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Sujet: Le dernier Souffle Ven 26 Juin 2020 - 13:04
Oglicos de la Neuvième ennéade, Verimios de l'an Dix-Sept du Cycle XI Cathédrale Sainte Deina de Diantra
Un châle glissa sur les épaules de la Haute-Prêtresse. Le froid mordant semblait vouloir geler jusqu’aux pavés de la cathédrale Sainte Deina. Dans le ciel d’un azur hivernal, quelques nuages dérivaient sans relâcher leurs flocons sur les terres des Enfants de la DameDieu. Irys leva la tête vers la jeune prêtresse en robe bleue qui avait déposé un voile qui apportait une chaleur bienvenue à son corps frêle.
« – Merci. souffla-t-elle. – Rentrez, Votre Bienveillance, je ne voudrai pas que vous preniez froid… – Ne t’en fait pas, Maïeul. »
Elle offrit à la jeune femme un sourire qui lui fut rendu bien volontiers. Dans les yeux gris et les cheveux bruns, cascadant avec une fierté juvénile, de la prêtresse, Irys contemplait son reflet, quatre décennies auparavant. Elle lui avait beaucoup ressemblé, bien avant que les rides ne conquièrent définitivement son visage. Et dans son regard vif, elle retrouvait la même ferveur qui l’étreignait depuis toujours.
« – L’Intendant demande si vous comptez officier lors des cérémonies de ce soir… – Dis lui que je le ferai avec joie. »
Il y avait près d’un an que Gilles avait rejoins le Royaume de la Dame-Voilée, la laissant orpheline de son dernier ami cher en la capitale.
« – Maïeul, tu pourrais… »
La jeune femme comprit, dans la phrase laissée en suspens, la requête de son aînée. Le regard fuyant, quelque peu honteuse de se laisser aller à ses faiblesses, Irys s’appuya sur le bras de la prêtresse et se releva d’un banc de pierre qu’elle avait, l’espace d’un après-midi, fait sien pour observer la ville fourmiller d’une vie qui reprenait lentement sa fougue habituelle. L’hiver n’endormait pas Diantra, mais chaque jour la voyait se remettre un peu plus de ses traumatismes passés. Se soutenant toujours au bras de la clerc, elle remonta l’immense nef, que surmontait l’idole de leur Déesse-Mère. Néera observait ses fidèles de son éternel sourire figé dans la pierre. Humblement, les deux femmes se signèrent de l’Aile et contournèrent la statue pour s’enfoncer dans les quartiers de la prêtrise.
« – Je te remercie… » souffla la Haute-Prêtresse à la jeune femme qui déjà, s’effaçait pour la laisser seule. ‘ Laarth ? ‘ lança-t-elle mentalement.
Le dräke lui apparut, petit être aux écailles bleues étincelantes. Luttant contre ses douleurs qui, désormais, ne la lâchait plus, Irys s’assis sur sa couche. Son compagnon l’y rejoignit.
'– Il me manque… – Je le sais bien. '
Chaque jour depuis sa disparition, l’absence d’Etienne lui avait cruellement pesé. Elle avait caché sous une chape de plomb son chagrin et sa colère, mais, alors que les sillons creusaient toujours plus ses joues, elle aurait voulu l’avoir auprès d’elle. Irys s’allongea, grimaçant à chaque mouvement. Les soins des guérisseurs auraient pu lui éviter quelques souffrances, mais la Haute-Prêtresse avait catégoriquement refusé que les Flux de la Déesse lui soient dédiés. Elle entrelaça ses doigts sur son abdomen, aménageant un confortable espace contre sa poitrine dans lequel Laarth vint se blottir.
Regrettait-elle ?
Regrettait-elle d’avoir quitté ses contrées natales pour les ruines d’une capitale symbole d’un peuple des hommes en proie au chaos mais pour lequel elle nourrissait un profond amour maternel ? Tout ce qui avait ébranlé Diantra depuis son élévation l’avait également bouleversé ; des dissensions politiques aux exécutions barbares de ceux que l’on avait nommé Traitres au Royaume, en passant par le NoirPuits des dessous de la propre maison de la DameDieu.
Regrettait-elle de s’être fait voix de la neutralité lorsqu’on la tiraillait de toute part pour que le clergé prenne position, au risque d’un schisme déchirant ?
La DameDieu lui pardonnerait-elle toutes ses erreurs, toutes ses fautes ?
Quelques coups firent résonner le bois de la porte. Le silence seul répondit.
«– Votre Bienveillance… ? »
Irys n’entendait plus. Ses yeux s’étaient refermés sur une paix intérieure qu’elle n’avait plus ressentit depuis longtemps. Malgré l’hiver, une intense chaleur l’étreignit, alors qu’elle sombrait dans le sommeil, un sommeil dont on ne se réveille jamais.
Les Voix se turent, les lumières s’éteignirent. Dans un dernier Souffle, la Haute-Prêtresse confia sa dernière prière à la DameDieu.
Mort:
Dernière édition par Irys d'Arosque le Ven 26 Juin 2020 - 17:37, édité 2 fois
Irys d'Arosque
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Sujet: Re: Le dernier Souffle Ven 26 Juin 2020 - 13:04
Irys d'Arosque
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Sujet: Re: Le dernier Souffle Ven 26 Juin 2020 - 13:06
Griffon de Langehack
Humain
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Sujet: Re: Le dernier Souffle Ven 26 Juin 2020 - 19:33
Elenwënas de la neuvième ennéade de l’an 17 : XI
Le jeune homme était arrivé à la capitale du royaume la veille, descendant de sa monture il avait demandé l’hospitalité à sa majesté et après avoir ployé le genou devant l’enfant qui était son roi, il s’était rendu dans sa chambre pour se changer. Vêtu d’une simple robe blanche dépourvu du blason familial, sans son ceinturon d’arme, pieds nus, sur le parvis de la Cathédrale, on aurait pu le prendre pour un simple pèlerin venu à Diantra pour voir de ses yeux la majesté de la statue de la sainte. Toutefois, pour quelqu’un d’un peu observateur, qui s’arrêtait un moment pour observer le jeune homme, il pouvait voir qu’un homme en arme le suivait à quelques pas derrière. Sire Hugues de Monnal, contrairement à son protégé, était armé, sa main gauche reposait sur le pommeau de son épée au fourreau. Si Théodoric avançait lentement, respectant soigneusement l’ordre instauré par les prêtres, ne s’offusquant pas quand on le dépassait ou qu’on prenait sa place, ce n’était pas le cas du chevalier qui n’hésitait pas à jouer des coudes.
Sire Hugues, s’il appréciait la piété du fils de son seigneur, ne pouvait s’empêcher de se dire que si ce dernier faisait preuve d’un peu moins d’humilité et faisait valoir son nom, ils n’auraient pas à attendre en ligne. Ça lui faisait d’autant plus grincer les dents lorsqu’il pouvait voir un homme portant un manteau frappé d’armoiries, probablement un médianais, passer à côté de lui sur sa monture pour entrer dans l’édifice religieux. Le chevalier était d’ailleurs bien le seul en arme dans la longue file et les nobles qui passaient lui lançaient des regards bien étrange mais même si gagner du temps le tentait il avait juré à Griffon qu’il veillerait sur son fils ; il se demandait d’ailleurs si Théodoric ne faisait pas tout ça pour user sa patience mais il secoua la tête pour chasser cette idée, s’en voulant de l’avoir pensé un instant. Le jeune homme avait souvent quitté le marquisat pour rejoindre la capitale afin de se recueillir dans l’antique cathédrale suite à la mort de sa promise. Prenant donc son mal en patience, Hugues regardait les gens aux alentours mais surtout le fils de son seigneur et après quelques minutes il dût bien admettre que sa dévotion était contagieuse.
Le chevalier retira son ceinturon d’arme pour déposer son épée contre le mur du bâtiment avant de rentrer à la suite de Théodoric. Puis il le suivit devant la grande statue de Sainte Deina et se mit à genou devant l’autel avant de former une coupe avec ses mains. Le jeune homme se leva ensuite pour aller chercher un prêtre. Il n’eut pas d’échange entre les deux hommes, Théodoric respectant lui aussi le silence, mais le prêtre, à force de le voir, savait très bien ce qu’il voulait et les deux disparurent. A force de passer ses journées dans la cathédrale, Hugues commençait à connaître par cœur les moindres recoins de l’autel, les colonnades, les transepts et mêmes les tours qu’il avait eu le loisir de visiter. Parfois le silence des Néerites était si complet que ça lui glaçait le sang et, dans les cryptes, il avait l’impression que son Souffle venait d’être pris par Tyra sans qu’il ne s’en soit rendu compte.
Théodoric revint seul pour l’office du soir puis ils rentrèrent au palais royal pour la nuit et, à l’aube, le fils du marquis, de nouveau habillé de sa robe blanche et les pieds nus, s’en retourna vagabonder dans les rues de la capitale en direction de la cathédrale sous l’œil vigilant de son gardien ; toujours sans prononcer un mot comme si l’aube ne l’avait pas libéré de son serment. Si la journée se déroula presque pareillement à la précédente, bien que plus bruyante cette fois, l’office du soir apporta une nouvelle et sire Hugues put voir les couleurs disparaître du visage du jeune homme. Il entendit enfin la voix du fils de son seigneur lorsqu’il demanda à se recueillir auprès de la dépouille de la haute-prêtresse ; au lieu de rentrer au palais pour la nuit, le chevalier resta immobile comme une statue, un mètre derrière son protégé qui veilla la nuit durant, agenouillé devant le cadavre, ses lèvres agitées par des prières muettes.
Lorsque le soleil pointa le bout de son nez Théodoric se leva enfin et ils rentrèrent au palais mais au lieu de se reposer, il demanda des montures fraiches pour repartir à bride abattue jusqu’à Langehack. Toujours sans un mot.