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 Fades seront les couleurs.

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T'sisra Do'ath
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MessageSujet: Fades seront les couleurs.   Fades seront les couleurs. I_icon_minitimeJeu 30 Sep 2021 - 2:10

Karfias de l'An 18:XI ~ Été
Julas de la deuxième ennéade.



Ils arpentaient les ruelles tortueuses d’une Thaar méconnue, où plutôt trop connue de ces gens à la morale souple. Trop souple. Bien loin des quartiers aguicheurs et animés d’une liesse éternelle de la cité thaarie, ici se croisaient tout autant de gens de rien, le bas peuple trimant et suant, que les mendiants et les vides-goussets à la petite ennéade. Et plus encore. Comme ces lascars qui ne l’avaient laissée ni aller ni venir sans qu’ils ne soient sur sa piste, à l’angle d’une ruelle, au coin d’un bâtiment, à l’étal jouxtant celui qu’elle observait. L’un des érudits de la Grande Bibliothèque avait eu tôt fait de prévenir les leurs lorsque cette inconnue prononça les mots « Veilleurs du Croissant », car cela n’annonçait rien de bon. Deux des leurs avaient d’ores et déjà disparus au cours des derniers jours, et ce, sans laisser de trace. Aussi, la stratégie fut révisée et changée.

Repérés, ils l’étaient sans aucun doute possible. Quant ce petit jeu du chat et de la souris qui se déroulait depuis quelques jours déjà, les trois comparses eurent tôt fait de comprendre que ni eux ni leurs anciens camarades n’eurent joué le rôle du chat. Désormais, ils l’entraînaient vers leur terrier, tout en lui laissant donner le rythme de la chasse. Ici, les mendiants leur susurraient tout, les pauvres ères étaient à leurs bottes, au cœur de ces quelques maisonnées formant ce quartier miteux. Les trois hommes se rejoignirent dans une petite cour insalubre, encadrée de quatre larges bâtiments, l'on y accédait par une ruelle si étroite qu’il fallait se contorsionner par endroit afin d’en voir le bout. Et la noirelfe s’y était engouffrée à son tour, lentement, prudemment, n’avançant qu’au rythme des battements de leurs cœurs, pour finalement se retrouver nez à nez avec une grille en fer forgé fermée à l’aide d’une chaîne cadenassée.

- Évidemment… Siffla la noiraude entre ses dents alors qu’elle serrait ses mains autour des barreaux en tentant de faire bouger la grille.

Sans perdre plus de temps, T’sisra se mit à fouiner dans cette cour où s’amoncelaient détritus et contenus puants de pots de chambres, sans doute régulièrement vidés par les quelques fenêtres parsemant les murs. Bientôt aidée d’un morceau de métal et d’une brique à moitié brisée, elle vint s’attaquer, non pas à la chaîne, mais aux gonds rouillés engoncés dans un pisé rongé par les années. En quelques minutes d’efforts peu discrets, la grille finit enfin par basculer, retenue uniquement par ce qui la tenait fermée jusqu’alors.
S’étendaient devant elle des escaliers s’enfonçant dans le noir. Gardant une main sur la poignée de sa lame qui, compte tenu de l’étroitesse du conduit ne lui servirait pas à grand-chose, son autre main caressait la paroi qu’elle suivait ainsi, presque à l’aveugle, guidée en réalité par ces hommes qui semblaient la fuir et dont elle percevait les cœurs battre la chamade.
Sinueux, tortueux, complexes étaient ces boyaux souterrains qui ne souffraient d’aucune lumière. Et bientôt son oreille fut attirée par une voix, plusieurs en vérité, cependant sonnant en une parfaite harmonie. Des chants ? Des cantiques. Dans une langue peu parlée désormais, mis à part par d’éminents érudits ou quelques personnalités soit très cultivées soit très vieilles. Du moyen-oliyan, à n’en pas douter.

À mesure qu’elle s’enfonçait dans ces galeries, les voix se faisaient plus fortes, tandis que son regard s'accrochait à un rai lumière vacillant à l’angle d’un couloir. À quelques pas seulement d'un spectacle qu’elle n’aurait pas cru si on le lui avait raconté. Devant elle s’ouvrait ce qui vraisemblablement fut une très ancienne crypte, éclairée par des dizaines de bougies, les murs peints et gravés de symboles aussi inédits qu’inconnus. Et perchés sur leurs balcons de pierres, ces hommes et ces femmes chantant leurs cantiques ancestraux, tandis qu’au fond de la pièce leurs mages tordaient dangereusement la trame pour leur rituel.
Dans son dos, le son métallique et sourd d’une grille tombant fit hérisser ses poils. De part et d’autres vint le danger, dégainant sa lame, ce fut d’une main trop sûre qu’elle infligea l’ultime blessure au premier des assaillants. Évitant de justesse la morsure froide de l'acier du hallebardier dans plongeon désespéré, elle ne put éviter la flèche tirée par un archer caché dans les ombres du fond de la pièce. Ce fut dans la douleur, que la noirelfe recula vers le centre de la crypte. Face à elle se tenaient trois hommes armés et prêts à en découdre, le quatrième ses doigts sur une corde longue et solide, derrière elle, les mages terminaient leurs offices tandis que les échos des cantiques chantés par les sectateurs redoublaient de force.

L’espace d’un très court instant, la noirelfe évaluait ses maigres options. La plus risquée, cependant probablement la plus payante revenait à interrompre le rituel et espérer ne pas être désintégrée dans la puissance incontrolée qui en serait libérée.

« Attrapez-la ! » Lança l’un des hommes au balcon. Son ordre sonna le renouveau des combats, les lames s’entrechoquèrent avec force et rapidité. Ils n’étaient que des hommes, cependant, tôt où tard ils comprendraient la faiblesse de son arme atypique, mais pour l’heure, c’est la vie de l'un des leurs qui fut prise. Le bougre vit la main de la noiraude se serrer autour de sa gorge tandis que ses yeux lui coulaient des orbites. On hurla de stupeur et la réponse fut immédiate : un nouveau trait de l’archer vint percer son armure.
Une sensation de froid intense qui ne lui était pas étrangère lui arracha un frisson, l’homme tenant les cordes profita de cet instant de faiblesse en se jetant sur elle dans un cri guerrier. L’effroi saisit la daedhelle lorsqu’elle fut plaquée par son adversaire, alors que tous deux traversaient une déchirure dans la Trame et l’espace.

Lorsque T’sisra ouvrit les yeux, elle était allongée dans une poussière cendrée. Les couleurs s’étaient éteintes, la chaleur enfuie. Tout n’était que nuance de gris clairs aux noirs les plus obscurs. Son assaillant se tenait à genoux, à ses côtés, les yeux rivés vers la silhouette qui, malgré une imposante stature, semblait émaciée et décharnée. Une parole incompréhensible fit lever les bras au sectateur et lui arracha un rire dément, alors que la créature humanoïde franchissait la faille qui, déjà, s’effondrait sur elle-même.

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MessageSujet: Re: Fades seront les couleurs.   Fades seront les couleurs. I_icon_minitimeMer 6 Oct 2021 - 19:40


Enfin dressée sur ses deux jambes, la noirelfe tirait sur les flèches lui ayant percé la peau, son regard ne quittait plus ce fou resté planté là à genoux. Elle siffla l’homme qui n’eut que le temps d’entrapercevoir que le pommeau de sa lame lui arriver droit dans l’arcade. Rage et effroi se disputaient férocement en son for intérieur, froid et faim se partageaient le reste du champ de bataille. Cependant que les souvenirs d’Almis lui revenaient en mémoire, la brève lueur d’espoir qui l’animait encore fut brusquement éteinte.

Lorsque le sectateur repris conscience, la daedhelle lui envoya sa botte droit dans la figure. Le bougre se confondit en un gémissement pitoyable, réalisant alors la présence de plaies suintantes sur son torse désormais nu, il laissa sa tête retomber mollement dans la poussière et la cendre. T’sisra tenait les flèches lui ayant percé le corps plus tôt, une dans chaque main, quant à ses blessures, elles n’étaient plus qu’un vague souvenir.

- Comment je sors d’ici ? Demanda-t-elle sèchement dans un regard empli de dédain.

L’homme se fendit d’un sourire et laissa sa joie éclater, sa pupille démente laissa entendre toute la folie lui rongeant l’esprit depuis déjà bien trop de temps. La noirelfe approcha du vilain, planta les flèches dans chacune de ses cuisses et le tira ainsi à travers la salle, lui arrachant un cri de douleur dont l’écho semblait sans fin.

- Arrête ! Arrête ! Gémit-il en se tordant comme un vers hors de la terre. C’est le maître qui en décidera !

- Celui qui est parti ? Qui est-ce ?

- Nîrthkal, Nîrthkal… Le Grand Roi, L’Impérissable, le Très Grand Roi de Sekhrikhara, l’ Édificateur de Cités, le…

- Suffit. Coupa la noiraude. Que faisait-il ici, pourquoi sortir aujourd’hui ?

- L’heure était venue. Les Veilleurs, tu les as fait renaître en prononçant leur nom impie et maudit. Notre maître patiente depuis des temps oubliés, il est le Gardien des Heures, le Guide de la Voie et…

- Fermez-la… Soupira T’sisra en s’appuyant sur l’autel de pierre à quelques pas d’elle. Dites-moi plutôt ce qu'il veut.

- Son Royaume. Son peuple. Nisétis et ses savoirs… Effacer, une fois de plus les Veilleurs du Croissant de l'Histoire. Nous sommes les dignes descendants d’une civilisation si puiss…

D’un geste de sa main, la noirelfe commanda à la gorge du pauvre hère de se serrer, encore et encore, jusqu’à que l’air ne finît par lui manquer. S’approchant de sa proie, allant jusqu’à humer la peur qui s’en dégageait, T’sisra, une fois n’était pas coutume, perdait patience.

- Alors il reviendra. Si ce n'est pour moi, au moins pour ses possessions. Conclut-elle tandis que le manque d’air plongeait l’homme dans l’inconscience.

La noirelfe laissa le bougre beau milieu de la salle, vérifia les nœuds une toute dernière fois et reprit son exploration. Au vu des escaliers dans le fond, elle devait très certainement se trouver en profondeur. Quant au reste de la pièce, elle ne pouvait qu'en être estomaquée. S’il y avait peu de mobilier, il y en avait tout de même bel et bien. Le précédent locataire des lieux n’était pas venu les mains vides, en plus d’une couche, il s’y trouvait quelques livres ainsi que des objets dont elle ignorait totalement la fonction et l’utilité. Quant aux murs, tous étaient gravés et comptaient la geste complètement fantasmée de ce fameux personnage qu’était Nîrthkal. Le nombre de titres et d’histoire surréalistes qui l’entouraient rendaient la chose si peu crédible qu’elle peinait à considérer possible la foi habitant le cœur de ses ouailles.

Le temps avait filé, filait et filerait encore. Les heures et les jours se confondaient, sa seule mesure étaient des bouquins qu’elle avait lus et relus. Des monceaux d’inepties, qu’elle comprenait grâce aux enseignements de Nakor, et qui n’avaient rien de passionnant, car tout ici ne concernait que Nîrthkal. Des mémoires si fantasques qu’elles ne pouvaient qu’avoir été inventées de toutes pièces. D’autant que certains passages étaient raturés, repensés et réécris. Celui qui s’était enfermé ici si longtemps avait construit sa légende, peaufiné chaque aspect de sa vie, codifié son propre dogme qui, dans le plan primaire, n’était aujourd’hui plus d’un legs historique. Malgré tout, il devait bien s’y trouver un fond de vérité, car les Veilleurs du Croissant y étaient mentionnés plusieurs fois. Il était ainsi raconté comment il avait réduit leur nombre à peau de chagrin et que leur héritage fut détruit par ses soins. Tout du moins l’ eut-il cru.

- Je sais que vous m’épiez. Souffla la daedhelle alors que, du bout des doigts, elle caressait une énième fois ces caractères anciens. Que diriez-vous de faire connaissance ?

- Donne-moi ton nom et je te donnerai le mien, bâtarde.

- T’sisra Do’ath, humble exploratrice sur les traces d’anciennes légendes, que vous avez eu tôt fait de considérer comme une ennemie.

- Je suis Lamek, fidèle serviteur du Premier de la Vallée de Khufih, de Celui Qui Tient Le Sceptre, du Fléau des Infidèles…

- C’est bon, coupa la noirelfe dans un sourire en coin, j’ai saisis. J’ai eu l’occasion de lire ces… Sa main quitta la paroi pour aller désigner la pile de bouquins. Histoires...

Lamek se contorsionna pour observer ses cuisses auparavant meurtries. Ses blessures n’avaient laissée aucune cicatrice.

- Pourquoi m’avoir soigné ?

T’sisra se contenta d’un haussement d’épaules en guise de réponse. S’ils furent ennemis, ici tous deux se trouvaient bien loin de leur champ de bataille. Nulle raison d’importer le conflit qui était le leur en ces terres déjà hostiles.

- Garde ta pitié, infidèle. Achève ton travail ! Finissons-en !

- Ne méprisez pas la pitié, elle est le don d’un cœur tendre. Répondit-elle simplement en s’emparant de l'un des étranges objets entreposés sur la table de pierre. Qui sont les Veilleurs du Croissant pour vous ?

L’homme fronça les sourcils, étant solidement entravé par les cordes, il ne pouvait, de toutes les manières, prétendre à rien d’autre. Il mit un certain temps avant de siffler entre ses dents : « L’ennemi. »

- Pourquoi ?

- Ils se sont opposé Suprême Guide des Mondes, ils ont contesté son pouvoir et sa loi des cycles avant nos existences. Et ils en ont payé le prix fort. Et toi, grogna-t-il subitement dans sa barbe, tu réveilles leur mémoire. Tu as tué nos frères ! Tu portes leur héritage…

- Ahen, l’interrompit-elle en dressant l’index alors qu’elle se dirigeait vers la couche, je me suis défendue, ni plus ni moins. Ensuite, il a bien fallu que je sache qui en voulait à ma vie.

Le silence retomba telle une chape de plomb dans ce monde douloureux, mettant à l’épreuve aussi bien les corps que les esprits. Ainsi la nécromancienne entreprit de fermer les yeux, épuisée depuis leur arrivée, elle n’était point parvenue à ressentir un quelconque relâchement ni même un bref apaisement.

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MessageSujet: Re: Fades seront les couleurs.   Fades seront les couleurs. I_icon_minitimeMer 6 Oct 2021 - 20:16


Le sommeil ne lui venait pas, elle n’aurait même pas pu affirmer qu’il la fuyait. En vérité, son existence même semblait être remise en cause. De tous les lieux qu’elle eut visités, jamais un endroit ne lui avait été aussi hostile rien que par sa propre sa nature et sa réalité. La faim et la soif, depuis toujours et à jamais, l’absence de chaleur laissant place à un froid mordant qui pourtant ne la faisait aucunement souffrir, l'agréable n'y était qu'un vain souvenir, là était le lot de ce monde à part. Une voix vint cependant déranger sa catatonie, des paroles qu’elle considéra de prime abord comme une nuisance.

- Par pitié, faites silence.

- Je n’ai rien dit !

La noirelfe s’assit brusquement, lâchant cet objet aux arêtes multiples qu’elle tenait depuis sa tentative échouée à dormir. Ses yeux scrutèrent les ombres diverses, les parois et même un plafond si noir qu’il ne semblait y en avoir.

- J’ai cru… J’ai dû rêver.

- Halluciner tu veux dire.

T’sisra se rallongea, tandis que son regard se perdait dans la noirceur des recoins les moins visibles de la pièce, ses doigts étreignirent à nouveau l’objet qu’elle se mit alors à tourner et retourner machinalement avant de fermer à nouveau les yeux. Ce ne fut que lorsqu’enfin elle parvint à atteindre en fois encore une forme de calme malgré son incapacité à en observer toute sa plénitude, que l’événement se produisit à nouveau. S’étant figée, la noirelfe écoutait ces mots anciens, qu’elle avait lu maintes et maintes fois et entendu de la bouche de Nakor. Profondément troublée, jamais un de ces sons avait atteint son oreille, cette voix provenait de son propre esprit, pourtant il ne s’agissait pas de la sienne.

« Zaurlat ? » Se demanda la daedhelle dans une tentative inespérée de se défaire de l’idée d’une folie naissante la guettant. « Za ash gurhszaur. » Résonne en son esprit en guise de réponse. T’sisra inspira profondément, conservant les yeux clos, elle ne put s’empêcher d’avoir une pensée pour Nakor, qu’elle remerciait du fond du cœur en son for intérieur. « Nakor. » répéta la voix quelques fois avant de faire silence.

- Celui Qui Sait… L’Archiviste.

- Qu’est-ce que tu racontes ?

- Rien.

« Archiviste. » Reprit la drow de sa voix intérieure, stupéfaite d’entendre du nisétien dans sa forme hiératique autre part que dans la bouche de Nakor. « Où es-tu ? »

« Entre les mains je repose lorsque l’esprit dispose. Telle est ma nature ainsi est ma fonction. »

La daedhelle ouvrit brusquement les yeux en se redressant sur la couche une fois encore, son regard descendit sur l’objet qu’elle tenait entre ses doigts. Elle se mit à en caresser la surface et les gravures, consciente qu’elle tenait entre ses mains un objet perdu et oublié depuis tant de siècles et de cycles que personne au monde aujourd’hui n’avait idée de son existence. Une existence qui ouvrait le champ des possibles aux théories les plus folles, dépeignait une capacité de compréhension et de maîtrise de la magie inégalée et qui ne le serait probablement jamais plus. Alors commença le bal des interrogations et des questionnements.

« Qui est Nîrthkal ? »

« Le Maître. Le Père. Le Guide. Le Créateur. »

« Est-ce ton créateur ? »

« Il est le Créateur, le Guide, le Père, le Maître. »

« Qu’est-ce que tu archives ? »

« Les savoirs du Maître. Les secrets du Père. Les visions du Guide. La connaissance du Créateur. »

La noirelfe fit le vide en elle, quelques secondes ou bien des heures, elle n’aurait su le dire, cependant bientôt les idées se bousculèrent dans sa tête. Il y avait tant de choses à découvrir, tant à savoir, peut-être même un moyen de retourner de là où elle venait, ou bien de contacter son plan originel ?

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MessageSujet: Re: Fades seront les couleurs.   Fades seront les couleurs. I_icon_minitimeMer 6 Oct 2021 - 23:23


Interrogations après interrogations, questions après questions, la noirelfe commençait à cerner le fonctionnement de cet objet aussi étrange que stupéfiant. Nulle conversation ne pouvait réellement être tenue, nulle émotion ni sentiment ne semblait s’en dégager. Derrière ces paroles, on devinait une structure presque mécanique, semblable en bien des points au contrôle qu’exercerait la noirelfe sur n’importe quel cadavre plus ou moins frais.

- Écoute-moi ! Ouvre les yeux ! Oooh !

- Quîlum ! Vociféra la noiraude en se redressant sur ce qui servait de couche. Nanulgûrz hizilat znûgum !

- Qu… L’homme, qui quelques instants auparavant se frappait la tête contre le sol, écarquilla les yeux en glissant un regard apeuré à sa compagnonne de mésaventure. Le langage ancien…

- Que voulez-vous à la fin ? À vous taper la tête contre le sol, à geindre sans jamais vous arrêter, vous me fatiguez ! Vraiment !

- Comment ?! Qui es-tu ?!

- Je vous l’ai déjà dit, Lamek.

- Impossible ! Vous connaissez le…

- Je connais beaucoup de gens, des gens savants. L’interrompit T’sisra tout en se levant pour enfin faire quelques pas vers lui. Dites-moi ce que vous voulez, je n’en peux plus de vous entendre. La folie vous ronge et à ce rythme-là elle me guette aussi !

- Je suis attaché ! Saucissonné depuis qu'on est arrivés ici ! J’ai faim et soif et mon corps souffre. Encore et encore sans que ça ne puisse s’arrêter ! Jamais ! Voilà ce que j’ai ! Coincé dans cette position depuis je ne sais quand, j’ai l’impression d’avoir vécu dix vies alors que je suis même incapable de dire depuis combien de temps je suis là !

T’sisra secoua lentement la tête et se mit à longer les murs, son regard lisait une fois de plus les inscriptions gravées. Elle avançait lentement, suivait les mots, les textes, les indications.

- Il fallait y réfléchir avant de nous envoyer ici-bas. Mais… Soit. Que voulez-vous que j’y fasse ? Si je vous détache vous allez vous en prendre à moi, je le sais. Elle tourna brusquement la tête vers lui et planta son regard dans le sien. C’est au fond de vos yeux, vous êtes déjà fou. Vous vous êtes tapé le front sur ce sol des milliers des fois. La seule chose qui vous fait tenir c’est votre fanatisme à toute épreuve, alors que vos croyances sont un monceau d’âneries, dont la suite de l’histoire fut élaborée ici. Lâcha-t-elle en désignant les bouquins empilés sur la table de pierre. Alors, admettons que vous détache, que se passera-t-il ensuite ?

Le sectateur resta interdit, son regard glissa vers le sol alors que des larmes perlaient aux coins de ses yeux. Rage et désespoir prirent son cœur en tenaille. Le maigre espoir d’un jour retrouver la lumière s’était éteint depuis longtemps déjà.

- Vous me l’avez dit des centaines de fois, je suis l’ennemie. Continuait la daedhelle qui plaquait ses mains sur l’une des larges briques du mur tout en poussant légèrement dessus. Et je vous l’ai répété encore et encore, nous le sommes peut-être, cependant ce lieu n’est pas notre champ de bataille.

T’sisra glissa l’Archiviste dans son sac, puis, penchée à la recherche d’un quelconque outil, elle n’eut d’autre choix de se rabattre sur une pierre relativement plate. Une fois insérée dans l'un des interstices, elle se mit en tête de déloger la pierre.

- Alors ne combat pas, achève-moi simplement…

- Mmh… Vous êtes définitivement devenu complètement taré mon pauvre Lamek. Et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous avons cette discussion. Seulement, vous ne vous en souvenez pas, vous oubliez, répétez, ressassez. Je pense que votre esprit n’est pas fait pour rester ici. Il s’abîme et se détériore. Ou alors… Et elle marqua un temps d'arrêt tant dans ses paroles que de son geste. Il se protège, vous coupe instinctivement des considérations temporelles qui vous dépassent. Une protection intrinsèque à votre condition humaine, je suppose. Et dans ce cas, l’espoir est permis, vous ne croyez pas ?

Lamek observa un silence des plus religieux. Il encaissait, encore une fois, le même discours. Il avait l’intime conviction, dans les tréfonds de sa conscience, d’avoir déjà entendu ces mots. Des dizaines de fois, peut-être des centaines. Pourtant, il ne pouvait y croire. L’ennemie lui mentait, le torturait, il ne pouvait s’agir d’autre chose. Son regard revint à la noirelfe qui tentait de déloger l’imposante brique du reste du mur.

- Combien de temps ? Combien de jours se sont écoulés ?

- Sérieusement ? Demanda-t-elle alors qu'un semblant de rire lui échappait tandis que la pierre murale commençait à bouger. Comment voulez-vous que je le sache ?

- Et si je jure de ne pas te faire mal ? De ne rien tenter…

- J’aimerais vous croire, Lamek. Sincèrement.

Leur discussion fut interrompue par l’écho de la brique tombant dans la poussière et la cendre. T’sisra se fendit d’un sourire en plongeant sa main dans la cavité. Les secrets de Nîrthkal ne le resteraient plus très longtemps.

- Sacré trésor de guerre. Maikran, l’épée du premier gardien. Souffla-t-elle en tirant la lame vers elle sous les yeux horrifiés du cultiste. Forgée des matériaux de…

- Du chariot de feu venu frapper les dunes.

- J’allais plutôt dire : « l’étincelle tombée de la Lune ». Mais nos versions, quand bien même différentes, semblent avoir la même source.

La daedhelle fit siffler la lame dans quelques gestes aussi prestes que précis. Les légendes du culte des Veilleurs du Croissant se vérifiaient à son plus grand bonheur. Glissant sa main dans son sac, ses doigts vinrent machinalement se refermer sur la Larme d’Iben. Par leurs ennemis, elle en apprendrait plus encore. Cependant, tôt ou tard ce Nîrthkal reviendrait et elle doutait qu’elle pût l’affronter, ni même lui tenir tête quelques maigres instants. Forte de sa trouvaille, de ces savoirs nouveaux et fatiguée de la folie du cultiste, sa décision fut prise.

- Je vais te détacher. Reprit la drow avec un regard en coin pour Lamek. Je te laisserai ici, j’espère pour toi que ton Maître viendra te chercher. Quant à moi… Je m’en vais trouver une échappatoire par un autre chemin. Je sais comment ouvrir les portes, je t’enfermerai derrière moi.

- Seul ? Me laisser seul ?!

La drow approcha de Lamek, un énième soupir échappant à ses lèvres face à la folie du bougre. Le pauvre homme n'était pas un premier de cordée, mais plus il passait du temps ici, moins ses pensées et ses désirs faisaient sens. Elle salua son prisonnier comme lors de leurs premiers échanges : d’un coup de pommeau dans le visage. En somme, de quoi lui laisser le temps de filer d’ici en toute quiétude.

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