Mais en amont de l'incendie

à la suite directe de Au delà des cendres

Tu bats le pavé, tes doigts entrelacés avec ceux de T’sisra, une idée vague de ce que vous cherchiez pour seule guide. Pour l’heure, le Trône Blanc était votre meilleure option. À défaut d’y trouver qui vous cherchiez, vous croiseriez peut-être quelqu’un qui la connaît et qui pourrait vous aider dans votre quête. Ça ou alors vous croiseriez les elfes les plus agaçants de la Cité.

- Une diplomate en contact avec Naélis donc, c’est bien ça ?

Pas vraiment besoin que T’sisra te réponde. Elle avait déjà bien assez expliqué, et tu avais déjà compris. Si tu poses à nouveau la question, c’est plus réfléchissant à voix haute, et cherchant à briser le silence, qu’en attente d’une réponse. Et peut-être d’ailleurs ces tentatives de silence étaient-elle de trop. Une fois mises de côté tes inquiétudes pour la sécurité de T’sisra parmi les elfes, aujourd’hui était une belle journée. Le soleil d’été vous caressait la peau sans aller jusqu’à l’agression, le ciel clair était mu par une douce brise, et le monde dans son entier semblait tranquille. Voilà quelque chose auquel tu n’avais pas goûté depuis longtemps. De la tranquillité.

- Tu es arrivé au parfait moment.

Parfait pour quoi ? Elle le verrait bien. Puisque vous alliez en direction du Palais, elle ne pourrait de toute façon pas y couper. Mais l’occasion était parfaite. Quand la forêt dans son entier semblait empreinte de plénitude, alors le Sanctuaire devenait lieu d’une incroyable félicité. Une que tu aurais aimé pouvoir partager avec elle. Quand tu étais venu à en douter, c’est l’Harmalaica qui t’avait rappelé que ne pas être en pleine possession de son être pouvait aussi être souce de bonheur.

- Bienvenue dans l’endroit le plus important d’Anaëh.

Tu souris, une expression presque béate à ton visage, et de ta main libre, tu désignes le coin de forêt vierge au sein de la Cité. L’Harmalaica, ses arbres millénaires, ses précieuses stèles, l’Estel… un lieu de paix et de recueillement, symbole du renouveau d’Anaëh, et de l’amour de votre Déesse-Mère. Un sentiment de plénitude… effectivement, la Sylve semblait particulièrement chaleureuse aujourd’hui. À tel point qu’ici, même au sein du Saint des Saints, la présence de la Daedhelle avait à peine attiré les regards. Ils la voyaient et l’ignoraient pour la majorité, trop occupés à leur méditation. Ils la voyaient et la saluaient pour d’autres, comme ils l’auraient fait pour n’importe qui. Là est toute la puissance de la Symphonie. Puisque la présence de T’sisra ne dérange pas l’Estel, elle ne dérange pas non plus les Elfes communiant avec Lui.

- Oh ! J’avais presque oublié c’est poser la main à ta hanche qui te l’aura rappelé J’aurais dû te l’offrir depuis mon retour de Thaar, mais je n’en ai jamais trouvé l’occasion.

Tu regardes autour de toi, et tu ne regrettes pas le moins du monde cet oubli. Quelle meilleure occasion que la visite de votre plus beau jardin ?
Tu portes ta main à la sacoche à ta hanche, et en sors un grimoire. Sur sa couverture de cuir finement ouvragée, d’étranges motifs. Des scènes de batailles parsemées d’étranges glyphes, un paysage fait de combattants, de lames et de métaphores de feu et de sang. Un ode à un dieu qu’elle déteste, mais qui en est malgré tout venu à faire partie d’elle.

- Je ne peux pas vraiment t’offrir de partager ce que je ressens... tu lui tends le grimoire ...mais je peux au moins t’offrir ça. J’ai cru comprendre que tu arrivais à bout de ton carnet.

Un nouveau grimoire dans lequel elle pourrait continuer de consigner ses aventures. Un nouveau grimoire qui n’était pas vierge pour autant. Quand elle l’ouvrirait, elle y découvrirait des pages et des pages de dessins vous représentant tous les deux. D’abord au sein des ombres, puis à Naélis, puis au Zagazorn, puis enfin toi, seul, sans elle, en Anaëh. Et accompagnant ces dessins, des notes et schémas soigneusement calligraphiées, décrivant vos découvertes, les théories que vous en aviez tiré, ou parfois tout simplement, décrivant ce que toi tu savais, de par ton éducation, ou plus intimement. Une porte vers ton monde intérieur. Une porte vers ce que t’inspirait la Symphonie.

Son attention vogue ci et là, entre elfes et animaux, entre pierres et nature. Entre le monde et lui. Ils savourent de la douceur des chaleurs estivales, marche lentement et se retrouvent à profiter de la présence de l’autre. La daedhelle s’émerveille d'un rien et de tout à la fois. Ses découvertes ont une saveur particulière, bien loin des aventures trépidantes, elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus pourtant elle sait d’où cela vient. Ses doigts se resserrent de temps à autre sur la main d’Ithìliur. L'amabilité de ses sourires adressés aux curieux comme aux surpris s’est muée en douceur à l’approche du Jardin.

C’est là qu’il l’emmène, au cœur battant de la forêt immortelle. Il lui dévoile ce que son peuple à elle a toujours voulu atteindre. Et elle, elle reste coite, à la fois intimidée d’y être invitée et éxaltée. Son cœur bondit d’une excitation sans pareille. La noirelfe a un regard un peu perdu pour son compagnon, avant de poser à nouveau les yeux sur son écorce. L'Arbre. L’Estel.

- Mh ? Il ravit son attention en un instant. Me l’offrir ? Ses yeux se posent sur le grimoire qu’il lui tend, elle est surprise et s’en saisit doucement d’un geste peu assuré. Oh ! M-merci. Ses doigts courent sur la couverture de cuir, mettant bout à bout les pièces d’un puzzle la rappelant à une chaude nuit d’été. Non, pas chaude. Torride. Elle rougit au souvenir de cette sensation délicieuse qu'était la caresse de la pulpe de ses doigts parcourant le corps qu'elle a toujours peiné à dévoiler. Ithìliur... Souffle-t-elle en se fendant finalement d’un sourire sans oser le regarder.

Elle feuillette le grimoire comme elle le fait avec les livres qui lui tombent sous la main. Elle s’arrête très vite pour revenir au début et découvrir les estampes dessinées par son compagnon. Son pouls pourtant si lent et régulier d’ordinaire s’emballe, ses tempes souffrent d’une subite chaleur et son estomac témoignent d’un envol de papillons.

- C’est magnifique... Elle passe le bout de ses doigts avec délicatesse sur une page dessinée, incapable d’effacer le sourire béat qui lui barre le visage. Vraiment. Son regard grimpe jusqu’au visage d’Ithìliur et redescend aussitôt vers le grimoire entre ses mains. Je... Aucun mot ne me vient. La daedhelle referme le grimoire et le glisse avec toutes les précautions du monde dans son sac.

Sa main vient épouser la mâchoire de l’ombromancien, son pouce caresse doucement sa peau couverte de taches de rousseur. Ses yeux se perdent dans les siens, puis elle se dresse sur la pointe des pieds et vient déposer un baiser débordant de tendresse sur ses lèvres.

- Ça me touche beaucoup. Souffle-t-elle avant de l’embrasser à nouveau. Merci infiniment !

L’eldéenne passe ses bras dans le dos de son compagnon et le serre contre elle, déposant sa tête contre son torse. Elle reste là, dans ses bras, calme et immobile. Sereine et heureuse. Sa main caressant affectueusement le dos d’Ithìliur.

- J’ai passé mon temps à me battre avec la vie, à me convaincre qu’à défaut d’avoir de la chance, il fallait que je joue des coudes et… Et pourtant elle t’a mis sur ma route. Elle inspire profondément en sourit, le regard perdu dans le vague. Maintenant, je me sens chanceuse. Très chanceuse.

La daedhelle se décolle légèrement de son compagnon, juste assez pour lever les yeux vers lui. Le tendre sourire qui point sur son visage laisse présager de ses pensées.

- Je aimer tu.

- Je t’aime.

Une phrase simple. La seule phrase dans son langage dont tu sois certain de connaître la signification exacte. Ou du moins, dont tu es convaincu de connaître la signification exacte. Les Eldéens ont un concept bien étrange de l’amour. Quelque chose d’à la fois bien plus viscéral, et bien plus fébrile que la conception qu’en a ton peuple. « S’aimer » chez les Drows, c’est se promettre de faire face aux permanents dangers d’une civilisation meurtrière ensemble. C’est un pacte autant que des sentiments. Probablement te serais-tu posé la question de si T’sisra voyait les choses ainsi, si seulement tu en avais la moindre idée.

Tu poses une main contre sa joue, lui caresses la pommette du bout de ton pouce. Ton autre main vient chercher ses hanches, flirtant dangereusement avec le chemin vers son aine. Tu la regardes amoureusement, un brin de malice brillant dans tes yeux, trop heureux de la voir heureuse, et puis tu poses un baiser sur son front.

- Je confirme. Tu es très chanceuse.

Tu passes tes mains sous ses cuisses et la soulèves, tes yeux perdus dans les siens. Ton cœur bat fort, tes joues rougissent et ta gorge te brûle, mais la sensation est trop délicieuse pour ne pas en profiter. Tu te contentes de la regarder, en te délectant de ce qu’elle t’inspire, de l’effet qu’elle a à la fois sur ton corps et sur ton Souffle. Tu vis un court instant de félicité, un instant de félicité qui aura vite fait d’alléger les cœurs de vos voisins.

Liltalaïma, cette vile traîtresse. Trop heureuse de Chanter la vie, trop heureuse de Chanter l’existence, trop heureuse d’entremêler les affects des uns et des autres. Liltalaïma vous a mis à nu, car là est simplement sa nature. L’allégresse est pleine et entière, plus entière qu’elle ne l’aurait jamais été hors des frondaisons d’Anaëh, mais l’allégresse est partagée. Ce que tu vis, ceux parmi vos voisins dons l’Oreille est assez sensible aux Chants le vivent avec toi, et le bonheur que tu leur inspires, l’empathie qu’ils ont pour toi rejaillit sur toi. Ils ne font pas que vous voir, ils vous Voient.

Ton cœur manque un battement, juste avant que tes lèvres n’aillent chercher celles de ta compagne. Et tu te rends compte de ce qu’il se passe. Ton visage se fait écarlate, puis blêmit à vue d’oeil. Ton regard va chercher celui des elfes présents dans l’Harmalaica. Tu te demandes qui vous regarde, qui vous as vu, et qui vous a Vu. Et tu ressens l’envie de fuir. De fuir très loin d’ici.

Dans un discret râle d’effort, tu lances T’sisra vers le haut, et te retournes pour l’accueillir sur ton dos. Et puis à grands pas, tu t’élances vers le centre de l’Harmalaica, vers ce qui était votre destination de départ : le Palais.

- Donc Haradwen est censée travailler au palais tu disais ?

Trois petits mots. Trois petits mots capables fondre sur un cœur comme nuls autres ne le peuvent. Ses oreilles se dressent, son sourire s’élargit. L’allégresse s'est substituée au sang qui fait battre son cœur. Ces mots-là sonnent si bien, comme une douce musique que l’on a envie d’entendre à nouveau, encore et encore. La tendresse de son regard accueille la caresse chaleureuse de sa main. Dire qu’elle est heureuse est euphémisme. L’eldéenne exulte, rayonne, déborde.

La balade des mains de son compagnon éveille ses envies. Le désir d’être dans ses bras, de goûter ses lèvres et profiter de son parfum. Il la soulève et lui arrache une exclamation de surprise. Elle finit par rire en passant ses bras autour de son cou, il se perd dans le ciel de ses yeux, elle se noie dans les soleils. Elle sent son souffle sur ses lèvres et… Et le poids des regards s’immisce entre eux, s’insinue dans l’intimité de leur moment. Elle n’a pas besoin de suivre son regard pour comprendre ce qu’il cherche à observer dans son dos. Il a tôt fait de l’éloigner, alors qu’elle s’accroche à lui qui, désormais, la porte sur son dos. La daedhelle éclate de rire en resserrant son emprise, elle enfouit sa tête dans son cou pour y déposer un baiser.

- Oui. Je pense qu’elle doit y être, à scruter les environs et espérer notre arrivée, excitée comme une puce.

Ses bras s'entrecroisent sur le torse de son compagnon. Elle ne regarde pas le chemin qu’il prend, elle le contemple lui, lui qui garde le regard fixé sur sa destination. Un fin sourire s’empare de son visage.

- Aller ! Hue ! Lance-t-elle en donnant un léger coup de talon dans la cuisse de l’ombromancien. Cap sur le Palais !

Médusés, surpris, perplexes. Voilà le genre de regards qu’on leur accorde. D’une part parce que leur duo à tout de l’improbable et, d’autre part, car l’eldéenne a l’air de bien trop s’amuser ainsi perchée sur le dos du clerc.

L'elfe marche, souffle et supporte sa compagne. Elle l’encourage et désigne les contours de ce qu’elle imagine être le palais. La daedhelle s’agite, elle finit par descendre et enroule son bras autour de celui d’Ithìliur.

- Vraiment, je n’en reviens toujours pas. Murmure-t-elle en observant les alentours avec l'œil pétillant d’intérêt. C’est si beau, si... Paisible. Quand je pense que l...

- T’sisra !

La noirelfe s’arrête, tourne la tête vers sa droite et découvre la jeune diplomate dont la mâchoire manque de se décrocher. Celle-ci se met à trottiner vers le couple, laissant immédiatement l’elfe avec lequel elle échangeait de vives paroles encore une seconde auparavant dans un état de confusion notable. L’eldéenne et la taledhel tombent dans les bras l’une de l’autre dans des éclats rires piétinant allègrement les concepts de bienséance et de discrétion, si bien qu’on ne saurait dire laquelle des deux étaient la plus heureuse en ce moment même.

- Je te savais téméraire, mais je n’aurais pas imaginé te voir ici de si tôt ! S’exclame Haradwen en commençant à secouer T’sisra par les épaules. Tu aurais pu me prévenir avant de venir ! Il faudra que je te présente ma famille, il ont toujours du mal à croire que j'aurais pourri dans cette ville infâme si tu n'avais pas été là !

- Tout s’est fait si vite que…

- Et voilà le fameux Ithìliur ! Elle prend le temps de l'observer de pied en cap avant de revenir à son amie en dressant un index, un sourire taquin sur le visage. Et bien ! Tu t’es pas choisi le pire des morceaux, vilaine va ! Ça fera des jalouses !

- Euh... L’eldéenne se racle la gorge. Il parle l’oliyan, tu sais ?

- Comment ? Oh. Ses yeux s'écarquillent. Oh ! Un silence gênant s’installe, la jeune taledhel garde les yeux rivés sur sa comparse le temps de digérer l’information. Elle porte son poing devant ses lèvres puis lève les yeux vers l’ombromancien. Enchantée, je suis Haradwen. J’ai… Beaucoup entendu parler de toi. Un fin sourire de façade s’installe sur son visage, camouflant tant bien que mal la gêne qui tente de s’en emparer. C’est un plaisir de pouvoir enfin te rencontrer !

Même sans les descriptions faites par T’sisra, il n’aurait pas été bien difficile d’identifier Haradwen. Tu doutes fort qu’il y ait un seul autre elfe dans tout Anaëh qui réagirait de cette manière à la présence de l’Eldéenne. Mais les voir ainsi réunies avait quelque chose d’attendrissant. D’un seul coup, te voilà moins seul à avoir de l’affection pour la Drow.

- C’est un plaisir réciproque !

Tes mains se rejoignent dans ton dos, et à la gêne apparente de la Taledhelle, tu opposes un peu de la tienne. Tes yeux dardent rapidement vers T’sisra, tes sourcils relevés haut et tes lèvres pincées. Puis tu piétines quelques instants, le temps de digérer l’inattendu – mais agréable – compliment. Tu ne manquerais probablement pas de jubiler lorsque tu te retrouverais seul avec T’sisra, mais pour l’instant…

- J’ai pas mal entendu parler de toi aussi. tu lances relativement timidement avant de froncer les sourcils, et de reprendre avec un aplomb soudain Mais d’ailleurs…

Tu regardes la daedhelle du coin des yeux, et tes lèvres s’ourlent en un sourire coupable. Tu ris intérieurement, et peines d’autant plus à te retenir que tu sais qu’elle connaît ce regard. Tu sais qu’elle sait surtout qu’il n’advient jamais rien de bon lorsque tu la regardes de cette manière. Ou du moins, pas pour elle, et pas dans l’immédiat. Tu « créées des histoires à raconter à vos futurs enfants », elle était là ton excuse habituelle. Une très mauvaise excuse quand tu sais qu’elle sait que tu es terrifié à l’idée de potentiellement donner naissance à un hybride, et de simultanément devoir l’arracher à ses racines.

- J’ai quelque chose à te proposer. tu parles lentement et distinctement, volontairement Tu me dis ce que T’sisra t’a raconté de moi, je te dis ce qu’elle m’a raconté de toi, et ensuite on colmate les fuites, histoire d’apprendre à mieux se connaître. tu jettes un nouveau coup d’oeil vers ta compagne, et là ta diction s’accélère drastiquement Mais ça on le fera dans une langue qu’elle comprend. En attendant je voulais juste te demander si tu sais s’il reste une habitation disponible quelque part pour qu’on s’y installe tranquillement plutôt que d’avoir à partager une chambre à l’Académie avec des oreilles indiscrètes autour de nous si tu vois ce que je veux dire mais s’il y en a une essaie de ne pas trop être évidente dans ta manière de me l’expliquer j’aimerais lui faire la surprise en l’y emmenant si possible.

Tu souffles, impressionné que ta langue n’ait pas fourché. Et tu te retiens de rire, les yeux pétillant d’une complicité nouvelle avec une elfe qui grâce aux histoires de celle que tu aimes, tu découvrais comme si elle était déjà une vieille amie.

Haradwen passe machinalement ses doigts dans ses cheveux en prêtant une attention toute particulière aux paroles de l’ombromancien, tandis que son amie à la peau cendrée, qui n’a pu que capter le regard de son compagnon, fronce les sourcils et tend l’oreille du mieux qu’elle peut pour comprendre ce qui se dit.

- Eh... Je suis juste là. Proteste la noirelfe en agitant la main tout en faisant les gros yeux à l’une comme à l’autre. Vous n’allez pas me faire ce coup-là quand même !

- Oooh... Mais détends-toi un peu ! Rétorque la diplomate en lui tapotant l’épaule dans un sourire taquin. On veut juste...

- Tu vois ce regard-là, elle désigne Ithìlliur d’un geste du pouce, c’est qu’il a une idée derrière la tête.

- C’est... Vrai. Alors, elle tourne la tête vers le clerc et se fend d’un sourire, elle ne m’a ne pas dit grand-chose sur toi quand on s’est croisées à Naélis.

T’sisra lève les yeux au ciel et pousse un soupir. Tout ça pour ça. Elle donne un léger coup de poing dans l’épaule de son compagnon, une moue tiraillée entre l’amusement et l’agacement sur le visage.

- Seulement les banalités d’usages. Comment vous vous êtes rencontrés, où vous vous êtes rencontrés… Ton prénom, qui a fini par lui échapper parce qu’elle ne voulait pas me le dire au début ! Elle avait trop peur que je t’attire des ennuis. La diplomate hausse exagérément les épaules en pinçant les lèvres avant de se mettre à compter sur ses doigts. Et puis, que tu es un mage très doué, que tu es très intelligent, courageux, affectueux, tendre, taquin… Que tu es très séduisant, bien bât…

L’eldéenne plaque brusquement sa main sur la bouche d’Haradwen qui continue de déclamer des paroles étouffées et incompréhensibles sans s’arrêter de compter sur ses doigts. T’sisra, tout d’abord surprise, n’avait pas réagi, restée coite, la mâchoire pendante face à la situation. Désormais plus rouge qu’une cerise bien mûre, elle passerait presque pour une elfe plus qu’une drow.

- Eho ! OohoOohoOoho ! S’écrie-t-elle pour couvrir le son de la voix de son amie devenue traitresse. Mais ça va pas non ?! Tels les crochets d’un serpent, son regard vient se planter dans celui d’Ithìliur. Arrêtez vos bêtises tout de suite !

Alors que Non se joint à la cacophonie, la jeune elfe éclate de rire, repousse la main grisâtre qui chercher à la museler et saisit les joues de la noirelfe entre pouces et index comme s’il s’agissait d’une gamine.

- Elle est trop mignonne quand elle est gênée !

T’sisra ne proteste plus, elle se contente d’observer ses bourreaux s’amuser à la torturer avec le regard de celle qui a abandonné.

- ‘u me ‘ais mal…

- Oh ! Pardonne-moi !

Relâchant les joues de daedhelle, l’elfe finit par croiser le regard du clerc et se retrouve emportée par un fou rire. Une hilarité incontrôlable, elle se plie en deux et en pleure, peine à reprendre son souffle et, finalement, T’sisra finit par sourire et l’accompagner dans son rire.

- Ah ! Ça fait bien longtemps que je n’avais pas autant ri ! S’exclame-t-elle en essuyant une larme entre deux profondes inspirations, avant de s'adresser à Ithìliur dans un elfique aussi fluide que rapide. Du reste, laisse-moi vérifier. Elle dépose au sol le sac qu’elle porte sur l’épaule et commence à en sortir moult rouleaux qu’elle met dans les mains de T’sisra. Tiens, tu peux regarder si tu trouves un vélin marqué d'un sceau triangulaire dans tout ce fatras ?

- Je... Oui ? La noirelfe s’accroupit en s’exécutant sans attendre. D’accord...

- Ah, le voilà lui… Susurre la diplomate en tirant un ouvrage bien épais qu’elle ouvre en se redressant avant d’approcher le mage pour qu’il puisse lire aussi. Il va falloir que je prévienne mon camarade sans tarder mais… Mh… Elle tourne rapidement les pages. J'ai déjà une idée mais on va faire semblant. Non… Non… Pas ça. Impossible. Pareil. Ça peut-être mais… Non, non. Elle coule un regard entendu au mage. Il y a un boulanger et une alchimiste qui ont finalement décidé de partir pour Holimion au dernier moment. Elle s’arrête une seconde, plisse le front et reprend comme si de rien n’était. Le poulailler… Où tu dois souvent aller n’est pas très loin et c'est à quelques ruelles des… Barboteurs invétérés de l’Elorëa. Il y a une placette appelée « Le Courtil d’Istion », c’est plein de tyelcëon, tu prends la direction du tailleur et remonte la rue tout au fond, c’est le dernier nid. Ça sera parfait pour roucouler. Conclut Haradwen en glissant un jeu de clef dans la poche de l’ombromancien en prenant soin de bien de le lui faire sentir. Pour la sécurité. Au vu des activités respectives de ceux qui devaient... Enfin, je ne vais pas te faire un dessin. Je me débrouillerai avec ma hiérarchie.

- Eh... Qu'est-ce que c'est que ces messes basses encore ? Demande la noirelfe en se redressant, les bras remplis de rouleaux.

- Qu’est-ce qu’elle est possessive... Raille l'elfe dans un rire étouffé. Je ne peux même pas lui parler !

T’sisra fourre les parchemins dans les bras de la diplomate et pointe un index accusateur qui va de son visage à celui de son compagnon.

- Vous êtes intenables ! Et je n’ai pas trouvé ton vélin.

- J’ai dû l’oublier au Palais. L’elfe se frotte le cuir chevelu en affichant une moue faussement embêtée avant de remettre les documents et le livre dans son sac. Je dois y retourner sinon je vais me faire taper sur les doigts !

- Ah... Écoute, Haradwen, on voulait te demander si tu pouvais faire quelque chose pour nous. On cherche… Un toit et...

- Ah ! Oui. Bien sûr ! Elle semble hésiter l’espace d’un instant. Je vais aller voir au palais. On se voit bientôt dans ce cas ?

La diplomate s’éloigne à reculons en saluant le couple, se retourne et commence à trottiner.

- Bon… T’sisra lève les bras et les laisse mollement retomber, visiblement déçue. Je pensais qu'elle aurait pu faire quelque chose mais... J'imagine qu’on n'aura pas d’autre choix pour ce soir.

L’eldéenne approche d’Ithìliur, se glisse sous son bras, passe une main dans son dos et commence à marcher. Ils font quelques pas, elle se contente de l’entraîner sans savoir où elle va.

- Qu'y a-il d’autre à voir dans Alëandir ? Et dis voir, qu'est-ce qu'elle te montrait ?

- Elle me demandais ce que je t’avais déjà fait visiter. tu mens avec le plus grand des naturels Et elle me faisait remarquer qu’on n’est pas bien loin de la plage, et que je devrais probablement t’en faire un peu profiter avant la tombée de la nuit !

Tu t’effraies toi même. Tu y croirais presque. Mais qui es-tu donc ? Un Taledhel, voilà ce que tu es. T’sisra est née dans une société qui force ses membres à être capables de s’accommoder de la violence, tu as été éduqué dans une société qui force ses membres à être capables d’autosuppression au point de presque parfaitement feindre l’impassibilité. Tu te rappelles avoir beaucoup craché sur cet aspect de ton petit monde étant petit, mais voilà qu’aujourd’hui, la chose t’était bien utile.

Quelle différence aurait-elle pu noter de toute façon, quand le simple fait de te retrouver ici avec elle faisait ton coeur battre la chamade ? Le bras ourlé autour de ses épaules, tu avançais avec entrain, lui décrivant ci et là les origines de telle ou telle bâtisse, les souvenirs que tu avais de telle ou telle rue, ou la réputation de tel ou telle artisan, quand vous dépassiez leurs ateliers. Tu trottinais avec entrain, ayant discrètement repris les rênes de vos pérégrinations.

- Ah ! tu pointes du doigt un nouvel atelier d’un air victorieux Il faut absolument qu’on passe par ici!

Tu pousses délicatement T’sisra, la forçant à passer les portes de chez le tailleur. Situation presque inverse de celle que vous aviez vécu à Naélis. Ici c’était plutôt toi qui était à l’aise avec la topographie des lieux, avec les coutumes des artisans, mais surtout, avec le style de la maison.

- Vous auriez des sous-collants à nos tailles ?

Une elfe au regard jovial mais engourdi pose les yeux sur l’étrange couple que vous étiez, sans plus de réaction que cela. Elle était bien la seule. Au sein du bâtiment, les regards étaient tous braqués sur vous, et les murmures allaient bon train. La journée commençait à être avancée et cela se voyait. La rumeur s’était assez étendue pour que la peur commence à se transformer en un mélange de curiosité et de dégoût. Ce que vous continueriez probablement longtemps de leur inspirer, avant qu’éventuellement, la présence de cette Daedhelle en particulier ne devienne une normalité.

- Tenez.

La tenancière te tend les vêtements et s’en va sans demander son reste. Plus observatrice qu’elle n’en a l’air – et parce qu’heureusement pour vous, ni T’sisra ni toi n’étiez si loin de la norme – elle avait vite fait de trouver chaussure à votre pied, ou du moins ce qu’elle considérait comme chaussure à votre pied. Maillot noir pour T’sisra qu’elle avait perçu comme tenant à sa discrétion. Maillot bleu pour toi, certainement dans l’idée que la couleur se marierait bien avec celle de tes cheveux.

- Viens, tu tires ta compagne dans une cabine Allons nous changer.

Tu te débarrasses de tes chaussures, de ton pantalon et de ta tunique en quatrième vitesse pour enfiler le sous-vêtement de tissu élastique, dont tu jauges maintenant rapidement l’ajustement.

- On les doit à une lubie du Roi et d’une tisserande de la capitale. tu passes rapidement ton doigt sous la ceinture du maillot pour vérifier qu’elle compte bien rester à tes hanches J’étais sceptique au début mais au bout du compte c’est plus confortable que des braies de coton ou de lin. Surtout pour se baigner!

Elle l’a probablement vue sur le chemin de l’atelier du tailleur. L’Elorëa n’est pas bien loin.

Se baigner. Voilà donc l'une des superbes idées dont ils avaient discuté entre eux. L’eldéenne n’est guère enchantée par cette perspective, mais, pour le moment, elle le cache bien. Elle se rassure en se disant que, de toute façon, rien ne l’obligera à aller dans l’eau et qu’elle pourra tout aussi bien rester sur la berge et habillée.

T’sisra affiche une moue dubitative en tirant sur les rebords du maillot, puis se retourne vers un Ithìliur d’ores et déjà paré pour la baignade. Elle le regarde des pieds à la tête et dépose un index contre son torse, un index qui trace sa route entre ses pectoraux, descend jusque sur ses abdominaux.

- Ça te va bien dis-moi. Son regard de braise s’accroche à celui de son compagnon, puis sans crier gare, elle lui agite la partie haute de son maillot sous le nez. Par contre, ça, ça va pas être possible. Comment tu veux que je… Non mais sérieusement. Elle tire sur le bonnet pour démontrer l’évidence. Je vais déborder. De quoi je vais avoir l'air ?

La daedhelle pose le vêtement sur l’épaule de son compagnon, pour lui montrer la seconde pièce.

- Je ne suis pas plus convaincue par ça non plus. Déjà, c'est… Vraiment très léger. Et qu’on puisse tirer dessus comme on veut ou pas, je te garantis que ce n'est pas à ma taille. Elle gonfle les joues, pousse un soupir et piétine, son regard se fait fuyant, son expression ennuyée. Bon, il faut que je retourne voir la tailleuse.

La daedhelle dépose la pièce du maillot sur l’autre épaule de l’ombromancien et commence à défaire les sangles de sa tunique de cuir. Son regard croise celui de l’elfe, elle dresse l’index en se parant d'un air amusé.

- Efface-moi ce début de sourire là ! Ce n'est pas moi qui suis grosse, c’est simplement que je suis perdue au milieu du royaume des planches à pain. Ses sourcils s’arquent dans un air de défi. D'accord ? Donc... Hein ? Mince alors. T’sisra défait les attaches de sa cape, se libère de sa tunique et commence à déboutonner sa chemise de lin. Regarde le mur. Souffle-t-elle en lui tournant le dos avant de tomber la chemise. Je pense savoir ce que je veux. Et je devrais arriver à le lui faire comprendre.

L’eldéenne se défait des bandes de tissu lui compressant la poitrine dans un soupir de soulagement, puis elle enfile à nouveau sa chemise. Elle s’empare du maillot, entrouvre la porte de la cabine et vérifie que la voie est libre avant de jeter un dernier regard à Ithìliur.

- Je fais vite !

« Vite ». Sans doute une question de concept ou de point de vue. Parce que les minutes ont tôt fait de s’étirer au point que la définition de « faire vite » mérite réellement d’être revue et repensée. Pourtant, au bout de ce qui semble davantage être un long moment, les bruit de pas le noirelfe résonnent à nouveau aux portes de la cabine. Elle entrebâille la porte avant de se glisser à l’intérieur en gardant son nouveau modèle de maillot dans son dos à l'abri de son regard.

- Désolée ! Ça a pris un peu plus de temps que prévu, la pauvre a dû se mettre au travail. Mais… Elle a finit par faire quelque chose de beaucoup plus adapté ! Tourne-toi. Ça te fera la surprise. Et t’as pas intérêt à rigoler, je te préviens. Sinon je te tape.

Elle se défait de ses habits avec une certaine excitation, le genre qu’elle n’avait que rarement. La vérité ne réside pas tant dans son nouveau maillot que dans l’idée de vraiment pouvoir se détendre à la plage. Et peut-être même d’oser se baigner ?

- On dirait une seconde peau, c’est dingue. Regarde.

T’sisra prend la pose malgré elle, les mains sur les hanches. Elle est pendue aux lèvres de son compagnon, les joues légèrement empourprées. Lorsqu’il pose ses yeux sur sa peau, elle tourne elle-même. L’eldéenne a fait un drôle de choix. Le haut est une brassière dont les bretelles remontent jusqu'à son cou et rejoignent le reste du tissu dans un « Y » entre ses omoplates. Quant à la pièce du bas, c’est un modèle pour homme raccourci jusqu’à l’aine et dont la coupe épouse sa taille comme ses hanches.

- Alors ? Qu’est-ce que tu en dis ?

- Fais attention à ce que tu dis quand même ! tu rétorques faussement offensé par la remarque C’est de la silhouette de mes congénères que tu parles là !

Les yeux fixant le mur, tu te retiens de rire. C’est vrai qu’elles étaient peu, très très peu, les Elfes dont les courbes rivalisaient avec celles de T’sisra. Qu’elle ait du mal à se vêtir chez vous n’était pas étonnant. Mais pour des sous-collants, vu les propriétés de la matière, tu aurais espéré qu’en les prenant une ou deux tailles au-dessus… mais c’était râté. Au moins tu pouvais te rassurer en te disant que les tailleurs Lëandrins travaillaient vite. Lui raccommoder quelque chose s’il le fallait se ferait en deux temps trois mouvements. Deux temps trois mouvements qui n’en restaient pas moins loin d’être instantanés.

- Oui, « vite », bien sûr.

« Vite », en comparaison aux durées incertaines que vous aviez passé à attendre sans signe du temps qui passe dans le monde des Ombres peut-être. Au moins t’y étais-tu attendu, et grâce à cela l’attente avait paru moins longue. Et puis… tu savais ne pas attendre pour rien. Toujours face au mur, tu souriais déjà à t’en épuiser les zygomatiques rien qu’à entendre ses pas se rapprocher de la porte, et le rire te fut finalement arraché à peine ses premiers mots prononcés.

- Si tu ne veux pas que je rigoles, ne me dis pas de ne pas rigoler, tu sais très bien que je ne pourrai pas m’en empêcher ! À moins que tu aies juste envie de me...

À sa demande tu te retournes, tes pupilles glissent de haut en bas, détaillant avec peut-être un peu trop d’entrain chaque courbe de sa silhouette, et tu rougis. Tu rougis encore plus lorsqu’elle aussi se met à rougir, et puis tu te perds à l’admirer, tu t’oublies un instant, et finalement, tu ne reviens à la réalité que pour te remémorer une question qu’elle t’a posé il y a quelque secondes déjà.

- Que...que... tu ramènes à toi une main s’étant dangereusement approchée du sein de la daedhelle Que j’ai vraiment beaucoup de chance !

Tu t’empares de la pile de vêtements laissée derrière vous, et la tenant maladroitement d’un bras contre ton torse, tu attrapes la main de ta dulcinée de l’autre, et t’élances avec elle en direction du fleuve. Tu cours malhabilement, voyant à peine devant toi, et riant plus que tu ne respires, mais sur l’instant tu n’en as pas grand-chose à faire. Tu veux juste aller à l’eau.
Dans ton empressement tu as tout de même la présence d’esprit de ne pas t’être élancé vers la part de plage où se rassemble le plus de monde. Au lieu de cela tu as couru un peu plus en aval, jusqu’à ce que les pierres du Teluïme se transforment en glaise, et que La Rêveuse se fasse encore un peu plus sauvage. Trop heureux de profiter de ce petit coin de paradis, tu lâches vos vêtements sans plus de facéties, et tu tires T’sisra jusqu’à l’eau.

Ici le dénivelé plongeant vers le centre du fleuve est fort. Quelque pas et les pieds ne touchent plus le fond. Quelques brasses et l’on était au-dessus de plusieurs mètres d’eau. Quand donc tes orteils ne touchent plus le sable, tu lâches enfin ta prisonnières, et pédales quelques mètres plus loin, l’invitant du regard à te suivre, avant de finalement lui confier.

- Tu es magnifique, T’sis.

L’eldéenne bat des cils et sourit bêtement, les joues et le nez rougit par les sensations qui s’emparent de son esprit. Le compliment lui va droit au cœur. Elle est à la fois soulagée et étrangement un peu plus confiante. Elle se détend, fait un pas vers lui mais… Lui, se saisit de sa main et s’empare de leur vêtements. La noirelfe penche la tête sur le côté, réalise ce qui est en train de se passer et attrape les affaires qu’il n’a pas pu prendre. Et avant même qu’elle ne puisse protester, elle est déjà en train d’essayer de garder l’équilibre sous les regards médusé des passants dans la rue. Voir une enfant de l'Elda en Anëh est une chose, mais la croiser toute prête pour la baignade à de quoi désarçonner.

Non court à leur côté, la langue pendante, il a presque l’air de sourire tant il semble apprécier la chose. Il aboie de temps à autre entre deux foulées, distance puis revient, zigzague entre leurs jambes. Lui s’amuse, quand la noirelfe se courbe et se tord, essayant tant bien que mal d’éviter les regards, entrainée dans la course effrénée de l’ombromancien.

Heureusement, son salut arrive bien assez vite, là où il l’emmène, il n’y a que peu de monde, quasiment personne à vrai dire. Il court encore, elle suit, jette un regard derrière elle et manque de trébucher sur le tas de vêtement qu’il a simplement laissé là sur son chemin. Elle jette ses affaires à côté et se laisse tirer jusque dans l’eau dans un éclat de rire.
L’eldéenne le rejoint en quelques brassées, elle passe ses bras autour de son cou tout en battant des doucement des jambes pour rester à flot.

- Merci. Finit-elle par dire en s’appuyant un peu plus sur lui. Mais pour le moment… Je suis en plein dilemme. Est-ce que je t’embrasse ? Ou est-ce que je te noie dans ce fleuve pour m’avoir fait traverser le quartier à moitié dénudée ?

Sa moue taquine laisse place à un silence qui ne dure pas. Ses lèvres partent à la rencontre des siennes. T’sisra se laisse emporter, libérée du torrent d’émotion que fut sa journée. Elle l’embrasse à en perdre le sens du temps qui passe. Et puis finalement, elle rouvre les yeux et lui sourit.

- Peut-être que je peux faire les deux ? Demande-t-elle en arquant un sourcil avant de s’extirper à demi de l'eau, en s'appuyant brusquement de tout son poids sur les épaules d'Ithìliur pour lui enfoncer la tête sous l’eau dans un éclat de rire.

Elle sent sa poigne se raffermir sur ses bras et à mesure qu’elle s’appuie sur lui, la daedhelle se retrouve sous la surface à son tour. Elle arrête de rire à temps pour ne pas boire la tasse, pas assez pour cracher le peu d’air qu’elle avait dans les poumons. Ils refont surface, les doigts de la noirelfe viennent dégager les mèches de cheveux barrant le visage de son compagnon, elle lui sourit et l’enlace à nouveau, se colle contre lui et serre ses cuisses autour de sa taille.

- Bon... Je te noierai une autre fois. Fait la drow avec un air faussement résigné. Mais sérieusement, j'ai toujours un peu peur de dévoiler mes cicatrices, aujourd’hui plus encore. Alors... Prenons le temps de... Enfin, allons-y étape par étape. Tu veux bien ?

Tu inspires un grand coup, puis vides tes poumons. Tu arrêtes de lutter. Tu te laisses couler, et tu la saisis par le poignet. Elle ne s’en tirerait pas à si bon compte ! Vos regards se croisent sous la surface, et vos sourires malicieux se répondent l’un à l’autre. L’instant est court, mais te semble éternel. Tu t’en souviendrais probablement pour le reste de ton éternité.

Sa silhouette se détachant du bleu scintillant de la surface percée par les rayons du soleil en fin de course. Le clapotis de l’eau, léchant la berge proche. Le bruissements des galets, charriés par le courant. Les lueurs dans l’eau sombre que sont les bulles soufflées au cours du plongeon. Les reflets argentés de minuscules poissons se frayant un chemin entre vous deux. Puis un battement de cils, et vous étiez à nouveau à l’air. Les poumons pleins et la parole libre.

- Je ! tu lances avec véhémence Je ? tu ajoutes, plus timidement Je... tu essaies de terminer, confus

 « Je ne vois pas où est le souci avec tes cicatrices »

C’est ce que tu aurais dit, si tu t’étais laissé aller jusqu’au bout. Ces cicatrices, tu ne comprends toujours pas réellement ce qu’elles veulent dire à ses yeux. En une éternité passée ensembles, elle a toujours été laconique à leur sujet. Mais comment aurait-il pu en être autrement. Elle-même ne les avait jamais réellement vues. Tout au plus les avait-elle touchées. Peut-être quelqu’un les lui avait-elles décrites. Mais elle ne les a jamais vues. Ancrées dans sa peau là où ses yeux ne peuvent se poser…
Te faire apposer une marque dont tu ne saurait pas l’apparence, tu n’as aucune idée de comment tu le vivrais, ni d’à quel point tu serais capable de l’accepter. Te faire apposer une marque par quelqu’un dont tu possèdes le sang, mais que tu ne possèdes pas dans ton cœur, tu n’as pas non plus idée de l’effet que cela te ferait. Il t’est difficile de te mettre à sa place. Tu sais qu’elle en a souffert, voilà tout. Tu sais qu’il y a là des pensées difficiles, voilà tout. Mais T’sisra était tellement forte. Elle avait brisé tant de barrières. Elle avait bravé tant de ses peurs. Alors pourquoi celle-ci ? D’entre toutes les choses qu’elle tenait à cacher, pourquoi son corps ? Pourquoi être prise d’inquiétude pour si peu quand elle était si courageuse face à bien pire ? Que signifiait cette marque pour elle, exactement ? Tu ne le lui avait jamais demandé. Ou du moins, elle n’a jamais eu l’occasion de te répondre.

- Pourquoi ?

Son sourire joyeux se fait la proie d’une pointe de tristesse prédatrice à peine visible, elle détourne aussitôt les yeux. Son regard vogue au gré des remous de l'Elorëa. Son silence s’étire, elle semble un peu perdue et, en fin de compte, il se conclut par un haussement d’épaule.

- Je n’en sais rien. C’est... J’étais jeune quand on m’a fait ça. Trop jeune, quand il m’a mise entre les mains de ce graveur de peau. Et même après une éternité loin de ce monde, je m’en souviens comme si c’était hier. De l'odeur de mon sang, du goût de mes larmes, des lames qui creusent dans ma chair... La daedhelle se pince lèvres et inspire longuement après avoir frissonné. Quand je me suis débattue, mon... Géniteur... m’a cloué la main à la table. Je me souviens de la détermination qu’il avait dans son regard… Et lorsque tout ça s'est enfin terminé, je revois encore son sourire si... Fier, il avait la pupille qui brillait d’une... D’une sorte de lueur d’espoir ? Elle se racle la gorge et lève les yeux vers le ciel orangé. Ça m’a terrifié. Ça m’a terrifié parce que ça, c’était la preuve de son amour. Et depuis j’ai toujours eu le sentiment d'avoir laissé quelque chose sur cette table, que... Que quelque chose s’est brisé en moi ce jour-là. J’avais la haine, j’étais enragée. Je l’ai détesté. Je voulais le faire payer, j'avais terriblement soif de vengeance, alors que j'étais si jeune...

La noirelfe secoue doucement la tête, ses yeux, quelque peu rougis par des émotions contre lesquelles elle lutte en son for intérieur, se posent sur Ithìliur. Et puis, contre toute attente, ils se font rieurs en même temps qu'un sourire s'étire sur son visage.

- C’est là que j’ai décidé de tirer un trait sur cette société malade. Sur lui, ces traditions de dégénérés, ces foutus dieux… Mais… En définitive, c’est son sang qui coule dans mes veines. Et c’est tout ce qu'il me reste de lui... Et c’est aussi ce qui a fait de moi qui je suis. La deadhelle fait claquer sa langue contre son palais. Alors, je ne sais pas... J’en ai à la fois honte, mais j’y tiens aussi. Même si je sais pertinemment que c’est plutôt inquiétant, de prime abord, pour quiconque pose les yeux dessus parce que... Eh bien, c'est une ode à la guerre, un tribu à la gloire d'Uriz. Elle marque un arrêt et se fend d’un sourire. C’est paradoxal, je sais !

La noirelfe vient poser son menton sur l’épaule de son compagnon. Ses bras se resserrent autour de lui. Elle ne dit plus rien, son regard se perd dans le flou de pensées confuses. Les secondes s’égrènent presque trop lentement tandis que sa main glisse dans un mouvement régulier le long du dos de l’ombromancien.

- En somme, je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne comprendrai jamais comment on peut faire ça à un enfant. Ça me fait encore mal. Ça m’a complètement détruite à l'époque. Et en même temps, je me suis construite autour de ça. Morceau par morceau. J'étais peut-être un champ de ruines, mais c'était mon champ de ruines, à moi. Elle prend une profonde inspiration et pousse un soupir déformé par un sanglot ravalé. Il est peut-être temps que je m'en affranchisse, je ne sais pas. Parce que jusque-là j'ai toujours préféré les garder pour moi.

T’sisra recule légèrement pour faire face à l’elfe de nouveau. Elle a un petit sourire en coin.

- Et toi. Dans un gloussement, elle donne une tape de l’index sur le bout du nez d'Ithìliur.

- Ça te paraîtra probablement stupide dit comme ça, mais tu sais… de tous les gens qui t’entourent, à part toi, personne n’en a rien à faire de tes cicatrices.

Les mots sont maladroits, blessants même, mais dits avec une incroyable douceur. Te penchant légèrement vers l’arrière, cherchant à te laisser un peu plus porter par l’eau, tu te permets de lui caresser tendrement le dos, sans grand égard pour toutes ces formes qui n’étaient finalement qu’une simple partie de quelqu’un que tu aimes plus que tout au monde.

- Ce que je veux dire par là, c’est qu’à nos yeux, elles ne voudront jamais dire que ce que tu veux qu’elles disent. Quelle que soit leur véritable histoire. tu pagaies doucement de ta main libre, glissant avec ton aimée à travers les flots Je comprends qu’elles puissent t’être douloureuses. Et en réalité, que tu n’arrives jamais à totalement passer outre la douleur, je le comprendrais. tu souris vers le ciel Mais tu n’as pas à en avoir honte. Tu devrais même plutôt en être fière ! Vois-les comme un testament du chemin parcouru.

Vivre en conflit avec ses conditions de naissance. Vivre en conflit avec le souvenir de la personne que l’on était censée devenir, celui que l’on était censé être, et ce que l’on était censé infliger au monde… c’est quelque chose que tu ne comprends finalement que trop bien. Seulement contrairement à T’sisra, toi, tu n’en portes pas les marques. Tu n’en portes pas les marques, et tu as eu la chance que ton histoire ait une fin plus heureuse.

- Je te l’ai peut-être déjà dit… je te raconte tellement de choses que je ne sais même plus si je te l’ai déjà dit, mais au pire je te le redirai. tu ris Je n’ai jamais été « un enfant ». J’étais une arme. Une descendance que ma mère voulait simplement assez puissante pour détruire son frère. tu baisses les yeux C’est dans ces conditions qu’on m’a enseigné la magie. et tes paupières finissent par se fermer, alors que tu t’immobilises J’ai appris à former un sortilège avant même de savoir correctement former une phrase. Que j’apprenne à parler n’était pas important. Aux yeux de celle qui m’a mis au monde, qui j’étais n’était pas important, tout ce qui comptait, c’est ce que j’étais. tu souris, et souffles longuement Et je ne l’ai compris que plus tard, mais déjà tout petit, je détestais cette sensation. Celle de ne pas exister en tant que personne… mais j’aimais ma mère. J’aimais ma mère, et aussi horrible qu’elle ait pu être, j’aimais passer du temps avec elle. Alors j’ai décidé d’être heureux du peu qu’elle avait à m’offrir. tu glousses Alors je te le dis tout de suite, se forcer à être heureux ça ne marche pas, j’étais toujours misérable, mais au moins mon père a trouvé là quelque chose à quoi se raccrocher pour m’empêcher de sombrer. Et avec le temps, ma mère s’est rendue compte qu’elle était capable de recevoir de l’amour… et même d’en donner.

Tes paumes se posent sur les joues de la Drow, et tu guides son visage face au tien pour poser une bise sur ses lèvres.

- Pas que je pense qu’il faille que tu essaies de regagner l’amour de ta famille par le pouvoir de l’auto-acceptation ou quelque chose du genre, mais tu as des gens qui t’aiment autour de toi aujourd’hui, alors tu n’as pas de raison de te fuir. tu poses une bise sur sa joue Je crois que je me suis perdu tout seul, on va dire que c’est la Lorëas qui me remonte à la tête. tu ris Enfin, tout ça pour dire que je t’aime Elenmorë*, alors pas besoin de te cacher.

*Elenmorë = Sombre Etoile

L’eldéenne écoute sans rien dire, elle s'accroche au cou d’Ithìliur qui se laisse emporter dans l’Elorëa. La tristesse installée au fond de ses pupilles est bien vite chassée par ce qu’elle entend. Car déjà, une moue hésitante s’est emparée de ses traits, une moue bataillant avec une pointe d’amusement faisant tout pour relever les commissures des lèvres de la drow. Elle le reconnait bien là, cette manière de faire et de présenter les choses, il n’y a que lui sur cette terre pour arriver à telle catastrophe. Mais c’est le genre de catastrophe pleine de tendresse qu’elle apprécie beaucoup. Alors, elle aussi à son tour, elle glousse.

- Moi aussi je t’aime. Elle lui rend son baiser avant de lui sourire. Je ne sais pas ce que veut dire Elenmorë, mais je trouve ça très joli !

T’sisra resserre sa prise autour de son cou et dépose un baiser sur sa joue. Elle ferme les yeux et s’abandonne à ce moment si précieux. Elle veut ne jamais l’oublier, elle repense aux paroles qu’elle a prononcé, à celles qui ont franchi ses lèvres à lui, à la caresse de l’eau et des rayons du soleil, à la chaleur de sa peau et la douceur de ses gestes.
Au bout de quelques instants, elle le libère de son étreinte, s’écarte un petit peu et prend une grande inspiration. La tête de la daedhelle disparait sous les eaux, elle s’enfonce jusque dans les profondeurs du fleuve, là où la lumière peine à percer les ombres, où la température de l’eau se fait plus froide. Elle nage jusqu’à atteindre le fond, jusqu’à ce que ses doigts palpent enfin le lit de la rivière.

L’eldéenne refait surface et emplit enfin ses poumons, tout en brandissant sa trouvaille dans un large sourire. Ses yeux se posent sur un galet aux reflets irisés tenu au creux de ses doigts. Elle opine du chef, visiblement très satisfaite de son nouveau trésor.

- Bonne pioche ! S’exclame-t-elle en faisant tourner le galet entre ses doigts. Je suis b... Aouh !

Une balle de cuir vient de lui atterrir mollement sur le sommet du crâne. T’sisra tourne la tête vers la berge et découvre les visages aux yeux ronds de trois jeunes enfants, ainsi que Non à leurs pieds. Si les premiers semblent ne plus savoir ni que faire ni dire, Non, quant à lui, se met à aboyer d'un air agacé. Il veut récupérer la balle, ça fait aucun doute. L’eldéenne éclate d’un rire sincère face à la scène, elle glisse sur l’eau jusqu’à la fameuse balle avant que le courant ne l’emporte trop loin, puis, dans un regard pour Ithìliur l’invitant à l’accompagner, elle bat des pieds pour approcher de la berge. Elle s’arrête lorsque l’eau ne lui arrive plus qu’à la taille et commence par jeter son caillou sur le tas que forme leurs vêtements. Puis, saisissant la balle à deux mains, elle la lève au-dessus de sa tête et la jette en direction des enfants... Bien que Non soit le premier à se jeter en travers de sa course pour misérablement finir étalé au sol, déclenchant l’hilarité générale.

- On dirait que l’un d’entre nous n’a pas perdu de temps pour se faire des copains ! S’exclame-t-elle en jetant un œil à son compagnon. Que font-ils ici ? Ils veulent se baigner ou ils sont simplement venus voir le chien ?

- Sombre Etoile.

Une manière de se rappeler, tant au sens propre qu’au sens figuré, ce qu’elle avait été pour toi durant votre séjour dans les Ombres. Un oxymore à deux niveaux, car malgré son ascendance, la drow à la peau blanche n’était finalement pas plus « sombre » qu’une étoile.

- Regarde-les. tu pointes les enfants à nouveau lancés dans leurs jeux de ballon avec l’animal du pouce Ils sont définitivement là pour le chien.

Il y avait ça, et la profondeur du bassin que tu avais choisi. Les enfants de cet âge ne venaient pas par ici, pas sans la supervision d’un adulte en tout cas, à moins d’être soit extrêmement téméraires, soit extrêmement à l’aise dans l’eau. Heureusement, le second cas était le plus commun des deux.

- Il vient d’où cet angaöl ? le jeu s’arrête un instant, et les regards se tournent vers T’sisra et toi J’en ai jamais vu de petits comme ça dans mes livres sur les animaux.

- Il vient d’Holimion j’imagine non ? C’est toujours d’Holimion qu’ils viennent les animaux étranges. C’est probablement parce qu’il y a Faélia pas loin.

- Tu dois avoir raison. Il doit venir d’Holimion comme la dame grise. C’est à Holimion que vont tous les gens avec des maux étranges. C’est quoi comme poison qui t’a rendu toute grise madame ?

- C’est peut-être une des drôles de plantes qui poussent depuis la Lune de Sang qui lui ont fait ça.

- Tu penses que c’est contagieux ? Père Hulion voulait pas qu’on l’approche, c’est probablement parce que c’est contagieux !

- Mais pourquoi son mari n’est pas devenu gris aussi alors ? Dis madame pourquoi ton mari il n’est pas devenu gris comme toi ?

- Peut-être qu’il est immunisé ! Il y a plein de poisons qu’on finit par ne plus sentir au bout d’un moment !

- Tais-toi et laisse la dame répondre avant que Père Hulion nous retrouve !

Pour le chien… et par curiosité. Le pauvre Non n’était finalement qu’un joli prétexte. Un instant tu regardes T’sisra avec de gros yeux. L’instant d’après tu éclates de rire, ce à quoi les enfants ne réagissent pas avec beaucoup d’entrain. Leurs sourcils se froncent et l’un d’entre eux va jusqu’à grogner que ce n’est pas drôle et que leurs questions sont très sérieuses. C’est sa réaction d’ailleurs qui réussit à te calmer, après quoi tu invites ton aimée à t’asseoir sur un rocher auprès de la petite troupe.

- Elle ne parle pas bien notre langue, je lui traduis vos questions. tu te tournes vers l’Eldéenne Ils ont des questions pour toi. Je m’occupe de traduire tu attrapes un morceau de bois mort qui traîne par là et l’offre à T’sisra Et tiens, si tu ne sais pas comment le dire, dessine.

Et tu retiens tant bien que mal un éclat de rire en repensant à leur barrage d’interrogations, mais tu fais de ton mieux pour le retranscrire à l’Eldéenne en faisant justice à leur innocence… non sans y aller de tes commentaires.

Un éclat de rire s’échappe des lèvres de l’eldéenne à l’écoute des questions qu’Ithìliur lui traduit. Elle a un regard amusé pour les enfants tandis que ses doigts se resserrent autour du bâton tendu par son compagnon.

- Il a dit « son mari » ? Lui demande-t-elle avec un regard plein de malice dans un sourire tout aussi taquin. Moi, ça me va.

La noirelfe se penche vers les enfants et commence à dessiner une carte grossière, à l’aide du bout de bois, dans la glaise. Les régions du monde connu sont « patatéiformes » comme le souligne l’un des trois bambins, mais au moins, la chose est compréhensible.

- Arbres. Anaëh. Fait-elle en pointant la région sur sa carte improvisée. Ithri’Vaan. Non arbres. Oui ? Elle désigne le chien de sa main libre puis pointe à nouveau ce qu’elle a défini comme l’Ithri’Vaan. Ouaf ouaf... Du désert ? Elle jette un œil à Ithìliur et se met à pouffer de rire. Comment on appelle le désert Zurthan chez vous ?

Elle s’empresse d'ajouter une forme triangulaire à sa carte, loin après la région cosmopolite. Le symbole d’un volcan d’où la colère qui fait trembler ce monde émane.

- Elda ? Oui ? T’sisra se désigne de l’index puis tapote le triangle du bout du bâton. Elda non bien. Je paix. Oui ? Je... Elle tapote du bout du bâton son œuvre d'art et remonte le long de l’Ithri’Vaan, longe l’Anaeh et dessine un gros cercle tout au nord. Zagazorn.

La daedhelle esquisse, très schématiquement au point que le dessin en est plus hilarant qu’autre chose, une tête de nain. La barbe dont la forme rappellerait celle d'un nuage gribouillé par un enfant déclenche aussi bien des rires qu’une certaine perplexité chez les jeunes elfes.

- Papa. Son index pointe la caricature de dawi. Mon père est un nain du Zagazorn. Essaye-t-elle en khazalid avant de se mordre la lèvre inférieure en constatant que ses explications sont un naufrage complet. Son regard file en direction d’Ithìliur tandis qu’elle se redresse et lui attrape la main. Est-ce que mon « mari », elle insiste sur le mot avec une moue amusée, voudrait bien me venir en aide ? Ou bien compte-t-il me regarder me noyer dans mes explications pour son bon plaisir ?

- Qui sait ? du bout de l’index, tu touches le bout du nez de l’Eldéenne Je pourrais peut-être faire les deux.

Tu soutiens son regard, le tien pétillant de malice, attendant que les enfants – et T’sisra elle-même – ne commencent à s’impatienter. Puis juste avant que l’agacement ne prenne le pas sur leur curiosité pour eux, et sur l’embarras pour elle, tu te résous à prendre la parole.

- Mon épouse... tu la regardes du coin des yeux en retenant un gloussement ...vient du Vatna. Loin à l’Est de la forêt. tu dérobes le bâton pour à ton tour mettre ta patte à la carte de fortune Et elle n’est pas malade ! C’est une Daedhelle, une Elfe Sombre. Des cousins de notre peuple qui vivent là-bas. Ils ont la peau grise, et normalement ils ont les cheveux blancs et les yeux rouges. C’est vrai que ce n’est pas son cas, mais c’est parce qu’elle est une exception.

- Comme quand dans une famille de blonds qui a un enfant avec les cheveux noirs ?

- C’est ça.

Tes sourcils se plissent un instant. La suite, tu hésites à la manière de la raconter, parce qu’ils sont encore trop jeunes. On ne leur a pas encore conté l’histoire du Linoïn et du grand schisme en détail. Tu claques discrètement de la langue. Tu ne peux qu’espérer ne pas les mettre en porte à faux avec leurs camarades lorsqu’en viendra l’heure.

- Les Elfes Sombre se sont séparés de nous il y a plusieurs Cycles déjà, lors d’une terrible dispute qui nous a beaucoup coûté à nous et à l’Anaëh. Et depuis, nos deux peuples ne se sont toujours pas pardonnés. tu souris tendrement à T’sisra, espérant que le peu qu’elle comprend de ton récit lui convienne Les Elfes Sombres avec le temps se sont beaucoup endurcis, et leur société est devenue violente et rigide. Mon épouse n’aimait pas cela, alors elle s’est enfuie, avec un prisonnier Ondur qui a été comme son père. tu te penches vers votre tas de linge et te saisis de ta clef Et c’est parce que ses aventures et mon travail à l’Académie nous ont mené au même endroit qu’on a fini par se rencontrer. tu plantes ta clef dans la glaise, et un tapis fuligineux s’en échappe pour s’étendre autour de vous, se soulever, et vous enfermer dans une bulle obscure dont vous devenez la seule trace de couleur. Un méchant sorcier l’a enfermé dans le plan des ombres, et moi je m’y suis retrouvé enfermé en ratant une de mes expériences. Pendant très longtemps, on a dû combattre les monstres qui y vivent, en attendant de trouver une manière de s’en échapper. Et finalement... tu te saisis de ta clef et dissipes les brumes J’ai réussi à nous en extirper, et on s’est retrouvés dans le désert Zurthan. C’est là qu’on a recueilli Non. Le chien.

- C’est quoi le plan des ombres exactement ?

- Mais du coup il est où le méchant sorcier ?

- Ils font peur les monstres du plan des ombres ?

- Alors tu pointes du bout du bâton chacun des interrogateurs Oui. Probablement à Thaar, au Sud, et ça tu en apprendras plus quand vous serez plus loin dans vos cours de théorie magique.

- Mais du coup ils sont méchants aussi les parents de T’sisra ?

Ton regard brille d’un sanglot retenu, et tu te tournes vers ton « épouse » pour lui traduire cette dernière question. Elle mérite d’y répondre elle-même.

Son sourire s’efface l’espace d’un instant. Elle pose les yeux sur le jeune elfe, désarçonnée par la violence innocente de son questionnement. T’sisra ouvre la bouche pour la refermer sans qu'aucun son ne franchisse ses lèvres, elle prend la mesure de l’impasse dans laquelle elle se trouve. Il est des choses compliquées à expliquer à des enfants, qu’ils ne devraient pas avoir à entendre.

La noirelfe se pare de nouveau de son sourire et s’accroupit auprès du curieux. Elle ébouriffe sa touffe de cheveux avec une tendresse indéniable.

- Tu peux traduire s’il te plait ? Demande-t-elle en jetant un œil à son compagnon avant revenir au petit. Parfois, il arrive parfois qu’on puisse causer de la peine à ceux qu’on aime, même sans le vouloir. Sans s’en rendre compte. Ou parce qu’on estime que c’est nécessaire pour le bien de celui ou celle qu’on aime. C’est ce qui m’est arrivé, à moi. Tu vois, quand tu fais une grosse bêtise, comme par exemple... Grimper très très haut dans un arbre ? Et que ton papa, ta maman, un oncle ou une tante t’engueule très fort après et te punit sévèrement pour bon moment. C’est parce qu’il a peur que tu te blesses. Pourtant, il t’aime très fort quand même. Et bien, c’était un peu pareil pour moi.

La daedhelle se redresse et vient se poster aux côtés d’Ithìliur, elle passe sa main dans son dos et lève un regard rieur vers lui.

- Si tu nous trouvais une porte de sortie ? Mmh ? Elle affiche une moue amusée. Il y a des questions auxquelles seuls des parents devraient répondre. Et je pense que bien des parents vont déjà s’arracher les cheveux à expliquer ma présence à leurs petits bouts de chou, j'aimerais autant ne pas leur enlever ça.

Tournant le dos à l’attroupement, T'sisra se dirige vers le tas de vêtement à la recherche de son pantalon, qu’elle a tôt fait d’enfiler. Ses doigts tordent sa longue chevelure pour l’essorer du mieux qu’elle peut, après quoi elle improvise un chignon qu’elle fait tenir en y plantant un petit bout bois assez fin et solide récupéré par terre.

- Déjà que leurs parents ne vont certainement pas apprécier leur curiosité… Marmonne-t-elle en enfilant la chemise de lin qu’elle commence à boutonner. Mieux vaut éviter de se mettre dans la panade dès le premier jour ! Elle glousse, l’air de rien, et jette un œil aux marmots qui réalisent que Non aussi est désormais sur le départ.

- Parfois, par amour, on attriste ceux que l’on aime. tu abrèges, volontairement, les explications de T’sisra Il peut arriver que l’on fasse des choses horribles, pensant bien agir. Ce n’est pas de la méchanceté, et encore moins un manque d’amour. Souvent, c’est juste qu’on ne voit pas d’autre moyen. tu leur offres un sourire contrit, tes yeux cherchant discrètement un échappatoire Tant que la question est fraîche dans vos esprits, vous devriez profiter pour en parler à vos parents.

Les enfants commencent à murmurer entre eux, soudainement bien peu préoccupés par vos conciliabules à T’sisra et toi. À l’amusement de la Daedhelle tu rends une mine interdite mais complice, et la suit à faux-pas-de-loup vers votre pile d’affaires.

- Qu’est-ce que tu crois que j’ai essayé de faire ?! tu réponds à voix basse, sachant très bien que seule la barrière de la langue protège vos messes basses Dépêchons-nous de nous en aller tant qu’ils sont occupés à philosopher entre eux.

Tunique et pantalon enfilés, mais manteau sur l’épaule, tu fais le premier pas vers votre départ. L’un des marmots, se rendant compte que vous leur faussiez compagnie, lève un doigt et ouvre la bouche… mais à sa main levée tu réponds par des salutations, le coupant dans son élan. Finalement il reste bouche ouverte sans prononcer un son, alors que ses camarades l’encouragent à faire ce que tu leur avais proposé, et partir questionner ceux qui leur ont donné naissance.

Fier de votre échappée tu ris sans ralentir, tirant T’sisra par la main dans ton sillage. Tu sembles à nouveau errer, te laisser porter par tes pas à travers la Cité, mais tu sais exactement là où tu vas. Ici, sortis du Teluïme, Alëandir ne ressemble presque plus à une ville. La nature omniprésente – dominée par des arbres qu’ici en Anaëh vous appelleriez courtauds, mais que le reste du monde trouverait déjà immense – donne à l’intérieur des murs un air de grand bosquet.

En voyant filer entre les branches un éclair de fourrure roux, puis au son d’ailes courtaudes battant dans les fourrés, ton cœur s’emballe. Vous y êtes. Enfin. Chez vous. C’est avec un sourire béat que tu tires T’sisra jusqu’à la porte de la demeure, et en pousses joyeusement la porte… pour te retrouver rapidement ramené sur terre en constatant qu’elle ne s’ouvrait pas.

- Mince, j’avais oublié ! tu te saisis des clefs que tu as caché toute la journée et déverrouilles la serrure Voilà ! Bienvenue chez nous !

Le regard de T’sisra oscille entre la porte d’entrée qu’il vient de déverrouiller et celui qui en tient la clef. La daedhelle ouvre la bouche sans savoir que dire, puis, réalisant peu ou prou la nature de ce qui s’est dit quelques heures plus tôt, elle fronce les sourcils et lui met un coup dans l’épaule avant de lui sauter au cou.

- Alors c’est comme ça ? Mh ? On fait des messes basses pour me mettre dans tous mes états ? Elle se fend d’un sourire puis l’embrasse. Je vous retiens. Tous les deux !

Ses doigts viennent chercher sa main et elle l’entraîne avec elle tandis qu’elle pousse la porte d’entrée. Ses yeux parcourent la pièce, un sourire nait sur son visage. Un sourire qui lui monte jusqu’aux oreilles. Elle s’empresse d’aller jeter ses affaires sur le divan, puis, ayant déjà lâché la main d’Ithìliur, elle file de porte en porte pour découvrir les pièces attenantes.

- Oh bon sang, il y a une cuisine. Je vais pouvoir faire des plats qui ne ressemblent pas un petit tas d'insectes grouillant ! Tu as vu le cabinet ? C’est juste ce qu'il faut pour travailler paisiblement. Elle tourne sur elle-même et s’en va grimper quelques marches de l’escalier pour jeter un coup d’œil à l’étage avant de redescendre aussitôt. C’est vraiment par-fait ! Elle se dirige vers l’une des fenêtres à l'opposé de la porte d'entrée pour découvrir un petit jardin. C’est Non qui va être content !

Mais le chien, lui, est déjà en train de tester la qualité du divan, il appuie ses pattes sur les coussins et renifle le tissu. Non que le tapis au beau milieu de la pièce ne soit pas attrayant, mais ce divan... Lui inspire certainement bien plus de confort. L’eldéenne enlève ses bottes en sautillant sur un pied puis sur l’autre et vient se jeter dans le bras d’Ithìliur.

- « Chez nous ». Ça sonne vraiment très bien. Souffle-t-elle avant de déposer un autre baiser sur ses lèvres. Je suis tellement heureuse Ithìliur... Elle appuie sa tête contre son torse et profite quelques secondes de son étreinte. Il va falloir remplir les placards, mais ça ne devrait pas être trop difficile ça. Tu as des affaires à récupérer à l’Académie ? Ou ça peut attendre demain ?

La daedhelle l’entraîne vers l’une des pièces avec un sourire malicieux. Elle désigne le grand lit trônant au centre de la chambre à coucher.

- Tu préfères dormir de quel côté ? J’aime bien être à gauche moi.

Tu souris bêtement, remerciant Haradwen intérieurement de t’avoir donné d’offrir cet instant à T’sisra. Heureux, tout simplement, de  te laisser tirer à l’intérieur de votre nouveau foyer alors qu’avant même de l’avoir vu, elle s’en émerveillait.

Tu aurais aimé partager la même excitation qu’elle, mais ta surprise est moindre. Tu connais les habitations elfiques. Sans toutes se ressembler, elles partagent entre elles beaucoup de codes aisément discernables à qui a vécu le gros de ses quatre siècles au sein de la forêt. Quand elle s’élance de porte à porte, tu avances lentement, avec une certaine nonchalance, préférant simplement t’imprégner de l’atmosphère des lieux. Tu te poses des questions aussi. Tu te demandes à quoi ressemblent les habitations, en Elda. Tu te demandes aussi si l’échoppe de Balir est typique de celles du Zagazorn. Tu te demandes si tu pouvais espérer construire un foyer ailleurs, avec elle, un jour. Dans l’un des endroits qu’elle a déjà pu appeler son « foyer ». Mais ça, tu avais l’éternité devant toi pour le voir.

Tu déposes ton manteau dans l’un des placards, retires tes bottes, et contemples l’idée de disputer à Non une place sur le divan ; mais rapidement T’sisra arrive et se jette dans tes bras. Tu l’y accueilles volontiers, lui rends son baiser, puis la serre contre toi. Sans vraiment que tu ne saches pourquoi, les larmes te montent aux yeux, mais tu te gardes fort de le lui faire savoir. Tant qu’elle est contre toi, tu les gardes plutôt fermés, attendant que l’émotion ne retombe, et puis la course recommence.

- Je préfère dormir! tu réponds du tac au tac, le rire au bord des lèvres, sachant qu’elle comprendrait que tu t’accommoderais de la place qu’elle te laisserait D’ailleurs... tu retires ta tunique et sautes dans le-dit lit Je ne serais pas contre un petit somme là tout de suite. C’est qu’elle a été bien remplie notre journée.

Autant dire que tes affaires pourraient attendre. De toute façon, tu as déjà ici tout ce qu’il te faut. Tu tapotes la place qu’il reste sur le matelas pour inviter T’sisra à t’y rejoindre, et les yeux fixant le plafond, tu te perds déjà tout éveillé en rêveries.

- Comment ça marche d’avoir sa maison au Zagazorn ? Tu penses qu’on pourrait s’y faire un petit chez nous si on y retourne ?

- Au Zagazorn ? Répète la daedhelle en jetant un œil à Non qui s’est confortablement installé sur le divan. Mh... Être autorisé à mettre le pied sur leurs terres, c’est beaucoup plus compliqué que venir visiter Alëandir. Alors, très franchement, je n’en sais rien. Elle referme avec une extrême précaution la porte de la chambre pour ne pas attirer l’attention du chien. Sinon pour avoir un chez-soi là-bas, on peut acheter comme en Ithri'Vaan, ou le clan peut pourvoir. Ça dépend de la situation, des clans, du moment.

T’sisra se retourne vers le lit et constate que son côté préféré n’attend plus qu’elle, car lui a daigné se contenter de l'autre. Elle lui tourne le dos et défait les boutons de sa chemise uns à uns.

- Et s’y introduire sans autorisation, c'est risquer la peine capitale. Mais rien n’est impossible. J’ai bien réussi. Le tissu glisse sur sa peau et tombe mollement sur le sol, elle jette un regard vers l’arrière en arborant un sourire en coin. Mais je ne peux pas te garantir qu’il y ait une autre cité perdue à retrouver.

L’eldéenne se défait de son pantalon, ne gardant pour seuls vêtements que ses « sous-collants » elfiques. Elle vient s’allonger sur le lit, dépose la tête contre l’oreiller et observe le visage d’Ithìliur.

- Alors comme ça… Commence-t-elle en baladant l’index et le majeur sur le poitrail de son compagnon. Tu veux dormir ? Non, parce que moi, j'ai aussi eu une journée éprouvante mais je suis certaine d’avoir encore un peu d’énergie à dépenser.

Dans un mouvement leste et rapide, elle passe au-dessus de son compagnon. Assise sur sa taille, elle pose les mains à plat sur ses pectoraux. Ses gestes sont doux et ses expressions se font lascives alors qu’elle se penche sur lui pour venir l’embrasser.

- Où est passée cette main audacieuse qui s’est manifestée chez le tailleur ? Le taquine-t-elle dans un sourire malicieux avant d’aller chercher ses lèvres à nouveau. Tu ne pensais tout de même pas que je ne l’aurais pas remarquée ? Elle appuie sa poitrine contre son torse et glisse ses bras autour de son cou. En plus, c'est un bon moment pour tenir la promesse que l’on s’est faite dans les plaines de Naélis.

Son regard est lascif, joueur, taquin. Il plonge dans le sien, s’accompagne d’un tendre baiser et de caresses encore timides. Rien ne la presse, elle veut profiter simplement.

Tes joues rosies trahissent les sentiments que ton expression joueuse dissimule. Tu rends à T’sisra ses baisers, tes mains posées sur ses hanches et ta peau acceptant avec joie ses caresses. Sans que tes mains ne bougent, tes pouces plongent sous le bandeau de ses sous-collants pour y flatter l’épiderme, et la pulpe du reste de tes doigts s’enfoncent – légèrement – dans la chair du haut de son fessier.

- Hmm où est donc passée cette main? tu lui souffles avec un rire, l’une de tes mains se faisant araignée à cinq pattes, et lui remontant le long du ventre Oh ! La voilà!

Tu glisses le bout de tes doigts sous le tissus de la brassière et cherches la courbe de son sein. Celle que dont tu n’as pas osé te saisir là-bas, chez le tailleur. Et en la redessinant finalement, tu trouves satisfaction à une pulsion datant d’il y a plusieurs heures, et ton sourire s’élargit à la manière de celui d’un enfant.

- Mais puisque madame a de l’énergie à revendre...

Tes mains se rejoignent dans son dos, et d’un élan de ton épaule gauche, tu roules avec elle, échangeant vos places, pesant à ton tour contre elle. Tes mains quittent ses reins pour longer ses bras, jusqu’à éventuellement se saisir de ses poignets, que tu écartes d’elle, la tenant faussement prisonnière. Tes lèvres plongent ensuite dans son cou, et tu y mords un long baiser.

- ...peut-être préférera-t-elle la dépenser à gauche du lit, non?

Son sourire s’étire, se meut en gloussement jusqu’à ce qu’un rire plein de légèreté ne lui échappe. L'eldéenne répond à la conquête de son cou en mordillant avec une douceur singulière dans le sien.

- À gauche, à droite… Même au milieu si tu veux. Souffle-t-elle sans se défaire de cet air taquin qu’elle arbore depuis lors.

Elle joue des poignets pour se libérer de son étreinte. Ses doigts viennent saisir les bordures de sa brassière pour l’en libérer d’un geste volontairement lent et mesuré. Elle glisse ensuite ses mains dans son dos, ses caresses remontent lentement le long de ses muscles, sa prise finie par se refermer sur épaules. Tandis que ses lèvres viennent chercher les siennes, d’une simple pression, elle l’invite à se serrer contre son corps.

- De là d’où je viens, il n'y a qu’une seule chose qui vaille la peine d’être partagée. Souffle-t-elle en plongeant un regard amoureux dans le sien avant d’approcher ses lèvres de son oreille. Et j’ai très envie de te le faire découvrir.

D’une main décidée, elle appuie sur son torse tout en se redressant pour rouler à nouveau. Assise sur sa taille, elle se fend d’un sourire et se penche sur lui pour, une fois encore, l’embrasser tendrement. Mais ses lèvres le quittent rapidement, elles partent s’aventurer sur son corps, sa langue attise le désir qui les étreint tous les deux, jusqu’à se perdre dans son intimité virile et laisse rugir au plus fort son excitation. Ils vivent la célébration de ce qu’un corps peut faire à autre.

Emportés par l’ivresse du désir, le peu de tissu qu’ils portaient n’est désormais qu’un vague souvenir perdu dans un coin de la pièce. Et l’eldéenne, submergée par ces plaisirs charnels, se déhanche, danse en rythme avec ses mouvements, enfonce ses doigts dans ses pectoraux quand ses mains à lui profitent de sa poitrine, s’agrippe à ses épaules alors qu’il se redresse. Elle s’enivre de leur étreinte fusionnelle et se perd dans ses bras, se laisse emporter par leurs caresses et l'extase grandissante.

- Ah ? tu glousses Ma curiosité est piquée...

Tu souris et te laisses guider, cherchant désespérément sa peau des mains, refusant catégoriquement de perdre sa chaleur contre tes paumes. Du creux de ses reins jusqu’au tour de sa nuques, elles remontent au fur et à mesure que la Daedhelle échappe à ton regard pour fuir en direction de ton horizon.

Un frisson court le long de ta colonne vertébrale. Ton souffle se coupe à l’instant où ses lèvres trouvent ton membre. Un sentiment entre plaisir et panique emplit ton ventre, et tes épaules se tendent, et enfin, tu souffles. Tu laisses faire, offrant en retour caresses de tes mains à la peau qu’elle laissât encore à ta portée.
Tu laisses faire, jusqu’à ce que malgré le plaisir, tu en viennes à t’ennuyer de son visage. Alors tes ongles grattent contre ses épaules, tu cherches à t’accrocher à ses bras, et tu murmures, tu gémis son nom. Bien incapable que tu es de former une phrase complète, ta complainte arrivée à ses oreilles sait lui faire entendre ce qui te manque. Ou alors n’étais-ce là que coïncidence, te revenir n’étant que suite logique de sa danse ?

Tu te saisis de ses hanches, tu soulèves ton buste malgré le poids de celle qui s’y appuie, pour chercher ses lèvres, pour chercher son cou, pour l’embrasser avant de choir à nouveau. Tu luttes contre elle, et force d’avoir chuté une fois, puis deux, tu finis par comprendre le sens de sa danse. Tu finis par t’aligner à son rythme, et là… l’allégresse t’emporte comme rouleaux en bord de mer. Tu fermes les yeux et laisses échapper un grognement sourd, et tes pouces lui malaxent les hanches, et tes pouces lui redessinent les seins, et elle t’accueille et te chasses encore et encore dans le plus délicieux jeu du chat et de la souris auquel tu aies jamais participé.

Pas de douleurs. Seulement une petite bulle d’un béat bonheur. Un petit monde dont tu aimerais tant ne jamais voir la dernière heure.

- Promesse tenue...

Entre deux baisers tu lui souffles à l’oreille, et tu reprends la danse avec encore un peu plus d’insistance. Tu ne penses plus, tu te laisses emporter par la transe.