La sérénité à fleur de peau (Artiön, Illynora)

Adossée contre le bastingage, la noirelfe est assise en tailleur. Elle observe les murs de la cité se dessiner par-delà la proue de l’embarcation. C’est une vision qui l’emplit de joie, un sourire soulagé s’étire sur son visage dont les traits tirés soulignent le poids d’une fatigue difficile à supporter. Cependant, la fin est pour très bientôt. La fin du voyage. La fin de la douleur. La fin de l’effort. Elle baisse les yeux sur Tête de Souche, sagement assis entre ses jambes et qui, quant à lui, n’a d’yeux que pour ces elfes qui les observent avec autant de curiosité que d’incompréhension. Eux qui ont choisi de se tenir à l’écart de la sombre.

- Si on croise ma femme, évitez de parler des kerkans et du toxeurove. Lance le milicien à ses compagnons d’aventure dans un sourire accompagné d’un regard entendu. Je vais déjà devoir supporter ses remontrances pour être parti avec toi durant les ennéades à venir, alors si on lui raconte notre mésaventure… Il marque un temps d’arrêt, fronce les sourcils puis hausse les épaules. Je ne préfère même pas l’imaginer.

- Et moi qui comptais vous inviter tous les deux à la maison…

- Ça serait avec plaisir, sois en sûre ! Mais il va falloir me laisser le temps de la convaincre. Et ça risque de prendre un... Tout petit peu... De temps. Ironise-t-il avec entrain, alors que son regard se perd dans les hauteurs de sa cité natale. On n'est pas partis bien longtemps et malgré tout, je suis bien trop heureux d’être de retour.

Tête de Souche, une fois encore, se penche sur la main de l’eldéenne et tapote dans sa paume avec une excitation toute singulière. Lui aussi sent le bout du chemin arriver, ça ne fait aucun doute. T’sisra se fend d’un sourire, puis lève les yeux vers ses compagnons, observant chacun d’entre eux l’espace d’un instant.

- Merci. La daedhelle hoche doucement la tête et se fend d’un large sourire. Merci d’avoir bien voulu m’accompagner jusque là-bas. Vraiment. C’est... Enfin, je veux dire... Elle s’interrompt et secoue brusquement la tête alors de Tête de Souche lui chatouille les narines. Oui, merci à toi aussi Tête de Souche. Qu'aurait-on fait sans toi après tout ?

- On n’allait quand même pas t’abandonner seule à ta tentative de bonne action! tes yeux se posent, à la fois inquiets et amusés, sur Tête de Souche Maintenant, plus qu’à espérer que tout se passe comme prévu.

Vous aviez eu de la chance. Il ne vous avait pas fallu bien longtemps pour qu’une embarcation à direction d’Alëandir ne fasse son apparition. Ça, et le fait que le batelier ait accepté de prendre T’sisra parmi ses passagers. Plus de camp à monter, plus de garde à assurer, les dernières heures de votre voyage, vous pouviez les passer à vous reposer. Du moins Haerondir le pouvait. La main de T’sisra était toujours porteuse de l’étrange graine, il vous devenait difficile à Illynora et toi – ayant le pouvoir de la soulager – de vous empêcher de veiller – même discrètement – sur elle.

- N’empêche, T’sisra. tu ris Je suis presque déçu de constater ne pas être le premier à avoir l’opportunité de refuser ton invitation... tu lances un regard taquin en direction du soldat elfe ...presque aussi déçu que je ne le suis de constater que la femme d’Haerondir est toujours impressionnée par des histoires de kerkans et de toxeuroves. tu glousses Il est temps de passer au niveau supérieur maintenant ! Après que tu aies étêté deux ou trois abominations, je te garanties que plus jamais ton épouse ne t’embêtera pour de pauvres kerkans ! tu lèves le menton, faussement fier Personnellement, j’en suis arrivé au stade où la mienne serait soulagée de m’entendre dire que je part chasser la Wyverne.

Bientôt la fin d’une aventure… mais l’éclair de blanc et d’or sillonnant le ciel au-dessus de vous n’est pas sans te rappeler que pour toi, à peine la conclusion de cet acte signé, ce serait le début d’un nouveau. Tu soupires, et t’avachis légèrement contre le bastingage. Avec un peu de chance… avec un peu de chance ces deux prochains actes auraient d’heureux dénouements. Un peu de lumière en ces sombres temps n’était pas de refus.

Sur le chemin retour, Illynora n'avait que peu dormi, veillant silencieusement sur T'sisra dès lors qu'elle le pouvait. Par chance, elle n'était pas en sucre et pouvait sans trop de problème se permettre de dormir peu a condition qu'elle rattrape son sommeil quelques jours en ville. Ce ne serait pas le cas en forêt de par une vigilance minimale nécessaire ; il était presque interdit d'être fatigué dans la forêt dense, même proche de la capitale. De ce que peut voir celle qui l'observe présentement, Illynora est plus courbée qu'à l'habituelle mais garde fière allure malgré tout, ou fait tout pour la garder, elle est d'une expression plutôt neutre, ne montrant aucun signe d'hostilité ou de méfiance vis à vis d'elle.

L'elfe était gênée des remerciements de T'sisra, sans doute parce qu'elle n'avait rien fait d'extraordinaire pour les mériter. Du moins de son point de vu. Plutôt que de juste rester silencieuse afin de faire bonne impression ou juste acquiescer, elle releva son intervention.

- Je n'allais tout de même pas laisser une étrangère à la forêt divaguer librement en son sein. Je n'ai fait qu'accompagner une inconnue.

La réalité était qu'elle avait surtout accompagné une connaissance d'Artiön et s'était sentie obligée au vu du fait qu'il l'avait portée sur une distance qu'elle trouvait déraisonnable lors de leur dernière sortie loin de la capitale. Peut-être aussi au vu du fait qu'il l'avait aidé avec la situation dans la forêt avoisinante, bien qu'elle n'ait guère encore rencontré la Noss avec qui elle devait initialement parlementer.

Le fait que la forêt lui ait ouvert les bras et qu'elle ait gagné la confiance d'un esprit de cette dernière l'avait convaincue qu'elle n'était pas foncièrement mauvaise et ainsi s'efforçait-elle de la traiter avec le respect qui lui était dû.

- Quant à votre dame, Maître Archer, je ne me ferai un plaisir de lui conter la façon dont vous êtes venu à mon secours, il ne fait nul doute qu'elle sera intérieurement fière de votre héroïsme en dépit des apparences.

Sans doute allait-elle faire une crise de nerf, mais d'un autre côté peut-être le verra t-elle autrement que comme un inconscient face à un risque qui le dépasse, même si au final l'on pouvait être héroïque et inconscient.

- D'ailleurs nous arrivons, je mesure votre impatience.

Taquine, Illynora garde un sourire en coin, jetant de temps à autre un regard sur la main de T'sisra.

- Ça ira,  rétorque le milicien dans un sourire tout en se frottant le cuir chevelu, en tout cas pour le moment. Un peu de sécurité pour les ennéades à venir ne peut pas me faire de mal !

Le gloussement finit par se transformer en un rire discret, la noirelfe inspire longuement et secoue la tête avec un brin de dépit au fond du regard.

- Je n’aurais pas pu rêver mieux, mh ? Demande-t-elle avec ironie. Que l’on se batte pour refuser mon invitation… Elle marque une pause et dresse l’index de sa main gauche. Et c’est même pas le pire, le voisin d’en face est parti. Et l’autre fait tout pour éviter de croiser mon regard. Elle pousse un long soupir. Il reste toujours celui de l’allée, lui au moins, il est sympathique. Je crois qu’il apprécie les histoires des contrées étrangères, même s’il ne veut pas se l’avouer.

- C’est déjà mieux que rien. Dit Haerondir dans un haussement d’épaules avant de poser les yeux sur l’alchimiste. Non sérieusement, il vaut mieux éviter. Il roule des yeux, puis un sourire qu’il est incapable de réprimer s’étire jusqu’à ses oreilles. Je ne sais pas ce qui lui arrive en ce moment mais… Enfin bref…

L’embarcation dépasse lentement les hauts murs de la cité. Et les voilà dans l’enceinte. La daedhelle daigne enfin se dresser sur ses jambes et vient s’accouder au bastingage, observant les badauds déambuler aux abords de l’Elorëa. Finalement, les bateliers commencent à s’atteler à la tâche et arriment l’embarcation au débarcadère. Tête de Souche grimpe sans attendre sur l’épaule de la noirelfe sous les regards des curieux tandis que celle dernière s’empresse de poser le pied à terre. Elle jette un œil par-dessus son épaule puis observe les environs dans un soupir de fatigue.

- Le Temple de Tari, c'est bien par là ? Demande-t-elle en allant s’appuyer contre le mur le plus proche tout en désignent une rue de l'autre main.

- Exact ! Répond le milicien en s’engageant sur le pavé blanc.

- Bon. La noirelfe opine du chef puis pousse contre le mur pour se lancer. Finissons-en avec ça. Après à peine quelques pas peu assurés, elle tourne la tête en direction d’Illynora. Je connais un médecin qui serait probablement intéressé par tes compétences d’ailleurs, si jamais ça te dit ? Ah, tant que j’y pense, personne ne connaitrait un forgeron un tant soit peu ouvert d’esprit à tout hasard ?

- Tout dépend de combien de temps tu comptes encore rester en ville. tu lances sans vraiment regarder la drow, prenant les devants dans votre marche D’ici une ou deux ennéades, Cìryon devrait passer en Alëandir. Je peux lui laisser un mot pour lui faire savoir que tu as quelque chose à lui demander.

Ouvert d’esprit… tu ne t’es jamais posé la question à savoir si Cìryon était ou pas ouvert d’esprit. À première vue, tu dirais qu’il l’est, ou en tout cas qu’il en donne l’air. Mais à bien y repenser, l’est-il vraiment, ou n’est-ce que la légèreté apparente avec laquelle il traite les chose qui le laisse paraître ? Après tout, autrefois, il n’était pas plus excité que toi à l’idée de la présence de Tebryn aux côtés de la couronne, et lui – comme toi au final – aviez toujours vu comme la plus grande des normalités la décision de Daenor de chasser ceux qui portent du sang d’Arïn de Daranovar.
Ouvert d’esprit… es-tu toi-même ouvert d’esprit ? Peut-être pas. Mais au moins si Cìryon ne l’était qu’aussi peu que toi, T’sisra ne lui poserait pas de souci.

- Je ne peux rien te garantir, et tu vas devoir patienter un peu, mais j’imagine que ce sera toujours mieux que de t’envoyer tenter ta chance à Daranovar.

Ton regard va à T’sisra, puis à sa main, puis à Illynora. La conclusion du périple approchait. Les deux femmes pourraient enfin profiter d’un repos bien mérité. Et certainement étaient-elles pressées d’en finir, car c’est à grands pas que vous longiez le fleuve. Voir le temple t’arrache un sourire, qui s’étiole rapidement. Tes sourcils se plissent. Ton regard va à T’sisra, à Illynora, puis à Haerondir, puis au temple, qui au vu de votre allure, te semble plus lointain qu’il ne le devrait. Et puis tu te rends compte. C’est à grands pas qu’ils longent le fleuve.

- Oh ! tu ralentis le pas, légèrement confus Je suis désolé.

Tu offres à tes compagnons de voyage un sourire contrit, et les laisse dicter le rythme de la marche, te rangeant à leur niveau. Puis tu repenses à la question de départ de T’sisra.

- Si jamais un jour tu trouves l’occasion de visiter une autre Cité. tes yeux se posent sur l’Elorëa Les Sanctuaires de Tari sont toujours en partie immergés. Si tu sais trouver le plus grand point d’eau à l’intérieur des murs, tu sais généralement trouver le temple.

Les grandes enjambées d'Artiön forcèrent pendant un temps le groupe à s'adapter, et Illynora faisait tout les efforts afin de le suivre. Courir ne la gênait pas, ni même évoluer en milieu dense, mais s'efforcer de tenir un rythme qui n'était pas le siens était quelque chose de non-naturel. Elle s'efforça tout de même de répondre alors que sa concentration est plus accrue qu'elle ne le fût jamais depuis le début de ce voyage.

- Voyez le bon côté des choses, vous ne passez pas inaperçue et ceux qui vous soutiennent ne le font pas par hypocrisie.

Il était toujours aisé de prêcher pour son camp ou prêcher des idées communautaires sur des carrefours multi-culturels, mais quand une noire elfe était isolée au milieu de l'Anaëh, il était bien plus facile de la mépriser que de l'aider, et l'aide était forcément moins intéressée qu'elle ne l'aurait été en d'autres circonstances.

Illynora passa sa main dans ses cheveux afin de les garder en arrière pendant qu'elle observe ou se diriger. Ses oreilles bougent d'incertitude alors que la cadence s'accélère un peu ; elle secoua la tête, son visage souriant en entendant Haerondir insister. Il était évident qu'elle n'en ferait rien, ce n'était pas dans les habitudes de l'alchimiste d'aller remuer des situations pour en humer l'odeur.

Ses oreilles bougèrent dès qu'elles entendirent la question de T'sisra.

- Je n'ai rien contre échanger et apprendre d'autres personnes pour le peu que je puisse leur faire confiance, elle regarda l'esprit de la forêt un bref instant, convaincue par ses croyances, il ne fait aucun doute que je puisse faire un effort, mais il faudra m'en dire plus le moment venu.

Si elle voyageait autant, elle se disait sans doute qu'il y avait un pourcentage de chance non négligeable qu'il ne fût pas elfe, mais de n'importe quelle autre culture. Comme elle n'en respectait fondamentalement aucune et en détestait d'autres, elle ne voyait aucun intérêt à aller exporter ses maigres compétences, mais après tout elle n'avait pas vu d'intérêt à cette sortie et avait pu constater de bien belles choses. Peut-être aussi qu'elle pourra en apprendre davantage sur les changements en Anaëh. Toutes les occasions n'étaient pas mauvaises à prendre.

- Nous ne le sommes pas dans de telles conditions et sans doute ne le serons nous jamais, mais être fermé d'esprit ne les empêcheront pas de te tolérer toi en tant qu'individu, avec un peu d'éloquence et un peu de bonne foi. Nous nous porterons garants s'il le faut.

Illynora était rancunière, son frère était tombé en combattant et il lui avait été pris, physiquement du moins. Elle avait vu en chaque noir elfe un ennemi de la forêt et de son peuple jusqu'à présent, et sans doute était-ce encore partiellement le cas. Elle consentait cependant à faire une exception pour T'sisra au vu des récents évènements, quoi que l'on puisse percevoir qu'elle prenait le temps de faire un pas après l'autre.

Alors qu'Artiön ralentit la marche, se rendant compte de son erreur, elle prit une grande inspiration.

- Tu as toujours autant de mal à te préoccuper de ce qui est plus petit que toi, tu n'aurais pas envie de nous porter a tout hasard ? Tu aurais ainsi tout le loisir de courir a toute enjambée.

Cette question n'était pas sérieuse, sans doute car elle ne pensait pas Artiön capable de porter trois personnes sur lui tout en tenant un marathon. Sa légende était tellement grande dans son esprit qu'avec le recul, elle finit par conclure en elle-même qu'il en serait peut-être bien capable.

Sa main libre de douleur vient se poser sur l’épaule de l’alchimiste tandis qu’un sourire naît sur le visage de la noirelfe.

- C’est gentil. J’espère que l’avenir te donnera raison sans tarder. Souffle la daedhelle en retirant sa main dans un sourire sincère. Brannor sera ravi. C’est un médecin de la milice, je te le présenterai.

T’sisra marque un arrêt dans sa marche et reprend son souffle avant de remettre un pied devant l’autre dans une démarche plus déterminée encore afin de tenir le rythme. Mais finalement, l’allure ralenti et Illynora ne se prive pas de pousser une complainte à laquelle la noirelfe vient acquiescer.

- Nous, les gens petits, nous sommes deux fois plus méritants. Tente-t-elle de plaisanter maladroitement dans un gloussement forcé. Tout nous demande deux fois plus d’efforts. On devrait être récompenses deux fois plus d’ailleurs. Dans un regard pour Artiön, l’eldéenne hoche la tête en tapotant sa tempe de l’index. Les points d’eau, je tâcherai de m’en souvenir. Elle pousse un soupir. J’aimerais tellement voir les arbres dorés de Malereg un jour.

Le regard de la nécromancienne se pose enfin sur le temple. Elle pince les lèvres en se remémorant sa dernière entrevue avec celle qu’on y révère et secoue la tête alors que Tête de Souche tire sur ses cheveux et lui met sa main devant l’œil.

- Oui, doucement… T’sisra met un genou à terre et dépose le petit ëala au sol. Voilà.

Tête de Souche s’avance sur la placette, il observe les oreilles pointues aux alentours et agite les bras dans une démarche grotesque. T’sisra le suit se laisser tomber sur les genoux là où s’est arrêté l’esprit de la forêt, sur une motte d’herbe où poussent des fleurs d’Automne.

- Ça te plait ici ? Demande-t-elle dans un marmonnement en tendant sa main paume ouverte en direction de Tête de Souche.

L’ëala triture les doigts de la noirelfe puis se met à tapoter la paume de sa main avant de lever la tête et l’observer de ses yeux luminescents. Cette dernière pince les lèvres et gonfle les joues en arquant un sourcil. Finalement, c'est la surprise qui l’étreint, laissant échapper un couinement de douleur alors que Tête de Souche tend ses doigts d’écorce vers la graine qui perce au travers de sa chair. Les racines quittent les sillons creusés jusque dans ses doigts dans une douloureuse délivrance.

Tête de Souche serre la graine contre lui, pendant que les tiges s’accrochent à son petit corps de bois jusqu’à s'y mêler et ne faire plus qu’un avec. Il s’assoit au centre de la motte d’herbe, ses membres minuscules s’allongent, deviennent racines et se muent en branchages tandis que le reste de son corps se fait tronc sous les yeux médusés de la daedhelle. Le souvenir cuisant de leur victoire douce-amère au cœur de la clairière s’empare de ses pensées. Elle se traine quelques coudées en arrière en observant les branches sombres se parer de fleurs aux pétales blanches, l'air à la fois perdue et prise d'un brin de tristesse.

- Malereg donc... Décidément.

Tu soupires, presque désolé pour elle. C’est qu’elle ne se facilitait vraiment pas la tâche. Ardamir, Eteniril, et peut-être même Holimion lui seraient certainement bien plus accueillantes que les Cités de l’Ouest. Paradoxal constat s’il en est, puisque c’est toujours par l’Est qu’avaient déferlé les troupes Eldéennes. Seulement puisque c’était l’Ouest qui avait connu les premiers conflits avec l’étranger… la culture en avait été plus marquée.

Mais trêve d’histoire, vous arriviez à bon port. Avec le temple, la promesse d’une délivrance. De voir les travaux des dernières ennéades arriver à conclusion, et surtout, de voir la main de la Daedhelle – tu l’espères – libérée de cet étrange parasite. Alors tu souris, t’attaches à des pensées plus légères, et appuies un doigt goguenard sur le haut du crâne d’Illynora.

- Je pourrais vous porter, mais c’est justement parce que je me préoccupe de ce qui est plus petit que moi que je ne le fais pas. tu lèves un sourcil Parce que je suis sûr qu’à trop souvent te donner gain de cause, tu finirais ronde comme un bagron.

Tu étouffes un gloussement, et ta mine rieuse se transforme rapidement en une moue interloquée en voyant le petit Ëala quitter son perchoir. Vous le suivez, probablement tous aussi intrigués les uns que les autres par sa soudaine agitation, mais sans savoir ce que compte faire l’esprit de la forêt, vous ne pouvez qu’espérer et observer. Vous ne pouvez qu’observer lorsqu’il s’empare de la graine confiée à la noirelfe. Vous ne pouvez qu’observer lorsque la graine se mêle à son bois. Et vous ne pouvez qu’observer lorsque le petit être se métamorphose en un arbuste dont le bois obscur souligne la pureté des fleurs blanches.

Ton regard quitte la plante nouvelle-née, attiré par les murmures qui s’élèvent autour de vous. Vous n’êtes pas les seuls, à avoir été fascinés par le spectacle venant de se jouer. Les Lëandrins se posent probablement les mêmes questions que vous… et s’ils se posent les mêmes questions que vous, alors ils doivent être déjà – en leur fort intérieur – convaincu des mêmes réponses. Quelque chose sur lequel tu n’aurais autrefois pas pu mettre le doigt te le fait savoir.

- Voilà une bonne chose de faite. tu poses les mains sur tes hanches On peut remercier le petit gars.

Illynora resta silencieuse face à la gentillesse de T'sisra, ses oreilles se mettant en arrière en signe de gêne. Elle ne s'attendait sans doute pas à cela et ne sait pas quoi répondre, de la même façon elle n'a pas spécialement envie de répondre avec de l'humour à froid ou même de paraître désagréable. Ainsi, elle opina du chef et fit un timide sourire pour accueillir les propos de la voyageuse.

Elle ne rajouta rien concernant le prochain objectif de la Daedhelle, sans doute car Artiön avait réagit assez pour deux. Elle haussa les sourcils face à sa réponse mais aussi face à son geste alors qu'il posa son doigt sur le haut de son crâne. Ses oreilles se baissent encore plus que précédemment comme si elle était coupable de quelque chose, puis son regard louchant se relève vers la base du doigt avant de se reposer sur le visage d'Artiön. Ses oreilles se redressent d'une certaine indignation bien qu'elle se mette tout comme lui, à pouffer de rire.

- Me rendre aussi musclée que toi serait sans doute tout aussi disgracieux et peu utile. Coupons la poire en deux, nous sommes désormais quitte.

L'Elfe aimait bien son galbe, pas qu'elle ne soit particulièrement plus taillée que la majorité des elfes, mais elle n'avait aucune haine contre son corps en particulier. Une séance de course contre une séance de transport par Artiön, c'était là un équilibre honnête. Tout comme le Roi, Illynora s'interrompit et changea d'expression en voyant ce qui se déroulait devant elle. Elle était bien, bien loin de s'imaginer qu'elle verrait un jour une telle situation se produire. Jamais, elle n'aurait imaginé qu'une telle chose était possible et ce n'était même pas référencé. La magie des esprit n'avait de cesse de la surprendre.

Elle suivit silencieusement le petit tête de souche jusqu'à ce que ce dernier n'achève son œuvre. Illynora s'accroupit à côté de l'arbre mais n'usa aucune magie, ne fit rien du tout. Il était bien plus compétent et sans doute plus à même de savoir ce qu'il désirait. Aucune intervention n'était nécessaire ou du moins pas magiquement. Elle se retourna afin d’observer la main de T'sisra et la vit reculer avec une mine qu'elle ne cerne pas immédiatement mais qui n'a rien de joyeux.

- Bientôt tu le ressentiras peut-être comme nous le ressentons. Voici l'origine de notre paix et de ma haine envers ceux qui détruisent tout. Il est magnifique, ses pétales immaculés à l'image de tout ce que vous avez partagé.

Cette intervention faisait écho à ce qu'elle avait avancé concernant la symphonie en Ardamir.

- Mais ce n'est que le début de sa croissance et je suis persuadée qu'il sera bien plus que ravi que tu t'arrêtes de temps à autre lui raconter tes aventures. Parfois, les mots et les intentions sont plus percutants que la magie.

Elle n'allait pas s'éterniser, ce n'était pas dans ses habitudes. Ce n'était que quelques mots de réconforts, mais elle les pensait véritablement et ils étaient dans la continuité logique de sa décision de vivre seule dans la nature. Elle se releva, observa à droite et à gauche la petite foule qui s'était rassemblée autours du lieu, les curieux s'amassaient.

- Sans doute pourriez-vous remercier T'sisra pour ce miracle, car nous y sommes étrangers. Une étrangère à la forêt serait donc plus à l'écoute que nous tous ? Une vraie leçon d'humilité n'est-il pas ?

Une phrase lancée en l'air d'une voix un peu plus forte que d'habitude pour qu'elle soit audible de tous. Elle n'attendait pas de réponse, mais cela s'inscrivait dans le fait qu'elle se déchargeait de tout mérite sur la Daedhelle afin que les autres la voient différemment. Si cela lui permettrait de ne plus être mise au banc de la cité, elle n'en serait que ravie ; elle ne faisait qu'agir que comme elle l'avait promis précédemment.

Bras croisés, Illynora fit demi-tour, s'éloignant du groupe et de la foule.