[Sur les flots de l'Oliya | Libre] À la croisée des mondes

Tout alla très vite. A peine émit-elle sa proposition que le Roi des elfes, Artïon, désira l'accompagner, ainsi que deux nains à qui elle adressa un sourire nerveux. Elle eut tout juste de croiser le regard surpris de son promis que déjà, sa chère domestique - dont elle ne pouvait plus se passer - la rejoignit, ainsi que deux gardes, qui l'escortèrent sur le chemin des cuisines.

En réalité, la comtesse douairière se sentait sur le point de s'évanouir. Elle n'avait jamais parlé à des nains et ne connaissait rien de leurs habitudes, coutumes ou tout autre indice qui l'aurait aidé à ne pas commettre d'impair. Au moins y avait-il l'elfe, qui lui était "presque" familier - en tout cas, qui connaissait l'hospitalité de son château d'Odélian, et avec qui elle avait rompu le pain.
Elle y avait compris qu'ils pouvaient, qu'ils devaient s'allier contre la menace des monstres de l'Afflux ; en tout cas, que cela était possible.

Mais alors qu'ils allaient quitter l'endroit qui leur servait de lieu de banquet, la salle sembla s'emplir d'une brusque tension. Ses gardes, qui l'avaient à peine rejoint, se placèrent brusquement de part et d'autre de sa silhouette menue.

Un nain - qu'elle reconnut comme leur Roi - prit la parole d'une voix forte. Que s'était-il passé ? Elle se mordit la lèvre, fixa Magnus un instant, de ses yeux d'ébène ; émit un profond soupir, tandis que ses gardes la tiraient avec rudesse et préoccupation vers sa place, près des leurs, près de la sécurité qu'incarnait Aurel, et le Duc de Serramire.

Un dernier regard au seigneur Artïon, dans lequel elle laissa transparaitre ses regrets sincères de ne pas avoir pu accomplir son devoir ; bien qu'elle pouvait l'accomplir autrement.
La comtesse douairière ne put s'asseoir à son siège, trop tendue, posa une main nerveuse sur l'épaule de son promis, avant de prendre la parole à son tour, d'une voix claire, en langage humain.

- "Mes seigneurs et nobles dames, je vous enjoins à la retenue. Obéissons à Sa Majesté Bohémont, qui cherche, dans cette si honorable quête, la meilleure connaissance de chacun. Respectons notre devoir et notre honneur. Montrons-leur ce qu'implique être humain, et suivants de Néera."

Un frisson la parcourut. La péninsulaire aurait aimé être n'importe où sauf en cet endroit précis. En son château d'Odélian, où elle se sentait en sécurité ; Même à Diantra, au manoir de Prademont. N'étais-ce pas une sottise que de vouloir accompagner son seigneur à un rassemblement dont elle ne connaissait que vaguement les tenants et les aboutissants, juste sous l'invitation d'Roy ressuscité, dont elle avait cru l'élan ?

Les yeux perçant d’Athanase suivent le roi nain qui se défait d’ores et déjà des convives et de la tablée à peine sa bêtise avait franchi la frontière de ses lèvres. S’il trouve cette attitude aussi méprisable qu’inconséquente compte tenu de la teneur de l’événement réunissant toutes ces peuplades en ces lieux, le Grand Chancelier avait le don de conserver une impassibilité à toute épreuve. Un visage de marbre visiblement plus immuable que le roc des montagnes de Zagazorn.

Athanase se penche légèrement pour murmurer à l’oreille du Roy quelques inaudibles paroles auxquelles le jeune garçon acquiesce, bien que tous ici peuvent constater tant sa surprise que sa gêne, alors que le Roi elfe tente, peut-être en vain, d’amener les uns et les autres à aborder le plus paisiblement possible ces sujets on ne peut plus sulfureux.

- Traduisez pour nos compagnons. Glisse-t-il au péninsulaire qui se tient à quelques pas derrière lui avant de reprendre en oliyan à l’attention de la majorité. Dames et seigneurs, amis des contrées lointaines, commence Athanase en se redressant avant de tapoter doucement ses lèvres de sa serviette, installant un silence de plomb quelques brefs instants, je vous conjure de garder votre sang froid. Roi Artiön Laergûl, croyez bien que votre volonté de vouloir, sur ce postulat, réconcilier, ou simplement concilier, les uns et les autres est fort appréciable. Il marque un arrêt, laissant transparaître un bref et discret sourire à l’intention de l’elfe, sourire qui s’efface tout aussi rapidement qu'il est apparu. Je ne sais réellement comment sont gérées les affres de la chose politique en votre vénérable Forêt… Hélas, par chez nous, les affaires du Royaume ne sont point ainsi discutées ni réglées de la sorte. Ces accusations sont extrêmement graves et la menace à peine voilée l’est encore plus, vous conviendrez que nos seigneurs et nos dames ici présents puissent s’en offusquer. Et, si moi-même je lui suis, comme l’est sa Majesté, nous pensions, tout comme vous je le crois, que cette rencontre ne serait ni le lieu ni le moment à la politique et sorties de cet acabit, au contraire, nous y voyions plutôt un bien agréable moment dont la visée n’était autre que d’apprendre à se connaître, voire à tisser des liens. Aussi semblerait-il que tous ne soient pas venus dans cette… Optique. Son regard impassible glisse vers le roi nain fulminant à peine rattrapé dans sa misérable fuite par son comparse elfe. Soit. Le mal étant fait, il nous paraît sage d’en rester là.

Athanase, dont le regard choit vers son Roy, attend que ce dernier hoche à nouveau la tête avant de continuer.

- Sa Majesté Bohémond Ier de la maison Phiram regrette la tournure des événements, aussi il vous convie à réitérer l’expérience, amis elfes. Sa Majesté serait plus que ravie de vous faire découvrir par elle-même les terres du joyau de notre Royaume, Diantra, ainsi que de partager quelques histoires autour de nos spécialités culinaires et vous faire découvrir nos talents culturels. Conclut le Grand Chancelier en offrant un sourire au roi elfe. Que dites-vous ?

Ta main quitte l’épaule du Groman-Rik, et discrètement tu lui tapotes le dos en signe de soutien. Tu es déçu. Que les motivations – celles qui étaient explicites du moins – derrière cette invitation n’aient pas été comprises de tous déjà. Que d’entre tous, ce soit ton ami qui se soit emporté le premier, aussi. Que quitte à ce que des questions difficiles aient eu à être posées, personne n’ait eu la sagesse de correctement les amener, en dernier lieu. Mais au moins, la flamboyance d’Harald n’aura été qu’un feu de paille.

Demandez à quelqu’un de parler est la meilleure manière de le faire taire. Au moins pour un temps. Le temps que les mots trouvent un véritable sens, par-delà l’énervement. Le temps de faire en sorte de ne pas se ridiculiser. Et cette fois, demander à l’assistance de parler fut assez. Assez pour que le Gardien de la Couronne gouvernant la majorité des Souffles présents intervienne et termine d’étouffer l’incendie qui aurait pu repartir. Tu rends à Athanase un cillement entendu.
Tu es déçu. Car il n’y a pas d’autre alternative maintenant que d’acquiescer. S’il on se refuse à la confrontation, la retraite des Péninsulaires est la seule solution. La menace et l’offense ne peuvent être effacées. La relative tranquillité qui aurait dû être, à jamais compromise. Chasser les Dawis – à l’origine de l’inconvenance – aurait été la seule autre option… mais tu étais incapable de t’y résoudre. Ton respect pour leur Roi est peut-être entâché, mais pas ton affection. Surtout que… les écarts d’attitude des Péninsulaires ont assez marqué la légende pour que tu veuilles bien entendre les raisons d’un tel excès de la part d’Harald. Pour autant… pour autant tu étais heureux qu’Athanase ne te mette pas face à ce dilemme.

- Bien. t’adressant directement à Athanase, tu reprends l’Oliyan Ce serait avec joie. Nous viendrons lorsque le moment sera opportun. Et de même, je serais ravi tu jettes un coup d’oeil aux elfes présents de vous présenter Alëandir lorsque l’occasion se présentera pour vous de vous y déplacer.

Ton visage affiche un sourire de formalité, mais la contrariété n’en était pas moins profonde. Certes, la branche d’olivier avait été tendue. La Couronne Péninsulaire actuelle semblait à première vue plus sage qu’elle n’avait pu l’être par le passé. Seulement l’espoir d’une quelconque forme de neutralité était mort et enterré. À tour de rôle, comme vous en aviez toujours eu l’habitude au cours des quelques rares rencontres ayant eu lieu au fil des Cycles, vous feriez l’exercice de vous plier aux codes de vos hôtes.

Lorsque tout le monde se positionne, Renaud fait en sorte de se retrouver aux côtés de Bohémond. Harven est présent en tant qu'écuyer, il se tient donc juste derrière le Duc. Ce dernier s'installe et il regarde avec amusement les mets qui sont sur la table. Il faut dire qu'ayant séjourné à Thaar durant une très longue période, il a l'habitude de la nourriture exotique, plus que ses comparses qui doivent se demander ce qu'on essaie de leur faire manger. Il fonde de grands espoirs pour cette rencontre, ayant des projets qui lui tiennent à cœur. Il a déjà subis un revers quand Harald lui a refusé son aide pour la construction d'un grand  port à Erac. Et si Bohémond est enclin à une entente, ce que l'on verra à l'issue de cette rencontre, Renaud sera ravis d'être un vecteur pour ce rapprochement.

Tout semble se passer agréablement, sauf pour Magnus qui fait la tête dans son coin. De fait, le Comte n'est pas connu pour son amour des autres races, et vu ce qu'Athanase lui a dit juste avant, on peut comprendre son renfermement. Il faut juste espérer qu'il saura se tenir, mais il semblerait, de tout ce que Louise lui a dit, qu'il s'est assagit ces derniers temps. Le Duc d'Erac n'en oublie pas sa nouvelle tenue arborée à Diantra, et son penchant pour Othar. Solange, quand à elle, met du sien aussi pour que tout ce passe à merveille, proposant de cuisiner elle-même, ce qui est un grand honneur, mais sans doute les nains et les elfes ne le comprennent pas puisque les cultures sont très différentes. L'on peut donc aisément concevoir l'importance de cette réunion pour le futur entre les différents protagonistes, et même s'il ne connait pas les intentions du Roi elfique, il trouve cela judicieux de sa part.

Malheureusement, avoir autant de monde hors péninsulaires, pour Magnus, semble être beaucoup trop demandé, et il ne peut s'empêcher de faire un commentaire sur son ressentit. Renaud se crispe en l'entendant, mais cela trouve étonnement un écho en son fort intérieur, il est évident qu'il faudra que tout cela sorte un jour et que des explications soient données, les abcès crevés, pour fonder une base saine si l'on souhaite des relations plus cordiales, à défaut d'amicales, entre les races. Chacune à des griefs à l'encontre des autres, et faire table rase du passé est quelque chose de très difficile à faire. Le Duc d'Erac se demande s'il serait autant ouvert s'il n'avait pas séjourné en Ithri'vaan ?

Renaud n'avait pas vu l'émissaire nain qui passait derrière eux aux moment où le Comte d'Aretria a parlé, mais la réaction du Roi des nains ne manque pas d'arriver. Renaud parle l'Oliyan, il le comprend très bien aussi, et la menace très explicite qu'il profère à l'encontre des humains est sans équivoque. Le Duc se lève quand Harald quitte sa place, et d'un signe, ses gardes rapprochent Harven et Louise de lui, et se font plus protecteurs. Il faudra aussi veiller sur Magnus, qui est maintenant son allié, et dont les mots ont tout de même du sens. Cela ramène aussi Renaud au jour de sa déclaration à Louise, quand, juste avant, il lui avait demandé ce qu'elle pensait de l'aide qu'il avait requise à Harald. Il avait été surprit de sa réponse, elle qui est bien plus proche des nains que quiconque en péninsule, et qui a même reçu le titre d'ambassadrice royale. Elle lui avait dit de ne pas demander l'aide des nains mais de réaliser son chantier avec les éraçons. Il faut dire aussi qu'elle était rentrée de son voyage bien dégoutée, et on ne peut plus déçue. Voir le rois des nains, celui qui dirige tout un peuple, s'offusquer pour si peu, et menacer sans aucune retenue un autre peuple devant son propre Roy, sans compter celui des Elfes qui avait tout préparé pour cela, remettait grandement en cause la volonté des nains à tisser des liens, qu'ils soient amicaux ou commerciaux, et mettant la lumière sur un éventuel égoïsme dans lequel ils ne cherchaient en fait que leur profit, se moquant éperdument des autres.

Le Roi des Elfes intervient alors, calmant tout ce beau monde qui commence à bouger dans tous les sens, sa sagesse semble réelle. Solange prend à son tour la parole, appelant à suivre Bohémond et le crédo de Néera. Il est vrai que tous les regards péninsulaires se sont tourner vers le Roy, attendant sa réaction. C'est Athanase qui fait écho à Artion, rendant Harald seul fautif du trouble en court. Le Conseiller Royale fait un beau discours, Peut-être que le retour du vrai Bohémond l'a enfin mis du côté des Grands du Royaume, l'avenir nous le dira. Toujours est-il que Renaud et ceux qui l'accompagnent se sont rapprochés de Magnus, tout en gardant un œil sur le Roy. Renaud parle pour que seul Magnus entende

"Votre Grandeur, il semble que vous ayez mis un sacré bazar par vos quelques mots"

De l'échange entre Artion et Athanase, il apparait que la fin de la rencontre soit actée, ce qui attriste Renaud. Pourtant, une nouvelle lumière vient d'arriver sur le comportement des nains.

La colère de Harald faisait battre son cœur avec la force d’un ouragan. Ses mires se firent serrées, et le champ de vision, ne fit que rétrécir… L’émotion prenait alors le dessus. Au flou qui nimbait ses mires s’ajouta les myriades d’aiguilles qui piquaient ses extrémités. Sa poitrine se faisait douloureuse, et ses muscles s’animaient de crampes incontrôlables… Son être, comme son corps, semblait souffrir de la situation dans laquelle la force des choses l’avait placé.

La main douce mais ferme d’Artiôn fut la seule chose qui put le permettre de s’ancrer à nouveau dans la réalité des choses. Ses yeux s’écarquillèrent, et son champ de vision redevint clair et coloré. Un profond soupir fit s’envoler le poids sur sa poitrine, tandis que son cœur, lui, semblait reprendre un rythme acceptable, et une force vivable. Les mots du souverain des cités d’Anaëh firent également leur effet… Et ceux du chancelier également ensuite.

Alors que les Nains s’activaient et s’approchaient, zyeutaient et soufflaient de leurs tarins comme des Orok face à un danger encore invisible. Face aux questions qui sautaient des mires d’Ararün, Harald leva une pogne ouverte, invitant au calme et à la tempérance. Soufflant à son tour, il se retourna, et écouta les propos qui se disaient autour de la tablée. A nouveau, le Grand-Roi du Zagazorn leva la pogne droite, et fit le geste que les soldats comprenaient : baisser les armes, baisser la garde.

Son expiration se fit à nouveau profonde et longue à mesure qu’Athanase, sous couvert de son Roy, appelait au report de cette discussion, sans les Nains. Un report et une absence qui étaient validée par Artiön lui-même… Et cela, il pouvait le comprendre, même si l’orgueil légendaire de son peuple grondait d’une sourde colère. Il tourna son regard vers Artiôn.

« J’attendais également mieux de tout cela, mon ami. » Dit-il, à l’intention d’Artiôn, dans un Khazalide parlé lentement. « Je sais ta position difficile… Mais la mienne l’est d’autant plus… Toutefois… La paix importe plus… »

Finalement, Harald s’avança un peu plus, s’approchant de la place qui fut sienne depuis le début de cette rencontre. Invitant Günjär à traduire ses propos qu’il allait dire en Oliyan, pour plus de compréhension.

« De toute évidence, la douleur de la situation prit le pas sur l’importance des mots et des pensées. Vos mots, maître Humain, ravivent quelques douleurs qu’une mémoire Naine n’est pas prête d’oublier… » Dit-il à l’intention de l’assemblée mais aussi de Magnus, pour cette première partie. « Puisse les divinités me prendre à témoin, et puissent vos Braises m’entendre… Pardonnez mon emportement et le feu qui caractérise nos montagnes et qui couve dans le cœur de tous les Dawis… Et encore plus dans le cœur d’un père, qui pleure encore la perte de son fils ainé… » Explique-t-il. « J’ai confiance en la sagesse du Roi Artiôn… Et en la diligence et l’intelligence de maître Athanase. Puissions nous boire… En toute amitié et en toute vérité, aujourd’hui. »

La chose était ouverte. Harald venait d’expliciter quelques-unes des choses qui existaient en son esprit, et le fardeau qui était le sien… Peut-être qu’un élan de la sorte suffirait à relancer les discussions.

Ararün s’était élancé auprès de son roi dès lors qu’il l’avait entendu hausser le ton contre les péninsulaire. Il n’avait cependant rien comprit de ses propos, car ils étaient en Oliyan, mais il avait reconnu la voix faute et colérique et il ne lui en suffisait guère plus pour retourner hâtivement à ses côtes. Une fois sur place, le capitaine kirganais s’était placé à quelques pas de son Grand-Roi, le marteau de guerre toujours porté sur son épaule pour ne pas inciter à plus de réactions, mais son regard sévère scrutait l’assemblée à la recherche de tous mouvements qui pourraient être hostiles et dangereux. Le corps parle plus que les mots, il le sait bien en tant que soldat et même s’il ne comprenait pas les propos – et ne demandait pas de traduction – il saisissait la gravité de la situation.

Un bref regard à son Grand-Roi pour jauger de sa situation, lui qui connaissait ses douleurs et ses tourments. Il savait qu’Harald était épuisé, marqué par la perte de son fils et les différentes tempêtes qu’il avait subit récemment concernant les incidents avec les péninsulaires. Il savait qu’Harald faisait en sorte de maintenir les choses et de prendre sur ses larges épaules toutes les responsabilités qu’il se devait d’accomplir en encaissant la colère de certains des siens. Harald était tendu, Ararün le savait bien et il savait aussi qu’il en fallait peu pour que ce fier dawi puisse laisser parler sa colère et sa frustration et c’était à cet instant.

Les cognards s’étaient rapprochés aussi, parés à tout éventualités, on les entendait souffler au travers de leurs casques comme des bêtes prêtes à charger, on sentait leurs lourds corps se crisper sous leurs armures de plates et ce fut le geste d’apaisement de la main qui cessa leur crispation. Une simple main levée et ouverte permit aux vétérans de se détendre aussitôt, sans pour autant relâcher leurs gardes. Certains reculèrent d’un pas, à la demande d’Ararün afin de montrer qu’ils ne souhaitaient pas en venir aux pognes et ils laissèrent Harald se charger de la politique.

Ararün quant à lui continua de scruter les présents, un à un, cherchant le possible responsable de cette situation et quand Harald interpella le comte d’Arétria il posa ses mires sur lui, le jaugeant. Il se souvint de cet homme qui lui avait lancé un regard noir au mariage de Louise et Renaud et comprit aussitôt qu’il avait recommencé aujourd’hui encore. Le dawi expira sèchement du nez à l’encontre du péninsulaire en reportant finalement son attention sur le reste de l’assemblée.

« Wandal Harald ? » Souffla ensuite le Fiers-Marteaux en attendant qu’il finisse de parler, lui offrant un regard qui en disait long dont seul le Grand-Roi comprit la signification réelle. Il était prêt, les siens l’étaient aussi, ils leur suffisaient d’un mot ou d’un geste.

Enfin, le Capitaine resta ainsi, proche d’Harald, le marteau bascula néanmoins de son épaule pour venir se poser contre le bois du navire dans un brut tout de même retenue et il s’appuya dessus. Son geste n’était toujours pas agressif, mais les soldats ou habitués du combat pouvaient voir dans cette posture celle d’un guerrier présent et dans l’attente de la conclusion de cette situation ; bonne ou mauvaise.

Les mains n’avaient pas été aussi proches des fourreaux depuis le début de la rencontre. Quant à l’attitude de ce roi nain, elle n’engage aucunement à la confiance. Si sa colère est vraie, il s’agit là d’un fou incapable de se maitriser et imprévisible au premier coup de sang, ou bien tout ceci n’est qu’une mascarade, une vile parodie, alors le bougre ne vaut pas qu’on parie un écu sur sa parole.

Athanase se contente d’un signe de tête en direction de l’un des soldats de la garde royale, ce dernier se dirige, accompagné du Roy vers les dignitaires péninsulaires et les invite à rejoindre les embarcations.

- De toute évidence… Commence Athanase en reprenant les mots d’Harald. Il semblerait que la confiance en une issue paisible à cette rencontre soit mise à rude épreuve, Roi Harald. Et, afin d’éviter toute… Décision irréversible et dramatique, notre position reste inchangée et nous préférons en rester là.

Croisant les mains dans le dos, le Grand Chancelier incline brièvement la tête à l’intention du roi nain puis à celle du souverain elfe. Il rejoint ensuite les siens qui, pour la plupart, sont déjà en train de se diriger vers les embarcations.

Les mires de Harald se posèrent tantôt sur Magnus, l’instigateur de tout ce grabuge, puis sur Bohémond, Roitelet trop jeune pour mériter ce titre, mais dont l’innocence avait permise la participation à se rassemblement d’une importance… Capitale. Puis, tel le roc immuable trônant au sommet d’une montagne séculaire, reporta un regard d’acier sur Athanase de Cley.

Pour avoir déjà pratiqué l’homme, Harald savait qu’il était aussi froid que le marbre et aussi déterminé qu’un prédateur lors d’un long hiver glacial. Ses décisions ne souffraient qu’aucune contradiction, et son esprit, étrangement fin, aiguisé et clair pour un mal-fait, avait étonné le souverain des Nains, manquant presque de le faire chanceler. Si, d’ordinaire, il était aisé de comprendre les aspirations et les défauts d’un humain, pour le cas du chancelier… La chose était plus difficile. Et aujourd’hui, de toute évidence, c’était lui qui aurait le dernier mot.

L’espace d’un instant, Harald revoyait les temps à Kirgan, où le chancelier était là. Si, là encore, Athanase s’était montré fort et déterminé, la force des choses l’obligea à plier sans pour autant rompre. Les comptoirs, et la tête d’un marquis, furent autant de demande impossibles à négocier pour les Nains que le Chancelier ne pu refuser d’aucune manière. Aujourd’hui, toutefois, il aurait été du rôle de Harald que de plier à son tour, pour la paix bien-sûr… Mais aussi parce qu’il ne possédait point toutes les cartes en main. Au final, la rencontre s’était soldée par un échec doublé d’une erreur d’amateur, de la part du souverain des Nains.

Si cette erreur saurait assurément trouver une issue heureuse du côté du peuple Nain, lequel était heureux de la paix mais fort désappointé du manque de fermeté de Harald lors des négociations, ce ne serait point le cas en terme de politique extérieure. Les Nains sauraient faire courir la rumeur selon laquelle Harald était prêt à décapiter sur place quelques nobliaux impudents, tout comme ils réussiraient à dire à quiconque voudrait l’entendre, que le Roi s’était montré intraitable avec ces mal-faits qui avaient trop profité des largesses des Nains… Sans doute, donc, que l’opinion Naine s’en trouverait plus unie que jamais, moins ternie par la gestion de la mort d’un runiste et d’un guerrier en Langehack… Mais du côté des Humains, toutefois, tout serait à refaire. Du moins, beaucoup de choses seraient à reprendre. Car si l’existence des comptoirs Nains ne serait point condamnée… La portée diplomatique et économique de ceux-ci serait grandement entachée.

Les mots du Chancelier étaient durs, mais ô combien prévisibles. La manière qu’il avait de planter un regard glacial dans les mires du Roi du Zagazorn, tout en reprenant sa manière d’argumenter, termina d’annoncer le crépuscule de cette réunion extraordinaire. Acquiesçant légèrement d’un infime signe de tête, davantage pour lui-même que pour le chancelier, Harald répondit doucement :

« Ainsi soit-il. »

Tournant son regard vers l’officier militaire qui était à ses côtés, Harald lui fit le signal du repli. Il était temps de partir, et de quitter ce navire piégé dans la glace. Passant aux côtés d’Artiön, Harald inclina doucement la tête, à la fois en signe de respect, mais aussi, en signe de déférence et de pardon, face à l’issue désastreuse qui était de sa faute.

Il était temps de rentrer au Zagazorn.

Harald s'avance et il s'excuse, ce qui est à noter de la part d'un Roi devant tant de monde, mais le mal est fait. Tout le monde est suspendu aux mots que la Couronne Péninsulaire va dire. Bohémond et Athanase ont toute l'attention, et les mots que le premier conseiller prononce maintienne la position qu'il a prit juste avant. Les humains vont se retirer, voila c'est terminé, tout ça pour ça. Quelle tristesse qu'un évènement jamais vu auparavant et porteur de tant d'espoirs se finisse ainsi. Le jour qui vient d'être fait sur le caractère du Roi des nains est inquiétant aussi, et l'avenir s'assombrit pour les relations entre les hommes et les nains. Celui qui avait été perçu comme un modéré, et qui avait initié l'ouverture des nains se révéle ne pas l'être du tout. Après avoir demandé la tête d'un Pair du Royaume des humains, il les insulte ouvertement, en public. Il fallait donc revoir toutes les idées à son encontre.

Renaud a pourtant vu que le Roi des elfes semble très proche de Harald, cela ne lui a pas échappé, et c'est inquiétant. Peut-être qu'avoir gâché la rencontre que le premier avait organisé va rebattre les cartes sur leur relation, mais ce n'est pas certain. Le Duc d'Erac doit faire quelque chose avant que la porte qui était en train de s'ouvrir ne se referme entièrement. Il craint qu'une fois rentré chez eux, les elfes ne se renferment de nouveau, et qu'ils ne viennent pas à Diantra malgré l'invitation d'Athanase. Il connait aussi le passé que les humains trainent derrière eux, et les passifs avec les autres races, tout comme il sait qu'ils ont la mémoire vive vu leur espérance de vie.

Renaud se retourne et il demande de quoi écrire à son entourage. Rapidement il griffonne des mots, à la hâte mais dont il espère qu'il y aura un écho tout de même. Puis un de ses hommes, juste avant que la délégation humaine ne parte, le fait parvenir au Roi des elfes

A Artiön Laergul, Seigneur-Protecteur d’Alëandir, souverain du Royaume Sylvain


Votre Majesté, je tiens à vous remercier pour la rencontre que vous avez initié, et je regrette amèrement la fin précipitée qu'elle subit avec tous les efforts que vous avez fournis pour qu'elle puisse voir le jour. Nos peuples ont beaucoup à apprendre l'un de l'autre, et j'aime à penser que nous nous enrichirons énormément des échanges que nous ne devons pas manquer d'engager.

Pour montrer la bonne volonté de mon peuple, et particulièrement la mienne, j'aimerais vous faire une proposition, qui je l'espère, attirera toute votre attention.

Erac est une terre où les chevaux ont une grand importance. Je sais qu'au sain de votre Royaume, vous avez également des chevaux. J'aimerais initié une relation entre nous, dans laquelle nous amènerions nos meilleurs destriers pour les accoupler en Anaëh. Cela permettrait, lors de ces moments, de tisser des liens en privilégiant un dialogue entre nous afin d'apprendre à toujours mieux connaitre nos différences et nos points communs, et aussi rapprocher nos deux peuples.

En connaissant si peu si vos us et coutumes, j'espère que ma demande ne sera pas une insulte, elle n'en a pas vocation. Je souhaite que nos peuples se rapprochent pour un avenir meilleur, réduisant les barrières qui nous séparent, et les brisant si possible.

Renaud d'Erac, Duc d'Erac, Régent de Velteroc, et Seigneur du Lyron

Dans sa demande, il fait allusion au Mathandil, bien qu'il n'en connaisse pas le nom. Il en savait d'ailleurs bien peu, voir presque rien, si ce n'est que la cavalerie elfique était réputée. Les chevaux étant une spécialité éraçonne, il espérait qu'au travers de tout cela, il s'engouffre dans la minuscule faille afin d'initié un réel rapprochement.