[Sur les flots de l'Oliya | Libre] À la croisée des mondes

Les inquiétudes de Harald ne s’estompèrent point avec les heures défilant. Les navires Péninsulaires s’amoncelaient contre les rives de l’Oliya, et de ceux-ci déferlaient tant d’entre eux que l’esprit du souverain du Zagazorn se demandait réellement s’il s’agissait là d’une rencontre pacifiste ou du début d’une démonstration de force. S’approchant d’Ararün à un moment où ce dernier ne discutaillait point avec les Elfes, il lui intima un ordre en Khazalide, et au creux de son oreille.

« Ararünazul… Af varrdrinn throngufdi »

Tapotant sur l’épaule de l’officier Kirganais tout en lui adressant un regard dardant le sérieux de sa demande, il s’en éloigne, car déjà Artiön semble prendre la direction de tout un tas de choses. Alors que Harald interpella Günjär afin de jouer les interprètes, Artiön coupe court à l’initiative, préférant se porter au-devant des derniers arrivants sans perdre un seul instant.

« Günjär parle le Péninsulaire. Moi, je ne parle que l’Oliyan. Sans doute cela sera suffisant pour l’instant, par Yaron. »

Yaron le Scribe. Yaron le Sage. Yaron, celui qui apporta la connaissance des runes, de l’éther et de la patience en tant que vertu. Bien que race mortelle, vivre plus de trois siècle reste exceptionnellement plus long que les Umgis. Et la patience, lorsque l’on vit longtemps, est une nécessité en plus d’être une vertu.

Invoquer le Scribe était donc une bonne chose, faite dans l’inconscient du souverain. Il priait sincèrement le Sage de les éclairer… Ses inquiétudes grandissantes n’aidaient point à apaiser son instinct protecteur. Si, aujourd’hui, en lieu et place d’une discussion pacifique, naissait la racine d’un conflit mondial… Nul doute que le peuple Nain saurait en rejeter l’opprobre sur Harald et ses décisions.

Les choses s’accélèrent enfin. Une barque s’approche, et Harald voit quelques armures de bonne facture et des faciès sérieux. Il reconnaît le visage d’Athanase de Cley, le chancelier Péninsulaire avec lequel il a eu le déplaisir de traiter voilà plusieurs mois. Il chercher le Roy des yeux… Et le trouve, comprenant que ce jeune enfant plus petit que lui et entourer par une solide garde, ne peut être quelqu’un d’autre que le fameux souverain. En plus de le reconnaître, grâce à son passage à Diantra. Evidemment.

Se positionnant face au souverain des Péninsulaires, et aux côtés de Artiön, Harald laisse ce dernier se présenter avant de prendre la parole à son tour. Frappant son plastron de son gantelet d’acier de plate, il ne courbe point l’échine, la chose n’ayant point court chez les Nains. Et puisqu’il s’agit d’apprendre à se connaître…

« Baruk ! » Dit-il d’une voix grave et profonde, le son de métal s’entrechoquant agissant presque comme un point d’exclamation. « Je suis Harald Thormungdsson, dit « Barbe-Sanglante, Thane du clan Brise-Os, et Grand-Roi du Zagazorn.

Ses mires scrutent l’assemblée présente devant lui. Ne reconnaissant que le Roy, et Athanase, Harald était curieux d’apprendre les noms et l’utilité de ces gens derrière l’avortons. Et que Günjär daigne enfin arriver.

Toujours en discussion avec le chef des armées elfique, Ararün s’était muré dans un silence attentif en écoutant alors Rubissea, la Zagazkroni royale, discuter avec Aegden. Il ne comprenait pas ce qu’ils disaient, mais tout sembler se passer correctement et ça lui suffisait amplement. Il se sentit rassurer à l’idée d’avoir une vraie traductrice à ses côtés afin de ne pas faire d’erreur de compréhension qui aurait pu fâcher l’elfe d’en face.

Tout à coup, le roi elfe les interpella pour leur demander d’approcher, du moins c’est ce qu’il comprit en voyant le mouvement des deux autres qui comprirent les propos et il les suivit dans un grognement audible. Il avait vite saisi l’ampleur de la situation, les humains étaient en train d’arriver, il voyait leurs navires se rapprocher de la glace et la véritable raison de cette rencontre allait enfin pouvoir se mettre en place.

Harald, son ami de confiance et son Grand-Roi se rapprocha de lui, lui parlant dans l’oreille sur ton confidentiel. Le Capitaine pencha alors la tête, écoutant attentivement l’ordre soufflé et il répondit sur un ton tout aussi grave et sérieux à ce dernier.

 « Ip nu, Groman-Rick »

Il se détacha alors du petit groupe pour se diriger vers le campement établi par les dawis un peu plus tôt. On le vit faire venir un scribe et un corbeau. Le dawi laissa le soin de l’écriture à celui qui était davantage formé à ça et il n’y apposa que sa signature à l’aide de sa bague ornée de l’emblème de son clan.

Un corbeau s’envola alors à vive allure en direction du Nord, porteur d’un message qui semblait être de grande importance.

Finalement, Ararün revint sur ses pas, se rapprochant d’Harald et d’une main amicale sur son épaule il l’interpella, statuant d’un signe de tête que la demande faite avec été respectée. Il se replaça alors à ses côtés, croisant les bras sur son torse attendant l’arrivée des humains.

Il les regarda débarquer, observant les présents à la recherche de celui qui était leur souverain. Il faut dire qu’il ne savait pas comment on pouvait le distinguer, sûrement comme pour Harald, il était porteur d’une couronne ou encore d’un signe ostentatoire de son pouvoir, mais il n’en savait rien. Il continua de chercher et son regard se posa sur cet enfant, encadré par des gardes vêtues d’armures de bonne manufacture. Il comprit sur le champ, cet enfant était le dirigeant de la péninsule et il était enfin dans son champ de vision.

Le dawi ne marqua pas son étonnement devant le jeune âge apparent, ni de moquerie, au contraire. Il sembla néanmoins se questionner sur le fonctionnement hiérarchique des umgis qui visiblement avait une tout autre manière de choisir leur seigneur.

Visiblement les mots de l’elfe firent un sacré effet auprès des nains. Sans comprendre un seul mot, il vit soudain une nouvelle minuscule femme s’impliquer dans l’étrange groupe. Finalement, après moult cris et ce qui ressemblait fort à une engueulade en bonne et due forme, cette dernière finit par s’adresser directement à lui, sans violence et dans une langue qui cette fois, lui sembla compréhensible.

-Enchanté, Rubissea Barbe-de-fer. Il hésita avant de se décider à ne pas répéter son titre, n’étant définitivement pas capable de répéter autant de ces sonorités étrangères sans les massacrer et risquer de les vexer.

Seulement alors qu’elle s’attelait à nouveau à traduire ce très bref échange, Aegden remarqua du coin de l’œil la coque d’un navire s’approcher et la voix de son propre roi l’interpeler. Un geste de la main lui signifia qu’il avait saisi et il offrit un sourire contrit à ses deux interlocuteurs.

-Hé bien. Il semble que nous devions nous interrompre plus tôt que je ne l’avais imaginé. J’imagine que nous aurons l’occasion de nous recroiser bientôt.

Un bref hochement de tête en guise de salut aux deux ondur et il rejoignait l’Aran elfique pour, quelques secondes plus tard, observer comme tous l'arrivée du reste de la délégation humaine. Il avait beau déjà avoir quelques brève notions quand à l'étrange fonctionnement Arïn, sans rien en laisser paraitre Aegden dû avouer que l'espace d'un instant sa méfiance tendait à se transformer en pitié à voir le chef d’une si grande nation en la personne d’un enfant dont il n’était pas certain de déterminer l’âge. Arraché à l'innocence de l'enfance pour une si lourde tâche... Ce petit homme là devrait certainement avoir les épaules plus que solide à l'avenir.

A peine descendu de bateau que Magnus est la pour les accueillir, une bouteille à la main, ce qui fait sourire Renaud. C'est Louise qui s'avance la première et entame la conversation quand le Duc d'Erac répond à sa question

"Avec joie, Votre Grandeur, je ne doute pas que mes hommes apprécieront"

Il se tourne ensuite vers les autres embarcations, où il se pose encore de nombreuses questions. Adriano n'est venu qu'avec une très faible délégation, ce qui le perturbe. Lui même avait eu bien du mal à trier toutes les demandes qui lui étaient parvenues de ses vassaux pour assister à cet évènement. Une rencontre de trois rois ne s'était jamais vu de mémoire d'homme, et certains tueraient pour y assister. Les contraintes du voyage, Erac n'ayant pas de bateaux, avait permit de limiter le nombre de présents. Toutefois il avait prit une délégation tout de même digne de son titre, et surtout de son Suzerain. C'était la première sortie de Bohémond, le ressuscité, en tant que Roy des humains, et il doit faire bonne impression. Ce besoin de prestance et d'unité fait que la suite du Duc de Soltariel est étonnante pour Renaud qui se demande s'il souhaite insulter le Roy, ou si ses vassaux ne l'aiment pas au point de bouder son invitation. Autant de questions qui nécessite qu'il se renseigne, surtout après l'assassinat de sa famille.

Une autre surprise est l'arrivée d'Athanase qui houspille Magnus, l'insultant, et l'incitant à arrêter tout ce qu'il a mis en chantier. Le Conseil à décidément bien peu d'estime pour les puissants du Royaume, ce qui chagrine une nouvelle fois Renaud qui fonde tant d'espoir depuis le Couronnement de Sa Majesté.

Peu de temps après, il semble que la Couronne s'élance vers le glace sans avoir prévenu personne, une nouvelle anecdote tellement frustrante. Renaud se met donc en devoir de préparer à la va vite sa propre embarcation pour le rejoindre, accompagné de sa suite dans laquelle on retrouve Harven, son écuyer qui, en tant qu'héritier d'Aretria, et futur gendre, doit assister à cette réunion, Robert d'Orfe, le jeune Aldir, et deux membres de l'Ordre du Merle pour ne citer qu'eux.

C'est paré de tous ses atours de Duc que Renaud s'avance, se tenant en retrait malgré son statut du fait de la désorganisation péninsulaire, essayant de rejoindre Bohémond.

Si mes oreilles bougeaient comme celles des elfes -détail qui m'intrigue et m'amuse beaucoup d'ailleurs-, alors l'une des miennes se seraient étirées en entendant qu'on parle d'Ararün et moi. Enfin... Ararün et "la Zagazkroni"... Le Roi des oreilles pointues a retenu le nom de l'officier et pas celui de la gratte-papier, évidemment... Je n'en montre rien parce que ça amènerait de l'eau au moulin de l'autre andouille de soldat qui n'est pas parti bien loin et nous entend encore mais je suis un peu frustrée et déçue. De toute évidence, les elgis n'accordent pas plus d'importance que les dawis aux gens comme moi. J'aurais bien aimé me sentir un peu dépaysée de ce point de vue-là...

Je me contente alors de faire une sorte de référence-salut au Capitaine venu des forêts et je retourne à mon poste en trotinant... Dans l'ombre d'Harald. Je ne suis là que pour écouter et retenir pour retranscrire plus tard. Dans la petite sacoche qui pend en bandoulière à mon épaule, j'attrape mon carnet et un crayon et je commence à noter... L'endroit, les personnes présentes, leurs positions, leurs tenues, l'atmosphère, mes impressions... Ça ne forme pas des phrases, je n'ai pas le temps, donc il faudra que je mette tout ça au propre dès ce soir. En tout cas, tout ce premier travail me permet de m'occuper pendant que les umgis s'avancent plus avant sur le lac gelé.

Au fait, comment il a pu geler ce lac ? On approche du milieu du printemps ?!!
Je me note la question dans un coin pour plus tard.

Un court instant de flottement et les salutations te sont finalement – enfin – retournées. Au moins l’un d’entre eux comprend l’Oliyan. Et parmi les plus proches accompagnateurs de l’enfant, au vu de son attitude (et de ses regards insistants envers ses congénères) tu parierais sans hésiter sur le seul semblant véritablement… s’ennuyer ? Les réactions des Arïn t’arrachent un léger sourire, celles de l’enfant tout particulièrement. Tu es trop habitué à l’apparente froideur Taledhelle pour ne pas reconnaître leur jeu. Ils tentent de s’en cacher, mais leur méfiance est palpable. Leur méfiance autant que leur émoi. Pour eux tu imagines que tout cela est nouveau, à la fois effrayant et passionnant. À leurs yeux vous êtes exotiques… mais autant est-il souvent sage de rester sur ses gardes face à ce genre d’admiration, autant les yeux brillants de l’enfant tentant péniblement de garder noble prestance donnent envie d’abandonner les excès de prudence.

- Puisqu’on commence à avoir un peu de monde, je vous propose de venir vous installer. Aegden que voici tu tends la main vers le commandant va vous installer. De mon côté, je vais essayer de rassembler les retardataires et je vous rejoins juste après.

Sur ces derniers mots tu pousses de la tranche de ton pieds et t’élances sur la glace, glissant en direction du campement monté par les nains. Un rapide échange de salutations plus tard – qui n’aura pas été sans quelques joyeuses invectives venant des deux partis – et quelques-uns des Ondurs avaient pris ta suite. Non sans charger toute la petite compagnie – toi y compris – de tonneaux et marmites de leur plats et alcools. Qui sait quel goût ça a la bouffe d’Elgi ! qu’ils disaient. C’est qu’on va pas non plus les forcer à manger comme des longuejambes !

Heureusement votre vaisseau amiral est grand. Le fourmillement sur le pont du navire dépasse complètement ce que tu avais imaginé. Si personne ne s’asseyait, alors les passages seraient vites crampés. Pas assez de place pour tous cependant à la table où était installé le buffet. D’autant plus que la part des assises taillées pour les habitants du Zagazorn serait certainement très peu confortable pour les Péninsulaires représentant la majeure partie des présents. Assez de nourriture -normalement – pour que tous puissent se sustenter, surtout avec l’apport des Dawis. Ne restait plus maintenant qu’à espérer qu’aucun d’entre eux ne soit aussi surpris que l’avait été Harald par l’informalité de la réunion.

C’est avec un certain flegme donc que tu avais rejoint le reste des invités, bercé par la discrète musique que venait de commencer à jouer des Prêtres d’Arcamenel bien décidés à faire oublier à tout le monde les braillements qui avaient rythmé l’arrivée des humains.

- Je vous préviens, s’il y en a aucun parmi vous qui ne serait-ce que goûte à ma fricassée de phalènes j’avale toute votre bouffe et je vous laisse que des légumes !

Tu regardes les nains déjà chope en main d’un air faussement grave. Ils rient. Et tu continues ton chemin, espérant qu’ils te prennent tout de même assez au sérieux pour s’essayer à partager ce que tu avais personnellement pris la peine de cuisiner. Pour l’instant cependant, il t’importe surtout de rejoindre tes deux invités les plus notables.

- Me voici ! tu poses une main sur le dossier d’Harald, et l’autre sur celui de l’homme qui ne semble pas quitter Bohémond d’une semelle Désolé de l’attente. ta phrase trouve un écho dans leur langue à travers les lèvres d’un elfe tout de blanc vêtu Bohémond donc, si je ne me trompe pas. tu offres un sourire peut-être trop paternel à l’enfant Enchanté. Artiön. une moue un brin plus sérieuse va ensuite à son accompagnateur Tu es son gardien j’imagine ? À qui ai-je l’honneur ?

La situation possédait dotée d’une certaine dichotomie, du moins, du point de vue des Nains. Déjà, parce que cette rencontre avait été pensée d’une manière nettement plus formelle. Des discussions qu’ils eurent, jamais Harald ne s’était souvenu d’un goûter, ou d’un simple repas informel, fait pour pouvoir apprendre le peuple étranger dans ses us et coutumes et dans ses comportements divers et variés. De plus, les évènements des dernières années – l’an XVIII était encore très proche dans les mémoires Dawis – et la présence de Harald lors du mariage Ducal, à Diantra, créèrent un environnement étrange. Les regards s’étaient faits insistants à Diantra, tout comme les attitudes, froides et austères, alors que le Grand-Roi du Zagazorn et sa garde s’étaient frayés un chemin dans les rues de la capitale humaine.

Se retrouver ainsi le « bec dans l’eau » face aux volontés des Elfes, avait quelque chose d’intimidant et d’inquiétant. L’attitude des humains, en plus, rajoutait à cette inquiétude. Leur surnombre, leur sur-présence sur cette glace, avait quelque chose d’inquiétant… Et Harald, bien que décidé à assumer cette rencontre et à en tirer le plus de savoirs, avait dispensé ses ordres.

Les choses débutèrent de la manière pensée et décidée par Artiön. Par un repas. Les Elfes rapportèrent quelques plats raffinés, dont la couleur principale rappelait les fruits et légumes qui poussent sous les arbres et sous la terre, des céréales, et quelques viandes, en légères quantités. Les Humains, eux aussi, apportèrent leurs propres plats, faits à partir de viandes fibreuses et tendineuses, de pâtes cuites aux fours, et de plats assaisonnés. Les Nains, eux, apportèrent de tout et en grandes quantités. Beaucoup de viande, évidemment. De la viande d’Orok, de Béliers, de Bœufs et même de Beärog, un animal presque légendaire que l’on ne trouve qu’au Zagazorn et qui si rare que sa viande est un met de luxe.

La bière coulait à flot. Des bières si alcoolisées, que les renifloirs des Humains semblaient imploser en humant le liquide houblonné. Pour sûr qu’ils ne pourraient en ingurgiter des litrons sans en ressentir très rapidement des effets délétères… Espérons que cela ne provoque point d’incident diplomatique.

Harald, Artiön et Bohémond se trouvaient côte à côte, autour de cette immense tablée. Nains, Elfes et Humains se mélangèrent sur la glace, grâce – il fallait bien l’avouer – à la nourriture et la musique jouée. L’ambiance était, curieusement, très différente de toutes les rencontres diplomatiques passées auxquelles Harald avait participé. Ararün, lui, se trouvait derrière Harald, à une distance raisonnable, certes, mais suffisamment proche pour qu’un swing de marteau de guerre puisse écraser le crâne d’un ennemi patenté. A la question de Artiön, Harald répondit en Oliyan :

« Maître Athanase de Cley, Chancelier de Péninsule. » Dit-il, regardant l’homme dont il citait le nom. « Lui et maîtresse Louise se présentèrent à Kirgan, après l’abominable évènement de Langehack. » Ajoutait-il, levant la pogne droite tantôt vers Louise, non loin, puis Athanase. « Baruk. »

Heureuse de revoir Louise, la comtesse douairière d'Odélian s'avança dans sa direction, la saluant chaleureusement ; mais un mouvement parmi les humains lui fit tourner la tête. Le Duc d'Erac et son épouse, suivit de Solange et de son escorte, s'empressèrent d'aller accomplir leur devoir.

Elle se sentait tout à coup très nerveuse de devoir représenter son duché au côté de son suzerain, mais, en prenant sa place parmi la noblesse, la jeune femme se calma un peu.
Elle ne se sentait pas déplacée au moins dans ses beaux atours de velours et de soie, et, sans oser prendre la parole, se contenta de suivre l'échange avec attention, détaillant les interlocuteurs elfes avec attention. Et son cœur sembla rater un battement. Bien qu'elle eut de la peine à tous les distinguer, un seul lui semblait parfaitement reconnaissable : il s'agissait de l'elfe Artïon, celui-là même qu'elle avait acceuillit dans sa propre maisonnée !

Clairement, il ne s'agissait pas d'un simple soldat. Il s'agissait d'un noble, d'un Roi Elfe !

Elle l'avait pourtant reçu avec si peu de cérémonial, si peu d'égard, outre que ceux qu'on réservait à tout être en quête d'hospitalité !
Embarassée, la comtesse lui adressa un sourire rayonnant mais gênée, eut envie de lui poser plus de questions sur la Bête, le Monstre qu'il traquait, pour lequel elle avait détaché ses propres hommes, dans l'urgence de la situation - mais il lui fut impossible de lui adresser encore la parole.

Alors, plus lentement, le coeur encore battant, la Dame suivit la noblesse humaine au banquet, rassurée d'être entourée par les personnes qui lui étaient familières. Elle observa en silence les nains, qui riaient, parlaient et s'ébaudissaient avec toute la vulgarité qui semblait les caractériser ; reporta son attention sur le duc de Serramire, auquel elle adressa de courtoises banalités, avant de se pencher près de l'oreille de son fiancé.

- "Croyez-vous qu'une réunion de cette envergure soit propice à discuter des Monstres ? J'aimerai.. j'aimerai bien pouvoir parler au Roi et aux autres races de notre projet, mais ... je ne sais pas... comment l'aborder. Que croyez-vous qu'il faudrait faire, Aurel ?"

Cette rencontre était particulière, déjà par la proximité des trois couronnes, mais avant tout par son déroulement. Un … goûter, voilà ce qui avait été préparé par l’organisateur de la rencontre et les siens. Ararün regarda alors les Elfes en haussant un sourcil. Le dawi était lourdement ancré sur ses appuis, les bras croisés sur son torse en observant les allers et venues de tous. Un goûter… C’était donc ça cette rencontre au sommet à laquelle il s’était préparé et qui semblait avoir tant d’importance aux yeux de son Grand-Roi. Le Capitaine kirganais ne put réprimer une expiration nasale digne d’un bélier mécontent quand on l’invita à s’avancer pour prendre place.

Naturellement le Fiers-Marteaux se plaça non loin d’Harald, le laissant tout de même se mettre aux côtés de ses pairs royaux. Il fit signe à Rubissea de se placer à ses côtés, plus proche d’Harald que lui-même l’était afin qu’elle puisse à la fois retranscrire les évènements comme lui demandait son poste, mais aussi pour l’aider à traduire si d’aventures certains venaient à s’adresser à lui. Bien entendu, il l’interpella en langue naine, élevant alors légèrement la voix dans des paroles gutturales et rocailleuses.

« L’gratte-plume ?! Vient poser ton joufflu par ici ! »

Enfin, il s’installa sur le siège qui avait été pensé pour son peuple. Il continua d’observer les présents autour de cette grande tablée qui lui rappelait les banquets qui se faisaient au cœur du Zagazorn, mais cette fois encore, comme pour le mariage à Diantra, il faudrait savoir se tenir et éviter toutes erreurs qui pourraient être mal perçues et risquer l’incident diplomatique. Alors, se connaissant, le Capitaine fit ce qu’il savait faire de mieux. Il saisit une bière, la renifla et vint la boire en continuant de regarder comment tout ceci allait se dérouler. Aucune erreur de sa part, s’il ne pouvait pas parler, il se sentit malin d’une telle idée et sourit légèrement, caché à la fois derrière sa barbe et sa pinte de mousse.

Tout le petit monde débarqué sur la glace semblait avoir plutôt agréablement accepté le déroulé des évènements. Ils y en avaient bien quelques uns un pour lever un sourcil hésitant, et certains toisaient leur voisin étranger avec plus ou moins de méfiance, mais dans l’ensemble, l’idée de partager un repas semblait avoir calmé bien des maux…

Pourtant, peut-être était-ce dû aux habitudes de soldat qui ne savaient jamais tout à faire se taire, mais Aegden en avait remarqué un qui loin d’apprécier le tout, semblait particulièrement tendu. Vu son équipement c’était sans aucun doute un soldat lui aussi. Il voyait ses doigts se crisper sur la poignée de son épée à chaque allée et venue devant lui. Définitivement celui là ne passait pas un bon moment.

Il n’était pas question que les choses se gâtent déjà. Alors le lancier se saisit à la va vite d’un verre d’alcool coloré et une assiette contenant à la fois une fine galette orangée ainsi qu’une fine viande de préparation humaine qu’Aegden ne savait pas reconnaitre, puis il s’approcha de l’humain qui ne desserrait ni les dents ni les poings.

-Vous ne mangez pas ?

A nouveau il utilisa la langue Oliyane sur un ton qui se voulait tout à fait amical, tout en tendant ses deux objets vers le péninsulaire. Si la langue ne passait pas, les gestes eux étaient clairs.

Il y a tellement de monde... Comment je vais retenir qui est là ou pas ? Les noms umgis ne me disent rien et, pour les elgis, ce n'est pas tellement mieux. Harald saura sans doute m'aider, il les a déjà côtoyé plusieurs fois. Quel dommage que je n'ai pas pu aller au mariage avec lui... J'aurais aimé pouvoir écrire là-dessus aussi mais je dois me contenter de ce qu'il m'en a raconté et de ce que j'ai pu glaner auprès de ceux qui l'ont accompagné.

L'attitude d'Artiön me fait rire. C'est quoi cette menace à deux ronds ? Il crois vraiment qu'on n'aura pas le courage de goûter à ses plats ?! C'est pas un dawis qui reculera devant une assiette pleine, quelque soit ce qu'elle contient.
Tout le monde prend place autour de la tablée comme s'il y avait un plan de table. Ils ont tous l'air si sûrs de là où ils doivent se rendre... Moi je suis là pour observer et, en même temps, je me vois mal me placer près des trois rois. Je ne suis pas une conseillère et après moins chargée de la protection de mon suzerain... En cas de danger, c'est plutôt lui qui me protègerait ! Enfin... Qui aurait plus l'étoffe de me protéger que l'inverse.

Tandis que mes réflexions m'arrachent un sourire sans même que je m'en rende compte, une voix attire mon attention et je me tourne vers elle. Je réalise aussitôt mon amusement et le masque en reprenant une mine plus sérieuse mais curieuse aussi. Pourquoi Ararün me demande ? Comme tout à l'heure, je m'approche d'un petit pas rapide, presque trottinant, pour le rejoindre tandis qu'il me montre une place vide entre Harald et lui. Bon, je n'aime pas la façon dont il m'a appelée mais, en même temps, son attitude me perturbe un peu... Après une hésitation, je m'installe finalement, un peu précipitamment. Tandis que je sors de quoi écrire, j'ai un bref regard pour le Capitaine de Kirgan. Il a l'air soudain gentil avec moi mais, je ne sais pas pourquoi, je n'aime pas ça... D'habitude, son tempérament amène plutôt à le respecter et à rouspéter après lui en même temps. Mais là...

Armée de mon matériel, je couche sur papier les noms des personnes présentent autour de la table des Rois au fur et à mesure, faisant un plan très rapide sur une page. Puis j'en déchire un coin, ce sera plus facile pour la retrouver ensuite au milieu de mes notes. Parce que normalement, je vais en noircir des pages aujourd'hui...
Profitant d'une petite pause, je chipe quelque chose dans un plat à proximité et je l'enfourne aussitôt dans ma bouche. C'est croustillant, c'est quoi ?... Apparemment, pas un plat à nous, j'en reconnais pas le goût.

Bien entendu le traducteur y mis les formes, mais l’idée fut transmise. Alors l’elfe étira un petit rictus qui se voulait être une moue amusée. Celui-là semblait définitivement le ronchon de la bande visiblement.

-Oh, je crois que votre roi s’en sortira vous savez.

Le lancier jeta un coup d’œil en direction du trio couronné. Le petit roi humain semblait plutôt à l’aise, curieux même de cette étrange réunion. Aegden se doutait que l’elfe gigantesque faisant office de son propre roi ferait de son mieux pour rendre le tout agréable.

-Vous devriez quand même venir prendre place auprès de vos compagnons. Ajouta-t-il en désignant les quelques autres humains visiblement choisis pour être là. D’une part vous serez plus proche de lui, mais vous vous sentirez probablement mieux confortablement installés plutôt que debout. Je ne connais aucun soldat qui ne soit pas ravis d’être relevé après de longues heures de garde pendant que le reste du monde à l'air de s'amuser... Autant s’éviter cela lorsque ce n’est pas nécessaire je crois. Un sourire poli tandis qu'il picora au passage un petit morceau de galette orangée. Je suis certain que l’appétit vous viendra d’autant plus.

C'était dit sur un ton relativement léger. Aegden n'était pas vraiment dupe quand aux excuses du soldat humain mais il lui tendait encore la mains prêt à voir ce que cela donnerait.

Le Grand Chancelier se fend d’un sourire tout en coulant un regard en direction du roi nain.

- Votre mémoire ne vous fait pas défaut. Souffle-t-il en revenant si tôt à Artiön. Le Roi du Zagazorn et moi-même avons eu l’occasion de nous rencontrer par le passé. Et bien évidemment, sa Majesté Bohémond, comme vous l’avez deviné, se languissait d’enfin pouvoir rencontrer ses homologues étrangers.

Dans un regard pour son jeune Roy, Athanase s’empresse d’ajouter :

- Je me ferai un plaisir de faciliter les échanges, tant qu’ils se font en oliyan.

- Dans ce cas Athanase, tu lâches les dossiers de leurs chaises pour prendre place assise sur la tienne, à leurs côtés je me permets de m’en remettre à toi. Ce sera probablement plus confortable pour Bohémond que d’avoir à passer par l’un des miens.

Te saisissant machinalement d’un pichet de liquide à l’odeur fraîche et fruitée, tu te permets d’en proposer en geste à tes trois comparses avant de t’en servir un verre.

- Heureux tout de même d’apprendre que votre Roi ait été aussi curieux de découvrir mon visage que je l’étais de découvrir le sien ! tu sirotes une gorgée du thé avant de continuer Certes, c’est un peu plus trivial que la façon dont se sont connus nos prédécesseurs, mais à mon humble avis, c’est beaucoup mieux de cette façon.

Ton sourire amusé cache en réalité un profond sarcasme. Cette réunion n’a rien de triviale. Et ce n’est pas parce que les trois couronnes sont ici réunions que tu le penses, mais à cause de ce qui t’a poussé à les réunir. Dyarques et Trystan se sont vus en rêve. Tu as été « poussé » vers Bohémond par un Wyrm désireux de voir disparaître les tensions de ce monde. Quant au jeune Roi de Péninsule, tu n’en as pas véritablement compris ni les tenants ni les aboutissants, mais pour le peu que tu avais pu en glaner, sa simple présence ici tenait aussi du miracle.

- Après tout… ton regard se porte un instant vers la suite d’Harald, qui ne semple que trop peu en appétit ...un bon plat vaut bien cent mots. ton regard retourne vers Athanase, et tes sourcils se soulève en même temps que le coin gauche de tes lèvres D’ailleurs, j’espère que vous avez amené quelque chose à nous faire découvrir. Je dois bien ne pas avoir vraiment pris la peine de faire attention au goût de ce que je mangeais durant ma dernière visite sur vos terres.

Solange d'Escault, assise quant à elle à la table du banquet, étai bien décidée à tenir sa place du mieux qu'elle le pouvait. Malgré sa nervosité, elle écouta attentivement les murmures de son futur, rosit doucement, alors qu'il nouait ses doigts autour des siens.

Son cœur battit un peu plus fort, et elle relâcha un petit soupir, promenant un regard plus distrait sur l'assemblée autour d'elle. Son Roy, Sa Sainte Majesté Bohémond, était entouré de l'elfe qu'elle avait accueillie en sa demeure et d'un nain qu'il lui semblait avoir déjà vu à Diantra ; quant aux autres nobles, ils semblaient également attablés. Tous, ou presque, car le Comte Magnus semblait dans d'autres dispositions. Pour ne rien changer, un faciès sévère assombrissait son regard, et son attitude rigide en disait long, supposa la jeune comtesse douairière, sur son malaise de se trouver en présence de nains et d'elfes.

Il fallait dire que la situation était extrêmement inhabituelle et indubitablement perturbante, car elle savait l'enjeu extrêmement élevé. Cependant, pour créer le climat propice aux traités interraciaux que recherchait sans doute son souverain à travers cette rencontre historique, et pour éviter les accidents diplomatiques, il fallait de la bonne humeur et de la bonne volonté - indépendamment de tout sentiment personnel.

Aussi, peu importait qu'elle eut envie de vomir devant le bol de chenilles apprêtées qu'on lui offrait, peu importait qu'elle eut peur ou non de s'approcher des nains - il appartenait à la noblesse qui escortait leur Roy d'appuyer au mieux ce dernier. Sinon, à quoi pouvaient-ils bien servir, à part de servir d'écrin de parade au joyau de la vitrine de la boutique péninsulaire ?

Ce fut ainsi qu'elle s'efforça d'épanouir son sourire, et qu'elle se redressa avec détermination, pour se diriger en direction de son pair, le Sieur Magnus.
La jeune femme lui tendit la main en un geste d'invite, avant de prendre la parole.

- "Votre Grandeur, venez donc vous installer près de nous. Vous connaissez déjà mon fiancé et je pense qu'entre hommes de guerre, vous vous entendrez bien. Tout le monde a déjà commencé à manger, alors, je vous en prie, venez goûter à ces plats exotiques en notre compagnie. Je reviens dans quelques instants, mais sentez-vous le bienvenue auprès de ma suite, qui vous tiendra compagnie en mon absence. Je ne serais pas longue."

Avec politesse, la Régente d'Odélian attendit la réponse de son homologue avant de le gratifier d'une salutation gracieuse de la tête, pour se diriger ensuite vers le Roi Elfe, son propre seigneur et le Seigneur Nain, étonnée elle-même de sa propre hardiesse.
Il lui était impossible de goûter à la plupart des mets elfes, car son estomac s'y refusait - néanmoins, elle était déterminée à se montrer la meilleure invitée possible, afin de se montrer digne de la charge qui lui avait été confiée.

Mais elle ne pouvait empêcher son cœur de battre si fort qu'il semblait sur le point de sortir de sa cage thoracique, tandis que la péninsulaire parvenait enfin à la hauteur des trois souverains.
Elle plongea en une profonde révérence de Cour - spécifiquement à l'intention de Bohémond, mais également afin de démontrer son respect aux deux autres - avant de leur offrir un sourire où sa nervosité se lisait aisément.

Et si elle provoquait, à elle seule, l'incident diplomatique qu'elle redoutait le plus ?

Néanmoins, il était trop tard pour tergiverser. Il n'y avait plus le choix, et elle ne pouvait plus reculer. Ainsi, elle reprit la parole en Oliyan, qu'elle avait si ardemment révisé durant le voyage.

- "Vos Majestés, pardonnez-moi de vous interrompre. Cependant, il me semblait important d'illustrer cette journée exceptionnelle et historique par un acte résolument interracial. J'aimerai vous proposer, si cela sied à vos Majestés, de cuisiner un plat spécial, typiquement humain, mais à base d'ingrédients nains et elfes. Ainsi, nous mangerions symboliquement un peu de chacun d'entre nous. Qu'en pensez-vous ? Je pourrais prendre de l'alcool nain, d'autres ingrédients elfes, et vous faire un dessert, qui, je l'espère, plairait à tous ?"

Solange d'Escault savait que cela allait surprendre la noblesse. Qui penserait qu'une noble dame sache manipuler les fourneaux ? Pourtant, son expérience chez les bandits, pour douloureuse qu'elle ait été, l'avait étonnamment préparé au monde. Et si elle l'avait fragilisé, la comtesse douairière se rendait compte qu'elle était désormais capable de survivre en dehors de son château, comme les gens du commun qu'elle avait côtoyé dans sa fuite en direction du domaine de Fernel.

Peut-être, qui sait, allait-elle se trouver bien reçue ?

Le repas se déroulait bien, du moins, selon les standards imposés par les Elfes. Harald ravalait encore sa fierté et son orgueil, en plus de ses regrets d’être finalement ici pour seulement manger et boire, au lieu d’imposer aux Humains une réunion qui, sous couvert de diplomatie et de décisions royales, aurait pu éviter d’autres évènements Langecins à l’avenir.

Harald n’était donc pas le plus ouvert ni le plus… Agréable des souverains, aujourd’hui. Bien qu’il se trouvât aux côtés d’Artiön et de Bohémond, et de quelques autres dignitaires – il voyait notamment Athanase non loin – il s’était réfugié dans la nourriture et la boisson. Comme une partie des Nains ici présents, bien-sûr. Mais Harald lui, grognait régulièrement sa désapprobation.

Günjar était aux côtés de Harald. Parlant couramment l’Oliyan et le Péninsulaire, son rôle était clair : traduire les propos de Harald, et ceux de ses interlocuteurs. Mais face au souverain visiblement en colère, le traducteur n’était point détendu…

« Par les roustons d’Ikthor, qu’est-ce qu’il se passe dans ta caboche Harald ? » Demanda Günjär, tout en se servant une autre rasade d’une bière brune fleurant bon l’alcool et le houblon. «  Tu as l’air aussi tendu qu’un grobi l’jour d’son bain annuel ! »

« A ton avis ? » Répondit Harald, en prenant à pleine bouche un morceau de viande bien saignant. « Si j’avais voulu m’empiffrer, je serais resté dans ma montagne ! Nous n’nous sommes pas compris, Artiön et moi. Lui voit les choses de manière candide… Un repas, pour apprendre d’l’autre race… »

« En soit, l’idée n’est pas trop bête, Harald. » Dit Günjär, tandis que Harald se redressa d’un coup d’un seul avec la force d’un ressors, regardant son traducteur avec violence. « Ecoute… Comment se sont déroulés nos derniers instants avec les Umgis ? Hein ? J’suis l’seul survivant de cette délégation commerciale envoyée en Langehack. Et y’aura fallut que les Umgis viennent jusqu’au cœur de Kirgan, pour éviter une guerre… Alors, Ip, au final y’a pas de guerre… Et le commerce est relancé avec des comptoirs en prime… Mais t’as bien vu à Diantra ? Le ressentiment des mal-faits est énorme… C’est peut-être plutôt d’ça que tu devrais t’inquiéter, non ? Et pas d’un simple repas ? D’ailleurs, boustifailler avec les imparfaits, ça pourrait apaiser leurs ressentiments. Du moins, le temps que leur génération actuelle trépasse, et que la prochaine arrive. »

« Hum… » Grogna alors Harald, conscient, petit à petit, des propos de son émissaire et de la véracité de ceux-ci. Toutefois, son orgueil, trop blessé, l’empêcha de répondre favorablement. « A défaut de parlementer avec ce Roitelet revenu d’entre les morts, je ne serais rassuré qu’une fois les renforts arrivés. »

« Des renforts ?! » Demanda alors Günjär, choqué.

« Oui, des renforts. Quelques navires de plus, qui arriverons dans deux jours. Rien de bien méchant mon ami… Juste pour la conscience de la Braise. »

« Mais… Pourquoi ? Par la barbe de Yaron le Sage ! Pourquoi faire venir d’autres navires de guerre sur ces eaux ? »

« Les Elfes voient peut-être les choses sous le prisme d’la paix, et de la découverte candide. Moi, pas. Nous ne sommes 50. Nous n’avons que quelques runistes. Eux sont combien ? Des centaines ! Si cela vire au boudin, les Elfes disparaîtrons dans leurs forêts, les Humains n’ont qu’à rejoindre leurs rives… Nous, nous avons l’Oliya à remonter. Autant le faire avec une couverture militaire suffisante… »

« Je vois… Hum… » Répondit Günjär, définitivement peu rassuré par tout cela. « N’oublie pas ce que Yaron nous enseigne, mon ami : accueillir la connaissance. Si ce modo anime nos runistes, tu peux tout à fait le suivre toi aussi. La guerre a été évitée alors que toutes les raisons étaient pourtant sur la table… N’en lance pas une par fierté maintenant. »

Ne faisant pas attention à ce qui se déroulait autour de lui, Harald se renferma un peu plus encore, bien que son esprit, lui, cogitait sur les propos tenus par son ambassadeur. Sans doute que la mort de son fils ainé, il y’a peu, n’avait point été encore oubliée, ou du moins, dépassée… Et celui qui avait voulu être un souverain diligent et réformateur, ressentait à nouveau ses pulsions d’anciens guerriers. Heureusement pour lui, Günjär, comme d’autres, étaient là pour calmer ce genre de pulsions plus destructrices qu’autre chose.

Quand soudainement, un mouvement et une voix, douce et inconnue, obligèrent Harald à regarder de l’autre côté. Il découvrit alors une noble dame, animée, vraisemblablement, de nobles intentions. La traduction de Günjär ne se fit point attendre. Et les mires de Harald, d’ailleurs, se firent plus ronde après chaque mort prononcé par la jeune noble dame. Se pourrait-il…

« Günjär… » Dit-il, en Khazalide toujours, se retournant vers son traducteur officiel et ambassadeur royal. « Se pourrait-il que tu aies raison ? On dirait que la tactique Elgi marche correctement… »

« Dois-je accepter ? » Demanda alors Günjär, un large sourire naissant alors qu’il était fier d’avoir finalement eu raison sur toute la ligne.

« Ip, Günjärazul… Ip. »

Alors, satisfait, l’ambassadeur se leva et repassa son noble habit avec une fierté non cachée. Se déplaçant, il se positionna entre la Comtesse et la tablée, de sorte que tous purent entendre ce qu’il avait à dire. Il était si fier, que l’on aurait presque pu oublier l’atroce évènement qu’il avait vécu par le passé…

… Lorsque, à Oësgard, il avait été la victime d’un Nain renégat, Nimir le Rouge, disgracié et amputé d’une pogne par Harald lui-même. L’ancien prêtre Mogarite avait alors détruit le comptoir Oësgardien par le feu, via des runes savamment positionnées, avant de tondre la barbe et les cheveux de l’émissaire royal… Une honte ô combien grande pour un Nain que de se retrouver chauve et sans barbe… Mais, fort heureusement, les mois passés permirent à l’émissaire Nain de revoir grandir sa fière toison.

Une fois positionné, Günjär frappa son poitrail d’un coup d’avant-bras, suivi d’une légère inclinaison, signe de ses connaissances des convenances Humaines. Saluant ainsi la noble dame, à la fois à la manière Naine, et à la manière des Humains, il prit la parole :

« Cette proposition sied au Grand-Roi Harald, ainsi qu’à son peuple. Puisqu’ici, nous nous rencontrons en paix, mangeons ensemble par le concours de chacun. Maîtresse d’Escault, tous nos ingrédients sont à votre disposition. »

Les sens en fête. Ta langue profite des derniers souvenirs du mariage entre agrume et poisson frais. Tes yeux apprécient un Roi Péninsulaire et son Gardien semblant trouver leur compte parmi les plats qui leurs sont présentés. Quant à tes oreilles… tes oreilles profitent d’un spectacle plus attirant encore que la musique des Prêtres d’Arcamenel. Les nains parlent. Les nains parlent – comme à leur habitude au final – comme si personne ne pouvait les entendre. Ce qui, surtout dans ton cas, n’est pas plus mal. Tu plains tous ceux qui ne comprennent pas le Khazalide, parce qu’écouter parler les nains est plutôt instructif.

Les relations entre Arïn et Ondurs, aux dernières discussions que tu avais eu avec Harald, et à l’anxiété qu’il nourrissait à l’idée que vos connivences leurs soient révélées, tu les savais tendues. Mais à quel point, tu n’en avais aucune idée. De la même manière, l’incapacité de ton homologue chez les Dawis à appréhender ta conception des rapports à l’étranger ne t’étonnait pas le moins du monde. Parmi les Elfes, tu n’étais pas particulièrement patient… mais Harald l’était encore moins que toi. Ou peut-être manque-t-il simplement d’assurance ? Tu souris doucement. Son règne aura été à la fois jeune et tumultueux. Le pauvre finirait par prendre en bouteille avec le temps. Du moins tu le lui souhaites.

- Du mal à sortir les Arïn de leurs bouderies ?

Tu lances, un brin moqueur, à un Mainyth à peine arrivé à ta droite, mais tu n’as pas vraiment le temps de t’asseoir sur votre nouvelle situation qu’elle est à nouveau perturbée. L’apparition presque en catastrophe de Solange d’Odélian aura au moins eu pour effet d’arracher les nains à leurs fâcheux conciliabules, et pour quelle raison ! Ton visage avait conservé la même bonhomie que les instants précédents, mais le dédain n’était pas bien loin. Certes, tout cela semblait partir de bonnes intentions. Certes, ce que se proposait de faire la Dame d’Odélian était parfaitement aligné avec ce que tu voulais obtenir de cette rencontre. Seulement, il y avait quelque chose de profondément dérangeant à voir ainsi transformée celle qui t’avait accueilli il y a quelques temps en son Palais. Déjà là-bas, elle avait l’attitude réservée et la mine affable, il est vrai. Mais là-bas, son port n’était pas le même. Solange en son palais face à l’elfe étranger n’était pas la même Solange que celle ici face aux trois couronnes. Tu ne saurais ni dire exactement en quoi, ni dire exactement comment, mais sa manière de se déplacer, d’évoluer, d’occuper l’espace était différente. Et tu trouvais cela triste et pathétique. Là était – en dehors de leur participation à la naissance d’Aduram – ce que tu trouvais le plus dégoûtant chez les Arïn : leurs multiples visages. Leurs multiples visages, et les raisons pour lesquelles ils les revêtaient. Car si les Arïn traitaient l’un ou l’autre différemment, ce n’était pas parce qu’ils avaient plus d’affection pour l’un ou l’autre, mais parce qu’aux yeux de leur monde, l’un ou l’autre n’avaient pas la même valeur. Valeur qu’ils mesuraient à la puissance au sein de leur société.

- Et bien on dirait que la proposition fait l’unanimité ! tu dis en te levant, tout sourire Mais je pense que dans ce cas là, il vaut mieux que je t’accompagne en cuisine. tu retiens un rire Ce sera plus pratique pour ouvrir les placards… et pour éviter d’ajouter quoi que ce soit de mortel à la préparation. tu te retournes vers le Commandant des Armées Je te laisse t’occuper de tout ce beau monde du coup Aegden. Mais par contre tu te retournes vers la délégation naine On risque d’avoir aussi besoin de l’un d’entre vous si on veut éviter le désastre culinaire.

Ce banquet avait eu l’effet escompté sur le tempétueux dawi qui profitait du moment. Il gardait néanmoins un œil attentif à quiconque s’approchait de trop près d’Harald et des autres dawis. Les mets présentés étaient pour la majorité tous passaient entre ses pognes gantelées. Si on lui avait demandé ce qu’il préférait à cet instant, entre les deux gastronomies présentées, le capitaine choisirait celle en provenance de la péninsule, bien qu’il regrettait le manque de saveurs fortes. Celle des Elgis ne lui déplaisait pas, car justement les saveurs étaient prononcées, mais il s’agissait de textures qui était bien différente de ce qu’il avait l’habitude de manger.

Le Capitaine s’en donnait à cœur joie, plongeant sa main dans les différentes assiettes afin de remplir la sienne, il remplissait son verre comme si ce dernier n’avait aucun fond et pour accompagner le tout, beuglait en khazalide avec ses confrères des choses qui semblaient amuser les siens et participer à la bonne ambiance du côté des fiers habitants du Zagazazorn. La bienséance ? Il ne connaissait pas, sa barbe était recouverte des restes de son repas, de mousse de bière et de tant de choses bien différentes qu’on ne saurait dire ce que c’était. Par moment il s’essuyait d’un revers de la main mais il n’en faisait guère plus.

Quand la comtesse s’approcha des couronnés, il s’arrêta de festoyer pour tenter de comprendre ce qu’il se passait, laissant alors la discussion se faire il regarda alors son roi et ami qui semblait à la fois partagé par l’évènement mais ne rechignant pas à l’effort pour autant. Ce fut alors au tour d’Artion d’interpeller les dawis présents. Il leur demandait d’accompagner la comtesse près du garde-manger et de surveiller afin de ne pas causer un quelconque incident culinaire. Ararün se redressa et secoua sa longue barbe ornée de tresse et de bagues pour l’occasion en essayant de se rendre un peu plus présentable.

« Ip, Artïon » fit-il en levant sa pogne pour signaler sa présence, il posa la main sur l’épaule de Rubis qui était assise à ses côtés et lui lança en khazalide ce qui ressemblait à la fois à un ordre et une demande plus courtoise. « Tu m’suis Gratte-Plume. Aller. »

Il fit alors le tour de la grande tablée et se pointa devant le Roi des Elgis et cette jeune femme dont il ne connaissait pas le nom. Il la salua d’un signe tout à fait ordinaire pour lui, tapant son poing contre son plastron et lui lança un lourd « Barük Umgi. » puis il se tourna de nouveau vers la jeune dawi qui l’accompagnait pour lui donner ses directives. « Tu m’diras ce qu’elle veut comme boustifaille, j’vais faire en sorte qu’les cognards lui r’fassent pas la caboche en pensant qu’elle cherche à nous faire calancher… » }

Il fixa alors la jeune comtesse ; Son aspect brut et sévère ne se para d’aucun sourire ou tout autre signe de sympathie. Son tatouage runique marquant son visage n’aidant en rien et il lui fit signe de la main pour l’inviter à le suivre, bien qu’il ne l’attendit pas et prit les devant en direction du campement nain.

Une rencontre extraordinaire, une qui tombe juste à point pour Jérôme qui désire voyager hors de péninsule pour en apprendre toujours plus sur le maniement de l'épée. Quoi de mieux que de s'y rendre. La question avait été de savoir s'il serait convié en tant que Maréchal Royal ou comme Seigneur serramirois dans la suite du Duc de Serramire. Enfin le principal est sa participation à cet évènement qu'il ne voudrait manquer pour rien au monde. C'est finalement en suivant son suzerain nordique qu'il arrive en bateau au lieu de rendez-vous. Il bouillonne d'impatience, pressé de rencontrer ces gens qui ne sont pas comme lui, et ce n'est pas peu dire que le voyage lui semble une éternité. A leur arrivé, il est en extase, quel spectacle qui se découvre à ses yeux, avec une immense étendue de glace au milieu du fleuve. La magie est quasiment proscrite dans le nord, mais Jérôme est un cas à part, après avoir vu les bienfaits durant la guerre d'Oësgard. Il est toutefois suspicieux car il se sent bien petit face à cet art qui peut le détruire sans qu'il puisse réagir.

Quand la délégation se dirige sur la glace, il est présent bien entendu, et c'est les yeux brillants comme un enfant qui découvre un cadeau, qu'il regarde les elfes et les nains qui apparaissent. Il est vêtu d'une armure de cuir, ayant laissé la maille pour l'occasion, de crainte de paraitre trop agressif, mais quand il aperçoit les nains, revêtus d'armures intégrales, il est bave d'envie. Il n'attend qu'une chose, c'est de pouvoir s'approcher pour mieux les examiner. Pour l'instant, il suit la délégation Royale qui est dirigée vers un bateau où se tient un repas. Etonné parce qu'il n'avait pas été renseigné la dessus, il fait tout pour se retrouver à une extrémité des humains, pour avoir un représentant d'une autre race à ses côtés. Une fois installé, Jérôme regarde les aliments qui ont été posé sur la table, et il hésite vraiment à se servir, perturbé par ce qu'il voit. Il se demande soudain si la nourriture elfique, puisqu'il semble que le principal vienne d'eux, est comestible pour un humain.

Pendant tout ce temps, il scrute tout ce qui n'est pas humain, allant des personnes présentent aux bateaux, vêtements, équipements. Il chercher à incruster tout cela dans sa mémoire, et ne jamais oublié l'évènement auquel il participe. Nul doute que ses enfants le harcèleront de questions quand il rentrera chez lui. Il dévisage particulièrement, pas méchamment bien entendu mais toujours avec cet air de petit enfant, ceux qui ressemblent à des guerriers. Il apprécierait tellement de faire un duel avec eux.

Harald, bougon, regardait s’éloigner quelques-uns des siens, menés par Artiön et… Une noble dame qui désirait s’investir dans cet étrange repas. Le souverain avait beau réfléchir, il ne pouvait réellement comprendre ce qui se déroulait là. Du moins, ce n’était définitivement point comme cela qu’il aurait planifié les choses… Absolument pas.

S’en retournant, il plongea son tarin dans son nouveau bock de bière, attendant de recevoir ce liquide houblonné aux relents d’alcool le long de son œsophage. Boire et boire encore, semble être la seule manière d’oublier ce qui se déroule ici aujourd’hui. Ça, et la nourriture bien-sûr. D’ailleurs, pour l’instant, impossible pour lui de goûter quoi que ce soit de préparé par ces foutus humains… Leur nourriture, à Diantra, durant le mariage, était des moins goutteuses et des plus basiques pour le palais Nain.

Soudainement, un autre mouvement attire son œil aiguisé. De côté, voilà qu’un autre noble, qui se tenait en retrait jusque-là, s’approche de la tablée pour y prendre place. De tous les êtres vivants présents sur cette glace née de la magie, ce nouveau noble semble être le seul qui soit encore moins content que Harald. Moins content que lui de se trouver ici, bien-sûr. Si peu content, qu’il se mit à baragouiner un Péninsulaire que même Harald ne pu reconnaître dans ses syllabes les plus basiques… Alors, tandis qu’il arrachait un morceau à pleine dent, de sa tranche de lard, il se tourna à nouveau vers Günjär.

Ce dernier n’avait point attendu non plus pour se replonger dans sa propre assiette. Buvant et mangeant, le sort avait voulut qu’il termine son assiette avec une vitesse impressionnante, tout comme sa pinte de bière. Lorsqu’il reposa le bock sur la tablée, les oreilles du traducteur et émissaires captèrent les mots prononcés par celui qui était… Magnus de Terresang.

Aussitôt, il vit le souverain des Nains tourner le visage vers lui, l’interrogeant du regard avec la force d’un aigle scrutant la vallée à la recherche de sa prochaine victime, de son prochain repas. L’esprit de l’émissaire ne fit qu’un seul tour… Harald devait savoir.

« Qu’est-ce qu’il baragouine ce sagouin ?! » Demanda alors Harald, comme prêt à exploser.

« Heum… Il n’est pas très content de nous voir ici… » Avoua Günjär, tandis que Harald regarda à nouveau le noble, puis son émissaire.

« Qu’est-ce qu’il dit ?! Günjär, par les roustons d’Ikthor, parle avant que je n’fende c’te glace en deux ! »

« Il critique notre présence, et sa présence ici… Et le fait qu’nous ayons volé les finances Péninsulaires pour la construction des comptoirs, en plus d’avoir provoquer la mort d’un noble important de chez eux… Et d’être encore ici, à manger gratuitement. »

Harald regarda à nouveau l’homme qui se trouvait à l’opposée de la tablée, avec un regard dardant la colère. Ses mires dévièrent alors légèrement, et, aux côtés de Renaud, Louise, et d’autres nobliaux qui semblaient si bien apprêtés, qu’un novice pourrait reconnaître sans l’ombre d’un doute, qu’ils étaient également des Ducs et des Marquis, il vit l’une des seules Humaines présentes ici… S’il reconnut Louise, cette mal-faite, là, il ne la connaissait pas… Du moins…

« Et elle ? C’celle qu’on appelle Prudence, non ? » Demanda alors Harald, prêt à bondir.

« Oui, tout à fait Harald. De ce côté de la table se trouvent les Ducs, Duchesses, Marquis et Marquises de la Péninsule… Ce sont de hauts dirigeants, en quelque sorte. »

« Ils sont importants ?! »

« Eh bien… Leur foutre un coup de hache dans le groin déclencherait une guerre, absolument… Si c’est cela que tu désirais savoir. Ne fait pas de bêtise… »

« Hmm… »

Harald regarda à nouveau Magnus. Son esprit fulminait… Il souhaiterait dire à tout le monde ici, que d’immenses soupçons pèsent sur la tête de la Marquise, étant donné qu’une preuve existe, témoignant de la même écriture entre une lettre envoyée à Maralina, et l’écriture inscrite sur la tablette runique souillée. Mais Maralina était sans doute l’être la moins digne de confiance de ce monde… Une Princesse-Marchande, vendeuse d’esclaves… Quelqu’un qui, même face à un montagne de preuve et de bonne volonté venant de sa part, ne pourrait toujours point être digne de confiance… Harald le savait… S’il lançait ce pavé dans la marre, avec ces informations provenant de cette interlocutrice… Il se coulait lui-même dans les eaux sombres de l’Oliya…

Toutefois, il eut quelque chose à dire… Quelque chose qu’il pouvait dire en Oliyan, car il connaissait ce langage. Il ne le parlait point bien, bien-sûr, mais il le parlait tout de même. Lante ayant toujours été une plateforme commerciale, Harald, dans ses jeunes années de soldat, sécurisait les bords de l’Oliya dans la cité portuaire Lantaise, apprenant donc à parler Oliyan pour pouvoir encadrer les humains, leur indiquer les règles du territoire Nain… Et les interroger, de temps en temps.

Alors, il se leva. Debout, il vida cul sec ce qui lui restait de sa bière, avant de reposer le récipient avec force sur le bois de l’immense tablée. Pointant du doigt vers Magnus, il dit :

« Pleurez tant que vous voulez, ce n’était que justice ! Justice pour la mort et le sacrilège perpétré par le Langehack ! » Il avait la voix forte, sortant du poitrail avec l’intensité d’une colère qui couve depuis si longtemps. « Si vous voulez éviter d’autres hontes de ce genre, vous ne devriez pas placer votre confiance n’importe où, chez n’importe qui… » Il regarde ensuite intensément la Marquise, non loin. « Le commanditaire des évènements de Langehack n’a toujours pas été retrouvée… Mais son écriture, elle, reste connue ! Prenez garde ! »

Puis, il quitta sa chaise, suivi par Günjär qui, perdu, tentait de comprendre ce qui se déroulait à l’instant, alors que Harald voulait manifestement quitter le navire central, coincé dans la neige.

Ton sourire sera bien vite tombé. Quelques pas. Quelques pas à peine en portant une bonne nouvelle, c’est tout ce qu’il avait fallu à tes convives pour briser tes espoirs d’un dialogue apaisé. Oh, tu savais que ces choses auraient fini par être dites. Tu savais bien que cette réunion n’aurait jamais pu être que paix et tranquillité. Seulement, tu espérais qu’ils prennent le temps d’observer avant de parler. Qu’ils prennent le temps d’essayer de comprendre les êtres en face d’eux avant de réitérer les millénaires accusations qui vous poursuivaient tous. Mais là est bien le souci. Vous, Anedhels, êtes les seuls à avoir été dotés d’yeux assez perçants et d’oreilles assez fines pour que l’observation en vaille la chandelle.

Immobile maintenant, tu attends l’inévitable explosion. Et lorsqu’elle vient, tu es le premier à réagir. Ou presque. Le commandant nain, Ararün te talonne, déjà prêt à protéger son Roi du retour de flammes. Rubisséa n’est pas loin derrière, et certainement cherchera-t-elle à retrouver le confort de l’entre-soi avant que la situation ne continue à empirer. Les gardes de Solange d’Odélian ont réagi de même, et à pas pressés, ont pris la direction des leurs.
Tu souffles, agacé. Ton visage est fermé. Ton pas est lourd à en faire chouiner les planches du bâtiment. Harald est ton ami, mais tout ami qu’il soit, il est hors de question que tu le laisses faire à sa guise. Qu’il quitte le pont du Navire-Maître maintenant et dans ces conditions serait une catastrophe.

Ta main se pose sur l’épaule du Groman-Rik avec une implacable douceur. La couronne d’or de tes iris commence à en dévorer le fuschia. C’est avec la même sévérité – celle que personne ici hormis ton Mainyth n’avait jusque-là connue – que ton regard s’assoit sur l’assistance.

Les lèvres d’une elfe en robe ailée te murmurent quelques mots. Ceux à l’origine du conflit.

Les conciliabules ont remplacé le son de la harpe et de la flûte.

- Assez !

Tu tonnes avec un calme accablant, ton elfique trouvant son écho dans la voix cristalline de la prêtresse d’Elenwë te prêtant son Péninsulaire, et dans celle, rauque, du prêtre d’Arcamenel t’offrant son Oliyan.

- Nous tous ici avons des griefs. Je le sais bien. les quelques murmures que tu n’avais pas réussi à faire taire s’étiolent, curieux Et je n’imaginais aucunement forcer qui que ce soit à les mettre de côté en vous invitant tous ici. J’espérais seulement que vous côtoyer en tant que personnes puisse aider à les résoudre intelligemment par le futur. ton regard se retourne vers le Roi nain, et tu lui confies, avec un peu plus de sympathie J’aurais espéré un peu plus de retenue de ta part, Ami. La première des couronnes à perdre patience est souvent celle qui perdra la face. Sache-le. ton attention s’en retourne à l’assistance et ta sécheresse s'en revient Mais puisque c’est ainsi que vous voulez procéder, ainsi soit-il. Ne mâchons plus nos mots et parlons, maintenant.