L'ombre et la lumière parmis les pierres. [Pv Ciryië]

Ciryië se retourna lentement vers Sërythil, un peu hébétée. C'était sans doute lui qui avait provoqué le départ des cervidés mais la situation était tellement inattendue qu'elle ne parvenait même plus à réfléchir. Elle avait conscience de la chance qu'on venait de lui offrir. C'était un moment unique qu'elle conserverait en mémoire...

-Oui. Répondit-elle sans conviction, presque sur un ton interrogatif. Je... ne sais pas ce qu'il s'est passé.

A présent, les chants l'appelaient de nouveau dans la direction qu'ils avaient emprunté la veille. Anaëh avait donc simplement voulu lui faire faire ce détour ? Mais pourquoi ?

-Il... y avait une famille ici. Un cerf... sa compagne... et leur petit. Ils... N'ont pas bougé au début, en me voyant. Le petit s'est approché de moi. Les parents ont commencé à faire de même... Une branche a craqué : ils se sont enfuis.

La petite elfe était totalement désorientée, visiblement troublée par cette expérience. Les animaux sauvages de s'approchaient jamais des êtres pensants. Le faon l'avait fait, par insouciance sans doute. Pourquoi les adultes avaient-ils suivi le mouvement ? Pour le protéger ? Si c'était le cas, est-ce qu'ils n'auraient pas plutôt chargé ou poussé le petit à s'enfuir avec eux ?

-Depuis quand une biche a des bois sur la tête ?

Elle n'était pas très familiarisée avec la faune et la flore, comme Sërythil devait s'en douter. Elle avait tout à apprendre et il était des choses que la Symphonie ne pouvait pas lui enseigner, tel que les différents animaux qui vivaient en Anaëh, leurs caractéristiques et les noms qu'on leur prêtait. Cependant, elle était persuadée qu'une biche n'avait pas de cornes d'habitude. Est-ce que cela avait une quelconque importance ? Elle n'en savait rien... Mais tout cela semblait si surnaturel...

Le noss pencha un instant la tête sur le côté, l’air de réfléchir. Et puis soudain, on eut dit l’illumination. Son corps se détendit et un sourire serein étira ses lèvres. Il était à la fois soulagé de constater que la jeune fille était saine et sauve et ne comptait pas partir en courant, mais surtout heureux pour elle car il ne trouvait qu’une explication à ce qui venait de se passer. Ce n'étaient pas de simples cerfs qu'elle venait de rencontrer d'après ses explications.

-Anaëh t’envoie un nouveau signe. Les fanuë sont des êtres nobles dotés d’une grande intelligence. On dit même que certains d'entre eux deviennent des gardiens sous la forme de Nelth Suiadan Anaëh lorsque leur moitié à disparue. J’ignore ce que la Prime Œuvre veux te dire, toi seule est capable de le savoir. Mais en attendant ce genre d’apparition n’est jamais anodine.

Il s’approcha d’elle et se risqua à poser une main sur son épaule. Quelque part il était admiratif de cette jeune elfe pourtant perdue. La Prime Œuvre s’était décidé à la prendre sous son aile et la guider quitte à se manifester. Il n’était pas certain que tous les anedhels puissent prétendre la même chose. C'était un grand honneur.

-Est-ce pour eux que tu es sortie sans un bruit ? J'ai eu peur que tu aie décider de tenter d'atteindre les montagnes seule. Avoua-t-il en revenant sur sa fuite.

Cette idée lui avait déplu à la seconde même où elle s'était formée dans son esprit. Il n'aimait pas les montagnes, ça lui faisait peur. Si la jeune fille n'avait pas l'air attirée là bas par une force mystique, il l'aurait enjoint à renoncer depuis longtemps.

Le duo avait repris sa marche sur le sol rocailleux. Déjà peu bavarde, Ciryië ne disait plus grand chose depuis que Sërythil l'avait retrouvée. Ce qu'il lui avait dit l'avait plongée dans une intense réflexion. Si Anaëh lui avait fait ce cadeau, c'était qu'elle devait avoir une raison... Mais pourquoi elle ? Pourquoi un Souffle aussi perdu que le sien ? Que voulait-elle lui dire ? Quel était le message ?
Elle préférait se taire plutôt que d'interroger son compagnon de route à ce sujet. Il n'aurait fait que lui répéter ce qu'il lui avait déjà dit : la réponse viendrait mais il lui faudrait être patiente. En attendant, elle ne savait que faire de toutes ces informations ni comment les porter. Elle venait de rencontrer des créatures mystiques, juste en écoutant les Chants. Que découvrirait-elle si elle allait jusqu'au bout de ce voyage guidé uniquement par les appels de la forêt ?

Mais alors qu'ils marchaient dans un silence de mort -en dehors de la Symphonie qui s'était les guidait-, la petite elfe s'arrêta soudain. Sous ses pieds, le sol était plus dur qu'ailleurs. Et, à la réflexion, cela faisait un petit moment que cela durait. Elle posa alors un genoux à terre et balaya la surface de poussière et de feuilles mortes. Ainsi, elle découvrit un morceau de roche. Rien d'exceptionnel à cela à ceci près... qu'il était taillé. La jeune fille continua et en trouva un autre juste à côté.

-Une voie pavée... Nous approchons d'une cité.

Ciryië leva les yeux et observa devant elle. Le chemin tracé par la route était encore visible mais les carreaux de pierre qui le constituait avaient disparu sous un amas de feuille, de terre et de mousse. Il n'était visiblement plus entretenu depuis quelques temps.

-Une de celles qui ont été abandonnées ? Interrogea-t-elle sans pour autant s'attendre à une réponse.

Si le Noss n'aimait pas la montagne, il y avait fort à parier qu'il n'était jamais venu ici. Au moins, ce chemin allait leur faciliter la tâche car Sërythil n'aurait plus besoin des ombres de la jeune elfe pour avancer plus aisément. Elle sentait que leur destination était toute proche et son instinct lui disait que c'était cette ville...
Ils marchèrent encore quelques minutes avant que la petite mage ne s'arrête une nouvelle fois sur la route. Son regard était fixé sur quelque chose qui se trouvait à quelques mètres d'elle. C'était recouvert de mousse et de lierre mais...

-C'est... une maison ?

Oui, c'était bien cela. Elle tourna ses yeux au-delà de l'ancienne bâtisse et elle en trouva une autre... et une autre... Toutes dans le même état. Levant le regard, elle pu alors voir... la cité entière qui s'élevait au-dessus d'eux, à flanc de montagne. L'ancienne ville épousait parfaitement les chaos du paysage mais la nature avait repris ses droits sur ce qui n'avait pas sa place dans ce décor. Pourtant, cela ne faisait pas si longtemps que plus personne ne vivait ici.
Sans un mot, Ciryië quitta la route et s'avança pour évoluer entre les maisons. Ils étaient arrivés. Elle marchait lentement, observant les lieux comme si elle cherchait à comprendre ce qu'Anaëh voulait lui dire. S'approchant d'une bâtisse, elle observa par une fenêtre entrouverte. A l'intérieur, tout était presque intact, si ce n'était un peu de saleté... Comment les structures extérieures pouvaient être aussi affectées alors qu'il ne s'était encore rien passé dedans ?

-C'est étrange... On dirait... Que la forêt s'est empressée de masquer cette ville. Comme pour la faire disparaître...

Sërythil était mal à l’aise et pas seulement parce qu’ils se trouvaient en montagne. Il se sentait confus sur ce chemin artificiel. Il se sentait…seul. Comme si la présence qui avait accompagné chacun de ses pas depuis sa naissance s’éloignait soudain. Elle n’avait pas complètement disparue mais ses sensations étaient diffuses, comme atténuées.

Alors qu’il suivait toujours la jeune fille dans ses pérégrinations, un frisson parcouru son corps. Tous les camps de pierres étaient-ils ainsi ? La prime œuvre semblait lutter contre l’absence de vie qui régnait sur le lieu mais ça n’était encore pas assez. Il lui faudrait du temps pour se fortifier. Un instant il se figeât pour observer l’une des huttes de pierre si froide à moitié béante, comme une bouche prête à les avaler. Sans s’en rendre compte le noss vint serrer son amulette dans son poing. Une prière muette à la Mère franchit ses lèvres.

-Elle récupère ce qui lui appartient de droit. Murmura-t-il comme s’il avait peur de troubler le silence surnaturel du lieu

Pourquoi les citadins avaient-ils choisit de déformer ainsi la prime œuvre ?  Etait-ce la raison des déplacements de centaines de taledhels quelques années plus tôt ? S’étaient-il rendus compte de leurs erreurs ? Pourquoi si tard? N'étaient-il pas tous des enfant de Kÿria voués à protéger et non détruire?

-Est-ce que…C’est ça que tu venais chercher ? Il déglutit. Pour quelle raison la menait-on ici?

Elle n’en savait rien. Sërythill s’était fait la réflexion à peine eut-il prononcé ses mots et il secoua la tête. Machinalement, il s’approcha d’un arbre tout jeune qui crevait déjà les pavés de l’ancienne cité. S’il avait pu il aurait donné toute sa magie pour accélérer le processus et effacer toute ces pierres encore trop nues.

Ciryië acquiesce d'un signe de tête alors que ses yeux parcourent ce qui l'entoure. Oui, ils sont arrivés. Il ne leur reste donc plus qu'à explorer cet endroit pour comprendre pourquoi Anaëh a voulu la mener jusqu'ici. Pour l'instant, son message lui semble si flou...

Approchant d'une nouvelle maison, la petite elfe écarte légèrement le lierre qui pend devant une colonne. Elle découvre ainsi les gravures qui l'ornent avec élégance. Il s'agit de motifs floraux d'une grande finesse, bourrés de détails et très réalistes. Cela avait dû mettre des ennéades rien que pour faire cette colonnade... Et toute la maison semblait ainsi. Elle est alors frappée par une pensée...

-Il a fallu des décennies... des siècles pour construire cette ville... Même sans l'entourer de murailles.

Sa voix est basse. Elle se parle à elle-même, même si Sërythil peut l'entendre en tendant l'oreille. Mais ce n'est pas à lui qu'elle s'adresse... Elle réfléchit à voix haute. Elle se rappelle que les villes qui ont été désertées le sont depuis peu. Pourtant, elle a bien failli passer à côté sans la voir.

-Et la nature la recouvre déjà...

Ciryië est abasourdie... Son regard passe de maison en maison et elle ne semble plus voir que ça : la verdure qui les fait disparaître aux yeux de tous. Elle remarque alors que les racines des plantes s'agrippent solidement à leur prise. Elles s'immiscent dans la moindre faille, entourent le moindre pilier. Et lorsque les racines vont grossir, toutes ces structures s'effondreront les unes après les autres.

La jeune fille est née dans une ville. En elle vit encore l'esprit d'une petite citadine. Elle est choquée et en même temps elle essaie de comprendre le message que l'on essaie de lui faire passer. Elle se retourne brusquement vers le Noss. Des larmes sont sur le point de tomber sur ses joues alors qu'une fois encore, elle ne comprend pas et se retrouve tiraillée entre le passé et le présent.

-Pourquoi est-ce qu'elle me montre ça ? Qu'est-ce qu'Anaëh veut me faire comprendre ?!

Elle ne demande pas une réponse, elle l'exige. Ses muscles sont raides tandis que son regard est vrillé sur l'homme qui l'accompagne. Si la forêt lui a fait croisé son chemin, ce doit être parce qu'il a son rôle à jouer dans tout ceci. Alors c'est maintenant ou jamais pour lui de remplir la tâche qui lui a été attribuée bien malgré lui.

Sërythil fronça les sourcils alors que la petite elfe lui exigeait une réponse qu’il n’avait pas. Tout cela lui échappait. Tout cela leur échappait à tous les deux. Mais ce n’était pas ce que voulais entendre son interlocutrice. Ce n’était pas ce qu’elle avait besoin d’entendre.

Quelque chose l’avait guidé vers les Vethërill par deux fois, d’abord vers un jeune éclaireur impulsif, puis vers le vieil herboriste trop prudent. La réponse devait être sous ses yeux mais il n’était pas elle, il ne pouvait savoir à sa place.

-Je ne suis pas toi Ciriyë. Il secoua la tête et fit un pas en arrière. J’ignore la majorité de ta vie.

Il détacha son regard de son interlocutrice et pris une respiration en observant autour de lui. Les ruines, la forêt. La pierre puis la végétation. Il prêta attention à ce qu’il ressentait au-delà des sensations liées à sa présence dans cet endroit déformé, cherchant à se reconnecter avec la symphonie amenuisée. Et cela lui fit un peu de bien, sa peur diminua un peu même si la sensation d’entendre à moitié lui était difficilement supportable.

-Quand le ciel s’est voilé pendant plus longtemps que prévu, Anaëh s’est réveillée. Des éclaireurs de mon clan m’ont raconté que certains elfes de pierre ont alors tenté de retrouver la prime œuvre. De retourner à leur racine loin des cités. De cesser… tout ça.

Sërythil ne fit quelque pas au hasard, posant sa main sur une structure recouverte de mousse au point d’être devenu invisible.

-C’est peut-être ça qu’attend Anaëh de toi. L’herboriste se retourna à nouveau vers Ciryië. Que tu retrouves ce lien que tu as toi aussi perdu. Tu semble être à un embranchement de ta vie. Ce camps c'est cet embranchement.... Il plissa les yeux, réfléchissant à comment exprimer ce qu'il pensait comprendre ici. Tu peux rester une pierre froide et sèche. Ou tu peux laisser la prime œuvre te gagner et recommencer à faire partie d'un tout.

Ciryië sentit ses jambes la lâcher et se laissa tomber au sol, de même que ses larmes se mirent à couler.

Il n'en savait rien. Il n'avait pas de réponse. Et voilà qu'elle se retrouvait à nouveau face à une énigme qu'elle ne pouvait résoudre. C'était l'énigme de trop... Mais alors qu'elle sentait poindre un sanglot qui l'aurait définitivement faite fondre, la voix de Sërythil s'éleva à nouveau. Au début, elle ne comprit pas tout à fait le sens de ses paroles. Cesser les cités ? Retrouver la prime oeuvre ? Cela lui rappelait quelques descriptions des conflits entre Noss et citadins. Mais si c'était un ornedhel qui était avec elle et non un taledhel, c'était peut-être pour une bonne raison.

Lorsqu'il la compara à une pierre froide et séchée, elle releva enfin la tête vers lui. Froide. C'était ainsi qu'elle était. Dénuée de tous sentiments, dépourvue de compassion, marchant sans but... C'était ce qu'elle était. C'était ainsi que l'on voyait les citadins ? Parce qu'ils vivaient entre les pierres, loin de la forêt, ils avaient perdu une part d'eux-mêmes... Ils traitaient des affaires très différentes de celles des Noss et pas si éloignées de celles des autres peuples finalement, puisqu'il s'agissait de régir un peuple, une ville, ses ressources... Ils étaient... un entre-deux. Tout comme la Symphonie y résonnait moins fort, ils vivaient au centre d'Anaëh et... à côté à la fois. Ils craignaient même ce qui se trouvait au-delà de leurs murs. Pourtant, la petite elfe y circulait librement depuis le réveil de son Souffle et n'avait jamais couru le moindre danger.

Après toutes ces ennéades de questions, effleurer une réponse -même confuse- l'effraya soudain. Elle se releva d'un bon et se retourna pour disparaître dans une ombre. Elle avait besoin de solitude... et d'un peu de temps pour digérer tout cela. Elle partit donc se réfugier au sommet de la montagne, au-dessus d'un immense vide. De là-haut, elle voyait le ciel, les oiseaux et la canopée qui s'étendait en-dessous d'elle. Elle se sentit chanceler de nouveau et s'assit tant bien que mal. Elle resta là, longtemps, tant et si bien que le jour déclina fortement.

Alors qu'elle avait disparu presque une journée entière, un frisson parcourut la Trame et une silhouette se dessina dans la nuit. La tête basse, Ciryië avait retrouvé la trace de Sërythil. Elle était revenue vers lui, sans trop savoir pourquoi. Elle ne savait plus quoi lui dire. La graine qu'il avait semé dans son esprit faisait un bonhomme de chemin mais elle n'en était qu'au tout début. Elle ne pouvait pas le remercier d'être là. Elle ne voulait pas non plus qu'il s'en aille. Mais il pouvait lui en vouloir de l'avoir abandonné sans un mot... Lui qui peinait dans ce paysage escarpé. Lui qui était mal à l'aise dans cette ancienne cité. Lui qui avait accepté de l'accompagner charitablement. Elle n'était pas vraiment digne de ce qu'il lui avait offert alors... elle comprendrait s'il était en colère après elle.

-Ciriyë ! avait-il soudain crié lorsqu’elle avait disparue.

Apeuré il tendit sa main dans la direction où elle était une seconde avant de disparaitre et cherchant le contact de son focalisateur pour lancer sa magie de vie et ne pas perdre sa trace. Peine perdue le temps qu’il réagisse elle était sans doute déjà trop loin.

Le noss réalisa alors qu’il se retrouvait pris dans l’un de ses pires cauchemars.

Il était seul

Il était au beau milieux des montagnes.

Seul et sans défense.

Même la symphonie n’était plus vraiment là. L’elfe se mit à trembler pendant de longue minutes, incapable de bouger, terrorisé au milieux de ces ruines fantomatiques. Et puis au bout d’une dizaine, peut-être quinzaine de minute, son instinct de survie pris le relais et il se força à bouger. Il fallait qu’il parte d’ici. Vite.

Il ne pourrait retrouver la fuyarde et ça le rendait malade d’avoir la sensation de l’abandonner à un sort terrible mais elle n’avait laissé aucune trace. Impossible de la pister. Autant se jeter dans la gueule d’un morgal tout de suite.

Alors, la mine sombre il ôta une flèche azur de son carquois et la planta dans le sol. A côté il déposa la petite figurine en forme de Mériale qu’il sculptait la veille. Si jamais Ciriyë se perdait et tentait de retrouver son chemin, cela l’aiderait, sinon ce serait une trace de leur passage qui finirait ensevelie par le reste et ne serait plus qu’un souvenir secret.
Encochant une autre de ses flèches il fit demi-tour, restant au aguets comme jamais. La moindre ombre, le moindre relief le mettait mal à l’aise ici et nombre de fois il sursauta en croyant voir une bête dans le mouvement de la bruyère sous le vent. Nombre de fois il glissa sur les roches friables et manqua de se rompre le cou.

Et puis alors qu’épuisé par une longue journée de marche plus que difficile, il se décida à enfin se reposer un peu, la symphonie qu’il avait fini par retrouver lui envoya un nouveau message, comme une douce caresse sur son épaule.
En se retournant il la vit alors. Point de colère dans son regard. Point de joie non plus. Un peu de peine peut être. Le reste des émotions forte qu’il avait ressenties dans ce camps maudit.

-Je suis soulagé de constater que tu t’en est sortie. Fit-il alors sur un ton neutre.

Il n’ajouta rien d’autre et continua son ouvrage de rassembler quelques pierres afin de créer un petit feu de camps. Il avait compris que la petite elfe était comme un animal sauvage. On pouvait l’approcher mais il suffisait d’un rien pour qu’elle s’envole à nouveau et tenter de la retenir ou de lui courir après ne servait à rien. Alors comme un fanuë qu’on aperçoit de loin, il se contente d’apprécier cette nouvelle apparition furtive sans chercher plus loin.

Les oreilles de la petite elfe frémirent. Il ne manifestait aucune colère mais c'était peut-être pire... Elle ignorait ce qu'il ressentait en cet instant alors qu'elle-même se sentait mal. Un nœud se forma dans son ventre alors qu'elle sentit son attention se détourner aussitôt d'elle pour préparer son feu.

Devait-elle partir ? Devait-elle rester ?
Devait-elle attendre ? Devait-elle parler ?
C'était des choses qu'elle n'avait jamais apprises... Parmi tellement d'autres.

-Pourquoi je... ?

Elle ne termina pas sa question. Ce n'était pas la première fois qu'il s'inquiétait de la sorte et elle ne comprenait pas pourquoi il craignait tant qu'elle soit blessée. Cela faisait des ennéades qu'elle errait seule dans les bois. Pourquoi serait-elle plus en danger maintenant qu'auparavant ? Mais le lui demander arrangerait-il vraiment les choses ?

-Si Anaëh veille sur moi, alors je n'ai rien à craindre... Finit-elle par répondre d'une petite voix.

Elle avait entendu ce qu'il lui avait dit. Elle l'avait retenu. Et elle admettait à présent que c'était peut-être la vérité. Il y avait du progrès... Alors qu'ils ne se connaissaient que depuis deux jours. Il lui apportait beaucoup et elle devait reconnaître qu'elle lui portait une certaine affection. Il était désormais quelqu'un d'important dans sa vie... cette nouvelle vie ? Elle ne voulait pas le perdre...

-C'était trop pour moi... J'avais besoin... d'être seule. Je... Je suis désolée...

Immobile, la tête face au sol, elle serra ses bras autour d'elle. Elle était mal à l'aise, et triste, et inquiète. Ses oreilles s'étaient couchées en arrière sans même qu'elle ne le réalise. C'était la première fois qu'elles bougeaient... Mais maintenant, il fallait qu'il accepte ses excuses. Elle savait qu'il avait toutes les raisons du monde de lui en vouloir, même en ignorant son passif avec la montagne.

Un sourire furtif vint étirer les lèvres du noss lorsqu’elle lui expliqua timidement être protégée par Anaëh. Elle commençait, si ce n’est à comprendre sa vision, au moins à essayer. Quelque chose changeait dans l’esprit de Ciriyë. Quelque chose changeait en bien.

Les oreilles du Vëtehrill se haussèrent alors que, dos à elle , il perçut sa tristesse et son inquiétude dans sa voix. Quant à la symphonie elle continuait à provoquer la même sensation qui l’avait fait se retourner.

Il soupira avant de se reculer un peu pour l’avoir dans son champ de vision. Il avait l’air fatigué mais c’était sans doute tout autant dû au voyage qu’aux émotions. Il mit un temps avant de répondre, cherchant ses mots.

-Ce n’est rien. Il baissa les yeux vers le sol à son tour. J’ai juste…J’ai eu peur c’est tout.

Il avait honte parce qu’il se rendait compte qu’une partie de la raison pour laquelle il s’était sentit blessé c’est tout simplement parce qu’il s’était sentit abandonné. Bien sûr il avait eu peur pour elle, qu’elle se perde, qu’elle se blesse ou soit blessée. Mais égoïstement il avait aussi eu peur pour lui-même. Seulement Ciriyë ne lui devait rien du tout. Si elle voulait partir, il ne pouvait la retenir, il ne le voulait pas. Elle n’était pas lui, l’elfe estropié. Elle, elle pouvait voler de ses propres ailes où bon lui semblait et il n’avait pas le droit de lui enlever ça. Comme il ne pouvait vraiment lui en vouloir d'avoir pris peur et cherché du réconfort dans la solitude.

 -Tu es et sera toujours la bienvenue ici ainsi qu'au sein de mon clan si jamais la solitude finit par te peser.

Il ignorait quel chemin elle déciderait de prendre à présent. Chercherait-elle à retrouver un camp de pierre afin de changer leur conscience ? Trouverait-elle un clan d’adoption ? Errerait-elle toute sa vie en nomade ?

Quoi qu’il en soit, Sërythil était sincère. Ciriyë avait ému beaucoup des siens et les Vëtherill l’accueilleraient sans doute toujours comme une amie de leur clan.

Ciryië ne savait plus vraiment quoi dire. Il acceptait ses excuses sans pour autant utiliser ces mots-là. Il restait bienveillant et chaleureux malgré tout ce qu'il s'était passé. Elle esquissa un sourire certes triste mais exprimant tant le soulagement que la gêne que lui causait encore cette situation. Ce fut fugace mais bien réel...
Rapidement, elle se proposa pour aller cueillir du bois tandis qu'il achevait de construire le foyer. Elle disparut donc quelques minutes de plus avant de revenir, les bras chargés. Puis elle s'installa dos au grand arbre qui les abritait, les jambes pliées devant elle et maintenues à l'aide de ses bras. Elle l'observa faire le feu, essayant de retenir comment il fallait faire. La tête légèrement penchée sur le côté trahissait son état d'observation et de concentration. Puis ils mangèrent dans un silence presque pesant, après quoi la jeune fille resta simplement là à observer les flammes qui jouaient devant ses yeux, l'esprit ailleurs.

Elle ressentit alors une envie qu'elle réalisa sans réfléchir. Elle se laissa aller légèrement sur le côté, jusqu'à ce que sa tête se pose sur le bras du Noss à ses côtés. Plongée dans ses réflexions, elle ressentait le besoin de savoir qu'il était toujours là. Cela la réconforta. Il était désormais tel un ancrage dans ce monde de doutes et de questions. Et, sans trop savoir comment, elle s'endormit ainsi.

Au petit matin, Ciryië était déjà réveillée. Elle se tenait un peu plus loin que l'endroit où elle s'était endormie. De nouveau assise avec les jambes contre elle, son regard se perdait dans l'immensité de la forêt. Son visage était tourné vers le Sud. L'une de ses oreilles s'agita en entendant du mouvement de l'autre côté de leur petit camp. Elle avait envie de partir depuis plus d'une heure mais elle était restée, pour lui.

-Je vais t'aider à finir de descendre. Ensuite, il faudra que je m'en aille. Dit-elle sans même le regarder.

Les chants de la forêt l'appelaient avec une telle puissance ce matin qu'il lui était difficile de résister... C'était comme si elle avait plongé un peu plus dans cette immersion au sein d'Anaëh. Son cœur battait plus fort alors qu'elle attendait de pouvoir suivre à nouveau la voie qu'on lui indiquait, luttant pour ne pas abandonner une seconde fois le Verthërill. Mais lorsqu'elle pourra s'en aller, elle aura du mal à ne pas se mettre à courir tant l'appel est fort, attirant jusqu'à son Souffle dans ce nouveau voyage... Un voyage qui durait déjà depuis plusieurs ennéades et qui, de toute évidence, était loin d'être terminé.

Il avait ouvert les yeux mais avait mis un temps avant de bouger, fixant le ciel orangé entre les branches, puis lorsqu’il s’était assis il avait attiré l’attention de sa compagne de route.

Prenant appuis contre l’arbre qui les avaient abrités cette nuit, le Vetëhrill se releva tant bien que mal, sans chercher l’aide de la jeune fille. Il récupéra ensuite son carquois et son arc ainsi que sa besace, et il fût prêt à repartir.

Ciryië avait assez fait en restant à ces côtés jusqu’à son réveil et lui en était reconnaissant mais il était évident qu’elle avait désormais un autre chemin à suivre d’elle-même. Son comportement ne faisait pas de doute, quelque chose l’attirait et l’herboriste préférait la voir courir en avant plutôt que le suivre à contrecœur. Il n’aimait pas être un poids pour les autres.

Il ne pouvait nier cependant qu’il était heureux de constater qu’elle était là ce matin. Une partie de lui s’étant attendu à ce qu’elle se volatilise dans la nuit. Ils ne feraient sans doute plus de chemin ensemble de sitôt mais le noss appréciait de pouvoir lui dire au revoir en bonne et due forme.

-Tu n’es pas obligée Ciryië. Fit-il d’une voix tout à fait paisible, sûr et certain de ce qu’il disait. Nos chemins sont sur le point de se séparer. Il sourit. Où que tu aille je te souhaite bonne chance. Que la Mère et la Prime Œuvre te guident longtemps

Anaëh veillait sur elle, il en était certain, alors après l’avoir laissé répondre, il adressa une nouvelle prière muette à la mère puis recula et s’enfonça parmi les frondaisons naissantes du bas de la montagne. Il était temps pour lui de rentrer.