Une rencontre pendant l'errance (fini...)

[HRP = Ce sujet se déroule peu de temps après celui-ci. Merci à vous si vous avez suivis...]

Ce ne fut pas sans peine, souffrance et fatigue mais à force de trainer un pied devant l'autre, Anna était finalement arrivée en vue de la lisière d'Aduram.
Le paysage se dégageait peu à peu, la végétation était maintenant rarissime, seuls de rares bosquets d'arbustes venaient encore perturber sa progression de temps à autre.
Toute guillerette , l'aventurière s'engagea sur la première route qu'elle découvrit. La peur de l'elfe sombre était encore vivace en elle et elle comptait bien mettre le plus de distance possible entre eux deux. La demi-Drow n'était certes pas dans une condition physique idéale, notamment à cause de la soif qui se fessait de plus en plus présente... Mais - n'était qu'à moitié Drow - le doux soleil d'hiver pointant le bout de son nez suffit à lui redonner les quelques forces nécessaires pour continuer un peu son chemin.

*J'irais toujours tout droit, songea t' elle. Et je ne sais même pas où je me rend... J'ai complètement oublié ma mission à cause de ce trouble-fait.*

En fin de compte la situation était exactement la même qu'hier pour Fauyeur. Elle errait à l'aveuglette s'attendant plus ou moins à faire une rencontre, bonne ou mauvaise. C'était à en perdre l'esprit... L'hybride n'avait aucun contrôle sur sa propre existence, son avenir, sa destinée. Elle n'était même pas destinée à quoi que ce soit d'ailleurs. Elle était juste une bâtarde incomprise et solitaire, qui ne ferait sans doute rien de bien exceptionnel dans sa triste vie. Triste vie à laquelle elle s'accrocherait farouchement malgré tout, hors de question de penser au suicide. Il y avait largement pire comme histoire... Au moins, Anna était libre et armée. Ivre de cette violence et de cette liberté tant chérie; convoitée.
La jeune femme fit halte. Quelque chose à manger ? Non. Tant pis. Elle ferma les paupières lentement - s'étant assurée au préalable que les alentours étaient déserts - et se glissa involontairement dans le monde des rêves. Assoupie sur le bord de l'innommable route- trop fatiguée pour affronter les dangers de la vie plus longtemps. Elle avait sur le visage une expression à la fois triste et suppliante, la privation alimentaire était également visible du premier coup d'œil.
~Deux heures plus tard~
La sensation d'une main secouant vigoureusement son épaule gauche tira brusquement Fauyeur de ses rêveries.
Elle eut tout de même du mal à émerger.
Puis darda ses grands et inquiétants yeux noirs sur celui qui venait de là réveiller.

Quitter Diantra, voilà qu'elle avait été sa décision. Quitter son atmosphère viciée, son odeur putride et ses cadavres brûlés ou défigurés par la Peste. Ce n'était pas facile, la ville aait été son terrain de jeu pendant trois décennies et une page de sa vie se tournait. Mais mieux valait cela que d'être arrêté par les Gardes et condamné à la prison à vie... Il ne supporterais pas des barreaux et des chaines, il avait toujours été trop rebelle, trop indépendant et ivre de liberté pour supporter un chachot moisi avec pour seule compagnie celle des rats qui viendraient lui grignoter la peau quand il serait assoupit.

Laissant son imagination vagabonder à ce sujet, il marchait d'un pas alerte, mais sans pour autant être totalement dans la lune. Ses sens affutés guettaient son environnement, inconsciemment. Cela l'avait sauvé plus d'une fois dans la jungle urbaine. Mais ici, à découvert, il fallait être aveugle pour ne pas voir venir le danger.

Il suivait le sentier. Il avait fait contre mauvaise fortune bon coeur. Il avait ruminé suffisamment longtemps son imbécilité qui lui avait valu de pouvoir être reconnu par n'importe quel garde un peu physionomiste et futé. Ce qui était fait était fait, pas la peine de se lamenter. Mais quand même...

Il machait donc tranquillement, quand il se rendit compte qu'il n'était plus tout seul. Il y avait une autre présence... Là, sur le bord de la route, il y avait une jeune femme endormie, brune, l'air fragile... Sa première réaction fut de continuer son chemin dans plus se soucier d'elle... Sauf qu'il y avait quelque chose, une expression sur son visage qui l'empêcha de faire comme si il n'avait rien vu. Elle semblait morte... maudissant son esprit chevaleresque qui faisait des siennes quand il ne fallait pas, il s'approcha silencieusement de l'endormie et l'observa. Ses yeux étaient creusés, ses lèvres sèches, son visage amaigrit. Il avait trop vu de ces signes dans les rue spour ne pas reconnaître la déshydratation et la faim quand il la voyait.

Il hésita encore quelques instants, avant de sonder les alentours. Personne. Malgré tout, ce n'était pas très judicieux de s'assoupir ainsi, à la vue de tous et de n'importe quel malandrin venu. Pff, il ne devait rien y avoir à voler sur elle... il s'accroupit souplement et posa une main sur l'épaule de l'endormie, avant de la secouer, pour tenter de la sortir de sa torpeur. Ce ne fut pas facile. Il fut surpris de voir des iris couleur charbon se poser sur lui. Quel regard étrange! Elle n'était pas humaine, ni elfe. Elle était donc une bâtarde...

- "Ce n'est pas très malin de piquer un somme au bord de la route... vous auriez pu vous faire détrousser."

Il esquissa un petit sourire qu'on pouvait qualifier de mystérieux et charmeur, alors que ses yeux gris pétillaient de malice. Impossible de savoir qu'il était demi elfe. Il avait les traits fins, certes, mais ses oreilles étaient invisibles sous la tignasse noire. Il tendit une outre d'eau à la jeune femme.

- "Vous n'avez pas l'air dans une forme olympique... Ce n'est pourtant pas un désert à traverser cette route, l'eau n'est pas si rare."

Il était toujours accroupit, le visage détendu, l'air serein, mais il se tenait prêt à parer n'importe quelle éventualité.

L'esprit d'Anna était encore confus de son court sommeil qui - il faut l'avouer - avait été très profond. La jeune femme commençait pourtant à s'habituer aux réveils intempestifs mais les événements de la veille avaient été éprouvants au plus haut point.
Quant elle ouvrit finalement les yeux, ceux-ci tombèrent sur un jeune homme de grande beauté avec beaucoup de malice dans le regard comme elle aimait bien. L'homme en face de Fauyeur était tout à fait son style : grand, brun, vif, fin, etc... Aussi cette apparence magnifique rassurait quelque peu la demi-Drow. Mais pas assez pour loin s'en faut.

*Où est mon épée ?...* pensa t' elle.

Paniquée Anna fouilla rapidement de vue la clairière et le bosquet environnant. L'épée était restée adossé sur un arbre situé à dix mètres environ, tandis que la sang mêlée se trouvait à l'endroit le plus confortable. Elle se maudit. La fatigue lui avait fait perdre l'esprit de se séparer ainsi de son arme.
Mais d'un point de vue plus détendu ça avait été un drôle de miracle. Si Fauyeur avait été armée au moment de son réveil le passant ne se trouverait sûrement plus en un seul morceau à l'heure qu'il est. A moins de posséder des réflexes exceptionnels.

-"Ce n'est pas très malin de piquer un somme au bord de la route... vous auriez pu vous faire détrousser."
-Lâchez-moi ! Je le sais bien...

Faute d'avoir son arme sur elle la demi-Drow se contenta d'écarter la main de l'homme d'un petit coup de poing amical. Ce qui était bien différent d'un coup d'épée. Cette différence étant majoritairement due au fait qu'elle venait de remarquer la véracité de ses propos, Bahelaskross ou un autre malfaiteur aurait très bien pu débarquer pendant son sommeil et elle devinait leurs intentions... L'aventurière était reconnaissante. En revanche pour les remerciements son sauveur devrait attendre un peu. Ce genre d'effusion sentimentale n'était pas vraiment de son goût quant on pouvait s'en passer, elle préférait les évités.

-"Vous n'avez pas l'air dans une forme olympique... Ce n'est pourtant pas un désert à traverser cette route, l'eau n'est pas si rare."

Anna ignora la remarque et eut recours à une grande série d'inspirations-expirations discrète pour se calmer. Tout était clair pour elle à présent. L'homme allait maintenant la bombarder de questions puis - probablement - lui demander un service. Obnubilée par la voix de l'inconnu Fauyeur remarqua soudainement la gourde d'eau que celui-ci lui offrait. Elle réalisa à quel point cet objet lui avait manqué.

-C'est... heu... Pour moi ? fit elle stupidement.

Puis sans attendre la réponse la jeune femme s'empara avec force de l'artefact le portant à ses lèvres sensuelles et but d'une traite. Dans son empressement elle failli même renverser la gourde. Anna n'avait pas vérifié le contenu du récipient et ce aurait bien pu être du poison, mais non de l'eau tout ce qu'il y a de plus normale et rafraichissante coula dans son gosier asséché. La sensation était merveilleuse. Quant elle eut enfin terminée Anna rendit la gourde à l'inconnu.

-M... Merci. Je suis désolée je crois que j'ai presque tout bu. annonça t' elle gênée.

Cette fois ci le remerciement avait fusé. Cela arrivait parfois lorsque Fauyeur oubliait de réfléchir, ce qui après tout - se disait elle - n'était pas si grave. La plupart des autres personnes qu'elle avait rencontrée étaient bien moins pudiques qu'elle, cet homme ne le prendrait donc sans doute pas comme une familiarité. Et pourtant s'en était une.

Anna eut elle aussi un petit sourire charismatique, surtout avec les yeux - à faire fondre le plus dur des durs à cuire. L'inconnu tombait à pic. Si la bâtarde n'avait pas ingurgitée le liquide elle n'aurait pas tenue plus d'une demie journée. Laps de temps insuffisant pour s'en procurer... Mais maintenant ça irait. Elle ne pensait plus à son épée.

Fauyeur cherchait quelque chose à dire pour combler le silence quant le bruit d'un puissant battement d'aile retentit, tout près. Un oiseau immense s'invita. Six mètres, voilà la taille du bestiaux.
C'était là un Jezzok bien qu'elle ne le sache pas encore, l'affrontement en prévision allait être dangereux.

Aidan sourit, de façon ironique cette fois, quand il vit la jeune femme fouiller les alentours du regard et fixer du regard son épée, abandonnée un peu plus loin. Décidément, elle accumulait la négligeance. Son épée était hors de portée de sa main. Elle était complêtement à la merci du premier venu... Bien qu'il se méfiait des apparences. Elle pouvait très bien être une excellente combattante au corps à corps sous ses airs frêles.

Elle l'envoya promener à sa première remarque et il se contenta de rire, amusé par cette singulière façon de commencer une discussion.

- "Oh pardon d'avoir douté de vos connaissances étendues à ce sujet..."

Oui, il se moquait bel et bien d'elle. Il était ainsi et il ne changerait pas pour la première inconnue venue! Quand même, quel culot de le frapper alors qu'il avait eu la bonté de ne rien voler pendant qu'elle pioquait un petit roupillon! On l'y reprendrait tiens!

Merci petit chat sauvage, grâce à toi, je ne commettrais plus la même erreur!

Et voilà qu'il lui tendait de l'eau et qu'elle ne réagissait pas. Hum, la cervelle semblait déjà grillée par la déshydratation... pauvre petite. Elle lui posa une question qui arracha un nouveau sourire moqueur de la part du demi elfe.

- "Eh bien, je comptais l'offrir au troll derrière vous, mais il s'est sauvé..."

Elle s'était déjà saisie de l'outre, ses paroles étant allées plus vite que son cerveau. Elle but avidement et il la regarda sans se départir de son sourire.

- "Vous savez qu'il n'est pas très conseillé de boire aussi vite dans votre état?"

Mais elle avait déjà fini et le remerciait en lui tendant l'outre quasiment vide.

- "Pas grave, j'ai des réserves."

Elle lui sourit cette fois. Le chat sauvage semblait se faire plus doux et apprivoisé. Elle avait vraiment un regard fascinant. Et il ne se géna pas pour le faire remarquer de façon cavalière :

- "Vous savez que vous avez des yeux magnifiques? C'est la première fois que je vois un regard aussi noir."

Il n'eut pas le temps de batifoler davantage. Un bruit de battements d'aile résonna et il apperçut un oiseau immense... monstrueux même par sa taille. Il écarquilla les yeux.

- "Merde... Il suffit de quitter Diantra une journée pour tomber sur des piafs aussi gros qu'une maison..."

Il ne poussa pas plus avant ses réflexions o combien philosophiques puisque le piaf en question fonça sur eux, serres acérées tendues en leur direction. Aidan roula sur le côté pour éviter les griffes coupantes, espérant que la demoiselle avait fait de même. A peine rétablit sur ses jambes, un couteau apparut dans sa main droite comme par magie (mais où était-il caché?) et fonça droit sur l'oiseau pour se planter dans son oeil... Mais il en fallait sûrement plus pour abattre une bête de cette taille. Il caressa l'idée de laisser la jeune femme à l'épée s'en charger... Moins dangereux pour lui d'attaquer à distance. Sauf que rendre borgne le piaf ne l'avait pas rendu de très bonne humeur... Et si vous vous posez la question, oui, la cible était bien l'oeil et bientôt, l'autre serait crevé également. Un ennemi aveugle, c'était toujours ça de gagner.

Splasshh! C'était toujours étonnant de voir une si grosse bête se faire blésée par un simple homme mais le fait était bien réel. Un petit ruisseau de sang s'échappait de la plaie toute chaude, souillant l'herbe verte et la robe d' Anna.
Ayant évitée l'attaque du monstre de justesse celle-ci ne voulut pas être mise de côté dans ce combat, aussi diminuée qu'elle était. Fauyeur ramassa son arme et étudia quelques secondes le piaf, la réflexion était indispensable à l'attaque. Foncer tête baissée ne donnait rien de bon.
L'animal bien que très grand ne pouvait compter que sur ses dents pour broyer la chaire des aventuriers, la déduction était évidente : il fallait lui couper son immonde tête. Ce qui était facile vu le long coup du volatile et son champ de vision fort affaibli. En revanche l'oiseau se déplaçait à grande vitesse, avec hargne.
Le compagnon d' Anna lui adressa un clin d'œil qu'elle comprit, il là laissait s'occuper du corps à corps.

*Parfait, pensa t' elle, ce sera vite terminé*

La demi-Drow s'avança à la rencontre du Jezzok, elle aurait aimée maitriser un sort pour pouvoir le maintenir en place tellement le borgne s'agitait en tout sens, fou de douleur. Elle leva son épée et adressa à son tour un invisible clin d'œil à l'inconnu, Fauyeur avait la situation en main. La jeune femme se replia sur elle même et sembla se baisser ce qui eut pour effet de pousser le piaf à viser le sol mais elle remonta soudainement sur sa gauche - dans l'angle mort -, décrivant un demi-arc de cercle avec sa lame et atteignant de plein fouet le coup du volatile.

-Zhaaaaaarg ! fit il.

Il se trouvait à moitié décapité, pas complètement car sa peau était très épaisse. Mais il était définitivement hors de combat. Anna regarda son ami qui n'avait pas eu le temps d'intervenir et fit une moue désolée. L'action n'avait pas durée plus de trois secondes. La bâtarde essuya son épée, fière d'avoir faite ainsi l'étalage de ses talents d'épéiste.
A grand renfort de cris plaintifs et de saignements le Jezzok décampa avec ce qui lui restait de tête. Presque aussitôt il avait disparu.

-Je crains que ce malotru ait interrompu notre conversation... Que disiez-vous déjà ? Quelque chose à propos de la noirceur de mes yeux, je me trompe ?

La sang mêlée ne plaisantait pas, elle avait oubliée le compliment. Quant elle se lançait dans une de ses techniques cela lui demandait une concentration totale avec pour effet secondaire une amnésie des souvenirs immédiats.

-Gwargh ! hurla t' elle soudain en portant une main à son ventre.

Wlang! Le plastron de l'aventurière retenu par quelques ficèles vint s'écraser sur le sol rouge. L'aventurière elle-même ne tarda pas à le rejoindre, sa blessure s'étant réouverte.

-Oh... j'ai du forcer un peu trop... dit t' elle.

Il fallait être réaliste... Et attaquer en fonction de ses armes et compétences. Aidan était quelqu'un de rusé et réfléchit et il pesait toujours soigneusement le pour et le contre d'une décision. Là, le calcul était très simple : d'un côté, il y avait lui, voleur de son état, avec pour armes une demie douzaine de couteaux effilés mais à la lame assez courte. Et en voyant le bestiau, il savait déjà qu'il ne le tuerait pas sans y passer la nuit. De l'autre, il y avait la jeune femme, mal en point et affaiblie, certes, mais dotée d'une longue épée. Il imaginait qu'elle savait s'en servir. Résultat mathématique : à elle d'attaquer la grosse bête.

Il fit donc un petit clin d'oeil à la jeune femme, lui laissant le champ libre, mais prêt à intervenir si jamais les choses dégénéraient. Souple, félin, il se déplaçait avec lenteur, aux aguets, alors qu'elle approchait de l'oiseau pour frapper. Il en était venu à la même conclusion qu'elle en voyant le cou reptilien : il fallait le trancher sans délais. Sauf que l'oiseau était fou de rage et ses réactions imprévisibles. Prudence donc. Un poignard était dans sa main, mais la jeune femme lui lança un coup d'oeil et il se garda d'intervenir.

Il admira alors l'épéiste à l'oeuvre. Elle n'était pas assez forte pour trancher complêtement le cou de la bête, mais cela n'avait pas d'importance : il se vidait de son sang et il fuyait. Résistant ce machin. Aidan poussa un petit soupir faussement plaintif.

- "Mince, on aurait pu faire un sacré repas avec un truc pareil."

Puis, il se rendit compte qu'il avait perdu un couteau et gémit.

- "Oh non... Il s'est barré avec mon arme!!"

Et merde, il allait falloir en racheter une. Enfer et damnation! Mais la question de la jeune femme éloigna ces pensées attristantes alors qu'il lui jetait un regard surpris. Plaisantait-elle? pas sûr, elle n'en avait pas l'air.

- "Euh oui... Ah ces oiseaux, aucun savoir vivre."

Il avait été décontenancé, mais très peu de temps et reprenait déjà son air badin. Mais l'épéiste s'écroula soudain et son plastron avec elle.

- "Je n'avais pas l'impression qu'il vous avait touché..."

Elle parla alors du fait qu'elle avait trop forcé et il comprit que cela devait être une vieille blessure réouverte pendant le combat. Il s'approcha et s'accroupit à côté d'elle.

- "Je peux?"

Il préférait ne pas toucher une femme sans son autorisation, c'était un coup à se prendre une gifle... Il esquissa un mince sourire :

- "Impressionante votre feinte toute à l'heure... Vous avez l'air douée avec une épée."

Anéantie par la douleur physique Anna gisait faiblement au sol, sur le dos, parvenant tout juste à rester consciente. Il faut préciser que la pensée de tomber dans les pommes aux côtés du lanceur de couteaux ne lui plaisait guère, les jeunes gens ne s'étaient même pas encore présentés l'un à l'autre, il faudrait y remédier.
La demi-Drow reposait encore une fois sur le bord de la route. Dans une petite flaque d'hémoglobine composée du mélange de son sang et de celui du piaf, elle se cramponnait encore à son épée. La dernière fois que la cicatrice s'était réouverte elle avait du sa survie au passage fort opportun d'un guérisseur itinérant et une telle chance ne se reproduirait pas, elle le savait.

- "Je peux?"

Fauyeur entrouvrit la bouche pour répondre mais l'air se mit à lui manquer. Elle poursuivait courageusement son effort lorsqu'un petit geyser de sang s'échappa de sa bouche, ensanglantant le visage et la gorge de la jeune femme. Elle arracha finalement un "oui" presque inaudible à ses cordes vocales rebelles.

*Il faut mieux que je me calme... Saleté d'oiseau... Et l'autre avec ses armes courtes n'aurait pas pu s'en tirer seul...* pensa l'aventurière.

Incapable d'articuler des sons sans rejeter un flot peu ragoutant d'hémoglobine, Fauyeur laissa donc tomber toutes autres tentatives de communications. Qui auraient pu consister à demander à l'inconnu son prénom par exemple.

- "Impressionante votre feinte toute à l'heure... Vous avez l'air douée avec une épée."

Anna n'entendit même pas cette phrase. C'était comme si ses oreilles s'étaient déconnectés de la réalité un court instant, elle ne voyait que le sourire de l'homme quant il lui annonçait cela. Vraisemblablement il ne se rendait pas encore compte de la gravité de la situation. Il restait à Fauyeur une maitrise quasiment intacte de ses bras et elle s'en servit pour agripper sa chemise puis là soulever jusque sous la poitrine, dévoilant ainsi la marque sur son ventre.

Un bon tiers des points de sutures n'étaient plus à leurs places. La cicatrice formait une crevasse à certains endroits d'où s'échappait le pus et le sang en quantité, coulant de part en part du nombril de l'aventurière. La blessure s'avérerait mortelle avec le temps si elle n'était pas soignée.
Il lui fallait donc des soins et vite, si l'homme à la gourde se défilait Anna irait sûrement rejoindre au ciel sa défunte mère.

Finie la plaisanterie... Finie la légèreté. Les sourcils d'Aidan se fronçèrent et son visage s'assombrit de façon significative quand il vit la blessure réouverte sur le ventre de l'aventurière.

- "Bon sang!"

Non, pas bon sang, mauvais sang plutôt, car du pus s'écoulait doucement de la blessure avec le liquide carmin, ce qui indiquait une blessure infectée. Super... Il n'avait absolument aucune compétence de guérisseur. La pauvre était mal tombée. Cependant, il n'était pas totalement manchot. Il fouilla dans son sac et en sortit une chemise brune. Il retira sa ceinture et la passa sous le corps de la jeune femme, avant d'appliquer la chemise roulée en boule sur la blessure et de compresser pour endiguer provisoirement l'hémorragie. Puis, il remplaca la compression manuelle par une mécanique, en serrant la ceinture autour du corps de la jeune femme. C'était vraiment précaire, mais il n'avait pas mieux pour l'instant!

- "Bon, on va essayer de trouver un village... Et prier pour qu'un villageois ait des talents de guérisseur... ou de couturière par défaut."

Il se saisit alors de la jeune fille et la souleva dans ses bras, délicatement, avant de se mettre en route et de prier pour trouver rapidement quelque chose. malheureusement, ils étaient du côté des nains... Pas de chance, les guérisseurs nains étaient moins nombreux que les elfes.

- "Allez, tenez bon, j'ai pas envie que vous me claquiez dans les pattes, je sais même pas le nom de la tueuse de piaf."

Elle devait rester éveillée...