Un belle soirée | Viliam & Fantôme

Hiver, Karfias 20:XI
8ème ennéade

-Allez ! C'est pas si haut !

Fantôme rit de bon cœur tandis qu'il encourage son compagnon à le rejoindre. Lui ne trouve pas cela si difficile mais c'est vrai que c'est le... quatrième... ou cinquième toit qu'il lui fait grimper d'affilé ? Et puis, après leurs journées respectives, ils viennent d'enchaîner avec une début de soirée assez sympathique et joyeux dans une taverne du coin. Comme à son habitude -depuis leur folle nuit-, le mercenaire s'est contenté de cidre alors autant dire qu'il est encore assez frais.
Entre eux, on peut affirmer que tout va bien. Entre les missions de l'un et les activités de l'autre, ils se voient lorsqu'ils en ont l'occasion et les choses progressent doucement. Fantôme prend son temps pour s'habituer... Au fait de préférer les hommes, d'être attiré par Viliam, de le toucher, de l'embrasser... Il essaie de ne pas penser à ceux qui les regardent de travers mais il a un peu de mal. Peut-être parce qu'il n'assume pas. Peut-être parce qu'il a peur d'être découvert. Peut-être à cause de l'illégalité dans laquelle vit son compagnon et qui le mettrait dans une fâcheuse posture si cela se savait... Ou peut-être un mélange de tout ça... Le contexte de leur relation est loin d'être simple mais leurs sentiments ont le mérite d'être sincères.

Fantôme tend une main à son ami pour l'aider à finir de monter. Une fois qu'il l'a hissé à sa hauteur en riant, il reste là à le regarder un instant sans le lâcher, avant de faire se retrouver leurs lèvres pour la première fois de la soirée. Si son affection pour le semi-elfe se discerne rien que dans sa façon de le regarder, en public, il ne fait pas autant démonstration de ce qu'il ressent qu'en privé. Puis il retrouve ses yeux, à la fois paisible et heureux, avant de lui montrer quelque chose d'un signe de tête.
Désormais, ils se trouvent sur un toit plat. C'est assez haut mais cela leur donne une vue imprenable sur Thaar. Tout autour d'eux, c'est la nuit noire, tapissées au sol de lumières douces et chatoyantes suivants le tracé des ruelles et en haut des froides et merveilleuses étincelles d'étoile éparpillés dans tous les sens. La main dans celle de Viliam, le mercenaire l'attire vers le bord. Tout est calme et pourtant pas complètement. D'ici, ils peuvent entendre une fête qui se déroule dans un quartier plus à l'Est, les chants joyeux de quelques hommes saouls qui quittent les tavernes vers le Nord-Ouest, les tintements des verres et des rires alors qu'un dîner se déroule à deux maisons de là... C'est une ambiance particulière et en même temps apaisante.

-Avoue que ça valait le coup de se donner la peine, malgré l'heure. Le chahute-t-il avant de s'asseoir au bord du bâtiment. J'aime bien monter sur les toits la nuit.

-Laisses-moi 5 minutes pour respirer par Nééra…

Viliam semblait râler mais Fantôme pouvait facilement deviner qu’au fond il n’en était rien. Cela l’amusait de voir tant d’entrain chez son compagnon à vouloir l’emmener il ne savait où et, s'il fallait une autre preuve que ses yeux rieurs, malgré tout il l’avait suivi bon grès mal grès dans une espèce de parcours du combattant improvisé.  Mais le bandit n’avait pas l’endurance de la Chimère et il s’était bien vite retrouvé essoufflé tandis que l’autre sautait toujours comme un cabri.

Avec un sourire il fit rouler l'épaule qui commençait à le lancer et prit la main tendue pour se laisser entrainer jusqu’au dernier toit. Là, avant qu’il ne puisse ajouter quoi que ce soit, le mercenaire prit l’initiative de venir l’embrasser. Cela le surpris mais il le laissa faire, posant juste sa main sur sa mâchoire par réflexe. Fantôme était des plus discrets et retenus jusque-là, et Viliam avait mis ça sur la difficulté d’accepter une réalité encore brutalement nouvelle alors il ne le forçait en rien. Qu’il se lâche ainsi maintenant, il ne s’y attendait pas. Mais après tout il semblait heureux dans tous les cas alors ça convenait au bandit.

Sans rien dire, la Chimère l’emmena un peu plus loin et Viliam se mit à sourire en s’installant à ses coté.

-La vue est belle c’est vrai. Je ne suis pas étonné de te voir apprécier ça. Il ajouta doucement. Ça te ressemble.

Fantôme ne sait pas vraiment comment réagir à la réflexion de son compagnon. Un peu embarrassé, il passe rapidement sa langue sur sa lèvre inférieure tout en l'attirant vers l'arrière, la faisant disparaître dans sa bouche.

-Eh ben... Si j'aime le poste que j'occupe chez les Chimières, c'est sans doute pas pour rien. J'aime me tenir en retrait, observer de loin... Je me sens moins à l'aise au milieu de la foule. En tout cas, dans les moments de calme.

La ville est loin d'être paisible à cette heure. Mais il se sent mieux lorsqu'il s'en tient loin. Peut-être est-ce aussi parce qu'il n'est pas certain d'y avoir trouvé sa place. Il aime son métier mais, d'un point de vue personnel, il se demande encore parfois qui il est vraiment. Il a passé tant d'années à essayer de trouver une compagne avec qui il se sentirai bien. Il a cru l'avoir trouvé plus d'une fois mais, lorsque cela dépassait le cadre du simple calinage, il n'en était plus aussi sûr.
Fantôme délaisse les alentours pour tourner son visage vers Viliam, pensif. Il lui aura fallu du temps pour trouver la solution... Et pas mal de déboires aussi. Il a failli passer à côté de tout cela... S'il n'y avait pas eu Djena pour le réveiller, il ne serait pas là ce soir, à montrer à cet homme auquel il tient tant cet endroit si particulier à ses yeux. C'est un moment assez intime finalement.

Immanquablement, le bandit finit par sentir le regard de son compagnon sur lui et leurs yeux se retrouvent. Le mercenaire lui sourit, à la fois tendre et timide... avant de s'avancer pour l'embrasser de nouveau. Son baiser est plus long cette fois et d'autres lui succèdent. Une mains vient trouver la joue puis la nuque du demi-elfe tandis que l'éclaireur lui témoigne son affection... et son attirance aussi.

-Merci... Finit-il par dire après de longues minutes de tendresse non dénuée d'une certaine sensualité. ...d'être aussi patient. Après six ennéades, un autre que toi ce serait attendu à ce qu'on en soit plus loin que simplement se tenir la main et s'embrasser discrètement.

Il omet volontairement l'ennéade qui a précédé le début de leur relation mais cela pourrait également jouer dans l'évolution de leur couple. Ils ont couché ensemble et il s'en souvient alors qu'est-ce qui l'empêcherait de recommencer en sachant qu'il n'est plus vierge de ce côté-là non plus ? Pourtant, Viliam ne le force pas, ne le pousse pas... Il se contente de suivre le rythme de croisière que Tom a adopté tout naturellement. Rien ne force le mercenaire à aborder le sujet mais il tient à le faire. Il veut montrer à son compagnon qu'il est conscient de ce qu'il fait pour lui et qu'il apprécie sa bienveillance à son égard.

-Ce serait malvenu de ma part de t’en demander plus. Il soupira, laissant ses jambes battre un peu dans le vide. Certaines choses ne s’exigent pas. Ajouta-t-il doucement. J’ai conscience d’avoir une vision du monde que peu de gens partagent ici-bas, mais je ne conçois pas le genre de relation que nous avons sans ce que tu appelles patience. Tu ne forçais pas tes compagnes  à aller à ton rythme j’imagine. Pourquoi je ferais autrement avec toi ? Il y a deux voix dans un couple et elles doivent autant résonner l'une que l'autre.

En plus de cela, Fantôme risquait bien plus que lui dans ce jeu là. Viliam n'avait pas grand chose à perdre et il se refusait à voir la vie de la Chimère détruite par sa faute. Il avait saisi à quel point il tenait à cette vie...

Il y eut un silence, pendant lequel Viliam leva à nouveau les yeux vers le ciel, pensif.

-Et puis tu sais…L’image que tu as pu avoir de moi l’autre soir…Il secoua la tête, presque mal à l’aise de réévoquer cette nuit d'erreur. Je ne suis pas…comme ça. Moi aussi j’ai besoin de temps en fait.

De temps et d’une confiance qu’il avait eue surprenamment vite envers son amant. Ça semblait bien loin de l’idée du bandit revêche et entêté n'ayant peur de rien qu’il pouvait donner. C’était là des facettes de sa personnalité qu’il ne montrait que rarement, seulement à ceux qui partageaient bien plus que quelques accolades un soir de beuverie.

-Ça ne me dérange pas vraiment d’en rester à ce que nous sommes. Que ça soit pendant six ennéades, ou bien six mois. Finalement, son regard vint se planter dans celui de son compagnon. Le bandit vint prendre sa main dans la sienne et la serra avec une certaine tendresse. Je m’estime déja heureux de pouvoir t’avoir l’espace d’une soirée. Et je ne te demande qu’une chose Tom, c’est que cette relation reste aussi honnête qu’elle ne l’est maintenant.

Il s’en fichait bien d’aller vite ou non. Qu’ils s’exposent ou non. Qu’ils ne s’embrassent, couchent ensembles, tout ou rien de cela. Tant que le bandit sentait que son partenaire était avec lui, peu lui importait.

-Je suis d'accord mais tout le monde ne serait pas de ton avis. Surtout après ce qu'on a déjà vécu tous les deux...

Lorsque l'on a déjà franchi certaines étapes, même en étant saoul, on peut naturellement penser que cela se reproduira vite une fois à jeun. Mais sa désinhibition a tellement choqué Fantôme qu'il s'en sent proprement incapable. Ce n'est pas qu'il n'a pas de désir pour Viliam mais il ne se sent pas prêt à se laisser aller. Il a osé certaines choses sous l'effet de l'alcool qu'il pense être incapable de refaire pour l'instant. Et quand ces images lui reviennent encore parfois, il se demande comment il a pu faire tout ça... Il sent d'ailleurs ses joues le chauffer en repensant à ce moment où il a attiré le bassin de son amant contre le sien afin qu'ils se pressent pratiquement nus l'un contre l'autre et il bénit la pénombre dans laquelle ils baignent... Au moins, il y a peu de chance que le bandit remarque quelque chose, si ce n'est son regard fuyant l'espace d'un instant.
Tom sourit à son compagnon tout en serrant la main qui vient de prendre la sienne.

-Moi qui pensais te proposer qu'on dorme ensemble ce soir, est-ce que ça veut dire que ce sera pour une autre fois ?

Le mercenaire a pris un ton humoristique mais Viliam peut aisément comprendre qu'une part de lui est sérieuse. Il est curieux de savoir s'il partage cette envie et peut entendre que ce n'est pas le cas. Après tout, il ne parle que de s'endormir côte à côte et rien de plus mais cela reste une petite étape vers une intimité réciproque.

-Quant à la question d'être honnête, il y a une chose que je ne t'ai pas dite mais que je préfère que tu saches, même si techniquement on n'était pas ensemble. Pendant ces quelques jours qui ont suivi notre nuit, j'ai été abordé par une femme. Si tu n'es pas du genre à coucher le premier soir, moi ça m'est déjà arrivé. Et j'ai eu envie de me prouver que tout ça... mon attirance pour les hommes... et pour toi... c'était pas vrai. On n'est pas allé bien loin, c'est à peine si on a vu un bout de peau de l'autre. En tout cas, j'ai essayé et j'ai pas pu. Toutes les images de nous qui me revenaient me donnait tellement plus envie... En même temps que ça me bloquait d'ailleurs. Rit-il jaune. Et quand j'ai compris que je pouvais pas faire ça, j'me suis tiré comme un connard d'ailleurs... Grimace-t-il de honte. Je suis vraiment pas fier de mon comportement pendant ces quelques jours...

-Vous étiez entre adultes consentants. Ce n’est effectivement pas un geste très propre, mais j’imagine que ta demoiselle s’en est remise si elle avait les mêmes intentions que toi… Il haussa les épaules. Ce n’était pas son genre mais il savait que ce n’était pas le cas de tout le monde et il n’avait pas tellement de problème avec ça du moment que personne n’en souffrait. Peut-être que tu pourrais t’excuser si un jour tu la recroise. En tout cas je suppose que je n’ai pas à te juger vis-à-vis de notre propre relation puisque comme tu l’a dit on était pas vraiment ensembles. On était tout les deux dans une mauvaise passe qui nous a poussé à faire des bêtises. C'est humain.

Ceci dit, ça le touchait que le mercenaire se sente le besoin de lui parler de cette mésaventure et s’il y avait une chance qu’il lui en tienne rigueur ce n’était pas le cas. Il avait déjà confiance en lui mais cela renforçait un peu ses certitudes. Doucement dans la pénombre il lui offrit un nouveau sourire.

-Tout ça c’est de l’histoire ancienne maintenant de toute façon.

Cette fois, ce fut à son tour de se pencher un peu et de venir chercher un baiser auprès de son compagnon, comme pour prouver qu'ils étaient tout deux loins de cette tempête.

-Restons ensembles cette nuit, ça me convient. Finit-il par répondre doucement à sa précédente question, ignorant tout au fond de son esprit les multiples doutes que cela engendrait.

-Je me prendrais surtout une claque sans même avoir le temps d'ouvrir la bouche. Rit Fantôme, d'un rire un peu jaune qui laisse entendre qu'il l'aura mérité si cela arrive. Certes, il n'aurait même pas dû accepter d'aller dans cette ruelle avec elle mais il ne pouvait pas non plus se forcer à aller jusqu'au bout alors qu'il ne pensait qu'à Viliam.

Le mercenaire serre la main de son compagnon lorsqu'il lui assure que cette histoire est derrière eux. Ou, plus précisément, derrière lui. Cela ne concerne en effet pas directement leur relation mais, pourtant, elle y est mêlée. S'il n'y avait pas eu cette nuit, Fantôme ne serait pas revenu sur sa décision de faire une croix sur les femmes. Et cela lui a permis de réaliser à quel point elles ne l'attiraient pas et peinaient à éveiller son désir. Un désir qui existe aujourd'hui encore pour Viliam mais qu'il appréhende bien différemment cette fois. Il a bien plus d'appréhensions que la dernière fois et le fait de ne plus oser boire ne l'aide pas à se détendre.
Il étire un sourire satisfait, heureux mais aussi un peu anxieux lorsque le bandit accepte qu'ils passent la nuit ensemble. Il sait bien qu'il ne lui forcera pas la main si le désir ne vient pas ou que ses craintes prennent le pas sur tout le reste mais tout cela est nouveau. Et, comme il le lui a déjà dit, il a parfois l'impression d'être une pucelle effarouchée quand ils sont ensemble. Parce qu'il redécouvre tout, en bien plus intense qu'autrefois. Une caresse de Viliam n'a pas le même effet sur lui que celle d'une femme...

Cette nuit ne sera peut-être pas leur première mais ce sera la première dont il se souviendra. Une nuit qui aura malgré tout son importance, même s'ils ne font que dormir. Tom essaie de faire des efforts, par affection pour Liam et pour lui montrer que cette relation compte à ses yeux. Il s'est déjà mal comporté avec lui, lui laissant l'impression de s'être foutu de lui, il ne veut pas qu'il ait cette pensée une nouvelle fois.