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 L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat

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Nehril
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MessageSujet: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeDim 21 Fév 2021 - 18:25


An 18 du Cycle 11 Mois de Bàrkios, second mois de printemps, quatrième ennéade, Calimehtarus :



L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat D2b5bd10


Alors que la nuit se faisait plus sombre, une lune indolente vint à surgir derrière les nuages ombrageux qui s’étaient massés dans le ciel. Les alentours de l’entrepôt, calmes et déserts, furent aussitôt recouverts d’une pâle lueur, permettant de discerner l’imposant bâtiment. Seul le craquement des roues de la charrette qui s’ébranlait sur les pavés de la cour vint transpercer le silence qui s’était emparé des lieux.

Dans un grincement strident, la grille se ferma derrière Orgram et ses sbires. Plusieurs hommes se positionnèrent aussitôt contre les murs en faisant mine de flâner dans les environs. Mais l’œil attentif voyait en eux de véritables vigiles. Que gardaient-ils ? Pourquoi tous ces mystères ?

Entrant tranquillement, Dante faisait son décompte. Deux sur le bord de la porte, deux autres un peu plus loin il s'éparpillent selon un modèle quand même assez précis mine de rien. probablement qu'il y a des yeux de lynx en l'air qui surveillent tout ce beau monde. Le frisson du défi monte le long de sa nuque. Prenant le même air que les autres, il continue son infiltration.

Orgram traîne la charrette à l’entrée de l’entrepôt. Là de larges doubles portes s’ouvrent dans un craquement semblable au bois qui se fend. Derrière elles une cinquantaine homme s’activent autour de lourds paquetages, semblant les entasser les uns sur les autres dans un semblant d’ordre. Ces individus sont tous habillés de noir, une capuche rabattue sur le visage pour certains d’entre eux. Ils effectuent leur besogne avec rapidité, mais également avec une certaine réticence en observant les nouveaux arrivés. Plusieurs hommes se détachent des travailleurs pour venir récupérer cadavres et caisses qui gisent dans la charrette. Orgram leur explique rapidement la situation, anticipant leur geste de répulsion devant les corps inanimés qu’ils doivent transporter.  

— Ils sont plutôt légers en fin de compte, fait l’un d’entre eux en soulevant Ceralyn pour la jeter négligemment sur son épaule. En voilà une que, si elle était encore en vie, je ferais couiner toute la nuit !

Derrière lui, un ricanement de connivence se fait entendre.

Il lui frappe les fesses en lâchant un rire gras puis enjoint ses camarades à prendre les autres. Dante en empoigne un particulièrement pas très frais et lui emboite le pas. Ceralyn serre les dents, mais ne bouge toujours pas. Elle se jure de lui faire regretter ce geste au centuple. Elle regrette de ne pas sentir le poids rassurant de sa lame dans le creux de sa main : si elle l'avait eu, elle se serait taillé un chemin parmi leur cadavre. Mais elle n’est pas sotte non plus. Elle sait qu’elle ne fera jamais le poids face à tous ces hommes. Elle attend donc patiemment une ouverture, en se demandant si Dante ne l’a pas vendue à ses ennemis. Pourquoi diable lui avoir demandé de retenir le nom de Claude ? Que faisait-elle ici ? Qui étaient ces hommes ? Étaient-ce des membres de l’Œil ?

Orgram jette un œil à Ceralyn et fronce légèrement les sourcils. Il semble vouloir dire quelque chose, mais finit par se raviser avant de se détourner.  Suivant la procession, l'espion analyse les lieux. jette des regards furtifs un peu partout pour se faire un plan mental des lieux. De nombreuses passerelles surplombent les lieux, permettant à divers hommes de s'assurer à ce qu’aucun vol ne soit commis. Armés d’arcs, ils affichent une mine patibulaire, mais leur surveillance demeure négligée. Ils se contentent de balayer de temps à autre les environs, mais ont du mal à ne pas éprouver une grande lassitude quant à la tâche qui leur incombe.

Une fois les caisses déchargées parmi les autres, les corps sont transportés plus loin. Au fond de l'entrepôt, plusieurs couloirs sont creusés à même le sol, semblables à de vastes galeries souterraines. Eh bien... nous y voilà. Ca l'aurait étonné qu'ils se contentent de l'entrepôt. Dans un sens, ça rassure Dante. CA veut dire qu'il y a probablement une autre sortie plus discrète celle là que de repasser avec une rouquine devant 70 mâles. Parce que, étrangement, il n'y a aucune femelle dans les gens du cru. Après quelques instants à arpenter ces tunnels, les hommes finirent par déboucher dans une large caverne. Ici une longue table est disposée au centre où plusieurs hommes s’entretiennent. Les corps sont jetés sans ménagement devant eux. Le premier individu est un homme de petite taille, mais aux yeux qui brillent d’une lueur fourbe. Plusieurs dagues lui ceigne la taille, et d’autres encore sont attachés à ses épaules. Sans rien n'en laisser paraître, Dante l'envisage de biais, tout en raidissant son non verbal pour cacher sa nature d'assassin derrière celle d'un sbire intimidé. parce que celui-là, il en est la caricature pure et dure et il ne sous estimera pas sa capacité d'observation. À ses côtés, une personne est emmitouflée dans une large bure sombre. Ses cheveux sont noirs et sales, et une grande barbe désordonnée tombe sur sa poitrine. Il fixe les cadavres avec un air légèrement confus.

— Mais bordel, rugit-il, combien de fois je dois vous le répéter ? JE NE SUIS PAS UN FOUTU NÉCROMANCIEN !

En bout de queue, notre homme sursaute, comme si il était surpris et apeuré un peu, feignant la faiblesse pour sortir légèrement du lot pendant que le mage  se tourne avec un geste d’excuse vers l’autre homme.

— Désolé le Rat, mais je sais pas pourquoi ils s’obstinent à…

— Fais-les parler, réplique l’autre en ne détachant pas son regard de la carte qui est étalée devant lui. Il pose une nouveau parchemin que lui tends un homme attablé avec lui et le superpose sur la carte. Il se met alors à susurrer pour lui-même, un sourire victorieux aux lèvres : Enfin je tiens le camp de l'Œil...

Dernier à dépose son cadavre particulièrement puant, Dante traine de la patte, sachant parfaitement qu'il y ait de bonne chances qu'ils aient besoin de main d'œuvre pour les manipulations ultérieures des corps. Il n'est pas nécromancien. Super, avec un peu de chance, Ceralyn pourra le berner. Mais à part les nécros, quelle école de magie peut bien faire parler les macchab pas frais?

Le magicien pousse un soupir et s’approche des corps avec une mine défaite. Il observe un moment les visages grimaçants avant de remarquer Dante.

— Hé toi, fait-il en levant une main pour attirer son attention. Viens me filer un coup de main, va falloir les étendre les uns à côté des autres.


Dernière édition par Nehril le Ven 5 Mar 2021 - 14:46, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeMer 24 Fév 2021 - 2:26

Sans attendre sa réponse, il commence à les séparer du pied. Et pour éviter qu'il tape dans un tas de viande qui va gémir dans le meilleur des cas et riposter dans le pire, le mercenaire se met au boulot. Salopant sa méthodologie habituelle pour ne pas avoir l'air trop efficace, il les aligne quand même assez proprement. Ceralyn ayant été la première déposée et par conséquent sous le tas, elle est la dernière déplacée et il s'arrange pour la mettre en bout de ligne là où la lumière des lampes créent une poche d'ombre.  

Le cœur de Ceralyn bat à tout rompre, mais elle reste silencieuse. Elle ne lutte pas lorsqu’elle est placée en ligne près des autres cadavres. L’odeur forte de décomposition provenant de leur chair putréfiée faillit la faire lâcher un toussotement instinctif, mais elle le retint en serrant fortement ses dents, tant et si bien qu’elles craquent.

— Bon, bon, bon, fait le magicien en se penchant sur un corps. Ça m’a tout l’air d’être des membres de l’Œil, le Rat !

— Qu’est-ce j’en ai à foutre ? réplique l’autre en daignant finalement lever les yeux. Dis-moi quelque chose que je ne sais pas déjà, Edgan.

Le dénommé Edgan hoche la tête et se frotte la barbe. Dante, assoiffé, se dirige vers le tonneau d'eau pour s'y abreuver. Il n'a toujours pas becqueté depuis un bail et si un homme de sa trempe se passe aisément de bouffe, l'eau est un élément essentiel à la survis.

— Je connais la plupart de ces bougres pour tout te dire, révèle-t-il en examinant l’un des visages. Je pourrais bien essayer d’en tirer quelque chose par magie, mais comme je me tue à te le répéter : je ne suis pas un nécromancien !

— Bien sûr, rétorque l'autre sur un ton sarcastique, et moi je suis la princesse-marchande.

Extirpant discrètement de sa sacoche de taille ses sachets de thé jaune, une saloperie qui va rendre bien du monde malade, Dante regarde le contenu du petit tonneau au trois quart plein avant de s'en prendre une bonne louchée.

Le magicien secoue la tête avec un sourire navré avant que ses yeux ne se posent sur Ceralyn. Une expression de pur étonnement traverse ses traits et il saisit le visage de la jeune fille. Celle-ci ne s’y attendant pas, tressaillit légèrement. Edgar affiche un sourire triomphant et ses griffes s’enfoncent plus profondément dans son visage.

— Le Rat ! s’exclame le mage en s’esclaffant. Elle est ici ! Ceralyn Sory…

Un coup de pied dans le visage le fait taire aussitôt. Ceralyn s’était relevé d’un bond et jetait un regard furieux sur les autres hommes qui étaient restés dans la pièce. Ces derniers la fixent avec incompréhension, avant de jeter un coup d’œil interrogatif à leur chef. Le Rat frotte ses mains rêches et se redresse, découvrant ses dents cassées. Pivotant, louche en main, Dante se retrouve derrière tout ces gens qui ont l'attention rivée sur la jeune fille. Pour le moment, ca va encore bien. Elle peut s'en sortir sans aide... L'assassin dépose sa louche et ses sachets dans le tonneau, avant de se déplacer latéralement vers la table. Et la carte.

Ne t'énerves pas Ceralyn, pense-t-il, respire. Tu as entendu comme moi, ils pourraient t'être des alliés. Allez, fais les parler, que je puisse voir cette carte mine de rien. Utilise ta tête.

En homme de main soucieux de son chef, il s'en approche subrepticement, la main sur Mensonge qui est parfaitement visible. Ceralyn comprendra t'elle le message ?

— Cette journée est définitivement pleine de surprise…
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeMer 24 Fév 2021 - 2:39


— La seule surprise que j’ai me provient de ta sale trogne, objecte Ceralyn en plaçant ses deux mains devant elle afin de laisser entendre qu’elle est prête à les accueillir.

Intérieurement, Dante soupire. Non, elle est définitivement pas au point niveau bluff.

Allez trou du cul, enlève ta salle patte de là qu’on puisse voir. Pense l’infiltré en se servant du rebord de sa capuche pour éviter qu’on s’aperçoive que l’œil vert de la Bête lorgne la carte pendant que le marron évalue les possibilités.

Oui, il y a encore le temps. Les deux cartes en superpositions, la translucidité de celle du dessus suscitent son admiration. Il sait que ce n’est pas une représentation de la ville. Le Rat ricane et place sa propre main sur la carte que cherche à lire Dante. Il ne le remarque toujours pas, trop concentré sur la jeune femme qui pavoise devant lui.

— Sais-tu à quel point nous t’avons cherché ? lance ce dernier en se grattant le nez. Nous avons envoyé des hommes partout dans cette maudite ville, écumé les tavernes, les auberges… Il lâche une exclamation euphorique. Et te voilà ici ! Devant moi ! Ah !

Le visage de Ceralyn se renfrogne. Elle balaye les environs du regard, passe sur Dante sans le voir, cherchant une issue dans la pièce. Elle note l’armoire qui trône non loin de l’entrée du tunnel, les quelques tonneaux qui gisent nonchalamment sur le sol ainsi que l’échelle dissimulée derrière le Rat qui permet visiblement d’accéder aux étages supérieurs. Les sbires du maître des lieux se rapprochent doucement d’elle, l’entourant presque pour ne lui laisser aucune chance de s’échapper. Ceralyn lâche un grognement agacé. 

— Et pourquoi vous me cherchez ? Vous faites partie de ce fichu Œil vous aussi ? 

Le Rat s’esclaffe, plus franchement cette fois-ci. 

— Je crache sur cet Œil, fait l’homme en mimant aussitôt le geste à la parole. Le glaviot atterrit un peu devant l’espion qui ne réagit pas. Vergard était à moi : c’était mon larbin, mon chien. À l’origine, il se chargeait de nous approvisionner en armes. C’était là le prix de sa protection. Ses doigts se lèvent lentement de la carte qu’ils protègent, mais pas suffisamment pour que Dante y perçoive plus de quelques lignes tracées. Caché et ne marquant aucun signe d’impatience, ce dernier invoque Zhak'Bar pour l’aider en cette affaire délicate. Mais bien rapidement, il s’est trouvé de nouveaux maîtres. Qui sont progressivement venus empiéter sur MES affaires !

De rage, le Rat balaye violemment la table, faisant virevolter tout les papiers qui la recouvraient. Tel un chien bien dressé, Dante se précipite sur ces derniers, en faisant rapidement une pile grossière. Sous les replis de sa cape, il isole, superpose et apprend ainsi ce qu’il veut savoir en toute discrétion. Connaissant la région comme sa poche, il sait exactement où se situe le point recherché. 

— Lorsque j’ai appris qu’il te recherchait ma belle, poursuit-il en lui octroyant un sourire sournois, j’ai su que j’avais une chance de renverser la situation. J’ai donc voulu te trouver avant eux.. Avec toi ici, je pourrais exiger des garanties. De l’or, principalement. Mais aussi le retour à mes commerces les plus lucratifs…

Ceralyn haussa les sourcils. Il ne s’agissait rien de plus qu’une vulgaire guerre de gang entre eux ? 

— Pourquoi l’Œil me pourchasse-t-il ? l’interroge la Soryngar en faisant un pas sur le côté.

— Aucune idée ma jolie, répond le Rat en faisant craquer ses doigts. Et je dois avouer que j’en ai rien à foutre. Tout ce qui importe est que tu es ici à présent. Entre mes griffes.

— Ça, ça reste à voir ! rétorque-t-elle avec un air de défi.

Le Rat fait signe à plusieurs hommes de se saisir d’elle avant de se pencher vers un autre de ses sbires. Dante, encore au sol en train de ramasser le carnage ne perçoit que quelques mots avant qu’il ne disparaisse dans le couloir :

— … à Yvar pour lui dire que… la jeune Soryngar… négociations avec l’Œil…

Ceralyn accueille le premier homme d’un crochet du poing avant de repousser le second d’un geste circulaire du pied. L’un de ses adversaires lui assène ensuite un coup qu’elle bloque du coude, puis écrase sa tête contre la sienne, l’envoyant au sol. 

Eh ben voilà, déjà un de moins, c’est pas mal. Se dit Dante en se coulant dans le dos de la jeune fille. 

Les autres bandits l’observent avec un air beaucoup plus haineux et plusieurs d’entre eux sortent une dague. Le Rat ne le remarque pas, trop occupé à suivre son homme de main qui s’éloigne… 

Dante, quant à lui, en a assez vu et entendu. Tournant la tête, il vérifie rapidement que le Rat est indifférent à ce qui se passe ici en cet instant précis, il le regarde s’éloigner jusqu’à ce qu’il juge qu’il ne reviendra pas. Probablement que cet enfoiré s’attend aussi à ce que ses hommes de main prennent du bon temps avec la jeune fille et il sait qu’elle va se défendre. Bandes de porcs. On peut tuer, éviscérer, torturer, couper en petit morceau, manipuler, faire du chantage, menacer. Il n’y a qu’une chose que Dante abhorre, qui sépare le vrai prédateur de la vulgaire charogne et s’est le viol.

Il est temps de tirer sa révérence. C'est dommage, ils auraient pu être alliés. Allez, tient encore un peu Ceralyn, tonton Dante est là.


Dernière édition par Nehril le Sam 27 Fév 2021 - 14:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeSam 27 Fév 2021 - 14:06




L’assassin lui fait soudainement une clef de bras tout en lui plaquant une lame sur la gorge. Ceralyn se débat un moment et manque de mordre l’épaule de l’assassin. Dans les replis de leurs capes entremêlées, Dante guide l’autre main de la jeune fille vers le fourreau de Mensonge, sa dague Eldéenne à la lame ondulée, il pivote légèrement le bassin pour lui donner le plein accès, poussant la garde dans la main de la mercenaire. La jeune rousse ouvre grand les yeux, surprise, commençant à saisir la réelle identité de son mystérieux attaquant. Elle empoigne l’arme de Dante, mais la garde hors de vue des autres bandits du Rat. Alors l’assassin prend la parole de sa voix reconnaissable entre mille, grave et bien abîmée.

— On se calme la rouquine sinon tu auras un beau sourire… On a des ordres les mecs ! Rangez-moi ça, faut pas trop abîmer la marchandise.

Joignant le geste à la parole, il lèche la joue de la mercenaire d’une façon particulièrement dégoûtante. Ceralyn est déjà mauvaise actrice, il ne faut pas qu’elle paraisse trop contente de le voir. Pour la forme, Ceralyn lui met un coup de coude dans l’estomac. Rien de bien douloureux, mais suffisamment pour espérer tirer une grimace de la part de l’assassin. Un grognement courroucé salue son geste. Ils ont un rôle à jouer.

— Lâche-moi ! lance-t-elle en faisant mine de se débattre.

La lame de l’homme appuie légèrement sur la peau sale, y faisant perler une goutte de sang, pour bien faire. La crédibilité réside dans les détails. Les bandits s’immobilisent devant ce spectacle, leur visage hésitant entre la félicité d’avoir réussi à maîtriser la jeune femme, et la honte de ne pas y être arrivé par eux même. Leurs mines défaites finissent par disparaître au profit d’une expression plus arrogante. Certains laissent même échapper quelques ricanements alors qu’ils s’approchent d’elle.

— Bien joué mon gars, lance l’un d’eux en rengainant sa dague. On peut peut-être s’amuser un peu avec elle avant de l’enfermer dans l’une des chambres ?

Des regards lubriques coulent vers le corps de Ceralyn qui les foudroie du regard. Sa poigne sur Mensonge se raffermit et plusieurs de ses doigts craquent sous sa colère.

Qu’ils essaient d’approcher ! Qu’ils essaient !

— Crétin… Et si on s’amusait avec, dans la chambre ? Bien attachée, on pourra pas dire qu’on l’aura abîmée…

Ricane Dante méchamment en l’entravant un peu plus en apparence, l’enjoignant à la prudence. Ils sont dix contre deux. Elle est blessée et s’il n’a rien contre une baston, le terrain n’est pas favorable. De plus, qui dit chambre dit sortie pas trop loin.

— On te fera pas trop mal, promis…

Edgan, le magicien qui était resté silencieux depuis le début de leur échange, s’avance :

— Arrêtez vos bêtises, les sermonne-t-il d’une voix dangereusement douce. Nous ne devons pas abîmer notre jeune protégée. Il se tourne vers les autres hommes du Rat et croise les bras. Le soleil vient de se lever les gars, ça signifie que la plupart d’entre vous doivent retourner au boulot ! Finis de feignasser !

Les bandits se mettent aussitôt à râler et Ceralyn ne semble plus être leur préoccupation principale. Edgan plante son regard dans celui de Dante qui le baisse légèrement en signe de soumission apparente et fait un signe à quatre hommes supplémentaires d’approcher.

— Vous allez l’emmener dans la salle principale, fait-il en leur indiquant le tunnel par lequel ils sont entré. Je vous veux devant la porte de sa cellule, nuit et jour, tant que je n’ai pas personnellement changé vos ordres, c’est compris ? Je vous rejoindrai sous peu.

Il s’apprête à les laisser partir quand il interpelle Dante, pris de doute :

— Hé toi ! C’est quoi ton nom déjà ?
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeSam 27 Fév 2021 - 14:56

— Este, répond Dante sans hésiter. 

Il hésite un moment avant de lui frapper l’épaule avec reconnaissance.

— Beau travail, Este, le félicite-t-il avec un sourire aux lèvres. Je demanderais au Rat de te laisser une plus grosse commission la prochaine fois. Bien, vous avez du boulot ! On y va !

Sur ce, Edgan s’éloigne dans le couloir avec plusieurs hommes, tandis que Dante et les quatre autres escortent Ceralyn vers sa prison de fortune. Là où ils passent, les couloirs sont fréquentés par divers bandits encagoulés, mais la jeune Soryngar reste à l’affût du moindre couloir sombre qui leur permettrait de se débarrasser discrètement de ces geôliers agaçants. La poigne de son complice se resserra brièvement, l’enjoignant silencieusement de ne rien faire pour le moment. Jetant un œil derrière son épaule, elle constate que la pièce qu’ils viennent de quitter est vide. Se souvenant de l’échelle et de la plaque d’égout qui agrémentaient la salle de décision du Rat, elle se dit qu’ils pourraient toujours revenir sur place afin de pouvoir s’enfuir. 

Ceralyn ne fit guère plus de mouvement brusque durant le trajet. Tout d’abord parce qu’elle ne souhaitait pas abîmer sa gorge plus avant, mais surtout pour montrer à ses gardiens qu’elle avait cessé, en apparence, de lutter. Sa contre-attaque devrait dès lors être des plus efficace, d’autant plus qu’elle pouvait compter sur Dante parmi ses alliés. Elle décida de s’en remettre entièrement à l’assassin : quand il lui ferait signe, elle se jetterait à l’assaut des hommes du Rat.  

Cependant, l’homme avait d’autres projets. De pièce en pièce, de corridor en corridor, il analyse rapidement les lieux et son cerveau cogite ferme avec les variables et les possibilités. Les caisses empilées les protègent en partie des yeux fureteurs. Il y a tellement de personnes qui s’activent qu’il devient facilement possible de passer inaperçu sous certaines conditions. Ils sont tous habillés de façon similaire. Avec un soulagement intérieur perceptible, l’espion du jour se rend compte que les geôles ne sont pas loin du tout de la salle de l’état-major du Rat. Sous sa capuche, il sourit un peu. 

Arrivant finalement à l’endroit où Ceralyn devait être enfermée, cette dernière jette un coup d’œil autour d’elle et note qu’il y a seulement deux gardes à l’horizon. La pièce où ils se trouvent est de forme carrée, avec plusieurs portes le long des murs, laissant soupçonner à la jeune femme qu’il s’agit des cellules. Là deux hommes sont attablés et jouent aux dés, sans se soucier outre mesure des nouveaux venus. Les prunelles dépareillées, cachées, examinent les lieux. Toutes les portes sont ouvertes sauf une. Les cellules ont l’air dégueulasses et ça se confirme pendant qu’il fait mine de se diriger vers celle jouxtant l’unique porte fermée pour y pousser Ceralyn qui part avec Mensonge prestement dissimulé. D’ailleurs ce qui ressemble à des cancrelats s’égaillent en tout sens, un passant de vie à trépas dans un bruit sonore sous le pied botté de la mercenaire. Sans attendre, il recule et se détourne quand la porte se referme dans un claquement sonore sur la captive, la dissimulant aux regards haineux. 

Rengainant sa lame, Dante se tourne vers la bande. 

— J’ai besoin de me faire passer le goût de Mort, c’est dégueulasse… Je vous ramène quelque chose au passage ?

L’un des hommes qui l’accompagnent grimace. Son visage est partagé entre l’envie et la crainte.

— Edgan nous a dit de rester devant sa cellule pour la surveiller, objecte-t-il faiblement avant qu’un autre de ses collègues lui assène une claque vigoureuse sur l’épaule.

— Arrête un peu de te plaindre ! le coupe celui-ci avec un rire gras. On est six pour surveiller une foutue gamine. Si tu veux mon avis, je pense qu’on est de trop ici ! Il se tourne vers Dante avec un sourire qui se veut amical. La grande bouche s’étire brièvement de connivence. Dante ne sourira pas à pleines dents, son hygiène buccale irréprochable pouvant causer suspicion dans le groupe. Ramène-nous de quoi nous rincer le gosier et j’te promets de pas te ruiner tout de suite au Mendiant, ajoute-t-il en désignant la partie de carte d’un signe de tête. 

Les autres hochent la tête, et l’un d’eux interrompt son tour pour sortir un lourd trousseau de clés de sa ceinture avant de verrouiller la cellule de Ceralyn d’un geste sec.

— Couvre-moi. J’essaye de pas être trop long. 

Comme pour participer à la conversation, Ceralyn frappe la porte de sa cellule du pied avant d'étouffer un gémissement de douleur.
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Dante Corvac
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeSam 27 Fév 2021 - 23:46

Sortant de la pièce principale, l’espion revient sur ses pas, calquant son attitude sur ceux qui l’entourent. Il sait avoir vu des tonneaux de vin dans la salle d’état-major. C’est l’excuse parfaite. Il reste juste à souhaiter que personne ne s’y trouve. Et, effectivement son dieu l’a à la bonne. Sans attendre, il se met au boulot avec célérité et efficacité.

Première étape, préparer le ravitaillement. Manifestement tout le monde vient boire ici. Prenant deux grosses outres sur le crochet, il les emplit avant d’ajouter un somnifère puissant. Voilà, si quelqu’un se pointe, il aura son alibi tout prêt. Ensuite se penche-t-il sur l’évasion. Mouchetant la lampe la plus près de lui pour se couvrir en cas d’irruption intempestive, il se penche sur la grille d’égout. Elle est scellée dans le sol. C’est étonnant un peu, les grilles étant plus déposées d’habitude. Mais bon, il n’a pas le luxe de faire la fine bouche. De sa sacoche de taille, il sort une des préparations de l’Alchimiste. Avisant une coupe, il mélange rapidement le contenu de deux fioles distinctes avant de revenir verser la mixture sur les barreaux.

L’odeur caractéristique de l’acide en train de faire son boulot est marquante. Sans plus attendre, l’homme va chercher un tonneau de vin qu’il fait rouler jusque sur le grillage, pour accélérer le processus. Bien beau sortir Ceralyn de là, mais s’ils sont pris pour attendre c’est pas mieux. Une fois sa préparation faite, Dante éteint toutes les autres lampes sauf une, avant de quitter les lieux.

Ça ne lui aura pas pris dix minutes qu’il est de retour avec la bande de joyeux lurons. Se départissant de sa première outre, il fait mine de boire dans la seconde, sa glotte se soulevant et s’abaissant. Puis, il la passe et part son sablier mental. Un somnifère ingurgité fera effet dans 15-30 minutes. Il ne reste plus qu’à attendre sous les coups de pied de la captive dans la porte.

— Elle a quoi a s’énerver celle-là ?

L’un des hommes ricane avant de porter l’outre à ses lèves.

— Elle a probablement peur d’être livrée à cet Œil si tu veux mon avis, commente-t-il en passant le sac à son plus proche camarade. Ils sont encore plus tarés que les prêtres de Tari ceux-là.

— Mendiant de 14, annonce l’un des joueurs à table. Putain, mais relance pas de 12 enculé ! Je t’ai dit : Mendiant de 14, donc soit-tu mendie de 20, soit-tu relances de 47 avec blâchflette.

— Qu’est-ce qu’il lui veut à la gamine en fait ? s’interroge un autre bandit en s’adossant contre la porte de la cellule de Ceralyn.

— J’sais pôa. Pt'être qu’y veut s’la faire. Ou'lors elle leur doit d’l’oseille.

— Et bim ! Je quémande de 12 et j’ouvre un bordel ! Blâchiflette de 2 !
— Pourquoi t’a ouvert un bordel lui ?
— Mais tu sais pas jouer en fait ?

L’homme adossé contre la cellule se gratte le nez.

— Un jour ou l’autre, faudra se les faire ces enfoirés, lance-t-il d’une voix blanche. Je sais que le Rat hésite, mais maintenant qu’on a trouvé leur camp…

— Bah… j’espère qu’il lambinera pas trop. On dit qu’ils voient tout, ça me rend un peu nerveux. Eh, bois pas tout, laisses-en pour les autres… Quémande pas celle-là.

L’homme rit et prend une dernière gorgée avant de la passer à un autre.

— L’Œil voit tout ? Hurp ! Des conneries tout ça ! Hurp ! Merde, j’ai le ho… hurp ! Hoquet ! Repasse-moi… hurp ! Ça !

— T’as déjà presque tout bu sac à vin, commente celui qui soupèse le sac avant d’en boire aussi. C’est pas une légende les gars, l’Œil voit vraiment tout. Ils ont des espions partout… Et ces derniers sont de véritables fanatiques : œil par ci, œil par là ! Ils n’hésitent pas à te trancher la gorge au moindre signe !

— N’escompte pas grand-chose… euh Este, c’est ça ? Le Rat veut simplement discuter avec leur patron. Il doit probablement penser qu’il peut faire affaire avec. Et il a pas tort : par leur intermédiaire, on se fera des couilles en or, c’est moi qui t’le dis.

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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeDim 28 Fév 2021 - 10:32

À voir s’ils se font des couilles en or. Ils vont l’avoir dans l’œil ou dans le cul à son avis.

— Ou on se fera faire une jolie cravate rouge… Dit Dante dubitatif en subtilisant d’autorité l’outre presque vide au sac à vin et faisant mine de prendre une rasade. Qui a pas encore bu et en veut avant qu’il siffle le reste ? Lance-t-il à la cantonade.

— 'ci, se manifeste l’un des hommes qui observent la partie avec un air intrigué. Avec lui, il manquait plus qu’un autre et tous auraient bu de la décoction soporifique.

— Et je relance de… 42 ?

— De 12, corrigent les autres joueurs d’une voix fatiguée. Vous voulez pas qu’on joue à autre chose ?
— Te faudrait des cours vieux, sérieusement.

— Faudrait maintenant zigouiller le type aux cheveux blancs et cet Œil nous aura à la bonne.

— Le type aux cheveux blancs… Dit Dante avec une hésitation étudiée. Vous pensez que c’est lui qui a trucidé les gens de l’Œil et Vergard ? Vous avez vu les cadavres, c’est quelque chose quand même. On dit que c’est un demi drow, qu’il a le mal dans le sang…

— Peut être bien, lui répond l’un des joueurs en ne levant pas les yeux de ses cartes. Toujours est-il qu’on a du nettoyer la merde qui y’avait dans cette putain d’forge. Donc si c’est à lui qu’on la lui doit, qu’il aille bien se faire foutre !

— On le connaît pas vraiment ce gars-là, continue un autre en rajustant la capuche qu’il avait rabattue sur son crâne. Mais on a entendu des choses. Parait qu’il s’est fait chopé par l’Œil et qu’il est en train de crever quelque part dans leur camp. Son visage s’éclaire. Ah, mais attends, Herge ? T’avais pas dit que tu savais un truc à propos de ce type ?

Le dénommé Herge dodeline déjà de la tête et peine à garder les yeux ouverts.

— Hurp… alors en fait… j’ai chopé une putain… hurp… d’info dans la forge… hurp… quand j’ai fouillé le… et le prisonnier de… zzzzzz

Ce salopard d’outre à vin, ce déchet. L’espion n’en croit presque pas ses oreilles ni ses yeux. L’homme s’effondre au sol dans un bruit mat et ses ronflements emplissent peu à peu la pièce. Progressivement, les autres commencent à cligner les yeux avec un air hébété et certains frappent la table du poing afin de lutter contre le sommeil.

— Jeu de meeeerde, pousse le joueur novice en lâchant finalement ses cartes avant de heurter la table la tête la première.

Le seul homme du Rat qui n’a pas bu à l’outre regarde ses camarades avec incompréhension.

— Mais qu’est-ce que c’est que ce bord… ?

Il n’aura jamais le temps de finir sa phrase, l’Ombre lui ayant proprement tranché la gorge en imitant le modus operandi de l’Œil et laissé comme ca, assis et affaissé sur lui-même. Qui sait combien de temps il aura. Rapidement, il chope les clefs des cellules et va déverrouiller celle de Ceralyn. Cette dernière commence à se plaindre tout en frappant ses cuisses d’un geste agacé devant le mutisme de Dante. Sans attendre, il lui donne l’ordre silencieux de se planquer le long du mur jouxtant l’entrée pour monter la garde. Si quelqu’un se pointe, il n’aura pas le temps de voir venir. Puis il ouvre l’autre cellule occupée, histoire de savoir s’il doit lui faire sa fête ou non.
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeDim 28 Fév 2021 - 20:33




La cellule est sombre et rien ne parvient dans un premier temps au regard de Dante. Puis progressivement sa vision s’éclaircit, laissant apparaître un homme mince à la mine blafarde. Son visage est tuméfié et son torse nu luit de nombreuses blessures encore fraîches. Une barbe de plusieurs jours lui dévore les joues et le menton, mais le reste de son faciès est dissimulé sous une épaisse chevelure sombre. Au moment où la cellule s’ouvre, l’homme redresse légèrement la tête, un sourire aux lèvres. Les chaînes qui l’entravent ne semblent guère l’incommoder et il se lève.

— Dante Corvac pas vrai ? fait l’individu en plongeant son regard dans celui de l’assassin. T’es plus petit que ce qu’on m’a dit…

Qui c’est que cet énergumène ? L’interpellé ne marque aucun signe comme quoi il reconnaît son nom, mais en lui même il cogite ferme. Il connaît un de ses noms et son visage le gus. À vue de pif, il a peut-être son âge, peut-être moins. Un nom reste cependant une suite de syllabes auxquelles on donne la signification qu’on veut. De plus, il a peut-être des informations de premier ordre. Mais son sort est scellé au moment où son nom traverse ces lèvres. Il ne reste qu’à savoir quand le cadavre en sursis ne le sera plus.

— Mon nom c’est Este. On se barre, tu peux marcher ?

— Pour sûr, Este, répond-il en appuyant légèrement sur le nom avec un petit rire. Je peux même ramper, danser, tant que ça m’éloigne le plus possible de cet endroit malodorant.

Il fait quelques pas en avant et désigne ses chaînes.

— Si tu veux bien m’ôter ces entraves, ça serait franchement sympa l’ami.

Il jette un coup d’œil aux gardes effondrés.

— Joli coup, le breuvage soporifique. Fallait y penser…
— Je peux savoir ton nom et pourquoi on t’a enfermé ?

Demande l’assassin en cherchant la clef des entraves tout en se maintenant prudemment hors de portée du prisonnier. Il est méfiant, très, mine de rien.

— Oh il ne te dira sûrement rien, mais on m’appelle Celmar. J’ai eu droit également à Belle Gueule, Bel Éphèbe, Aigle Vaillant, mais aussi à euh… petit enculé. Mais Celmar ira très bien.

Il élude la seconde question et présente ses mains enchainées à l’assassin qui s’arrête net de chercher et l’envisage carrément de front, les prunelles cachées dans l’ombre de sa capuche.

— Tu répond pas à ma question…

— Oh oui pardon, en effet, acquiesce Celmar. Disons que les hommes du Rat et moi on a des divergences d’opinions sur… eh bien sur à peu près tout. Ce qui a conduit à mon enfermement entre ces quatre murs. Mais j’ai bien trop de valeur à leurs yeux pour être tué comme un vulgaire malandrin, tu t’en doutes.

— T’es de l’Œil avoue.

— Doit-on vraiment en débattre actuellement ? La sortie n’est guère loin et je jure de répondre à toutes tes questions une fois dehors.

Il se gratte les cheveux et en retire un petit insecte qu’il écrase du talon. Imperturbable, Dante l’envisage sur le travers.

— Mais si cela te rassure, non, je suis pas au service de cet Œil. Je suis un euh… un ami ? Du mercenaire bougon, Nehril.

L’hésitation du prisonnier lui fait écrire mensonge et traitre en grosses lettres grasses au-dessus de sa tête avec une flèche pointée en sa direction. Non, il est assurément pas pote avec le bon Samaritain. À ses mots, Ceralyn jaillit de sa cachette. Elle peine à en croire ce qu’elle vient d’entendre.

— Tu connais Nehril ? lance-t-elle avec des yeux écarquillés.

— Pour sur, charmante demoiselle ! répond l’autre en découvrant ses dents. Un mercenaire complètement paumé, le visage fermé comme s’il avait un balai profondément calé dans l’cul, c’est lui !

— Eh ! proteste Ceralyn avec une moue désapprobatrice devant la description peu flatteuse de son père adoptif.

L'homme ne relève pas. Ça, ça veut rien dire. Cette description va avec la majorité des mercenaires qu’il connaît donc. Un prisonnier dirait aussi n’importe quoi pour sortir de taule.

— À la porte ! lui gronde Dante dans un bas murmure, lui rappelant ses devoirs si quelqu’un arrive, ils vont être dans la merde. Ceralyn s’exécute avec une mauvaise foi évidente. Toi, si t’es réellement pote avec Nehril, donne-moi une preuve. Et dépêche-toi…
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeDim 28 Fév 2021 - 21:16


— Une… une preuve ? répète l’autre avec surprise. Foutredieu, tu m’en colles une bonne ! Que dois-je te dire ? La taille de ses bottes ? Hmm, voyons. Je peux bien te dire quelque chose à son sujet : je suis un mercenaire tu vois. Nehril et moi on a fait quelques missions ensemble avant de réellement commencer à se fréquenter. Pas bien loquace ce gars-là si tu veux mon avis. Je l’ai aidé à entrer à Sol'Dorn un jour. Il était accompagné d’un gamin et d’une… passeuse. La ville était assiégée par les drow, c’était un vrai charnier.

Il hausse les épaules avec un air déterminé.

— Au pire, laisse-moi mes entraves si tu ne me fais pas confiance et tirons-nous d’ici, poursuit-il en grimaçant. Je risque par contre de faire un peu de bruit avec celles que j’ai au pied.

Sans répondre, Dante fouille dans sa sacoche de cuisse avant de lui tendre une fiole.

— Bois. Cul sec. Ordonne t’il, d’un ton dominateur.

— Bois-le-toi même, proteste l’autre en fronçant les sourcils. Qu’est-ce que c’est ? Un poison ?

Dante a un sourire mauvais.

— Oui, tu vas avoir une heure pour prendre l’antidote. Sinon dans deux heures t’es mort. Meilleure garantie ever. Tu sais supposément qui je suis, alors tu sais que mieux vaut pas me faire chier et jouer selon mes règles. TU as 5 secondes pour te décider avant que je quitte.... 4....... 3......2..... 1.  

— Très bien ! Très bien ! Je vais la boire ! T’es un peu parano ma parole…

Il saisit la fiole et la porte à ses lèvres d’un même geste. Il se met à tousser aussitôt.

— Putain, mais c’est dégueulasse ! Qu’est-ce que c’était comme poison ?

— Voir que je vais te le dire. C’est choix du chef. Une fois détaché, tu prends deux capes et tu vas rejoindre la mercenaire sur le bord du mur. Pas d’armes. Dit-il en lui détachant les jambes, mais en laissant ses mains entravées.

— C’est vous l’patron, assure l’autre. Laisse-moi juste changer mon futal, je crois que j’ai uriné dedans.

— Je m’en torche, tu le gardes. Bouge.

— Eurk ! fait la voix de Ceralyn à l’autre bout de la pièce.

Aussitôt dit aussitôt fait. Il se met à les égorger les uns après les autres, gardant la dernière victime dans laquelle il enfonce carrément la dague de l’Œil dans l’œil. Dante a l’impression très forte qu’il fait une erreur en libérant le pouilleux.

— T’as un bon sens de la tragédie l’ami, commente Celmar en fronçant les sourcils, ce qui n’échappe pas à son semi-sauveur. Étrangement, il a pas l’air jouasse. Quand ils apprendront cela, les hommes du Rat vont se jeter sur l’Œil sans se poser de questions.

— Ta gueule. Venez-vous-en… on dégage. Dit-il en tendant une épée à la mercenaire. Ceralyn se saisit de l’épée et la fait virevolter dans sa main le temps de s’habituer à son poids. Elle était bien plus lourde que celle avec laquelle elle était habituée à combattre, mais elle ferait l’affaire. Garde un œil sur lui, il dit un mot et je compte sur toi pour le faire taire. La jeune Soryngar jette un regard en direction de Celmar et hoche la tête. Même s’il ne lui inspirait pas la même méfiance qu’à Dante, elle préférait faire confiance au sens de l’assassin. Et suivez-moi tranquille pendant que je vous fais la papote.

Le reste se passe presque comme sur des roulettes. Relativement séparés, les trois compères passent inaperçus dans la foule grouillante. Ils arrivent presque à la salle de l’État-Major quand la mercenaire attire discrètement l’attention de l’humain sur le magicien qui se dirige vers les geôles. Ceralyn se hâte de pousser ses deux compères en avant afin qu’Edgan ne les repère pas. Dans sa tête, Dante calcule une minute approximativement.

Arrivant dans la pièce où ils firent la rencontre avec le Rat, le petit groupe se met aussitôt au travail. La jeune Soryngar repère la grille au sol qui est à présent rongé par l’acide et qui craque lentement sous le poids du tonneau qui la recouvre.
En toute hâte, Dante finit de dégager l’accès pour les deux autres et Ceralyn s’engage la première dans le chemin obscur quand il va chercher la dernière lampe qu’il avait allumée et revient.

Le premier cri d’alerte retentit. Edgan venait probablement de trouver les corps. L’assassin fout la lampe dans les mains entravées du prisonnier.

— Va maintenant. Saute.

Celmar ne se fait pas prier et saute dans le trou béant avec une assurance plutôt courageuse. Il s’écrase néanmoins au sol avec une prestance beaucoup moins noble et se redresse avec peine. Ceralyn, les mots de Dante à l’esprit, le garde à portée de lame. Elle jette un œil vers le haut, attendant que leur compère les rejoigne. Ce qu’il fait sans tarder, se réceptionnant souplement. Regardant à gauche, puis à droite, il fait signe sans hésiter à Ceralyn de partir de son côté. Sans dire un mot, il pointe le mince filet d’eau au sol et la direction qu’il prend avant de dégainer ses deux dagues de combats et de leur emboiter le pas.
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeLun 1 Mar 2021 - 11:20


Les trois compagnons progressèrent dans les égouts un long moment, augmentant leur rythme de marche à certains instants par crainte d’être rattrapés par les hommes du Rat qui seraient descendus après eux dans les tunnels malodorants. Néanmoins après un certain moment, il apparaît que le Rat n’a daigné envoyer personne à leur poursuite. Cela n’est pas sans inquiéter Ceralyn qui tente de transpercer l’obscurité de la galerie qu’ils suivent.

Le petit filament d’eau s’étire à perte de vue avant de brutalement prendre un virage à gauche. Le dédale est étrange, à certains moments il semble leur faire décrire un demi-tour, parfois ils entendent les cris du Rat au-dessus de leur tête avant qu’il ne s’éteigne le long des parois, troquant ses hurlements avec le bruit lointain d’un écoulement d’eau. Il n’y avait cependant pas de croisement dans ce tunnel, juste un simple chemin creusé sous la terre qui semblait serpenter sous la ville.

Ceralyn cheminait maintenant aux côtés de Dante, Celmar s’occupant de maintenir la torche devant eux pour crever l’obscurité alentour.

— Dante, fait soudainement la jeune femme en levant un regard résolu vers l’assassin. Tu crois que ce qu’a dit ce bandit était vrai ? Que Nehril est mort ? Qu’il a été capturé par l’Œil ?

— C’est pas le moment. Rétorque l’interpellé. Tais-toi, j’écoute… Arrête, ça marche pas… C’est pas normal… l’eau s’écoule toujours quelque part c’est obligé et je sais habituellement pas mal où je suis. Doit y avoir des embranchements secrets ou on est en train de s’enfoncer bien creux sous terre. L’un dans l’autre, j’aime pas.

Note à lui-même, lui rappeler de ne jamais l’appeler Dante avec un auditoire près.

— Il y a de grandes chances qu’il soit mort jeune demoiselle, intervint Celmar en massant son épaule endolorie. On n’échappe pas indéfiniment à l’Œil, c’est une évidence qui n’est plus à prouver. Et seul, Nehril n’avait aucune chance de régler cette histoire.

Ceralyn lui jette un regard noir et serre les dents.

— Nul besoin de me regarder comme cela, continue-t-il en reniflant. Je ne fais qu’énoncer des évidences. L’Œil dispose de nombreuses ressources, espions, hommes de main, et part dessus tout : de l’or à profusion. Et l’or achète aussi facilement les hommes que les catins transmettent la syphilis. Vous ne devriez pas lui faire de faux espoirs, ami Este.

— Parlez moins fort, marmonne l’assassin, tendu. Il relève le nez et essaye de renifler. Un courant d’air frais, n’importe quoi. Pour ma part, tant que j’aurai pas vu le cadavre, je ne le croirai pas. Ce tunnel lui semble définitivement bien propret pour des égouts.  Remettez-vous en marche. Je sens qu’on en a pour un bail.

Celmar hausse les épaules avec résignation.

— Autant le passer en discutant entre nous ! chuchote-t-il à l’attention de ses camarades. À mon avis, le corps de Nehril doit probablement bouffer les pissenlits par la racine. Si c’était là le but de votre quête, je vous conseillerais d’envisager une autre solution.

— Je vais vous planter cette épée dans le postérieur si vous continuez à dire que mon p... que Nehril est mort, l’averti Ceralyn d’une voix mauvaise.

L’ancien détenu manque de glisser sur une flaque, mais parvint à retrouver son équilibre au dernier instant.  

— Quoi, vous voulez dire que c’est ça votre but ? Retrouver Nehril ?

Elle est trop confiante Ceralyn et Dante se dit qu’elle est aussi bien tout lui donner sur un plateau.d’argent et lui donner la corde pour les pendre.

— Celmar, arrête et recule. Éclaire sur quoi tu viens de manquer te péter la gueule.

Celmar s’exécute et éclaire un minuscule trou dans le sol par lequel semblent sortir de nombreux insectes. Ils grouillent de plus en plus autour des trois individus, tentant de grimper sur leurs bottes.

— Qu’est-ce que c’est que ce…, commence Celmar en s’agitant dans tous les sens pour faire fuir les bêtes qui ont grimpé sur ses orteils.

— Ça, ça s’appelle un piège. Courez !

Arrachant la lampe des mains de Celmar, il extirpe une flèche de son carquois et l’enfonce violemment dans le trou. La tête se fracasse, les flammes se répandent.

Un feulement strident se fait soudainement entendre, provenant des parois de la galerie avant de se répercuter au-dessus d’eux. Le feu provoqué par Dante se répand aux alentours comme si le tunnel avait été recouvert d’une quelconque substance inflammable facilitant sa propagation. La raison derrière l’absence de poursuivants au sein des tunnels vint se frayer lentement un chemin dans l’esprit des trois individus. Derrière eux, une fumée âcre fondait sur eux. Et qui disait fumée, disait…

— Feeeeeu ! prévint Ceralyn en désignant au loin les flammes voraces qui fusaient dans leur direction.

Celmar reprit la torche des mains de Dante et la brandit autour de lui, révélant de lourds barils remplis d’une huile noirâtre derrière les colonnes.

— Oh, merde, merde, meeeeerde ! s’écrit l’homme avant de s’élancer dans le tunnel suivi de près de Ceralyn qui est elle-même talonnée par Dante.

CA va être festif, se dit-il tandis que les tonneaux défilent autour d’eux. Pendant que le trio galope pour sa vie, il voit quelque chose plus haut. Une crevasse. L’assassin tire une flèche du carquois, décroche son arc et ne prend le temps d’une pause de sa course que y attacher une mince corde avant de la décocher dans la cavité. Malgré sa hâte, il est heureux de voir que sa tentative a fonctionné.

— Hey! Tonne il une unique fois, pour attirer l'attention des deux fuyards avant de reprendre lui même sa course effrénée vers ce qu'il espère être son salut.

Ravi d'être ton dieu. T'a toujours le don de m'amuser à mort. Au moins on va partir en beauté.
Me fais pas rire, je vais avoir une crampe.

Ceralyn jette un œil derrière elle et voit la flèche de Dante se ficher dans la crevasse, faisant tendre la corde. Elle comprend aussitôt ce à quoi il songe. Elle se précipite vers lui, tenant son épée dans ses deux mains. Elle la rengaine d’un geste précipité.

— Il faut monter ! s’écrit la jeune femme en faisant signe à l’assassin de grimper.

Grimper avant lui lui semble impensable. Elle ne souhaite pas mettre la vie de Dante en danger. Après tout, s’ils étaient tous les deux ici, c’était par sa faute. À ses côtés, Celmar roule des yeux avec une terreur évidente. Ce n’est pas le temps de tergiverser et il obéit sans rechigner, montant à la vitesse de l’éclair. Encochant une autre flèche, il se place en position. Si le captif fait mine de vouloir grimper le premier, il aura un trait entre les deux yeux cet enfoiré.

Ceralyn le suit juste après, ses fines mains s’échinant le long de la corde. Elle s’arrache les paumes à force de les presser contre la rugosité de l’objet, mais grimpe avec une facilité plutôt rassurante. Jusqu’au moment où, pris de panique, Celmar s’élance à sa suite sans attendre qu’elle parvienne auprès de Dante, faisant de ce fait tanguer la corde avec force. Ceralyn manque de perdre l’équilibre et lâche une main alors que l’ancien prisonnier monte de plus en plus vite avec maladresse, les menaçant tous deux de percuter le mur.

Les flammes rugissent de plus en plus forte jusqu’à inonder le tunnel d’une vive lueur orangée…

L’arc de l’assassin tombe dans la pièce qui s’enflamme à la vitesse de l’éclair, tandis qu’une grande main agrippe le poignet de la mercenaire qu’il tire vers lui.

Son corps est toutefois retenu en arrière : Celmar, les yeux brillants d’une lueur folle, la tient par la cheville et s’en sert pour se hisser vers le haut. Au même moment, un craquement parvient aux oreilles de Dante. La corde commence à se fissurer. Le feu n’est toujours pas parvenu à hauteur du mur, mais si cette situation perdure, il emportera la jeune Soryngar et Celmar. Ceralyn plante son regard effrayé dans celui de Dante, ses deux mains ensanglantées gênant la prise de l’assassin. Elle glisse…

Il fait alors une chose qu’il s’était juré ne jamais faire en mission. Sauver une putain de vie. La flèche que l’homme tient dans sa main de libre est propulsée vivement vers cet enculé avant de prendre le poignet à deux mains pour tirer de toutes ses forces.  

La flèche de l’assassin frôle la corde, entamant davantage sa solidité. Néanmoins elle parvint à frapper Celmar à l’épaule, ce qui lui fait lâcher la cheville de Ceralyn. Dante l’entraîne alors avec lui vers le haut, mais le feu a le temps d’engloutir le visage mugissant de Celmar, et de brûler fortement la cheville de la jeune femme qui hurle de douleur. La corde craque et finit par se rompre, entrainant Celmar dans les flammes…

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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeLun 1 Mar 2021 - 17:36


Parvenue à l’abri, la jeune femme se contorsionne sur le sol, le visage baigné de larmes et tenant sa cheville entre ses mains écorchées. Sans s’arrêter, Dante la tire sur deux ou trois mètres avant de s’accroupir dans un corridor naturel. Les parois, rugueuses, laissent penser qu’il y a peut-être eu un torrent souterrain ou une bestiole qui a bouffé la roche. Il prie sincèrement Zhak'Bar que ça soit la première. S’éclipsant quelques secondes, il va vérifier si le pouilleux est encore vivant....

Évidemment qu’il est là, en bas, bien noir et croustillant. L’odeur de chair carbonisée envahit son odorat, lui mettant même l’eau à la bouche. Il n’est pas loin. Sans prendre le temps de souffler, Dante revient vers la blessée, s’accroupit et enlève ses gants sans doigts.

— Montre-moi ton pied. Et mords dans quelque chose, mais ne crie pas. On sait pas où on est. Je fais vite.

Le cuir de la botte est craquelé et noirci au niveau de la cheville. Si le pied a été miraculeusement épargné, le cuir un peu roussi, une zone un peu plus problématique se dessine. Sortant Vicieuse, il entame le processus d’extraction de ladite botte en la découpant proprement avant que cuir et chairs ne fusionnent ensemble de fort mauvaise façon, révélant une chair à vif cloquée et suintante. Un beau steak bleu qui lui rappelle que ça fait un bail qu’il n’a pas mangé.

Sortant une bande de coton et un pot d’onguent fleurant la lavande, le miel et la gomme de sapin de sa sacoche de taille., il en tartine abondamment la brûlure avant de bander la zone blessée.

Au contact de la texture froide et gélatineuse, Ceralyn mord avec force le fourreau de son épée pour ne pas lâcher un nouveau mugissement de souffrance. Heureusement, l’ardente douleur qui pulsait de sa cheville meurtrie semble diminuer à mesure que l’assassin applique son onguent. Malheureusement, elle ne disparaît pas complètement et laisse la Soryngar gravement estropiée. La jeune femme sait qu’elle ne pourra pas marcher correctement tant que sa blessure n’aura pas été traitée plus en profondeur.

Elle s’efforce néanmoins à sourire lorsqu’elle se tourne vers Dante :

— Alors, c’est comment ?

— J’ai vu mieux et j’ai vu pire. L’important pour le moment c’est que l’infection ne se mette pas dedans.

Il passe aux mains, les nettoyant du mieux qu’il peut.

— Nehril est vivant. Dit-il tout de go, pendant qu’il traite les paumes. Il les tartine du même onguent avant de lui filer ses propres gants sans doigts pour protéger les paumes brûlées par la corde.  

La jeune femme baisse la tête. Ses mèches rousses vinrent recouvrir son visage, si bien que Dante n’est plus capable de lire son expression alors qu’elle lui lance d’une voix pleine de souffrance :

— Comment… comment tu peux en être aussi sûr ?
— Un, Celmar faisait partie de l’Œil. Et son insistance à vouloir éteindre l’espoir de le retrouver était étrange. Deux, j’ai pas vu de cadavre. Sans cadavre pas de mort c’est aussi simple. Si ça pas de sens pour toi, appelle ça l’instinct.

La jeune femme essuie discrètement le ruissellement de ses yeux émeraude. Elle ne savait plus que croire. Elle avait l’impression que sa vie depuis la disparition de Nehril n’était qu’un mauvais rêve. Elle avait cru être suffisamment forte pour affronter ce qui l’attendait, mais se rendait finalement compte qu’elle avait eu tort. Nehril avait eu raison en lui disant qu’elle n’était pas faite pour ce genre de vie. Sa poitrine vint se serrer douloureusement lorsque l’image du mercenaire aux yeux d’argent franchit la barrière de ses souvenirs pour envahir ses pensées. Il y avait tant de choses qu’elle aurait aimé lui dire, tant de sujets qu’elle aurait voulu aborder avec lui. Observer son visage dur et gravé dans la pierre se détendre, voir une dernière fois le sourire qu’il n’accordait qu’à elle. Avait-elle encore une chance de le revoir comme lui assurait Dante ?  

Ne laisse pas tes craintes altérer ton jugement, Ceralyn, résonna la voix de son père adoptif dans son esprit, vestige d’un souvenir lointain de sa jeunesse. Elles t’affaiblissent et te poussent à courber l’échine dans l’adversité. Ce monde est suffisamment rempli de sots qui se convainquent de leurs propres incompétences. Soit différent d’eux : agis.

Ceralyn ferma les yeux. Elle reprit d’une voix moins écorchée :

— Quelles sont les alternatives que nous avons pour retrouver Nehril, Dante ?

— Leur œil voit tout ? Il est temps de donner plus que ce que le client demande. Ou de te fondre dans la masse. Dans un cas comme dans l’autre, va falloir te soigner d’abord. Réponds l’assassin avec un calme et une détermination sans faille. Il y a un plan fou qui se forme dans sa tête. Mon seul regret c’est que j’aurai pas eu le temps de le cuisiner celui-là.

— Qui était-il vraiment ? l’interrogea la Soryngar en détournant son regard du visage noirci de Celmar.

Dante a un grognement en rangeant son matériel.

— Aucune idée, mais lui me connaissait et ça me rend prudent. Je pense que Nehril a été… interrogé. T’es capable d’avancer ?

Interrogé ? Ceralyn porte une main à ses lèvres avec une expression horrifiée. Qu’avait pu lui faire cet Œil ? La jeune femme secoue la tête : y songer maintenant ne serait qu’une perte de temps. Il lui fallait agir. Elle se redresse lentement et manque aussitôt de tomber lorsqu’elle s’appuie par réflexe sur sa jambe droite. Elle retrouve néanmoins son équilibre en posant une main contre le mur. Elle adresse alors un sourire désolé à l’assassin.

— Je pense pouvoir réussir à avancer comme ça, lui révèle-t-elle en évitant son regard.

— En route. Garde l’oreille ouverte.

À ces mots, les deux fuyards se mettent en marche en suivant le tunnel dans lequel ils se sont réfugiés. Leur rythme de progression est lent, car la jeune mercenaire peine à prendre ses marques quant à sa nouvelle condition d’estropiée. Elle pose plusieurs fois le pied au sol sans y prendre garde et laisse échapper quelques gémissements de douleur tout en maudissant sa propre bêtise. Sa frustration atteint son paroxysme lorsqu’elle finit par se retourner afin de jauger le chemin parcouru et se rend compte qu’ils n’avaient pas avancé de plus d’une vingtaine de mètres. Elle serra les dents.


Dernière édition par Nehril le Mer 12 Mai 2021 - 23:13, édité 1 fois
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Dante Corvac
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MessageSujet: Re: L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat   L'Œil frémit mais jamais ne se ferme | L'antre du Rat I_icon_minitimeLun 1 Mar 2021 - 22:40


Reprenant leur route sous la direction de Dante, ces derniers décidèrent de ne pas allumer de torches afin de ne pas être repérés par les éventuels hommes que le Rat aurait envoyés à leur trousse. Le ruissellement de l’eau est ici beaucoup plus audible, et d’un commun accord, les deux compagnons décident de poursuivre leur chemin dans sa direction. Ceralyn observe que le tunnel est long, et qu’il serpente beaucoup. Le sol est spongieux et l’air fétide, chargé d’humidité. Dans cet endroit cloisonné, chacun de leur pas résonne comme un gong, malgré leur désir d’avancer avec prudence.

À plusieurs endroits, des soufflements rauques se font entendre, mais ni Ceralyn ni Dante n’éprouvèrent l’envie d’aller vérifier s’ils provenaient de gorges humaines. Ils poursuivirent leur route en se tenant bien à l’écart de ces derniers, devant parfois ramper dans des canalisations que même des nains auraient jugées comme petits, avant de déboucher sur un nouveau cul-de-sac.

Leurs yeux repérèrent aussitôt une nouvelle fissure dans le coin supérieur gauche du tunnel et ils s’y hissèrent avec précaution. Le nouvel endroit semblait particulièrement familier, et Ceralyn se dit qu’ils venaient probablement de retourner dans les égouts principaux. Il y régnait encore une certaine chaleur, passage du feu qui avait encore récemment balayé la zone. Néanmoins, il n’y avait nulle trace de fumée, ce qui rassura la jeune Soryngar concernant la sureté des lieux. Apparemment, les hommes du Rat avaient utilisé toutes leurs cartes en main. Ils ne leur restaient plus qu’à leur envoyer des hommes après eux, mais Ceralyn était confiante de la distance qu’ils avaient creusée entre eux.

Dante, quant à lui, est d’une humeur on ne peut plus massacrante. Il n’a rien contre une petite crapahute sous terre, mais Ceralyn n’est pas en état. Son humeur s’améliore sensiblement par contre quand il voit le cadavre du pouilleux et son arc cramé non loin.
     
Prenant le temps qu’il n’a pas, il examine le corps, remerciant silencieusement les flammes de l’avoir purifié. Dans le cou cependant, il y a quelque chose qui attire son attention, à l’endroit où il manquait un bout de chair au forgeron.
           

             
Les doigts sensibles passent sur la chair brûlée. Qu’est-ce que c’est… une marque d’esclave dans laquelle on a coulé du métal précieux ? Un symbole cabalistique ?
       
L’homme pas le temps d’étudier la question. Vicieuse étincelle tandis qu’il découpe profondément le bout de chair incriminé qu’il range dans un bout de tissus restant du pansement de Ceralyn fait plus tôt. Avant de ranger le tout dans son barda. Sortant une de ses deux flèches inflammables restantes de son carquois, il camoufle son méfait en fracassant la tête sur la plaie afin d’uniformiser le cadavre. Voilà, mieux. Ne jamais laisser de traces.

Dante, fatigué de leur allure de vieillards estropiés, finit par soulever la jeune mercenaire pour la faire grimper sur son dos. Cette dernière, surprise, commença tout d’abord par se débattre afin de manifester son désir de continuer à pieds. L’assassin ne laissant rien entendre, Ceralyn finit par abandonner, une moue contrariée au visage. Rassemblant les vestiges de sa fierté brisée, elle tenta alors de prévenir l’assassin sur les dangers qu’elle observait à l’horizon. Il s’agissait pour la plupart du temps que de simples obstacles, mais la Soryngar tint à conserver son rôle jusqu’au bout.  

Leur chemin finit par déboucher sur une vaste salle où s’écoulait à flot une eau sale charriant une odeur pestilentielle. Pas de doute, Dante et Ceralyn étaient parvenus au cœur des égouts. La jeune femme plissa les yeux, remarquant qu’il n’y avait pas de nouveaux tunnels suffisamment haut leur permettant de s’enfoncer dans les profondeurs. Elle finit par déceler une échelle branlante qui s’élevait jusqu’au-dehors. Son visage s’éclaire : la sortie !  

— Moi qui pensais trouver le bord de rivage, marmonne-t-il entre ses dents, mine de rien, il commencait à fatiguer. Ca faisait un bon 18 heures tout de même, il a pas eu la chance de pioncer un peu, lui.   Avant de se remettre en route, il prit son propre foulard qu'il entortilla autour de la tête de la jeune fille pour camoufler ses cheveux roux, lui donnant, de loin, l'apparence d'une crinière noire tressée.

Les deux compagnons grimpèrent à l’échelle qui les conduisait vers l’air libre. Cela fut particulièrement éprouvant pour la jeune femme qui ne pouvait s’appuyer sur sa jambe droite : elle du se reposer constamment sur Dante pour gravir les nombreux barreaux.

Soulevant la grille, le vent vint doucement caresser le visage des deux fugitifs. Ceralyn adressa un sourire à Dante, heureuse de voir qu’ils s’en étaient finalement sorti. Qui plus est, ils avaient désormais un plan : trouver de quoi guérir la blessure de la Soryngar avant de partir à l’assaut de ce maudit camp de l’Œil ! En espérant au passage y trouver Nehril et le chef de cette mystérieuse organisation. Quelques réponses concernant la raison de cette traque insensée ne seraient évidemment pas de refus !

Ceralyn tourne alors son regard vers les environs et se rend compte… qu’ils se trouvent devant la grille d'entrée de l’entrepôt du Rat. Des cris et de l'agitation provenaient de l'intérieur. Manifestement, on les cherchait.

Puisant dans ses réserves, Dante repris son chemin, Ceralyn toujours sur son dos. Il y avait une place près qu'il savait être totalement sûre pour Ceralyn. Son navire, le Caran Deth.  De là, ils sauront souffler et s'organiser pour la suite.  

Rapidement, les deux compères disparurent dans les ruelles labyrinthiques de Thaar.
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