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Sujet: Traiter d’avenirs et d’idéaux [Wyrgar] Mar 5 Sep 2023 - 11:30
1ère ennéade de Karfias | Second mois de l’Eté. Année XXI | XI Cycle.
Deux jours seulement avaient passé depuis mon… entrevue, avec Harald et Ararün. Les mots forts que j’avais prononcé restaient ancrés dans un coin de ma caboche, et malgré ces deux belles nuits très reposantes qui me firent un bien fou, ma détermination n’en était que plus grande, car à mesure que les heures passaient, j’étais toujours convaincu d’avoir raison. Les missives qui convoqueraient les Thanes partiraient bientôt, et je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. C’est donc calfeutré dans ma Loge que j’avais passé le plus clair de mon temps, sortant uniquement pour les affaires qui nécessitaient absolument ma présence. Les réactions de certains seraient imprévisibles, et j’avais donc demandé qu’on renforce la sécurité autour de la loge. Le zèle de certains Dawis n’était pas à ignorer.
J’avais écouté ma fille me parler de tout ce qu’elle avait entrepris en mon absence, et ma fierté pour elle s’illumina. Malgré son très jeune âge, elle semblait prendre son rôle très au sérieux, en écoutant et s’appuyant sur les conseils avisés de nos anciens. Dailor jonglait entre la loge à Kirgan et celle en Haute-Virnée, malgré ses vieux os, et ses idées ressortaient dans chacune des paroles de Breet. Les quelques initiatives qu’elle avait prise seule étaient bonnes, qu’elle avait de toute façon validé auprès des Gromtrommi du clan. Je l’avais donc mise au courant de l’Althinkalan proche et de ses conséquences possibles, et elle s’était empressée de le partager au reste de notre grande famille. Les Main-Ferme étaient tous secoués par ce qui s’était passé dans la salle du trône, et déjà, j’imaginais les rumeurs courir dans les rues de Kirgan. Tout le monde serait probablement au courant avant même qu’Harald n’ait rédigé toutes ces lettres.
L’arrivée de Wyrgar me surprit donc seulement à moitié. Il me trouva attablé, une chope de bière entre les mains, les pensées tournées vers le futur, dans la salle principale de la Loge. Quatre grandes tables et de nombreux tabourets venaient agrémenter le vide de ce grand espace dont on avait sculpté sur les murs bustes et marques de respect aux clans les plus renommés du Zagazorn, ainsi qu’une effigie de Brissea. Une belle odeur d’alcool et le fumet délicat d’un porc grillé à la broche se faisait sentir, à cette heure avancée de la journée. On approchait midi.
« Quelle belle surprise, mon bon Wyrgar, » mentis-je habilement. « Je t’en prie, installe toi. Qu’est-ce qui t’amène si loin de ton chantier ? »
Wyrgar Sage-Pierre
Ancien
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Sujet: Re: Traiter d’avenirs et d’idéaux [Wyrgar] Dim 10 Sep 2023 - 21:32
La nouvelle avait percolé au travers du granit, de la salle du trône jusque dans les boyaux d’où l’on essayait de purger la montagnes des régurgitations du Voile. Dans les bouches inquiètes des mineurs Main-Ferme, l’information avait couru dans les galeries qu’ils creusaient, faisant courir la rumeur jusqu’aux oreilles du prêtre de Yaron entre les tintements de leurs pioches et le grondement des déblais.
En quelques mois, ils avaient progressé, mais moins que ce que Wyrgar avait pu espérer. Front-Noircis et Main-Fermes combattaient de front la gangue, ménageant un passage au centre des couloirs de l’ancienne GranSalle, que d’autres élargissaient avec force de précaution. Les runistes, rameutés en nombre de Molgrunn après qu’Yggdar en eu convaincu beaucoup que les savoirs perdus de Kirgan devaient être retrouvés, s’attelaient à cette tâche, tentant d’arracher à la pierre dégueulée par le Traître-Père les savoirs qu’Il avait voulu voir disparaître. Les sculptures de Rune-Ardente et Langue-de-Plomb voyaient dorénavant passer chaque jour nombre de ces nobles Braises prêtes à faire rejaillir de la pierre un passé plus glorieux. Wyrgar, désormais instigateur parmi d’autres de cette quête de renaissance, mettait l’alphabet runique des Sages-Pierre au service de cet objectif. Mais la nouvelle, faisant bouillonner en son cœur une colère dormante, l’avait détourné de son labeur.
La Loge Main-Ferme lui avait ouvert grand ses portes depuis le jour où il avait joint ses runes à leurs pioches. Les quelques mineurs présents lui adressèrent un signe de tête auquel il ne sut prêter attention. Il trouva leur thane attablé seul, partageant une choppe avec Girdon. Le Scriberune ne répondit ni à ses salutations, ni à son invitation. Personne – Wyrgar le premier – n’avait plus goûté à la bonté du Sage-Pierre, alors père béni et lié aimant. Le Voile, comme il avait soufflé les Braises de milliers de nain, avait éteint cela en lui.
« – Je n’aime pas les rumeurs. Elles sont bien trop souvent propagées par des gens qui mâchouillent les paroles d’un dawi honnête et droit. Je préfère avoir la pleine vérité de sa bouche. Alors, est-ce vrai, Braähm Main-Ferme ? As-tu convoqué l’Althinkalan ? – Les nouvelles vont vite, on dirait. Oui, Wyrgar, j’ai convoqué l’Althinkalan. Je pense que notre peuple court un grand danger, et notre Groman-Rik ne veut pas l’entendre. – Et quel est ce grand danger ? – Tu dois être au courant pour la montagne qui s’est enflammée dans le Nord, presque un an plus tôt, et de l’expédition qui est partie enquêter. Mes craintes se sont révélées exactes, tout porte à croire que Mogar en est la cause, et qu’Il nous adresse un avertissement. – Et que devrions-nous faire, selon toi ? Que réclameras-tu à l'assemblée des thanes ?
Une grimace déforma les traits du thane.
– Ne pas l’ignorer, simplement. Nous devons agir et nous rapprocher du Père de nouveau. Nous n’avons pas le choix. »
Wyrgar frappa sur la table, les derniers mots du mineur lâchant la bonde à une fureur jusque-là tenue par le respect qu'il lui portait. Il cracha sur le sol.
« – Alors les rumeurs n'ont rien altéré ! Tu es de cette engeance ! – N’insulte pas un dawi chez lui, Wyrgar. Je n’ai rien à voir avec ces mogarites sans honneur. Je ne veux que sauver ce qui peut encore l’être. – Et pourtant, tu voudrais que nous vénérions à nouveau Celui qui a exterminé notre peuple ! Tu as donc déjà oublié ? Tu ne te souviens pas du fléau de la MaleNuit ? »
La table trembla à nouveau quand Braähm la frappa à son tour.
« – Bien sûr que si ! Qu’est-ce qui me pousserait à agir ainsi sinon ? »
Il se calma, son cri de colère passé. Wyrgar le fixait dans les yeux, penché sur lui par-dessus la table. Dans le céleste de ses yeux, nulle trace de la sagesse proverbiale du Deuxième Fils ; seule transparaissait l’amère brûlure de la trahison.
« – Quand j’ai vu cette montagne en feu, j’ai ressenti dans toutes les fibres de mon corps cette terreur indicible qui m’a hanté pendant le Voile. J’ai vu la fureur du Père se déchaîner de nouveau sur nous. Il est en colère, Wyrgar, je le devine, mais nous avons eu de la chance, Il nous a accordé Sa clémence. Il aurait très bien pu faire s’effondrer les tunnels de Kirgan ou d’Almis, déchaîner les volcans de la Basse-Virnée, ou faire trembler la terre sous Lante, mais Il a choisi un endroit reculé pour nous rappeler à l’ordre, sans nous faire de mal. Combien de temps sa patience tiendra-t-elle, je n’en sais rien, mais nous serions fous d’ignorer Son avertissement. – Il a tué nos Anciens et nos marmots, Il a exterminé nos frères, nous a banni de nos montagnes et a ravagé Kirgan et ses savoirs ! Tu crois qu'en épargner certains d'entre nous alors qu'il avait détruit nos foyers et déchaîné le magma était de la clémence ? Moi je n'y vois que de la folie ! La folie d'un Traître et d'un Père qui a oublié ses Fils ! Qu'Il abatte des montagnes ou Son marteau sur ma tête, je ne ploierai jamais plus le genou devant Lui ! Car il en va de mon honneur, celui que je dois à mes pères et frères ! – La folie, oui, tu as raison ! Mogar devait être fou pour nous infliger ça. Vingt ans que nous essayons de comprendre la raison de cette « punition », et vingt ans que nous n’en avons toujours pas la moindre idée. Et si c’était seulement la conséquence d’un mal qui Le ronge Lui, y as-tu pensé ? Moi, je le crois aujourd’hui, et j’ai bon espoir qu’il ait enfin retrouvé la raison puisque son dernier acte ne nous a fait aucun mal. Tu parles d’honneur, mais je ne vois que de l’orgueil, celui-là même qui guidait mes pensées quelques mois seulement auparavant. L’honneur, c’est celui de protéger notre Royaume, nos familles, nos clans, ceux qui sont encore en vie, qui ont survécu et qui méritent de continuer à vivre. Que feras-tu si le Père décide de nous punir pour notre orgueil ? Moi, je ne pourrais me le pardonner. C’est ça, Wyrgar, l’honneur. »
La lèvre tremblante, le runiste enfonça ses deux poings dans le meuble de bois en réponse à Braähm, qui venait de réitérer son geste.
« – NE M'APPREND PAS CE QU'EST L'HONNEUR, MAIN-FERME ! Savoure ta crainte d'avoir encore des choses chères à perdre, car par les actes de Celui que tu veux nous voir vénérer à nouveau, je n'en ai plus une ! Tu as la folie de te faire le prophète du Traître, tu t'en fais le défenseur en Lui inventant des desseins dont tu ne sais rien, mais tu me parles d'honneur et d'orgueil ? Le Père-Traître ne mérite plus ni notre adoration, ni notre dévotion. Et toi, tu mérites que ta main soit jetée aux Horokürs. – Et quel autre choix ai-je ?! Tu n’y étais pas, Wyrgar. Tu n’as pas vu cette montagne, cette œuvre de Mogar lourde de sens, ce magma rouge et brûlant, ces créatures venues des entrailles de la terre, cette vallée de mort et de ténèbre. Tout indique que c’était Lui, qu’Il est de retour et qu’Il nous en veut. Plus personne n’est capable de lire ces signes, et mon interprétation est peut-être fausse, mais elle peut être tout aussi vraie ! Qu’adviendra-t-il alors, lorsque la terre tremblera, que les monts s’effondreront, que sa colère de lave se déchaînera de nouveau sur nous ? Verrais-tu le Zagazorn entier souffrir une seconde fois parce que toi, tu n’as plus rien à perdre ? Serais-tu à ce point égoïste ? – Egoïste ? Je me bat chaque jour pour retrouver ce qui peut l'être de ce que nous avons perdu ! Je me bat chaque jour pour que plus aucun dawi ne perde ce que j'ai perdu ! Mais la dévotion envers Mogar ne nous sauvera pas, pas plus qu'elle nous a sauvé pendant la LongueNuit. Yaron m'est témoin, ton entreprise est une folie. »
Wyrgar fit un pas en arrière.
« – Détourne-t-en, Braähm Main-Ferme. Et si tu ne retires pas tes paroles, ne te montre plus jamais devant moi. Les mineurs de ton clan sont des nains honorables, je travaillerai avec ceux qui le voudront encore à retrouver les savoirs des runistes enfouis sous l'Ire de Celui que tu veux réhabiliter. Mais toi, si tu persistes dans cette voie, je ne veux plus te voir. – Tu te bats chaque jour ? Et que feras-tu si Son ire nous prend de nouveau pour cible ? Tu n'es pas de taille à affronter un dieu. »
Braähm secoua la tête.
« – Alors tu ne me verras plus, Sage-Pierre. Je ne peux tourner le dos à cet avertissement. J’en suis incapable. Tu penses que mon entreprise est une folie, mais l’inverse l’est plus encore. C’est une simple équation de risques, et je ne suis pas prêt à voir le Royaume s’effondrer parce que nous sommes trop bornés à ne pas vouloir admettre que Mogar reste notre Père et notre Créateur. »
Wyrgar tourna les talons, les boucles en métal de ses sacoches cliquetant contre son torses alors qu’il quittait la loge à longues enjambées.