Les bienfaits des voyages | Clothaire & Alicia

Fin du mois
Printemps, Favriüs 20:XI

Debout devant un miroir en pieds emprunté, je fais le point tandis que je laisse Magdeleine fait les derniers ajustements à ma tenue et à ma coiffure. Je ne pensais pas perdre si vite l'habitude de me faire assister... Pourtant, le fait est là : il est difficile de rester là à ne rien faire tandis que ma suivante accompli des gestes que j'ai été capable de réaliser moi-même durant presque un mois. Alors, plutôt que d'étudier attentivement ses gestes pour m'assurer qu'elle fait bien son ouvrage, je laisse mon esprit vagabonder. Il passe de souvenir en souvenir et, avec mon dernier voyage, il n'en manque pas. J'ai vécu des évènements aussi passionnants que terrifiants mais aussi intrigants. Je ne sais toujours pas qui est cet homme qui m'a sauvée et qui semble avoir un intérêt pour moi dont j'ignore l'origine. Je l'ai recroisé, très brièvement, avant de prendre le bateau pour Odelian. Il m'a dit que je l'y retrouverai... Aucun signe pour le moment mais je suis rentrée depuis fort peu de temps.

Alors que ma servante a terminé, elle attire mon attention pour savoir si son travail me convient. Il est vrai que je suis particulièrement silencieuse... Mais, comme je sens aller bien mieux qu'à mon départ, elle respecte mon silence. Je me regarde alors enfin dans le miroir et j'ai du mal à me reconnaître. Je m'étais habituée aux robes de soins et au bandeau dans les cheveux. Je ne reconnais pas cette toilette... Et Magdeleine semble s'en apercevoir.

-Vous m'aviez autorisée à vous faire confectionner de nouvelle robe.
-Oui... C'est vrai. Je réponds, pensive.

J'avais oublié... Elle trouvait mes tenues bien trop modestes par rapport à ce qu'elle a pu observer ici et m'avait demandé l'autorisation d'en faire confectionner de nouvelles dans le cadre de mon rôle ici. Cela a produit un savant mélange entre les modes arétanes et odélianes. Cela reste un peu plus sobre que les robes que portent les femmes d'ici mais on peut a présent me prendre plus au sérieux qu'avec mes toilettes trop simplistes. Elle n'a cependant pas opté pour la coiffe locale, continuant à me nouer les cheveux qu'il me reste avec l'une de mes célèbres épingles. Elle a fait en sorte de masquer leur longueur si réduite en formant un chignon épars.
J'adresse un hochement de tête satisfait à Magdeleine. Il est temps pour moi d'y aller. Je jette un dernier coup d'œil sur cette chambre et sur mes malles déjà prêtes. Ma suivante achève de ranger quelques parures et pinces dans la dernière afin de la fermer à son tour. Mon séjour au couvent doit se terminer. Le Régente sera bientôt là et je dois être prête à son retour.

Il me semble si étrange d'évoluer dans les couloirs ainsi apprêtée. J'ai déjà l'impression de ne plus être à ma place. Quelques religieuses me saluent, s'arrêtent le temps de m'adresser un mot, puis nous nous disons à plus tard... car j'ai bien l'intention de repasser tant que je serai en ville. Dans l'entrée, je retrouve six des soldats affectés à ma garde et je me libère d'un discret soupir alors que j'ai l'impression de me repasser moi-même les chaînes aux pieds. Néanmoins, un visage connu mais cependant inhabituel s'est joint au groupe. C'est celui d'Ylasse, le chevalier néerite qui m'a escorté en Estrevent. Equipé des pieds jusqu'aux épaules, il n'est manifestement pas là pour me dire au revoir et j'en suis à la fois surprise et soulagée. Alors, je ne dis rien, signe que j'approuve, et je me mêle au petit groupe tandis qu'ils se mettent en place pour quitter les lieux.

Dans l'enceinte du palais, il n'y a plus qu'Ylasse et Magdeleine pour m'accompagner, parce que je l'ai exigé. Il est hors de question que je me promène avec tout une suite dans un endroit qui se veut aussi sécurisé, ce serait une insulte envers mes hôtes. C'est dans une cour que j'ai demandé à attendre celui que je suis venue voir sans me faire annoncer. Mais sans doute lui a-t-on rapporté la nouvelle de mon retour et ne serait-il pas surpris d'apprendre ma visite. Mon allure aura de quoi l'étonner davantage, ou au moins le rassurer. Je dors bien mieux et je mange à ma faim. J'ai bien meilleure mine et le soleil estrevin y est sans doute pour quelque chose, de même que l'air marin. Aura-t-il changé lui aussi ? J'en viens à me poser la question alors que son souvenir est encore très frais dans ma mémoire. Il faut dire qu'il m'a laissée une forte impression lors de nos derniers échanges.

Robe:

Les festivités vont bientôt cesser pour notre bibliothécaire copiste devenu assistant argentier sur décision de la Comtesse douairière, puis Conseiller comtal en raison des problèmes de santé du grand Argentier lui-même. Cela lui a permis d'assister à un Conseil avant le départ de la Comtesse et de son fiancé pour le couronnement royal, suivi d'un mariage ducal, suivi d'une rencontre des rois. Et pendant l'absence de leurs altesses, le père de la Comtesse douairière a géré les affaires courantes avec le Conseiller qui est resté sur place : Clothaire. Ce qui fait que pendant quelques ennéades, Clothaire a pu jouer au premier Conseiller dans un Comté où il n'aurait jamais mis les pieds s'il n'y avait été invité. Mais les bonnes choses ont une fin. La Comtesse douairière et son futur époux devraient être rentrés au début du mois à venir et la santé du grand Argentier s'améliorant, c'en est bientôt fini de cette sensation grisante du pouvoir, tout relatif soit-il et celle, plus surprenante pour lui, d'être considéré comme un homme "important". C'est que le frêle jeune homme à la taille ridicule et la stature laissant imaginer que la moindre brise l'emporterait n'a jamais eu ce sentiment jusqu'ici. Et désormais, on l'écoute, on lui obéit, on le craint parfois, et on le consulte, souvent. Et il espère, simplement, qu'on lui reconnaîtra avoir fait du bon travail, car c'est ce qui fera sa fierté. Il poursuivra ses missions dans la bibliothèque comtale et comme assistant du grand Argentier, et cela lui va très bien. Mais dans l'attente, et pour quelques jours encore, il reste le premier conseiller.

- Un courrier de la Seigneurie de ? Rochefouchart ? Euh, fort bien. Et ? Dame Alicia de Terresang est de retour et souhaite me voir. Faites-la entrer voy... Ah, elle m'attend dans la cour ? Oui, c'est logique quelque part.

Il sourit à l'Intendant comtal. Cet homme, brillant et compétent, gère énormément de choses, reçoit toutes les doléances et les dispatche à qui de droit. Et visiblement, le courrier de Rochefouchart n'intéressait que peu le père de la Comtesse douairière, auquel cas cela tombe d'office sur le premier responsable qui suit, ici en l'occurrence Clothaire, qui a la différence du père de la Comtesse ne peut se permettre de refuser de s'en occuper, eut-il été plus occupé qu'il n'est. Il prend le courrier, sourit à l'Intendant avec qui il a tenté d'entretenir des relations cordiales et précise :

- Pas d'escorte, merci, je ne quitte pas l'enceinte du palais...

Le protocole est lourd, parfois. Clothaire se déplace en lisant le courrier qui lui a été remis, perçoit vaguement un trio semblant l'attendre et ne relève pas le regard.

- Rochefouchart, ce n'est pas cette seigneurie au Sud du duché d'Erac et dont le seigneur est aussi capitaine des Merles, la garde ducale ? Parce que son épouse nous envoie son jeune frère, surnommé le Chevalier aux dagues.

Il lève un regard vers ce qui lui semble être un chevalier, l'interrogeant du regard. Mais il n'y a aucune raison que ce chevalier connaisse le "chevalier aux dagues" et d'ailleurs Clothaire ne l'interroge pas plus avant. Et il affiche un sourire radieux en reconnaissant Magdeleine.

- Nous laisserons ce point aux militaires, ils trouveront bien à occuper un chevalier j'imagine. Dame la gouvernante de Dame de Terresang si je ne m'abuse point, votre maîtresse ne vous a...

Il marque un temps d'arrêt en observant Alicia puis affiche un sourire un peu honteux.

- Vous voilà transformée, à croire que ce voyage vous a été bénéfique, dame de Terresang. Je ne vous avais pas reconnue. La tenue, le teint hâlé, l'étincelle dans le regard, c'est une autre femme, oserai-je dire une nouvelle femme, qui vient me voir. Et n'en doutez pas, j'en suis joie.

Effectivement, le sourire qui accompagne ce propos est radieux. Il salue cette fois plus officiellement les trois personnes en face de lui.

- Dame Alicia... Magdeleine... Chevalier, je présume, et si j'ai mal présumé, j'espère que vous me pardonnerez, je suis ravi de vous rencontrer ou de vous revoir. S'agit-il d'une visite officielle ou d'une visite de courtoisie ?

Les impairs auront sans doute été nombreux, sans doute, mais Clothaire ne semble pas devoir s'en excuser. Après tout, il travaille et va bientôt redevenir un simple érudit. Dans son esprit, il quitte déjà un peu les apparats, sans les abandonner pour la cause. Alicia est une amie, il estime pouvoir se le permettre.

J'étire un sourire heureux en voyant Clothaire approcher. Puis je fronce légèrement les sourcils tandis qu'il accueille ma suite avant moi. Ce n'est que lorsqu'il commence à interroger Magdeleine à mon sujet que je comprends... Et le regard surpris de mon ami ne fait que le confirmer. Il ne m'a pas reconnue. Comment lui en vouloir ?
Je souris de nouveau, amusée mais pas moqueuse, puis j'incline la tête en guise de salut et de remerciements face à sa réaction que je prends comme un compliment. Il n'y a guère que mes orthèses qui n'aient guère changées...

-Le Chevalier Ylasse est membre d'un ordre de Néera. Il a été mon escorte au cours de mon voyage et a demandé à pouvoir continuer à m'accompagner. J'avoue que je préfère sa compagnie à celle des soldats de mon frère...

Je ne m'étends pas sur le sujet mais je doute que Clothaire désapprouve étant donné son passif avec Magnus. Même si j'ai désormais d'autres raisons de ne plus supporter leur présence à mes côtés après ce dont je me suis rendue compte en Estrevent.

-Et si je vous répondais "les deux" ? Je souhaite mettre fin à mon séjour au couvent et prendre officiellement ma place d'ambassadrice, ce qui me semble d'autant plus approprié avec le retour prochain de Dame d'Escault. A qui pouvais-je faire cette requête sinon à l'homme qui était chargé de m'accueillir à Odélian ?

Le bibliothécaire était tout indiqué pour cela. Je lui ai demandé un répit qu'il lui a accordé sans l'ombre d'une objection, m'y encourageant même avec ce voyage, il est logique que je me tourne vers lui pour faire mon retour dans le monde. Je ne m'attends pas à ce qu'il me le refuse.

-Mais, même si j'avais décidé de rester à l'écart encore un moment, je serais venue trouver mon ami. Nous avons beaucoup à nous dire. Et nous nous sommes fait quelques promesses il y a un mois qu'il me tarde d'honorer.

Je ne doute pas qu'il se souviendra de quoi je parle. La visite de la bibliothèque, l'apprentissage des échecs... Nous aurions largement de quoi nous occuper durant le peu de temps que ses obligations doivent lui laisser et qu'il pourrait éventuellement m'accorder. Et je n'ai personne d'autre avec qui le partager pour le moment... Même s'il me faut me remettre à jour sur un certain nombre de sujets. Et la Cour est l'endroit idéal pour cela.

-Y a-t-il un endroit où nous pourrions converser tout en marchant ?

- Si vous avez su gagner sa confiance, Chevalier, vous avez la mienne.

Il lui adresse un sourire tranquille, n'ayant apparemment aucune volonté de changer les choses. Diplomatiquement, il devrait sans doute tenter de rapprocher Alicia de ses terres, mais amicalement, il s'estime mal placé pour lui faire la leçon. La suite n'est pas trop surprenante : Après sa retraite en Ithri Vaan, Alicia reprend contact avec sa vie... et donc son rôle d'ambassadrice.

- Ambassadrice, vous avez quelques jours d'avance sur le retour de la Comtesse Solange d'Escault, mais cela vous laissera le temps de prendre possession de votre logement au Palais. Une chambre communiquant avec la vôtre sera mise à disposition de votre dame de compagnie et si vous le jugez nécessaire, cela signifie que la décision vous appartient, le chevalier pourra loger dans le même couloir, en tant que garde-du-corps. Je vais faire quérir l'intendant pour qu'il conduise dame Magdeleine et le Chevalier Ylasse à leurs appartements et aussi qu'ils obtiennent les laisser passer pour voyager en toute liberté en ces lieux.

Il lui semble oublier quelque chose et cela lui revient. Il ajoute donc :

- Sachez qu'à titre personnel je ne loge pas au Palais. Cela m'offre une coupure bienvenue. Quand je vivais encore à Diantra, je ne logeais pas à la bibliothèque non plus. Et pourtant, j'adorais y être. Rentrer chez moi était moins motivant qu'ici où j'ai une domesticité.

Accessoirement, il aurait fallu que la D'Escault veuille qu'il loge en son palais. Mais dans les faits, il passe la majorité de son temps au Palais ou à la Bibliothèque. Clothaire n'a jamais compté ses heures.

- Un endroit où nous pourrions converser ? Euh... mon bureau ? Car malheureusement, il me reste quelques jours à jouer au Conseiller avant de reprendre le cours normal de ma vie. Je n'accueillerai plus les ambassadeurs d'autres contrées, qu'ils soient la frangine d'un comte barbare ou le frangin d'un merle du médian. Il est probable aussi que je ne sois plus convié aux Conseils puisque le Grand Argentier retrouve sa santé, mais j'aurai toujours le loisir de m'occuper d'élaborer des idées farfelues, de donner des cours d'économie ou de continuer à réorganiser la Bibliothèque et croyez-le ou non, ça m'ira très bien. Mais il faut que je reste joignable pour le cas où le Duc de Soltariel ou la Baronne machin chose aurait un cousin qui doive changer d'air, lui aussi, dans l'heure qui vient et doive le faire ici.

Mais au moins, ils y seront tranquille. Elle pourra lui parler de ce beau chevalier, si beau il est, des oreilles pointues qu'elle a pu croiser, des belles actions qu'elle a accomplies là-bas, le pourquoi de ce bronzage et autres détails qu'il lui appartiendra de raconter ou non. Lui lui parlera probablement des économies, des projets, de la nouvelle distillerie, de la réparation des murs et des deux projets qui pourraient bien occuper l'Odelian ces prochains mois. Rien d'extraordinaire, mais il pourra sentir s'il a fait les bons choix ou pas.

Je ne tiens pas particulièrement à ce qu'Ylasse, ou qui que ce soit d'autre, reste à mon chevet en permanence. Néanmoins, si je veux pouvoir justifier de m'affranchir de la tripotée de gardes qui me suit partout, je dois peut-être faire cette concession. Alors, après un instant de réflexion qui a permis à mon ami de terminer son propos, et non sans avoir consulter au préalable les personnes concernées du regard, je lui réponds très cordialement.

-Je vous remercie pour votre généreuse proposition et je l'accepte volontiers. Je me retourne une nouvelle fois vers Magdeleine. Prends les soldats avec lesquels nous sommes venus et occupe-toi de faire apporter mes affaires ici.
-Oui, Madame. Me répond-elle en s'inclinant.

Ses "Mademoiselle" me manquent... J'aurais voulu ne pas connaître le mariage. Et, avec tout ce qu'il s'est passé en un mois, je pourrais presque croire qu'il n'a jamais eu lieu. Néanmoins, elle s'en va sans plus rien me demander et je la regarde s'éloigner quelques instants. Et je ne peux m'empêcher de penser que je n'aurais désormais plus les mêmes requêtes qu'autrefois à son égard. Je n'ai pas besoin de son assistance en permanence, comme c'était le cas à Arétria. J'ai découvert depuis que j'étais parfaitement capable de me débrouiller seule sur un certain nombre de points. Cela lui laissera plus de temps libre et d'énergie pour accomplir d'autres tâches ou prendre du temps pour elle. Elle le mérite après toutes ces années de dévotion.

Je reporte finalement mon attention sur Clothaire qui me parle de son organisation personnelle avant de me proposer de nous rendre dans son bureau. L'endroit est très formel pour une rencontre amicale mais je comprends qu'il veuille resté joignable en cas de besoin. Aussi, j'acquiesce d'un hochement de tête avant de lui emboîter le pas.

-Je pourrais m'offenser de la façon dont vous parlez des visiteurs étrangers. Lui fais-je remarquer alors que j'en suis une et qu'il m'a évoquer dans ses propos de manière peu élégante. Pour autant, je ne semble pas offusquer. Je lui adresse plutôt un sourire taquin. Je sais qu'il est très franc et je doute qu'il ait vraiment voulu me blesser. Son intérêt pour moi a toujours été sincère, depuis le jour de notre rencontre. Êtes-vous ennuyé par une nouvelle visite ? Cela expliquerait ses paroles. Avez-vous bien reçu mon paquet, au fait ? Je suis désolée de n'avoir pu vous écrire plus longuement mais le temps me faisait cruellement défaut. Le sommeil ne m'a jamais aussi aisément gagné.

Formel, le bureau l'est. Peu décoré aussi. En fait, totalement fonctionnel, sans que Clothaire n'y ait mis sa "patte", comme pour prouver qu'il était bien conscient que ce poste n'était qu'éphémère. Seule concession, il y a, en plus du bureau qu'on voit habituellement dans le local d'un conseiller, un écritoire, sur lequel Clothaire peut lire et écrire debout. La position assise fait qu'il s'ankylose vite, aussi travaille-t-il souvent debout, histoire de pouvoir bouger sans interrompre son travail.

- Vous pourriez vous offenser, en effet. Autant je peux comprendre une invitation d'une amie vous concernant histoire de vous changer les idées, autant un chevalier qui s'invite chez nous, ça passe moins. Comment un gaillard comme moi occupe-t-il un guerrier ? Ou même une Comtesse douairière ? A moins que le futur Comte soit connu de l'épouse du Seigneur de Rochefouchart, j'ai du mal à saisir la logique. Et je déteste ce qui sort de ma logique.

Il finit par hausser l'épaule, celle de son bras invalide ne suivant pas, pour signifier que ça n'était pas important, et consent à répondre à l'autre partie de sa question.

- J'ai bien reçu votre paquet, effectivement. Une lettre disant que vous n'aviez pas le temps de m'écrire et que vous me raconterez vos pérégrinations de vive voix et une étoffe décrivant, j'imagine, les lieux où vous séjourniez. Tout ceci était fort énigmatique, je vous l'avoue, mais plaisant aussi. J'en ai conclu que vous n'aviez vraiment pas le temps de vous ennuyer, ce qui est une excellent chose. De mon côté, si je finis ma journée tôt en ayant tout fait, j'ai le sentiment d'avoir mal bossé. Alors que si le sommeil me vainc alors qu'il me reste beaucoup de travail, j'ai le sentiment d'avoir bien bossé. Je sais, là aussi la logique est étrange, mais avoir du travail en attente signifie des projets et j'adore bosser sur des projets, et en avoir d'autres quand j'en concrétise un.

Au sourire qu'il affiche, il en a eu plusieurs sur le feu. Et il ne sera visiblement pas trop difficile, mais il se fend quand même d'une confidence.

- Je m'amuse. Et j'ai bien pesé mes mots. Je m'amuse. Je mets mon cerveau au service de divers projets, qui sont loin d'être extraordinaires ne nous méprenons pas, mais je fais en sorte que tout le monde en soit heureux. La Comtesse, à son retour, évidemment, car c'est mon employeuse, et les gens que je sollicite pour accompagner ces projets, parfois basiques. Cela se passe rarement comme je l'aurais voulu si j'étais seul décisionnaire, mais je n'en prends pas ombrage, parce que j'ai le sentiment que la voie choisie pourra servir d'autres projets.

Il a un rire détendu, suivi d'une grimace douloureuse, qui nécessite qu'il mobilise son bras invalide avec son autre bras et le mobilise ainsi. Il poursuit en faisant son étrange gymnastique.

- Mais on trouvera le temps d'aborder ces sujets ennuyeux plus tard, car là j'ai envie de connaître le récit de vos aventures et si cela vous a permis d'y voir plus clair, quelque soit le sujet clarifié, d'ailleurs. Cela a-t-il été aussi porteur pour vous que mon voyage chez vous le fut pour moi ou n'avez-vous pas encore eu le temps de le réaliser. Vu votre mine, je doute que l'échec soit une option, pour parler franchement

J'avoue ne pas savoir de qui parle Clothaire mais je suis loin de connaître tous les nobles du pays, d'autant que mon horizon était très limité jusqu'à tout récemment. Et je ne souviens certainement pas l'avoir croisé à Arétria pendant les festivités autour de l'exécution de Klaus et d'autres brigands. J'étais bien trop mal à l'époque et j'ai évité les rendez-vous officiels ou publics en dehors du strict minimum. Je sais simplement que le Duc d'Erac et sa future épouse étaient là -pour une raison que je n'ai pas comprise d'ailleurs- et je n'ai évidemment pas prêté attention à ceux qui se tenaient dans leur ombre.

Mon ami semble bien enthousiaste avec son poste. Je ne peux m'empêcher de sourire en coin en le voyant mettre tant de ferveur dans ses propos. Tout ce qui fait travailler son esprit lui plaît énormément de toute évidence. Il me paraît évident qu'il a trouvé sa place et j'en suis heureuse pour lui. Est-ce que Dame Solange lui a donné cette place pour cette raison ? Je suis curieuse de la connaître et j'ai honte de me souvenir que j'en sais si peu sur elle. J'ai vaguement entendu parlé de l'affaire qui a mené son mari à l’échafaud et de son nouveau mariage à venir mais c'est à peur près tout.

-Il faudra que vous m'informiez sur la Comtesse douairière. Mon ton tient davantage de la demande de faveur que de l'ordre. Je ne voudrais pas commettre un impair en abordant un sujet que je ne devrais pas ou par ma simple ignorance.

Mon intérêt est sincère. Même si elle m'a conviée pour mon bien, mon rôle ici est à présent diplomatique et je ne voudrais pas que les choses tournent mal par ma faute. D'autant que j'ai désormais un intérêt personnel à rester à Odélian...
Avec l'adresse qui est la mienne malgré l'entrave que représentent mes orthèses, je m'installe sur les assises prévues pour les invités. La pièce est plus que formelle, elle est presque austère. Pas une fleur, pas un tableau, pas le moindre élément personnel... Clothaire a une vision des choses uniquement pratique semble-t-il. Sentiment que je ne partage pas avec lui. Pour me sentir bien quelque part, j'ai besoin de m'approprier les lieux.

-Eh bien... Je commence mon récit. Mes journées ont été bien remplies. A peine levés, nous nous rendions au dispensaire pour accueillir les premiers patients. Au début, j'étais aux côtés du Père Natael pour apprendre les rudiments des soins. Ainsi, j'ai pu tenir le poste à l'entrée pour répartir les gens en fonction de l'urgence et de l'importance de leurs soins. La fin de la journée venait si vite que je ne me rendais même pas compte que le jour déclinait. La soir, j'aidais à l'inventaire du matériel de soin. J'étais si épuisée que je m'endormais dès que ma tête reposait sur mon oreiller et j'ai vite perdu le décompte des jours. C'était la première fois de ma vie que je me sentais réellement... utile. Moi qui n'est toujours passé mes journées qu'à lire, broder et jouer de la musique afin de les remplir tant bien que mal. Enfin... J'avais une certaine utilité en tant que Dame de Terrefière mais... Cette fois, c'était encore différent. J'étais ma propre maîtresse... J'avais décidé d'être là et de faire tout ce que j'ai fait, on comptait sur moi pour remplir ma fonction. Ma voix était entendue et prise en compte. J'étais même décisionnaire pour partie. C'était... libérateur.

La première demande d'Alicia n'est pas sans me surprendre, car comme elle avait été invitée par la Comtesse douairière, il imaginait qu'elles se connaissaient.

- Au départ, c'est une jeune femme noble comme on les décrirait dans les bouquins. Respectueuse des dogmes, considérant que son rôle est d'enfanter et de tenir la maison, puis éventuellement de participer aux oeuvres charitables, elle a été mariée et a fait un enfant, une fille, à son mari. Puis, et j'ignore pourquoi, et je n'ai pas posé la question, et je ne tiens pas à le savoir, elle s'est rendue à Diantra voir le Régent et s'est prise d'une lubie d'apprendre la fiscalité. Le hasard ait voulu qu'elle se soit adressée à moi pour avoir des informations.

La jeune noble soumise avait un peu disparu à cet instant-là, car choisir d'apprendre un sujet qui concerne la gestion d'un territoire sans son époux est quelque chose d'assez inhabituel.

- Elle m'a expliqué vouloir être préparée pour sa fille, celle qui a le titre de Comtesse, Elisabeth, et qui fait de Solange d'Escault la Comtesse douairière. Bref, elle a marqué un vif intérêt à mes explications, a posé des questions pertinentes, témoignant d'un esprit vif qui ne transparaît pas toujours quand on la côtoie. Entre nous, j'estime que c'est une bonne chose. Ceux qui s'imaginent qu'elle a l'esprit lent dévoileront leur jeu plus facilement et seront déçus. Après ce premier cours magistral et un second qui a suivi le lendemain, ses obligations l'ont amenée à voir le Régent et je vous avoue ne pas avoir suivi la suite, qui fait qu'elle est veuve aujourd'hui, sa fille Comtesse et elle Comtesse douairière. Mais cette "indépendance" acquise était un peu trop inquiétante pour elle. Elle a opté pour se remarier rapidement, avec un seigneur et officier. Et vu le passif de feu son époux, elle a souhaité s'entourer de personnes de confiance. Et il faut croire que je lui avais fait bonne impression. Mais ma modestie préfère croire qu'avec moi elle était certaine que je n'avais aucun lien avec Charles de Prademont. Elle apprend sa fonction, soutenue de son père et son fiancé, et ma foi elle s'en acquitte fort bien, même si on peut sentir qu'elle doute encore et se sous-estime. Mais les deux hommes de sa vie font que les autres n'en profitent pas. J'ai dû céder lors de certaines discussions, alors que j'avais de bons arguments. Mais j'ai pas mal de libertés, bien qu'évidemment je doive rendre des comptes et l'un dans l'autre, je suis heureux.

Le portrait qu'il a dressé de Solange d'Escault sera-t-il suffisant ? Il l'ignore, mais elle a une idée de qui elle est, désormais, du moins au travers du regard de Clothaire. Une femme qui peut paraître un peu effacée, très attachée aux dogmes, mais avec un esprit plus brillant qu'il n'y paraît. Sans doute qu'un homme plus "mâle" aurait relevé d'autres atouts, voire ses atours, mais Alicia sait que Clothaire n'y porte aucune attention.

- Libre et utile ? Je pourrais me décrire ainsi aussi, depuis que je suis ici. J'ai toujours été libre quelque part, car j'ai suivi la voie que je voulais, et utile pareillement, car je l'étais comme bibliothécaire. Mais ici, je soutiens aussi d'autres personnes et pas que pour l'apprentissage, soit via mes mots, soit via les ouvrages que je conseille. J'ai ouvert des chantiers, amélioré la bibliothèque comtale sans que ça nous coûte un sou, aidé au lancement d'un projet qui pourrait s'avérer rentable et fait venir chez nous une personne qui pourra y aider sur la seule influence de mon nom... et un peu de mon titre. Je gagne confiance en moi, je sais défendre mes positions, je sais ployer si nécessaire. Je m'intéresse aux arts, dans lesquels je vois un bon investissement. Je m'ouvre de nouveaux horizons. Et grâce à vous, Ambassadrice, je suis bien vu par le Temple, ce qui ne gâche rien. Je ne suis pas encore populaire, j'ai des surnoms parfois discutables, mais je ne pense pas être détesté pour autant, et ça, c'est nouveau.

La description est assez enthousiasmante, mais il est rare qu'il témoigne ainsi du plaisir qu'il a. Et il est convaincu qu'elle ressent la même chose.

- Et à t'entendre, la sensation est la même pour toi. Même quand tu retourneras en Aretria, désormais, tu pourras t'affirmer, même face à ton frère. Lui dire que tu veux te rendre utile, lui dire que ce qui t'attire, c'est ceci ou cela. Lui ne te menacera pas de t'envoyer à Diantra par catapulte pour éviter que tes pas salissent les terres aretanes. Bizarrement, il suffit que quelques personnes nous fassent confiance pour qu'on ait confiance en soi. Et encore plus bizarrement, je doute qu'un échec puisse changer cela. Des échecs, j'en ai déjà connu, je ne les vis plus comme une mise en doute de moi, par les autres ou moi-même, mais comme un apprentissage. Mon dernier échec dans une négociation, je l'ai considéré non pas comme un échec mais comme une leçon qui me pousse à m'adapter à mon "adversaire" pour mieux négocier.

Même si l'idée du cadeau pour le Roy reste une hérésie onéreuse et inutile à ses yeux et de l'argent inutilement jeté par les fenêtres. De l'argent que lui gère. La Comtesse dépense, mais s'il y a un trou dans la caisse, ce sera sa faute à lui. Mais il s'est promis de se servir de cet argument pour bloquer d'autres dépenses si cela s'avérait utile. Il n'a pas de voix décisive au Conseil, mais il tient à ce que son travail soit impeccable. Augmenter les rentrées, infléchir les dépenses inutiles, faire que les dépenses soient des investissements, c'est son boulot.

- J'espère que vous pardonnerez ma question, Ambassadrice, mais y-a-t-il des points qui doivent réellement être négociés entre l'Aretria et nous ou bien cette mission reste-t-elle informelle ? Du peu que je sache car je n'ai pas réellement eu le temps de faire des recherches sur ce plan précis, nous n'avons pas particulièrement besoin de votre Comté, que ce soit sur un plan militaire ou commercial... si on excepte qu'il faille éviter la guerre entre nous, évidemment. Car si des points il y a, il me faudra les préparer pour la Comtesse, a minima.

Il le lui a dit avec un sourire désolé, comme si le fait de "travailler" mettait fin à la joie des retrouvailles. Mais lui aime travailler, donc ça ne le perturbera pas trop.

J'écoute religieusement Clothaire me narrer tout ce qu'il sait de sa maîtresse et, si cela m'apporte de précieux renseignements, son récit soulève également nombre de questions. Il reste tellement de zones d'ombre qui laissent place à une potentielle erreur de ma part. Comment son époux est-il mort ? De quel "passif" parle-t-il ? Pourquoi a-t-elle rencontré le Régent ? Quel lien avec son veuvage ?
Cependant, il semblerait que mon ami n'ait pas les réponses à toutes ces interrogations donc j'opte pour ne pas l'interroger davantage. Il est assez récent à son poste, peut-être que je pourrais adroitement glaner quelques informations supplémentaires en me mêlant à la Cour d'Odélian. Au moins, j'ai quelques bases et on ne me reprochera moins mon ignorance désormais.

-Je vous remercie pour tous ces éléments. Il me seront précieux. J'ai entre autre compris que la question de son défunt époux est à éviter.

Je souris pour traduire un certain amusement mais non dénué de politesse. Je suis bien placée pour concevoir qu'un tel sujet peut s'avérer sensible et je ne la juge nullement. Je compatis, au contraire. Néanmoins, je me demande ce qu'elle sait de moi et pour quelle raison elle a tenu à m'inviter pour faire une retraite loin d'Arétria et de tout ce qui m'y fait souffrir. Compassion ou manipulation ? D'après la description de Clothaire, je pencherai davantage pour le premier mais il me faudrait attendre de la rencontrer pour le confirmer.

Je suis un peu troublée par le tutoiement employé par mon ami. En dehors de ma famille, il n'y a que Marc-Aurèle qui ait utilisé le "tu" pour me parler alors que ce n'est pas une convention répandue entre époux. L'entendre dans la bouche de quelqu'un qui ne fait pas partie de ces deux catégorie est étrange mais je ne dis rien et je tente de m'accrocher plutôt au contenu de son discours qui me plonge dans un état pensif.

-M'affirmer face à Magnus ? Je ne risque pas la catapulte mais il pourrait m'enfermer dans mes appartements. Et tous le craignent tant que personne n'essaierait d'aller à l'encontre de ses ordres. Ne serait-ce qu'un peu... Je marque une pause avant de reprendre. Pour tout t'avouer, je n'ai pas la moindre envie de rentrer chez moi. Magnus veut régir entièrement ma vie comme il régit ses terres. Il entend mes aspirations et mes désirs et il me donnera de quoi me satisfaire mais il fera en sorte de me garder sous sa coupe malgré tout. Sinon, pourquoi m'avoir mariée à son vassal le plus proche et le plus fidèle qui lui obéit si aveuglément ?... Je veux rester loin de lui le plus longtemps possible pour pouvoir faire l'expérience de la vie librement. Et, qui sait, peut-être trouver le moyen de m'affranchir totalement...

C'est un souhait émis sur l'instant au terme de plusieurs ennéades de réflexions. Mon ton montre que ce n'est pas une décision ferme et définitive mais une possibilité que je viens d'envisager. J'ignore même si c'est possible et plus encore comment le rendre réalisable mais je crois que c'est ce qu'il me faut.

-Rien qu'à l'idée de rentrer, je me sens oppressée et j'ai peur de perdre le peu de contrôle que j'ai pu reprendre de ma vie. Je veux voler de mes propres ailes... Aussi abîmées soient-elles.

Je lui adresse un triste sourire après cette confidence faite à mi-voix. Ylasse l'a sans doute à peine entendue de là où il est et, à défaut d'en avoir perçu chaque mot, n'en s'en compris que le sens général. Mes jambes sont peut-être brisées mais je peux marcher et être suffisamment indépendante pour ne plus avoir besoin d'une assistance permanente. Je peux vivre ma propre vie, j'en ai acquis la certitude.

Clothaire reprend le vouvoiement pour me parler en tant qu'Ambassadrice. Je trouve curieux cette façon de faire, à moins que cela ne soit de l'inattention ? Je ne dis rien cette fois encore et l'écoute simplement.

-Pour être totalement honnête : je n'en sais rien. Comme je l'ai dit avant mon départ, Magnus a tenu à rendre mon séjour ici officiel en me nommant Ambassadrice mais je n'ai reçu aucune directive et je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec lui depuis. Si Dame Solange n'est pas rentrée de ce voyage qui a mené nombre de nobles hors de nos terres, alors lui non plus. Je m'en enquerrai par message à son retour. En attendant, je tâcherai simplement d'établir une bonne relation entre Dame Solange et moi. Il n'y a pas si longtemps, nos Comtés étaient en guerre. Il m'incombe de faire en sorte que cette animosité passée ne refasse pas surface.

Sa réserve naturelle fait qu'Alicia pense qu'il s'agit d'un sujet tabou, alors que dans les faits c'est juste, à ces yeux, que ça ne le regarde pas.

- Si le sujet du défunt époux est abordé par elle, il n'y a pas de raisons de le fuir, cela pourrait même être un indicateur de confiance. Juste, moi, personnellement, cela ne m'intéresse pas. Il y a la Comtesse, fille de Solange, il y a un fiancé qu'elle va épouser. Le passé est le passé, elle ne me juge pas sur la réputation de mes parents, je ne me vois pas l'interroger sur son ancien époux.

Peut-être peut-on y voir un gentleman agreement. Mais dans l'esprit de Clothaire, il n'est pas nécessaire d'avoir les détails, vu qu'il connaît l'un des motifs qui ont pu justifier la condamnation à mort de Charles de Prademont, pour faire son travail. S'il y a d'autres motifs, il ne les a pas appris et il ne cherche pas à les connaître. Et elle change de sujet pour revenir sur un éventuel retour à Aretria-la-ville et son ancien époux à elle.

- Les mariages sont politiques dans le monde des nobles, cet époux en valait largement un autre. Il ne vous faisait pas épouser un ennemi pour garantir la paix, avec les risques que cela comporte, mais un allié.

Sur ce plan, le choix de Magnus ne le choque pas. Quant au reste...

- J'ignore s'il vous maintiendra dans une cage dorée, mais pour l'heure vous êtes ici, avec d'autres libertés... et d'autres obligations, liées à votre rôle d'Ambassadrice. Vous représentez toujours Aretria et cela reste une pression, mais plus liée à votre rôle et plus acceptable, parce qu'ici aussi on accepte plus de libertés qu'ailleurs, j'imagine.

Il écoute attentivement ce qu'elle sait de sa mission d'ambassadrice et des éventuelles attentes de la Comtesse douairière ou de son frère de Comte, mais elle imagine qu'il s'agit d'avoir de bonnes bases de relation entre les deux Comtés qui étaient encore en guerre récemment.

- Je ne m'en ferai pas trop. Pour percevoir votre caractère et celui de la Comtesse douairière, je pense que vous pourrez vous entendre assez facilement et même vous rapprocher, de façon assez naturelle. Je vous vois plus facilement alliées qu'ennemies. Puis, lors de leurs pérégrinations, d'abord au mariage ducal, ensuite à la rencontre des couronnes, je ne doute pas que nos supérieurs auront déjà noués contact et que vous en aurez un retour. A l'approche de noces, on songe plus à la paix et à des projets qu'à la poursuite d'une guerre, pareil lors d'une prise de fonction.

Raison pour laquelle Clothaire n'est pas stressé outre mesure. L'Odelian aspire à la paix et la prospérité et pas à l'expansion. Et il se doute que Magnus n'a pas les moyens de mener une guerre externe avec les problèmes internes qui l'occupent. Le cadre est idéal pour installer une paix qui pourrait être durable.

- Je ne compte pas vous retenir outre mesure et vais vous faire conduire à vos appartements. Sachez que ma porte vous sera toujours ouverte, que je reste Conseiller ou que je redevienne bibliothécaire, il vous suffira de me faire quérir. Possible aussi que je passe vous voir lors d'un temps libre ou si le besoin de revoir ma fontaine se fait sentir, ce qui arrivera.

Puis il se fend d'une confidence.

- Quand vous avez fait le choix de l'Estrevent, j'avais espoir que vous en reveniez transformée. Mais je n'avais pas imaginé que vous le seriez à ce point. C'est pour moi une grande source de joie, même si le mérite de cette transformation ne m'appartient en rien.

C'est sans doute cela, l'amitié.