Durant la neuvième ennéade de l’an de grâce dix-sept de Bàrkios du onzième cycle.
Après Abaucourt, Léona n’avait pas arrêté de pourchasser les membres de la cabale du nécromancien qui continuait de lui échapper. Cependant lorsqu’elle arrivait à retrouver sa trace elle finissait toujours par s’évaporer. Ce qui, en plus d’être frustrant, la faisait suspecter qu’il avait plus d’amis qu’elle ne l’avait d’abord estimé. Sans compter que les petites gens ne préféraient pas en parler et se cachaient souvent derrière leur ignorance ; prétextant qu’ils n’avaient vu personne ou que, des mages, ça faisait longtemps qu’il n’en était pas passé par leur village bien qu’elle se demandait comme ils pouvaient bien le savoir. Ceux qui parlaient lui disaient souvent qu’ils ne voulaient rien avoir à faire avec toute cette histoire de nigromancie comme l’avait dit un brasseur en crachant au sol, non loin des pieds de la représentante de la loi.
Alors la prévôt avait fini par changer de stratégie. Si courir après le nécromancien ne donnait rien alors il fallait poursuivre ses complices. Ainsi c’était dans ce but qu’elle avait réuni une poignée d’hommes d’arme tirés de la garde ducale. Elle avait pensé à demander le concours des Aigles de Sang à son suzerain mais, outre le fait que cela lui aurait très certainement été refusé, elle ne voulait pas risquer d’être humilié à cause de l’habitude ô combien désagréable du nécromancien à disparaître lorsqu’elle était proche de lui mettre la main dessus. De toute façon si ce dernier se trouvait parmi les brigands qu’elle chassait aujourd’hui, il partirait avant qu’elle n’arrive ou utiliserait ses suivants pour s’échapper. Après tout quelle valeur pouvait bien avoir la vie pour une telle engeance ? C’était là une question qu’elle préférait ne pas se poser et encore moins réfléchir à ce propos alors elle balaya l’idée d’un revers de la main. Son geste attira l’attention d’un soldat.
« Un soucis m’dame ? » Demanda le sergent qui chevauchait derrière elle.
« Un insecte. » Répondit-elle laconiquement en regardant autour d’elle. L’homme d’arme allait ajouter quelque chose mais il se ravisa et ferma la bouche. Avant de finalement la rouvrir.
« Vous pensez que c’est le nécromancien ? »« Qui a envoyé un insecte ? » Demanda-t-elle le sourire aux lèvres, ce qui fit pouffer les autres.
« On raconte qu’ils peuvent. »« Ah oui ? » Léona déglutit pour éviter de rire et se racla la gorge.
« On raconte qu’au cœur de la forêt maudite à la frontière du royaume, pas celle des wandres, l’autre, et bah au cœur de cette forêt on raconte que y’aurait un grand nécromancien protégé par des insectes morts-vivants. »« Bah celui-ci est définitivement mort en tout cas. »« Vous êtes sûre ? » Se risqua le soldat en regardant derrière lui dans l’espoir vain de retrouver le cadavre du regard afin de s’assurer qu’il ne reviendrait pas d’entre les morts pour le hanter et que ses camarades soient emportés par Arcam, ils pouvaient aller se faire foutre avec leurs blagues douteuses.
« Certaine. » Elle avait attendu que les rires et les piques se calment pour répondre car elle s’y était un peu joint, elle n’avait pu garder son sérieux à cette question.
« Vous l’avez vu remourir ? » La question provoqua une nouvelle vague de rire.
« Bon Robert ça suffit maintenant, on approche du campement des bandits, plus un mot. »La troupe poursuivit leur périple à travers les plaines, longeant à nouveau la rive ouest de l’Espoir mais cette fois ils descendaient le bras de l’affluent. A mi-chemin entre Langehack et Brevise ils chevauchaient au pas et s’engouffrèrent dans une petite forêt où ils mirent pied à terre en laissant l’un d’eux pour garder leurs montures. Ils progressèrent lentement dans le sous-bois, à l’affût. La forêt en question n’en méritait à peine le nom au vu de sa superficie et bien vite il s’avéra que les renseignements que les paysans avaient bien voulus lui donner étaient exacts. Passant d’arbre en arbre Léona et ses hommes s’approchèrent discrètement pendant un temps jusqu’à ce qu’un son ne les trahisse. Ne perdant pas de temps pour déterminer ce qui avait bien pu faire l’erreur de produire trop de bruit, elle dégaina son épée et chargea, elle fut rapidement imitée par les guerriers l’accompagnant. Le combat fut de courte durée, moins bien équipés, pris par surprise et en nombre comparables, les bandits n’eurent pas le loisir de se défendre et lorsque deux d’entre eux succombèrent ils prirent leurs jambes à leurs cous. L’un n’eut pas le temps d’aller bien loin avant de recevoir une flèche dans le dos. Tandis qu’un autre tourna directement le dos à son assaillant qui en profita pour l’occire avec une facilité déconcertante. Toutefois l’un d’entre eux arriva à courir suffisamment rapidement pour ne pas être rattrapé par les hommes d’arme.
« vous deux, courrez lui après ! » Cria la prévôt en se tournant vers le reste des soldats.
« Suivez-moi on retourne aux chevaux. » Elle enjoignit le geste à la parole et courut vers leurs montures.
Une fois montés le groupe s’élança à la poursuite du fuyard et ils aperçurent leur camarade à pied au loin, rentrer dans les rues sinueuses d’un village. Les cavaliers poussèrent leur monture à accélérer, forçant les gens à se pousser ; il y eut bien une invective à leur passage mais la majorité se contenta de crier de peur ou de surprise. Finalement la personne qui jurait le plus était Robert, haletant d’avoir tant couru avec son armure, il criait des injures entre deux inspirations. Il s’était arrêté et lorsque ses camarades l’avaient rejoint il se retourna alors que ces derniers mettaient pied à terre.
« Alors, qu’est-ce qu’on fait m’dame ? »« Il est à l’intérieur ? » Demanda l’intéressée et le soldat hocha la tête ce qui fit pousser à Léona un juron qui était à la limite du blasphématoire.
« Restez là, encerclez le bâtiment, je m’en occupe. »La prévôt s’approcha du temple dans lequel s’était réfugié le criminel, traversant le parvis d’un pas déterminé, ses hommes la suivirent bien que moins certains que les ordres qu’ils avaient reçus étaient bons à suivre. Elle monta une volée de marche et rengaina son épée avant d’entrer dans le temple en scrutant l’intérieur à la recherche du fugitif.
« Je demande à voir le prêtre. » Sa voix calme portait toute l’autorité que son poste lui conférait bien qu’entre ces murs elle n’avait que peu de poids.