Un mensonge peut aller très loin... [Marza]

Arkuisa, 7ieme ennéade de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Palais Irohivrah, Les soieries, Thaar, Ithri’Vaan

La princesse Marchande ferma les yeux alors qu’elle s’enfonçait un peu plus dans l’eau chaude. Avec tout les voyages, toutes les tentes d’infortunes, toute les batailles, retrouvé finalement le confort de son habitation était réellement divin. Après tout, les dernières semaines avaient été tout sauf tranquille. Entre la guerre naélisienne ou les drows avaient subit une défaite, et la pacification des Septs-Monts, elle avait l’impression qu’elle n’avait pu savourer un moment de détente. Toutes ces dernières semaines n’avaient été qu’inconfort et sang. Pour une fois ce moment de paix était réellement apprécié.


« Pardonnez-moi Votre Altesse.»


Mais fut de courte durée… Maralina soupira avant d’ouvrir les yeux pour se poser sur un de ses serviteurs, qui la regardait, gêné. « Le Maître des Milles-Caves, Marzaban Ambreroc est dans le hall, et il vous demande une audience.» La princesse haussa un sourcil avant de regarder les énormes fenêtres qui illuminaient la grande salle blanche. Des tons rougeâtres coloraient la pièce de tons chaud, annonçant le départ éminent du soleil. Cela faisait que quelques heures qu’elle était revenue. Marzaban était réellement doué pour tout ce qui était informations.


« C’est bon, faites-le entrer.»
« Parfait, je l’amène dans votre bureau a l’instant.»
« Non, ici.»
Le serviteur s’arrêta net, avant de regarder la Princesse Marchande l’air béate.
« Dans vos bains….?»
« Il y a un problème?»
« Non…. Non pas du tout. Je vais le chercher à l’instant.»


Le serviteur sortit rapidement des bains avant que la Princesse Marchande ferme les yeux a nouveau. Elle n’allait certainement pas interrompre son bain pour Marzaban. De toute façon avec les tenues qu’elle portait ce n’était pas comme s’il y avait encore place a l’imagination. Un des esclaves rajouta quelques pétales de rose blanche dans le bain avant de retourner dans un coin de la pièce, attendant patiemment de satisfaire les prochaines demandes de la Princesse.


Cela prit quelques minutes avant que le maître des milles-caves rejoignent finalement la Princesse Marchande dans ses bains d’un blanc immaculée. Maralina ouvrit doucement les yeux avant de porter son regard azuré vers son nouvel allié. Un sourire vint illuminer son visage. « Les nouvelles vont vite, mon cher Marzaban. A peine arriver de champ de bataille que vous vous présenté à mon palais. Je me dois de vous féliciter pour vos capacités à dénicher les informations, Thaar n’as plus de secret pour vous.» Maralina claqua des doigts et l’esclave se mit au travail, allant directement au bar pour aller chercher le whiskey le plus précieux de la collection de la Princesse d’Uldal’Rhiz. Au bout de quelques minutes, cette dernière arriva avec le verre de cristal sur un plateau, le tendant vers le maître des Milles-Caves. « J’ai supposé que vous voudriez goûter à ma nouvelle acquisition, mais si vous voulez autre chose, n’hésitez pas à me le faire savoir. Après tout, je vous invite à faire comme chez vous.» dit-elle en faisant un mouvement de main, invitant le nain a la rejoindre, ou non.

Ces dernières ennéades n’avaient pas été de tout repos. A peine avais-je hérité des rennes de l’Empire des Mille-Caves, que mon association avec la Princesse Maralina se rappela à moi. Fort heureusement, mon emprunte et mon emprise sur les Mille-Caves, étaient déjà grands lorsque Salfaryl me confia le trône… Et j’avais œuvré comme les un Nain au fond d’une mine, pour m’assurer d’être le maître de toutes les caves.

Khaled était venu voilà quelques ennéades, une missive ô combien importante en main. Il nous fallait agir dans le dos, et à la lumière des Drows. A leur lumière, en leur faisant croire en la véracité de l’accord de Maralina stipulant que la Princesse-Marchande devait protéger leurs lignes arrière. Dans leur dos, car le véritable but de cette manœuvre était d’attaquer absolument tous les convois passant par Hanning. L’instabilité, déjà naissante de par le passage des Drows sur le territoire pour atteindre le royaume de Naélis, fut ainsi incroyablement utilisé et potentialisé, en partie grâce aux mercenaires et soldats que nous avions envoyé. Les Sept Monts tombèrent petit à petit dans un chao total, touchant jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir local. Et dans leur ombre, Maralina et moi, bougions nos pions.

La Loge d’Onyx avait eu – et aurait encore – l’occasion de satisfaire à toutes mes envies, et tous mes ordres. Combien d’officiers d’Hanning furent mystérieusement ou accidentellement tués, dans de mineurs affrontements ? Ou dans leurs baignoires ? Et oh… Combien ces morts ont-elles été utiles pour que nous nous placions, Maralina et moi ?

Un serviteur de Maralina m’indiqua d’entrer, et me sortit de mes pensées. Correctement vêtu, portant mes bols d’or aux oreilles, mes chevalières, et mon épais manteau de fourrure de Beärog, je me présentais devant Maralina… Vêtue dans son plus simple appareil. Et les pétales blancs n’y changeaient rien. Oh, non pas que j’y sois surpris : elle n’était d’ordinaire pas beaucoup plus vêtue…

Toutefois, je restais fidèle à ma réputation de marbre. Mes yeux se fixèrent dans les prunelles de Maralina, sans jamais défaillir, et mon visage resta profondément neutre, profondément sombre. J’offrit toutefois une légère inclinaison en avant, de 32°, signe que j’appréciais intérieurement son avis – et sa critique – sur mes réseaux d’informateurs. Nombreux étaient mes espions, effectivement… Et nombreuses furent mes informations qui aidèrent à nos complots.

Les bruits des pas nus d’un serviteur se firent entendre, alors que celui-ci m’apporta, dans un sublime verre de cristal, un whisky qui semblait ô combien précieux. Alors que Maralina parlait de nouveau, je levais mon verre et l’inspectait sous tous les angles, à la lumière des vitraux de la salle. J’observais alors les dépôts d’alcool coulant contre les bords du cristal, sa couleur sombre, devant d’éclat grâce à la lumière mourante à l’extérieur. Je passais ensuite mon tarin au-dessus du verre de cristal, tout en tapant mon ongle contre ledit verre. Le son était étincelant… La qualité, omniprésente. Je dégustais ensuite le breuvage. Il était excellent.

Je revenais alors face à la princesse, les bruits des pas de mes savates se faisant entendre. Je levais doucement mon verre, et abaissais la tête. Le fait que je le goutte aussi vite était un signe de confiance : je ne craignais pas d’être empoisonnée. Sans doute l’avait-elle devinée. J’espère, toutefois, qu’elle comprendrait l’étendue de la signification de cette confiance.

- Ce breuvage est excellent, princesse. Et je me réjouis de vous revoir saine et sauve. Vous savez déjà pourquoi je suis ici. Nous avons à parler de la suite des évènements. Y êtes-vous disposée ? Ou dois-je revenir plus tard ?

Maralina eut un sourire amusé avant de tendre la main vers un autre serviteur. L’esclave arriva rapidement à sa maîtresse, donnant une coupe finement ciselée remplie d’un liquide translucide. La demie-elfe porta la coupe à ses lèvres, s’abreuvant avant de déposer la coupe sur la pierre, à sa porter. L’esclave fit quelques pas de reculons, s’enlevant du champ de vision de la Princesse d’Uldal’Rhiz. Cette dernière haussa les épaules avant de déposer sa tête contre la pierre, non sans bouger son regard de son invité. « Bien entendu, sinon je ne vous aurai guère reçu. À moins que le fait que je savoure la luxure de ce bain vous incommode? » Un test? Aucunement, Maralina se doutait bien que le nain n’avait aucune envie de trouver sa couche contrairement aux autres Thaaris. Si certains détestaient son esprit, cela n’empêchait pas de les séduire avec son physique, après tout, elle n’était pas la princesse de la chair pour rien. La vaanie eut un sourire avant de détourner le regard vers une pétale qui flottait doucement devant elle. Ses doigts la firent doucement tournoyer avant qu’elle ne prenne la parole; « Inutile de vous dire que les Puysards ont subi une cuisante défaite à Naélis. Ce qui nous avantage énormément. L’ost a perdu énormément de ses soldats. Ils sont faibles, et maintiennent la frontière Naélisienne et Erlem. Si pour le moment, les drows n’empêchent pas nos caravanes, cela n’empêche pas qu’ils sont une constante menace. »


Son regard se posa une nouvelle fois vers le nain avant qu’elle ne reprenne la parole; « Pour le moment, j’ai gagné l’affection du Karliik Glenn et il a la certitude que Thaar est de son côté après tout ce que nous avons déployé pour les aider. » Maralina eut un sourire amusé. « Notre plan a fonctionné. Mais je crois que nous pouvons aller plus loin. » Elle reprit la coupe sur le bord du bain avant de la porter une nouvelle fois à ses lèvres, pour ensuite reprendre la parole; « Il y a quelques ennéades vous m’avez proposé de partager les revenus d’un établissement de jeux, maintenant je vous propose de partager à part égale les Sept-Monts. » Sourire en coin, la Princesse retourna son regard vers le maître des milles-caves. Oui, elle lui proposait une alliance énormément importante. Une alliance qui lui donnerait énormément de pouvoir à lui, comme à elle. Étendre leurs influences était nécessaire, voir même capitale et les Sept-Monts pourraient définitivement les aider. « Le prochaine séance devant le conseil est déjà planifié, ce n’est qu’une question d’ennéades avant que l’on vous confie le trône des Milles-Caves…»

Pensait-elle sérieusement qu’être dans son plus simple appareil, serait quelque chose d’impressionnant à mes yeux ? Elle ne possède rien que je n’ai ni déjà vu, ni déjà touché, ni déjà utilisé, au cours de mon existence. A la rigueur, elle possède ces choses, en mieux.

- Pas le moins du monde, princesse. De tels plaisirs ne me sont point inconnus, puisque je possède moi-même de tels bains, dans une de mes caves. J’écoute la suite de son récit, alors que mon regard ne quitte pas ses yeux, contrairement à elle, qui joue avec un pétale blanc. Certes, j’ai eu vent de la défaite militaire des Drows. Mais je sais aussi qu’ils ont fortement endommagé la cité. Leur retraite jusqu’à la frontière était prévisible, et je n’en attendais pas moins des Drows. Leur menace m’incommode, mais nous ne pouvons rien faire de plus, pour l’instant. Mais leur faiblesse demeure un avantage. Tout comme la victoire Naélisienne, qui demeure une victoire en demi-teinte. Je suis certains que nous entendront parler d’eux, et de leurs jérémiades, bien assez rapidement.

La suite, en revanche, me surpris grandement. Evidemment, je m’attendais à ce que nous nous emparions d’une manière ou d’une autre, de la principauté de Hanning. Me mouiller militairement n’était pas une initiative bienveillante, mais un calcul. Comme toujours. Tout n’est que probabilité et calculs. Toutefois, je ne voyais pas cela comme un retour sur investissement, provoqué par une rétrocession d’une de mes activités… Je ne saurais dire si je suis surpris, ou simplement quelque peu agacé. Aurait-elle envisagée à un instant, ou à un autre, d’évincer mes actions pour se placer à Hanning ?

Maralina est douée en manipulation. Elle sait établir des plans et des projets aux ramifications aussi grandes qu’une toile d’araignée… Mais je ne devine point en elle une capacité de calcul aussi grande que la mienne. Elle, elle est la lumière. Moi, je suis l’ombre. Et en cela, nous nous complétons. Aussi, je ne pense point qu’il s’agisse d’une manipulation de sa part. Poursuivons, donc.

- Je vous remercie encore une fois pour votre aide quant à l’accession de ce trône, qui me revient de droit. Sachez que je ne l’oublierais pas. S’il m’était rapidement apparu que nous préparions quelque chose du côté de Hanning, je suis agréablement surpris de voir que nos pensées sont les mêmes, quant au devenir de cette principauté. Et aussi, ai-je pris la liberté de vous devancer. Votre bras droit ne le savait point, mais j’ai pris la liberté d’envoyer, en parallèle de mes forces, quelques-uns de mes atouts les plus… Puissants. Êtes-vous au fait de la mort de quelques officiers d’Hanning ? De quelques membres apparentés à la noblesse de ces lieux ? Je la laisse quelques secondes, afin qu’elle puisse faire le lien entre les informations qu’elle a certainement glanée là-bas, et celles que je lui donne ici. Sachez-le, ces meurtres, sont de mon fait. Et je suis prêt à augmenter encore le contingent des Mille-Caves, afin de prendre Hanning, sur le chao engendré.

Mon verre était terminé. D’un geste, j’écartais le cristal de moi, et un serviteur vint s’en saisir, alors que j’étais resté droit comme un « i » face à la dame commerçant la chaire.

« Alors ne vous gênez pas pour me rejoindre. » Maralina lui fit un sourire amusé, avant de déposer le verre sur le bord de la piscine. Non, elle ne cherchait pas à le séduire, ce n’était que la personnalité de la dame de la chair. Frivole et charmante, allant même jusqu’à provocante. De toute façon la Princesse d’Uldal’Rhiz vouait beaucoup trop de respect à Marzaban pour le mettre dans sa couche. Ce n’était pas le genre d’homme – pardon – de nain qui se contrôlait ainsi.  Sans attendre, elle prit doucement son souffle, avant de se submerger totalement sous l’eau. Laissant ses longs cheveux foncés faire un rideau entre elle et Marzaban. Au bout de quelques secondes, la Princesse Marchande ressortit de l’eau, la tête première, rejetant ainsi habilement sa chevelure par l’arrière. Des esclaves s’approchèrent doucement d’elle, avant de prendre délicatement ses cheveux, commençant à les laver doucement avant que la Vaanie ne porte son regard azuré vers son homologue. « Qu’avons-nous réellement à faire des Naélisiens? Du temps de Glenn Hereon tout aurait été bien différent. Mais sa soi-disant reine Glinaina nous a complètement éjecté. Le seul fait d’organiser les pourparlers entre le Puy et Naélis était déjà assez généreux…» Une des esclaves se mit doucement à masser le cuir chevelu de la Princesse et cette dernière ferma les yeux, non sans porter toute son attention au maître des Milles-Caves.


« Bien entendu que c’est venu à mes oreilles. J’ai cru comprendre que vous aviez réussi à déchiffrer mon message. Mais je dois vous avouer que j’ai été légèrement plus loin. L’une des familles marchandes aurait, semble-t-il mit une prime sur ma tête. » La Princesse Marchande ouvrit les yeux, pour regarder le nain. « Cinq mille souverains… Une jolie somme n’est-ce pas?  À croire qu’ils croyaient réellement que j’avais trahi Thaar en m’associant au Puy. » Elle eut un sourire entendu avec ce dernier, il comprendrait bien assez vite qui avait mis tout cela en place. « Par chance, les prêtres de Kiel ont réussi à faire parler un des mercenaires, et nous ont révélé qui étaient derrière toutes ces attaques. Maintenant le karliik glenn me fait confiance. Du moins, autant que l’on peut faire confiance à une vaanie. » Un des esclaves tapota doucement l’épaule de la Princesse, et cette dernière pencha légèrement la tête vers l’arrière alors que les deux humaines commençaient à rincer ses cheveux. Lorsqu’elles eurent terminées, la Princesse fit signe aux esclaves de partir, et elle se retourna vers Marzaban. « Excellent travail Marzaban. Je crois que nous sommes définitivement une bonne équipe. Dans quelques ennéades les miliciens d’Uldal’Rhiz prendront la route pour Hanning avec moi pour ordonner à la chambre des marchands de la région de nous nommer Uldal’Rhiz et calmer les environs. J’ose espérer que vous vous joindrez à moi pour cette entreprise. Après tout, il y a énormément de travail avec les ladrossiens ainsi que les mercenaires qui ralentissent notre travail.»

- Soit.

Pensait-elle me déstabiliser ? Ou serait-ce juste ce que d’aucun nommerait une « taquinerie » ? Une « blague » ? Un trait d’humour ? Je ne comprends pas l’humour. Lorsque j’utilise le sarcasme, ou le second degré, souvent, l’argument usité ou la menace voilée, n’est autre qu’une promesse qui sera tenue quoi qu’il arrive. En temps, et en heure.

Je porte mes deux mains au niveau de mes broches gravées. Les reliefs m’aident à m’orienter, alors que je ne quitte jamais Maralina des yeux. Je trouve l’épingle, appuie sur les broches, et celles-ci s’ouvrent, me permettant de faire tomber l’épais manteau de fourrure qui trônait encore sur mes épaules, malgré le fait d’avoir quitté le froid de dehors. Le manteau tombé, il ne me reste plus que ma douce et soyeuse toge de soie et de satin, que j’enlève bien assez vite. Profitant des bras d’un esclave, je place mes vêtements au creux de ses mains, et l’avise.

- Pliez les correctement. Et surtout, ne touchez point à quoi que ce soit qui se trouverait au sein de mes soieries. Jamais.

Je faisais mention, sans le nommer, des deux livres que je garde constamment sur moi. Deux livrets, tous les deux reliés de cuir d’une grande qualité. Le premier est rouge, et le second, est noir. L’un contient toutes les informations sur mes comptes, que je mets quotidiennement à jour, et l’autre, la liste de ceux qui, un jour, auront à payer pour leurs offenses. Tout est codé, et moi seul connaît la clé pour comprendre ce codage… Unique.

De nouveau face à Maralina, je me glisse doucement dans l’eau. La chaleur m’est tout à fait agréable. En tant que Nain, le froid et la rudesse des temps hivernaux ne me posent point de problème, mais j’aime énormément la chaleur commune aux demeures qui se rapprochent du centre du monde. Alors cette eau chaude, est un délice. Je la laisse poursuivre, et reste silencieux lorsqu’elle prend le temps se mouiller ses cheveux, et de supporter les soins qui lui sont réalisés. A la fin, je reprends la parole.

- Une bonne équipe, je le pense également, princesse. Je ne saurais que trop vous conseiller, nous conseiller, d’attendre que je puisse siéger au conseil. Ainsi, nous nous présenterons à Hanning en égaux, et nous décupleront d’autant notre force de persuasion. Mais aussi, ce temps d’attente permettra de créer plusieurs choses : premièrement, ce climat de chao persistera, et d’autres gens ennuyeux pourront disparaître sans que cela ne nous porte préjudice. Deuxièmement, les Humains sont simples à comprendre lorsqu’ils sont désespérés : donner à un être humain affamé et terrorisé, de la nourriture et un cadre, et il vous acclamera, tel le sauveur que vous êtes. Et troisièmement… Je laisse planer un silence. Maralina me connait, maintenant. Elle connaît l’horloge qui me sert de cœur et l’échiquier qui me sert de cerveau. Mais se doute-t-elle de l’étendue de mes calculs… Prenons le risque. Troisièmement, je désire absolument tout connaître. Je compte renvoyer, au travers de ce contingent armé supplémentaire, des espions, des assassins, mais aussi des Nains de lettre : géomètres, cartographes et prêteurs sur gage. Je désire connaître chaque pouce de ce nouveau terrain qui sera le nôtre : ses avantages, ses inconvénients, ses ressources, ses richesses, ses reliefs et son sol, ainsi que sa population. Il n’est pas force plus difficile à déloger, que celle qui est chez elle. Vous comprenez, maintenant, à quel point la tactique est mon fort, et mon art.

La demie-elfe écouta silencieusement les paroles du nain. Un sourire amusé aux lèvres, savourant chaque parole, chaque mot. Une stratégie parfaite. Oui, voila ce que s’était. Deux êtres très différents mais qui pourtant avait la même façon de penser, c’était rafraichissant de pouvoir avoir finalement de telle discussion. Maralina tendit la main pour attraper sa coupe, la vidant d’un trait, avant de la redéposer sur le bord du bain. Elle claqua des doigts avant de faire signe vers Marzaban. « Voulez-vous un autre verre? Je crains que la suite ne demande un peu de courage liquide. » Un esclave vint remplir à nouveau la coupe de la Princesse du liquide cristallin, avant que cette dernière reprenne la parole; « Tout à fait, et je ne suis pas prête à déployer mes forces au Nord encore. Nous pouvons très bien attendre quelques ennéades pour mettre tous nos pions en place. Mais je dois vous dire, que nous devons garder un œil sur la situation. Quelqu’un pourrait voir notre manège assez rapidement. » Son visage se referma alors qu’elle perdit son sourire; « Mais il y a un autre sujet que je dois absolument aborder. Les eldéens.»


Silencieuse, elle sembla remettre de l’ordre dans ses pensées avant de reprendre la parole; « Comme mentionné précédemment, j’ai réussi à me rapprocher du Karliik Glenn, et à obtenir sa confiance grâce à notre petit complot. Cela m’a permis de découvrir les plans qu’ils avaient pour la cité. Si ces derniers n’ont pas fonctionné, cela n’empêche pas qu’il pourrait l’utiliser contre nous. Leur présence à la frontière est dangereuse, et nous nous devons de l’anéantir. » Elle baissa soudainement le regard, pensive avant de continuer; « Les eldéens ont réussi à créer une maladie appellé la toile, qui s’attaque surtout aux elfes. Les humains peuvent souffrir de cette maladie également, mais apparemment qu’elle est moins dangereuse pour eux. Le fait est qu’il ne l’ait pas utilisé à Naélis. Je ne connais pas son moyen de transmission et les causes. Mais Sagar a été très clair que je devais rester loin de cette dernière. Ce qui ne me rassure en aucun cas. Ils pourraient facilement anéantir ou mettre hors-jeu une grande partie de notre population. » Elle releva son regard vers Marzaban avant de continuer; « Pour le reste, il ne faut pas négliger les stratégies puysardes. Du nécromancien au mage de l’ombre, leurs capacités sont spectaculaires, surtout s’ils décident de se retourner contre Thaar. C’est une possibilité que nous ne pouvons écarter, surtout si la relation entre moi et le Karliik Glenn se détériore. » Ah! C’était aussi ça, l’autre problème! «J’ai réalisé que ce dernier ignorait mes origines elfes et cela joue particulièrement en ma faveur. Si l’on pouvait répendre les rumeurs doucement que je ne suis d’humaine, cela nous aiderait ou plutôt m’aiderait. » Sa main se glissa doucement dans l’eau sans qu’elle ne s’en rende compte, caressant du bout des doigts son ventre toujours plat.

Ainsi, nous sommes sur la même longueur d’onde. Et vraisemblablement, son audace, et sa propension à attirer sur elle, la lumière du soleil et le reflet de la lune, me permet d’agir dans l’ombre, ce qui est exactement ce que je recherche. Nous avons encore besoin de temps, afin de pouvoir préparer un contingent. Et les Mille-Caves ne possèdent que 500 Barbesables, ce qui, pour nos commerces et notre cité, est amplement suffisant, mais qui devient ô combien dérisoire, face aux Osts Drows, une armée Péninsulaire… Ou une armée unie, comme nous devrions le faire à Thaar. Mais j’ai mes propres plans… Je compte augmenter le nombre de guerriers et de gardes, et surtout, je compte engager un contingent fait de demi-nains, d’humains et de sangs-mêlés, dévoués à ma cause… Mais il me faut du temps.

Du temps, car les Mille-Caves souffrent toujours de cette immense amende imposée par les précédents conseils, suite aux Semailles de Sang. Il faudrait donc du temps, de la patience, et de la diligence…

Tout cela porte à énormément de réflexion. Et c’est pour cela que je sors une main de l’eau, pour refuser le verre que l’on me propose. L’alcool est, pour sûr, mon vice le plus développé. Mais j’ai besoin de toute ma tête pour pouvoir réfléchir, et orchestrer mes calculs… L’alcool, en ce cas, serait contreproductif.

- Le fait que les Drows aient une arme biologique, m’horrifie certainement. Ils en sont nettement plus dangereux comme ceci. Mais quoi qu’il arrive, à moins que je ne puisse nous forger dans le mogarium une armée toute entière, nous ne pourrons ni les exterminer à la frontière, ni les renvoyer au Puy. Il nous faut être patient, et scruter les moindres faiblesses. Pour le moment, il nous faut poursuivre nos dessins contre Hanning, et garder nos yeux rivés sur les Drows. Mais je gage que dans les prochaines ennéades, nous puissions entrevoir quelques opportunités que ce soit ! Quant à vos origines… Je pense qu’une telle rumeur ne sera pas bien difficile à faire courir. Je laisse un temps de silence, alors que, pour la première fois, mon regard quitte les prunelles de Maralina pour suivre l’esquisse de sa main. Comment vous portez-vous ? Après tout ceci, d’aucun serait en droit d’être exténué.

La Princesse de la chair acquiesçât, qu’aurait-elle pu dire de plus? Ils n’avaient pas la force de mettre une quelconque pression sur les eldéens. Ils devaient continuer à jouer avec prudence, s’assurer d’aller étape par étape. Leurs pions étaient placés, il ne restait qu’à laisser le tout s’agiter avant de s’occuper du chaos qui bouillonnait. « Ce ne sont malheureusement pas les seuls avantages qu’ils ont, je vous ferais un rapport détaillé demain, et vous l’enverrez. Si cela ne vous dérange pas. » Car en effet, la Princesse voulait simplement retrouver le confort de son lit pour ce soir. Demain était un autre jour, mais pour le moment elle avait seulement envie de dormir sans avoir peur de se faire assassiner à tout moment. « C’est important que l’on conserve chaque détail pour plus tard. Nous nous dépasserons des eldéens, mais pour le moment contrôler la frontière est le plus important. » Tournant la tête sur le côté, Maralina jeta un regard interrogateur à son allié; « D’ailleurs, j’ai reçu une missive de Diolando Vega alors que je venais à peine de mettre le pied dans mon palais. Ce dernier me demande une audience… Je crois que nous pourrions utiliser son vote pour créer la grande armée de Thaar. »


Elle enleva subitement sa main avant de relever son regard vers Marzaban. « En effet, je suis exténué. La vie en campagne est loin d’être confortable, et avec la -disons- présence du Karliikk Glenn et des gardes draconnique j’ai l’impression de ne pas avoir une seule minute pour moi. » Elle haussa des épaules; « Si le général me protégeait des autres eldéens je ne pouvais pas dire qu’il me protégeait de lui-même. » Inutile d’aller plus loin, Marzaban comprendrait très bien que la Princesse Marchande avait écopé au moins une fois à la colère de Sagar. Ne suffisait que voir la cicatrice a sa main droite pour deviner que la lame était particulièrement coupante. Au moins, les ecchymoses à son cou avaient disparu...  Ces quatre dernières ennéades avaient été épuisantes, entre survivre aux attaques, surveiller constamment ses paroles et ses arrières, Maralina se rendait compte qu’elle vivait définitivement dans le luxe. La vaanie se mordilla la lèvre inférieure avant de continuer; « Nous allons devoir agir vite. Je sais ce qu’il va arriver, et dans quelques mois j’aurais du mal à me déplacer hors de Thaar ou Uldal’Rhiz avec ma condition. » C’était sa quatrième grossesse, elle savait pertinemment ce qui l’attendait. Aucune n’avait été facile, et les accouchements étaient réellement horribles pour elle. À l’avenir, elle ferait définitivement plus attention… Du moins, si les dieux le voulaient. « J’ai l’intention de retourner à Uldal’Rhiz dans quatre ennéades pour affaire, j’en profiterais pour rassembler des hommes supplémentaires et si tout va bien, je serais prête la semaine suivante. » Cinq semaines de chaos supplémentaires avant que la princesse ne marche à nouveau vers Hanning, mais cette fois pour un prendre possession. « Pendant ce temps, je crois que je peux compter sur vous, pour vous préparer et continuer à éliminer ce qui nous dérange…»