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 [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise

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Alicia de Terresang
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MessageSujet: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeLun 14 Fév 2022 - 21:47


Neuvième ennéade
Automne, Bàrkios 19:XI



La vie est tranquille ici. Elle est faite de simplicité et d'activités quotidiennes. Nous sommes loin des tracas du trône dont Thorus s'occupe pendant la rémission de Magnus. Plus loin encore des questions qui taraudent actuellement Diantra et la Régence. J'ai commencé mon apprentissage afin de pouvoir assurer le rôle de Dame de Terrefière le moment venu. Mes nombreuses lectures sur le monde rural et agricole prennent sens peu à peu mais je suis encore loin d'être prête.

Tout est semblable au lendemain de notre mariage. Tout le monde est joyeux. Marc-Aurèle est aussi tendre qu'attentionné. Mes efforts pour m'intégrer et m'instruire en toute simplicité sont remarqués et appréciés et mes interlocuteurs me le rendent bien. J'essaie d'apprendre tant auprès de mon époux que d'Auguste ou de mes belles-sœurs, ou même des villageois eux-mêmes. Je suis heureuse. Bien qu'un point de détail commence à me chiffonner parfois. La relation entre Marc-Aurèle et moi a basculé lorsque nous nous sommes ouverts l'un à l'autre après le mariage et notre première nuit, bien que difficile pour moi par certains aspects, est restée unique. Il ne m'a plus touchée depuis et je commence à m'interroger. Est-ce que quelque chose lui a déplu ? Est-ce moi qui ne suis pas à son goût ? Il est vrai que mes jambes sont disgracieuses... Tout comme ma démarche sans béquille.
Toutes ces questions me taraudent chaque jour un peu plus mais je n'ose pas les aborder avec lui. Il doit savoir ce qu'il fait j'imagine... Cependant... Même si j'ai un peur à l'idée de recommencer... Parfois, j'en ai envie. Puis Marc-Aurèle me sourit, me prend la main, et j'oublie cette petite frustration.

Aujourd'hui, il est à la chasse. Ne voulant pas rester inactive, j'ai voulu accompagner un petit groupe qui s'apprêtait aussi à se rendre en forêt, mais avec des paniers aux bras. Ils partaient à la cueillette aux champignons, chose que je n'avais encore jamais faite. Alors, on m'a prêté un sac que j'ai passé autour de moi puis, armée de mes béquilles, je les ai suivi dans le sous-bois.
Après avoir passé les palissades de bois en construction, le trajet a été bien silencieux. Ils n'osent pas toujours me parler, me regardant en souriant sans pour autant m'adresser la parole. Pour eux, je suis la sœur du Comte, donc quelqu'un d'important. Ils sont sans doute heureux de m'avoir car cela signifie que Terrefière aura bien plus l'attention des autorités qu'auparavant mais j'imagine qu'ils doivent se sentir indignes de me parler... Pourtant, à présent, je suis avant tout leur Dame. Alors, c'est moi qui engage le plus souvent la conversation. Cependant, une fois éparpillés dans la forêt, nous n'avons plus tellement l'occasion d'échanger tous ensemble. Quoi que j'en apprends beaucoup sur les espèces de champignons qui poussent dans la région. J'en confonds certaines... Mais d'autres sont nettement plus reconnaissables et je parviens à en repérer quelques unes que je glisse dans le sac en bandoulière. Me voir grimacer à chaque fois que je me baisse et me relève fait mal au cœur au paysan qui m'accompagne. Il a hésité à m'aider au début mais, à présent, il reste toujours près de moi et se précipite presque pour me soutenir dans mes manœuvres. Finalement, il me propose de se baisser pour moi et... je dois bien admettre que je me vois mal refuser. Ces mouvements sont très douloureux pour moi et cela fait une vingtaine de fois que je les réalise. Je me fatigue et la sortie est loin d'être terminée. Sans compter qu'il nous faut encore faire le chemin de retour.


Dernière édition par Alicia de Terrefière le Mer 30 Mar 2022 - 15:37, édité 3 fois
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Louise de Fernel
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeMer 16 Fév 2022 - 15:57


Quatre hommes autour d’une petite table de bois graissé boivent une mauvaise bière, dans un silence presque religieux, en total désaccord avec le brouhaha ambiant de cette halte miteuse d’un bord de route. Dehors, c’est la nuit et il pleut, cela s’entend au ruissellement ininterrompu en provenance du toit et qui vient mourir sur le pas de la porte, tout comme cela se sent à chaque fois qu’un client ouvre la porte grinçante. Le mouvement de balancier de la planche de chêne supportée par de vieux gonds agonisants charrient des effluves de boue et de terre mouillée, de mousse et de crottins de cheval. Une ambiance morose à peine égayée par un duo de musiciens tâchant d’extirper un peu de joie hors de leurs flûtes tout en jetant des regards inquiets sur les présents.

- Un bel endroit pour passer la nuit, c’est sûr, bougonne l’un des quatre hommes avant de prendre une ample gorgée de bière. Une mousse blanchâtre disparaît peu à peu dans les poils drus de sa courte barbe noire, ce qui ne l’empêche pas d’essuyer ses lèvres fines d’un revers de sa main, un mouvement un peu rageur, excédé. Grand gaillard aux épaules carrées et à la peau hâlée, l’on ne sait distinguer si cette couleur brunâtre qui est la sienne provient d’un trop long séjour au soleil ou d’une hygiène discutable. Quoiqu’il en soit, ses yeux sombres surplombés par d’épais sourcils en broussaille, à la semblance de ses cheveux coupés courts eux aussi, scrutent tous les recoins de l’endroit, attentif au moindre mouvement. La large main calleuse vérifie par moment la présence de sa dague, cachée sous un pan de vieille cape de cuir encore un peu humide.

- J’ai pas trouvé mieux, Thibert, répond doctement un autre homme attablé, occupé à se curer les ongles à l’aide d’un bout de bois. C’pays…C’est à croire que les Dieux pissent et chient dessus à longueur de journée, c’est un miracle déjà de trouver une halte avec un toit et de quoi manger alors savoure ta bière et arrête de te plaindre.

Thibert ne répond qu’un grognement tandis que son vis-à-vis garde le même sourire, énigmatique et inquiétant, tout en vérifiant la netteté de ses ongles. Des quatre hommes attablés, il est sans aucune doute le plus avenant, si tant est que ce mot puisse s’accorder à une tenue qui a sans doute vécu trois vies, un petit gilet et une vieille veste ajustée, une chemise et un petit foulard agrémentant un corps plutôt harmonieux supportant un visage qui a été, autrefois, séduisant. Les joues creusées, le teint hâve de ceux qui ont eu de tout en abondance et qui en sont désormais réduits à se contenter de peu, il garde pourtant, au milieu d’un dénuement visible, cette prestance qui le distingue des autres et qui le rend d’autant plus inquiétant.

- Qu’est-ce qu’on fout là, déjà ?, dit le troisième, les bras croisés sur son torse, le visage orné d’un bandeau de cuir dissimulant son œil droit.
- On l’attend, reprend toujours aussi calmement Evrard qui regarde ses doigts désormais parfaitement propres avant de jeter le petit bout de bois sali au sol.
- ça manque de femmes, grogne Thibert, levant la tête pour observer l’assistance, dépité. Que des hommes, rien pour égailler les yeux ou les braies. Un soupir de frustration viendra ponctuer les propos, avant qu’il ne s’affale sur la vieille chaise de bois. Il nous a promis des femmes et de l’argent. Puis je déteste cet endroit, il fait froid et ça pue. Alors on y va, on fait ce qu’il attend de nous et on se trouve une petite piaule peinard au chaud.

- Ouais…une bonne auberge avec un rôti de bête et des jupons, c’est tout ce qu’on demande, souffle le borgne, penchant son grand corps musclé sur la table qui tremble d’un seul coup. Et les seuls jupons disponibles ici sont déjà soulevés, ajoute-t-il en se grattant la nuque, heurtant au passage les deux fourreaux disposés dans son dos. Il m’énerve avec sa gueule d’amour…Y en a que pour lui. J’suis sans doute pas assez mystérieux pour ces catins d’auberge…
- Og’…Ferme la.

La porte s’ouvre de nouveau et aussitôt la sourde conversation s’éteint, tandis que quatre paires d’yeux scrutent la haute silhouette qui vient de faire son entrée. Tout enveloppé d’un large manteau de laine passablement défraîchi et rapiécé par endroits, les yeux gris posés sur les quatre comparses, il avance d’un pas lent et mesuré, tandis que juste derrière lui une femme blonde ferme la porte avant de replacer une cordelette de sa chemise, discrètement. Un geste qui n’a pas échappé à Thibert, ce qui augmente ses grognements sourds, le nez dans sa bière. Le nouveau venu prend une chaise libre à une autre table et s’installe avec ses compagnons de route, l’air satisfait, le teint frais, l’œil encore luisant du plaisir qu’il vient de prendre en compagnie de cette femme qui disparait déjà dans les cuisines.

Le quatrième larron se manifeste alors penchant sa tête ornée de lourdes et soyeuses boucles blondes, les sourcils froncés sous un chapeau grotesque, un sourire étrange sur les lèvres, semblant interroger le nouveau venu, les yeux brillant d’intérêt.

- Léandre, Le Muet a une question pour toi, soupire Evrard, replaçant correctement son col et le nœud de son vieux foulard.

Léandre a un mouvement des lèvres, l’air absent, avant de porter ses doigts à sa bouche et d’en extirper un poil blond, ce qui amène un rire à la table. Passant une main dans son épaisse tignasse marron il crache au sol, délaissant le souvenir de la jolie blonde d’un geste de la main.

- Pas mal, ça répond à ta question, gamin ?
- Et celle qu’on doit lui ramener, elle est comment ?
, demande Thibert, intéressé.

Léandre inspire et expire par le nez, l’air de chercher ses mots. Il n’en prononcera pourtant qu’un seul.

- Estropiée.
- Et elle vaut cher ?


Le meneur de la bande lève son visage barré de marques rouges vers Og’. Le géant tout en muscles rentre quelque peu la tête en ses épaules, soudain très mal à l’aise.

- Très cher. Elle sera sans doute entourée. Dans quelques jours, amis Renégats, nous aurons de quoi festoyer à foison.



[Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise Szopar10



Dans les sous-bois de Terrefière, il y a du mouvement. Du mouvement coordonné, comme une symphonie de bruits et de borborygmes à des endroits indéfinis, pauvres petits sons rapidement étouffés et accompagnant les derniers battements de cœur de trois paysans isolés. En silence et rapidement, avait insisté Léandre. C’est que ce comté n’est pas tendre et qu’il l’est encore moins avec les truands. Et curieusement, finir pendu à un arbre comme certains de ses anciens congénères ne l’intéresse pas particulièrement.

Chaque renégat a choisi de simples habits légers pour cette mission dans les bois après avoir patiemment observé les lieux. Entourée, avait précisé Léandre. Ils s’attendaient à voir des soldats, des gens armés pour accompagner une femme mais en fait non, c’est encore plus simple que cela. Des paysans rougeauds. Partis à la cueillette aux champignons. Dans les sous-bois. Léandre lui-même n’avait pas cru à tant de bonne fortune. D’un geste de la tête, il désigne à chacun de ses comparses sa propre cible avant de se focaliser sur la créature qui se déplace là-bas avec ses béquilles, un petit sac en écharpe autour d’elle et seulement accompagnée d’un autre paysan qui se baisse constamment, sans doute pour éviter le moindre mal à sa Dame.

Le Muet a un regard pour Léandre qui opine de la tête.

Furtifs.

Silencieux.

Des grands pas étouffés par le sol spongieux.

Le bruit d’une corde qui se détend et le bruit ignoble d’un râle ensanglanté.

Sous les yeux d’Alicia, l’homme qui l’accompagne s’effondre, la gorge traversée d’une flèche, répandant une odeur de rouille et de sel sur les jolis petits champignons des bois qu’il s’apprêtait à cueillir.

Une ombre dans la vision périphérique de la Dame Terrefière.

La douleur sur l’arrière de son crâne.

Le néant.

Léandre lâche le morceau de bois qui a servi à assommer Alicia et s’accroupit pour la regarder un instant, totalement inexpressif, avant d’aviser le corps du paysan et de froncer les sourcils.

- On ne pourra rien tirer des champignons, ils sont plein de sang…quel gâchis.

Le Muet s’empare des sacs et les agite en triomphe, son visage de gamin égayé par la précision de son tir et par la perspective d’une omelette savoureusement agrémentée en chemin. Thibert, Og’ et Evrard réapparaissent à leur tour, observant Alicia d’un air morne.

- Tu parles d’un butin…
- On l’embarque. Bâillonne-la, attache lui les mains et fous lui un sac sur la tête. Le Muet la surveillera dans la charrette.


Og’, le plus grand et le plus large de toute la bande, ramasse le petit corps malingre et le place sans ménagement sur son épaule, ouvrant la marche vers l’endroit où ils ont laissé les chevaux et une vieille charrette de bois grisâtre. Tout le monde se tait et marche rapidement, sauf Léandre qui reste encore un instant près du corps transpercé par une flèche, pensif.

C’était facile. Du bout de sa botte pleine de boue, il repousse une des béquilles de sa prisonnière, avant de soupirer. Le Muet, ce gamin étrange au chapeau loufoque, l’observe de là où il se trouve. Il vient de voir Léandre s’emparer des béquilles et de les casser en deux avant de les jeter au loin avant de revenir ébouriffer les cheveux de son jeune acolyte.

- Elle en aura plus besoin. En route, gamin. Nous sommes attendus.



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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeMer 16 Fév 2022 - 17:20

J'ai mal à la tête... C'est comme si j'étais tombée et que l'arrière de mon crâne avait frappé quelque chose... Je ne me souviens pas avoir fait une chute mais cela ne serait pas la première fois. Quoi que la dernière était assez exceptionnelle...

Tandis que j'émerge lentement de brouillard, un chaos agite soudainement le sol sur lequel je repose. J'ouvre les yeux... Mais je ne vois rien. Rien à part un épais tissu qui semble recouvrir complètement ma tête. Il y reste encore l'odeur de ce qu'il a autrefois renfermé mais je n'arrive pas savoir laquelle. Aussitôt, j'y porte une main mais la seconde vient avec... On m'a attachée et je remarque seulement qu'un autre tissu est lié sur la bouche alors que je ne peux pas l'ouvrir pour exprimer ma surprise. Cependant, je retire ce sac qui m'empêche de voir dans un geste précipité. Puisque personne ne m'en empêche, je m'attends à être seule et à l'abri des regards. Mais lorsque j'y parviens, j'aperçois des yeux qui me fixent. Un jeune homme m'observe d'un air amusé et inquiétant à la fois. Pourquoi ne m'a-t-il pas arrêtée ?

Je sais maintenant pourquoi je ne me souviens pas d'être tombée... On a dû m'assommer. Et je me souviens... Je me souviens d'avoir poussé un cri... Oui, j'ai crié... J'ai crié quand j'ai la flèche... Quand j'ai entendu ce râle étranglé... Quand j'ai senti ce sang... J'ai crié de surprise et d'horreur. Juste avant de perdre connaissance. Je ne le vois pas mais quelques éclaboussures de sang ornent le côté gauche de ma mâchoire comme preuve de la scène dont j'ai été témoin...
Je suis la seule prisonnière dans ce chariot. Où sont les autres ? J'espère qu'ils n'ont pas subi le même sort qu'à celui qui m'aidait... Mais où sommes nous ? Où m'emmènent-ils ? Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Il doit y avoir au moins un qui conduit le chariot mais il me semble entendre bien plus de chevaux que nécessaire... Et je m'y connais, depuis le temps que je voyage en carrosse.

Prenant appui sur mes mains, je commence à me relever pour m'asseoir tant bien que mal sur mes jambes douloureuses. Je sens déjà que je m'ankylose depuis le temps que je dois être étendue là et les chaos de la route ont sans doute provoqué quelques bleus. Seulement c'est une toute autre douleur qui va faire s'écrouler mon corps sur le plancher dans un cri étouffé. Le jeune homme m'a asséné une violente gifle, sans sommation.

Pourquoi...
Pourquoi dois-je de nouveau subir tout cela ? Combien de temps cela va-t-il durer cette fois ? Veulent-ils une rançon, eux aussi ? Tant de questions... Tant de peur... J'ai l'impression d'avoir de nouveau onze ans et de me retrouver dans ce campement de brigands où, non content de ne pas s'avoir comment me soigner, on ne me traitait pas avec les égards que j'avais toujours connu. Que va-t-il advenir de moi cette fois ?...
Je n'essaierai plus de me relever. Je n'ai rien d'autre à faire que d'attendre, grimaçant parfois alors qu'un trou ou une bosse me fera tressauter sur le fond de la charrette, provoquant bleus et bosses. Attendre avec la peur de finir dans un fossé dès que nous nous arrêterons.
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Louise de Fernel
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeVen 18 Fév 2022 - 20:21


Le Muet est assis sur le plancher de la charrette, le dos contre la paroi, tout occupé à regarder la prisonnière se débattre avec le sac poussiéreux posé sur sa tête. La tête penchée sur son épaule, il sourit, s’amusant de la voir tenter de sortir de ce petit carcan dégoutant pour finalement y parvenir. Lui, il la regarde, l’œil pétillant d’une gaieté totalement déplacée tout en cassant en deux des petites brindilles qui trainent tout autour de lui.

Cela aurait pu durer longtemps mais la demoiselle semble avoir une volonté toute aussi déplacée : s’asseoir. Devenir visible pour les éventuels témoins qui croiseraient leur chemin. Inacceptable ! Alors, souriant, cette lueur de gaieté à l’œil ne le quittant pas un instant, il assène à la vilaine captive une gifle si forte que la paume de sa main pique un peu. La joue d’Alicia est désormais bien rouge, la trace des doigts bien visible sur sa peau pâle. Le Muet, lui, fronce les yeux en regardant sa main avant de se redresser et de la montrer à Léandre qui chevauche juste à côté et qui a tout vu.

- Ben oui Gamin, la prochaine fois mets tes mitaines, tu sentiras rien.

Le cavalier tend un peu le cou pour observer Alicia et lui décocher un sourire large, et un bref salut de la tête, alors qu’elle est au sol.

- Ne frappe pas trop fort, p’tit gars. Il la veut intacte. Cela dit…C’est vrai qu’on pourra toujours prétexter une mauvaise chute.

Le cavalier ébouriffe les cheveux du Muet et reprend sa chevauchée, totalement indifférent à la détresse d’Alicia tandis que le jeune garçon, lui, approche de la Dame de Terrefière, pour s’asseoir juste à côté d’elle. Il passe tranquillement sa main rougie sur ses cheveux, comme le ferait une mère cherchant à calmer un enfant triste, un manège qui n’échappe pas à Thibert et à Og’, chevauchant de l’autre côté de la charrette. Les deux hommes échangent un regard, Thibert reportant ensuite le sien sur Alicia.

- Si tu t’ennuies Le Muet, j’veux bien prendre ta place.

Une lueur totalement malsaine brille dans les yeux du brigand qui a enfin un rire gras, secondé par Og’.

- Il a dit « intacte », susurre le borgne, amusé.
- Elle ne l’est plus. A moins que…C’est pas engageant, ce genre de tare des jambes. Ce serait pas étonnant qu’elle soit encore intacte…

Léandre hausse les épaules, Le Muet caresse toujours les cheveux d’Alicia, sa main se perdant sur la nuque. Voir la peau se hérisser à son contact semble beaucoup l’amuser.

- Après c’est vrai que c’est plus facile quand elles ne remuent pas…, ajoute Og’ après avoir bu une gorgée de son outre d’eau. Du coup t’as tes chances Thibert.

Devant, Evrard conduit la charrette, bien droit sur le petit banc, écoutant le tout avec un sourire avant de surenchérir, pour instiller la peur chez la victime.

- Laissez-la au Muet, vous autres. Faut bien qu’il découvre, il aura pas de meilleure occasion, pas vrai Gamin ?

Pour toute réponse, au milieu des rires d’hommes, le gamin aux boucles blondes lève le menton d’Alicia et l’oblige à le regarder. Il n’y a rien dans ces grands yeux verts, ils sont vides de toute expression. Tout ce qu’il fait, c’est suivre le contour de la zébrure rouge marquant la peau délicate, du bout du doigt. Léandre soupire, regardant ailleurs. Il préfère les femmes, les vraies, pas cet ersatz éclopé, et il sait que les autres aussi, donc tout ceci n’est que de l’esbrouffe pour terrifier la captive. Et dire qu’il va falloir supporter ça jusqu’au bout. C’est d’un ennui…

- C’est bientôt la nuit. Evrard ?, demande Léandre.
- On voit les cahuttes d’ici. Encore quelques minutes et on y sera.

Après de très longues minutes, la charrette s’immobilise et quelqu’un tire Alicia par les pieds pour la hisser ensuite sur une épaule, celle d’Og’. Quelques instants plus tard, la captive est jetée dans le coin d’une masure, sans le moindre ménagement, les mains toujours attachées, bâillonnée. Les cinq hommes entrent, ferment la porte et s’installent dans le coin opposé, sur d’épais ballots de paille dans lesquels ils s’enfoncent, fourbus.

- Un peu de repos et on repart. Je prends le premier tour de garde, dit Léandre. Surveillez cette femme. De près s’il le faut.


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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeDim 20 Fév 2022 - 16:18


Je les entends... Oh oui, je les entends... Et je sers les jambes à m'en faire mal. Je plie les genoux pour me faire plus petite que je ne le suis déjà et protéger ce dont ils parlent tous... J'entends leurs ricanements. Je devine leurs sourires. La dernière fois, je n'intéressais pas mes ravisseurs sur ce plan-là, je n'étais qu'une enfant. Aujourd'hui, je suis une femme et ces rustres ont d'horribles pensées à mon égard. Je ne veux pas qu'ils me touchent...
Je sens une main se porter à mon menton. Celle du "Muet", je suppose. Je résiste mais il ne me laisse pas vraiment le choix et je suis contrainte de relever la tête. Il me force à le regarder et il me terrifie... Son sourire malsain, ses yeux malveillants, cette caresse insidieuse. Je ne bouge pas puisque je n'en ai pas le droit et qu'il m'en empêche mais mon cœur bât la chamade, ma respiration s'accélère, mes larmes coulent de peur... Et cela les amuse. Je ne suis qu'un jouet, un chiot que l'on martyrise pour l'amusement. Je les hais et je les crains tout à la fois... Tous autant qu'ils sont.

Sans le moindre ménagement, on me fait descendre de la charrette. Je pousse un cri étouffé par le bâillon alors que l'on me tire par la cheville. Non seulement c'est inhabituel et totalement déplacé comme manière de procéder mais c'est aussi douloureux. Mes jambes n'apprécient pas ce traitement, pas plus qu'elles n'apprécient d'être coincées sous le bras du brigand. La chute est rude également... On me laisse là et je me retranche le plus loin possible avant de ne plus bouger. Pour l'instant, ils semblent se désintéresser de moi et je préfère que les choses demeurent ainsi, aussi longtemps que possible. J'ai besoin de me calmer. Je le sais : paniquer ne me servira à rien. Je dois passer le moment du choc et me reprendre. Cette nuit sera le moment propice. Mais je ne suis pas la seule à en avoir conscience...
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeLun 21 Fév 2022 - 16:20


Pas de feu, pas de flammes, pas de fumée.

Une expédition éclair, qui se doit d’être rapide, discrète et silencieuse, autant que possible.

Cela implique donc de ne pas allumer la moindre petite source de chaleur dans la masure dans laquelle flotte une vague odeur de moisissure un peu désagréable, une odeur qui ne dérange pourtant en rien les quatre bandits qui sont restés à l’intérieur. Par chance, il y a une lune ascendante là dehors, une lune diffusant une blafarde lumière grise qui permet au moins de distinguer les silhouettes des malandrins.

Ils se sont mis à l’aise dans les ballots de paille. Et l’odeur de moisissure est soudain supplantée par une âcre fragrance de pieds provenant de bottes mises à sécher près des ballots. Quelque part, il est donc heureux qu’Alicia soit dans le coin opposé.

Thibert et Og’ sont déjà en train de ronfler comme des sonneurs, sourds à l’échange qui a lieu entre Évrard et Le Muet. Le gamin, à peine dix-sept ans, peut-être plus, peut-être moins, est en train de déchiqueter de tous petits fétus de paille tandis que le quarantenaire mastique consciencieusement un morceau de pain dur comme du bois, tout sec. L’estomac du Muet s’agite bruyamment et douloureusement ce qui fait sourire son acolyte. Il lui tend le reste de sa part de pain.

- T’inquiète pas Gamin. Quand on aura déposé la femme, on aura de quoi se payer un vrai repas dans une vraie auberge avec un vrai lit. Faut que tu arrêtes de manger toute ta ration dès le matin…

Le Muet avale tout d’une seule bouchée et remercie d’un geste de la tête avant de regarder Alicia là-bas dans son coin, un regard que suit Evrard, avant qu’un vague sourire de connivence ne flotte sur ses lèvres fines.

- Ces gens-là ne savent pas ce que c’est, avoir faim. C’est comme ça. Y a ceux qui ont de la chance puis y a les gens comme nous. Suffit de savoir en tirer parti.

Le Gamin hausse les épaules avant de pointer du doigt le foulard soigneusement noué autour de la gorge de son comparse, d’un air désapprobateur.

- Je sais…Parfois, y en a qui ont de la chance puis qui la perdent. Ça aussi, ça arrive. Le tout c’est de se débrouiller. J’suis toujours en vie. C’est bien tout ce qui compte non ?

La grande main rugueuse d’Evrard fourrage dans les boucles du Muet, avec un sourire satisfait.

- Tu devrais dormir. Qui dort dîne, selon ce vieux dicton pourri. Et connaissant Léandre, on ne va pas rester ici bien longtemps alors tu ferais mieux de te reposer, Gamin.

Evrard s’allonge, les deux mains logées sous sa tête, esquissant à nouveau un sourire que ne peut voir le Muet tout en murmurant :

- Et si tu as des trucs à faire, débrouille toi pour que ça n’attire pas l’attention de Léandre…

Il y a ensuite un silence seulement interrompu par les ronflements des hommes et ces petits craquements des fétus de paille sous les doigts agiles du Gamin. Ce n’est qu’après de longues minutes qu’il se lève enfin pour approcher Alicia, toujours dans son coin. Elle ne pourra pas voir grand-chose, juste deviner de qui il s’agit dans le clair obscure de cette horrible masure, percevoir le profil de quelques longues boucles qui approchent d’elle, inexorablement.

Ils ne peuvent se voir mais qu’importe, Le Muet prend son temps. A la moindre tentative de mouvement, de cri, il réagira, aussi brutalement qu’il l’a fait dans cette vieille charrette tout à l’heure. Un sourire. Un mouvement. Il la rejoint, au sol, pour la prendre et la garder dans ses bras, passant son temps à caresser ses cheveux comme une petite fille pourrait le faire avec une poupée de chiffon. Assis sur la terre battue, le dos contre le mur, il a ensuite déposé la tête d’Alicia sur ses cuisses, tandis que de sa gorge s’échappe des bruits étranges. Avec le temps, si elle en est capable, Alicia comprendra qu’il chante en la berçant…Il chante tout en caressant ses joues, ses cheveux, ses lèvres, parfois sa gorge.


Dehors, Léandre patrouille sans cesse, profitant des ombres pour observer, et cela pendant de très longues minutes. Le froid de la nuit l’oblige à resserrer la cape qu’il porte, pestant contre cette misère qu’il l’oblige à supporter tout ça.

- Il a intérêt à payer correctement, ce seigneur noir…



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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeMer 23 Fév 2022 - 20:49

Alors que je commence à peine à me calmer et à profiter de la quiétude qui vient avec le soir, j'entends les deux acolytes à être encore éveillés se parler. Ils ne me connaissent pas mais font mille suppositions à mon égard. Nombre de dames sont telles qu'ils le décrivent... mais pas moi. Moi, j'ai connu la faim, la soif, la peur, la mort, la douleur... Il y a seulement quelques années. Je me suis efforcée de rester celle que j'étais avant cette épreuve mais ce n'est pas pour autant que je fais comme si cela n'avait pas eu lieu. Je n'aurai pas ce luxe de toute manière. Je suis marquée à vie... Mais si ces hommes ne le savent pas, cela signifie qu'ils ne sont pas d'Arétria. Personne n'ignore mon histoire ici et une jeune femme noble marchant avec des béquilles en Malelande, tout le monde ferait le rapprochement. Et étant donné le châtiment qui a été réservé à ceux qui ont précédé mes ravisseurs actuels, aucun malandrin de la région n'essaieraient de s'en prendre à moi.
Alors leur commanditaire est allé les chercher plus loin... Assez pour qu'ils ne connaissent pas mon histoire et acceptent ce contrat sans trop en demander pour compenser le risque encouru. Mais où ? Moi qui n'ai jamais voyagé, je ne connais pas les accents de Péninsule.

La conversation prend fin et le silence qui s'en suit me semble bien plus pesant... Le seul bruit que j'entends, c'est le jeune homme qui s'acharne sur ses brins de paille. Il ne s'est pas couché... Et j'ai entendu ce que son compagnon lui a dit. J'ai l'impression de sentir son regard sur moi. C'est le seul qui semble réellement s'intéresser à moi... à me porter ces regards-là... C'est sans doute pour cela qu'il est le plus effrayant à mes yeux. Je peux supporter une claque... mais pas ses gestes pernicieux.
Après un temps qui me semble interminable, j'entends un bruit et, sur le moment, j'espère que c'est le muet qui s'allonge... Mais mes espoirs sont bien vite brisés quand je perçois ses pas qui s'approchent discrètement. Il vient se poser près de moi et j'ai un mouvement de recul. Il m'attire à lui mais je résiste. Je sais ce que je risque mais je ne peux pas le laisser entendre que je suis consentante. Et la sanction tombe, douloureusement... Il me prend dans ses bras et me caresse les cheveux, comme pour m'apaiser mais cela ne m'apaise pas du tout. Je tremble, j'ai peur... Je suis effrayée à l'idée qu'il aille plus loin. Dire qu'il y a encore quelques ennéades, je n'aurais pas su ce que ce "plus loin" voulait dire et je n'aurais pas craint ce qu'il aurait pu me faire jusqu'à ce que cela se produise...
Il fait descendre ma tête, je résiste... Il insiste en me faisant mal. Un gémissement de douleur se meurt derrière mon bâillon. Ma joue finie posée sur ses cuisses et il continue à me caresser. Je pleure... tant et si bien que le tissu devant mes lèvres prend le goût du sel. Je tressaille à chaque fois que ses doigts glissent sur ma gorge. J'ai peur qu'il m'étrangle. Peur qu'il descende encore... J'entends sa voix étrange et sa chanson donne un air plus lugubre à ce moment qu'il s'imagine peut-être être tendre. Mais aussi chétif et doux de visage soit-il, il ne connaît rien à la tendresse. Marc-Aurèle est un colosse malhabile en matière de sentiments mais il sait ce que c'est, lui. Il me manque... Je voudrais qu'il ouvre cette porte et m'arrache à tout ceci. Je voudrais rentrer. Je voudrais m'allonger dans ses bras pour m'y blottir et y dormir, comme lors de notre première nuit en tant qu'époux... Je ne me suis jamais sentie aussi en sécurité qu'à ce moment-là...
Durant les heures qui suivent, j'essaie de me concentrer sur lui. Pas pour me figurer que c'est lui qui me caresse ainsi, je ne veux surtout pas faire cet amalgame, mais simplement pour garder un peu d'espoir. Celui que je le reverrais, que je pourrais à nouveau le serrer contre moi et, surtout, de lui dire une chose que je ne lui ai jamais dite, pensant naïvement que j'en aurais le temps. Si l'homme auquel ils me conduisent devait me tuer, ce serait mon seul regret... Il est probablement sur nos traces. Au tout du moins je l'espère... Peut-être a-t-il eu besoin de demander des renforts, ce qui l'aurait retardé...

Quoi qu'il arrive, avant l'aube, je suis de nouveau dans cette charrette dans laquelle on m'installe avec autant de ménagement qu'on en a fait descendre. Le muet n'est pas allé plus loin mais je n'ai pas fermé l’œil de la nuit. Je n'ai plus de larmes pour pleurer. Je suis fatiguée. Mon ventre est vide. J'ignore où nous sommes. J'ai mal partout. Ma joue est de plus en plus sensible. Je ne sais pas où nous allons mais sans doute pas bien loin... Ils agissent comme s'ils étaient pressés, c'est qu'ils se savent probablement suivis et ignorent combien ils ont d'avance sur leurs poursuivants. Je m'accroche à l'idée que Marc-Aurèle nous talonne avec assez d'hommes pour tenir tête à ceux qui m'ont enlevée...
Pourvu qu'il arrive à temps...
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Louise de Fernel
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeVen 25 Fév 2022 - 12:08


L’espoir.
La dernière défense de ceux qui n’ont plus rien.
L’espérance.
L’illusion de ceux qui ont tout perdu et qui luttent en vain.

Alicia est pleine d’espérance, ils peuvent le voir à ses grands yeux cerclés de rouge qui scrutent l’horizon entre les planches de la charrette. Le Muet le voit, lui qui reste à ses côtés replaçant correctement le vieux bâillon humide, avec de délicates attentions de mère pour un enfant ou d’un enfant pour sa poupée, au choix. Ces petites et touchantes prévenances amusent beaucoup Evrard qui a cédé sa place à Og’. C’est donc le borgne qui mène la charrette et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bandit mène grand train. Ils ne s’arrêtent pas un seul instant sous la houlette d’un Léandre de très mauvaise humeur, désireux d’en terminer. Lui, l’homme de combat et d’action, s’embête infiniment à transporter une femme au lieu de proprement lui couper la gorge dans un coin, rapide, efficace. Non, il faut être prévenant, l’amener au seigneur et ne pas la toucher.

- Allez les gars, nous ne sommes plus très loin.

La journée a donc été silencieuse, si on excepte le bruit des essieux grinçant par petits épisodes stridents, le bruit sourd des sabots des chevaux s’enfonçant dans le sol et les borborygmes joyeux du Muet quand il touche Alicia.

- Par tous les Dieux, il était temps !, dit enfin Evrard alors que le crépuscule s’annonce et qu’ils approchent quelques cahutes et granges en mauvais état.

- Il est là ?, demande Thibert, jetant un coup d’œil aux logis avant d’aviser Léandre.

Ce dernier esquisse – enfin – un sourire satisfait en hochant positivement la tête.

- Oui. Il y a des chevaux. On se dépêche, allez !

Les derniers mètres semblent toujours les plus longs mais la joyeuse perspective d’obtenir une bourse bien garnie afin de pouvoir ripailler et dormir dans un vrai lit les aiguillonne assez pour qu’ils forcent l’allure. Bientôt, ils seront donc pieds à terre, Le Muet lâchant Alicia en grognant, visiblement mécontent. Thibert se charge cette fois de porter Alicia sur son épaule et les voilà qui entrent tous les six dans une grande délabrée. Une voix masculine les saluera, à voix basse, tendant à Léandre une énorme bourse pleine de pièces que le bandit soupèse avec une intense satisfaction. D’un mouvement de la tête à son acolyte, il ordonne donc que l’on dépose la captive au sol ce que fait Thibert sans le moindre ménagement.

Pendant que Léandre échange quelques mots avec l’inconnu entièrement drapé de noir, anonyme, Le Muet reste près d’Alicia. Evrard pose sa main sur son épaule et dit, avec un sourire :

- Va falloir t’y faire, gamin, s’attacher, dans notre monde, c’est une très mauvaise idée.

Le Muet cesse alors de caresser les cheveux d’Alicia avant de grogner étrangement et de rejoindre les autres, laissant enfin la jeune femme seule. Léandre s’incline bien bas, un large sourire aux lèvres et sort ensuite, sans un seul regard pour Alicia qui demeure donc en compagnie d’un total inconnu. Dehors, un hourra salue l’arrivée de Léandre qui agite l’énorme bourse avant de grimper en selle.

- On s’en va. On doit juste continuer vers l’est sur une lieu ou deux puis on disparaît. Allez ! Cette nuit, on dormira au chaud !

La charrette est abandonnée sur place, le petit groupe est déjà loin, au galop, salivant déjà à la perspective d’une belle tranche de viande braisée. Seul Le Muet ne manifeste aucune joie, privé de son petit jouet.
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeVen 25 Fév 2022 - 21:26

Je suis épuisée... Ils ne m'ont laissée ni le temps de me reposer, ni de me calmer. Je n'ai pas mangé ni bu depuis le déjeuner de la veille. J'ai mal partout... Mon corps doit être couvert de bleus. Je suis sale. Ma robe aussi. Mes cheveux sont en désordre. Mon épingle est de travers. A force de rester passive, j'ai froid. Le Muet me fait peur, je ne comprends pas ce qu'il veut et ses gestes sont déplacés... Si je le rejette, il me fait mal. Alors je ne bouge plus. J'aurais besoin de mes maigres forces pour plus tard.

Finalement, après un temps que je ne saurais quantifier, la charrette s'arrête. On m'arrache de nouveau à ce carcan de bois. J'aurais pu croire que c'est pour une nouvelle pause mais je les ai entendu... Leur commanditaire est là. Mais où sommes-nous ?

Je retrouve le sol avec violence, dans un cri étouffé par le tissu sur ma bouche. La douleur est mon quotidien mais, cette fois, elle me semble plus difficile à supporter que d'ordinaire... Le Muet est toujours là, à me caresser les cheveux... Je préfère rester allongée, le visage caché à la fois par le sol et par les longues mèches de cheveux qui ont fini par se libérer de leur attache. Je demeure immobile jusqu'à ce qu'ils s'en aillent tous. Ou presque...

Tandis que les chevaux partent au galop et s'éloignent, une autre silhouette reste là à me regarder. Je le sens... Je tourne lentement la tête vers lui. Il est trop loin pour m'en empêcher de toute manière. Malheureusement, entre la nuit qui tombe peu à peu, la distance qui nous sépare et sa capuche, je ne discerne pas grand chose. Je ne vois pas son visage.
Il ne bouge pas. Il attend.

Et puis...

-Bonsoir. Ma chère Alicia...

Mes yeux s'ouvrent tout ronds.
Cette voix...

-Oui... Tu te souviens, n'est-ce pas ? Petite menteuse.
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MessageSujet: Re: [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise   [Entre les lignes] Quand l'ennemi prend les devants | Alicia & Louise I_icon_minitimeMer 2 Mar 2022 - 20:26

L'homme encapuchonné s'avance d'un pas lent pendant que j'essaie de m'en éloigner, poussant sur mes talons. Mais j'ai mal partout et ma peur ne suffit pas à me faire avancer suffisamment pour pouvoir lui échapper et je le vois s'approcher dangereusement de moi. Finalement, il arrive à ma hauteur et me regarde, un sourire malsain aux coins des lèvres. Puis il se baisse soudain pour saisir ma mâchoire de toute sa main et tourner mon visage vers le sien.

-Ne me fuis pas, chère cousine. Cela ne sert plus à rien.

Je vois désormais les yeux de Klaus et cette lueur... la même lueur que...

-Je n'étais pas certain que tu te souvenais de ce jour-là, contrairement à ce que tu prétendais. Comme je n'ai pas été inquiété, j'ai eu un doute et puis je me suis dit qu'il valait mieux éviter de prendre des risques. Après tout, même si la mémoire ne t'étais pas revenue, tu avais toujours ces fichus rapports sur son bureau.

Les... Les rapports ? Alors c'était pour cela ? C'était lui ?!!

-J'ai profité de l'agitation qu'a provoqué ta chute pour filer et essayer de les récupérer mais Gendry était déjà là. J'ai préféré qu'il ne me voit pas et qu'on n'associe pas à visite à ton... accident et je me suis contenté de partir. Mais je savais que tu pourrais remettre ton nez là-dedans alors... j'ai attendu l'occasion. Le retour du Comte t'a permis de te marier et tu t'es retrouvée dans ce petit bourg miteux, sans tes gardes permanents... C'était presque trop facile.

Il me fait mal alors qu'il sert de plus en plus sa main sur mon visage mais il a l'air de se délecter... Il semble apprécier ce qu'il voit dans mes yeux... Ma douleur mais aussi ma peur, car je sais ce qu'il va se passer.
Finalement, il me lâche, se lève et écarte ses bras pour me montrer les lieux.

-Ça te plaît ? Un petit hameau perdu au milieu de nulle part. Avec une grange et quelques habitations. Il semble soudain réaliser quelque chose mais je sais qu'il joue la comédie, mettant en scène la réalisation de ce qu'il a prévu... Ça ne te rappelle rien ?

Je prends un instant pour réfléchir. Qu'est-ce cela devrait me...

-Oui, c'est ça... Réagit-il alors qu'il voit dans mon regard que j'ai compris.

Cela ressemble à quelque chose que j'ai déjà lu. Je l'ai lu dans des rapports, à la lumière d'une bougie, dans le bureau de Gendry. Des rapports que j'ai lu et relu pour vérifier qu'ils avaient bien un lien et pour essayer de comprendre qui avait pu faire cela.

-Tu seras la malheureuse victime collatérale d'une nouvelle attaque de brigands. Une parmi d'autres, je te rassure. Mais tu seras la seule à souffrir, j'en ai peur.

Non... Non, pas ça...
Je n'ai même plus de larmes pour pleurer alors que mon destin semble scellé ici. Alors que je comprends qu'il a déjà tué les habitants de cet endroit. Alors qu'ils sont probablement dans cette bâtisse pour subir le même sort que moi.

-Rassure-toi, il n'y en aura plus pour longtemps. Je ne voudrais pas donner une chance à ton cher mari d'arriver à temps pour que tu lui racontes tout.

Sur ces mots, il revient vers moi et m'assène un violent coup. Mon corps s'affalent subitement sur le sol, inconscient. Encore une fois. Puis il se penche à mon oreille pour me susurrer quelques mots que je n'entendrais jamais.

-J'espère que tu te réveilleras avant la fin...
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