Premier Pas [Charles de Prademont]

Arkuisa, Ieme ennéade de Bàrkios, An XVIII, Cycle XI
Lodiaker-la ville, Lodiaker, Baronnie d'Alonna

C’était une magnifique journée de printemps dans le Lodiaker. Le vent frais soufflait doucement sur les plaines alors que les bourgeons commençaient à apparaître ici et là, sous les traces boueuses qu’avait laissée l’hiver. Les Monts d’Or, toujours enneigés dominaient le paysage de la grande seigneurie, faisant une barrière naturelle entre les Alonnais et les Oesgardiens. Et c’est dans un château fort, à flanc de montagne que l’ambiance changeait drastiquement. L’ambiance était électrisante, tous semblaient se préparer pour une rencontre des plus importantes. Une première visite depuis la mort de Mathieu de Lourbier, une première mission diplomatique pour sa fille, seule. La jeune femme s’avança dans le grand hall. Là, où son père aurait pris place pour recevoir l’invité d’honneur. De la nervosité? Certainement! Une toute première mission diplomatique sans son paternel pour l’aider. Elle fit tournoyer la bague fine forgée sur son index, se rappelant le moment où Mathieu lui avait donnée. Un cadeau digne pour la rose de Lodiaker, fait entièrement d’or retrouvé dans leur montagne. Un cadeau qui devait lui rappeler d’où elle venait, et se pourquoi elle se battait. Soupirant doucement, laissant s’échapper la nervosité qui s’emparait d’elle. Cette dernière s’avança d’un pas décidé vers le - disons - trône. Ses pas semblèrent résonner sur la pierre, alors que ces vavasseurs s’inclinaient tous devant elle. C’était une occasion bien spéciale, et mieux valait montrer la férocité des Lourbier. Arrivant finalement aux quelques marches qui menaient au piédestal, son oncle lui tendit doucement la main. Lui échangeant un regard rassurant tout en l’amenant à la place qui lui revenait. « Tout va bien aller. » Murmura-t-il, alors que la jeune femme déplaçait doucement la traîne de sa robe en jacquard pour s’asseoir.


« Je l’espère aussi Charles. Nous avons assez traîné. Il est temps de prendre les choses en mains. »


L’homme d’âge avancé souria avant d’acquiescer. Il avait encore l’impression que sa nièce n’était qu’une enfant, et pourtant c’était elle qui dirigeait l’une des plus grandes seigneuries d’Alonna et elle, qui était la plus grande menace pour la famille Baronniale. Le héraut se redressa alors que les portes du hall s’ouvraient, laissant place à l’invité d’honneur du Lodiaker. Un sourire accueillant naquit sur les lèvres de la jeune femme alors que ses prunelles azurées se posèrent sur le tout nouveau comte d’Odélian.


« Sa Grandeur, Charles de Prademont, Comte d’Odélian »


Tous semblèrent se redresser alors que l’homme entrait dans la pièce, sans attendre, la jeune damoiselle se redressa de son siège, descendant les quelques marches pour aller à la rencontre de son invité, suivi de son oncle. Une fois à sa hauteur, cette dernière lui fit une révérence, avant de lui faire un sourire des plus accueillants; « C’est un réel plaisir de recevoir votre visite, Votre Grandeur. Puis-je me permettre de me présenter, mon nom est Adélina de Lourbier, Damoiselle de Lodiaker et de Bransat » Il devait déjà la connaître, après tout, bon nombre de nordiens avait entendu de la rose de Lodiaker et de la mort récente de son père.  « Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation, et j’ose espérer que votre voyage ne fut pas trop épuisant. Cela dit, si vous souhaitez vous reposer, je vous ferais guider à vos appartements. » Appartement qui avait été spécialement préparé pour la venue du Comte. Qui donnait sur une vue époustouflante des Monts d’Or et de la campagne environnante. Si la Seigneurie était petite, cela n’empêchait pas qu’elle était débordante de possibilité, tout comme cette rencontre au final.

Pour Charles de Prademont, cette visite en terre voisine était la première sortie officielle qu'il s'offrait depuis que le Duc de Serramire lui avait confié le trône d'Odélian. D'ailleurs, il n'en avait même pas été l'instigateur et aurait raisonnablement pu décliner l'invitation puisqu'il ne s'agissait pas de la plus haute  instance politique de la baronnie d'Alonna. Pourtant, il n'en fut rien pour la simple et bonne raison que sa future interlocutrice possédait la plus importante force militaire de ce domaine et de plus, contrôlait les prolifiques mines de fer des montagnes d'Alonna.

Deux raisons pour lesquels le Comte d'Odélian prit l'invitation au sérieux sans vraiment savoir exactement les tenants et aboutissement de cette affaire ou plutôt rencontre diplomatique officieloe qui réclamait donc sa présence un peu plus haut à l'Est dans les terres nordiennes. Ce fut donc avec une certaine humilité que le Comte, qui jouissait encore de sa fonction d'intendant Royal a la justice, mena un petit cortège d'hommes en traversant le paysage boisé séparant ces terres de celles de Lodiaker. Ce début de printemps était clément mais il fallait faire attention à certains effets du dégèle, provoquant fort heureusement pas de temps conséquent pour rallier le château où élisait domicile la Damoiselle de Lodiaker et de Bransat.

Ce personnage était d'ailleurs bien intriguant. Dix-neuf ans à peine et déjà propulsé dans les affaires de la haute noblesse, voilà qui méritait une attention toute particulière sachant qu'elle aurait pu être promise à un plus grand destin encore si, après la mort de son père un mois plus tôt, les maisons Broissieux et Clairssac n'interviennent pour la priver de ces droits sur la baronnie. A première vue, ce rendez-vous représentait un test politico-diplomatique qui allait permettre, sans trop de pression, à Charles d'asseoir sa crédibilité sur son domaine et surtout se faire ses premiers dents sur la scène nordienne.

Mais sur le papier si tout semblait sans grande complexité, le terrain pourrait s'avérer à l'opposé de ce premier ressenti. Alors, dès lors qu'il pénétra l'antre de la femme qu'on surnommait la "rose de Lodiaker", Charles exprimait dans sa démarche, beaucoup d'assurance et de sérénité, un exercice qu'il maîtrisait, surtout lors de sa vie à la capitale de Diantra. Il fut donc annoncé par le herault et d'un pas déterminé, le beau blond vêtu de riche atours, tunique or et bleu à brocard blanc, il rejoignit le pied du siège surmonté de plusieurs marche, sans même se soucier de l'assemblée qui se levait à l'unisson à ses deux flancs à son passage.

Son regard émeraude capta alors l'azur qui s'offrit le luxe de se porter à sa rencontre avant de recevoir des mots d'accueil et une révérence parfaitement exécuté de la part de la jeune femme. En retour, Charles se plia volontiers au protocoles de la bienséances avant de jauger son interlocutrice dont la toilette venait surenchérir une beauté déjà bien évidente. Que les nordiennes étaient des créatures bénies par la beauté des dieux ! C'était à ne plus savoir où donner de la tête. Mais Prademont ne se formalisa pas plus et adressa en retour un sourire aimable à la demoiselle.

- Honoré de faire votre connaissance Damoiselle de Lodiaker et de Bransat. J'ai connu des voyages plus éprouvant, soyez sans craintes,  mais j'apprécie votre bonne hospitalité. Je laisserais mes gens préparer mes appartements pour plus tard.

Prenant un mine plus grave, il rajouta, non sans réclamer la main de la jeune femme pour la recouvrir de sa paume, jouant l'homme affecté.

- Recevez toutes mes condoléances pour la perte récente d'un être aussi cher qu'un père.

Il fini par balayer ces flancs du regard avant de reposer l'émeraude de ces yeux que les prunelles de la jeune femme qui devait certainement être convoitée par bien des courtisans.

- Je vois que vous avez prit grand soin d'accorder une attention toute particulière pour ma venue, à en voir l'assemblée ici présente et par cette toilette que vous portez parfaitement sur vous.

Quelques flatteries et compliments faisaient parti des codes de bienséances finalement, après quoi Charles salua l'homme plus âgé, l'oncle d'Adélina de Lourbière.

La jeune femme écouta sans broncher les compliments du Comte, alors que ces prunelles azurées semblaient le détailler discrètement des pieds à la tête. Il ne ressemblait pas réellement à ce qu’elle s’attendait. De longs cheveux blonds ainsi qu’une barbichette parfaitement taillée. On pouvait voir que ce dernier portait une attention bien particulière à sa façon d’être. Elle qui avait imaginé l’intendant de la justice royale un peu plus bâtit. Mais bon, l’on ne pouvait pas tout avoir. « Il n’y a aucun problème Votre Grandeur. » Se retournant vers une servante cette dernière fit un léger signe de tête, et prendrait bien soin d’installer le Comte comme il se devrait. Puis ce dernier réclama sa main, non sans jouer l’homme endeuillé. Adélina perdit de ce fait son sourire alors que Charles lui mentionnait la perte de son père. Une perte qu’elle avait encore sur le cœur. Disons que c’était difficile de ne pas succomber au vide que ce dernier avait laissé dans son cœur.  « Je vous remercie, Votre Grandeur. Mon père… » commença-t-elle alors que son regard sembla s’assombrir pendant un moment. Une seconde passa alors que cette dernière semblait reprendre le contrôle de ses émotions; « … était un homme extraordinaire. J’ose espérer être à la hauteur de ce dernier éventuellement. » Adélina sembla reprendre son calme, alors qu’elle fit un léger sourire avant de retirer sa main emprisonnée par le Comte. Seul le temps nous dira ce que la rose de Lodiaker réussirait à accomplir, après tout elle était encore jeune, il y avait encore plein d’opportunité qui se présenterait à elle.


Et opportunité qu’il y avait devant elle! Cet homme était définitivement talentueux! Sa verbe était parfaite. Un compliment par-ci, une flatterie par là. Croyait-il réellement que la jeune femme tomberait si facilement? Adélina eut un léger sourire avant de redresser la tête. « Vous me flattez Votre Grandeur. Il aurait été inadéquat de vous recevoir d’une autre façon. Puisque vous ne semblez pas vouloir vous reposer, peut-être accepteriez-vous une visite de ma demeure? Nous souhaitons définitivement que vous faisiez comme chez vous, et si nous pouvons faire quoi que ce soit pour votre confort, n’hésitez surtout pas à nous le mentionner. » La jeune femme lui fit un sourire amusé avant de descendre les quelques marches qui la séparait du Comte. « Veuillez me suivre, Votre Grandeur. » Sans attendre, cette dernière l’entraîna rapidement au travers des couloirs sinueux de son château pour l’entrainer dans les jardins. Là, où le vent frais du printemps soufflait doucement sur la seigneurie en flanc de montagne. Silencieuse pendant un court instant, la jeune femme se décida finalement à prendre la parole. « Je tiens à vous remercier d’avoir accepté mon invitation, je suppose que votre temps est limité maintenant que vous êtes Comte, d’ailleurs, ne puis-je vous féliciter de votre nouvelle position et aussi vous donnez mes plus sincères condoléances pour la perte de votre cousin et de sa famille. » Était-ce son cousin? Peu importe, c’était un membre de sa famille et c’est tout ce qui comptait.

Les amabilités de circonstances se succédèrent donc entre les deux nobles. Retrouvant la mobilité de sa main précédemment baisé par le Comte d'Odélian, Adélina de Lourbier proposa alors à son invité de marque une balade pour faire le tour du propriétaire. Je me défend d'ailleurs de tout sous entendu à ce sujet ! Prenez bien ces mots au sens propre chers lecteurs ! Une chose était en tout cas frappante, la demoiselle était fort délicate et son sourire, discret, lui donnait un être faussement juvénile. Mais par delà cette analyse, Charles pouvait se rendre compte que son hôte masquait difficilement ces émotions, preuve en fut à l'évocation de feu son père. Si pour l'heure ce détails n'avait d'importance, il pourrait bien l'avoir à l'avenir si lui fallait sonder de la sincérité de son interlocutrice.

Pour l'heure, la courtoisie de la Lourbier était sans faille, quoi que... le sourire amusé qui suivi la réplique au sujet d'offrir toute la latitude au Comte d'obtenir son confort comme s'il se trouvait chez lui, laissait quelques interrogations dans l'esprit de Charles qui n'osait imaginer la moindre espièglerie ou moquerie ! Se gardant bien de creuser cette intrigante réaction chez sa consœur de noble naissance, le beau blond laissa la créature jusque là encore niché sur l'escalier dévaler les dernières marches afin de rompre toute distance pour alors l'inviter à la suivre. Avec modestie et bienveillance, Charles se laissa donc guider non sans laisser son regard lézarder de ci de là afin d'attester de la bonne tenue de ce château qui pouvait en dire long sur la personnalité de son propriétaire. Dans le cas présent, tous les signaux semblaient au vert, même si cette expression n'est peut être pas transportable à cet univers, et prendre l'air frai du printemps à flanc de montagne avait finalement du bon.

Adélina rompit alors le silence, usant de quelques courbettes verbales de circonstances, sans prétention, mais qui sait, peut-être avec quelques mystérieuses arrières pensées. En tout cas, Charles n'avait d'autre choix que de se montrer faussement meurtrie par cet ignoble complot dont il avait été le propre instigateur. La mine grave, il balaya d'un regard faussement pensif la verdure qui reprenait ses droits avant de reporter son attention sur le silhouette de la Damoiselle de Lodiaker et de Bransat au regard azur profond.

- Je vous le concède volontiers, mon rythme de vie s'en est trouvé bouleversé. Mais je tiens et m'efforce de pouvoir allier mes deux fonctions. Il me faut seulement trouver un juste équilibre et m'entourer de gens de confiance. Vos félicitations m'honore même si je ne puis vous offrir quelques joies en retour face à ma peine et à la manière dont m'a été confié le Comté. Que mon propres sang ait pu ourdir et mener une telle traitrise jusqu'à son terme m'en provoque encore des nausées, rien que d'y repenser.

Il prit une courte pause, feignant d'accuser légèrement le coup avant de jouer de ses talents d'acteur pour reprendre de sa superbe dans sa nouvelle étoffe d'homme d'importance.

- Mais le passé est le passé. Un Prademont à au moins sauvé la dignité de sa famille. Celui là même qui se trouvait bien loin des intrigues d'une terre qu'il pensait pourtant préservée d'une telle faiblesse humaine. Osant alors mentir, il ajouta. Je dois sans doute me raviser à présent sur quelques perspectives à la Cours Royale, mais je n'aurais pu refuser le titre que le Duc de Serramire m'a confié, cela aurait été un déshonneur.

L'homme possédait encore quelques desseins non négligeable mais mieux valait jouer profil bas et ne laisser s'imiser aucun doute dans l'esprit de sa noble interlocutrice. Il lui était indispensable d'ailleurs qu'aucun n'ai la simple pensée de l'associer à ce complot et même s'il tirait quelques ficèles judiciaires au sein de la Royauté, le risque 0 n'existait pas et il le savait mieux que quiconque.

Leurs pas les guidèrent doucement vers les jardins qui commençaient vaguement à se réveiller d’un long et difficile hiver. Des jardiniers s’affairaient à défricher, s’affairant à donner aux jardins seigneuriaux une certaine allure après le difficile hiver qui les avaient accablés. Mais c’était définitivement les énormes rosiers aux centres de ces derniers qui dominaient l’attention. Un cadeau, de son père pour sa mère qui s’était éteinte trop rapidement, les années et l’entretien méticuleux que les jardiniers leurs avaient définitivement porté fruit. Adélina replaça doucement sa manche sur son avant-bras alors que le Comte prenait la parole. L’air meurtri ce dernier lui donna une longue explication sur les événements qui s’était joué en Odélian. Si le meurtre d’une famille au complet était réellement horrible, on ne pouvait pas dire que cela n’avait pas donné quelconques avantages au Comte. Ce dernier n’était définitivement pas en ligne pour avoir le titre, et pourtant le voilà qui se présentait avec son nouveau titre. Adélina posa son regard droit devant elle alors qu’elle reprit la parole en continuant de marcher; « C’est compréhensible et je suis désolé qu’un aussi horrible malheur soit tombé sur votre famille. Mais ne laissez pas les actions de félons ruiner le positif. » Retournant son regard azuré vers Charles, la jeune femme arrêta de marcher pendant un moment pour observer le nouveau Comte. Il y avait quelques choses de faux chez lui, mais le jeu d’acteur de la jeune damoiselle était loin d’être pauvre, et elle put aisément cacher ses doutes en jouant la carte de la naïveté. « Toutes mes excuses, Votre Grandeur. Mon idée était loin de vous rappeler ses douloureux moments, mais au contraire de célébrer le positif. Veuillez pardonner ma maladresse. Disons que les rencontres diplomatiques me sont encore bien nouvelles. » Elle baissa la tête un moment, l’air faussement triste avant de reprendre doucement sa marche.


L’introduction était fait, et Adélina se doutait que le Comte avait un certain avantage dans cette négociation, alors mieux valait entrer dans le vif du sujet afin d’avancer la suite. « Je ne vous cacherais guère Votre Grandeur, que mon invitation n’était pas sans arrière-pensées. Lodiaker est l’un des plus grands exportateurs de fer et d’or d’Alonna. Nous satisfaisons pleinement la demande locale, et c’est le temps pour nous d’aller plus loin. » Le duo arriva finalement à un balcon, là ou la vue était particulièrement époustouflantes. D’un côté les monts d’or dominaient le paysage est de l’autres de longs champs qui s’étendaient au-delà de ce que vos yeux auraient pu voir. « Mon but principal est d’ouvrir notre production à nos voisins, et bien entendu, vous êtes le premier que nous rencontrons. » Adélina s’arrêta près de la rambarde avant de déposer doucement ses mains sur la pierre froide, son regard azuré toujours porté sur le Comte. « Est-ce que c’est quelques choses qui vous intéresseraient? » Voilà, la balle était dans son camp. Qu’il accepte ou non, lui importait peu. Si ce dernier n’en voulait pas, d’autres se battraient forcément pour eux.

Au travers de ce jardin qu'il découvrait, le Comte pu se rendre compte de l'importance porté aux rosiers qui y tenaient une place prépondérante. Il y avait donc en ce lieu une certaine forme de singularité et il était agréable de s'y promener en la charmante et délicate compagnie de la demoiselle de Lourbier d'une bienveillance de circonstance. Mais mieux que quiconque, Charles savait devoir rester prudent d'autant que durant ces premiers mois au sommet du pouvoir d'Odélian, la moindre erreur de jugement et de comportement pouvait compromettre tout ce a quoi il avait usé de perfidie pour s'élever plus encore socialement.

Ainsi, le comploteur reçu une salve de bons mots, compréhensif et d'excuses quand à ce sujet épineux qui tourmentait sa conscience. Fort heureusement, Adelina ne cherchait pas à approfondir la complexe et paradoxale situation qui avait amener Ser Prademont à fouler les allés de son jardin en qualité de voisin et allié potentiel et leur chemin les amena alors vers un balcon à la vue d'une extrême beauté. Un panorama exceptionnel où les vastes champs d'un côté tranchaient avec les monts d'or de l'autre, un endroit alors fort propice à engager des pourparlers et donc cesser toute forme de formalité pour rentrer d'une certaine façon dans le vif du sujet.

L'azur croisa à nouveau l'émeraude avant que la douce voix de la Rose de Lodiaker, comme on la surnommait, ne vienne amorcer les préludes d'une rencontre d'affaire assumée alors sans complexe par la jeune femme. Adélina cherchait donc à exporter les produits de ces mines et avait eu la justesse d'esprit d'en proposer la primeur à ces proches voisins. Une manière fort habile et intelligente d'amorcer des ambitions qu'elle ne souhaitait plus restreinte à son environnement local.

Pensif, Charles observa ce fascinant paysage quelques instants avant de reporter son attention sur son hôte. S'éclaircissant la voix, il lui donna alors volontier la réplique.

- Odélian ne jouit pas de telles ressources, c'est un fait. Le fer est une matière première utile, indispensable dans bien des domaines. Je ne puis que vous remercier pour la primeur de votre démarche et j'y répondrais sans doute favorablement sous condition de termes acceptables, il en va de soit.

Il acceptait donc d'initier des négociations, mais sous condition de prix avantageux.

- Nos domaines sont voisins et un accord durable permettrait quelques économies rien que sur l'aspect logistique. Il me faudrait évidemment prendre conseils auprès de mon intendant en charge de la gestion des besoins en matière première pour le Comté. Nous avons sans doute des ouvrages à restaurer, du matériel militaire ainsi que des outils à renouveler ce qui me porte à vous accorder tout mon intérêt en ce sens.

Une porte semblait donc entrouverte et il ne tenait qu'à la demoiselle à approfondir son offre ou laisser les détails de cette négociation pour plus tard. Elle était jugé en son domaine après tout et Charles n'avait pas d'impératif pour presser et accélérer les démarches en ce sens.

La damoiselle de Lodiaker retourna finalement le regard vers le Comte alors que ce dernier observait les beautés du Lodiaker. Et c’est devant ce paysage fleurissant, révélant sa richesse que la jeune femme avait choisi de présenter les attributs de sa seigneurie. Trop longtemps elle était resté cachée, sa patience avait finalement payé, il était temps de se relever et de dévoiler ses plans. Adélina savait se faire aimer, et elle l’utiliserait définitivement à son avantage. Qui plus est, elle n’avait pas manqué le regard du Comte lors de son arrivée. Charles semblait l’avoir détaillé comme une pièce de viande, prouvant que ce dernier était un charmeur. Mais s’étaient souvent les charmeurs les plus faibles. Ces derniers, dérangés par la beauté, pouvait rapidement perdre leur but en tête. Un allié facile à acquérir, mais aussi atrocement dangereux. Qu’es qui ne lui disait pas que ce dernier se retournerait contre elle s’il trouvait une plus belle fleur dans un jardin? Tout cela était révélateur, et aussi un fantastique exercice pour la jeune femme, confirmant qu’elle était définitivement née pour diriger.


S’armant de son plus mielleux des sourires, la jeune châtelaine fit un pas vers le Comte avant de reprendre la conversation; « Bien entendu. Je ne crois pas que tromper son allié soit nécessairement un bon signe à une relation durable. » Après tout, elle voyait la négociation comme un atout qui aiderait les deux nations, et non pas comme une façon d’embobiner le comte. Si c’était le cas, cela finirait très certainement par entacher l’un ou l’autre et ce n’était pas le but de la damoiselle. La jeune femme eut un léger sourire avant de continuer; « Odélian a des chevaux, chose qui nous seront très utiles pour transporter notre production ainsi que les travaux aux champs. Je suis certaines que nos intendants sauront trouvés un accord sur ses deux plans, un traité de commerce des plus avantageux en soi. » Elle s’arrêta un moment, observant le Comte de la tête aux pieds, avant de faire revenir son regard dans celui de son invité; « Que cela soit par des prix ou des taxes d’importation avantageuse. » Ce n’était pas un secret pour la damoiselle, le prédécesseur de ce dernier avait un contrôle très serré sur Isgaard, n’hésitant pas à taxer ce qui passait par la Sirilya pour rejoindre la mer Oliyenne. Si Adélina voulait ouvrir son commerce à d’autres régions, elle se devait de réduire les coûts de transport au minimum. « À moins, que vous ayez une meilleure idée en tête, Votre grandeur? »

La châtelaine était belle, jeune et son sourire terriblement captivant. Elle s'assumait certainement en tant que damoiselle de Lodiaker et seigneur de ce fief de la Baronnie d'Alonna. Mais elle allait devoir apprendre, comprendre et tirer des enseignements d'erreurs qu'elle commettra et en ferait, comme le faisait toute personne avec un tant soit peu d'ambition. La faiblesse de l'homme était indéniablement la femme avec ses armes plus subtiles et félines,  mais fallait-il être certain du jugement que l'on portait à un individu. Certes, un regard en disait long, mais il pouvait aussi cacher un esprit plus malin.

Charles n'avait-elle considérée comme un vulgaire morceau de viande ? Cette réponse ne pouvait se trouver que sous le confort d'une couche ou pas. Ce qui était en tout cas le moins hypothétique c'est que les deux nobles étaient sur ce balcon, devant cette vue époustouflante et qu'une amorce d'alliance semblait naître. Il semblait que la jeune femme dans les premiers exercice de sa fonction ne commette aucune maladresse. Avait-elle suffisamment préparer son sujet ? Un sourire en coin de lèvre, le Comte d'Odélian l'avisa d'un regard faussement captif, oui assurément elle avait méticuleusement préparé cette rencontre. Elle parlait bien, le regardait pour gagner son intérêt aussi trouble soit-il, et sa démarche, légère mais précise, rien ne semblait enrayer ces rouages.

Il ne s'agissait évidemment pas de cette requête sur la zone d'Isgaard  tenue par Odélian depuis des générations, s'offrant le luxe de profiter de taxe maritime bien  excessive. Non, l'officier royal trouvait même l'attitude d'Adélina bien averti, seulement.

- Votre audace vous honore, de Lourbier. J'imagine qu'en évoquant ces fameuses taxes d'importation, vous espérer qu'un tel accord s'étend là où elles font le plus recette.

Il fit quelque pas sur le coté, reprenant une légère distance, volontaire, afin de voir si la jeune femme ne se réemploi à regagner du terrain. Inclinant alors la tête sur le coté, son regard émeraude se fit de plus en plus mystérieux alors qu'il s'employa à la réplique à l'endroit de la charmante châtelaine.

- Nous pouvons en effet vous fournir en chevaux racés.

Il se façonnant une moue,  perdu dans la perplexité de la réponse a apporter.

- Nos taxes peuvent être partiellement discutées, comme les chevaux qui grâce à leur carrure pourraient tout autant remplir ses objectifs pour l'attelage comme à la trait.  Pour le reste, je crois devoir réfléchir à quelques contreparties complémentaires. Tout dépendra de votre proposition, concrète au sujet des taxes. D'ailleurs... Ne vous ai-je point demandé pour combien de jours vous m'offrez à moi et les hommes, votre hospitalité.

Et la danse continuait… dans une débandade de mots, qui tentait tant bien que mal d’endormir les pensées de la jeune damoiselle. Croyait-il réellement réussi quoique ce soit par la flatterie? Elle eut un léger sourire, amusée son regard se porta sur le sol dallé pendant une seconde avant de soutenir de nouveau celui du Comte. « Je crois qu’un concept vous échange, Votre Grandeur. Si vos taxes d’importation sont réduites, cela encourage le commerce. En encourageant ces dit commerces, cela crée de nouvelles opportunités, et permet de faire fleurir vos marchés. Alors la question est la suivante; souhaitez-vous encouragez le commerce dans votre Comté? Faisant fleurir votre patrie et vos coffres? Ou souhaitez vous cet argent seulement dans vos coffres? » Adélina eut un léger sourire, à la limite du narquois avant de faire un pas vers le Comte, plongeant son regard dans le sien; « Pour moi, le choix se fait sans hésiter, mais je suppose que tout dépend de vos priorités. » Est-ce que le Comte était-il à ce point radin? Ou était-il tout simplement incapable de voir plus loin? La dame de Lodiaker n’avait qu’une idée en tête; faire prospérer sa seigneurie et ses vassaux. Ils étaient sa priorité, tout simplement. Mais il fallait croire que certaine négociation dévoilait, sans le vouloir, le réel visage des gens. Peut-être que le nouveau Comte avait seulement peur. Après tout ce dernier n’était pas supposé de régner, et cela se voyait bien dans sa façon d’agir.


La jeune femme inclina doucement la tête, avant de replonger son regard dans celui du comte; « Mais je peux comprendre que vous ayez besoin d’y réfléchir. Après tout, vous ne désirez pas perdre cette position si durement gagnée, il est donc compréhensible d’être tendue devant telle proposition. » Une belle façon de tourner les choses, mais il fallait dire que la jeune femme n’avait guère d’espoir de compléter un marché avec le Comte. Qui plus est, elle ne lui faisait guère confiance… Il lui avait montré qu’il refusait d’avancer ses pions, refusait de montrer quelconques jeux. Une négociation se faisait à deux, et non seul et pour le moment, Charles lui montrait qu’il voulait être le seul à sortir gagnant de cette discussion, ce que la jeune femme n’appréciait guère. « Quant à la durer de votre séjour Votre Grandeur, prenez autant de temps que vous le désirez. Mais puis-je me permettre de vous dire de faire un arrêt à Alonna-trois-mûrs avant de partir. Peut-être trouverez-vous ce que vous cherchez là-bas. » La jeune femme eut un léger sourire avant de rajouter; « Si vous me le permettez, Votre Grandeur, des affaires m’attendent. Renier vous accompagnera à vos appartements. » Adélina lui fit une révérence alors que le serviteur s’approchait doucement du duo. Sans attendre quoique ce soit de la part du cygne, l’écarlate se retourna pour retourner à la grande salle. Après tout, les doléances n’attendaient pas. Surtout pour une négociation qui n’allait nulle part.