Quand l’acteur débarque… [Diolando]

Julas, 2ieme ennéade de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Palais Irohivrah, Les soieries, Thaar, Ithri’Vaan

La Princesse Marchande fit tournoyer le souverain sur la table, fixant les mouvements rapides de la pièce, l’air ennuyé. Tant d’événement s’était déroulé ces dernières ennéades qu’une ennéade sans drame ou sang lui semblait particulièrement calme. Elle soupira avant de se caler un peu plus sur son siège alors que sa main se porta sur son ventre toujours plat. Caressant du bout des doigts son ventre qui ne resterait pas plat longtemps. Sa prochaine rencontre n’annonçait rien de bon, et il fallait dire que la Vaanie avait fait pas exprès pour faire attendre son prochain invité. Aussitôt qu’elle était revenue a Thaar le Prince Marchand de Qyriah lui avait envoyé une missive, mais entre les différentes tâches qui l’attendaient dans le nord et à Uldal’Rhiz, elle n’eut pas le temps de le voir avant – et soyons honnête – n’avait pas fait particulièrement d’effort pour recevoir l’hybride de Qyriah, ne voyant tout simplement aucune utilité a une conversation avec ce dernier qui s’était approprié les actions des semailles et avait mis sa vie en danger sans s’en rendre compte. Maralina remonta doucement ses prunelles vers les massives portes qui s’ouvraient pour laisser entrevoir un serviteur. L’humain s’inclina, mais n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche.


« Inutile de déblatérer. Je l’attends déjà. Amenez-le au petit salon. Je le rejoindrais. »


Le serviteur s’inclina avant de refermer la porte, laissant la Princesse dans ses pensées. En réalité, cette dernière était bien curieuse de la présence de Diolando. Elle se dit que ce dernier tentait probablement d’acquérir des informations supplémentaires sur les événements du front. Si les puysards avaient subi une défaite contre les Naélisiens, cela n’empêchait pas qu’ils contrôlaient maintenant la frontière Naélisienne et Erlem. C’était une situation délicate, mais une situation que la Princesse d’Uldal’Rhiz gérait d’une main de fer, et ne laisserait aucun autre acteur s’en occuper. La demie-elfe se releva de son siège avant de se mettre en route vers le petit salon. Appeler cette pièce ainsi lui avait toujours semblé totalement paradoxale vu la grandeur de la pièce. Les murs, et planchers étaient entièrement en marbre blanc sybronds, alors qu’une énorme cheminée dominait la pièce. De grandes fenêtres illuminaient la pièce de lumière naturelle. Les meubles, entièrement blanc, étaient placés d’une façon harmonieuse devant la cheminée. Des divans immaculés, des tables, et au centre, se tenait le Prince de Qyriah. Maralina eut un sourire amusé en entrant dans la pièce, alors que son regard rencontrait celui de son invité. « Bienvenue dans mon palais, Diolando. C’est un plaisir de vous recevoir pour la première fois. » Son ton était chaleureux, cachant toute fausseté. Après tout, Maralina n’avait guère été impressionné par son homologue ces derniers mois. Si avoir l’amour de la plèbe était important, ce dernier lui semblait beaucoup trop illogique pour être calculateur et se fier uniquement à l’amour du peuple n’aidait pas à se protéger de la furie des autres Princes Marchands.


Les serviteurs de la Princesse Marchande avaient déjà servi un breuvage de son choix à Diolando, s’assurant que ce dernier était confortable durant leur entretien. Maralina fit finalement les quelques pas pour rejoindre son invité. Laissant la soie noire de sa robe, flotter derrière elle, avant d’inviter d’un geste de la main l’hybride à s’asseoir. Un serviteur déposa doucement une coupe remplie d’un liquide translucide devant elle, avant de sortir de la pièce, laissant les deux Princes Marchands seuls. « Alors, que me vaux le plaisir de cette visite? » Inutile de passer par quatre chemins, le temps était déjà assez précieux comme cela.

Maralina s’installa doucement devant son invité, lui faisant face, avant de croiser délicatement ses jambes. Elle ne manque pas le regard de Diolando sur ces dernières, tout comme sa moue satisfaite alors qu’elle lui fait face. Les apparences sont souvent trompeuses, mais elle avait l’impression que le Prince de Qiryah ne passerait pas par quatre chemins, ce qui lui confirma rapidement. Et par chance qu’elle ne buvait pas! Elle se serait certainement étouffée en attendant ces mots!  C’était une façon particulièrement différente de négocier. Être son allié? Au moins, il avait l’avantage d’être direct. La Vaanie haussa un sourcil avant de planter son regard dans le sien. Silencieuse, elle ne répondit pas tout de suite, laissant un malaise s’installer. Si elle avait le devoir de lui dire ce qui se passait dans le Nord, cela ne voulait pas dire qu’elle lui dirait tous les détails. Maralina soupira, avant de finalement baisser son regard. S’était-elle réellement attendue à quoi que ce soit d’autres de l’exubérant prince de l’arène? Elle glissa ses doigts vers la coupe de cristal, l’attrapant doucement avant de la poser sur ses lèvres, se rafraichissant, avant de reposer la coupe exactement au même endroit. « Vous ne manquez pas de courage, Diolando. Vous voulez réellement être mon alliée? » Elle releva ses prunelles azurées vers son homologue, avant de se caler légèrement sur le divan. Un sourire amusé apparut sur ses lèvres, observant attentivement l’hybride. « Et pourquoi? »


Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et continua; « Pourquoi devrais-je avoir comme allié celui qui m’a créé des ennuis alors que je me battais pour Thaar? Vous voulez que la population vous admire, certes, mais votre petit spectacle n’a guère impressionné nos ennemis. Au contraire, ils ont posé directement leurs regards sur vous. » Si l’idée de faire passer les Milles-Caves pour des victimes avait plus aux thaaris, on ne pouvait pas dire qu’ils avaient eu le même effet sur les eldéens. La réaction du Karliik Glenn à son annonce en était preuve vivante. Si Maralina avait réussi à calmer le jeu, cela n’empêchait pas qu’elle n’avait jamais été d’accord avec cette idée et qu’il aurait facilement pu mettre son plan en danger. Elle se souvenait encore de sa réaction, se demandant si le Prince Marchand était sain d’esprit lorsqu’il avait annoncé cette mascarade au conseil. « Croyez-vous que les Thaaris vous apprécieront lorsque le courroux des eldéens s’abattra sur nous? » La demie-elfe se releva doucement, faisant quelques pas pour se mettre derrière le canapé ou elle était assise il y a quelques secondes avant de déposer ses deux paumes sur le dossier. « Vous voulez jouer à un jeu dangereux alors que vous semblez inconscient des impacts que cela pourrait avoir. » Peut-être devrait-elle lui laisser une chance? Après tout, valait mieux le garder à l’œil et l’empêcher de faire d’autres bourdes qui pourraient la mettre en danger.

La Princesse d’Uldal’Rhiz pencha légèrement la tête vers le côté en écoutant la soi-disant explication du Prince de Qiryah. Parlait-il de la diplomate drow à qui il avait donné la permission de passer par Hanning? Quelle importance? Puisque cette dernière n’était pas retournée auprès des osts après sa soi-disant mission, cela en disait très long sur ces motifs et ses préoccupations. « Vous vous êtes attribué le mérite, Diolando. Avez-vous oublié que c’est grâce à la milice d’Uldal’Rhiz que nous avons arrêté Ascanio Vossula? Ce n’est définitivement pas la vôtre qui a fait le travail. Que dirais-je à mes citoyens lorsque l’on me dira que leur mérite a été volé? Que leur dirais-je lorsque je leur dirais que leur travail acharné pour devenir la milice la plus puissante de la principauté n’a pas été reconnu. » Ses longs doigts manucurés tapotèrent doucement sur le dossier du canapé alors que son regard semblait s’être assombri. « Vous avez mis ma vie en danger dans le camp eldéen en faisant passer les milles-caves pour des victimes, sachant que ces derniers leur en veulent toujours pour leur participation en plus de voler le mérite de 8 ans de travail acharné. » Ce spectacle était une horrible idée et à voir les réactions des ilythiiris lorsqu’ils apprirent le tout, Maralina fut bien contente de ne pas être la personne qui l’avait organisé. « Je peux vous garantir que le regard de l’Elda est sur vous. J’espère que vous avez un plan d’attaque, car ce n’est pas votre centaine de miliciens qui pourra vous protéger… » Une menace? Non aucunement, un avertissement que ses actes avaient des répercussions pour sa ville. Il avait la responsabilité de protéger Qiryah, et tout ce qu’il avait fait venait de la mettre dans la direction d’une tempête qui la détruirait et Uldal’Rhiz ne bougerait pas le petit doigt pour l’aider cette fois.


Maralina eut un sourire amusé en attendant la réplique de l’hybride. Il actait? Oui, elle avait remarqué. Tout était un spectacle pour Diolando, chaque opportunité était prise pour le mettre à l’avant, qu’elle soit véridique ou non. Il ne connaissait pas l’ombre, ne connaissait pas les fourberies. Il actait comme il disait, ne voyait pas le futur. « J’ai remarqué. » commença-t-elle, avant de se redresser. Elle se mit à marcher de son pas félin, faisant doucement le tour de son canapé pour se mettre derrière Diolando, ses mains encadrèrent ses épaules en se posant sur le bord du dossier, et elle reprit la parole, murmurant cette fois; « Et moi je joue, j’aime imaginer ce que les autres feront, la pire comme la meilleure option. J’aime analyser chaque mouvement pour être certaine de m’en débarrasser. Je ne vois pas que le présent, mais les objectifs et les possibles répercussions futures. » Plus elle parlait, plus elle s’approchait doucement de l’oreille du Prince, laissant son parfum envahir l’atmosphère.   Une de ses mains se posa doucement sur l’épaule de Diolando, caressant doucement l’étoffe que portait le Prince avant qu’elle ne continue; « Vous croyez les connaitre, mais pouvez-vous me dire comment sont les têtes dirigeantes? Pouvez-vous me dire avec certitude ce qu’ils pensent? »

Il ne voyait rien, et ne semblait pas voir plus loin que le bout de son nez. Aux yeux de la Princesse d’Uldal’Rhiz, Diolando Vega était un homme dangereux. La seule chose qui comptait était lui-même, et non le tout qu’ils représentaient. Cela faisait en sorte qu’il réagissait avec ses émotions, et non avec la logique dont elle faisait preuve. C’était bien pour cela qu’elle avait fait de Marzaban Ambreroc son allié. Lui, était logique, ils se complétaient parfaitement.  La demie-elfe se redressa, observant le prince des arènes alors qu’il prenait ses aises dans son propre palais. À croire que la diplomatie n’était pas réellement son fort. Et pourtant la Princesse de la chair suit de son regard azuré son invité, rien ne semble perturbé le léger sourire amusé qui orne son visage. Ni les accusations de Diolando, ni son soi-disant air menaçant. Il parlait à la maîtresse du Karliik Glenn, croyait-il réellement avoir la prestance du géant qu’était le général des armées puysarde?


Elle releva doucement la tête alors qu’il s’approcha dangereusement d’elle, allant même jusqu’à caresser son cou du bout des doigts. Ses doubles sens ne l’impressionnaient guère, mais il avait du culot. « Mon devoir? » Maralina baissa doucement son regard vers l’entre-jambe de Diolando, un sourire aux lèvres, avant de retourner ses prunelles dans les siennes. Elle combla doucement le vide entre eux avant de déposer ses deux mains sur le torse de Diolando, caressant doucement le prince des arènes de ses longs doigts, avant de remonter doucement pour aller rejoindre sa nuque.  Son corps contre le sien, elle se rapprocha doucement de son oreille, laissant son souffle caresser son cou avant de murmurer; « Le Puy se remplira de neige avant que je ne mette à genoux devant toi. » Elle avait beau être la reine des putains, il n’avait pas les moyens de se l’offrir. Maralina s’offrait aux hommes les plus puissants, et Diolando n’était rien comparativement à elle.


Elle relâcha Diolando avant de reculer d’un pas pour s’appuyer sur le canapé. Si son sourire arrogant était disparu, cela ne l’empêchait pas d’observer intensément l’hybride. « Tu veux savoir mon plan? Dis-moi le tiens et prouve-moi que tu joues dans la même arène. » Elle ne répondrait rien à ses accusations, ne le remercierait définitivement pour l’idiotie qu’il avait mit en scène. S’il voulait devenir son allié il devait lui prouver qu’il était à sa hauteur, chose qu’il avait loin d’avoir fait. Maralina n’avait aucune confiance en ce dernier, mais elle voyait définitivement qu’il pourrait avoir une certaine utilité pour la prochaine étape de son plan. Ne restait qu’à voir s’il pouvait lui prouver qu’elle avait tort.

Elle adore les pousser à bout. Adore voir la moindre réaction qu’elle peut tirer d’eux. C’était toujours amusant de déterminer ce qu’une personne pensait, et il était clair que jamais Diolando et elle ne verrait le monde de la même façon. Est-ce qu’elle était un dragon? Ah oui… définitivement, et elle détruirait aisément l’insecte qui tentait de voler à ses côtés. « Si ce n’était pas le cas, tu ne serais pas ici. » Elle eut un sourire amusé en regardant son homologue. Inutile de le cacher, il avait besoin d’elle, sinon il ne serait jamais venu dans son palais pour la rencontrer. Le prince des arènes n’était pas dupe, il avait besoin d’elle, besoin de son influence, et surtout de ce qu’elle savait. Maralina écouta attentivement ce que l’hybride lui disait, alors qu’elle se remettait à marcher, contournant le canapé pour aller attraper la coupe finement ciselée. Elle porta cette dernière à ses lèvres, vidant la coupe avant de tourner son regard vers Diolando; « Uldal’Rhiz fera toujours sa part pour Thaar, elle l’a prouvée à de maintes reprises, et je n’ai guère besoin de te rappeler les occasions. » Pouvait-il en dire autant pour Qiryah? Elle en doutait. La demie-elfe avait fait de sa citée une plaque tournante, elle était partie de rien à une des cités les plus influentes de la région. Sa population grandissait de jour en jour, sa milice était une force qu’on ne pouvait discuter, et l’empire de Maralina ne cessait de s’étendre, il fallait être sot pour ne pas se rendre compte de ces faits.


Néanmoins, Diolando avait au moins réussi à aligner certaines pensées qui avaient du sens. Maralina s’assit doucement sur le canapé, croisant de nouveau les jambes avant de relever un regard déterminé vers son homologue. « Dix mille hommes prendront beaucoup de temps, et seront inutiles pour le moment, sans oublier énormément couteuse. Ne pas oublier que la force de la Principauté est dans le commerce et non la violence. Mais sur ce point je suis d’accord, nous avons besoin d’une armée. Rapidement » Son sourire avait disparu, alors qu’elle tapotait du bout de l’ongle sur le tissu du canapé. « Les forces d’Uldal’Rhiz ont eu un entraînement militaire par les officiers de Glenn Hereon qui était le roi de Naélis, inutile de dire qu’avec leur récente victoire, ceci serait un atout. » Probablement mieux placé que ses officiers doeb… « Convoquer le conseil pour une rencontre d’urgence, présenté cette idée devant eux, et je m’assurerais qu’elle soit approuvée. Nous devons travailler dans l’ombre. Si les puysard voient que nous prenons les armes, ils réagiront. Pendant ce temps je m’occuperais de la frontière. » C’était clair et précis. Elle ne lui dirait pas plus sur ses plans et ne souhaitait définitivement son aide pour les autres affaires. Ne restait qu’à voir si cela suffisait au grand prince des arènes…

Il était fou.


Il n’y avait aucune autre explication. Aucune autre possibilité. Si elle avait cru l’énergumène devant elle illogique, elle venait de se rendre compte que ce dernier était bien plus dangereux qu’elle l’avait imaginé. Mais au moins, il semblait que ce dernier venait de lui accorder un semblant de confiance. Une confiance qu’il regrettait amèrement. Néanmoins, elle le laissa s’approcher d’elle, le laissant énumérer ses points sans l’interrompre bien que sa folie n’eût rien de rassurant. Une fois qu’il fut assez près d’elle, Maralina se permit de reprendre la parole; « Tu n’armeras pas le sud seul. Le faire laisserait croire que tu attaqueras le conseil. Tu l’as dit toi-même. Le conseil est un nid de serpents. » Maralina se redressa, croisant les bras sur son ventre alors que son regard ne bougeait pas du sien. Elle n’était pas amusée, loin de là, pour une fois elle était bien sérieuse.


« Quant au front, j’ignore ce que tu veux savoir de plus. Les drows ont pris Ruven, Erlem et la guilde du firmament. Ils ont fait un siège à Naélis avant d’attaquer. De là, ils ont subi une perte et se sont replié à la frontière entre Naélis et les Septs-Monts. » Ce n’était pas réellement détaillé, et certes certains détails avaient été omis, mais c’était des détails que le Prince des arènes n’avait pas besoin de savoir, ou qu’elle ne lui accorderait point le privilège de savoir. Après tout, elle avait bien vu la folie qui le contrôlait. C’était une question de temps avant que ce dernier ne se fasse tuer à ce point-ci. Et elle n’aurait probablement rien à voir dans sa disparition, il était assez grand pour gérer le tout sans qu’elle n’ait besoin de lever le petit doigt. « Autre chose? »