ai besoin que d'un peu de repos. De plus j'aimerais visiter cette ville…
'sohna?
-Encore?

Siyo, ol orn naut tlu beldraus maglust dos zhaun? Lu'udos inbal jal udossta draeval
-Oui... Il ne se bâtira pas seul tu sais? Et on a tout notre temps.

Une autre, une petite femelle, soupire aux rênes du carosse léger. D'ailleurs, un énorme chien-ours passe entre les pattes des chevaux pour aller renifler d'un air circonspect une flaque d'eau gouttant d'un tonneau jouxtant l'établissement.

whol ussta ust groova tarthe dal Elda, dos morfeth ol jatha'la Viconia! Xo'al ulu talinth a uns'aa!
-Pour une première sortie d'Elda, Viconia, tu fais fort… Essaye de penser à nous?

Gi Ssin'Urn, l'tresk'ri zhah pahntar ulu udossa! Ori'gato's alu! -Oh, Ssin'Urn, le monde nous est ouvert. Allons y!
:
Gil'ssrigghinn ol shlu'ta naut tlu sslith taga ilta co'ce. Ialys dalninil!
-De toute façon, ca peut pas être pire que sa cuisine. Allez ma sœur, souris

Un éclat de rire généralisé acceuille la remarque. Avant que les cavaliers ne mettent pieds à terre. Les trois mâles armés mènent les chevaux aux écuries tandis que les deux femelles et le mâle, couverts de pieds en cap de larges pans de tissus colorés entrent dans l'établissement. Une bonne odeur de viande et de piments leurs parvient alors aux narines.

Dans l'atmosphère sombre de l'auberge, une grande drow enlève alors le foulard qui lui cachait le visage, respirant enfin librement. Une lourde tresse tombe alors sur son vêtement clair qui tranche atrocement sur sa peau d'ébène qui n'est égayé que par deux prunelles d'émeraudes rougeoyantes au milieu de ce visage agréable. Un sourire éblouissant, révélant les perles blanches de ses dents illumine alors brièvement la pièce. Ses compagnons de route alors se débarrassent de leur foulards aussi avant de prendre place dans un coin de l'établissement sans faire d'esclandre, pour commander de quoi se sustenter pendant que le mâle, à la mine réjouie malgré ses traits sévères, se dirige à la réception pour prendre deux chambres.

A cette heure, l'endroit est relativement achalandé sans être bondé.

J'aimerais votre plat du jour. Pour quatre s'il vous plait. Et deux pour mes gens dehors…

Demande la grande drow dans un Ol0yian fort acceptable, à l'accent exotique aussi chantant que mélodieux.

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« Ma très chère sœur.

J’espère que votre voyage à Méthylène se passe bien. Comme convenu, vous trouverez dans ce paquet l’un des plus beaux exemples de ce que l’on peut faire avec ce fameux bleu dont je vous parlais. J’ai cru comprendre que Cybèle avait toujours le plus grand mal à vous trouver une tenue adéquate pour vos déplacements. Autant joindre l’utile à l’agréable et c’est pour ça que j’ai pris la peine de vous faire parvenir une tenue qui j’en suis sûre, vous mettra en valeur.

En vous souhaitant bonne chance pour vos travaux.

Tendrement,

Mélusine M. »

Ouvrir le paquet de Mélusine:

Cassiopée toisa du regard la tenue envoyée par sa jeune sœur. Il s’agissait une belle combinaison de soie bleue nuit réhaussée d’or et à manches longues, à laquelle s’ajoutais un gilet d’un bleu plus clair tombant jusqu’aux chevilles. Des cuissardes de la même couleur complétaient le vêtement avec des gants assortis. Elle laissa ses mains s’attarder sur les détails du vêtement et commença à se dévêtir pour l’enfiler.

Cela faisait une soirée qu’elle était arrivée à Méthylène. D’ordinaire, elle aurait logé dans les bureaux de la Compagnie, mais elle était venue pour une affaire pressante et ne souhaitait pas être embêtée avec les problèmes locaux. Il y a de cela plusieurs jours, elle avait réussi à obtenir l’information de la part d’un alchimiste de Méthylène qu’un nouveau colorant bleu avait été développé aux abords de la ville et qu’il dépassait en qualité tout ce que l’on avait pu mettre au point jusqu’à présent. Les inventeurs de ce bleu souhaitaient mettre à l’épreuve cette qualité par des experts avant de le commercialiser et Cassiopée, en tant que maître-alchimiste, avait été invitée à participer à la mis à l’épreuve. C’était un honneur qu’elle ne pouvait refuser.

La jeune femme avait pris le nécessaire avec elle pour ce voyage. Ses sacoches étaient remplies de produits alchimiques en tous genres et de préparations diverses. Elle avait pris avec elle une partie de ses notes et bien entendu son arbalète … au cas où. On n’était jamais trop prudent et malgré le regard réprobateur de La Valériane à son départ d’Ys, elle était consciente que les routes restaient dangereuses. Mais elle avait besoin de faire cette aventure seule. Après tout, cela faisait bien des mois qu’elle n’avait pas pu profiter d’une journée rien qu’à elle, à vivre ses propres aventures !

Correctement apprêtée, elle s’observa dans le miroir. La tenue lui allait … comme un gant, c’était peu dire. Mélusine avait toujours eu le coup d’œil pour ce genre de choses, contrairement à sa grande sœur. Il n’en restait pas moins qu’elle avait toujours la désagréable impression que sa sœur jouait à la poupée … Enfin … ce n’était pas une impression. La tenue était beaucoup trop moulante aux yeux de la demi-drow, mais très confortable. Heureusement que le gilet cachait une grande partie de ses formes. Il allait falloir un peu de temps pour qu’elle soit parfaitement à l’aise dedans. Rapidement, elle s’aspergea d’un parfum de cassis pour se donner meilleure allure.

« Allez ma vieille ! Il est temps de faire bonne impression. »

La jeune femme rassembla ses affaires et s’apprêta à partir déjeuner. Le rendez-vous avait lieu dans l’après-midi aux abords de Méthylène, dans le laboratoire de ses hôtes. Le temps d’avaler quelque chose et elle serait sur la route.

Elle descendit dans la grande salle de l’auberge et découvrit l’étrange équipage qui venait de pénétrer dans l’auberge. Des drows … et visiblement pas des Doebiens. Des Eldéens à en juger par leurs vêtements et l’accent dans leurs voix. Que faisaient des Eldéens si loin d’Esion ? Aux dernières nouvelles, les Ost étaient stationnés à Esion où assiégeaient Sol’Dorn. Que faisaient des drows en armes à Méthylène ?

Méfiante, elle se glissa jusqu’en bas des marches de l’escalier, espérant pouvoir passer inaperçue. Elle irait manger ailleurs. Mieux valait ne pas créer de soucis et se concentrer sur son rendez-vous de l’après-midi. Elle se dirigea alors vers la porte de la taverne sans demander son reste, sa grosse sacoche sous le bras d’où sortait le doux tintement des fioles alchimiques.

Discrètes et bien élevées, les deux femelles attendent leur repas en devisant tranquillement tandis que le mâle, tout sourire, finit de faire ses affaires en prenant son temps. Manifestement, ils ne veulent pas faire d'esclandre et aucun insigne d'ost ne laisse présager une appartenance militaire quelle qu'elle soit.

Un éclair clair attire soudainement l'attention de la plus grande. Deux prunelles d'émeraudes rougeoyants se posent alors sur Cassiopée, reluquant sa toilette. Sur le visage d'ébène, les lèvres s'entrouvrent pour laisser voir les perles blanches parfaites de la dentition de l'Eldéenne. Son manteau de voyage d'un ocre pâle gomme ses formes, laissant cependant deviner une poitrine avantageuse.

Pour sa part, si la coupe et le modèle du vêtement Vaani la laisse passablement de glace, les courbes de sa propriétaires attirent le regard de la nimbelfe… Ainsi que la couleur particulière du manteau. Bleu, elle n'a jamais vu ce bleu en particulier avant… Les Eldéens ont de l'indigotier, desquels ils crée, utilisant un long processus un pigment l'indigo, ce fameux bleu foncé intense et unique. Mais celui là, il plairait beaucoup au Puy, elle en est certaine même si elle ne s'habille jamais en bleu. L'obok Drok aimerait aussi beaucoup cette teinte. Ca lui rappelle un peu le pagne en lapis lazuli qu'il affectionne tant.

A cette pensée, Viconia a un léger rire. Un rire chaud, agréable tandis qu'elle se promet qu'il lui faut trouver l'origine de cette couleur pour savoir si elle tiendrait sur de la soie araignée. Suivant la femme du regard, l'Eldéenne jongle avec l'idée de l'inviter à sa table. Mais la voyant se diriger vers la porte de la taverne, elle ne dit finalement pas grand chose, se levant plutôt gracieusement pour emboiter le pas à la jeune femelle.

Parce que lorsque Cassiopée ouvre la porte, c'est un grand demi sang qui se retrouve devant elle, portant une hallebarde au travers du dos. Les prunelles d'un noir d'encre se posent alors sans aménité sur l'alchimiste. Et pour faire bonne mesure, il y a un énorme fauve couleur de terre cuite, à la sale gueule couturée de cicatrices qui, affalé devant la porte, la regarde de ses yeux d'ors.

Le mâle d'encre, aux cheveux noirs et à la barbe plus noire encore, la regarde sans mot dire. Attendant qu'elle se tasse du chemin? Ou faisant rempart entre la jeune femme et le molosse dehors? Il y a une personne qui pourrait le dire. Et elle se trouve en ce moment même derrière Cassiopée, rejoignant le duo.

La voix mélodieuse de Viconia s'élève doucement dans l'air enfumé de l'établissement.

Kitrye, rilbol zhah tenu doeb gaer?
Kitrye, tout va bien?
Siyo, jabbres.
oui maitresse

Puis de reprendre à l'intention de la femelle à la peau pâle,dans son olyian chantant. Viconia sait que les drows rendent nerveux les gens. Que Cassiopée se retourne et elle trouvera la jeune drow debout et grande, très grande. Un bon mètre quatrevingt quinze de femme qui se meut sur le bout des pieds, au visage sombre et bienveillant, aux yeux verts pétillants de malice.

Désolée mademoiselle si mon protecteur t'a effrayée si c'est le cas. Si tu n'es pas trop pressée, puis-je t'inviter à ma table pour me faire pardonner? Nous ne sommes que de passage et ne cherchons pas les problèmes. Mais je profite de l'occasion pour te dire que ce beau bleu que tu porte si avantageusement m'intrigue.

Puis Viconia tend la main, ses longues oreilles se baissant légèrement. Et dit dans le dialecte chantant qui est la langue Vaanie. Il n'est pas parfait, mais il est très bien. Manifestement, elle y travaille dur.

Pardonne mon entrée en matière, ma connaissance médiocre de l'olyian me cause quelques maladresses linguistique. Je m'appelle Viconia Elthiriel X'Ianxin. Prêtresse de Valas Talberith et Marchande d'Esion, dans cet ordre. A qui ai je l'honneur?

Cassiopée se sentait comme une souris prise entre deux immenses félins. Elle aurait bien voulu être capable de s’enfuir sans demander son reste, mais l’homme qui se tenait dans l’encadrement de la porte faisait au moins une bonne tête de plus que lui et le fauve qui l’accompagnait aurait tôt fait de la dévorer après l’avoir décapité. Elle tenta de reculer devant l’imposante masse de muscles sombres qui se dressait devant elle et sentit une présence non moins menaçante dans son dos.

Lorsqu’elle se retourna, elle tomba nez à nez avec une Sombre d’une tête de plus qu’elle, avec des formes marquées … bien plus que celles de Cassiopée. Elle s’exprimait dans un olyan plus qu’acceptable.

Elle se présenta comme étant Vicona Eithiriel X’Ianxin, prêtresse de Valas. Aurait-elle du la connaitre ? Rien n’était moins sûr. Les Sombres d’Elda ne s’aventuraient pas au-delà d’Esion ou de Sol’Dorn et les rencontrer à Méthylène était en soi un évènement en soi. Généralement, seuls les Doebiens vivaient ici et les Eldéens les méprisaient royalement. Leur présence n’augurait rien de bon et se voir ainsi invitée à la tablée de cette étrange équipe était un facteur de stress supplémentaire pour la sang-mêlé. Après tout, les Eldéens traitaient généralement ses semblables comme des parasites.

Ne sachant sur quel pied danser, elle considéra quelques instants la main tendue de la dénommée Viconia et tendit la sienne afin de faire bonne mesure. Elle s’adressa à elle en Olyan d’un ton qui se voulait le plus chaleureux possible malgré la tension. Cassiopée ne put s’empêcher de remarquer qu’elle était une femme ravissante, malgré le fait qu’elle la domine d’une bonne tête.

« Enchantée. Je suis Cassis, maître-alchimiste d’Ys. Heureuse de vous rencontrer dame Viconia. »

Un mensonge par omission … elle omettait clairement le fait qu’elle était la Protectrice d’Ys. Mais ainsi entourée, elle ne risquait pas de protéger grand-chose à déclamer son titre devant ces gens. La prudence s’imposait. Et Cassis n’était que le surnom que lui avaient donnés ses frères et sœurs quand elle était petite.

Elle prit néanmoins la peine de détourner la conversation sur son identité en se focalisant sur ce bleu qui semblait l’attirer. Le fait qu’elle fasse un joli compliment sur sa tenue et ses formes ne passa pas inaperçu. C’était … gentil ?

« Ce bleu vous intrigue ? Il s’agit d’un bleu préparé dans cette région mais le tissu est fabriqué à Quiryah plus à l’ouest … »

Génée et ne sachant trop comment se sortir de cette situation, Cassiopée – Cassis – tenta vainement de dire qu’elle avait un rendez-vous qu’elle ne pouvait louper.

« Je … ça aurait été avec plaisir, mais je suis attendue quelque part et je comptais manger en chemin … Si vous voulez bien m’excuser. »

Elle fit un pas en arrière en direction de la porte, pas franchement rassurée à l’idée d’être obligée de manger avec des Drows. Ses grands yeux gris plongèrent dans ceux de Viconia. Pourvu qu’elle la laisse partir. La présence de toute cette équipe ne la rassurait point et le fait que la prêtresse de Valas soit intéressée par le bleu de ses vêtements ne présageait rien de bon.

Un mouvement du menton et la lumière qui fait plisser les yeux de Viconia peut indiquer à la maitre alchimiste que la voie est libre.

Loin de moi l'idée de te faire perdre ton temps maître alchimiste. Aussi je vais t'emboiter le pas. Comme ca tu pourra me renseigner en chemin sur qui sait produire de telles couleurs et peut être m'indiquer où ils sont. En Elda nous avoir le noir et l'indigo… rien de bien extravagant.

Bien sûr il y a d'autres couleurs, quand on vit dans la pénombre permanente, on a intérêt à aimer les couleurs vives. Mais ce n'est pas comme ça qu'elle va appâter la demi sang. Les oreilles de la daedhelle frémissent, se couchent imperceptiblement, avant qu'elle ne rabatte sa capuche sur sa tête, et ne ramène sa lourde tresse neigeuse sous les plis clairs. D'un claquement de langue, elle appelle Varg qui se relève sur ses pattes en un bond, attentif. Le chien ours claque bruyamment des mâchoires, faisant couler un léger filet de salive.

Kitrye, Zexen'uma ghil lu'cal...

Le guerrier s'incline légèrement avant de s'immiscer dans la taverne pour rejoindre la fratrie. Les deux Velvelkyn commencent à le bombarder de questions à lesquelles il ne semble que peu disposé à répondre. Pour sa part, Cassiopée peut voir l'Eldéenne se glisser dehors, plissant des yeux pour s'adapter à la luminosité ambiante.

J'aime bien Méthylène, c'est presque aussi coloré qu'Esion. Les gens se font de telles idées, mais c'est très aérien et aéré. Bien sûr il faut une chaleur épouvantable, mais en pagne ca passe quand même assez bien. As tu déjà visité l'endroit Cassis? C'est ouvert aux Vaanis et au commerce et nous avons de belles ressources locales aussi. L'obok Senger du troisième Ost, gouverneur de l'endroit, Drok, la Hyène Zurthane, est particulièrement friand de bleus. Et je crois que ce bleu en particulier lui plairait beaucoup. Mais je parle, je parle encore et je te fais perdre ton temps. Allons y maître alchimiste…. Ton temps est précieux et le mien aussi, même si je suis en vacances. Varg nous protègera… C'est un fidèle compagnon sûr. Je crois que je devrais me procurer une femelle et me garder sa descendance…

Bien sûr qu'elle parle beaucoup Viconia et de sujet aussi divers et variés, sautant du coq à l'âne, étourdissant la sang mêlé sous un flot de paroles. Si l'inquiétude et la tension engendrée par sa présence auprès d'elle l'agrée, ce n'est pas le but ultime de la manœuvre. Et sans attendre pour savoir si elles vont dans la bonne direction, la spiritiste se dirige au hasard, prenant la gauche. Le chien ours, lui, reste immobile, regardant l'humaine de ses yeux d'os, humidifiant sa truffe mutilée d'un bon coup de langue.

Cassiopée – Cassis – n’était pas encore sortie d’affaire. Voila que la prêtresse de Valas avait décidé de la suivre sans lui demander son avis et la poursuivre jusqu’à ce qu’elle crache le morceau sur le fameux bleu qu’elle portait. La jeune femme était coincée et le fait d’avoir à ses côtés une prêtresse du Dieu-Mage n’était pas la manière dont elle avait imaginé passer sa journée. Ne pouvant renvoyer Viconia dans ses pénates sans risquer de se faire massacrer en plein milieu de Méthylène, la Princesse Marchande dut abdiquer :

« Je n’y vois pas d’inconvénients … dit-elle d’un ton qui se voulait le plus neutre possible. »

Elle sursauta quand elle entendit l’énorme molosse se lever et s’approcher de sa maîtresse. Sur un seul mot d’ordre, il pouvait littéralement lui broyer la boite cranienne, non sans l’avoir plaqué au sol. Cassiopée n’était la plus chanceuse des sang-clairs d’Ithri’Vaan : elle n’avait pas la carrure des sang-purs et elle savait pertinemment que si d’aventure, l’un des Sombres tentait de lui faire du mal, elle n’aurait aucune chance. La présence du dénommé Varg aux côtés de sa maîtresse n’avait rien de rassurant : un immense molosse et une prêtresse de Valas. Ce n’était pas ce qui s’appelait être en bonne compagnie. Mais au moins, personne ne viendrait leur chercher querelle.

Les deux femmes se mirent en marche, secondées par l’étrange créature. Les rues de Méthylène étaient pleines de monde, mais Cassiopée avait rendez-vous aux abords de la ville, dans un atelier. Petit à petit, ils quitteraient l’agitation de la cité pour des quartiers plus calmes, proches des champs. Pourtant, si Cassiopée marchait à vive allure, espérant peut-être perdre la prêtresse en cours de route, la prêtresse faisait une bonne tête de plus qu’elle et avait de longues jambes. Elle se sentait ridicule à agir ainsi, mais tous ses sens étaient en alerte, comme si son corps lui hurlait de prendre ses jambes à son coup.

La prêtresse de Valas n’en finissait cependant pas de parler, rappelant à chaque instant sa présence aux oreilles de Cassiopée. C’était usant, légèrement abrutissant : elle en avait mal à la tête.

« Je ne me souviens pas avoir déjà porté de pagne … dit-elle d’un air distrait au milieu de la conversation. C’est agréable ? »

Elle fut tirée de sa torpeur quand la dénommée Viconia embraya sur le molosse.

« … Je crois que je devrais me procurer une femelle et me garder sa descendance. »

Cassiopée ralentit le pas et se retourna vers Viconia toujours cachée par sa capuche rabattue sur sa tête.

« Hum … vous parlez toujours de votre molosse là non ? »

Elle venait soudainement d'avoir doute ...

Sous la capuche, la tête se tourne, les prunelles précieuses jaugent la maitre alchimiste avec un étonnement certain.

Je ne maitrise peut-être pas la langue convenablement. Dit elle avec son délicieux accent. De quelle créature autre que de Varg pourrais je bien vouloir parler?

Le fait étant que si elle voudrait une humaine sauvage pour un élevage, elle ne la prendrait pas si frêle. Cassis n'a pas les hanches pour enfanter et les seins pour nourrir sans problème et à répétition. De plus, son caractère au premier abord farouche n'est pas l'idéal. Dernier point, son savoir est bien plus précieux librement donné que extorqué par la force. Une maitre alchimiste ne court pas les rues… Une spiritiste non plus. Sous la capuche, les oreilles frémissent, attentive à la mélodie de sa guide. Elle laisse planer le silence, pour écouter un moment.

Un sourire amusé fleurit tranquillement sur les lèvres noires de Viconia avant qu'un léger rire amusé ne traverse délicatement l'air, coulant comme l'eau sur les galets d'un ruisseau.

Alors, c'est comme cela que vous concevez mon peuple? Nous débarquons et prenons ce qui nous fait envie?

Un autre rire se fait entendre. Franchement, elle l'amuse la demi sang. Ils sont mignons dans leur genre à trembler comme cela.

Voyons maitre Cassis, tu te fais des idées… Nous, comme vous, pratiquons l'esclavage, certes, mais il y a des règles… Et aussi magnifique puisse tu être sous ce soleil de plomb, tu es née femme libre. Ce n'est pas à moi de t'enlever cette liberté voyons, je n'ai pas ce pouvoir et quand bien même je l'aurais, je préfère parler à des gens qui peuvent s'exprimer comme il leur sied.

Les paillettes sanglantes du regard vert dansent paresseusement sous l'ombre de la capuche . Et la voix se baisse légèrement tandis que le sourire s'adoucit, se fait aussi de velours que le regard.

Et puisse faire ce qui leur sied aussi…

« Votre peuple ne nous donne pas spécialement de raisons de penser le contraire dame Viconia … »

Et c’était vrai. Que de passait-il à Sol’Dorn actuellement ? N’était-ce pas un parfait exemple de cette image d’un drow conquérant et prenant ce qu’il lui plait, quitte à faire de nombreuses victimes sur son chemin. Après plus d’un siècle d’existence, Cassiopée savait à quoi s’en tenir en matière de proximité avec les Eldéens. Elle n’avait aucun souci avec les Doebens, avec qui elle était apparentée … mais les Eldéens avaient prouvé qu’ils étaient capables du pire plus souvent que du meilleur.

Viconia pouvait arguer du fait que tous les Eldéens ne se ressemblaient pas, mais elle n’en restait pas moins l’une des représentantes de leurs dieux sur cette terre. Elle était une prêtresse de Valas et de ce fait, elle incarnait les idéaux des Eldéens depuis le Puy.

Pourtant, malgré toute la méfiance dont pouvait faire preuve la jeune femme, elle ne pouvait pas non plus lui imputer toutes les fautes de ses pairs. Elle n’en était pas responsable a priori.

Cassiopée ignora le compliment de sa compagnonne et continua son chemin avec cette étrange personne qui ne cessait de lui coller aux talons. Elles arrivèrent bientôt aux abords de Méthylène, après avoir passé la muraille de pierre qui se dressait sur les flancs nord de la cité. La succession des faubourgs laissa finalement place à de petites maisonnettes et ateliers perdus entre les oliviers, les vergers fruitiers et les pâturages maigres où paissaient quelques chèvres.

Elles finirent par atteindre le domaine où elle avait été conviée. Il s’agissait là d’une manufacture comme il s’en trouvait des dizaines à Méthylène : une enceinte composée d’un muret en pierre et quelques bâtiments et entrepôts constituaient la base de toutes manufactures dans la région. Généralement, une petite tour de guet en pierre était dressée à l’entrée, un témoignage d’une époque où les Zurthans effectuaient des raids dans la région. Elles permettaient d’alerter facilement en cas d’attaque. Les bâtiments étaient tous de torchis ou de pierre, le bois étant une denrée précieuse à Méthylène. On pouvait voir derrière la petite enceinte de pierre de larges champs d’indigotiers s’enrouler dans le paysage. Des esclaves et des hommes libres cultivaient ramassaient l’indigo à la main avant d’en extraire la précieuse substance dans les bassins après que les esclaves l’ai pilé au pied.

Les bassins d’extraction de l’indigo étaient de petites merveilles de savoir-faire. On déposait les feuilles de l’indigotier dans un premier bassin où des esclaves les foulaient aux pieds. Le jus, mélangé dans le second bassin était encore à nouveau filtré puis pressé avant d’être récupéré dans un troisième bassin où des porteurs disposaient de petites amphores au bout des déversoirs, qui les remplissaient goutte à goutte. A priori, il n’y avait rien d’exceptionnel : il s’agissait de la production standard de l’indigo. La magie qui rendait ce bleu si vibrant devait opérer ailleurs.

Les deux femmes furent bien vite accueillies par l’un des gérants : un demi-drow à l’air affable et couvert de tatouages sur les bras.

« Dame Meldyrin, bienvenue ! Je vois que vous venez accompagnée. J’espère que vous avez fait bon voyage. Si je puis me permettre, notre bleu vous va à ravir. »

Si elle avait pu rougir d’un compliment, Cassiopée l’aurait fait. Constatant que de toute façon, la dame qui l’accompagnait aurait tôt fait de comprendre qu’elle n’était pas une simple alchimiste, elle se décida à lui révéler son identité. Viconia était curieuse, mais elle ne semblait pas une menace pour elle. Elle se retourna alors vers sa compagnonne.

« Je vous ai fait mauvais accueil tantôt. Veuillez m’en excuser, j’ai tendance à me méfier … mais dans mon métier, on n’est jamais trop prudent. »

Elle lui tendit la main et esquissa un sourire un peu gêné.

« Je suis Cassiopée Meldyrin, Protectrice d’Ys et directrice de la Compagnie Olyane … maître-alchimiste à mes heures perdues. »

Sourire en coin, Viconia ne pousse pas le bouchon plus loin ni ne dément la remarque qu'elle sait parfaitement juste. Emboite le pas à Cassis sans peine, de sa démarche légère et aérienne de danseuse, Varg allant et venant, reniflant un peu de tout et n'importe quoi.

La jeune drow se prend bien quelque dattes au passage, qu'elle déguste tranquillement le long du chemin, s'imprégnant de l'ambiance de la cité Estreventine. Il peut être étonnant de voir que ses yeux atypiques peuvent passer inapercu. Peut-être les yeux verts sont ils moins rares hors Elda. Les installations de Méthylène n'impressionnent pas Viconia, y reconnaissant passablement les mêmes que sur le flanc de l'Edna, où l'indigo se cultive et où la guède se produit. Avec des différences notables quand à la confection. Ce qui fait l'indigo Eldéen si unique en fait lui saute aux yeux. Maintenant, il faut savoir ce qui rend celui de méthylène si différent. Sa curiosité est aiguillonnée et ca rend son regard percant et stoppe sa langue. Le chien ours vient se poser sagement à côté d'elle et une main aux longs doigts délicats effleure doucement la tête canine tandis que la prêtresse engrange les informations.

Les informations apportées sur un plateau d'argent par un demi drow tatoué. Les émeraudes, bien à l'abrit sous la capuche, se posent sur lui et d'envisage de haut en bas et de bas en haut.

« Dame Meldyrin, bienvenue ! Je vois que vous venez accompagnée. J’espère que vous avez fait bon voyage. Si je puis me permettre, notre bleu vous va à ravir. »

C'est ce que je m'échine à lui dire depuis tout à l'heure. Rétorque Viconia avec la même affabilité que le tatoué tout en le saluant à l'Eldéenne, ne désirant pas plus que cela être trop près du mâle. De toute façon, son molosse décourage les rapprochements par sa seule présence. Je suis une visiteuse impromptue, votre bleu si bien mis en valeur a attiré mon regard. Je me présente, Viconia X'Ianxin, prêtresse de Valas et productrice de soie araignée. Ce bleu attirera beaucoup s'il est aussi stable et solide au teint que le noir d'Elda ou l'indigo.

La sang mêlée se tourne alors vers elle et recommence les présentation depuis le début. La protectrice d'Ys, rien que cela. Elle connait Ys sur papier. Une ville jeune, issus des débrits de la vielle... rebâtie comme ils ont pu, des expatriés… Et directrice de la compagnie Olyanne… Qu'elle ne connait pas du tout. La jeune drow engrange les informations pour plus tard, quand elle pourra se renseigner plus avant. Elle se demande jusqu'à quand son passé de triumvir ne sera pas remonté et déterré. Manifestement, ils n'ont pas encore fait le lien et pourtant…

Le sourire s'élargit, sincère.

Enchantée de refaire ta connaissance. Je suis confuse et j'espère ne pas t'avoir manqué du respect qui t'es dû, lle'warin Meldryn.

Parfois, les dieux envoient un petit coup de pouce. Une opportunité. Comment elle dit déjà? Ils débarquent et prennent ce dont ils ont envie. Aussi bien s'arranger pour que ca soit librement consenti. Viconia a une furieuse envie de mettre la main sur ce fameux bleu de méthylène. Reste maintenant à savoir si le jeu en vaut la chandelle.

Ensuite… Il y a une autre opportunité à creuser. Cette perspective possiblement agréable fait pétiller les précieuses persiennes, rehausse agréablement son acccent déjà chantant. .

Alors, si nous pouvions voir cela plus avant?

Mais par la Damedieu, ils s’acharnaient tous à essayer de la faire rougir aujourd’hui ?! La Princesse Marchande maudit intérieurement sa sœur cadette. La prochaine fois que Mélusine aurait l’audace de tenter de l’habiller, elle la pendrait par les pieds aux murs de son domaine. L’alchimiste bredouilla devant tant de compliments. C’était gênant … et les regards de Viconia et du demi-drow … Elle ne savait pas comment les interpréter, mais elle se demanda un instant si l’on parlait toujours du vêtement et de sa couleur.

Viconia présenta des excuses … elles n’étaient pas méritées : la faute en revenait à la Princesse Marchande.

« Ne vous inquiétez pas … je me ne formalise pas avec le protocole quand je suis simplement Cassis … Allons-y. »

Les deux femmes suivirent le demi-drow dans la manufacture. D’immenses étagères accueillant les amphores de bleu étaient disposées dans le grand hall de la manufacture. Ca et là, des employés s’affairaient à étiqueter et à remplir des caisses de bleu. Leur hôte les mena bien vite vers une annexe de la manufacture, d’où émanait une forte odeur. Il leur fit signe d’enfiler des masques de tissu et les fit entrer dans l’annexe après leur avoir bien recommandé de ne pas les enlever.

« Surtout, si jamais vous vous sentez mal, sortez immédiatement et ne touchez à rien. Le processus reste dangereux. »

La porte s’ouvrit et les trois entrèrent dans l’annexe de la manufacture. Il s’agissait d’une pièce assez grande où trônaient deux cuves d’étain bouillonnantes, d’où émanaient d’étranges vapeurs. Des ouvriers étaient juchés sur des échelles étaient en train de touiller avec de grandes rames une mixture que les deux femmes ne pouvaient voir. Plus loin, l’un d’eux semblait verser quelques produits à l’intérieur de la cuve. Un couvercle d’étain était placé sur les cuves. Il était percé de trous suffisamment larges pour que les ouvriers puissent touiller sans inhaler les vapeurs.

Le tatoué se retourna vers les deux femmes.

« C’est ici que nous avons mis au point notre bleu. Ne touchez pas aux cuves, elles sont chaudes. En fait le procédé est très simple : nous plaçons l’extrait de l’indigotier dans une grande cuve d’étain et nous mélangeons à feu doux notre produit avec une bonne dose d’acide … d’où les vapeurs. Ceci, donne cela. »

Là-dessus, le sang-clair attrapa une fiole de verre et ouvrit un petit robinet placé au niveau bas de l’une des cuves. Un épais liquide bleu vif en jaillit et remplit la fiole. Il porta le contenu à hauteur d’yeux et le montra aux deux femmes d’un air satisfait.

« Cela fait des mois que nous mettons le procédé au point. Regardez … plus nous ajoutons d’acide dans la cuve et plus notre bleu prend une couleur bleu-vert. Ceci nous permet de créer une variété de bleus allant du bleu sombre au bleu-vert : une palette de couleurs plus riche que tout ce que nous produisions à l’époque. »

Il montra aux deux femmes une table sur laquelle se trouvaient de nombreuses éprouvettes contenant de nombreux types de bleus, allant du bleu électrique au bleu-vert. Visiblement, plus l’acide était mêlé au bleu, plus il prenait une couleur verte. C’était étonnant de voir à quel point de dosage pouvait changer à ce point la couleur.

« Il nous manque cependant de bons tissus pour pouvoir développer notre activité. Nous avions pensé à nous mettre en contact avec les tisserands de la cité, mais le tissu de Méthylène n’est pas le meilleur de la région. Il faut que nous puissions tester notre teinture sur tous les types de tissus pour pouvoir vérifier la qualité de notre produit. Déjà, je vois que le tissu de Quiryah constitue un bon support pour notre bleu … Qu’en pensez-vous ? »

Avec un calme tranquille, Viconia baisse sa capuche et enfile le masque de tissus tel que prescrit. Se faisant discrète, ce qui n'est pas chose aisée vu son maintien droit naturel, la drow fait un signe intimant à Varg de l'attendre dehors. Elle reste derrière Cassiopée, pour être certaine de ne pas trop attirer l'attention. Elle ne porte pas des couleurs affreuse et des vêtements informes pour rien.

Avec attention, Viconia regarde le processus. Ils utilisent de l'acide, certes, mais lequel? Ne serait ce pas irritant pour la peau? Est ce que ca ne peut pas abîmer le tissus? La tenue est elle constante?

Avec intérêt aussi, la drow regarde les différentes éprouvettes. Le vert est une autre couleurs qui est aléatoire, autant par la résistance que par l'effet final. Tout ceci est fascinant… La main élégante prend une des éprouvettes qu'elle porte devant ses yeux, admirant la profondeur du liquide, caressant distraitement sa lourde tresse de sa main libre.

Il nous manque cependant de bons tissus pour pouvoir développer notre activité. Nous avions pensé à nous mettre en contact avec les tisserands de la cité, mais le tissu de Méthylène n’est pas le meilleur de la région. Il faut que nous puissions tester notre teinture sur tous les types de tissus pour pouvoir vérifier la qualité de notre produit. Déjà, je vois que le tissu de Quiryah constitue un bon support pour notre bleu … Qu’en pensez-vous ?

La jeune marchande repose avec respect l'éprouvette, tandis que la voix mélodieuse à l'accent exotique s'élève sous le masque.

J'en pense que je vais attendre les analyses de la maitre alchimiste. Si ils sont à ma convenance, j'aurai bien alors, peut-être une offre à vous faire. J'ai ce que vous cherchez mais je n'avancerai pas sur des hypothèses. J'ai aussi beaucoup d'interrogation sur la couleur et sa tenue. Le vert de votre teinte la plus claire a toujours été reconnue instable et le bleu a tendance à délaver…. Mais avant toute choses.

Sous le masque Viconia sourit, ce qui fait danser les paillettes dans ses yeux fort joliement, avant de s'écarter des fioles d'un pas naturellement élégant qui fait danser ses tissus informes autour de ses jambes.

Je te laisse faire ton travail, maître alchimiste… Nous attendons ton verdict.

Dit elle d'un ton de velours, les syllabes dansant agréablement sur les jolies lèvres.

Cassiopée s’avança et commença à analyser les composants utilisés par le fabriquant de bleu. A l’odeur, il utilisait de l’acide sulfurique. A haute dose, il rendait le bleu vraiment vert. A petite dose, il teintait simplement le bleu d’une très légère couleur et le renforçait en termes de saturation des couleurs. C’était malin, très malin. Seulement, le procédé était risqué. Les vapeurs d’acide étaient particulièrement toxiques et se procurer de l’acide restait un luxe même sur la Côte Brulée. La production était contrôlée par les alchimistes et beaucoup finissaient pas mourir de leurs propres expériences en tentant de concentrer suffisamment d’acide pour pouvoir mener leurs recherches.

Sortant quelques éléments de son sac, elle testa l’acide sur divers matériaux pour en étudier la concentration. Visiblement, il y avait un problème. Le vitriol n’était pas totalement pur : ce n’était que de l’huile de verre. Ils parvenaient ainsi à obtenir une belle teinte, mais leur palette de couleurs était incomplète et il était peu probable que la teinture tienne correctement dans le temps.

Elle se retourna vers l’homme :

« Qu’utilisez-vous comme acide ? Comment est-il produit ?

- Nous achetons un composé fabriqué chez un alchimiste du coin. Le vitriol est produit par concentration dans les cornues. Il n’est pas bon marché et nous n’en avons qu’en petites quantités. Juste assez pour faire des tests. Je soupçonne l’alchimiste de le diluer avant de nous le vendre.

- Je vois … Le procédé par concentration dans des cornues est rudimentaire. Il ne vous permettra pas d’affiner votre recette. Il vous faut un alambic de platine : le procédé est plus sûr et vous maîtriserez mieux la concentration, à défaut d’en produire plus. Cela vous permettra aussi de ne pas vous retrouver dépendant d’un charlatan. J’espère que vous ne lui avez pas donné les raisons de vos achats. Les rumeurs courent vites.

- Ne vous inquiétez pas, nous sommes discrets à ce sujet. En revanche, pour un alambic de platine, je crains que nous n’ayons pas les moyens …

- Pour cela, j’en fais mon affaire. Je dois juste m’assurer de quelque chose. »

Elle attrapa une des petites amphores de bleu et en versa le contenu dans une fiole en verre, qu’elle porta sur le feu d’un creuset posé sur la table. Une fois le bleu porté à ébullition, elle ouvrit sa sacoche et en tira une fiole de vitriol pur. Ce genre de choses était toujours utiles … aujourd’hui encore plus ! Elle débouchonna le bouchon de liège et versa le contenu délicatement dans la fiole de verre, tout en veillant à touiller dans le sens des aiguilles du monde avec une baguette de verre. Le résultat ne se fit pas attendre. La teinture bleue prit progressivement une agréable couleur bleue-verte, beaucoup plus vibrante que ce qui se trouvait dans les éprouvettes.

Là résidait le souci des teinturiers. Ils avaient la bonne recette, mais les composants nécessitaient des matériaux de meilleures qualités pour que la recette soit parfaite. Satisfaite, elle se tourna vers le demi-drow.

« Votre procédé est bon … c’est votre acide qui laisse à désirer. Mon pronostic est le bon, il vous faut un alambic de platine. Je puis vous en proposer un en échange de prix sur votre production de bleu. Nous sommes à la recherche de gens talentueux, qui n’ont pas peur de se mouiller pour trouver de nouvelles matières à explorer. Travaillez avec nous et vous ne manquerez de rien. »

Laissant le demi-drow méditer sur ses paroles, elle se tourna vers Viconia.

« Qu’en pensez-vous ? »

Quand on se rappelle d'elle, la drow remonte son masque légèrement sur son visage.

Nous pourrions en discuter dans votre bureau? J'aurais vos livres de comptabilité à consulter.

Mais bien sûr, s'incline le sang mêlé tatoué, veuillez me suivre mesdames.

Pour faire l'histoire courte, c'est avec un plaisir certain que Viconia retrouve le dehors pour enlever le masque de tissus et pour que Varg recommence à accomplir son office, elle suit, aérienne, leur guide le long de la teinturerie jusqu'à atteindre une zone dégagée, protégée par un muret bas au pied duquel est bâtie un bâtiment bas en terre crue à la mode Vaani. L'architecture de ce peuple est une vrai énigme pour la spiritiste. C'est… carré...et… clair? A la droite, dans un jardin de sable sec est dressé des lignes entières de cordes à linges sur lesquelles, soumis aux intempéries pend différent morceaux d'étoffes diverses aux camaieu de bleus. Certaines flamboyantes, d'autres ternes. Certaines neuves, d'autres bien abîmées. Autour s'affairent des esclaves ou des employés, elle ne saurait le dire. Mais le spectacle est instructif. Autant par la rareté de ce qui pend de par l'apparence des échantillons d'étoffes. Penchant la tête pour ne pas se cogner au chambranle de porte, la drow entre dans le bureau administratif.

A l'intérieur, une tenture composée de pans de tissus teints ici sépare ce qu'elle suppose être le centre de tests ou l'entrepôt. Le bureau se compose d'un planche sur des tréteaux et quelques étagères supportent vélins, rouleaux et livres. Ce qui intéresse Viconia en ce moment est le potentiel… Et le prix qu'elle devra débourser pour y arriver, le temps que ca lui prendra rentrer dans son argent, et comment ca la rapprochera de son but d'un nouveau temple de Valas à Esion.

Et de l'obok Drok en pagne de cette couleurs… Ca fait sourire Viconia en coin de fort charmante façon d'ailleurs pendant que, sans lambiner, elle se débarrasse de son manteau hideux et encombrant quand vient le temps de travailler.

Révélant ses vêtements de voyage. Portant des bottes souples à talons plats qui montent jusqu'aux genoux, à la semelle si fine qu'elles tiennent plus du mocassin, compromis aux pieds nus dans ce voyage où elle ne sait pas trop où il la mènera. Des pantalons de soie d'un noir profond tranchent sur les plis d'une chemise en soie vaporeuse, d'un blanc aussi immaculé que ses cheveux, ce qui met en valeur particulièrement bien son teint sombre. Un serre taille de cuir teint en indigo profond délicatement filigrané d'acier Eldéen souligne sa taille fine de danseuse, remonte, soutien et met en valeur son opulente poitrine sans être déplacée. A sa cuisse gauche, le fourreau qui retient une dague rituelle. a sa taille, sa ceinture d'anneaux d'or blancs soulignant encore plus sa taille fine, et à laquelle est attachée sa dague de tout les jours. Elle est superbe et le sait, mais agit comme si elle n'en avait pas conscience. Chaque geste est gracieux et élégant.

Si vous me permettez, maintenant c'est dans mon domaine qu'on entre. Maitre alchimiste, maitre teinturier… Excusez moi je vous pris.

Dit Viconia aimablement avant de prendre place devant ce qui lui est offert. Et pendant qu'ils discutent
de choses qu'elle écoute sans en avoir l'air, elle travaille rapidement en alignant les colonnes de chiffres en Olyian et en faisant , sur le côté, des mathématiques eldéennes. Les mathématique c'est facile. Un chiffre reste un chiffre.

Un bon point est que la teinturerie est modeste, fort modeste. Les finances ont l'air bonnes, mais, manifestement, le prix de l'acide est exorbitant. Tellement que Viconia fait une marque sur le côté de chaque entrée correspondante avant de retranscrire le tout sur une tablette de cire. Il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever, et c'est qu'elle sait parfaitement compter.

Elle finit par reposer le tout et tapote le livre qu'elle referme respectueusement. Avant de reprendre dans son oliyan chantant aux accents exotiques

Bien, maintenant que j'ai les chiffres, je peux t'assurer que tu t'es fais proprement escroquer pour ton acide cher maitre teinturier. Maintenant, ma question est. Maître Cassis, même si tu fournis un alambic de platine, d'après toi, l'alchimiste en question saura t'il l'utiliser? Parce que des tissus de bonnes étoffes, je peux en procurer pour les tests. J'ai du lin, de la soie araignée et du coton en stock. J'ai accès aussi si nécessaire à du chanvre, de la laine et je pourrais sans problème probablement trouver de la fourrure. Je crois qu'avec ces six échantillons, vous pourriez faire quelques mois de tests sans problème. Par contre, je n'investis ni mon temps ni mes ressources pour le plaisir de la chose.

Droite et fière dans sa chaise, Viconia a un léger sourire. Il y a un problème crucial à résoudre.

Parce que sans un bon alchimiste, il n'y a pas d'avenir dans votre bleu, quand même y aurait il le meilleur matériel possible. Avant toute chose, il faut trouver une solution à ce problème. Il en faudrait un prudent mais consciencieux, qui sait garder un secret, travaillant exclusivement pour vous ou presque, régulier et constant et qui sait travailler pour un tarif raisonnable. Malheureusement, je ne connais aucun alchimiste Eldéen hors Elda remplissant ces critères. Et toi Maitre Cassis?

La jeune sang-clair soupira. Viconia avait raison :

« Je ne vends pas un alambic de platine pour qu’il soit utilisé par un charlatan qui coupe son acide à l’eau. J’adjoindrai à votre manufacture un alchimiste de confiance, qui supervisera la production d’acide et vous aidera dans les dosages le temps que vous preniez le coup de main. Cela devrait suffire pour vous éviter de perdre du temps et de l’argent avec des gens qui ne savent pas préparer correctement la plus basique des solutions au vitriol. »

Il n’y avait pas le choix, il fallait écarter tout de suite les brebis galeuses. Un alchimiste incompétent ou qui trompait sur la marchandise était un alchimiste dangereux, pour lui-même, comme pour les autres. Et Cassiopée n’avait pas de temps à perdre avec ces gens-là. Elle avait largement mieux à faire que de réparer les malveillances et les bêtises des autres.

La prêtresse de Valas avait raison. Cette manufacture n’avait pas d’avenir sans un bon pilote à la barre. Elle pouvait laisser un de ses hommes de confiance sur place le temps de mettre le tout en selle et de veiller à ce que sa nouvelle … associée … ne fasse pas n’importe quoi. La jeune femme restait méfiante, malgré la proposition de Viconia. Après tout, elle ne la connaissait que depuis quelques heures : elle ne pouvait pas lui accorder sa confiance comme ça sur un coup de tête.

Elle profita du fait que le demi-drow était occupé à superviser quelques instants ses employés pour attirer la prêtresse de Valas et discuter avec elle en aparté.

« Cette manufacture a bel et bien du potentiel. Je ne produis malheureusement pas de soie araignée et vous êtes certainement plus en mesure que moi d’exploiter ce bleu à la perfection. Voila ce que je propose : je fournis l’alambic et mon alchimiste, vous fournissez le tissu et le tisserand. Partageons les bénéfices et vendons ces vêtements via nos compagnies respectives. Il y aurait tout à gagner à établir une ligne commerciale entre Ys, la Côte Brûlée et Esion, ne croyez-vous pas ? »

Cassiopée avait de la suite dans les idées. Utiliser le prétexte de l’exploitation du bleu de Méthylène pour ouvrir une ligne commerciale vers Esion était une opportunité unique qu’aucun Prince Marchand n’avait réussi à faire jusqu’alors. Passer par une prêtresse de Valas était peut être la clef pour parvenir à débloquer cette région du monde.

En apartée, toujours assise, Viconia répond placidement, son œil d'émeraude pétillant d'amusement. C'est qu'elle est pressée la sang-mêlée. C'est vrai qu'elle n'a pas toute l'éternité. Une main gracieuse l'interrompt avant qu'elle n'aille trop loin.

Je ne veux pas discuter de cela ici. Ne mêlons pas les affaires je te prie. Je ne crois pas qu'il aura de meilleures offres que la nôtre, les dieux ont été généreux avec lui aujourd'hui. Il a les installations et le savoir, mais il n'a pas le marché. Je crois qu'il serait sage de le laisser réfléchir et de le laisser libre de nous contacter. Ce qu'il fera, je n'en ai aucun doute.

Un sourire fleurit sur le sombre et magnifique visage. Sa poitrine se soulève et s'abaisse avec régularité sous la chemise immaculée et Viconia ne semble pas souffrir de la chaleur ambiante.

Puis-je t'inviter à dîner? Nous pourrions en discuter dans le confort et en toute discrétion. Je crois que les détails annexes qui ne sont pas de son ressort ne devraient pas être discutés ici… Et, en plus, ce siège est très inconfortable.

Se relevant, la splendide drow remet le pan de tissus hideux qui lui sert de manteau de voyage, camouflant ses formes. Il faut savoir quand se retirer et, à trop vouloir presser un citron, il ne donnera pas de jus. Le défi va être de faire croire au maitre teinturier qu'il est encore maitre de sa barque quand elle gèrera tout en réalité, enfin tout… Maitre Cassis est bien connue localement semblerait t'il, en plus d'apporter un savoir faire dans un domaine que la prêtresse ne maîtrise pas, elle apportera de la crédibilité du côté des terres Itriivanaises.

Maintenant pardonne moi, mais je ne vais pas donner à cet individu plus d'importance qu'il en a. Je peux compter sur toi ce soir pour que nous puissions discuter en toute confidentialité de cette collaboration qui me semble… alléchante? Est ce un mauvais choix de termes, une non maitrise de la langue ou lapsus révélant son intérêt? Dit moi, qu'essan Cassiopée, le menu qui te plairait et la boisson que tu affectionne. Je ne connais rien de la cuisine locale, mais je suis ouverte aux découvertes.

Non, elle ne discutera pas gros sous ici, dans une teinturerie locale… Il y a beaucoup de lacunes de production à pallier, un cahier de charge à établir, des contrôles de qualités à élaborer. Le maitre teinturier semble être un libre penseur, un autodidacte plus qu'un homme d'affaire. Et où Cassiopée voit linge, Viconia voit plus grand. Porcelaines, verreries, vitraux, encres pour ne nommer que ceux là. La matière brute, plus transportable et versatile, se vendrait mieux. Un atelier de tissage pourrait permettre de diminuer substantiellement les frais tout en offrant des emplois pour les talentueuses veuves et orphelins de Méthylène. Quoique sur ce point, des esclaves à la main agile serviraient tout aussi bien. Il est important par contre de cohabiter en bonne intelligence. Ce en quoi l'image de Cassiopée sera fort utile comme gage de "moralité"

Pour la ligne commerciale avec Esion, Viconia ne s'attendait pas à une telle offre si tôt. Ca mérite d'être bien pensé et débattu. Et ca ne se fera réellement pas ici. Sans se démonter, la drow prend congé de Cassiopée amicalement après sa réponse, avant d'aller prendre congé du maître teinturier, lui disant que, malheureusement, elle ne peut rester plus longtemps, mais qu'il peut la rejoindre au Soleil Bleu où elle logera pour trois nuits avant de reprendre sa route vers Thaar. Et, tranquillement, la jeune drow regagne son auberge et son logis où elle prépare l'acceuil pour les tractations à venir. Ssin'Urn agira à titre de scribe.

Il n'y a pas que le maître teinturier qu'elle veut laisser mijoter un peu. Une certaine princesse marchande aussi. Viconia, pour sa part, a tout son temps .

« Oui de toute façon, vu que nous sommes les premières arrivées, à moins qu’il n’ait contacté tout l’Ithri’Vaan pour faire part de sa découverte, il n’y a aucun doute sur le fait que nous obtiendrons tous satisfaction. »

La Princesse d’Ys rongea son frein. Elle était allée un peu trop vite en besogne effectivement. Etrange, elle n’était pas aussi impatiente d’habitude. La proximité avec la belle Viconia la rendait probablement nerveuse, d’autant qu’elle n’avait pas l’habitude de rencontrer des Eldéens aussi loin de leur foyer. Elle ne savait pas trop sur quel pied danser avec cette femme qui visiblement était beaucoup plus âgée qu’elle. Cela se sentait à sa manière de s’exprimer et d’agir… Elle avait une certaine forme de retenue que la jeune femme trouvait troublante. Stop ! Avait-elle pensé « belle » ?

Il était vrai que dame Viconia était une drow sublime, une fois sa cape enlevée. Elle était physiquement tout ce que Cassiopée n’était pas : grande, plantureuse et surtout … complètement drow. La nature de son héritage avait voulu que Cassiopée hérite des caractéristiques les moins visibles des drows : une grande partie de leur longévité, leur résistance aux poisons et aux maladies, une peau grisâtre et des cheveux d’argent. Mais c’était bien là le seul point commun qu’elle pouvait avoir avec les sangs-noirs du Puy. Il existait un véritable monde entre les Eldéens et les Doebens … et entre les Doebens et les sang-clairs et les premiers ne se lassaient pas de le rappeler aux seconds qui à leur tour, le rappelait aux troisièmes. Et comme Cassiopée appartenait à la troisième catégorie, elle avait vécu avec ses frères et sœurs l’expérience du fait d’être à la fois unique et différent du reste des Doebens. Cela avait ses bons comme ses mauvais côtés : c’était la vie, dans ce qu’elle avait de plus cru.

L’offre d’invitation ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. Cassiopée n’eut pas le cœur de la refuser et étrangement, au vu des termes employés par la prêtresse, elle ne savait plus véritablement s’il s’agissait d’un diner protocolaire ou d’autre chose … Mais qu’importe : cette femme l’intriguait et elle ne pouvait refuser l’opportunité de commercer en bonne intelligence avec elle. Il y avait un coup à jouer, elle en était persuadée … alors autant jouer le jeu et se laisser porter par les évènements.

Elle prit le temps de réfléchir à un endroit idéal pour diner. Ce n’était pas ce qui manquait à Méthylène, mais certains endroits étaient plus intéressants pour deux femmes en quête de bonne nourriture et d’un diner d’affaire. Fort heureusement, elle connaissait une terrasse sur les hauteurs de Méthylène, proche des palais des dirigeants locaux. Elle y avait passé beaucoup de temps il y a quelques années lorsqu’elle travaillait à ouvrir sa propre ligne commerciale vers l’Ithri’Vaan depuis la Côte Brûlée.

« Je connais l’endroit parfait pour découvrir la cuisine de Méthylène. Rejoignez-moi ce soir à la Belle Silène. Nous aurons à la fois une superbe vue sur la baie et de quoi nous remplir l’estomac. Ne vous inquiétez pas pour trouver l’endroit, toute la ville le connait, c’est impossible de le louper »

- oOo –

La Belle Silène était un des établissements les plus connus de Méthylène. Construits sur les contreforts des palais de Méthylène, l’endroit disposait d’un point de vue imprenable sur la baie et s’était construit une solide réputation culinaire dans la cité. On y servait de délicieux vins et de délicieuses boissons faîtes à partir des fruits exotiques qui poussaient aux abords de la ville. Si des dizaines d’esclaves assuraient le service nuit et jour, il fallait se lever tôt pour avoir une place à la Belle Silène et les endroits avec les meilleures vues sur l’océan se monnayaient chers. Fort heureusement, Cassiopée, en tant que Princesse d’Ys et directrice de la Compagnie Olyane, connaissait bien l’actuel patron de l’établissement et n’avait eu aucun mal à obtenir une réservation. Il s’agissait de faire fort : montrer à la prêtresse de Valas qu’elle n’était pas qu’une simple alchimiste et une sang-clair parmi tant d’autres et qu’il y aurait tout intérêt à négocier avec elle un partenariat durable.

La Princesse d’Ys s’adossa contre l’un des canapés de l’alcôve qu’elle avait réservé. L’endroit était magnifique, entre les arbres et les tours de pierres. D’épaisses tentures de soies rouge pendaient le long des arches et venaient cueillir la lumière du soleil couchant tandis que l’on entendait le doux roucoulement des oiseaux de paradis qui venaient souvent festoyer au milieu des miettes laissées par les clients.

Cassiopée avait profité de son temps libre pour repasser à l’auberge se changer. Ayant décidé de faire forte impression – pourquoi d’ailleurs vu qu’il s’agissait simplement d’un simple diner ? – elle avait décidé de revêtir l’une des tenues les plus seyantes qu’elle ait amené lors de son périple. La tenue de soirée était composée d’une combinaison de tissu noir épousant parfaitement ses formes sur laquelle venait s’attacher un drapé de dentelle noir brodé d’or, couvrant son épaule droite et tombant jusqu’à ses chevilles. L’ensemble était complété par des gants de soie et des bottines à talons haut et à bouts pointus. L’ensemble était très seyant et Cassiopée aimait bien le fait que cela cache suffisamment le fait qu’elle n’ait pas les formes voluptueuses de son invitée. Elle avait pris le temps de se coiffer et arborait un rouge à lèvres rouge sombre mettant en valeur ses yeux gris clair.

Assise sur l’un des canapés et sirotant un jus de fruits exotiques, la jeune femme attendait son invité.

LA TENUE DE CASSIOPEE:

Il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever et c'est qu'elle sait attirer les regards. Toute d'argent et de blanc finalement, Ayant décrétée que le noir ne lui conviendrait pas pour cette réunion après longue réflexion. Viconia veut marquer les esprits. Un simple pan de tissus d'une blancheur virginale et miroitante à chaque pas, savamment plissé et passé dans un collier ras du cou en or blanc filigrané délicieusement aux motif du dieu de la magie, une ceinture du même métal empêchant le vaporeux vêtement de s'envoler en tout sens pour révéler son intimité, de fine chainettes le retenant très lâchement sur les côtés. Son lourd bracelet d'or blanc en forme d'ouroboros aux yeux émeraudes remonte tranquillement le long de son bras droit. Un reliquat de son passé de triumvir qu'elle a sans scrupules gardé.

Ses cheveux, simplement remontés en une queue de cheval remontée au sur la tête, laisse s'échapper ses longs cheveux en boucles vaporeuses serties de brillants. Nul maquillage pour souligner les yeux, leur couleur précieuses captant l'attention plus que tout le reste Une touche de ténèbres absolues sur les lèvres est son seul maquillage outre de petites touches d'argent savamment placés pour les points de lumières, rehaussant ses pommettes délicates. Sa beauté naturelle faisant le reste.

Pieds nus, de sa démarche aérienne et dansante, elle remonte le long des rues, sanglée de Ssin'Urn qui a bien voulu mettre son ensemble rouge et de Varg qui tient son rôle très au sérieux. Vaporeuse, Viconia amène un peu de la beauté du Puy ici. C'est vrai qu'on la regarde de travers. Il y a bien le fourreau qui apparait parfois à sa cuisse longue et ferme. C'est vrai qu'elle a l'air sublime, jeune, et elle ne s'en cache pas.

image contractuelle de la robe de Viconia :

Alors quand la drow entre dans l'établissement, elle sait tout de suite qu'elle a tapé juste. Dans ce décor cossu si différent d'Elda mais qui ne valent pas le faste d'Esion. Et elle, superbe créature de blanc et de noir, qui a laissé chien et amie dehors, s'avance gracieusement, féline, aérienne vers le maître d'hotel à qui elle donne suavement son nom et le nom de la princesse marchande. Tout aussi gracieusement, elle le suit jusqu'à l'alcôve réservée.

Et la voilà donc… Dans son justaucorps noir qui lui donnerait un air sévère s'il n'était pas agrémenté par une touche d'or sur le drapé de son épaule qui descend jusqu'au sol. Contrairement à la drow, la sang-mêlée porte des bottes qui lui font un mollet des plus appétissants ceci dit. Ca et la belle touche de rouge sur ces lèvres. Le nom de la jeune femme roule délicieusement sur la langue de Viconia, les notes mélodieuses se faisant charmantes.

Qu'essa Cassiopée. Je suis ravie de cet endroit. Il est exquis. L'Obok Drok en raffolerait. Rarement il y a une telle débauche de couleurs en Elda. C'est fort plaisant.

Dit Viconia en se portant devant la princesse marchande et lui donnant un baiser d'acceuil à l'Eldéenne. Le baiser, bref et doux, est porteur de tendres promesses. Soudainement confuse, la sombre se recule de deux pas, du rouge sombre teintant ses lèvres parfaites. A chaque respiration, le miroitement du tissus attire l'attention sur l'opulente poitrine dessous.

Oh, est ce que ca fait parti des coutumes d'Ys de s'embrasser en bienvenue? Si non, j'en suis désolée.

Termine l'Eldéenne avec un léger sourire qui dit qu'elle n'en regrette rien.

Si elle avait pu rougir, la sang-clair aurait été rouge pivoine. Mais les demi-drows, comme les drows, ne rougissent pas. Certains disaient qu’ils noircissaient sous le coup de l’émotion. Crétins …

La jeune femme avait été prise de court par son invitée. Elle ne s’attendait pas à cela et ne savait pas si elle devait en prendre ombrage ou pas. Difficile, au vu de la gestuelle de la prêtresse … elle ne semblait absolument pas désolée. Elle semblait même en jouer. Toujours est-il que la Princesse d’Ys était surprise par le comportement de l’Eldéenne et ne savait pas vraiment comment prendre ce geste … qui était … plutôt agréable à vrai dire.

Cassiopée sentait encore sur sa peau et sur ses lèvres le toucher de Viconia. C’était … pas si désagréable en fin de compte. Troublant, mais pas désagréable. D’un geste, elle posa sa main gantée sur son propre visage, afin de faire déguerpir la rémanence du baiser de Viconia. Elle sortit de son havresac son rouge à lèvres et se l’appliqua à nouveau sur la bouche. Elle ne pouvait pas commencer la soirée démaquillée. Une pensée fugitive lui fit imaginer à quel point sa sœur Mélusine rirait si elle la voyait : la Protectrice d’Ys n’avait jamais été très coquette durant sa jeunesse.

« Ce n’est pas vraiment une coutume par chez nous … mais je ne vous en tiendrai pas rigueur dame Viconia. »

C’était dit sans grande conviction. Elle restait quelque peu troublée par cette Eldéenne. Sa manière de se déplacer, sa manière de parler, les plis de la soie qui semblaient épouser les moindres formes et surtout, l’impression qu’elle jouait avec elle … c’était hypnotique. Il y avait quelque chose d’à la fois extrêmement menaçant et d’extrêmement charismatique chez cette femme, qui ne laissait pas la jeune femme indifférente. Un mélange à la fois de crainte et de curiosité l’emplissait et le baiser volé avait légèrement fait chauffer son propre sang, comme si la part de Sombre en elle avait été réveillée d’un profond sommeil. Comme si la présence de l’Eldéenne faisait émerger en elle un vieil héritage : celui de sa moitié non-humaine.

Les serviteurs de l’établissement vinrent troubler ce moment de flottement et déposèrent sur la table un plateau de jus, d’alcools, d’olives, de dattes et autres douceurs de Méthylène, agrémentées de petits pains arrosés d’épices colorées. De quoi commencer tranquillement la soirée avec quelques amuse-bouche. Sa main saisit un grain de raisin et une coupe de vin ambré, qu’elle fit doucement tourner dans sa main avant de porter son regard au dehors, par-delà la baie. La vue était magnifique et les lumières de Méthylène s’élevaient dans la nuit naissante. Elle retourna bien vite à son invitée et croisa les jambes face à elle, son pied tournant lentement tandis qu’elle croquait dans le grain de raison.

« Servez vous dame Viconia. Vous êtes mon invitée ce soir ! Les cuisiniers sont en train de préparer le repas, mais je ne suis dit que vous préféreriez patienter avec quelques douceurs de cette cité. »

Pendant que la maîtresse alchimiste rectifie son maquillage, Viconia retouche son maquillage d'un simple doigt délicat sans regarder, mélangeant le rouge de Cassiopée avec son noir à elle, se qui donne une couleur unique et riche d'un rouge-noir profond. Le fait que la sang mêlée extirpe son maquillage d'un… sac à dos? Est révélateur.

Cassis cache merveilleusement son trouble derrière ce simple geste qui n'échappe pas à la spiritiste qui ne fait aucun effort pour briser ce silence. Plutôt se tourne t'elle vers la baie qu'elle contemple attentivement, offrant son côté pile à la princesse marchande. La drow ne marque aucun indice laissant croire qu'elle a conscience des serviteur venus mener les plats. L'odeur lui chatouille bien les narines, elle n'a pas avalée d'autres choses que des dattes depuis bien longtemps mais la sombre ne bouge pas. Elle jeûne parfois bien plus longtemps que cela quand elle étudie.

« Servez vous dame Viconia. Vous êtes mon invitée ce soir ! Les cuisiniers sont en train de préparer le repas, mais je ne suis dit que vous préféreriez patienter avec quelques douceurs de cette cité. »

Qu'essan Cassiopée… Laissons aller ces titres pompeux ce soir, nous sommes entres nous et cela m'ennuie fortement. Je m'appelle Viconia. Et tu peux me tutoyer. En Elda, le vous singulier a rarement cours. C'est magnifique, toute cette eau et ce paysage. En Elda, c'est un autre genre de beauté…

Regardant par dessus son épaule, l'oeil vert pailleté de rouge, si atypique chez sa race, se pose dans les prunelles pâles de la princesse. Revenant en prenant tout son temps, c'est au tour de Viconia de trouver une assise convenable. Les fauteuils étant bas pour elle et lui donnerait l'air d'une géante jouant à la dinette, Viconia montre à un serveur un meuble un peu plus loin.

Messieurs, il serait fort aimable que vous me rapprochiez la méridienne je vous prie.

Aussitôt dit aussitôt fait, et l'Eldéenne de prendre un pain aux épices. Son nez se plisse de plaisir devant l'odeur alléchante avant qu'elle ne croque dedans avec une mine gourmande. C'est pas mal du tout.

Délicieux!

Dit Viconia d'une voix vibrante de sincérité, avant d'étirer son bras fin pour prendre un peu du vin offert. Le humant précautionneusement, elle en prend une petite gorgée avant d'hocher la tête de satisfaction. Depuis son accident magique, la drow a découvert qu'elle aimait bien les alcools tout compte fait. Mais elle reste raisonnable et difficile sur ses boissons favorites.

Et ainsi étendue sur la méridienne, elle a tout de ces dames de jadis qui mangeaient du raisin allongées.

Si je m'asseois sur ces fauteuils, j'aurai de la difficulté à me relever, ils sont trop bas. Explique t'elle de sa voix chantante. Je suis ravie d'avoir fait cette halte ici. Et ta connaissance qu'essa. Cette soirée est superbe, cet endroit est sublime et ta compagnie est charmante.

Viconia sourit. Un splendide sourire révélant des dents parfaites, faisant pétiller ses yeux.

J'aimerais que nous expédiions tout de suite les affaires ennuyeuses pour nous concentrer sur une soirée des plus plaisantes ensuite…. Si tu l'agrée. Parce que tu ne me semble pas une femme à aimer tourner autour de l'amphore.

(la suite si Cassiopée y consent)

Le sourire de la prêtresse de Valas s'élargit.

Il me semblait bien si nous commencions par le bleu? Pour le maitre teinturier, il devrait recevoir un prix fixe au baril de teinture produite. Ca nous mettrais à l'abri d'une hausse de salaire vertigineuse ou de lui verser un pourcentage aléatoire sur les profits. Si il refuse, je crains que les négociations deviendraient plus ardues. Ce que je suggère, c'est de lui sponsoriser la production, chacune dans notre domaine respectif. De lui faire établir un cahier de charge conséquent…

Elle marque une pause, laissant l'idée faire son chemin, en profitant pour prendre une autre gorgée de vin qu'elle déguste, en apparence ravie, avant de piocher une olive que la sombre regarde d'un œil critique, sa peau d'ébène luisant doucement sous le soleil couchant.

Mais ca va être compliqué et ca va lui faire peur. Je crois que racheter carrément sa teinturerie serait plus judicieux, avant les tests avant que ca ne soit un succès parce que je suis certaine qu'il va réussir et après, il pourra nous faire danser. Malheureusement, comme je l'ai déjà dit le côté alchimique de la chose n'est pas de mon ressort. Comme tu m'a dis que le côté tissus et mise en marché n'es pas du tien. Voici ce que je te propose donc. J'ai eu le temps d'y réfléchir.

Une coquette somme sera nécessaire pour acheter et moderniser les équipements, pour financer la recherche et bâtir des bâtiments annexes. Un pour l'alchimie, l'autre pour le tissage. Si nous mettions chacunes 50% du montant d'achat, que nous prenions autorité sur nos domaines respectifs et que nous travaillions en bonne intelligence? Nous séparons, comme tu le dit, les profits en deux. Nous n'oublierons pas d'offrir un salaire confortable au maître teinturier et si une de nous meure, l'autre prend possession de ses parts automatiquement.

Viconia a un léger rire en voyant l'expression de Cassiopée. Son accent exotique est délicieux. La drow fait l'effort de parler en olyian par respect pour son interlocutrice.

C'est plus à ton avantage qu'au miens chère Cassiopée. Les Eldéens meurent jeune.

Termine t'elle en enfournant délicatement l'olive à qui elle fait son affaire sensuellement.

« Je suis d’accord. Causons affaire. »

Cassiopée écouta attentivement la proposition de Viconia, tout en mâchonnant un grain de raisin, puis une datte de gros calibre. Viconia proposa la création d’un cahier des charges et d’un prix fixe de l’amphore de bleu. Mais à partir du moment où il devenait possible d’investir dans la manufacture, Cassiopée et Viconia se chargeraient elle-même des prix du bleu et reverseraient une part des bénéfices au teinturier, part qui grossirait à mesure que l’exploitation gagnerait en qualité et en productivité. Il n’y avait aucun intérêt à lui « acheter » son bleu. Autant acheter la manufacture. En cela, les deux femmes étaient d’accord et Cassiopée ne put qu’acquiescer.

L’établissement d’un contrôle de la qualité était indispensable. Hors de question que la qualité du produit baisse sans que l’on s’en aperçoive. Il en allait de leur réputation à tous les trois.

« Partager les bénéfices en deux me semble une excellente affaire. Néanmoins, hors de question que la mort de l’une d’entre nous fasse tomber les parts dans l’escarcelle de l’autre. Si je meure en premier, ce qui malheureusement sera probablement le cas, mes parts reviendront à mon successeur à la direction de la Compagnie Olyane ou à Ys elle-même. C’est ma seule condition. »

Elle n’allait pas lui faire croire que les Eldéens mourraient jeunes. Hors de question de laisser à l’Eldéenne la possibilité de la trahir et de l’assassiner pour lui prendre sa part. Non, tout ce qui appartenait à Cassiopée reviendrait à ses héritiers. Elle ferait un testament dans ce sens.

La jeune femme attrapa une petite galette aux épices et la trempa dans un peu de crème de pois-chiches avant de la croquer avec délice.

« Qu’en penses-tu Viconia ? Cela me semble une proposition honnête. Chacune dans nos domaines respectifs, nous pouvons faire progresser cette industrie et engranger de juteux bénéfices, mais il faut être clair dès le départ … je ne veux pas risquer de coups de poignard dans le dos. »

La Protectrice d’Ys décroisa et recroisa les jambes tout en profitant de l’occasion pour vider son verre de jus de fruits exotiques. De cette manière l’accord était équilibré et elle pouvait être sûre qu’il n’y aurait pas de coups bas dans le fonctionnement au quotidien.

Pour ce qui étaient des détails administratifs, les deux femmes verraient plus tard. Ce n’étaient que des formalités qui ne plaisaient qu’à Cassiopée. La Protectrice d’Ys étant un ancien prévôt, elle avait un goût particulier pour les procédures, les articles de lois et le nombre d’alinéas dans une clause de contrat. Mais pour l’heure, il allait falloir se contenter d’un accord oral.

Elle se resservit … cette fois-ci d’alcool et leva son verre à l’adresse de Viconia.

« Si tu es d’accord avec mes conditions, je te propose de porter un toast à notre accord ! Puisse-t-il être fructueux. »

Elle l'amuse la sang mêlée. Combien de temps vivra t'elle en plus? encore un 50 ans? Elle semble avoir beaucoup de sang humain. Le dernier point n'étant vraiment pas un point important, mais comme dirait on, une drow s'essaye, Viconia le lui concède d'en geste nonchalant, extirpant de doigts délicats le noyau qu'elle dépose dans la coupelle prévue à cet effet. Cette notion d'héritage lui est toujours étrangère. Si son aïeule lui a laissé la soierie, ce n'est pas pour léguer quoi que ce soit, c'est par pragmatisme. Pour lui donner les moyens de ses ambitions.

Ces éphémères, quelle curiosité! Autant la calmer comme il se doit tout de suite. Parce que cet après-midi, elle avait soulevé une offre pas mal plus conséquente et délicate que l'achat d'une simple teinturerie.

Je suis d'accord, un contrat préliminaire s'impose. Je ferai mettre un addenda cependant. Si l'une de nous veut se retirer de l'affaire peu importe la raison, les parts devront d'abord être offertes à l'autre. Si un complot par une de nous deux est prouvé contre l'autre, le contrat devient caduque. Nous perdrons tout, toutes les deux… Cela te convient?

Si la maitresse alchimiste pensait que la prêtresse allait se contenter de sa parole, elle l'a dans le baba, la confiance ca se gagne et l'arcaniste a été échaudée plusieurs fois à ce niveau.

D'un autre geste, Viconia hèle un serveur et lui murmure un moment quelque chose à l'oreille, avant qu'il ne se repenche et ne lui murmure les même choses avant de s'incliner et de sortir de la pièce. S'étirant voluptueusement telle une panthère pour aller chercher un piment à tout l'autre bout, les plis lâches de sa toilette épousant ses courbes étroitement, le galbe d'un sein ferme se laissant deviner la hanche ronde et appétissante, la taille fine. La sombre prend entre deux ongles parfaitement taillés, ni trop long, ni trop court, l'objet de sa convoitise qu'elle porte à sa bouche.

J'adore quand les affaires sont rondement menées. Nous aurons les contrats préliminaires à signer, en double exemplaire, Oliyan et Eldéen, d'ici la fin du repas... J'ai cru comprendre que cet après-midi, il y avait un autre sujet qui te tenais à coeur. Veux tu m'en parler?

« Cela me convient. »

C’était un accord convenable. Il ne restait qu’à mettre tout en œuvre pour qu’il fonctionne. Faire venir un alambic de platine à Méthylène était le moindre de ses soucis : elle savait où s’en procurer un d’excellente qualité et disposait d’un alchimiste compétent sous la main, désireux de faire ses preuves. Cela n’était pas le plus compliqué des défis que la Princesse-Marchande avait eu à relever.

Cassiopée observa la demoiselle murmurer à l'oreille d’un des serviteurs avant que celui-ci ne disparaisse derrière les tentures. Que faisait-elle ? Difficile à savoir, mais Cassiopée ne pouvait qu’être fascinée par les mouvements de l’Eldéenne. Tout ce qu’elle touchait prenait des airs de tableau vivant. Si Cassiopée avait été peintre, elle aurait passé des heures à l’immortaliser dans différentes poses.

Etrangement, chaque mouvement de Viconia renforçait la sensation qui lui restait sur les lèvres depuis qu’elle l’avait embrassé. Chaque geste de l’Eldéenne réveillait une étrange sensation dans le sang de la jeune femme et elle se faisait force pour rester concentrée sur la discussion en cours. Le fait de voir par intermittence la peau nue de la prêtresse jouer avec le tissu délicat de sa robe n’aidait pas.

Et Cassiopée avait de plus en plus soif …

C’est alors que Viconia la ramena sur le sujet de tantôt.

« Oui. Cela fait des années que ma compagnie cherche à développer le commerce malgré les guerres. Nous cherchons à mettre en place des caravanes et des liaisons maritimes le long de la Côte Brûlée, en Ithri’Vaan et jusqu’en Péninsule. Cela fait quelques temps que mes hommes et moi-même cherchons à aller plus au sud. Or Esion ne commerce avec personne. Aussi vais-je aller droit au but : Esion ne peut prospérer sans un accès au commerce maritime et nous cherchons à nous étendre et à connecter les cités entre elles. Ce que je vous propose, c’est simplement d’ouvrir la cité à nos navires de commerce. Ni plus, ni moins. »

Effectivement, ouvrir commercialement la route de la Côte Brûlée devient une nécessité. Avec la guerre, les effectifs militaires ne sont pas prioritairements affectés aux caravanes marchandes et c'est très naturel… Tout comme établir une voie maritime. Viconia ne sait pas si elle est la première, ce qui est de la gestion d'Esion, elle ne s'en mêle pas. Le tout est sous domination militaire. Mais c'est très encourageant. Se faire prouver par une princesse marchande que pour le reste du monde, Esion soit fermée au commerce ne lui plait pas.

Ce que Viconia cache derrière un superbe sourire, tout en observant Cassiopée l'observer.

Je ne suis qu'une simple prêtresse…

Dit la Sombre avec un léger sourire.

Tel un chat, la drow étendue sur la méridienne, s'étend voluptueusement.

Mais je ne crois pas que cela soit un problème, il est de notoriété publique que nous n'avons pas de bateaux et le commerce sera bienvenue. Je vais en discuter avec l'Obok Drok, la hyène zuthane à mon retour pour obtenir les autorisations nécessaires. Que compte tu vouloir nous vendre exactement?

« Non vous ne l’êtes clairement pas » dit-elle simplement en croquant dans une datte.

Cassiopée avait beaucoup de défauts, mais pas celui d’être aveugle. La femme qui se tenait allongée lascivement en face d’elle était tout sauf une simple prêtresse de Valas. Cela se sentait et à défaut d’avoir des preuves tangibles, Cassiopée devait se fier à son intuition. Elle avait beau n’avoir croisé que peu d’Eldéens, elle n’était pas sotte : cette femme était beaucoup plus que ce qu’elle ne laissait entrevoir.

Elle reposa délicatement son verre et écouta attentivement son invitée. Il était vrai qu’Ession était sous commandement militaire depuis quelques temps. Tout devait passer par le commandement des Ost et si Viconia était capable de discuter directement avec un Obok, cela voulait dire qu’elle était plus importante qu’il n’y paraissait de prime abord.

« La Compagnie Olyane vend de la sécurité. Nous nous chargeons du transport et de la sécurité des marchandises. En revanche, la cité d’Ys vend toutes sortes de denrées … à commencer par de la nourriture, qui ne pousse ni à Esion, ni dans les Terres Stériles. »

Elle croqua un quartier de pomme dorée au four et arrosée de poudre de cannelle avant de continuer.

« Ys est un territoire fertile. Nous produisons en excédent de la nourriture et nous produisons un très bel artisanat d’art sur les matières premières que nous importons. Nos artisans sont reconnus pour leur savoir-faire et nous fabriquons aussi de nombreux navires. En revanche, nous sommes en recherche de tous types de minerais et produits exotiques que nous pouvons valoriser chez nous. »

La sang-clair ne mentait pas. Elle avait des greniers remplis à ras-bords, mais elle avait besoin de plus d’acier pour ses navires et ses hommes. C’était le seul moyen de garantir l’indépendance d’Ys autrement que sur le papier. Elle avait aussi besoin de nouveaux matériaux, qu’elle ne pouvait trouver en Ithri’Vaan et qu’elle pourrait faire écouler à des prix juteux une fois valorisés dans sa cité. Mais surtout, commercer avec Esion était un préalable à quelque chose de plus grand ! Non pas commercer avec le Puy … mais ouvrir la voie menant aux terres nisétiennes.

Là-bas, malgré l’apparition des dragons et les monstres qui rodaient, d’immenses richesses restaient enfouies et attendaient que l’on s’en empare. Les secrets enfouis de Nisétis et ses ressources, voila ce que Cassiopée visait à long terme.

Un sourire joueur répond à l'affirmation de la princesse marchande. Et pourtant, Viconia est exactement ce qu'elle dit qu'elle est. Simple prêtresse de Valas Talberith et marchande de tissus… Libre à Cassiopée d'imaginer ce qu'elle désire. Ce qui fut n'a plus aucune espèce de valeur.

« La Compagnie Olyane vend de la sécurité. Nous nous chargeons du transport et de la sécurité des marchandises. En revanche, la cité d’Ys vend toutes sortes de denrées … à commencer par de la nourriture, qui ne pousse ni à Esion, ni dans les Terres Stériles. »

Et pendant que Cassiopée croque sa datte, sa sombre comparse la regarde d'un air curieux. Une compagnie de transport… Si c'est ingénieux. Et ca fait un gain appréciable de temps et d'argent. Des soucis en moins. Tout dépendamment des tarifs pratiqués bien sûr. Se taisant pour le moment, l'oeil pétillant, Viconia prend une légère gorgée de vin avant de reposer sa coupe. Cassiopée cache sa nervosité… le mot est trop fort… disons un certain malaise… sous les aliments et la boisson.

Un malaise ou autre chose? La prêtresse laisse le silence s'installer sans remord. Elle recherche du minerais… Si c'est des métaux durs qu'elle cherche, Cassiopée sera décue, il est hors de question que la drow transite ce genre de marchandises, les Flammes en ont besoin pour l'Eda Vengeur. Les trucs exotiques par contre, ca paye bien et ca a habituellement un bon rendement.

Qui dit que rien ne pousse à Esion? Répond aimablement Viconia du tac au tac. Il y a même assez d'herbe pour alimenter quelques païms, N'as tu jamais goûté au cactus? C'est un délice. Le long des plages, si nous savons où regarder, il y a des algues très nourrissantes et les eaux regorgent de poissons. Nous les salons nous-même, avec le sel rose extrait de la mer… C'est une chose unique que ce sel… Nous avons du calcaire et des coquillages en quantité. Des huitres et des perles. Nos thermes ont des vertues thérapeutiques avéré… L'architecture y est aussi unique que l'endroit. Il n'y aura pas d'autre moyen de prendre connaissance de ce que nous avons à offrir qu'en venant nous rendre visite. Mais avant de discuter d'échange de produit, ta compagnie de transport m'intrigue beaucoup. C'est un concept unique non? Parle moi de tes procédés, de tes tarifs? Qu'arrive t'il si la marchandise ne se rend pas au lieu convenu? Si quelque chose manque? Ca m'angoisserait terriblement si j'étais à ta place.

» Hôtel bleu [PV Louis de Saint-Aimé]
» Du bleu, encore du bleu (Pv Diogène de Systolie)
» Missive à l'Alchimiste (Cassiopée)
» [L'ire impatiente] Où est-elle ? | Cassiopée
» En quête d'un été estréventin | Cassiopée

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