Le spectacle des Semailles Pourpres

Un jour, des princes marchands avaient attaqué le palais d'une des leurs à deux pas du joyau, massacré une partie de son personnel et des forgerons affiliés à sa corporation. D'autres en avaient alors profité pour régler quelques menus griefs au passage par de justes représailles comprenant le lynchage de deux trois familles. Pour des raisons mysterieuses, l'évènement avait été appelé les semailles de sang.

Ce soir là, de nombreux vaani étaient morts. Des hommes, des femmes, des enfants même, confrontés à la cruauté inutile du monde.

Heureusement, l'Ithri'vaan savait comment les honorer: Ce soir, le prince marchand Vega transformerait leur malheur en espèces sonnantes et trébuchantes au travers d'un spectacle unique dont l'ambition n'avait d'égal que celle du prince. Mages de lumière et elementalistes specialisés dans le divertissement et la pyrothechnie, figurants, décors, félins à pointe, chamaux et même, disait la rumeur, trois mille Païms, rien n'avait été laissé au hasard pour que les spectateurs des sablons n'oublient jamais ce à quoi ils assisteraient ce soir là.

Les sablons étaient bondés, car dans son infinie sagesse, le prince marchand avait prévu des places pour toutes les bourses, et avait même payé des figurants pour mettre de l'ambiance dans les gradins, maugréer de n'avoir pu trouver de places assises et ainsi amplifier la satisfaction de ceux qui avaient effectivement payè pour en avoir une.

Tout était prêt, la tension était à son comble.

Et c'est ainsi que le défilé des acteurs et des figurants commença, au son des orchestres.  Chaque camp avait sa propre musique. Les nains furent les premiers à entrer en scène, au sondes tambours de guerre, menés par un acteur censé êtr célèbre dans la communauté dont la plupart des non nains ne connaissaient pas le nom, specificité culturelle oblige. Le nain était installé dans un palanquin, duquel dépassait une barbe d'une dizaine de metres. Palanquin et barbe étaient soutenus par pas moins d'une vingtaine de nains, lesquels se marchaient mutuellement sur les pieds. Dans le palanquin, le nain, si gros qu'il était impossible qu'il parvienne à se déplacer sans son vehicule, fumait en emettant une fumée multicolore qui se metamorphosait en pièces d'or dés qu'elle s'échappait du véhicule. Autour du palanquin, d'autres nains masqués et vétus d'un noir aussi profond que les plus sombres des abysses surveillaient les alentour en avancant sur la pointe des pieds comme si personne ne pouvait les voir. Leurs yeux brillaient d'une lueur maléfique et sur leurs têtes, chacun portaient une paire de corne. Boucs, chèvre, jusqu'à d'imposantes cornes d'élan et une corne de Rhinoceros massive. La légende parlait des assassins nains, redoutables executeurs secrets et invincibles du Maitre des milles caves. La légende leur prêtait milles exploits, et prétendait même parfois qu'ils étaient cornus.

- Silfiral et ses redoutables nains des ténèbres!" hurla l'annonceur lorsque la troupe parvint au centre de l'arène. L'assassin nain aux cornes d'élan tourna la tête en pointant son arbalète de poing dans la direction dudit présentateur, et sa corne percuta de plein fouet son camarade le plus proche, lequel contribuait à porter le palanquin. Le nain tomba en arrière sur le nain suivant, provoquant un effet domino qui magnifiquement chorégraphié. Le palanquin bascula, et le fameux Silfaral tomba du vehicule dans le sable de l'arène. De son embonpoint s'échappa trois autres nains. L'expression surprise de l'acteur nain fut retransmise en gros plan par les mages de lumières, juste avant qu'elle ne se mue en colère et vosciferations incomprehensibles pendant que les nains cornus exfiltraient leur maitre sous les rires et applaudissements en abattant des figurants au hasard avec force explosions et fumigènes roses.

Depuis les coulisses, la sorcière sombrelfe avait suivi la prestation avec attention, un demi sourire carnassier aux lèvres. C'était un tantinet ridicule, se fit-elle la remarque comme à chaque répétition. Elle ressentait toujours une pointe de honte apparement irréductible à la bétise de la scenette. Mais l'important était que le message provoque les bonnes emotions chez les bonnes personnes. A ce sujet, elle avait assez peu de doute.

Du haut de son perchoir, X'Andarin observe le branle-bas de combat dessous. Du trio, il est celui qui est le faire valoir d'un figurant. Ca pourrait être insultant pour quelqu'un d'autre à l'ego mal placé, mais ca l'indiffère. Vega paye... Il peut lui demander tout, sauf se battre à poil, X'Andarin est assez bien payé pour s'en foutre. De tout ses yeux, il attend... Observe... Ecoute...

C'est au tour d'une troupe de guerriers humains, menés par nul autre qu'Hanegard le tueur de roi, finaliste des grands jeux de Thaar. A son costume, il est clair que le guerrier a endossé pour ce soir le rôle d'Ascanio, ex-prince de la soie. Il porte un pagne en soie et une cape de pourpre, et... c'est tout. Des jeunes femmes vêtues de longues étoffes de soies le suivent et tentent de lascivement le caresser alors que l'homme avance, le regard fier et la pose altière. Un mélange de guerriers et de guerrières en jupettes et luisant d'huile le suivent avec la même dignité. Autour d'eux dansent d'autres demoiselles... Capes et longs rubans de soie multicolore évoluent au son d'une musique qui se veut sensuelle, soulevés par une brise que les spectateurs ne peuvent ressentir.

Arrivé au centre de l'arène, Ascanio brandit son épée en prenant une pose virile, puissante et martiale. Aussitôt, les demoiselles et les éphèbes les plus légèrement vêtus de sa suite accourrent pour, à genoux et en adoration, oindre son corps magnifique d'huile luisante. Autour d'eux, les flammes vacillent, leur lumière se reflétant sur ses pectoraux séduisants. La magie éclaire l'arène, exhibant d'immenses copies animées de l'acteur pour le plus grand bonheur de tous ceux dans l'assistance qui peuvent se sentir attirés par la gente masculine. Pour les autres, les gestes lascifs des danseuses font certainement l'affaire.

- Le tueur de roi est Ascanio, Prince de la soie et grand prêtre de Triphallicus!" Au milieu de l'arène, l'homme semble soudain hésiter, comme s'il était confronté à un dilemme. Il marque une pause, juste avant de saluer le public, choisissant à la place d'attraper un éphèbe et une demoiselle, chacun sur son épaule pour quitter précipitamment l'arène, pourchassé par sa garde. Sans nul doute, a t'il quelque chose d'autre en tête que le spectacle si on en croit l'expression de son visage que reproduisent, avec "grande fidélité", les mages de lumière.

- Nous espérons qu'il reviendra accomplir son sombre complot." Ajouta l'annonceur.


Du haut de son perchoir, la chorégraphie de l'entrée d'Ascanio, parfaitement exécutée, arrache à X'Andarin un frisson d'horreur à l'idée que si Diolando lui avait demandé d'incarner le prince... Il aurait été touché par toutes ces mains... Ce n'est pas la première fois qu'il assiste à ca, mais tout de même...

....

Berk.

....

Les scarifications de ses bras se réchauffent doucement, le réconfortant. C'est la première fois qu'il se donne en spectacle. Et si l'humain sait qu'il n'a rien à prouver à personne, ca reste quelque chose... Les cris des gens dehors, bande de moutons, le dégoûtent. Il a un but, une mission. Un contrat professionnel. Et l'Ombre est consciencieux. Alors, son véhicule se lève lourdement, sous la houlette de son dresseur pour l'entrée programmée.

entre alors en scène une silhouette blanche, majestueuse et rigide, juchée au sommet d'un imposant Païm. Une lumière blanche et pure ruisselle autour d'eux, avant qu'elle ne se scinde en couleurs qui à leur tour dessinent peintures et paysages dans les airs. Des parchemins prennent leur essor comme une nuée d'oiseau. A chaque pas du mastodonte, les voix du choeur montent en puissance. La dame blanche, Princesse des arts, fait son entrée. Aussi belle qu'inutile... Un bibelot en quelque sorte, bien installé sur son présentoir placide. Et... seule.

Seule? Pas vraiment. X'Andarin est debout derrière elle, dans son ombre, aussi immobile qu'une statue , les bras croisés sur son torse miroitant à la lumière du jour, bluffant bien quelques spectateurs qui n'ont pas tout de suite l'idée de qui est cet homme à l'armure d'argent étincelant sous le soleil de Thaar et heurtant bien quelques yeux. Son grand manteau d'un blanc immaculé volète derrière lui en grands plis souples ondoyants au rythme des pas de l'imposante monture. Les foulards blancs et rouges qui composent le bas de son armure bougent comme autant de taches de sang vaporeuses. La tête de serpent composant la spallière de son manteau semble narguer les spectateurs qui retiennent leur souffle sur leur passage. "Mais ce n'est pas un homme, c'est une statue! Ou est X'Andarin?" se disent les gens, tellement il reste immobile, même quand les figurants de la garde de la princesse marchande, de violet et de blanc vêtus, s'éparpillent autour d'elle avec une rigueur toute militaire paradoxal aux volutes des paysages et des parchemins qui dansent dans les airs tout autour d'eux. Et si ce n'était du travail des mages de lumière, leur tour d'arène serait fichtrement ennuyant comparativement aux autres.

A la fin de leur entrée, le Païm s'arrête, beuglant son inconfort.

- Xan'darin est le redoutable Serpent de la Dame Blanche!

La statue s'anime au mouvement élégant de la Princesse des Arts qui lève une main impérieuse, bondissant carrément par dessus sans prendre d'élan visible, dans une surnaturelle envolée éblouissante de blanc et d'écarlate. Le pied botté de cuir souple passa par dessus la coiffe de la figurante sans la toucher avant que le personnage ne se propulse avec la grâce du chasseur, courant avec légèreté le long du dos, puis de l'échine de l'animal qui relève la tête juste au bon moment, donnant un élan et une hauteur dangereuse au saut acrobatique du gladiacteur. Pendant un instant, il fut une silhouette floue de neige, d'argent et d'écarlate. Pendant l'acrobatie aérienne, il dégaina ses grandes Filles, étendant ensuite les bras de chaque coté de son corps, à l'horizontal, pour se stabiliser pour, finalement se réceptionner au sol en un roulé boulé parfaitement exécuté.

X'Andarin reste immobile quelques secondes, recroquevillé sur lui-même pour augmenter le suspense, avant de se relever lentement. Le casque à tête de serpent se tourne à gauche. D'un geste de sa première lame les figurants prennent position. Même manège de l'autre côté avec un résultat similaire. Alors lève t'il son arme hybride droite en l'air. Les mages de lumière donnent alors vie au serpent de sa spallière, l'envoyant grimper le long de la lame, pour monter ensuite dans les cieux. L'illusion siffle silencieusement, prend la forme de son casque, sans visage dessous, avant de disparaitre dans une gerbe de lumière éblouissante.

Alors seulement X'Andarin rebaisse lentement son cimeterre hybride et se place en position de repos pour attendre le signal. Même immobile, ca ne l'empêche pas de chercher quelqu'un du regard...... Une belle rousse à la robe bleue... Il ne la trouve évidemment pas dans toute cette foule, mais il sent les yeux de glace couler dans son dos. S'il y a une personne sur ce monde pourri qu'il est content qu'elle le voit jouer à l'imbécile, c'est elle.

Sous le foulard qui lui masque le visage, Dante sourit.

Enfin ce fut le tour de Shyn'tae. Ils avaient répété cela mille fois. Les autres avaient fait un sans faute. Pourquoi échouerait-elle? Pourquoi ferait-elle moins bien? Pourquoi son coeur battait-il ainsi plus fort que les tambours de ce fichu orchestre ? La championne de Thaar ferma les yeux un instant. Un regard en arrière, un hochement de tête, les hommes et les femmes de sa troupe répondirent pareillement, leurs expressions figées dans le masque de la concentration, commme l'avait été ceux qui les avaient précédé. Ils étaient prêts. Un demi sourire malicieux apparut sur son visage. C'était la meilleure des armures. Alors, elle franchit le seuil pour entrer dans l'arène. Les applaudissement, la foule, la lumière, les cris... Si forts, la submergeant presque. Son sourire grandit. Pieds nus, elle portait une robe blanche légère que la brise des élémentalistes faisait ondoyer. Une coiffe de plumes d'argent longues et fines ornait sa chevelure, d'autres, protégaient ses épaules et plus bas, incorporées à la robe, soutenaient autant qu'amplifiaient sa poitrine. Autour de ses hanches, d'autres, plus longues et larges, cerclaient ses cotés et son derriere, laissant l'avant de sa robe et ses jambes visibles. Des bracelets et des protége tibia assortis achevaient une armure qui n'aurait aucunement eu sa place sur un champ de bataille.

Derrière elle, le palais et la corporation d'argent la suivaient. De noir et de rouge sang vêtus, il y avait des drows, des humains, des elfes même. Guerriers et guerrieres bien sûr, mais aussi scribes, forgerons et leur famille, hommes, femmes et quelques enfants, certains ne portaient même pas les couleurs, mais celles des vêtements Thaari les plus traditionnels. Shyn'tae avait un message à faire passer, et avait suffisamment négocié pour y parvenir.

C'est lorsque le groupe parvint au centre de l'arène qu'elle commença à danser. Les figurants prirent place autour d'elle. Civils au centre, guerrier autour. La sorcière se ferma aux cris, aux applaudissements. Dans sa main portant les griffes d'argent que Krish lui avait donné il y a si longtemps et tellement peu de temps auparavant dans ces même sablons, Eveil refletait la lumière. La réalité s'effaça devant ses motifs. Comme un torrent impetueux, la magie n'attendait qu'une erreur pour la noyer. C'était une sensation si addictive.

La magie jaillit.
La magie couru dans les motifs.
Des grains de sable quittèrent le sol, petites anomalies sans conséquence dans le sortilège.

Au milieu des guerriers, des scribes et des forgerons, sous les même applaudissements qui avaient salué chacun des autres acteurs, Shyn'tae s'éleva dans les airs. Eveil brillait comme un rayon de soleil.

- La championne de Thaar est Griffargent! hurla l'annonceur. Le sourire carnassier qui était le sien avait-il quelque chose à envier à l'original ? Quelle importance, si peu de l'avaient vue de prés. Griffargent était déjà une légende, et c'était son visage que les mages de lumière lui attribuait.

Dire que le costume de scène d'Hanegard était minimaliste constituerait la litote du siècle, tant son pagne en soie et sa cape pourpre ne cachaient strictement rien de sa personne. Leur employeur ayant souhaité organiser un spectacle où la sensualité se mêlerait artistiquement à la violence, il fallait au wandrais mettre en valeur ses muscles d'acier afin de faire frétiller d'émotion matrones et damoiselles du public. La pudeur y perdait ce que les finances y gagnaient, et vu le prix que déboursait Diolando pour s'attacher les services des têtes d'affiche du spectacle, il aurait été de mauvais goût d'émettre des réticences à ainsi s'exhiber. De toute façon, l'ancien baron d'Alonna savait désormais qu'à Thaar il ne fallait pas s'embarrasser outre mesure des règles de bienséance usitées par la noblesse péninsulaire. Dans ce carrefour multiculturel situé au croisement des grands royaumes, seul comptait la réussite et nul ne vous en reprochait les méthodes.

Lorsque les différents groupes armés représentant les factions ayant été impliquées lors des semailles pourpres furent tous en place dans l'arène, Hanegard saisit ses armes : un casque à la crête quasiment phallique, une lourde lance de guerre, un épais bouclier et enfin un glaive qu'il mit à sa ceinture. Pas à dire, ca en jetait et la virilité débordait comme la mousse d'une choppe de bière trop remplie. Hurlant le défi que lui dictait son texte, Hanegard s'avança en direction du groupe de la Griffe d'Argent tout en regrettant intérieurement que les mots aient manqué quelque peu de défi. Quoi ? Parler de chiennes et de chiens constituerait une option totalement valide sur un véritable champ de bataille où l'originalité en matière linguistique n'est guère recherchée, mais durant un spectacle il fallait se montrer plus innovant afin de marquer les esprits.

Une idée ! Une idée ! Après tout, lors des Jeux de Thaar le Tueur de Rois s'était aussi fait connaître par sa capacité à faire le show en improvisant divers défis ; dès lors aucune raison qu'il délaisse cette bonne habitude que le public pouvait s'estimer en droit d'exiger de lui. Avisant un des "ennemis" qui faisait de jolis moulinets avec son épée devant le gros du groupe afin de se mettre en valeur, Hanegard fonça dessus et lui flanqua dans le bide un coup de pied d'une telle violence que le malheureux fut littéralement catapulté sur ses comparses qui s'effondrèrent comme des quilles tandis que la voix puissante du grand prêtre de Triphallicus résonnait dans l'arène.

C'EST CELA THAAR !

Les figurants qui constituaient sa petite armée personnelle reprirent en cœur ce nouveau cri de guerre, brandissant leurs armes pour en frapper leurs boucliers tandis que leur chef hurlait de nouveau.

VOSSULA ! PREPAREZ-VOUS POUR LA GLOIRE !

Et le wandrais plongea dans la mêlée avec l'ardeur d'un amant trop longtemps délaissé. Un premier adversaire reçut un coup de son bouclier en pleine poire tandis qu'un autre s'effondrait transpercé de sa lance (en réalité simplement égratigné, les armes étant soigneusement polie pour ne pas trancher, le gaillard en serait quitte pour une belle contusion à faire soigner après le spectacle). Concentré sur ses mouvements, Hanegard entendit plus qu'il ne vit les troupes du Guet enfoncer le flanc droit de son bataillon tel que prévu par la suite de la chorégraphie.

La foule bruissait comme le vent, remuait comme l'océan, réagissant vigoureusement aux péripéties racontées dans l'arène par les différents groupes de combattants. Vossula et la Dame Blanche assurant le rôle des "méchants" dans la chorégraphie se faisaient copieusement huer par les spectateurs qui ne se privaient pas de pouvoir lancer moults injures et ainsi participer directement aux festivités. Et Hanegard, de par sa renommée à Thaar, se trouvait une cible privilégiée des insultes car rien n'est plus amusant que de s'en prendre à un champion reconnu sans en craindre les conséquences.

Je propose qu'on l'encule ! s'exclama un vénérable marchand dont les favoris grisonnants tressautaient sous l'excitation.
Ou le contraire, murmura son épouse en mordillant sa toge et en fixant avec intérêt le musculeux wandrais. Cette double proposition donnera lieu à un autre spectacle bien plus privé qu'il serait malséant de décrire ici.

Mais la véritable star de l'arène n'était pas Hanegard car Shyn’tae entra à son tour dans la danse. Avec forces effets magiques à l'appui pour intensifier l'action, la belle projeta un sortilège mortifère sur le mécréant Vossula qui tomba lourdement au sol en se tordant de douleur avec forces mimiques. Entre l'intervention de la Griffe d'Argent et les forces de la milice qui enfonçaient leurs rangs, force fut aux rebelles de se replier et deux de ses sbires saisirent un Hanegard soi-disant inanimé pour le trainer à l'abri. Fais sans grand luxe de précaution, la manœuvre arracha un grognement d'agacement à l'homme en pagne alors que son postérieur rebondissait sur le sol à chaque pas de ses porteurs.

Merde faites attention, je ne suis pas un sac de patates !

Profitant de la réorganisation du champ de bataille pour se relever et frotter ses fesses endolories, Hanegard entendit plus qu'il ne vit l'arrivée de Diolando. Entendre serait toutefois un terme quelque peu inadapté puisque justement le silence se fit pour admirer le nouvel arrivant qui après tout se trouvait être l'acteur principal de ce spectacle.

Ben ouais le gusse il avait rien carré quand ca défouraillait vraiment, mais il a allongé la tune donc osef c'est le daron.

N'est-ce pas ?

Bref Hanegard profita de ce moment de calme relatif pour bien se positionner à l'arrière de son groupe. Vossula devait avoir été montré comme puissant au début du spectacle afin de mettre en valeur son futur vainqueur, mais désormais il lui fallait faire profil bas pour ne pas attirer les regards et au contraire moquer la soi-disant lâcheté dont avait fait preuve l'ancien Prince-Marchand lors de sa rébellion avortée. Et de toute façon, encaisser une charge de cavalerie fusse à armes émoussés pouvait entrainer quelques os cassés ou commotions fort dommageables, donc inutile d'aller devant pour prendre des coups.

Du muscle ! De l'huile sur des corps d'éphèbes ! Des pagnes ! Du sexe et de la violence ! Des taux de testostérone dépassant les limites autorisées ! Voilà ce que vous voulez voir, chers spectateurs ! Voilà ce que ni ces minables elfes d'Anaëh, ni ces décadents drows de l'Elda ou ces inconstants humains de Péninsule ne pourront jamais vous offrir ! Voilà ce que seul l'Ithri'Vaan permet... et peut-être le Zagazorn, cependant les orgies sexuelles chez les dawis restent un spectacle d'amateur dont les subtilités rocailleuses risquent de troubler le néophyte. Mais je m'égare, car vous voulez que je vous raconte le duel viril entre les deux cavaliers, le traître et le héros, Mordred et Arthur, l'écarlate et le bleu, le ténébreux nordique et le sensuel prince-marchand. Observez déjà les masses de figurants s'écarter pour leur permettre de s'affronter sous les acclamations d'une foule extatique !

Hanegard n'avait jamais été un grand cavalier mais il ne s'agissait pas d'un véritable combat. Les mouvements se devaient d'être volontairement trop amples pour bien demeurer visibles des spectateurs, les voltes de leurs montures s'apparentaient à des arcs de cercle qui auraient laissé mille fois le temps d'un lancer de poignard, et les poses musculeuses s'imposaient entre chaque frottements de lames. De toute façon, il leur fallait modérer leur vitesse afin de s'assurer que le reste du spectacle se déroulait bien et ne pas multiplier les spots à suivre simultanément. Tout cela avait demandé maintes répétitions qui aboutissaient en ce jour dans une représentation magnifique, à défaut d'être historiquement correcte. En tout cas, la version des faits narrée selon le scénario de Diolando serait à l'avenir celle chantée par les bardes au coin du feu, preuve que l'histoire est la petite catin du vainqueur.

Feinte à droite puis à gauche, les coups se succédaient et rien ne paraissait pouvoir retenir la violence du barbare qui peu à peu paraissait réussir à prendre l'avantage, porté par les démons auxquels son culte maudit avait juré fidélité. Une exclamation horrifiée parcourut la foule au moment où elle crut son champion vaincue. Déjà le terrible Vossula brandissait bien haut sa lourde lame pour terrasser Diolando et faire s'abattre une ère de ténèbres sur Thaar. L'injustice allait-elle donc triompher en ce jour sombre ? Non, car revigoré par son devoir envers ses concitoyens et porté par les Dieux eux-mêmes, le Prince Marchand se redressa et son épée transperça de part en part le traître Vossula ! (bon en fait, la lame avait frôlé les côtes et s'était engouffré dans l'une des discrètes entailles prévues sur la cape d'Hanegard pour donner le sentiment d'une véritable blessure... merci aux mages des effets spéciaux pour le jet d'hémoglobine).

Et tandis que Vossula tombait "raide mort" à bas de son monture, le vainqueur brandissait bien haut sa lame victorieuse sous les acclamations littéralement hystériques des spectateurs.

Et tandis que Griffargent se lance à la poursuite d'une Dame Blanche aussi conspuée que Vossula par les spectateurs. une flèche d'argent et d'écarlate se porte à sa rencontre.

OHHHHH....

Quand la sombre se jette sur la figurante pour en finir, le lieutenant de cette dernière la plaque violemment au sol, envoyant les deux belligérants en un roulé boulé fantastique, optimisés par les mages bien sûr. Profitant de la diversion, la maitresse fini de fuir avec les autres gardiens, ne laissant que le Serpent blanc dressé, seul, devant l'Eldéenne. La foule l'a presque en sympathie, le seul reproche qu'on peut lui faire c'est d'être loyal à sa maitresse, qui est une des méchantes de l'histoire.

AHHHHH..... S'exclame la foule.

En une chorégraphie parfaite, la lame hybride de X'Andarin et la lame de Shyn'Tae s'élèvent à hauteur de yeux en un synchronisme parfait alors qu'ils se tournent l'un contre l'autre. Tous se rappellent en l'an 14, les début prometteurs d'un combat trop vite terminé à cause d'un livre abandonné sur le sable et d'un coup de pur malchance.

C'est notre homme qui brise le premier ce moment destiné à capter l'attention des spectateurs, avec sa lame courbée. D'une élégante arabesque, son adversaire esquive aisément cette attaque haute avant de contre attaquer. S'ensuit un combat acrobatique de toute beauté, la danse des lames, deux contres en un ballet assourdissant aussi exigeant physiquement que requérant une précision à toute épreuve.

Griffargent saute par dessus le Serpent Blanc lors d'une attaque particulièrement basse, S'ensuit une contre offensive tournoyante de la sombre qui oblige l'humain à prendre une posture défensive. Les jeux de pieds se font avec grâce et synchronisme, en une élégante danse mortelle qui tient les gradins  en haleine. Le blanc et l'écarlate font comme un nuage autour du guerrier qui augmente la cadence, il semble d'ailleurs prendre le dessus.

Est ce que Griffargent vaincra? La tension est à son comble quand, se laissant tomber sur les genoux, elle lève sa main pendant que l'humain passe juste par dessus elle, emporté par son élan. Magiquement amplifié, le bruit des griffes contre l'armure est horrible, métal contre le métal qui hurlent la douleur du champion qui se répercute mal, soulevant un nuage de sable autour de lui.

Soufflant comme un boeuf sous son masque, l'assassin se dit pour la millième fois que ce qu'il fait là, va à l'encontre de tout son entrainement. Il la laisse, selon la chorégraphie, commencer sa danse de la victoire. Se préparant mentalement à faire ce qui va à l'encontre de tout ses instincts les plus primaires. Ca aurait été une autre qui incarnerait Krish qu'il aurait refusé tout net.

Et pendant qu'elle danse, Diolando s'approchant pour leur finale, le Serpent Blanc se relève, difficilement. Titubant, il re prend contenance et empoigne une dague cachée sans ses jupe. Alors se porte t'il à l'assaut de la danseuse.

Pour être arrêté net dans son élan. Shyn'Tae danse... il peut sentir sa magie lui hérisser la nuque. En dansant, elle le soulève de terre. Faisant mine de lutter sous les hurlements de la foule surexcité, il se laisse faire. Il sent la sueur et le sable lui causer une douleur atroce, raclant le métal de son plastron sur son épiderme hypersensible.

Et pendant qu'elle danse, les armes abandonnées autour d'elle se lèvent. Les deux Grandes Filles de Dante flottent dans les airs autour de la tête de la vedette du jour. Grandes ouvertes, les prunelles dépareillées croisent avec un calme surnaturel les carmines de la dynamiste. Il n'a pas peur de crever... Un léger mouvement du menton lui signifiant qu'il est prêt auquel répond le frémissent d'une svelte oreille pointue... Les lames diverses volent dans les airs à une vitesse folle, le "traversent" de part en part et le propulsent en un magnifique vol plané une bonne dizaine de mètres plus loin.

Le bruit de l'impact de la terre sur son casque font voir à Dante brièvement trente milles étoiles. Aussi n'entend t'il pas les hurlements de triomphes destinés à Shyn tandis que les mages de lumière rejouent sa mort spectaculaire au ralenti au dessus de l'arène. Comme si la Sombre avait joué avec l'humain depuis le début et que, terrassée par l'ennui, elle s'en était débarrassé d'une chiquenaude.

Grif-Ar-Gent!
Grif-Ar-Gent!
Grif-Ar-Gent!
Grif-Ar-Gent!

Vanné, le gladiacteur profite enfin de ce repos bien mérité mais ô combien douloureux sur le sable brûlant. A les entendre, on pourrait dire mission accomplie.