Il aurait pu demander poliment [PV]

PandémoniumLieu du RP : Ithri'Vaan et Anaëh
Date du RP : an 18 du XIème cycle
Circonstances du RP : faudra le lire
Ambiance du RP : sans pression ni règles

Après une interminable journée caniculaire, un violent orage nocturne se déchainait sur Thaar en écrasant sous des trombes de pluie la cité portuaire. L'eau dégoulinait sur les toitures, le long des façades et dans les rues, chassant dans un torrent d'immondices les tas de détritus accumulés qui iraient nourrir les poissons ou mollusques vivant dans la baie. Aucun des rares boueux employés par les seigneurs de Thaar pour éviter que leur ville ne devienne une poubelle à ciel ouvert n'aurait réussi un tel nettoyage, les égouts eux-mêmes dégobillaient leur flot de déjections depuis les hauts quartiers jusque vers le port, au milieu d'une horde de rats gras à lard qui fuyaient leur foyer inondé. Mais il suffirait de quelques jours pour que tout ce petit monde revienne dans son antre et qu'à nouveau les déchets s'amoncellent à chaque coin de rue. Merveilleux cycle de la crasse dans laquelle se vautrait l'une des plus riches cités de Miradelphia depuis tant de siècles.

Près des docks, peu de bistrots ou de bordels demeuraient ouverts tant l'opportunité d'attirer des clients sous un tel orage semblait limitée. Toutefois un de ces cabarets dont l'enseigne représentait une aile peinte en blanc bravait les éléments et quelques marins en goguette y vidaient un dernier verre en taquinant de girondes serveuses point trop farouches, tandis que dans les caves s'échangeaient des marchandises sur la provenance desquelles mieux valait ne pas trop s'attarder. Toutefois, pour la suite de notre récit il faut rejoindre la chambre du dernier étage où l'archimage Haldren Alm'mirroanwë dormait du sommeil du juste, entouré des corps dénudés de ses concubines tandis qu'au sol reposaient les nombreux flacons de liqueurs et les potions aphrodisiaques auxquelles il recourrait de plus en plus fréquemment pour camoufler la lente diminution de ses facultés dans les jeux du lit. Dit autrement, Haldren avait parfois du mal à relever le soldat mais vu son âge nous l'en excuserons d'autant plus qu'il vaut mieux éviter de se moquer d'un drow aussi irascible qu'imprévisible.

Bref, nous nous égarons.

Se redressant brusquement, en sueur et les mains sur les tempes pour tenter en vain d'apaiser les poignards de feu qui lui perçait la tête, le drow braqua un regard hagard sur ce qui l'entourait tandis qu'une voix furieuse rugissait dans son esprit tel un flot bouillonnant.

MIENNE ! ELLE EST MIENNE !

Puis la voix disparut tout aussi brutalement qu'elle était apparut et la douleur qui l'accompagnait également. Seul le trottinement sur les lattes du plancher de quelque rongeur et la respiration lente des courtisanes troublait encore le silence. Aucun intrus ou assassin en puissance ne semblait être présent et Haldren dut bien vite convenir que lui seul avait perçu les quelques mots puisque ses compagnes de lit continuaient de dormir profondément. Se rallongeant, l'archimage tenta de comprendre ce qu'il venait de se passer mais que tirer de si peu d'éléments ? Il avait ressenti la colère, le désir, la frustration également... mais cela ne l'avançait guère. Quand à la voix elle-même, le drow ne pouvait s'empêcher de la trouver à la fois terriblement lointaine et familière, comme s'il la connaissait mais ne la reconnaissait pas, sentiment à la fois frustrant et inquiétant.

Le sommeil fut long à lui revenir.

Pendant ce temps à Thaar

La pluie torrentielle, caractéristique du climat excessif de l'Ithri'van, frappait la pierre blanche décorée du palais d'argent. Elle ruisselait sur les carreaux chamarrés, faisait des rigoles des torrents, tambourinait sur les branches, les feuilles de ses jardins suspendus, nourrissante et généreuse. Parfois, un éclair illuminait brièvement de sa lumière crue les espaces ouverts de l'opulente bâtisse, écrasant un instant de sa puissance l'éclairage chiche des braséros.

Au dernier étage, sur une mer de coussins abrités par la pierre ornée de fresques, les corps huilés se mêlaient sans qu'on puisse savoir où s'arrêtait l'un et commençait l'autre. La blancheur de l'albâtre cohabitait avec la noirceur du jais et toutes les nuances de bruns entre les deux sans qu'ici, rien de tout cela n'ait d'importance.

Une lourde odeur d'encens flottait dans la salle. Seul le tonnerre couvrait les gémissements de plaisirs des humains, des elfes et des drows qui s'étaient assemblés ici sous le signe des arts charnels. Là un elfe embrassait un sombre avec empressement, ici un couple se laissait guider par une drow au sourire plein de malice vers une débauche jusque là inconnue.

Couchée sur le dos, en travers du grand fauteuil qui surplombée l'action, Shyn'tae laissait sa tête pendre vers le bas, sa longue chevelure de neige couvrant le sol. Son bras droit pendait de même, les griffes d'argents qui recouvraient ses doigts glissaient sur le carrelage. Son corps habillé de bijoux se tendit soudain et frémit. Sa main gauche, posée sur la tête d'une fine humaine au corps huilé raffermit sa prise, l'appuyant un peu plus contre son bas ventre. Cette dernière s'affaira de plus belle à ses mystérieuses activités, tout en se frottant sur la jambe de la drow avec une frénésie renouvelée.

Les yeux mi clos, lévres béatement entrouvertes, Shyn'tae soupira, l'esprit presque entièrement tourné vers les jeux du désir: Sans nul doute pouvait-elle classer l'huile essentielle de Darnab parmi les plus belles inventions de ce monde, qui pourtant en comptait déjà un certain nombre, comme par exemples les sectes, avait-elle récemment découvert.

MIENNE! DEFIE MON POUVOIR! PAIES LE PRIX! REVIENS A MOI!

La voix résonna comme un ouragan de flammes et de cendres dévorant. Shyn'tae se cabra brusquement, les oreilles pointues tendues et vibrantes, les yeux soudain grands ouverts. Touchée par un coup de genoux malheureux, l'humaine, poussa un cri de surprise, et la drow dégringola de sa position précaire la tête la première pour atterrir sur le sol froid.

poc fit le crâne de la maitresse des lieux. Haletante, les jambes encore sur l'accoudoir, la drow serrait les dents. Son bras droit, amorphe depuis qu'une blessure à l'épaule l'avait privé de toute motricité, était agité de légers spasmes, et surtout rayonnait de la même douleur que si un joyeux farceur avait décidé de l'enterrer sous un tas de braise.

"Sauf que si c'était ca, au moins la douleur aurait déjà disparue."

Mais qu'était-ce en réalité?

La frimousse encadrée d'une épaisse toison rousse de l'humaine apparut au dessus de l'accoudoir. Ses yeux arboraient un mélange étrange d'inquiétude et du désir insatiable que l'huile de Darnab dont elle était enduite savait si bien procurer.

-Tout va bien, Ô divine Reine ?" Souffla-t-elle.
Autour d'elles, d'autres s'étaient interrompus dans leurs "méditation" et l'observaient. Shyn'tae hésita. Que s'était-il passé? Elle était la seule à avoir entendu, à avoir ressenti jusqu'au plus profond de ces os ce qui venait de se produire. La drow s'appuya de sa main valide sur le sol et se redressa avec la souplesse d'une danseuse. L'épée Eveil attaché à une chainette d'argent à sa taille fine, suivie des yeux par l'assemblée, elle ferma les yeux. La douleur s'estompait déjà.

La drow hésita un peu plus.

C'est pas sûr que ce soit LUI. D'accord. C'est vrai, qui est-ce que ca pourrait être d'autre. C'était peut-être pas pour moi. C'est probable d'ailleurs.

C'était vrai, pourquoi LUI viendrait-IL lui pourrir la vie à elle? Il y avait des milliers de drows qui se seraient tués les uns les autres (et qui le faisaient d'ailleurs) pour avoir cette chance. Shyn'tae soupira, une façon comme une autre de chasser la colère qui venait de s'accumuler en elle, et qui se révéla fort peu efficace.

Mais elle savait exactement ce qu'il fallait faire pour tout arranger.

- J'ai eu une vision! chanta-t-elle. Le tonnerre lui répondit. C'était un hasard, mais pour une fois que ce dernier n'essayait pas de la tuer, il aurait été malvenu de se plaindre.
- Donnez-moi du Darnab!

Et sur ces mots, Elle enlaça l'humaine, et l'embrassa comme s'il n'y avait plus aucun lendemain.

***
Même nuit, dans le désert.

Les lunes étaient hautes dans le ciel. C'était deux perles nacrées et délicates qui éblouissaient le velours diamanté du firmament. A l'horizon les crêtes des dunes étaient des rubans d'ébènes tandis que le sable s'était paré d'argent. La nuit était semblable aux autres nuits : froide et vivante.

Assise en tailleur, une drow priait. Elle semblait… reposée ? Paisible ? En tout cas plus sereine qu'avant. Sa concentration n'avait pas changé, elle par contre. Les yeux de grenat étaient mi-clos et regardaient, sans vraiment le voir, un tout petit buisson d'excellence. Les lèvres d'encre s'agitaient au rythme d'une prière muette.

"FAUX ! "

Le cri semblait avoir retentit dans cette immensité. Mais l'immensité n'en avait cure. Il en fallait bien plus pour l'emplir.
Instinctivement Na'ri porta ses mains à sa poitrine, cela la brulait, la piquait. Sa respiration était douloureuse comme si un poids s'était posé sur la poitrine. Elle se racla plusieurs fois la gorge en cherchant une raison. Seulement aucune ne l'a satisfaisait cédant la place à la frustration et de la colère. Mais pourquoi ? Pourquoi ?

Lentement, elle retrouvait son souffle régulier. Avait elle encore cauchemardé ? Alors qu'elle était éveillée ? Cela faisait tellement longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Et entre nous, cela ne lui avait pas manqué. Puis dans un soupire, elle reprit du début sa longue litanie.

Alors qu'elle entamait le deuxième couplet, une voix familière, venant de derrière elle retentit.

" Na'ri ! Na'ri ! Varg veut pas recracher ce qu'il a gobé ! "

Il y avait encore tant de candeur et d'innocence, qu'il fallait bien se déplacer. Tant pis pour la prière et pour ses interrogations. Une mission bien plus terre à terre l'appelait ! D'un bond, l'elfe noire était sur ses pieds et se dirigeait d'un bon pas vers ses petits. Alors que sa silhouette disparaissait derrière une dune, le buisson s'embrasa d'un éclat d'or.

...et nous avons appris de source sûre que le conseil des Princes-Marchands adoptera à la prochaine ennéade une résolution pour augmenter de cinq points les droits de douanes sur les importations péninsulaires.

Le petit groupe qui se trouvait installé dans les sous-sols de l'Aile Blanche constituait surement l'une des plus belles réunions de figures patibulaires qu'il soit possible de trouver. Contrebandiers, tueurs à gages, maquereaux, escrocs, receleurs, les principaux responsables de la bande qui utilisait l'auberge comme quartier général se trouvaient réunis pour rapporter à leur chef le bilan de l'ennéade et les informations glanées en ville qui pourraient permettre de planifier de nouveaux méfaits bien juteux. Seul le drow installé en bout de table détonnait, ses vêtements de prix et son air hautain soigneusement étudié contrastant avec le reste de cette grouillante assemblée. Tout en faisant tourner entre ses doigts effilés un bijou récupéré la nuit même chez un riche bourgeois, Haldren écoutait d'un air distrait comme si quelques autres soucis le turlupinaient.

Cela peut nous servir, la contrebande sur l'Olienne n'en sera que plus attirante. Rien d'autre ?
Euh si, il y a des troubles parmi les prêtres d'Uriz.

Dans le regard rougeoyant de l'archimage apparut brutalement une étincelle d'intérêt, contrastant avec la nonchalance dont il avait fait preuve jusque-là.

Des troubles ?
Ce n'est pas très clair, mais depuis quelques jours il semble que les offices soient le théâtre de disputes théologiques assez vigoureuses. Rien d'exceptionnel sauf qu'hier les couteaux ont été tirés et que le sang a coulé. Même les adeptes du Coléreux ne se balafrent habituellement pas entre eux, les prêtres paraissent perdre leur contrôle sur certains éléments extrémistes de leurs fidèles.

Les problèmes religieux n'intéressaient guère la pègre de Thaar car les temples ne constituaient pas de bonnes cibles pour un cambriolage. Offenser un dieu ne constituait en effet pas la meilleure façon de durer dans le domaine, et les trésors des temples se trouvaient généralement enfouis bien profondément derrière d'épaisses protections magiques. Mieux valait aller racler les coffres de quelques marchands gras à lard qui ne pourrait que pleurer sur ses richesses disparues sans menacer des foudres divines les rusés larrons l'ayant nuitamment visité. Aussi les voleurs furent-ils fort étonnés lorsqu'ils entendirent la décision de leur chef sur une affaire qui ne les concernaient à priori en rien.

Ce soir nous irons jeter un œil par nous même.

-Si c'est décidé, j'ai un autre sujet. Un idiot est venu demander de l'argent pour la protection de la boutique de Thaar."

Autour de la grande table d'obsidienne, au cœur des sous sols du palais d'argent, s'étaient réunies, comme chaque matin, les quatre femmes qui faisaient, bon gré mal gré, travaillaient à restaurer la puissance de la glorieuse demeure. Ou en tout cas de trouver les moyens de nourrir toutes ses bouches. L'endroit rappelait le Puy, il avait été à une époque pas si lointaine le siège du pouvoir de l'ex reine du Puy. Elle s'était assise sur ces sièges, elle avait depuis cet endroit décidé du destin de tant d'hommes et de femmes. En quelques instants, elle avait disparu, et seul son souvenir restait. Du moins, cela avait été le cas jusqu'à aujourd'hui.

La grande elfe s'interrompit et posa un regard sur la jeune elfe noire au regard absent qui se tenait accoudée, l'index plié sur les lévres de l'autre coté de la table. La chef des gardes du palais et Liss'na, la mysticiste mage de guerre qui accompagnait Shyn'tae depuis que personne n'avait songé à la relever de ses fonctions (1), en occupaient les deux autres.

-Tu n'écoutes pas petite chatte…" dit-l'elfe à la peau diaphane sur un ton qui parvenait à évoquer sans peine le claquement du fouet.

L'oreille droite de Shyn'tae se dressa dans sa direction, et l'instant d'après, ses yeux carmins se focalisèrent sur ceux, d'un vert éclatant, de Mililwen.

-… oh… Pardon. On ne pourrait pas juste rencontrer son chef et en profiter pour les tuer tous? Ca fait un sacrifice aux dieux. Ca a l'air bien."
-Je t'ai connue moins religieuse, glissa la garde en haussant un sourcil d'étonnement. Les oreilles de Shyn'tae s'abaissèrent sensiblement en retour.
-On peut les filer à ta copine, elle a toujours besoin de gens motivés pour ses expériences, renchérit Liss'na.
-Excellente idée. Un rendez-vous pour leur présenter nos hommages, et on fait ca dés que je suis revenue du temple d'Uriz. Ca vous va?"

Trois paires d'oreilles pointues diversement colorées se dressèrent autour de la table. Liss'na referma l'ouvrage en oubliant de noter le chapitre, et les sourcils de la chef des garde se haussèrent plus haut encore.

Mililwen fut la première à briser le silence. "C'est une très mauvaise idée petite chatte" glissa-t-elle doucement.
-je sais." balaya son vis-à-vis. "Mais j'en vois pas de meilleure."
-J'ai du manquer quelque chose." Liss'na la regardait avec curiosité.

Trois paires d'yeux s'étaient fixés sur Shyn'tae, qui, après une hésitation, se décida à satisfaire leur curiosité. "J'ai eu une vision." Le regard que lui adressèrent les trois elfes en disait long sur leur incrédulité. elle continua malgré tout.
-Non… pas une fausse. Une vraie."
-T'étais complétement torchée."
-Non, déjà j'avais juste pris de l'huile de Darnab."
-Ca change tout", répondit quelqu'un. Jamais autant d'ironie avait suinté de seulement trois mots.
-Non non non, ca n'avait rien à voir. Mon bras a bougé. Ca brûlait." Shyn'tae soupira et se garda bien de qualifier la sensation. Venant de qui elle parlait parlait, horriblement était l'évidence. "Je suis sûre que c'était Uriz… Absolument certaine." Et tout le monde autour de la table savait qu'elle avait une petite experience en la matière.

Les trois elfes se redressèrent à leur tour. Liss'na observait sa cadette plus intensément que jamais.
-Que veut-il?" demanda-t-elle finalement.
-J'en sais rien, c'est ca le problème!" Elle se retint de dire qu'elle le pensait en colère. Comme s'il pouvait-être autre chose qu'enragé? Elle avait des hypothèses pour répondre à cette question, mais aucune ne la satisfaisait. "Les prêtres auront peut-être des éléments supplémentaires"
-C'est vrai, mais l'idée est encore plus mauvaise maintenant que tu expliques, souligna la chef des gardes. "Si tu dis vrai, ils seront sur les dents."
-On pourrait faire comme si rien ne se passait, mais les choses vont juste empirer." Et c'était vrai, le chef du panthéon elfes noirs était plus du genre chien Ours que chaton distrait: Il n'avait toujours pas lâché l'Anaeh.
-C'est pas faux… Je viens avec toi." Sur ses mots laconiques, Liss'na rouvrit le roman et reprit sa lecture. "A la fin de mon chapitre."

***

-Tu promets de nous revenir, petite chatte?" Dans la grande chambre ouverte sur le ciel, Mililwen admirait sans aucune gêne la Maitresse du palais appliquer avec grande attention une peinture blanche sur sa peau nue pour y tracer une multitude de symboles faits de courbes et d'angles. A chaque instant, l'ensemble paraissait un peu plus fascinant et dérangeant. Une des naïade de la sorcière l'assistait sans mot dire. Shyn'tae n'avait pas encore trouvé mieux que quelqu'un d'autre pour dessiner dans son dos. Elle s'arrêta un instant pour tourner la page d'un des nombreux grimoires et carnets éparpillés par terre, avant de reprendre sa tâche.

-Je peux rien promettre. Tu sais quoi faire de toute façon, n'est-ce pas?"
La grande elfe haussa les épaules, sans que son regard intense ne tressaille un instant. Du point de vue de la jeune elfe noire qui lui faisait face, c'était elle la reine des lieux.

-Je… ne veux pas paraitre trop curieuse mais… Qu'allez-vous faire, ma déesse?" La voix de l'humaine était empreinte d'une inquiétude certaine. Mililwen haussa une oreille pointue, son sourire grandit, carnassier. Le visage or de la vue de l'adoratrice, Shyn'tae parvint à rougir et à baisser les yeux. Déesse… Il y en avait, elle savait, que cette appellation aurait empli de satisfaction. Elle la voyait plus comme un outil, une nécessité, une expérience gênante, un jeu légèrement humiliant que Mililwen et quelques autres la poussait à poursuivre. Cela suffisait pour rendre la chose excitante.

- Hmm… Qui cherche de l'eau, s'abreuve à la rivière." murmura-t-elle finalement d'un ton qui suggérait du mystère là où il n'y en avait aucun. Car pour elle, si le temple d'Uriz avait été une rivière, il aurait avant tout charrié des ennuis. Mais elle adorait les ennuis, lui murmura ce qui devait être sa conscience.

***

Il y avait à Thaar un grand nombre de temples dédiés aux dieux sombres, mais celui là se détachait des autres pour plusieurs raisons. Déjà, ces façades d'obsidiennes étaient sans aucune contestation possible les plus massives. Il imposait le respect. Ensuite, n'y officiait aucun prophète autoproclamé d'une foi abâtardie par les mélanges spirituels plus ou moins heureux dont les Thaari étaient friands: Financé par le Puy d'Elda, parfois originaires de celui-ci, les prêtres drows qui y résidaient étaient les fanatiques de la plus pure foi du culte sombre. Shyn'tae s'était plus d'une fois demandé combien parmi eux avaient choisi de leur plein gré d'œuvrer ici loin de la demeure ancestrale des elfes noirs. Encore une question à laquelle elle n'aurait sans aucun doute jamais de réponse.

Ses talons claquaient sur la pierre noire parfaitement polie. Sa longue cape noire refermée d'une broche en argent se soulevait amplement derrière elle à mesure qu'elle avançait d'un pas décidé dans l'édifice. Le vêtement, tout comme sa coiffure élaborée découvrait son cou gracieux et la marque au fer rouge du C'nros que L'renor y avait apposé. A deux pas derrière elle, à son coté, vêtue de l'uniforme sévère des mages de guerre, Sa longue épée de métal noir prête à l'emploi la suivait en jetant de temps à autre un regard en apparence distrait à tous ceux qui s'approchaient un peu trop prés d'elles à son goût.

Elles avaient entendu des rumeurs, des chuchotement, et parfois des cris. Elle avait vu un prophète hurler à la fin du monde jusqu'à ce que la mort le fasse taire, et assisté à plus de sacrifices que d'habitude alors même qu'elle présentait ses respects à chacun des dieux du panthéon. L'atmosphère était tendue, les novices s'affrontaient pour des prétextes sans importance, et surtout, avaient elles appris, les prêtres s'étaient réunis en conclave. Et donc c'était naturellement vers le lieu de ce panier de crabes venimeux qu'elles se dirigeaient, du moins vers le jeune prêtre drow qui en gardait la porte avec la morgue caractéristique de son espèce. Massif, tout en muscle et la tête couverte de piques de sa masse à deux mains posé sur le sol, le mâle fit penser Shyn'tae à son père un instant alors que la petite drow était forcée de lever la tête pour avoir une chance de regarder autre chose que ses pectoraux… huilés?

-Vous me connaissez. Je suis la championne de Thaar. Celle qu'Uriz lui-même a béni à Sol'dorn. Laissez-moi passer."

Le sourire du drow grandit, alors même que le regard de la sorcière, posé sur le sien, ne cillait pas. Alors, il éclata d'un rire franc. L'oreille droite de Shyn'tae fut agitée de tressaillements, signe d'agacement pour ce qu'elle s'attendait à entendre.
-Tu n'es pas une prêtresse. On raconte que tu es une lâche, une déserteuse. Que tu tu es prête à te vendre aux humains pour survivre. C'est vrai? Moi ca m'a l'air vrai."
-Les rumeurs sont largement exagérées. Elles ont aussi tendance à oublier que ma magie a vaincu non seulement un grand prêtre de Zhak'bar mais trop de traitres et d'imbéciles pour que je puisse les compter." La sorcière s'avança d'un pas, levant un peu plus la tête. Il était décidemment sacrément grand. Son talon claqua sur le sol. Assez bas pour que seul l'homme l'entende, elle poursuivit sans ciller. "J'ai autre chose à faire que d'affronter un novice en duel. Mais..." la drow inclina la tête légèrement, le regard brillant de promesses... "On peut peut-être remettre ça à plus tard ?"

Les oreillees effilées du mâle se tendirent alors que, destabilisé, il cherchait une réplique. Avant qu'il ne trouve néanmoins, la porte derrière lui s'entrouvrit, et les trois drows se tournèrent vers lui d'un seul mouvement. Il n'était pas très grand, sa peau d'un noir ébène s'étirait sur son visage et ses membres aussi secs que si un feu interieur avait brûlé toutes ses graisses. Son crâne, comme la plus grande partie de son corps étaient couverts de tatouages et de scarifications, certaines rituelles, et d'autres le fruit d'autant de victoires que d'echecs au combat. Ses yeux rouges brillaient comme des épingles enflammés sur le masque de son visage. Ils s'arrêtèrent sur Shyn'tae, qui réprima un frisson. Celui-là était bien plus dangereux que le premier.

- La championne de Thaar et sa compagne du C'nros... sont les bienvenues, pour cette fois, dit-il d'un ton égal alors que son regard paraissait chercher à percer l'âme de la sorcière.

-Oui, bien sûr... sembla s'excuser le colosse en s'inclinant profondément avant de faire un pas de coté pour les laisser passer.

Shyn'tae réprima son instinct qui lui intima soudainement la fuite. Elle avait prévu de devoir écraser quelqu'un par la force pour mériter d'entrer, certainement pas qu'on l'invite à le faire. On ne refusait pas les invitations des prêtres d'Uriz. Le coups d'oeil qu'elle jeta à Liss'na l'informa que cette dernière partageait ses inquiétudes. Un cadeau comme celui ci avait forcément une contrepartie, ce qui était était une manière élégante de qualifier un piège.

- Ce serait un honneur, répondit-elle neanmoins avant de le suivre à l'intérieur. Après tout, elles étaient venues pour cela.

Des éclats de voix les accueillir. Les prêtres et prêtresses hurlaient pour se faire entendre les uns usr les autres dans le chaos le plus total. Shyn'tae en reconnut quelques uns alors qu'elle se placait au coté de Liss'na dans un coin de la pièce à un endroit choisi specifiquement pour ses caracteristiques défensives. Elle n'était en effet pas la seule à avoir eu une vision, ce qui était rassurant. Mais ce qui l'était moins, étaient que tous n'avaient pas eu la même. Il y avait des éléments communs, mais aussi des fragments de décors, d'image, dont les descriptions firent frémir les oreilles de la championne de Thaar.

L'un affirmait avoir révé du combat de l'ancienne reine, avoir ressenti la colère lorsqu'elle aurait choisi son fils plutôt qu'Uriz. Les partisans de Krish étaient nombreux dans la pièce, et l'affaire faillit terminer en bataille rangée.

- J'ai vu les catacombes du Puy, la lumière d'un sarcophage qu'on ouvre.
- Un poignard volant!
- J'ai senti le labyrinthe, le froid gelé pendant l'éternité.

Shyn'tae déglutit et s'efforça de rester impassible, esperant que tout cela ne pouvait faire sens que pour ceux qui avaient volé le corps de Krish pour le soustraire au Puy (2). S'était probable, si on omettait de considérer qu'un prêtre venait de les faire entrer sans raison particulière. Soudain Liss'na la tira de ses reflexions en lui tapotant la taille, puis, discrétement lui indiqua l'entrée. Le prêtre qui les avaient accueilli s'y tenait, et avait fait entrer le novice à l'intellect déficiant. Ce dernier l'écouta, hocha la tête, puis se dirigea vers elles avec la démarche caractéristique du mâle qui allait tomber "par hasard" sur sa future conquête.

-La fenêtre. Derriere." murmura Shyn'tae à Liss'na, qui acquiesca, avant qu'elles ne se remettent en mouvement avec la même nonchalance que leur poursuivant, jusqu'à ce que résonne la voix forte du prêtre qui les avait fait entrer.

- Ce qui est certain, c'est qu'IL nous demande à tous... De lui ramener ce dont il a été privé! C'est ainsi qu'il choisira celui qui portera à nouveau son pouvoir! Celui qui définitivement vaincra Kehrel. J'ai vu un arbuste enflammé, brûlant dans le désert de sel."

Shyn'tae et Liss'na s'approchaient peu à peu de leur destination. Le coeur de la sorcière battait fort dans sa poitrine, la mage de guerre était aussi impavide qu'à son habitude.

- J'ai entendu des mots. Un enfant, prononcer un nom.

Les oreilles des deux comparses se tendirent dans la direction du drow. Les prêtres assemblés écoutaient avec interêt.

- Vaarg, affirma le prêtre d'une voix certaine.
- Vaarg? murmura quelqu'un, incrédule. D'autres murmures emplirent la salle. "Shu, Shu, shu" répétait interieurement Shyn'tae alors que le regard du prêtre se tournait vers elle aussi sûrement que les rayons du soleil.
- Mais qui est-ce? La voix provenait de la foule.
- Demandons à la championne de Thaar... Elle sait." Et alors, tous les regard se tournèrent vers elles.

La main sur la garde de sa lame, Liss'na s'eclaircit la voix, puis haussa les épaules. Shyn'tae fit des yeux le tour de l'assemblée, puis haussa les épaules à son tour.
- C'est une question réthorique. Demandez-lui plutôt, manifestement il sait."

Et alors, les évènements s'enchainèrent rapidement. Le colosse s'élança vers elles. La sorcière fit tomber sa cape, en dégainant sa lame aussi polie qu'un miroir, révélant son corps couvert de runes, et commenca à danser. La magie lui répondit, elle la sentit brûler au travers du réseau qu'elle avait déjà construit. La voix de Liss'na résonna dans la grande piece, forte et intense.

Le colosse passa au travers de la porte fermée. et atterrit une dizaine de metres plus loin, suivi de son imposante massue. Les prêtres se bousculèrent vers elles, le fracas des armes emplit la pièce, les fenêtres se brisèrent comme sous une charge de félin à pointes, leurs fragments volant autour des deux magiciennes comme une tornade d'éclats mortels.

Mais aussi peu préparés qu'ils peuvent l'être, la foi et le nombre permet aux fanatiques de traverser les pires épreuves. Et c'est pourquoi ni Shyn'tae, ni Liss'na ne parvinrent jusqu'à la fenêtre avant d'être submergées par la force de l'extase divine.

Quelques minutes plus tard, tuméfiées mais remarquablement vivantes, on les jeta dans deux cellules au plus profond de la demeure des dieux, en attandant qu'elles soient assez révéillées pour que les officiants de Kiel leur posent quelques questions.

(1): Elle ne faisait pas grand-chose pour que cela change : Les périodes de succession étaient des moments notoirement complexes au Puy, et Liss'na avait toujours préféré passer du bon temps plutôt qu'à mourir pour la politique. Pour l'heure, Elle bénéficiait de l'honneur de poser les jambes sur cette table en lisant le 8ieme tome des aventures scandaleusement romantiques de la princesse Adenaide dans les terres barbares de l'Ithrivaan, et cela sans que personne n'y trouve rien à redire.
(2): C'est à dire elle, Na'ri ainsi que les enfants de Krish, Elghinn et Drizz'na.

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Ven 4 Mar 2022 - 10:42

Des yeux attentifs n'avaient pas perdu la moindre miette du spectacle. Recroquevillé dans un coin sombre au pied d'une monumentale statue représentant avec un luxe morbide de détails ce que les fidèles d'Uriz devaient faire subir à leurs ennemis, un gros rat aux yeux rougeoyants fixait la scène avec intérêt. Lorsque Shyn'tae et sa comparse furent emmenées évanouies vers les profondeurs du temple, le rongeur se gratta vigoureusement les moustaches, ce qui était dans les us et coutumes de son espèce le signe d'une grande perplexité. Constatant que la salle se vidait peu à peu et que les serviteurs qui entamaient le nettoyage des dégâts risquaient de le remarquer, le rat fit demi-tour et se faufila dans le trou du mur grâce auquel il avait pu préalablement pénétrer en ces lieux. Un bâtiment aussi massif que le temple d'Uriz imposait d'épaisses fondations, mais le temps finissait toujours par élargir les fins espaces entre les pierres, espaces par lesquels la gente trotte-menu pouvait se faufiler moyennant quelques contorsions.

Un autre trou, une traversée rapide d'une salle de garde, encore un trou, un passage par un égout dégoulinant de la merde qui sortait quotidiennement par l'anus des prêtres d'Uriz au même titre que par celui de tout les autres drows, le rat finit par atterrir dans une portion plus calme du temple où se trouvaient les dortoirs et autres remises nécessaires à entreposer de quoi faire tourner le culte. Couinant pour exprimer sa satisfaction d'avoir atteint son but, il se faufila derrière une vaste tenture d'où émergea quelques instants plus tard un drow nu comme un ver mais encore recouvert des immondices préalablement accrochés à la fourrure du rongeur.

Tu étais vraiment obligé de passer par cet égout ? se plaignit mentalement l'elfe à son compère drow. Si Umbarion avait pu pincer le nez il l'aurait fait, mais le ton même de sa voix exprimait le dégout d'un être hautement raffiné face aux basses œuvres de Dame Nature. Quoi ? Tu veux dire qu'en Anaëh tu ne chiais pas ? rétorqua narquois Baenfere avec à peu près autant de maturité qu'un gosse de cinq ans. N'ayant reçu en réponse qu'un silence outragé, il entreprit de fouiller les lieux à la fois pour se nettoyer et pour trouver quoi se vêtir, sa tenue de nudiste pouvant assez aisément attirer l'attention. S'il en fut pour ses frais en matière de propreté, il trouva une tenue de garde à peu près à sa taille dont il se vêtit tout en pestant contre un entrejambe trop serré.

Il était donc dans la place. Maintenant, il fallait réfléchir à sa prochaine action, essayer d'établir une ligne de conduite et élaborer un plan, toutes activités dans lesquelles l'archimage n'excellait généralement pas. Ou plutôt si ! Haldren excellait dans l'élaboration des plans. Tout du moins jusqu'à ce qu'il se retrouve au milieu d'une catastrophe inattendue, ayant acquis par le travail cette faculté dont Shyn'tae semblait dotée naturellement.

La situation demeurait assez peu claire et la scène à laquelle il venait d'assister dans le saint des saint du temple ne l'éclairait que très partiellement. Si la présence d'Uriz dans l'histoire ne semblait faire guère de doute, les motivations du Dieu demeuraient boueuses au point que même ses fidèles n'arrivaient pas à la comprendre. Les deux jolies drows qui avaient plongé droit dans la gueule du loup pourraient peut-être lui en apprendre plus, aussi Haldren quitta-t-il sa cachette pour partir en direction des geôles où elles se trouvaient retenues. Assez étonnamment, il croisa peu de monde et crut comprendre par quelques indiscrétions à une porte que les prêtres venaient de flanquer tout le monde hors du temple le temps pour eux de clarifier leurs affaires. Tant mieux, cela permettait de supposer que la plupart des gardes seraient eux aussi au niveau des portes pour éviter toute intrusion.

Et de fait, lorsque Haldren arriva au niveau des cachots, seul un geôlier se trouvait là à s'envoyer quelque affreuse vinasse. N'ayant pas vocation à servir de prison, le temple ne disposait que de quelques cellules installée en étoile autour de la pièce principale. Trois portes ouvertes, une fermée, il ne serait guère compliqué de deviner où Shyn'tae et Liss'na avaient été jetées. Surpris de voir un autre garde le rejoindre et un peu hébété par l'alcool, le geôlier se leva tandis que son œil chassieux tentait d'accommoder l'image sur le nouveau venu.

Bonjour.

Et avec un grand sourire, le drow jeta au visage du poivrot une fine poudre qui fit brutalement éternuer le gaillard et le plia en deux avant qu'un rude coup sur la nuque ne l'envoie au pays des songes. Vite fait bien fait, les liens et les baillons ne manquant pas, le gardien eut le plaisir d'expérimenter lui-même une de ses cellules. Malheureusement, impossible de profiter du calme retrouvé pour entamer quoi que ce soit car des pas se firent bien vite entendre un peu plus loin dans les couloirs. Haldren n'eut que le temps de se verser de l'alcool dessus et de feindre d'être ivre mort sur son siège qu'un groupe de prêtres de Kiel entrèrent, vêtus de leurs tenues rituelles et amenant avec eux divers instruments qui de loin pouvaient vaguement faire penser à du matériel de forge ou à des barbecues.

De près par contre cela n'y ressemblait pas.

Mais alors pas du tout.

Le premier prêtre poussa un juron en voyant Haldren qui simulait l'endormissement. S'avança d'un pas vif, il flanqua un violent coup de pied dans la chaise et propulsa au sol son occupant qui écopa du coup de pied suivant en plein dans le bide.

Ouvres la porte, pourceau ! Nous avons à faire avec les prisonnières. Et si je te reprends à dormir pendant ta garde, je m'occuperai personnellement de toi !
Oui mon seigneur. Bien mon seigneur. A vos ordre mon seigneur.

Avec forces courbettes, Haldren alla déverouiller la lourde serrure et s'écarta pour laisser les prêtres de Kiel pénétrer dans la cellule où les attendaient Shyn'tae et Liss'na.

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Mer 9 Mar 2022 - 0:01

Le prêtre qui venait de tester la résistance des cotes de notre valeureux infiltré attendit qu'il s'exécute, alors que derrière lui, une second drow couverte de scarifications rituelles adressa un regard étonné à son condisciple.

- Pourceau? demanda-t-elle avec curiosité. Son accent du Puy était si fort qu'il était certainement des Thaari qui aurait peiné à la comprendre. "C'est bien le petit de ces bêtes étonnantes dont on tire les saucisses ?"
- Oui Prêtresse I'zzna, articula l'autre en réponse sans se départir de son air sévère.

L'autre, harnachée qu'elle était dans une tenue à l'allure aussi peu pratique que fascinante, porta un doigt couvert de bagues et de chainettes à à ses lévres sombre, l'air ailleurs. "Fascinante insulte." murmura-t-elle, le regard ailleurs.

Au plus grand plaisir apparent du prêtre sévère et l'indifférence manifeste de sa compère, la porte de la cellule grinça laborieusement et horriblement aux oreilles d'Haldren quand il la poussa. Pour ce qu'il en savait, cela aurait très bien pu avoir été fait en toute connaissance de cause: Il était de notoriété publique que les drows avaient un sens bien plus aigu du dramatique que de la praticité. Il était clair que n'importe qui de normal se serait réveillé en entendant le crissement indicible. Malheureusement, les deux drows qui étaient couchées par terre ne bougèrent pas.

Elles avaient été jetées sur la paille qui recouvrait le sol de la cellule sans le moindre ménagement, après que les disciples les avaient dépouillées de leurs armes et de leurs vêtements (1).

- La petite en premier, déclara pompeusement le prêtre. "Le regard de Kiel s'est posé sur.."
- Elle ressemble à une prêtresse d'Isten..." l'interrompit I'zzna, laquelle s'était approchée des barreaux sans que quiconque semble s'en être aperçue. Elle observait alternativement les deux corps étalé par terre avec intérêt. Ses oreilles percées de multiples anneaux duquels pendaient des chainettes d'argent s'agitèrent sous un effort de reflexion. Puis finalement, sans que le ton de sa voix ne trahisse plus qu'une constatation laconique, elle pointa un doigt en direction de Shyn'tae.

- Oh. Je me souviens. Je l'ai vu s'enlever une paire de cotes toute seule. Dommage qu'elle ne nous ai pas rejoint. On pourra peut-être en faire quelque chose de bien." Le visage de la prêtresse s'appuya entre les barreaux alors qu'elle considérait avec une tendresse maternelle sa prochaine victime. Vu le corset qu'elle portait, elle aussi avait du se priver de quelques os vaguement utiles.

- Je sais pourquoi j'ai pas reconnu tout de suite. Korak. Elle a perdu ses cicatrices." Brusquement, elle se recula, puis haussa les épaules. "c'est pas grave, on va pouvoir les refaire, en mieux."

(1): Cela avait été du moins le cas de Liss'na, de l'uniforme de laquelle les disciples avaient tiré 3 dagues, un stylet, un assortiment de couteaux de lancé, une fronde, deux couteaux de cuisine et une fourchette avant de renoncer à fouiller pour finalement conclure que la laisser nue était la seule manière d'être sûr. Le cas de Shyn'tae avait été plus simple à régler. Une fois débarrassée d'éveil, personne n'avait imaginé qu'elle aurait pu cacher quoi que ce soit de notable.

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Mar 15 Mar 2022 - 23:11

Le soldat s'approcha de la jeune drow étalée sur le ventre contre les dalles de pierres froide, et, après l'avoir poussée du pied, eut le grand regret de constater son manque de réaction. Preuve de plus, s'il en était, que les jeunes de nos jours n'étaient plus ceux qu'ils avaient été lorsque lui l'était (jeune. Il faut suivre).

Un petit coup de pied ne produisant pas plus de résultat, et les religieux paraissant s'impatienter(1), il se pencha en avant pour vérifier qu'elle n'était pas morte par mégarde, et, confronté à la présence indubitable d'un pouls, la soulever. A son grand plaisir, et comme sa carrure de crevette le laissait supposer, Shyn'tae n'était pas très lourde.

Soudain et sans prévenir, elle se tendit brusquement, et sa tête percuta son menton de plein fouet, l'étourdissant un instant. La main droite de la demoiselle se jeta sur sa lame, et lorsqu'il tenta de la retenir, elle se jeta sur son bras pour le mordre jusqu'au sang. A l'arrière plan, la prêtresse applaudit, un grand sourire aux lévres pendant que son confrère, l'expression imperturbable tapotait discrètement l'épaule d'un disciple étonné par ce qu'il voyait devant lui.

La danseuse avait enroulé une jambe autour de celle du garde et tentait manifestement de le faire tomber. Vu qu'il ne semblait pas se décider à céder, elle lui infligea un série de coup de talon aiguille particulièrement vicieux dans le tibia avant qu'il ne parvienne à la frapper suffisamment fort pour qu'elle finisse par libérer son bras de l'étau de sa mâchoire. Leurs regards se croisèrent, suffisamment longtemps pour que le mâle évoquent une impression de déjà vu à la sorcière aux lévres ensanglantées, et ce juste avant qu'il n'esquive de peu un coup de tête sous les applaudissements redoublés du (petit) public.

Le prêtre, agacé, finit par donner une claque dans l'épaule du disciple pour qu'il aille prêter assistance au drow aviné, lequel devrait sans doute s'attendre à un entretien annuel légèrement plus déplaisant qu'à l'accoutumé. Alors, se réveillant finalement, le jeune elfe noir accouru, les dizaines de couteaux, stylets et instruments tranchants, perçants et contendant accrochés partout sur sa tenu de cuire moulante tintant légèrement au moindre de ses mouvements.

On l'appelait Rilbol, ce qui, en drow, signifiait "Tout" car Rilbol avait su résoudre le problème que posait sa distraction légendaire face à la cruauté impitoyable de ses maitres en emportant toujours sur lui tout ce qui pourrait leur avérer utile. Ainsi, comme si cela était parfaitement naturel qu'il ait cela sur lui, il extrait de sa quincaillerie une paire de menotte qu'il passa au poignet de la furie.

La camarade de cette dernière avait du se réveiller partiellement car elle s'agrippa à la jambe de Rilbol, qui s'en défit d'un vigoureux coup de botte renforcée. Avec le garde, ils parvinrent finalement à maitriser et finir de menotter la drow sauvage, les bras dans le dos, et de la trainer en dehors de sa cellule qu'ils refermèrent prestement. Au fond de cette dernière, Liss'na se tenait, recroquevillée en chien de fusils et impuissante.

***

La salle de torture avait été installée non loin des cachots, au fond d'un petit couloir. Son sol, ses murs et son plafond d'obsidienne étaient couverts de gravures représentant aussi bien les exploits de la déesse que les techniques imaginatives de ses prêtres et prêtresses. Ce n'était pas la plus grande du temple, ni la plus belle, ni la mieux fournie en instruments. Ces qualificatifs étaient destinées à la grande chambre des cérémonies. Non, celle salle là était plus tournée vers le pragmatisme que le pittoresque, plus intime que grandiose. Les drows parvinrent à attacher les chevilles de leur victime à des anneaux disposés sur le sol. Libérés de la menace de ses coups de pieds vengeurs. Ce ne fut qu'une formalité, qui valut tout de même un coup de tête et un nez sanglant à Rilbol, de finir d'enchainer ses bras et de tendre le tout.

Les prêtres attendirent que le garde ait quitté la pièce pour examiner leur victime avec attention, laquelle regrettait présentement que les deux religieux ne soient pas remplacés subitement par une de ses amantes ou amant.

- Je crois qu'elle aime!" s'enthousiasma I'zzna en caressant une oreille pointue de sa base jusqu'à la pointe, laquelle frémit en retour.
- Si.. vous continuez comme ca, ce serait parfait? proposa Shyn'tae, le ton aussi dubitatif que plein d'espoir. "Je suis plutôt au point niveau douleur, alors..."
- Chhhh" glissa la prêtresse. Elle s'était approchée suffisamment pour que la sorcière sente son souffle chaud, et sa main s'était posée sur sa bouche. "Ca ne m'intéresse pas. Mais je vois d'autres usages pour sa langue." continua-t-elle, d'une manière qui fit un instant douter Shyn'tae, laquelle était en train d'imaginer une série d'usage et les classer entre les colonnes "avec plaisir" et "non merci j'ai pas envie" sans grand espoir qu'on lui fasse la joie de cocher des cases dans la première.

- Où est Varg." Lui glissa la prêtresse à l'oreille, ses lévres tout contre son lobe.
- Varg? C'était le moment de cocher mentalement une case de la deuxième colonne. La prêtresse mordit son oreille sensible, et Shyn'tae sursauta en serrant des dents. "Ca fait des mois que je n'ai pas vu ce chien débile!" C'était vrai, mais ca ne répondait en rien à la question, parce que ce n'était pas une question à laquelle la drow avait envie de répondre.

La prêtresse recula, satisfaite, avec l'attitude d'une gamine devant un beau cadeau.

- Elle ne sait rien? demanda-t-elle candidement.
- Non ? tenta Shyn'tae sans trop y croire. "...Alors je peux partir? Vous pouvez me tutoyer, pas de soucis."
- Elle ne sait rien..." Les mains jointes, la I'zzna pivoa pour jeter un oeil faussement pensif à son collègue, lequel avait observé la scène avec la rigidité d'un poteau. Il haussa un sourcil et une oreille. Elle s'amusait beaucoup.

"C'est une caricature de prêtresse de kiel cinglée. Je comprends qu'ils l'aient envoyé loin du puy dans ce temple pourri." La reflexion était apparue dans l'esprit de la sorcière, qui ne parvenait plus à s'en débarrasser.

- C'est pas grave. Elle me plaît." La prêtresse regardait sa jeune semblable dans les yeux. Une lueur cruel y régnait. "Je veux qu'elle reste ici." Un doigt d'ébène glissa sur la peau nue. "Jusqu'à ce qu'elle soit exactement comme je veux. Jusqu'à ce qu'elle comprenne à quel point elle m'aime. Jusqu'à...."
- Sans vous mentir, cette proposition c'est exactement ce qui.. heu... me fait grimper aux rideaux, mais je sens qui vous y allez un peu trop seri..Ah!" La drow s'interrompit, le corps tendu dans ses chaines, à l'agonie. La prêtresse manipulait doucement une aiguille qu'elle avait planté à la base de son cou.

- Chh. Qui l'a aussi mal élevée? C'est pas grave, je vais arranger ca on a le temps."

C'est ca. maman n'a jamais réussi, c'est pas toi qui va me changer. retorqua avec jubilation la petite voix intérieur de Shyn'tae.

- Je vais lui apprendre aussi à utiliser sa langue comme on lui demande." Elle avait repris ses caresses tendre, ne s'arrêtant parfois que pour, d'un mouvement sec et expérimenté, provoquer un hélant de douleur difficilement tolérable chez son jouet. "Ce sera bien! Et elle nous dira alors où est Varg, et tout ce qu'elle sait sur la prophétie d'Uriz."

Shyn'tae détestait les monologues maléfiques. Et elle sentait qu'elle allait devoir en subir un nombre certains.

Que Kiel me permette de traverser ca. pensa la jeune sombre avec une ironie qui ne lui échappa pas.

Au fond de la salle, Rilbol était tracassé, car il avait perdu son necessaire de crochetage, or il ne perdait jamais rien. Parfois, on disait de lui, plutôt que d'utiliser des adjectifs plus désobligeants, qu'il était perfectionniste, aussi, cette découverte le mettait particulièrement mal à l'aise. Il savait aussi que ce n'était pas le moment de déranger les prêtres, à moins d'avoir envie de rejoindre la jolie demoiselle au bras mou au milieu de la salle. Il décida donc malheureusement de régler cela tout seul, plus tard. Après tout, il était le seul à s'apercevoir de ce genre de choses.

***

Sitôt que le petit groupe, concentré sur la sorcière qui se débattait avec l'énergie du désespoir, avait disparu de la vue de la drow , recroquevillée dans sa cellule, cette dernière se détendit soudain, puis se releva en titubant, et se précipita sur la porte.

Dans la main, elle tenait l'objet qu'elle avait volé au disciple. Passant la main à l'extérieur, concentrée, Liss'na passa l'outil de crochetage dans la serrure et se mit à l'œuvre avec célérité et professionnalisme.

PNJs:

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Lun 28 Mar 2022 - 15:48

Paf le coup de boule dans la mâchoire ! La chalengeuse a entamé son second souffle grâce au soutien de la foule et applique un superbe armlock au champion ! Les prêtres sont chauds comme la braise ici au Thunderdome de Thaar, et on sent que ce match peut basculer à n'importe quel moment ! Haldren tente d'appliquer le kimura lock mais cela ne passe pas, Shyn'tae esquivant la prise grâce à un lowkick vicieux qui arrache un grognement de douleur a son adversaire. Allons-nous assister à un changement de titre ce soir ? Non ! Un nouveau challenger pénètre dans le ring pour aider le champion du monde des lourds, cela devient un handicap match ! Dommage que le double powerbomb ne soit pas effectué, mais la prisonnière se serait brisé le dos et cela pourrait nuire à la suite de l'histoire. Front headlock porté par Haldren tandis que Rilbol canarde les atemis dans les côtes ! La prisonnière encaisse et résiste mais la loi du nombre est implacable. Une tentative de jaw breaker ratée sur Rilbol, et c'est l'Attitude Ajustment porté par Haldren pour le compte de trois ! Shyn'tae, you can't see me !

Les participants quittèrent le ring (pardon, le cachot) pour regagner les coulisses (pardon, la salle de torture) où Shyn'tae se retrouva bien rapidement immobilisée par de lourdes chaines aptes à calmer son tempérament de feu que la bagarre précédente n'avait pas suffit à calmer. Haldren aurait bien apprécié de rester, à la fois pour profiter du spectacle et pour tout écouter, mais I'zzna le fit dégager manu militari tout en agrémentant son coup de pied au cul de quelques menaces mettant en exergue ses piètres talents de geôlier. Au moins ils ne m'ont pas grillé, marmonna Haldren en sortant de la salle de torture. Non c'est sur, tu as parfaitement joué le rôle du parfait incapable stupide et aviné. C'était plus vrai que nature, on sent que tu ne t'es pas beaucoup forcé, remarqua Umbarion d'un ton ouvertement narquois. Ta gueule.

Refermant la porte derrière lui, Haldren s'accroupit et tenta d'écouter aux portes. Malheureusement les salles de tortures pouvant constituer des endroits relativement bruyants de par leur nature même, les concepteurs avaient donc prévu une bonne isolation et il lui fallu littéralement se coller l'oreille au métal pour réussir à entendre (assez mal d'ailleurs) ce qu'il se passait. Fermant les yeux et se concentrant sur le dialogue entre la prisonnière et les prêtres, l'archimage passa totalement à côté de certains éléments potentiellement importants pour sa propre sécurité... comme le fait que la seconde prisonnière crochetait la serrure, ouvrait la porte, se glissait pour récupérer ses armes et s'approchait dans son dos à pas de loup.

Derrière toi ! Cette fois nulle moquerie ne perçait dans le ton de l'elfe.

Si Haldren pouvait parfois ressembler à un gros chat paresseux et mollasson, on n'appartient pas pendant près d'un millénaire à un ordre militaire d'élite sans apprendre quelques réflexes utiles face au danger. Sans réfléchir, il pivota tel un serpent et pointa son épée droit vers la sorcière qui tentait de se glisser discrètement jusqu'à lui. Les deux drows restèrent figés ainsi, en silence, conscients que le moindre bruit suspect risquait d'alerter les trois gugusses dans la salle de torture (nous omettrons de compter Shyn'tae, elle avait d'autres sujets de préoccupations plus urgents). Aussi bas que cela lui était possible, Haldren murmura :

Liss'na, si tu veux que ta copine sorte en un seul morceau de là-dedans, il faut que l'on coopère.

La logistique était un art que de nombreux commandants drows négligeaient souvent pour des raisons fort mystérieuses pour quelqu'un passionné par la comptabilité et la manutention. Au cours de sa longue carrière, Liss'na s'était plus d'une fois demandé si Kiel veillait personnellement sur ceux qui en étaient chargé, étant donné le plaisir avec laquelle ils s'acquittaient de leurs tâches sans gloire, et surtout l'incroyable reconnaissance dont ils jouissaient de la part de ceux qui en profitaient sans rien en avoir à fiche, laquelle reconnaissance prenait la forme d'un mépris insondable que seul un décès par malnutrition semblait capable d'interrompre.

Liss'na n'aimait pas la logistique, ni la manutention. C'est pour ca qu'elle n'avait guère aimé tous les efforts auxquels elle avait consenti pour habiller le type assommé dans la cellule voisine avec sa propre tenue, et le placer artistiquement à la place qu'elle aurait du occuper. Si on ne s'approchait pas trop prés, l'illusion était totale.

Certes il avait fait mine de commencer à se réveiller et elle avait du le réassommer, et peut-être avait-elle tapé un peu fort, mais l'odeur ne serait pas un problème avant plusieurs jours, et la mage de guerre ne pensait pas que l'illusion tiendrait jusque là de toute façon.

Liss'na regrettait seulement un peu de n'avoir pas trouvé quelques tenues de garde du temple supplémentaires. Qui aurait cru qu'ils n'en stockeraient pas à coté des cellules, pour le jour où un prisonnier en aurait besoin ?

Les traditions se perdaient.

C'est pour ca qu'à cet instant, elle avançait lentement, aussi silencieusement qu'un chat sauvage, sa propre ceinture de cuir et la chainette d'Eveil à la taille, son épée à deux mains en acier noir dans le dos et des dagues accrochées à un peu près tous ses membres. Habillée de sa sacoche et d'un large bracelet d'argent à l'avant bras, elle n'était plus qu'à quelques pas du garde occupé à écouter à la porte au bout du couloir, et comptait bien lui offrir un aller simple vers un monde meilleur à l'aide des deux dagues supplémentaires qu'elle tenait en mains.

Elle savait qu'elle aurait du prendre aussi un arc, ou une arbalète. Ou alors tuer quelques nains pour qu'ils veuillent bien lui prêter un de leurs joujous rigolos. Ca aurait été tellement plus simple, les gens étaient tellement distraits ici.

Un pas de plus et ce serait bon...

Soudain le mâle se retourna, son épée fendit l'air, mortelle. Liss'na, par reflexe et en silence, dansa en arrière juste assez pour que l'arme ne touche sa peau. Sa prise sur ses propres armes changea subtilement pour parer une seconde attaque qui risquerait de venir.

Shu, s'il appel....

La drow fronça les sourcils et les oreilles alors que le mâle ne semblait pas décider à accomplir l'action qu'elle s'attendait à le voir accomplir. En soit, ca ne la surprenait finalement qu'à moitié. Ce type lui disait quelque chose. Cela ne pouvait pas être une coincidence. Elle inclina la tête de coté avec curiosité, alors que l'autre ne bougeait toujours pas.

Serieusement?

Finalement, il parla en premier, à peine assez fort pour que seule elle l'entende, et Liss'na laissa ses lévres former une moue dubitative.

- Ah ben... On m'a dit qu'ils récupèrent tout un tas de trucs dont le Puy ne veut plus ici. C'est donc bien vrai!"

Haldren Baenfere avait disparu subitement des années plus tôt, laissant l'institution qu'il était censé diriger dans l'abandon le plus total. C'était une manière assez classique de procéder pour les elfes noires, aussi personne ne lui en voulait particulièrement, du moins et plus précisément, personne nui en voulait pour ca en particulier, surtout après qu'il ait contribué à passer au mixeur magique l'âme d'une fraction non négligeable de ses subordonnés.

- Garde du temple de Kiel, c'est une bonne ou une mauvaise situation? Beaucoup de rencontres? Qu'est-ce que tu fous là exactement" Elle s'arrêta et soupira, sans pour autant baisser sa garde. "Quoique... oublie... Question stupide. Toi aussi tu as des visions. Et un plan aussi? Oui je suis sûre que tu as un plan."

Pendant ce temps, Shyn'tae se faisait probablement torturer. Mais pour ce qu'elle connaissait de la sorcière, cela ne pourrait probablement pas lui faire de mal, du moins pas à très court terme, les prêtres de Kiel n'étant pas réputé pour la précipitation. A contrario, ce n'était pas tous les jours qu'on croisait un ex Ditrown Da're égaré dans un couloir. Et son plan serait sûrement amusant à entendre. C'était un peu comme ca qu'on sélectionnait les chefs, dans son pays.

L'une des premières leçons enseignée aux apprentis intégrant le C'nros était de savoir gérer la notion de priorité. Au plus fort des combats, lorsque les coups pleuvent de partout et que les sortilèges déchirent la trame même de l'espace-temps, il faut savoir réagir au quart de tour face à une situation inattendue afin de maximiser les pertes adverses et minimiser les siennes. Car comme tout bon général le sait l'important est prioritairement de massacrer l'ennemi, et si en plus on arrive à économiser ses forces alors l'on devient tout bonnement exceptionnel. D'où de nombreuses mises en situation durant lesquelles les apprentis devaient réorganiser leurs priorités immédiates, apprendre à intégrer de nouveaux facteurs dans l'équation des possibilités et surtout ne jamais perdre de vue l'importance de leur objectif. Nombre de ceux qui échouaient finissaient assez lamentablement leur existence, un renvoi du C'nros constituant alors la voie la moins douloureuse. Haldren et Liss'na, passés par cette redoutable institution, excellaient l'un et l'autre dans cette discipline et vous pouvez comptez sur eux pour réagir efficacement.

Fort logiquement donc, Haldren s'éloigna quelque peu de la porte de la cellule où Shyn'tae se faisait torturer et fit signe à Liss'na de se cacher dans un recoin, pour le cas où quelqu'un arriverait sans se faire annoncer.

Quoi ? Vous pensiez que nos deux héros allaient se ruer pour sauver la prisonnière ?

Ce serait une grossière erreur que seuls commettraient des aventuriers de niveau 1 n'ayant pas encore vaincu le donjon de Naheulbeuk. Tout d'abord, comme vous l'a fort justement fait remarquer Liss'na, les prêtres de Kiel sont d'excellents bourreaux et savent donc prendre leur temps. Abimer trop vite un supplicié constituait même pour eux une faute de goût digne du plus vif mépris de leurs pairs, ainsi donc Shyn'tae ne risquait guère de blessures permanentes à court terme. D'autre part, comme l'avait remarqué Haldren, I'zzna était du genre perverse et devait prendre son pied des sévices infligés à Shyn'tae, plaisir coupable qui diminuerait d'autant sa lucidité et ses réflexes par la suite. Enfin il ne s'agissait pas de foncer tête baissée comme un dawi ivre dans une taverne, nul ne pouvant prévoir la réaction des prêtres face à l'arrivée de la cavalerie et ni Haldren ni Liss'na ne souhaitant prendre le risque qu'ils ne tuent Shyn'tae plutôt que de la laisser retrouver sa liberté.

D'où la nécessité de s'organiser.

Ainsi fut fait, et l'ancien Triumvir put expliquer son plan subtil, intelligent, remarquable, habile, bref... Haldrenien (ca ne sonne pas super bien comme mot, non ?)... à sa comparse. Et tandis que Liss'na se glissait discrètement dans l'escalier qui remontait vers les étages supérieurs, l'archimage s'approcha de la porte de la cellule et commença à incanter. Parmi les nombreuses déclinaisons de l'art de l'immatériel, l'illusionnisme est souvent déconsidéré et vu comme de simples tours de foire à destination des badauds. Grossière erreur, car une illusion bien conçue peut obtenir autant d'effet que la réalité sans pour autant en imposer les mêmes contraintes. Autre avantage, de tels sortilèges ne demandent qu'assez peu d'énergie et sont de ce fait difficiles à repérer, ce qui constitue un atout non négligeable lorsqu'on doit le réaliser dans les tréfonds d'un temple empli de fanatiques d'Uriz.

Dans la cellule où I'zzna s'amusait tout plein, les participants à la séance purent entendre comme un brouhaha de voix lointaines, étouffés par l'épaisseur des murs et de la porte, mais dont les échos s'amplifiaient peu à peu sans réellement devenir discernable. Un brouhaha que les poètes assimileraient à celui d'un ouragan ou des flots en colère, mais soyons honnête c'était juste ceux d'une foule en colère. Histoire de faire monter la pression, Haldren ajouta à son illusion des chocs sourds comme ceux d'un bélier se fracassant sur de la maçonnerie. Puis satisfait, il tambourina comme un demeuré à la porte en hurlant d'une voix affolée.

Seigneur ! Seigneur !

La porte s'ouvrit sur le visage agacé de Rilbol.

Seigneur ! Une foule se masse aux portes du sanctuaire ! Les faux prophètes veulent brûler le temple en affirmant que cela seul empêchera la fin du monde.

Lâchant une épouvantable bordée de jurons digne des bas-fonds de Thaar et perdant un court instant son impassibilité légendaire, Korak fit signe au disciple de la suivre et fonça hors de la salle de torture, bousculant sans ménagement Haldren au passage. Si les fous furieux fanatiques qui se croyaient visités par Uriz réussissaient à endommager le temple, le prêtre risquait fort d'avoir des comptes à rendre auprès de ses supérieurs. En ces périodes troublées où nul ne comprenait plus rien aux désirs d'Uriz, guère étonnant de voir des illuminés tenter de renverser l'ordre hiérarchique établi. Confiant dans sa capacité à écraser ce soulèvement et furieux de cette interruption, Korak entama quatre à quatre la montée du sombre et étroit escalier en colimaçon en haut duquel l'attendait patiemment la sorcière.

Restait à s'occuper d'I'zzna, qui ne semblait pas vouloir s'éloigner de son nouveau jouet.

Peut-être est-ce une surprise pour certain, mais l'individu qu'on appelait Haldren Baenfere n'était pas le drow le plus fiable pour tout ce qui concernait la véracité de ses récits. Aussi, lorsqu'il avait ouvert la porte de la salle de torture, les choses ne s'étaient pas passées exactement telles qu'il l'avait décrit.

Certes, la porte s'était ouverte sur le visage de Rilbol, mais, plus qu'agacé, le disciple avait paru surtout curieux et interrogatif. Korak, quant à lui, avait lancé à notre héros un regard hésitant, héros qui d'ailleurs incarnait parfaitement à cet instant son personnage de garde aviné.

Car en toute franchise, il s'ennuyait. Izz'na était partie dans son monde, et, même s'il devait bien admettre qu'elle était étonnamment efficace dans ses méthodes peu orthodoxes, il la pensait aussi très légèrement dérangée. Et le garde à cet instant lui proposait un échappatoire sur un plateau d'argent, et ce même si la partie la plus retorse de son esprit trouvait ledit échappatoire étonnamment suspect.

Certes il y avait du bruit. Mais par les archives de Menghal, n'était ce pas exactement le boulot des dizaines de prêtres d'Uriz et de guerriers de s'occuper de ce genres de désagrément?

Mais cette suspicion elle même n'était-elle pas une distraction elle aussi bienvenue?

Derrière lui, la prisonnière gloussa bêtement avant que sa voix pâteuse ne résonne dans la sombre pièce.

- Brûler le temple? j'y crois tellement paaaas. S'pas possible!! M'enfin... même... si ca arrive tout l'temps ce genre de... heu... de truc... Comme à Sol'dorn. Uriz trouve ca.. rigolo. Je suis sûre. Il aime bien quand ca brûle. De partout. Et puis lui il laisse les prisonniers se... se.. se b.." Doucement, tout contre elle, et avec une tendresse évidente, la prêtresse caressait ses cheveux. Mais ce n'était pas cela qui l'avait interrompu, mais plutôt le fait incontestable que son corps s'était soudain tendu comme un arc jusqu'à ses extrémité, ses lévres saisies de spasmes à peine visibles, ses yeux grands ouverts, pupilles dilatées dans une expression qui évoquait plus le supplice le plus abject que l'extase.

- Elle parle beaucoup mais ne crie même pas..." murmura tendrement la prêtresse sans cesser d'une main ses caresses, et de l'autre à manipuler une fine aiguille plantée aussi stratégiquement que profondément dans le dos de son nouveau jouet. Cela faisait des siècles qu'Izz'na perfectionnait son art, inlassablement, douze heures par jours, et sans n'avoir jamais pris ses congés. Forcément, une telle dévotion à son art devait immanquablement laisser des traces. Mais ceci est de l'ordre de la discrétion, car, l'instant d'après, elle obtenait avec un fort acceptable gémissement de la part de la sorcière, et en rit avec une satisfaction enfantine manifeste. Elles commençaient toutes deux à se connaitre!

Korak se détourna de la scène, maintenant entièrement convaincu de ne rien vouloir voi des choses dégoutantes qui allaient se produire ici, et s'enfuit vers la delicieuse promesse de violence avec son apprenti.

Apparemment oublié de tous, Haldren put s'en peine s'approcher du charmant couple. Shyn'tae s'était entre temps détendue dans ses chaine, et, haletante, était occupée à retrouver son souffle, sa peau d'ébène couverte de sueur. Tout contre Izz'na la soutenait dans cette dure épreuve, la caressant affectueusement d'une main et rangeant le flacon de drogue qu'elle venait de lui injecter de l'autre.

- Maintenant qu'on est seule... je comprend qu'elle ne veut pas parler du chien…" la sorcière, son expression complétement perdue, secoua la tête.
- noon...chien... debile...
- sssh... petite chose a raison. Mais elle es perdue. elle ne parlera pas du chien si elle n'a pas envie, d'accord? je m'occupe de toi.

Haldren put s'approcher un peu plus, pas à pas, pendant que la maléfique créature à la voix enjôleuse était occupée à câliner sa proie.

- c'est agréable... ca plait à petite chose? " continua la prêtresse en flattant l'oreille frétillante de la drow qui opina vaguement, un filet de bave aux lévres.
- il suffit d'écouter ma voix.
Il était si prés, son arme prête à frapper. Shyn'tae l'avait probablement vu, mais soit l'elfe noire planait trop pour s'en rendre compte, soit elle faisait fort bien semblant. Ou peut-être était-elle concentrée sur ces lévres qui s'approchaient dangereusement des siennes.(1)
- c'est agréable d'écouter ma voix. Je suis là pour aider cette petite chose..." Shyn'tae émit ce qui aurait pu être un oui ou un non, mais ressemblait surtout à un miaulement.

Haldren allait pouvoir frapper tel un nain ninja invisible. Quelques secondes de plus et le couteau aiguisé qu'il serrait allait accomplir ce pour quoi il avait été conçu.

La porte s'ouvrit à la fois brusquement et dans un grincement à réveiller un mort, pour laisser paraitre la silhouette inimitable de Rilbol.

- Excusez-moi, Je retrouve plus mon couteau multifonc..." commença-t-il, gêné, avant de s'interrompre.

Izz'na s'était retourné, les yeux passant du couteau au visage d'Haldren.

- oooooh un triumvir...zut... il va vous tuer... j'pense. A cause du couteau. marmonna Shyn'tae en gloussant bêtement.

Ribdol, d'un geste dramatique, tira un lacet, et soudain la lueur des torches dévoilèrent toutes les lames, disposées partout sur sa tenue de cuir sombre comme l'abysse. Il tendit les bras, et, en un éclair, celles intégrées à ses gardes bras se déployèrent, redoutables. Il sourit à l'ancien Triumvir, sa mèche dansa, soulevée par courant d'air venu de nul part. Alors, il s'élança, redoutable comme l'abysse, vif comme la nuit.

Il avait fait deux mètres lorsque l'épée à deux main de Liss'na entra en collision directe avec sa nuque après qu'elle ait franchit la porte derrière lui en tournoyant.(2) Shyn'tae à défaut d'applaudir (elle avait les mains prises) gloussa niaisement.

Izz'na, quant à elle, avait sorti de nulle part une dague crénelée couvert d'Ichor dont la couleur verte nauséabonde luisait dans l'obscurité, et comptait manifestement s'en servir contre notre valeureux héros.

(1) Pour ceux qui la connaissaient bien, cette hypothèse aurait été parfaitement crédible.
(2) Liss'na disait parfois qu'entre les bonnes mains, tout peu faire office d'arme de jet.

Sachez qu'Haldren est une source d'une fiabilité absolue. Certains esprits chafouins m'opposeront son amour immodéré des théories du complot ou des vérités dites "alternatives", mais ces arguments demeurent bien faibles et proviennent surement d'une nomenklatura que la vague révolutionnaire balayera lorsque l'Ithri'Vaan tombera enfin comme un fruit trop mûr entre les mains effilées de l'archimage. Make IV Great Again ! Mais bon, globalement on a pigé le topo : deux gusses qui se taillent les croupières, la perverse qui continue à jouer, l'intervention de Liss'na en mode lanceuse d'épée, bref le plan finement préparé ne se déroulait pas totalement comme prévu. Rien d'étonnant jusque là, et Haldren n'en aurait pas fait tout un drame s'il ne s'était pas retrouvé face à une prêtresse le menaçant avec une dague recouverte d'un liquide suintant à l'origine douteuse mais dont on pouvait sans trop s'avancer deviner qu'il ne servait pas en pâtisserie. Ou alors dans des pâtisseries destinées à un usage très spécifique, dignes héritières du pudding à l'arsenic.

Pendant tout ce paragraphe, Haldren et Izz'na étaient demeurés l'un face à l'autre de manière assez niaise, vaguement conscient que la démolition forcenée du quatrième mur les obligeait à la patience. Le narrateur ayant fini de divaguer sur des sujets sans grand intérêt, revenons donc à l'action. Vas-y coco, on filme ! Poussant un cri où se mêlait rage et jouissance, la prêtresse se jeta en avant avec l'intention bien affichée de plantée sa lame dans son adversaire. Si nous en avions le temps, il serait possible d'analyser la représentation phallique que constitue la lame et le renversement des valeurs ainsi proposée, mais même Shyn'tae commence à me faire remarquer que cela n'a guère d'intérêt. Donc restons simple : Izz'na fonce lame en avant et réussit son jet d'attaque.

Haldren de son côté avait manqué un peu de réactivité jusque-là, mais ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait ainsi dans une situation de conflit en espace restreint. Si la plupart des magiciens dominent à distance, le manuel du parfait aventurier indique que les prendre au contact permet une victoire rapide puisqu'il s'agit de personnages aux capacités physiques moindres, dont l'armure et l'esquive ne peuvent en aucun cas égaler celles d'un guerrier bien entrainé. Toutefois, cette faiblesse est parfois moins réelle que supposée, lesdits magiciens étant bien conscients de leurs lacunes et ayant développé des techniques spécifiques pour s'en sortir. Ainsi en était-il d'Haldren, qui ne fut donc pas pris en défaut. Comment esquiver une attaque au contact ? La première idée serait d'esquiver par un mouvement de décalage permettant que l'adversaire soit entrainé par son élan. La difficulté immédiatement visible de cette approche vient de la vitesse musculaire nécessaire pour la réussir... si tant est-ce que ce soit les muscles qui doivent assurer l'esquive, or tel ne fut pas le cas.

Alors que la lame arrivait à toute allure, le corps de l'archimage se dématérialisa dans les Ombres, chaque cellule de son être cessant d'exister sur Miradelphia pour se retrouver dans ce lieu étrange, écho d'une ancienne réalité détruite par un cataclysme dont nulle mémoire n'a gardé trace. Surprise, Izz'na ne put arrêter son geste et s'effondra en avant, aucun corps moelleux et huilé ne venant opposer résistance à l'attaque dans laquelle elle avait mis toute son énergie. Le gloussement volailler de Shyn'tae en voyant sa tortionnaire se gaufrer brutalement au sol lui aurait surement valu une double dose de torture si Izz'na avait pu lui remettre la main dessus.

Ce qui ne fut heureusement pas le cas. Se rematérialisant avant que la prêtresse n'ait le temps de se relever, Haldren lui flanqua un violent coup sur la tempe avec le pommeau de son épée. Pourquoi ne pas la tuer sur le coup, me direz-vous ? Outre l'intérêt pour un spécimen aussi remarquable du clergé déjà par nature assez original de Kiel, l'ancien Triumvir se souvenait manquer d'informations et n'en avoir guère récolté jusque là. Ribdol semblait désormais assez mal placé pour en fournir, nous pouvons supposer que Korak a également rencontré de léger problèmes vitaux, il ne restait donc que la perverse (oui il en faut au moins une dans chaque groupe drow, c'est imposé par les MJs) pour en apprendre plus sur ce que savaient les prêtres du sujet qui nous intéressait à la base. VOus vous rappelez ? Uriz ? Rêves ? Colère ?

La victoire était totale, magnifique, sublime, bien que le plan initial ait en bonne partie foiré.

Détaches Shyn'tae, et on se casse.

Tandis que Liss'na allait s'occuper de son amie, Haldren entreprit de bâillonner et de fermement garroter une Izz'na assommée dont la moue boudeuse annonçait déjà un réveil râleur.

On l'emmène avec nous.

Liss'na aurait aimé dire que techniquement, sa supérieur hiérarchique était la jeune drow présentement enchainée à la structure d'acier noir gravées de milles terribles scénettes, et ornée d'autant de piques. Mais en réalité le statut hiérarchique de Shyn'tae avait été toujours compliqué, maintenant plus qu'avant. Au final, elle la suivait avant tout car l'expérience en valait la peine, et parce que l'apprentie de L'Renor s'était révélée étonnamment peu encline à poignarder ses alliés dans le dos juste parce qu'elle en trouvait l'occasion. Pour quelqu'un comme Liss'na, c'était reposant, presqu'autant que la propension de sa cadette à attirer sur elles les pires ennuis, qui à la fois suscitait la fascination de son ainée, et semblait faire office de paratonnerre. Elle avait longuement réfléchi aux raison qui la poussait à rester aux cotés de Shyn'tae, et était arrivé à la conclusion que si toutes les raisons précédentes étaient vraies, cette histoire était aussi devenue en quelque sorte une expérience: A observer les choses se dérouler, on ne s'ennuyait jamais et on était toujours surpris.

Mais la présence d'Haldren, changeait les choses. Non pas parce que c'était un ex triumvir & ditrown dare en burnout disparu comme il en existait sans aucun doute quelques uns, mais parce que la différence principale entre Haldren et Shyn'tae était, de par son expérience, que lorsque la seconde parvenait à attirer les ennuis avec un talent rare, le premier les attirait sur ceux qui l'entouraient lui. Liss'na se souvenait toujours avec un respect certain comment un de ses dernier fait d'arme s'était conclu par la disparition prématurée de tant de ses semblables, lorsqu'un sortilège de l'archimage leur avait brutalement subtilisé leur âme.
Quoiqu'il en était, Liss'na était déjà fascinée par le potentiel d'avoir ces deux là dans la même pièce.

Prestement, après avoir essuyé sa lame massive et l'avoir rengainée elle se dirigea vers la demoiselle, une dague du défunt drow à la main.

*clac*
D'une torsion du poignet, elle fit sauter un anneau de la chaine qui retenait son bras droit, lequel, aussi peu vivace que d'habitude, tomba aussitôt.

-C'est vraiment bien.. D'être venue. C'est Haldren Baen machin, il était triumvir, il s'est barré. Et là il revient. Incroyable. La prêtresse, elle est super kinky… faut la tuer tout de suite, elle fait trop envie c'est dangereux… encore plus exci…

*clac*

Liss'na venait de briser la chaine de son bras gauche, et vu qu'elle n'avait pas commencé par les chevilles, Shyn'tae venait de tomber par terre.

- c'est pas drôle… enfin si un peu d'accord c'est drôle. La demoiselle ne put s'empêcher de glousser sur le sol, alors que sa camarade, à genoux, finissait de briser les chaines accrochées à ses chevilles. Dans son état présent, elle savait apprécier l'humour drow.

-Tu peux te lever? Le regard que lui lançait Liss'na était dubitatif. "Ca a l'air costaud son truc." continua-t-elle en pointant la prêtresse du doigt.

- Bien sûr… Oh… il y a aussi des gravures par terre. Elles sont magnifiques… Pourquoi nous.. Les drows…on peut être aussi talentueux et aussi débiles à la fois!

Haldren ne pouvait pas s'empêcher de se demander si tenter de fuir un temple d'Uriz avec une prêtresse de Kiel à moitié tarée sur l'épaule se trouvait être une bonne idée. Encore heureux qu'Izz'na n'ait pas été un gros modèle dans le genre, et que l'archimage l'avait délesté de tout poids superflu au préalable (à poil, quoi), mais même ainsi il grinçait des dents sous l'effort tout en refusant obstinément d'admettre qu'il agissait surtout ainsi pour emmerder Shyn'tae. Ne voyez nulle méchanceté gratuite dans cet acte envers sa collègue d'aventure, simplement une logique froide et calculatrice de la part d'un esprit cartésien rigoureusement persuadé de sa démonstration. D'ailleurs, pour persuader les sceptiques de l'assistance, là voici :

Appelons Shyn'tae A, et plaçons là au point de coordonnées (x,y), formant ainsi le système (A,x,y).

Appelons n'importe quel emmerde B et admettons que l'évènement se produira en (B,z,u).

Alors le cinquième théorème de Varg le baveux affirme que (B,z,u) tend vers (A,x,y) selon une exponentielle décroissante.

Autrement dit : Shyn'tae attire les emmerdes comme un paratonnerre attire la foudre.

Un corollaire intéressant apparait si nous appliquons à cette démonstration le deuxième axiome de Dun Eyr le libidineux, qui affirme qu'une quantité d'emmerdes en un point donné de l'espace possède une asymptote constante dont la dérivée est nulle.

Ou plus clairement, si f(B) désigne la quantité d'emmerdes, alors f'(B)=0

Bref, résumons ! (A,x,y) - f(B) < 0

B étant un entier fini, si vous placez Shyn'tae dans une position suffisamment déplaisante, vous êtes à l'abri d'apparition de tout nouvel incident inattendu. De par sa rigueur mathématique, Haldren pouvait espérer que la présence d'Izz'na permettrait d'atteindre l'asymptote de l'emmerde et donc de leur garantir une sortie plus apaisée que le reste de leur aventure. Assez fier de lui, il reprit donc le chemin du petit escalier en colimaçon par où ils étaient arrivés tandis que Liss'na soutenait Shyn'tae qui allait avoir besoin d'un peu de temps pour reprendre véritablement ses esprits. Le petit groupe n'étant guère en mesure de réaliser un marathon, ils décidèrent d'un commun accord de passer aux écuries pour... emprunter... des chevaux.

Assez étonnamment mais cela pourrait confirmer la validité des calculs d'Haldren, ils ne rencontrèrent personne jusqu'aux écuries, le temple paraissant quasiment vidé de ses occupants même si un brouhaha lointain laissait à penser que des discussions animées continuaient à d'autres endroits du bâtiment. Ou peut-être était-ce l'heure de l'office du sacrifice journalier ? Dans tout les cas, notre fine équipe ne manqua pas l'occasion d'en profiter et fit main basse sur quatre montures qui attendaient tranquillement en mâchonnant de l'avoine. Shyn'tae se trouvant toujours à moitié groggy, ils lui enfilèrent une corde autour de la taille reliée au pommeau de sa selle pour lui éviter de valdinguer dans les airs à la première ruade. Quand à Izz'na, elle eut droit à la fameuse méthode dite du sac de patates, c'est à dire flanquée en travers sans ménagement.

Vous sentez que tout se passe trop bien, là ? Vous le voyez venir, le jet de dé d'échec critique avec malus du MJ pour bien saler la situation ? Eh bien vous êtes perspicaces.

Korak et une troupe de gardes apparurent au détour du couloir. Le prêtre boitait, soufflait comme une forge et semblait en assez mauvais état, sa tunique sanglante laissant deviner les stigmates de sa rencontre avec la sorcière. Mais un prêtre de Kiel n'est pas un adversaire comme les autres et leur capacité à encaisser des dégâts à priori mortels pouvait même en faire des tanks potables en l'absence d'autres personnages de ce type. Cela n'empêcha pas Haldren de pester vulgairement face à ce coup du sort au moment même où leur exfiltration allait aboutir.

Arrêtez-les !
Merde Liss'na, tu pouvais pas le zigouiller pour de bon celui-là ? Il avait une armure en scénarium ou quoi ?

Pestant, l'archimage sauta en selle et talonna des deux sa monture tout en tenant la longe qui la reliait à la monture d'Izz'na. Liss'na fit de même avec la monture de Shyn'tae et au moment où la petite troupe passait de l'ombre de l'écurie à la lumière du dehors, Haldren lança derrière eux une boule de feu bien sentie, moins dans l'espoir de les blesser (les soldats du temple d'Uriz n'ont pas peur de la chaleur) qu'afin d'affoler les autres chevaux et d'empêcher une poursuite immédiate. Cela leur donnait... quoi ? Cinq minutes d'avances sur leurs poursuivants à tout prendre. Suffisant dans bien des cas, mais assez limité face à des fanatiques enragés par la violation de leur sanctuaire.

Après avoir été la proie d'une logorrhée verbale en apparence impossible à interrompre, Shyn'tae s'était fort heureusement rapidement tue. Fort heureusement, car sinon l'évasion discrète de notre quatuor et de leur invitée surprise aurait été rendu sans aucun doute bien plus difficile qu'elle ne l'était déjà. Pourtant, les choses avaient mal démarré. La seule manière de la faire taire un instant avait été de la relever vigoureusement, et sitôt la sorcière debout et titubante, elle s'était remise à discourir.

- C'est… une sacré drogue… super utiile… doit avoir sa magie… dedans. Hmm.. Vie? Naaaan…. C'est de l'esprit… c'est sûr. Avec de la drogue. Il y a du talent. Je respecte! Et puis c'est sexy. Hmm… Je l'ai déjà dit. Je devrais pas. Mais cest vrai.
-Tu ne peux vraiment pas te taire ? Tu vas te ridiculiser si les gens te voient comme ca." avait tenté Liss'na, car chez les drows, la fierté et la peur du ridicule étaient des leviers qui les rendaient capable de soulever des montagnes juste avant de les faire retomber violemment sur eux.
-Mais suis toujours ridicule! Dis pas le contraire, c'est vrai! Même quand je gagne les jeux de Thaar, je ressemble à rien! En plus tous ces débiles pensent que je suis une traitresse, et de toute façon ca sort tout seul! C'est comme si toi tu ne pouvais pas t'empêcher de parler de ces livres Péninsulaires que tu lis tout le temps, les heu… Ah oui! les aventures d'Athenai… Subitement les oreilles de Liss'na s'étaient abaissées, et, sans un regard sur l'ex dirigeant du Puy d'Elda qui les écoutait sans doute, elle avait pris les choses en main et bâillonné puis attaché sa cadette avec une impressionnante efficacité, avant de la charger sur son épaule.

-C'est plus simple comme ca, elle.. Hem. Elle n'est plus cohérente, ca pourrait clairement mettre en danger la mission," avait opiné Liss'na avec conviction en direction d'Haldren alors que Shyn'tae grognait sous son bâillon, ses oreilles si expressives parvenant sans peine à laisser paraitre son scepticisme.

Et c'était ainsi qu'Haldren et Liss'na, chacun une petite drow saucissonnée et dénudée sur l'épaule, avaient entamé leur évasion. Cette dernière s'était plutôt bien passée. Car si partout ailleurs pareille procession aurait sans aucun doute attiré l'attention, ici, au cœur du temple dédié aux dieux sombres du panthéon le plus maléfique de Miradelphia, aucun membre du clergé sombre n'aurait vu quoi que ce soit d'inhabituel à leur audacieux artifice.

Non, le danger ne devint réel qu'arrivé à l'écurie, car si on s'attendait ici sans peine à voir de futurs sacrifices être portés jusqu'à l'autel adéquat, il était par contre beaucoup plus difficile d'expliquer pourquoi on voudrait les installer sur des chevaux. Le personnel de l'écurie lui-même ne s'était guère opposé aux deux héros, vite convaincus par leurs arguments contendants. Ils gisaient maintenant dans un tas de paille dans le coin le plus sombre du bâtiment.
Liss'na et Haldren avaient rapidement chargé les deux poids morts sur une monture, et première était en train de les y attacher (1) lorsque Shyn'tae se mit à grogner en pointant de la tête, le couloir qui menait au temple.

Korak s'y tenait, accompagné, et il n'avait pas l'air très content.

-Oh shu…" réagit la mage de guerre, dépitée et un peu honteuse d'être ainsi grondée par le beau ex triumvir. "J'ai frappé répétitivement sa tête contre un mur jusqu'à ce que ca craque, puis fait tombé dans un trou sans fond. Habituellement ca les retient un peu plus longtemps…"

Sans attendre un instant de plus, elle bondit sur son cheval, et s'élança en entrainant derrière elle le cheval des deux handicapées. Les prêtres commencèrent à incanter pour les arrêter. Elle, parfaitement rodée par des siècles d'entrainement, de combat et à supporter d'autres mages elfes noires, se mit à chanter, prête à tordre la magie à son avantage.

C'est à peine quelques secondes après cela que les évènements s'accélérèrent rapidement. Prenons donc un instant pour souligner un point important de cette histoire: Jusqu'à présent, les remarques et précisions qui y avaient été apporté avaient principalement été consacrées à Shyn'tae.

C'est injuste, car Haldren n'est pas un personnage moins cataclysmique que cette dernière, comme les évènements qui vont suivre le démontreront sans peine. Car si on pourrait démontrer que la jeune sorcière n'est pas la plus chanceuse des drows, on peut aisément faire remarquer qu'Haldren sait, quand à lui, tirer le meilleur parti des évènements les plus anodins pour en faire des catastrophes aux dimensions insoupçonnables.

Serait-il même possible qu'Haldren ait mis l'accent sur les capacités de catastrophogênese de sa jeune camarade pour mieux passer sous silence les siennes? Cela, c'est à vous, lecteur, d'en juger.

L'archimage, lancé au galop, concentra la magie en une charmante boule de feu à destination de leurs poursuivants. La magie de la Maitre mysticiste qu'était Liss'na amplifia la boule de feu, car de l'avis de cette dernière, plus, c'était souvent mieux. Maies les fuyards ignoraient plusieurs choses.

Tout d'abord, en raison de prochaines festivités en l'honneur d'Uriz, le temple venait de recevoir, et était en train de stocker, une assez imposante quantité d'huile et de substances incendiaires. A l'impact de la boule de feu, les substance en question se vaporisèrent, dans l'atmosphère, avant d'exploser à leur tour, interrompant les sorts offensifs que les prêtres s'apprêtaient à infliger aux fuyards. La magie incontrôlée explosa à son tour, faisant s'effondrer une salle dans laquelle un important rituel de réanimation nécromantique avait lieu, provoquant à son tour une réaction en chaine incontrôlée, qui propagea l'incendie au reste des réserves du temple et à une file de charrettes pleines d'alcool fort garées à proximité, dont les explosions successives projetèrent des fragments incendiaires dans tout le quartier.

Quelques centaines de mètres plus loin, les drows s'étaient arrêtés et regardaient les massives boules de feu s'élever l'une après l'autre dans le ciel nocturne.

-Pffiou. Je ne m'attendais pas à ça. Je ne pense pas qu'ils vont nous suivre tout de suite."
- HMMMMMM! répondit Shyn'tae, les oreilles frémissantes de ce qui ne pouvait être que de la désapprobation.

(1): La première étant assommée, et la deuxième ayant démontré par le passé qu'elle n'était pas la plus talentueuse à rester coute que coute sur un cheval.

Les quatre cavaliers avaient mis pied à terre et s'étaient assis au sommet d'une petite butte coiffée d'un massif d'arbrisseaux rabougris. Enfin disons que deux d'entre eux avaient mis pied à terre, et que les deux autres avaient subi le rude traitement dit du "déchargement des sacs de patates" cher aux dockers de Thaar. De là, ils dominaient parfaitement la scène d'apocalypse qui se déroulait sous leurs yeux au milieu du fracas des explosions et des hurlements d'horreur de ceux bloqués dans les ruines fumantes du temple. Les boules de feu jaillissant du brasier avaient même déclenché des incendies plus loin en ville, comme si un Dieu taquin souhaitait ajouter encore plus de chaos. En matière de cataclysme involontaire provoqué par l'échec de ses plans géniaux, Haldren estimait que celui-ci se classait probablement en dix-septième position ; tout en se réservant le droit de lui faire dépasser son prédécesseur au classement (il s'agissait du week-end d'intégration des nouveaux du C'nros de l'an 913) si jamais l'incendie atteignait un stade suffisamment large pour brûler plusieurs quartiers de Thaar.

C'est beau, commenta Haldren. Ca me donne presque envie d'écrire un poème.
HMMMMMMMM ! exprima Shyntae.
HMMMMMMMM ! confirma I'zzna, qui gagna à cette occasion une couleur de paroles et le statut de personnage secondaire du récit.

Nous ne saurons pas si les deux bâillonnées exprimaient de l'indignation face au spectacle du temple d'Uriz en train de flamber ou de crainte de subir les versifications de l'ancien Triumvir. Fondamentalement, les deux options sont toutes aussi traumatisantes l'une que l'autre.

En tout cas, Liss'na disait vrai en affirmant avec aplomb qu'aucune poursuite ne risquait d'avoir lieu dans l'immédiat. Par contre un vague risque existait que dès le lendemain des groupes de fanatiques armés jusqu'aux dents et furieux face à cet outrage ne se mettent en quête des profanateurs pour leur expliquer par le menu l'importance de leur mécontentement, avec force objets tranchants à l'appui. Se retrouver pourchassé par des adeptes enragés du Coléreux n'est pas la situation la plus agréable qui soit, mais avec un peu de chances il y aurait tellement peu de survivants qu'aucune description précise ne pourrait être donnée, à moins que l'armure en scénarium de Korak ne serve une seconde fois.

Pardon ?

Hein ?

Oh ca va, je vous vois venir avec vos chouinements "oui mais c'est trop facile, tu vas encore faire survivre Korak pour que ce soit un antagoniste récurrent du rp, gna gna gna".

Toutes les grandes franchises ont fait de même ! Du professeur Moriarty à l'empereur Palpatine, les méchants survivent toujours grâce à des acrobaties scénaristiques plus ou moins bien menées.

Et puis c'est ça où je vous créé un Snoke prêtre d'Uriz ! Alors bouclez-là !

J'en étais où ?

Ah oui...

Tandis qu'au loin le spectacle pyrotechnique continuait, Haldren se tourna vers la seule personne du groupe n'étant pas ficelée et bâillonnée, ce qui donc constituait statistiquement la partie pouvant le plus efficacement répondre à un dialogue ou éclairer sa lanterne. Après tout, toute cette catastrophe au niveau du temple provenait d'une raison bien précise qu'il fallait découvrir.

Bien. Liss'na, il faut qu'on parle. Qu'est-ce que vous fichiez dans ce nid de serpents ?

Un silence.

Pour preuve de ma bonne volonté, je vais te dire ce que j'y faisais. Depuis plusieurs nuits je suis réveillé par des hurlements dans ma tête, que je pense venir d'Uriz lui-même. Ce n'est pas très explicite, mais Il semble réclamer qu'on lui rendre quelque chose... ou quelqu'un.

Un silence.

De toute façon Uriz n'a jamais été capable de s'exprimer sans gueuler. A chaque fois que je l'ai rencontré il n'a jamais été capable d'expliquer posément son problème. Aussi quand j'ai appris que les prêtres du temple se trouvaient eux aussi sujets à de telles phénomènes, j'ai voulu en savoir plus.

Un sil.... ah non.
HMMMMMMMM !
HMMMMMMMM !
Mouais rien de bien passionnant, les propos de Lizz'na seront surement plus instructifs.

Alors qu'Haldren avait enchainé les questions, Liss'na avait elle hoché la tête d'un air entendu. C'était de bonnes questions, mais ce n'était pas vraiment son travail d'y répondre. Elle tourna la tête vers les deux autres membres du groupes, dont les oreilles pointues autant que les yeux étaient tournés vers eux.

Une nouvelle explosion illumina les visages, comme si l'auteur avait souhaité par un artifice facile accentuer le dramatisme d'une scène qui n'en avait absolument pas besoin.

- Hmmm! chanta Shyn'tae au travers de son baillon. Peut-être voulait-elle répondre? Cela aurait arrangé Liss'na, car cette derniere avait depuis des siècles développé une stratégie de survie diablement efficace centrée sur l'esquive de la responsabilité. jusqu'à présent, il y avait toujours eu dans son entourage quelqu'un d'assez idiot, (ou ambitieux disait-on au Puy d'Elda), pour mourir à sa place.
- Attend Haldren, on sait jamais...lança la mage de guerre au vieil archimage en s'approchant de la sorcière, dont elle retira le bâillon.
- Liss'na! Ce temple était une insulte à l'architecture, d'accord, vous l'avez détruit mais combien de drows sont morts? Et pour quoi? Juste parce qu'Uriz fait ses crises d'adolescence comme d'habitude! Et tout le monde s'en fiche comme d'habitude, les dieux aussi! ca doit même leur fai... hmmm!!! Liss'na avait remit le baillon en place, suscitant ce qui devait être la fureur de la cadette du petit groupe.
- Faut l'excuser, le feu de la jeunesse, une éducation défaillante, tu vois ce que je veux dire. Elle n'est pas comme ca d'habitude." sembla s'excuser Liss'na avant qu'elle n'ajoute, pensive. "Enfin un peu quand même. Vous avez des points communs je trouve."

I'zzna, quant à elle, observait en silence Shyn'tae en arborant une posture et une expression qui parvenait, même nue et attachée, à transpirer la plus parfaite parentalité désapprobatrice. Sans même prendre note de sa présence, Liss'na poursuivit

- Je t'inviterais bien au palais d'argent, mais déjà ce serait plutôt à elle de le faire et clairement elle n'est pas en état"... L'elfe noire pointa Shyn'tae du doigt. "... et puis ces idiots risquent de nous y chercher donc autant se faire discrets." Les deux elfes noires baillonnées observaient tour Haldren et Liss'na Plus on y reflechissait, mieux elles allaient ensemble. Liss'na hocha la tête avant de continuer à converser avec l'ex triumvir.

- Tu sais que tu as devant toi la championne de Thaar? Non, pas moi, je ne suis pas cinglée. C'est elle." Liss'na montra la jeune drow aux formes plus elfiques qu'Eldeenes qu'était Shyn'tae. Toute en longueur, son fabriquant avait oublié les muscles et les rondeurs excessives. "Oui je sais on dirait pas, mais elle a quand même pété la gueule au vieux Urgoll. Bref, elle a aussi eu des rêves. Et vu qu'elle a déjà été bénie par l'attention d'Uriz, elle voulait en savoir plus. Les grands esprits se rencontrent."

Avait-elle tout dit? Non absolument pas, mais en même temps, Haldren n'avait rien révélé non plus qu'elle ne puisse pas déduire simplement.

- Il y avait quoi précisément dans tes rêves? Et d'ailleurs, tu fous quoi depuis que tu t'es barré ? Y'a des gens qui t'en veulent un peu d'avoir disparu sans crier gare après avoir tué tout le monde. Même si entre nous, faut relativiser. si tu n'avais pas été là, ils auraient certainement trouvé une autre façon de mourir."

A coté, les yeux comme les oreilles pointues d'I'zzna comme de Shyn'tae s'étaient orientés vers Haldren, comme attirés par un aimant.

Haldren approuva d'un air grave lorsqu'on en arriva au sujet des jeux de Thaar. Détruire le temple d'un de dieu majeur connu pour ses crises de colère, causer probablement la mort de dizaines de personnes dans l'incendie, enlever une prêtresse de Kiel ou toute autre joyeusetés de ce type passaient loin derrière le sujet le plus important pour toute personne se revendiquant comme civilisée : le sport ! Depuis son arrivée à Thaar, l'archimage s'était en effet pris de passion pour les jeux hippiques ou les duels de gladiateurs, dont les saisons effrénées rythmaient la vie de la cité portuaire. A une époque il avait même dirigé sa propre écurie de champions avant de devoir la revendre durant sa période elfique. Le manque de temps ainsi que l'investissement nécessaire l'avait fait renoncer à s'y relancer, sans que sa passion en soit pour autant affectée.

En effet, son parcours fut remarquable durant les Jeux. Elle partait comme outsider mais son talent dans le domine de l'adaptation tactique et son mental furent remarquables. Je pense que sa capacité à changer le jeu en cours de match pour passer d'un pur dégâts distance à une attaque au contact en ont déstabilisé plus d'un.

Oui pendant ce temps il y a toujours des explosions au loin et des gens meurent.

Oui Haldren s'en fout.

D'ailleurs j'avoue avoir parié sur Urgoll, persuadé que ses statistiques en défense et ses jets d'esquive sur les critiques suffiraient à lui assurer la victoire dans la durée. D'ailleurs je me demande encore comment Shyn'tae peut ainsi réussir de tels exploits et ensuite se retrouver dans la merde sans raison.

Tiens, il y aurait là un concept pertinent à creuser. Peut-être la drow disposait-elle d'une sorte d'aura héroïque qui nécessitait pour s'activer de souffrir comme une damnée au préalable, théorie qui expliquerait beaucoup de ses aventures dans le passé si elle se révélait exacte. Si tel était le cas, se dit l'archimage, garder Izz'na auprès d'eux constituait un facteur de succès pour la suite de l'aventure. Mais déjà Liss'na abordait d'autres sujets, certains importants comme les rêves qui troublaient leur sommeil, d'autres mineurs comme la raison qui pouvait avoir poussé le vieux drow à abandonner ses congénères en plein chaos politique s'être hissé au pouvoir au milieu d'un océan de cadavres.

Peu importe que les seigneurs de l'Elda m'en veuillent, au prochain coup d'état ils se trouveront d'autres ennemis à combattre et ils m'oublieront bien vite. Quant à moi, je profite de la vie... est-ce trop demander à plus d'un millénaire de prendre ma retraite de la vie politique ?

Ne pas être très populaire en Elda lui en touchant une sans remuer l'autre, Haldren balaya d'un geste négligent cette partie de la question tout en jetant un regard appuyé à Liss'na comme pour indiquer qu'il était inutile d'insister. Peut-être aussi souhaitait-il éviter de trop s'attarder sur ses activités actuelles. Pouvait-on vraiment lui en vouloir ? Si la sorcière possédait un pragmatisme suffisant pour les entendre sans s'en émouvoir, mieux valait éviter que Shyn'tae et Izz'na n'en sache trop.

Sur ces rêves malheureusement je n'en sais pas plus que ce que je vous ai dit, ils restent très flous dans mon esprit. J'espérais justement que les prêtres d'Uriz y seraient plus réceptifs et sauraient, eux, les interpréter correctement.

Un coup d'œil dépité sur le temple en flammes au loin.

Mais je doute qu'ils acceptent de nous aider désormais.

Pendant que Haldren discourait sur un arrière plan fait de flammes et d'explosions sporadiques, son auditoire féminin (1) l'avait observé attentivement, quoique de manières assez différentes les unes des autres.

Fort de siècles de cohabitation fructueuse (comme le prouvait sa persistance à rester en vie) avec les leaders du Puy d'Elda, Liss'na était parvenue par sa gestuelle et son attitude à l'encourager à continuer son discours d'une façon conçue pour que lui ait eu la certitude d'être écouté, pendant que ses rivaux (lesquels étaient, de manière intéressante mais néanmoins attendue tous décédés) eux soient certains qu'elle n'avait fait preuve que de la plus élémentaire politesse envers un Prima Sanguis qui lui était en tout point supérieur.

Izz'na avait écouté d'une oreille, comme le prouvait le mouvement de celle accrochée à la droite de sa tête, alors que ses yeux étaient figés, brillants, vers l'incendie. Il fallait dire que c'était un spectacle plutôt enthousiasmant, pour une prêtresse drow. Shyn'tae, pour sa part, avait eu l'air un instant, avec ses grands yeux et ses appendices auriculaires tendues à l'horizontal, d'un lapin soudain ciblé par un assassin psychopathe, puis n'avait pas pu s'empecher de rouler des yeux à la suite du discours.

-- Oh ne t'en fais pas. Tout le monde t'as oublié. De toute façon les leaders du Puy crèvent tous dés qu'on a le dos tourné, tu sais bien…" Liss'na s'arrêta un long instant de plus. C'était vrai. Le monde changeait de plus en plus vite… La lumière des explosions jetaient des lueurs romantiques sur ses prunelles. "Je ne pense pas que les prêtres t'auraient aidé de leur plein gré. Ils souhaitent tous la bénédiction d'Uriz pour eux." Elle croisa le regard de Shyn'tae, qui fronça les sourcils. Pouvait-elle avoir confiance en Haldren? C'était une question étrange, car il faudrait être cinglé pour donner sa confiance à un archimage narcissique, égocentrique et instable. Pour autant, les arguments pour étaient aussi nombreux, même si elle se sentait étonnamment incapable de les énumérer.... hormis que... Pour cette fois, elle le sentait bien. Le vieux n'avait plus l'air aussi ambitieux qu'antan, et ne semblait pas particulièrement porté sur la piété. Et puis il leur fallait des alliés. Et puis Shyn'tae était cinglée… alors même si son bâillon l'empêchait de donner son accord, elle brûlait sans aucun doute d'envie de le faire. Il fallait juste ne pas vérifier, et si tout se passait bien, elle ne lui en voudrait probablement pas trop.

Campée sur ses jambes, Liss'na se retourna vers leur hôte.

-- Mais on n'a pas besoin de tous ces débiles. Je pense que Shyn et Iz savent largement de quoi nous permettre d'avancer. Nous avons les moyens de les faire parler."

A ces mots, dans un bel ensemble qu'un esthète comme Haldren ne put manquer d'apprecier, les deux drows toujours aussi nues, bâillonnées et attachées se retournèrent vers eux, les oreilles pointues dressées avec un mélange d'intérêt et de consternation (2).

Liss'na les admirait en souriant. Une explosion éclaira son visage vicieux. Avec un bon repas, un bain, un massage, quelques justes arguments ou la promesse d'une séance de torture rituelle, elle n'avait aucun doute qu'ils parviendraient à les convaincre toutes les deux.

1. L'Archimage Haldren avait un talent indéniable pour conquérir ses auditoires féminins, c'était d'ailleurs un des points (avec ses oreilles pointues et sa teinte épanouie) qui le rendaient supérieur à tous ses vulgaires concurrents, des amateurs quasi inconnus tel que celui qu'on nommait parfois Nakor, à moins que ce ne soit Narko.
2. C'était étonnant de constater à quel point les oreilles de certains individus elfiques pouvaient être expressives.

Un hochement de tête approbateur indiqua qu'Haldren ne se montrait pas insensible aux arguments présentés par Liss'na. Force lui était d'admettre en son for intérieur qu'il n'avait jusque là pas trop réfléchi à la meilleure manière d'obtenir la coopération des prêtres du temple. Que ce soit ceux d'Uriz ou de Kiel, ils n'étaient en général pas connus pour leur esprit d'ouverture ni pour leur volonté de coopérer avec ceux qu'ils estimaient être d'infâmes hérétiques. Regrettable fermeture d'esprit jugeait l'archimage, mais ayant lui-même inculqué aux prêtres du Chaos de ne jamais se fier aux adeptes des Pentiens, il se sentait assez peu autorisé à émettre des critiques envers de tels comportements.

Cependant, Liss'na ajouta un élément fort intéressant : en effet ils avaient avec eux deux drows qui en savaient surement pas mal sur le sujet. Shyn'tae aurait probablement révélé les détails les plus cruciaux à sa comparse si cela avait été le cas, à moins qu'elle ne soit du genre cachottière et n'ait gardé les meilleurs morceaux pour elle. Mais Izz'na en particulier pourrait se révéler utile à leurs recherches. Certes la prêtresse vénérait avant tout Kiel, toutefois sa présence aux interrogatoires des prisonnières indiquait son rôle de "bourreau principal" du temple d'Uriz. Fort logiquement se dit Haldren, tout en se frottant le menton pour obtenir un effet dramatique et photogénique, elle avait du avoir entre ses pattes plusieurs des prêtres d'Uriz dissidents ayant tenté de renverser la hiérarchie établie lorsque les visions avaient commencé à se multiplier. QU'avait-elle appris de leurs confessions forcées ? Le découvrir constituait le prochain objectif cohérent.

Tandis qu'une ultime explosion secouait ce qu'il restait des ruines au loin, l'archimage se leva et s'épousseta vigoureusement.

Nous ne pouvons pas rester ici, ils finiront bien par lancer des recherches. Suivez-moi, je connais un lieu où nous pourrons attendre que ca se calme.

Remis en selle (en travers, dans le cas des deux prisonnières), le petit groupe repris sa route en suivant le vieux drow qui les mena vers les quartiers périphériques de Thaar, vaste dédale labyrinthique où une armée entière aurait pu se perdre en l'absence d'un guide. La milice des Princes-Marchands venait rarement jusque-là, préférant limiter leurs patrouilles aux quartiers plus huppés de la ville. Après de longues minutes à déambuler, ils finirent par s'arrêter devant un entrepôt à moitié délabré à la porte duquel un mendiant aveugle tendait sa misérable sébile dans l'espoir d'une quelconque piécette d'un éventuel chaland de passage. Tout du moins cela pouvait donner cette impression, car lorsqu'Haldren descendit de sa monture, il fit un rapide signe au mendiant qui répondit de même, prouvant que sa cécité était feinte.

Laissez ici les chevaux, il s'en occupera.

S'enfonçant dans le bâtiment tout en guidant Izz'na, tandis que Liss'na s'occupait d'aider Shyn'tae, l'archimage écarta des caisses à moitié défoncées pour dévoiler une trappe à même le sol. Y descendre ne fut guère aisé pour les deux prisonnières mais finalement le petit groupe se retrouva dans un étroit boyaux de pierre au milieu duquel coulait un mince filet d'eau saumâtre, tandis qu'au dessus d'eux le faux mendiant refermait la trappe. Pour un humain, l'obscurité aurait été quasi totale si l'on exceptait les quatre paires d'yeux rougeoyantes, mais les drows n'étaient quant à eux guère gênés par l'obscurité. Comparé à certains des tunnels du Puy, les lieux pouvaient même sembler assez lumineux et accueillants. Tout en marchant, Haldren entreprit de leur expliquer où ils se trouvaient, même si ses comparses devaient quelque peu s'en douter.

Les contrebandiers utilisaient cet antique aqueduc pour transporter leurs marchandises jusqu'au port, mais ils ont trouvé de meilleures voix d'accès. Les membres de la pègre continuent cependant à s'en servir pour se déplacer sous la ville sans être repérés.

Combien de temps marchèrent-ils ainsi dans le noir ? Assez longtemps en tout cas pour que leurs jambes ne soient plus que des crampes ambulantes, d'autant plus que l'étroit boyau les obligeait le plus souvent à marcher quasiment accroupis. Ce ne fut pas sans un certain soulagement qu'ils débouchèrent devant une autre trappe à laquelle Haldren entreprit de cogner vigoureusement et à plusieurs reprises tout en marmonnant à voix basse contre un filet d'eau glacé qui lui coulait dans le cou.

Après quelques essais infructueux et jurons bien sentis, la trappe finit par s'ouvrir sur...

...un elfe d'une grande beauté (même selon les critères drows), tout juste vêtu d'un pagne qui ne cachait rien de sa musculature aussi parfaitement ciselée que soigneusement huilée, bien loin des standards habituels de l'Anaëh. Un incroyable spécimen qui attira tout de suite les regards des drows, tant sa présence et même son apparence pouvait surprendre. Cependant, son regard glacial et la lame acérée qu'il tenait d'une main ferme démontrait qu'il ne s'agissait pas d'un simple portier.

Seigneur Haldren ?
Salutations, Edrÿn (*)

Abaissant sa lame l'elfe les aider à grimper par la trappe pour les faire rentrer dans un autre entrepôt, mais en bien meilleur état que le précédent. D'une bonne trentaine de mètres de long sur dix de large, dotée d'un étage en bois, le bâtiment devait servir à stocker des objets de valeurs si l'on en jugeait par les rares meurtrières en hauteur par lesquelles même un enfant n'aurait pas pu passer. Un véritable capharnaüm s'entassait un peu partout : vases, tapis, coffres, caisses de marchandises... de quoi remplir un bazar entier si l'on ne s'interrogeait pas trop sur la provenance exacte de ces biens.

Nous allons rester quelques jours ici. Personne ne doit être au courant de notre présence, pas même le lanista.
Il en serait fait ainsi. Je vous apporterai de la nourriture et de quoi vous laver.

Et tandis que l'elfe entreprenait de mettre un minimum d'ordre dans le fouillis ambiant pour laisser une place où installer les quatre drows, Haldren s'affala comme un sac sur un canapé moelleux (volé sur les docks, origine Soltariel, première qualité... je vous le fais à moitié prix là tout de suite !) pour reposer ses jambes qui ne le soutenaient plus.

Bien... maintenant nous pouvons causer. Et je suis sur que nos deux amies bâillonnées auront beaucoup à dire.

(*) Edrÿn est un ancien guerrier elfe capturé par Haldren du temps d'Eraison (https://miradelphia.forumpro.fr/t19923-le-calme-avant-la-tempete-libre), devenu ensuite gladiateur (https://miradelphia.forumpro.fr/t19976-les-gladiateurs-de-l-aile-blanche). Inutile de préciser que des années comme esclave de l'archimage l'ont beaucoup changé mentalement.

- Oh, je pense qu'ils les ont déjà lancé. Mais ils vont d'abord passer au Palais d'argent", avait répondu Liss'na avec nonchalance. Y-avait-il un risque que ses habitants soient passés au fil de l'épée, ou que le bâtiment, un des chef d'œuvre architecturaux de la ville, soit brûlé? C'était peu probable, car, étant mitoyen au conseil de Thar, il était peu probable que le conseil des marchands voit d'un bon œil un incendie du centre ville, ou même une manifestation bruyante de drows juste sous leurs fenêtres(1). Tant pis, Liss'na n'avait aucun doute que Millilwen et les autres sauraient se débrouiller. L'image de l'elfe, l'air stupide et prononçant avec un fort accent "la madame elle est pas là. Elle est partie et puis elle est pas revenue. La madame elle fait toujours ca." s'imprima dans son esprit sans qu'elle puisse s'en débarrasser. Dire qu'elle allait manquer ca…

Mais Liss'na avait depuis longtemps admis que la vie était faite de compromis. A la place, elle avait pu découvrir que le grand archimage Haldren avait troqué son réseau de mages de guerres drow pour un réseau de mendiants humain. Lorsqu'on atteignait le haut de l'échelle sociale et qu'on tentait de continuer à monter, il se passait manifestement de drôles de choses. Une audacieuse et très mignonne tentative d'évasion d'Izz'na plus tard (déjouée en jetant la prêtresse de Kiel par la trappe qu'Haldren venait d'ouvrir), elles l'avaient suivi dans l'ancien aqueduc. Liss'na ne portait qu'un interet très limité au domaine de l'ingénierie hydraulique humaine, mais savait appréciait les lieux pittoresques, et celui-là en faisait partie. Il était sombre et humide, et rappelait un peu la maison malgré un artisanat franchement hasardeux et une hauteur de plafond un peu trop limitée(1).

-Donc tu es dans la pègre maintenant ?" hasarda-t-elle à un moment alors que, plongés dans l'obscurité la plus totale, ils progressaient pliés en deux dans quelques centimètres d'eau stagnante. Devant elle, Shyn'tae s'était remise à gémir dans son bâillon, ce qui confirmait qu'elle avait bien fait de le lui laisser. Le truc que lui avait donné Izz'na était drôle au début, mais déjà que la jeune sorcière ne savait pas se taire en temps normal…

Finalement, après ce qui lui avait semblé une éternité elles débouchèrent sur une échelle, que Liss'na escalada sans grande peine avec sa jeune camarade sur les épaules. Lorsqu'elle atteint la sortie, Shyn'tae bascula la tête la première en avant sur le dallage inégal. Devant elle se trouvait une paire de pieds nus. Son oreille frémit et la drow baillonnée leva les yeux de plus en plus haut pour découvrir les jambes musclées d'un éphèbe. Un gémissement étouffé franchit ses lévres alors que son regard hésitaient entre l'épée que tenait ledit éphèbe et l'attirail que, depuis sa perspective, ne cachait pas vraiment son pagne. Elle manquait encore d'information pour se prononcer, mais il n'était pas exclu que le mâle (c'était un male, elle en était certaine) soit plutôt mignon. Lorsqu'il se mit en mouvement et qu'elle put le suivre des yeux après s'était redressée, cette estimation se transforma en certitude. Pou

Derrière elle, Liss'na finissait de remonter, et avec l'elfe, referma la trappe, et conduisit ses deux camarades jusqu'au canapé où elle les fit s'assoir. Le meuble s'enfonça doucement sous leur poids, les rapprochant l'une de l'autre par la seule force de la gravité (3).

-C'est vraiment pittoresque Haldren. J'aime bien." La mysticiste de guerre fit le tour de la pièce, et jeta un œil au contenu de quelques caisses au passage avant qu'Haldren ne la ramène à la raison de leur présence ici. Alors, s'approchant des deux drows, elle retira leur baillon.

L'heure des révélations était arrivée.

- Liss'na... j'ai une araignée venimeuse dans mes cheveux depuis tout à l'heure... fut la première chose que Shyn'tae partagea avec eux. Liss'na fronça les oreilles et les sourcils, et, avec Izz'na, jeta un œil pour découvrir que c'était vrai.

Izz'na, qui avait pourtant décidé de rester mutique, ne resista pas très longtemps. "C'est un signe de Leetha , il faut laisser la bête."

-Elle est arrivée là par hasard! On va pas invoquer Leetha quand un scorpion se cache dans vos bottes non plus!
- Tu as l'air d'aller mieux, constata Liss'na. "... C'est pour ca que tu ne portes que des sandales ?" Ca n'expliquait pas les talons néanmoins.
- Elle est une vilaine fille, à se moquer des signes des dieux... Elle mérite une punition" continua Izz'na, imperturbable, de sa voix aussi délicate qu'innocente.
- Tu l'enlèves? Manifestement Shyn'tae avait décidé d'ignorer la prêtresse de Kiel. C'était un choix audacieux.
- Houla, je ne veux pas facher Leetha moi! Je porte des bottes. En plus cette araignée a l'air plutôt tranquille là où elle est, lui répondit la mage de guerre en levant les bras au ciel avec impuissance. Les oreilles de Shyn'tae adoptèrent une posture qui évoquait se qui ressemblait le plus à de la menace chez la sorcière.
- Détache-moi!
- Oh. Ah oui ca je peux. J'avais oublié.
- Les dieux demandent que je sois détachée, si elle l'est." affirma Izz'na en retour. Shyn'tae et Liss'na se tournèrent à l'unisson vers la prêtresse, leurs oreilles pointues l'une dressée l'autre baissée en une adorable expression commune d'incrédulité.

(1) C'est un des avantages d'habiter un quartier huppé. Mais il y a aussi des inconvénients, comme la limite de la fréquence des orgies, et le refus ferme qu'on avait fait à Shyn'tae de suspendre des bannières "Sauvez un crocodile: noyez les milles caves.", et ce malgré la qualité indéniable des illustrations.
(2) Preuve supplémentaire, si elle était vraiment necessaire, de la supériorité des drows sur les hommes. Au puy, l'équivalent aurait fait quatre mètres de diamètre, servirait aussi à l'acheminement de la lave en plus de l'eau (au cas où), serait magnifiquement sculpté de moultes gravures et statues à la gloire des dieux, et servirait de refuge à un anaconda géant apprivoisé (deux à l'époque de la construction, juste avant que le plus gros ne boulotte l'autre)
(3) Laquelle était la force la plus puissante de l'univers, bien avant l'amour, comme des expériences répétées de l'étude noire l'avait démontré.

Durant ces quelques échanges, Haldren avait fouillé dans les caisses avec l'élégance et la patience d'un rhinocéros sous mauvais acide, envoyant joyeusement valdinguer en l'air tout ce qui ne l'intéressait pas, avant de se redresser avec un "ahah !" de satisfaction en tenant par le goulot une bouteille d'alcool dont l'étiquette s'ornait d'un dawi au regard féroce. Cela peut paraitre relever de l'image d'Epinal plus que de la réalité véritable, mais tout tord-boyaux aussi infame soit-il en provenance des contrées nordiques se devait de faire apparaitre un dawi pour disposer d'un argument marketing efficace. Bien qu'au Zagazorn la boisson la plus couramment consommée soit en réalité la bière, les vieilles légendes ont la vie dure.

S'étant envoyé une bonne lampée apte à se réchauffer le ventrouillis et à se remettre des menues péripéties traversées depuis la veille (baston, infiltration, destruction, incendie, etc.), l'archimage se réintéressa à la conversation et un sourire innocent naquit sur ses lèvres face à l'audace impudente d'Izz'na.

Puisque les dieux le demandent, nous allons éviter de les froisser.

Et sitôt dit sitôt fait, les liens retenant la prêtresse furent tranchés et tombèrent au sol. Sans doute Haldren aurait-il pu également couper les liens de Shyn'ytae, mais bizarrement il omit de le faire et revint à sa bouteille qui se révélait plus que potable pour de l'alcool de contrebande à bas prix. A peine libérée de ses entraves, Izz'na s'était rapprochée de Shyn'tae en ronronnant presque. Se glissant derrière sa proie, elle posa langoureusement ses mains sur les épaules d'ébènes de la prisonnière comme pour un massage tout en susurrant son intérêt.

- La petite chose n'aurait pas du mécontenter Leetha.
Les adeptes de Kiel sont décidément surprenants, non ? murmura Haldren à l'oreille de Liss'na.

Le fanatisme au Puy a un charme inégalable ailleurs sur Miradelphia. Pourtant, admettons que la situation d'Izz'na n'est pas des plus rassurante car elle se doute ne pas être en odeur de sainteté auprès de ses nouveaux compagnons. Et malgré cela son premier intérêt n'est absolument pas de se préoccuper outre mesure de sa propre sécurité. Amusé, Haldren tenta d'attirer son attention.

Izz'na.

Pas de réponse de la prêtresse, qui se révélait bien plus intéressée par Shyn'tae que par tout autre personne dans la pièce. Ses doigts effilés glissèrent comme des serpents à la base de la nuque de Shyn'tae, cherchant les terminaisons nerveuses avec lesquelles jouer.

Izz'na !

Toujours rien. Agacé, Haldren lui flanqua une claque sur l'arrière du crâne obtenant enfin un déport d'attention à son endroit. Dans le choc occasionné, l'araignée qui faisait tranquillement sa vie dans la cheveux de Shyn'tae tomba sur ses cuisses.

- Espèce de...

Les mots s'étouffèrent dans la gorge de la prêtresse. Peut-être le regard rougeoyant de l'archimage lui fit-il comprendre qu'il était des limites à ne pas dépasser si elle souhaitait garder sa tripaille à l'intérieur de l'enveloppe prévue à cet effet.

Nous savons que les prêtres d'Uriz au temple ont eu des visions au point d'entrer en dissidence. Quelles sont-elles ? Pourquoi ont-elles entrainer un schisme parmi eux ?
- Et pourquoi devrais-je vous le révéler, og'elend(*) ?
Parce que pour une fois nous sommes dans le même camp. Que ce soit par dévotion ou sous la contrainte, Uriz exige de nous quelque chose et même moi je ne suis pas assez fou pour oser le défier. Parce que si tu refuses, je te jette dans les Ombres et tu erreras pour l'éternité dans ce lieu maudit où le temps même n'existe pas et où tes dieux n'iront jamais te chercher. Et parce que si tu coopères, nous saurons t'en remercier.

Cette dernière phrase fut prononcée en regardant Shyn'tae qui n'osait plus bouger tandis que l'araignée se baladait tranquillement sur ses cuisses, et se demandait sans doute ce qu'elle avait bien pu faire au ciel pour mériter de tels amis.

(*) og'elend = hérétique

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Dim 13 Nov 2022 - 0:07

Si Izz'na avait été surprise par la vitesse avec laquelle ses liens avaient été tranché, elle n'en avait rien laissé paraître, impassible, son visage seulement orné d'un petit sourire satisfait, tout comme si elle s'y était attendu, et que ce retournement de situation était prévu depuis le début. Alors, suivie du regard de l'archimage et de la mage de guerre, elle se glissa avec l'agilité d'une araignée dans le dos de Shyn'tae, qui, elle, faisait de son mieux pour ne pas bouger pendant que la véritable araignée à la morsure mortelle évoluait tranquillement entre ses cheveux et son oreille droite, provoquant chez la sorcière des sensations fort déplacées au regard de sa situation (1). Elle sentit le corps nu de la prêtresse appuyer contre son dos et, l'instant d'après, sa paire de jambes délicates se croiser sur les cuisses. Shyn'tae se tendit, mais la petite bête ne sembla pas gênée le moins du monde, se contentant de commencer à tisser calmement une toile entre son oreille et ses cheveux.

Shyn'tae jeta un regard scandalisé à Liss'na, qui répondit d'un sourire gêné et innocent suivi d'un geste éloquent pour lui signifier qu'elle se débrouillait très bien, juste avant qu'elle ne s'enfiler une longue gorgée du tord boyaux d'Haldren.

-Ah oui… C'est très correct!" enchaina-t-elle aussitôt avant de s'asseoir sur le rebord de la caisse et de repasser la bouteille à son complice et de faire un clin d'œil à Shyn'tae et Izz'na comme si elles étaient ses complices et que le spectacle qui se déroulait sous ses yeux était finalement représentatif de la plus parfaite normalité, au lieux d'être particulièrement inquiétant.(1)

Shyn'tae ouvrit la bouche, mais Izz'na avait dû le sentir car la main de la prêtresse se posa sur ses lévres, alors que l'autre s'emparait d'un point précis de la jonction entre son cou et ses épaules. Shyn'tae tressaillit, soudainement tendue de douleur et incapable d'articuler la protestation qu'elle allait émettre. A la place, seul un son inarticulé franchit sa bouche. Izz'na sourit de plus belle, satisfaite, et se serra un peu plus contre son jeune prix. D'un mouvement du bassin, elle comprima adroitement entre elles deux ses poignets liés, et, malgré la souplesse de Shyn'tae, un éclair de douleur s'empara de ses épaules, la forçant à se cambrer un peu plus pour espérer relâcher la pression. Les levres de la prêtresse choisirent se moment pour effleurer l'oreille que l'araignée ornait de fils de soie, et la jeune drow ouvrit grand les yeux, étourdie, faisant de son mieux pour que ladite oreille ne s'agite pas. Juste après, comme le tonnerre, un éclair de douleur traversa à nouveau son corps, la laissant comme paralysée. Comment Izz'na pouvait-elle faire ca juste avec ses mains?!? Sa langue se glissa contre son oreille… L'araignée commença à tisser entre leurs cheveux en partie mêlés. La prêtresse de Kiel commença à murmurer…

… Et soudain, Haldren donna une claque sur sa tête, laquelle retraita en même temps que l'araignée tombait de son perchoir, laissant Shyn'tae haletante et soudainement bien plus perceptive de son environnement qu'elle ne l'avait été quelques secondes auparavant. L'étreinte d'Izzna se resserra autour d'elle, à la fois chaleureuse et douloureuse.

- Espèce de…" siffla Izz'na tel un serpent avant de s'interrompre devant le regard fulminant d'Haldren, alors que l'araignée, sur la tête de Shyn'tae, semblait juger durement l'archimage de ses trop nombreux yeux. Après un bref instant de silence, estimant peut-être que sa vie en valait la peine, au lieu de poursuivre, la prêtresse tenta d'extorquer un cri de douleur majestueux à sa victime. Malheureusement, et au vu de la moue qui orna son visage, le gémissement plein de retenue et fort peu collaboratif qu'elle obtint de son instrument de musique la laissa déçue. Heureusement elle commençait déjà à avoir des idées sur comment arranger ca. Mais ce serait après qu'elle aurait réglé les ennuyeux problèmes politiques qui persistaient à la pourchasser, même loin du Puy d'Elda.

Car elle pouvait s'en sortir, jugea-t-elle. Son regard posé sur Haldren, ses mains retournées toutes deux sur les omoplates de Shyn'tae qu'elle s'était mise à masser avec un talent bien trop inquiétant au goût de cette dernière, elle sourit à l'archimage. La religion drow avait ceci de commun avec toutes les autres que les gagnants ne restaient jamais hérétiques bien longtemps. Les perdants non plus, s'ils étaient assez malins pour conserver une monnaie d'échange. Et la promesse assez réaliste d'une éternité dans les ombres, alors qu'il y avait tant à faire ici. Après tout… le drow devant elle était peut-être capable de regagner la confiance des dieux. Elle le jugea un peu plus attentivement, et, lorsque Shyn'tae fit mine d'ouvrir la bouche, lui fit découvrir une nouvelle variante du mot douleur. Il y avait tant à découvrir ensemble!

- J…aa…mais… aass.non! … ca….

-Ssssh c'est pas le tour de petite chose de parler." Izz'na caressa tendrement la chevelure de sa protégée, sa voix aimante lui murmurait des paroles rassurantes. Peut-être aurait-elle été moins aimante si elle avait su qu'à son insu, cette dernière arborait un regard si noir que, si cela avait été possible à l'aide du système de magie de Miradelphia, il aurait sans aucun doute foudroyé Haldren et Liss'na sur place.

-Les dieux t'entendent, Haldren Baenfere. Ils savent de quels audacieux artifices tu es capable… Et ils consentent à apporter leur aide, en échange de cette petite chose comme cadeau.

-He! Aah!!! Shyn'tae tressaillit à nouveau, étourdit par l'agonie, son regard posé sur l'araignée qui avait paru assez gênée par le mouvement de la peau fine sous ses pattes pour s'arrêter, mais pas assez pour mordre. "Je… ah.. Shuu…. Si.. Je promets.. Aah… j'ai plein de tru.. trucs à.. A… dire… DIRAI RIEN! Ah… Jamais!!! Aaah.. Shu shu shu!! Haletante et en sueur, elle finit par se taire et se laissa allé, comme épuisée, contre Izz'na, qui la réconfortait, impressionnée.
"C'est bien… petite chose aime tellement la douleur…"

Installée sur le rebord de sa caisse, Liss'na se tourna vers Haldren, jugeant sans doute que ce dernier saurait bénéficier de son expérience de l'apprentie mage de guerre.

-Shyn'tae n'a pas tort. Elle est têtue comme un chameau. Tu sais qu'elle a gagné les jeux de Thaar juste en étant incapable de laisser tomber ? En toute franchise, je suis prête à parier que malgré tout son talent, Izz'na ne lui ferait jamais cracher le morceau, alors bon, tu seras quand même obligé de la convaincre en suite(3)…" Elle fronça les sourcils, et posa un doigt sur ses lèvres alors qu'une pensée lui venait. Peut-être une solution. Elle se tourna alors vers Shyn'tae, interrogative.

-Tu veux pas faire un effort? Haldren a raison, c'est un petit sacrifice nécessaire. On est allés au temple pour avoir cette information! Tu ne vas pas renoncer maintenant juste pour si peu. Izz'na te torture physiquement et mentalement et elle nous aide en échange. De plus c'est clairement un rituel religieux fait par une prêtresse assermentée. Et tu prends ton pied depuis le début! Ce serait dommage que tu ne puisses pas te faire torturer juste par fierté, tu en meurs d'envie, ça se voit tellement… Je propose qu'on te donne pour un temps à Izz'na, puis à l'issu, on partage tous ce qu'on a à dire. Ensuite vous voyez toutes les deux si vous voulez approfondir cette relation à la fois adorable et profondément malsaine, et hop, on peut passer à la suite."

Pour ponctuer son discours, Liss'na se servit une bonne lampée de tord boyau. Du point de vue de Liss'na, les gens se compliquaient beaucoup trop la vie, alors que cette dernière l'était déjà beaucoup trop. Izz'na s'arréta de masser les épaules de Shyn'tae, laquelle s'aperçut alors seulement à quel point elle s'était détendue. La sorcière chercha quelques instants comment s'opposer aux arguments de sa comparses en sachant pertinemment qu'elle aurait pu prononcer les exacts même mots. Après un soupir, elle continua.

- heu…hum…D'accord. Mais… Je ne lâcherai rien sous la torture. Après uniquement. C'est seulement un rituel. Elle aurait pu demander à la mage de guerre d'arrêter la prêtresse si elle allait trop loin, mais un simple regard échangé leur avait suffi. Les tomes 16 et 17 des "Amours d'angélique de Beauchateau, marquise de Serramire" étaient en jeu. S'il le fallait, la volonté de Liss'na ne fléchirait pas.

(1): Si Shyn'tae avait été plus honnête avec ses propres pulsions un rien auto destructrices, elle aurait reconnu que sa situation toute entière en était responsable, et l'araignée un bien maigre bouc émissaire.
(2): En réalité, les spectacles les plus inquiétants laissent de nombreux drows indifférents. En effet, c'est lorsqu'on pense n'avoir rien à craindre qu'on a les plus mauvaises surprises.
(3): Liss'na avait omis de préciser qu'elle comptait sur Shyn'tae pour lui trouver les tomes 16 et 17 des '"Amours d'Angélique de Beauchateau, marquise de Serramire" après que la jeune sorcière lui ait déjà déniché les 15 tomes précédents.

Sujet: Re: Il aurait pu demander poliment [PV] Ven 25 Nov 2022 - 10:32

Les négociations avançaient dans la bonne direction suite aux derniers choix de dialogue de Shyn'tae. Sur l'écran de jeu le cercle de personnage d'Izz'na venait brusquement de passer du bleu au vert, signe qu'elle n'était plus un pnj lambda participant à la quête mais un membre de l'équipe à part entière. Après avoir vérifié la fiche de personnage, ses jets de dés, son TACO et ses capacités spéciales, Haldren jaugea que disposer de la prêtresse en aventure constituerait un avantage non négligeable bien qu'il ne faudrait surement pas trop compter sur elle pour réaliser des soins. Le seul souci de l'archimage venait de l'absence d'un pur guerrier dans leur équipe qui s'orientait trop vers du full-dps mais risquait de manquer de capacité à tanker. Encore que d'une certaine façon, il pourrait considérer Shyn'tae comme un tank à part entière vu sa capacité à attirer tous les coups et les emmerdes sur sa gueule. Avec une bonne armure et un bouclier, elle représenterait un véritable roc tandis que ses trois compagnons feraient pleuvoir mort et dévastation sur une zone géographique tellement large qu'il faudrait parler de "rayon de portée". Bref tout se goupillait plutôt correctement et l'archimage eut un franc sourire.

Je te remercie pour ta coopération Shyn'tae, c'est fort aimable de ta part.

Après tout, s'accorder sur la réalisation de séances de torture pseudo-sexuelles en échange d'informations sur les folies d'un Dieu n'empêche pas de se montrer poli. Les drows sont peut-être des pervers sadiques indignes de confiance, se trahissant sans vergogne et se vautrant dans tous les vices imaginables (ou même non imaginables), ils connaissent les bonnes manières et méprisent ceux qui en manquent. Déclencher un génocide ou ordonner de passer toute une ville par le fil de l'épée, oui ! Le faire avec vulgarité, non ! Voilà ce qui différenciait fondamentalement la culture raffinée du Puy d'Elda des simples barbares qui erraient dans le Septentrion ou en Péninsule. Mais nous nous égarons et il faut avancer quelque peu l'histoire au risque sinon de lasser nos chers lecteurs.

Nous allons vous laisser toutes les deux, Edrÿn va vous conduire à une salle toute équipée pour votre séance. Pendant ce temps, ma chère Liss'na, puis-je vous inviter à diner ? L'aventure m'a ouvert l'appétit.

Au risque de vous décevoir, il va me falloir réaliser une ellipse sur la nuit qui suivit. Shyn'tae et Izz'na réalisèrent un rp rouge à souhait interdit aux âmes sensibles, tandis qu'au sortir d'un bon repas Haldren se pintait joyeusement et que Liss'na fouillait la riche bibliothèque érotique de l'archimage (où elle trouva le tome 16 des amours d'Angélique, ainsi que la collection complète des aventures de la femme de chambre argonienne, ce qui l'occupa une bonne partie de la nuit). Pendant ce temps de sauvages règlements de comptes eurent lieu dans tout Thaar où les prêtres d'Uriz cherchaient les mécréants ayant brûlé leur temple, tandis que les guildes de voleurs profitèrent du chaos ainsi généré pour rançonner ou piller les riches demeures. Pour vous cela peut sembler horrible, mais pour Thaar c'était juste un calimehtarus.

Et c'est ainsi que nous allons reprendre notre histoire aux premières lueurs de l'aube.

~~~~~

ELLE EST MIENNE ! AMENEZ LA MOI OU SUBISSEZ MON COURROUX !

Haldren se redressa d'un coup sur son lit, le hurlement de rage du Dieu résonnant encore sous son crâne. Un coup d'œil de chaque côté lui confirma que les deux gladiateurs bien membrés avec qui il avait passé la nuit dormaient du sommeil du juste, signe qu'eux ne semblaient pas sensibles à ces appels plein de rage. Peut-être leur absence totale de lien avec le Grand Art les rendaient-ils suffisamment peu perceptifs pour ne rien ressentir. Théorie intéressante à creuser : la magie constituant le vecteur privilégié entre le monde matériel et les plans extérieurs où vivaient les Divins, seuls les mages et les prêtres semblaient à ce stade réceptifs aux appels.

A ce stade, voilà bien les termes qui embêtaient l'archimage car la colère d'Uriz augmentait avec le temps et cette barrière ne tiendrait pas éternellement. S'étant rapidement débarbouillé et habillé, Haldren sorti dans le couloir où il retrouva une Liss'na un peu pâle, signe soit d'un manque de sommeil soit qu'elle ait aussi entendu le cri de rage du Dieu. Peut être les deux ? Sans mot dire, ils descendirent jusqu'aux salles de tortu... salles de plaisir, pardon... où Shyn'tae avait été emmenée la veille par Izz'na.

Pendant ce temps, loin sous le sol Thaari, au plus profond des Milles-Caves…

C'était un lieu que nains, vaillants, braves parmi les braves, protégeaient sans relâche, pris dans un combat aussi cruel qu'éternel contre les vils drows maléfiques mais surtout les infiltrations d'eau.

Au plus profond des Milles-Caves donc, existait un endroit caché, connu seulement des initiés. On racontait que d'innombrables serviteurs avaient perdu la vie, morts de faim et de soif, perdus dans les boyaux obscurs du palais des nains, manifestement dépourvus de la plus élémentaire signalétique. L'existence même de la loge d'Onyx relevait des plus grands secrets des Milles-Caves. Cette organisation sans égale du point de vue des nains leur avait permis de consolider une emprise sans nulle autre pareille sur l'Ithrii'Van. Une emprise naine si secrète et si totale, que de part Miradelphia, seuls les membres de la loge croyait en son existence.

La loge ne se réunissait normalement qu'une fois le mois, à une date convenue et gardée aussi secrète que le reste. Aujourd'hui, une fois encore, le Maitre de la loge avait fait appel aux membres, fameux surineurs et espions réputés, pour une réunion des plus exceptionnelles (1).

Ils se tenaient en cercle, dans la pièce sphérique (2) qui avait été spécialement conçue pour dissimulé la loge et ses réunions. Encapuchonné, leur visage comme leur barbes masquées, ils personnifiaient l'imagerie divine des neufs Golem d'Heidum.(3)

« Mes amis, bienvenue. Je n'aurais pas pris la peine de vous détourner de votre mission si l'heure n'était pas grave. Voila trop longtemps que nous nous laissons tirer les poils de la barbe sans agir. Il est temps de mettre un terme à tout cela.»

On entendit un frottement. Un des golems glissa de quelques centimètres sur le sol incliné de la sphère avant de reprendre son équilibre précaire. Il s'écoula quelques instants avant que les silhouettes masquées de métal ne répondent chacun à leur tour, car personne n'ignorait ce qui tracassait le descendant de Braamyl.

- Le Sombre clown se croit Maitre de ce monde murmura le Plomb. Son masque avait un goût sucré.
- La perfide usurpatrice des jeux de Thaar pense être toute puissante, lâcha Etain.
- A deux, ils pensent pouvoir outrepasser les lois, annonça le Fer.
- L'alcool, ils l'ont brulé… s'étrangla Cuivre. Utiliser le temple d'Uriz comme allumette dans le seul but d'incendier une possession naine était une provocation qui à elle seule ne pouvait rester impunie.
- Elle est notre don. Notre Trésor. A nous! Proféra l'Or.
- Les lois des dieux… Continua l'Acier. C'était une réplique qui provoquait à chaque fois les hochements de tête approbateurs du grand Maitre, il la plaçait donc à chaque fois qu'il en avait l'occasion.
- La Noiraude manchote veut se venger, détruire les Caves, affirma l'Argent.
- Le pouvoir de Mogar. Ils le veulent. Pour eux. Susurra le Vif-Argent.
- Nous punirons ceux qui souhaitent nous le voler, clôtura le Mogarium.

Si le lieu n'avait pas été aussi solennel, le Maitre aurait rit. La Maitresse du Palais d'argent, par cette insulte dirigée spécifiquement contre le peuple nain vivant dans ces contrées, lui donnait une occasion qu'il ne pouvait laisser passer.

Les seigneurs de la Loge avaient clairement anticipé les désirs du Maitre, leur discours consensuel en était la preuve. Il était probable qu'ils aient déjà mis en branle leurs réseaux tentaculaires, mais le Maitre les connaissait depuis longtemps, aussi préféra-t-il s'en assurer.

- Il nous faut en savoir plus. Retrouvez la manchote qui se croit déesse, sa Sombre gardienne et son assistant bonimenteur. Rapportez moi le moindre détail qu'elle laissera dans son sillage, traquez ses déplacements et ceux de ses deux sbires comme le ferait une meute de pistards à la recherche du faible broutard.

- Ne pourrions nous pas simplement faire appel à Plutonium ? Demanda l'Acier. C'était toujours lui le plus extrême. Le Maitre sourit avant de répondre. On évoquait le secret le mieux gardé de la secrète loge d'Onyx. Le secret, qui, s'il avait été connu, aurait dissuadé quiconque de s'attaquer aux nains.

-J'y pense, mais c'est trop tôt, mes amis. Notre doctrine est claire, il ne sera déployé que si l'existence des Milles caves est menacée. Il ne sera pas dit que le peuple nain a commencé. La traitresse perfide peut encore choisir de se soumettre. Alors elle ne subira toute l'étendue de notre suprême puissante.

Lorsqu'ils se séparèrent, les membres de la loge d'Onyx se mirent au travail. Ils avaient beaucoup à accomplir. Et ils n'échouaient jamais.

Satire largement inspiré de : https://miradelphia.forumpro.fr/t22291-cenacle-de-la-loge-d-onyx , je remercie l'auteur de ce sujet!

(1) Plus exceptionnelle encore que la précédente réunion exceptionnelle, qui avait eu lieu la semaine précédente.
(2) Certains membres de la loge supposaient qu'à l'époque où cette dernière avait été fondée, le premier Maitre avait donné à l'architecte l'ordre de concevoir une pièce circulaire, mais, qu'en raison d'une incompréhension due à la proximité des deux mots dans la langue naine, ce dernier avait fait construit une pièce sphérique à la place. Cette particularité garantissait que les réunions restaient courtes et efficaces. L'architecte, lui, était un peu plus tard tombé du coude à angle droit que faisait le pont qui menait à la fameuse pièce. Personne n'avait ajouté de balustrade depuis, mais certains se demandaient officieusement si cela pouvait avoir un rapport avec les disparitions régulières de membres de la loge dans des circonstances mystérieuses.

(3) Le Maitre de la loge était le seul à profiter de ce spectacle, et appréciait au plus haut point jouer à faire semblant d'avoir les neufs golems d'Heidum prêts à accomplir ses moindres volontés.

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