[Ungordrinin] Lante et Thanor, à nouveau reliées

1er jour, 3ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Eté. Année XX | XI cycle.
Cité de Thanor – le chantier de l’Ungordrinin.

L’expédition pour la montagne détruite était partie depuis plusieurs ennéades maintenant. Presque un mois entier, qu’une troupe de cognards, d’érudits, d’artisans et de curieux, s’était lancé à l’assaut des monts du Septentrion, dans l’unique but de découvrir ce qui s’était produit dans les lointaines montagnes du Nord.

Depuis la disparition de la montagne, les plus grandes, folles, et inédites rumeurs, s’élevaient ça et là. Harald, lui, y vit un symbole divin. Peu de temps après la mort héroïque du Gormisson face au Grand Vers Noir, sacrifice divin du Puissant rappelant à lui son fils, dans l’unique but de protéger les Nains, voilà qu’une montagne entre en éruption. Une éruption dont les symptômes visibles rappelaient étrangement ceux du Voile et de l’Ire du Maudit. Le fait qu’une seule montagne soit touchée, au sortir du sacrifice onirique de Thorgrel, était un signe évident pour Harald : Ikthor, dorénavant, protégeait les Nains de la violence et de la colère de Mogar.

Persuadé par sa ferveur religieuse, Harald ne pouvait tout de même s’empêcher de s’inquiéter. Avec cette cohorte, quelques-uns des plus grands et illustres Nains de cette époque, s’engagèrent, remettant leurs vies entre les pognes du très prometteur capitaine Kirganais, Arärün Fiers-Marteaux. Thordril, le Fils de la Fournaise ; Braähm, mineur de Mogarium… Hilda, propre fille de Harald. Des gens importants, pour lui, et pour le peuple… Mais les enjeux étaient trop importants pour ne point prendre ces risques. Et puis, les Nains n’étaient-ils points connus comme étant un peuple fort, fier, guerrier et courageux ?

Malgré l’inquiétude lancinante, Harald avait un royaume à gouverner, et à administrer. Au premier mois de l’Eté, les ingénieurs de Thanor firent parvenir missive et messagers, avec fanfares et festivités : l’Ungordrinin reliant Lante à Thanor, était terminé.

Alors, il était temps de se rendre à Thanor, pour une nouvelle inauguration. Lante, grenier du Zagazorn, plateforme militaire, zone agricole, agraire et luxuriante, reliée à Thanor, unique port de tout le royaume, doté des plus grands esprits d’ingénierie et d’artisanat du royaume, pouvaient, à nouveau, marchander, échanger et voyager entre eux, via une route souterraine directe, droite sur des centaines de kilomètres, sécurisée par des fortins et des gardes, s’affranchissant de la météo et des reliefs extérieurs. Un temps de voyage divisé, une sécurité accrue, et des possibilités économiques et militaires énormes. Cela méritait bien un voyage du Grand-Roi.

Alors, Harald avait prévenu de son arrivée. Les armées de Thanor, immaculée, attendaient le Roi à la sortie de l’Ungordrinin reliant Thanor à Kirgan, au son des boucliers frappés des gantelets d’acier. Glumtol était là, tout comme d’autres Hauts-Conseillers de Thanor. On festoyait dans les rues, levant les chopines et éructant rots, hourras et autres félicitations gutturales.

Harald fit donc son entrée en ville, chevauchant un magnifique bélier du Brissalion, trônant sur son dos avec son armure de plate couleur noir de jais, réhaussée de la couronne en Mogarium, attribut légendaire et historique des souverains du Zagazorn.

Il s’arrêta, sur l’illustre chantier, auprès du caveau retrouvé en l’an XVII par les ingénieurs de l’Ungordrinin. Ultime demeure d’un des descendant de la lignée ayant fondé Thanor, au cours du IIIème cycle, le tombeau fut rénové, entretenu, et mit en lumière, avec un chemin de pèlerinage afin de rendre hommage à ce poilus qui naquit voilà des millénaires. Rendant un hommage solennel emprunt d’humilité et de fierté, Harald accueillit ensuite les ingénieurs, lesquels, encore noircis parfois, attendaient avec impatience l’ouverture de cette partie de l’Ungordrinin.

Les barbes et les bavettes thanorites formaient une foule dense et compacte. Si bien que la noirelfe avait eu du mal à traverser la foule en liesse pour approcher de la grande voie. Et là encore, quand bien-même elle sortait du lot malgré sa petite sa taille, les fêtards agitaient les bras et les mains assez haut pour que son champ de vision en soit plus que troublé. Mais après quelques bonnes minutes, la daedhelle avait enfin trouvé un endroit propre à l’observation. Les soldats formaient un arc de cercle devant l’entrée du tunnel, faisant place nette au Roi dont l’arrivée se faisait attendre et ne saurait tarder.

Et alors que la noirelfe discutait avec une naine, elles furent interrompues par le boucan de la foule en liesse lorsque le bélier et son cavalier sortirent du tunnel. L’on célébrait l’accomplissement tant espéré, récompensant les immenses efforts des dernières années qui payaient enfin. Aujourd’hui, ce n’était pas seulement le Roi que les thanorites acclamaient, c'était le peuple tout entier.

T’sisra s’était jointe aux applaudissements et même aux sifflements. La naine à ses côtés sautillait sur place, dans l’espoir de voir son mari sortir du tunnel, lui qui avait connu ces travaux titanesques depuis leur lancement et dont elle avait vanté les mérites jusqu’alors.

- La cité va connaître une fête qu’on sera pas prêts d’oublier ! C’est moi qui vous l’dit !

- Je n’ai aucun doute là-dessus !

La noirelfe avançait doucement au milieu de la foule, agitant le bras de temps à autre dans l’espoir de se faire remarquer. Et ce fut l’un des gardes qui finit par la héler et l’invita à le suivre. Bientôt, elle passait derrière la ligne que formaient les soldats et fut conduite en retrait.

- Reste donc ici le temps que… Il désigna la foule et le Grand Roi d’un geste de la main. Le temps ce qui doit être fait soit fait.

- Bien sûr. Répondit la noirelfe dans un sourire. C’est clair comme de l’eau de roche. Merci encore.

La daedhelle s’appuya contre le mur le plus proche, frappant doucement dans ses mains au rythme des tonnerres d’applaudissement de la foule. Elle patientait sagement, visiblement contaminée par la joie qui animait la cité.

Point de grands cordons à couper avec des larges ciseaux en or. Point de quille de bois à bénir, en y jetant une bouteille d’un alcool fin et pétillant. Point ce genre de choses, non, car inaugurer un tel chantier ne relevait point tant de la politique, que de la reconnaissance d’un souverain face aux efforts d’un peuple. Qu’importe que ce chantier immense ait été ordonné par Harald Barbe-Sanglante, ou par Hardrek Poing-de-Fer. Qu’importe, oui. L’essentiel, dans ce genre de choses, était que les honneurs aillent surtout à celles et ceux qui s’étaient démenés pour construire tout cela.

Enfin, Harald arriva. Placé au milieu toute la place construire pour l’occasion, il était l’élément central de ce qui allait être une cérémonie simple, mais grandiose. Dans la foule, des aubergistes et des taverniers, attendaient, tonneaux en perce, avec d’innombrables chopes qui se remplissaient les unes après les autres, lorsque l’on attendait qu’enfin le Roi prononce les mots qui permettraient ce jubilé collectif.

Thanor allait redevenir la cité centrale du commerce et du voyage en Zagazorn, comme dans les temps jadis, avant que les grandes voies ne tombent dans l’oubli. La voie reliant Thanor à Kirgan était terminée depuis à peine une année. Aujourd’hui venait celle entre Lante et Thanor. Demain viendrait celle reliant Thanor à Almis, la grande cité de l’Est. Chaque entrée était organisée de la même manière : un demi-cercle, assez grand pour permettre d’encaisser l’afflux depuis l’Enclave jusqu’à l’intérieur du souterrain. L’entrée du souterrain est béante, et permet de s’enfoncer en ligne droite dans les sous-sols du Zagazorn, jusqu’à une sortie similaire, à Lante.

Se plaçant au milieu de cette place, Harald regarda longuement l’assemblée. Chopines en pognes, sourires aux lèvres, barbes et bavettes attendaient avec impatience de voir entrer et sortir les grandes caravanes et les petits commerçants, lesquels s’en viendraient et reviendraient, les bras chargés de marchandises, d’or, et de trouvailles diverses et variées. Car, là où Thanor reliait la Péninsule et le Sud du monde par les océans… Lante, elle, bénéficiait de l’Oliya, un grand fleuve, lui aussi très fréquenté et proche du peuple Elfique.

« BARUK ! » Dit alors Harald, la voix forte et tonitruante, frappant son plastron avec vigueur, ouvrant alors ses bras face au peuple acclamant ce discours inaugural comme une incroyable nouvelle. « Fils et Filles du Zagazorn, aujourd’hui est un grand jour pour notre peuple. Jadis, nos aïeux utilisaient déjà ces souterrains pour commercer et voyager entre les cités de notre royaume, alors prospère et sécurisé. Avec le temps, ces souterrains perdirent leurs utilités. Aujourd’hui, nous les retrouvons… Demain, nous les utiliserons tous ! » Dit alors Harald, faisant référence à la dernière ligne droite de cette construction – ou reconstruction – pharaonique : celle reliant Almis. « Nos terres, certes, ne sont pas encore sécurisées comme elles le furent jadis. Mais cela évoluera aussi, car, aujourd’hui, des Nains et des Naines font route vers la montagne disparue, pour comprendre ce qui a bien pu se produire là-haut, voilà plusieurs ennéades. » Dit-il, rappelant alors à tous ceux qui étaient là, que des Nains risquaient leurs vies dans le lointain Nord, en ce moment même. La chose n’était point très utile, car beaucoup de ces nains venaient de Thanor, et donc, avaient de la famille dans cette assemblée. Les mettre à l’honneur semblait toutefois important pour Harald. « Nos troupes s’entraînent, nos runistes étudient, et nos sommités se préparent à l’étude des Engeances, dans le but ultime d’apprendre tout de nos adversaires d’aujourd’hui et de demain, afin de reprendre les territoires qui nous ont été cruellement retirés par le Père, maudit soit-il. » Pestait-il. « Bientôt, oui bientôt… Nous pourrons dire que nous avons reprit aux créatures et au Père, les territoires qui nous reviennent de droit. Mais, aujourd’hui : nous pouvons commercer en paix et en sécurité ! Grâce aux mineurs qui sont devant vous ; grâce aux ingénieurs qui sont devant vous ; grâce aux soldats qui assureront, sans faillir, la sécurité des lieux et de nos frères et sœurs. Je suis sûr que Girdon ripaille pour nous en ce moment même ; qu’Heidum se régale de voir notre peuple devenir plus riche encore ; que Yaron se félicite de voir que les savoirs, s’enrichissent encore et encore ! Les jumeaux, aussi, doivent être fiers de nos artisans, pour tout ce qui a été accompli durant ces années de travaux ! Les divinités nous parlent, aujourd’hui ! Et moi, votre Grand-Roi, je vous dis ceci : le Zagazorn est grand, le Zagazorn est puissant ! Et nous, le peuple, pouvons déplacer des montagnes du moment que nous le décidons ensemble ! Aujourd’hui nous célébrons ! Demain, nous reprendrons le travail ! BARUK ! »