Si en apparence il laissait paraître l’air d’être complètement éloigné de cette discussion, la tête vers l’arrière et le regard vers le plafond de la cabine, Rokvenha n’en ressentait pas moins. Ainsi, elle avait été traitée comme une traîtresse par les siens et même son propre “époux” cherchait à lui arracher le Souffle. Le capitaine écouta attentivement, gardant toujours cet air détaché quand la Rose évoqua ensuite les erreurs d’Holden qui l’avait mené jusque là. Par chance, ce rat de cale n’était plus et il devait à présent nourrir les quelques poissons des côtes Ydrilotes.
Il soupira, une fois, deux fois et ramena sa tête vers elle.
“Pour Siriac, j’suis pas v’nu car j’ai pas fait confiance à Holden, visib’ment, j’ai bien fait d’pas me ram’ner, vu c’qui m’y attendait.” Il essaya un bref sourire comme pour faire passer cette excuse du mieux possible.
“Si t’es sûre d’toi, aye, t’auras fort à faire à Méca. On a rarement eu d’Nobliaude tout prop’ et qui sent bon qu’a trémoussé son p’tit cul sur les ponts d’nos navires… J’crois même qu’y’en a jamais eu, tu s’ras la première ! Héhé.” Il sentait que quelque chose dérangeait Adélina, comme des souvenirs qui lui revenaient en tête quand elle lui racontait certaines choses. Il n 'en fit rien, du moins, pas ce soir, ne voulant pas forcément aller la chercher dans ses retranchements. Adélina hocha doucement la tête alors qu’il lui sortait une excuse au sujet de Siriac. Si au départ elle ne l’avait pas vu ainsi, c’était peut-être mieux que ce dernier lui cause un lapin vu ce qui l’attendait là-bas. Elle se retint aussi de lui reprocher que si ce dernier ne lui aurait pas demandé de le retrouver là, elle n’aurait probablement pas terminé en geôle… Elle haussa les épaules, remplaçant délicatement une mèche de ses cheveux. Sans le vouloir, elle sembla se détendre, comme rêveuse, elle continua;
« Je suis sûr de moi… Je veux retrouver la liberté que tu m’as montré. Je veux voyager. Vivre. Mais les manières de nobliaude ne disparaîtront pas de sitôt. J’espère que tu le sais.» La duchesse passa ses bras à nouveau autour du cou du forban, se rapprochant de ce dernier. Elle aimait son contact, son odeur, ses caresses, qui plus cela semblait réciproque vu que le capitaine ne manquait pas une occasion pour la toucher ou même l’observer. Mais malgré tout cela, une question lui brûlait les lèvres. Une question qu’elle savait qui la tracassait depuis deux mois déjà. Mais elle savait pertinemment que cela risquait de frustrer le capitaine, décidant de prendre le risque, un murmure fusse de ses lèvres;
« Je peux me permettre une question? » Elle sonda son expression avant de reprendre;
« Que s’est-il passé à l’île aux pins? » Il y en avait tant d’autres, mais elle s’arrêta… Pourquoi n’es- tu pas venue me chercher? Pourquoi m’as-tu laissé dans les griffes de ce monstre? Les questions restèrent prise dans sa gorge, comme incapable de sortir.
Une grimace, puis un grognement, voilà comment le mécan accueilli la question de la baronne avant de souffler lourdement en la fixant. Si Adélina avait été observatrice, elle aurait pu remarquer que quelque chose manquait sur le Rokvenha, mais aussi Rocaille et Croqueuse. En effet, l’anneau d’or symbolique avait disparu de l’apparat des marins.
“Sur l'île ?” Il marqua une courte pause avant de reprendre.
“C’jour là, l’Wagyl Noir a rejoint les Abysses et tous ceux qui s’y trouvaient doivent maint’nant culbuter les sirènes dans l’Palais d’Eris héhé.” Il esquissa un sourire à l’idée de voir ses anciens camarades enchaîner les beuveries et les orgies.
“J’sais pas moi-même c’qui s’est passé. Quand on est rev’nu d’sous terre avec l’plantes on pensait r’trouver les aut’, mais rien, enfin, si… L’bout’ éventré et qu’des cadavres qu’les flots avaient rejeté.” Il soupira et fronça les sourcils.
“Toi aussi j’ai bien cru qu’t’avais rejoins l’fond, j’t’ai cherché pendant un temps… J’avais rien qui pouvait m’dire si t’étais en vie ou non et même quand Holden m’a dit qu’t’avais pu r’joindre la Péninsule, j’pouvais pas m’jeter la gueule la première et tu sais pourquoi. Ton Duc avait fait d’moi un homme à abattre, ma tête était partout et puis surtout, j’avais d’aut’ impératifs avec l’miens. Impossib’ d’faire d’écart d’route à c’moment là.” Il ferma les yeux sous les caresses de la baronne.
“J’pouvais m’lancer à ta r’cherche que si j’avais l’moyens d’le faire.” Au fur et à mesure que le Capitaine racontait son récit, Adélina eut l’impression que son estomac se tordait. Sa respiration s’accéléra, tout d’abord doucement et lorsque ce dernier mentionna que le boutre avait éventré, elle ferma brusquement les yeux. Ses mains se mirent à trembler, et elle lâcha rapidement le capitaine. Cette soirée restera ancrée dans sa mémoire à jamais. Elle pouvait presque se revoir sur le Wagyl à attendre l'arrivée de Caleb de sa quête. La nordienne se rappelait de l'inquiétude qui l’avait habité à ce moment-là, puis la panique qui s’était installée sur le boutre lorsque la vigie avait finalement aperçu l’autre navire. Adélina lâcha le pirate, avant de se relever d’un bond. Faisant quelques pas dans la chambre, comme si elle essayait de cacher la panique qui montait en elle au capitaine, car c’est ce que c'était… De la panique. Sa respiration devenait de plus en plus rapide, saccadée. Elle s’arrêta près du mur - dos au Rokvenha, avant de mettre sa main sur le bois, sa tête se baissa un instant comme si elle allait être malade. Elle ne lui en voulait pas - c’était logique. Comment aurait-il pu la retrouver sans moyen de transport? Comment aurait-il pu savoir qui l’avait attaqué? Ou même s’approcher d’elle alors qu’elle était à Soltariel… La nordienne se retourna finalement vers le pirate, son expression était étrange, sa respiration rapide, comme si elle manquait d’air. Elle chassa la vision de Garrick qui lui remonta en mémoire avant de déglutir. Puis, semblant avoir une seconde d’accalmie, elle put reprendre;
« Le boutre a été attaqué par un autre équipage… Le vengeur » murmura-t-elle. Incapable de se calmer, ses poings se serrèrent, avant de murmurer;
« Tu veux dire que personne a survécu? » Il la regarda faire sa crise de panique et ne bougea pas de son fauteuil, lui laissant le temps et l’espace nécessaire pour se calmer d’elle-même. Rokvenha le savait, elle se rendrait bien vite compte qu’elle n’est plus dans cette situation critique et tout s’arrangerait en y laissant le temps. Il se réajusta sur son fauteuil, continuant de garder son attention sur elle.
“Aye, aucun n’a survécu… Enfin, à part Rocaille, Croqueuse et moi.” Il sembla stoïque à cette histoire, qui pourtant l’avait totalement changé et chamboulé aussi.
“L’Vengeur t’dis ? J’connais pas… J’suppose qu’si t’es là et qu’le Duc t’as r’trouvé c’est qu’il a fait payer à cet équipage… Eris m’est témoin, j’crois qu’c’est mieux pour lui qu’ça c’soit passé d’cette manière là plutôt qu’j’y foute mes mains d’ssus.” Il continua d’attendre qu’elle se calme et resta toujours assis.
“Donc toi, l’Vengeur t’as prit c’jour-là si j’pige bien, c’est ça ?” Caleb le savait, sa prise de l’époque avait surement fait des envieux pour ceux qui avaient été assez curieux pour tendre l’oreille aux ragots et même si la plupart n’avaient rien essayé contre lui, d’autres équipages ne manquaient pas de cran et de folie pour s’attaquer à un équipage compatriote qui valait une si belle fortune. La jeune femme se laissa glisser sur le sol, son dos appuyé contre le mur, elle tentait tant bien que mal de contrôler sa respiration qui ne semblait que s’accélérer après les paroles du Rokvenha. Elle ferma les yeux pendant une seconde, chassant les horribles souvenirs qui remontaient, se concentrant sur sa respiration.C’était fini. Il ne pouvait plus la toucher. Elle ne répondit que par un vague hochement de tête. Elle souffla pendant une seconde, avant d’ouvrir à nouveau ses yeux, posant son regard sur le capitaine.
« Oui. Je t’attendais sur le pont. La vigie l’a vu trop tard, ils sont arrivés alors que le soleil se couchait et nous a éperonné. » Elle prit une nouvelle bouffée d’air, avant d’expirer doucement de nouveau.
« Morveux m’a dit de me cacher avec Gabriel, mais ils nous ont trouvé et nous ont ramenés sur leur navire. » Elle passa sa main près de son oeil droit, enlevant une larme qui perlait au coin.
« Après il m’a enfermé dans la cale, je n’ai pas revu Gabriel avant plusieurs ennéades. » Son regard se baissa, semblant honteuse.
« Tu verras bien un jour ce qu’il m’a fait. » Après tout les marques qui ornaient son corps et ses jambes laissaient peu de place à l’imagination. D’ailleurs, le forban avait probablement déjà remarqué que la noble était extrêmement menue, encore plus que lorsque leur dernières rencontres - preuve qu’elle n’avait pas totalement récupéré des traitements particulier que lui avait gracieusement offert Garrick. Adélina ramena ses jambes contre son torse, les entourant comme pour se protéger d’une menace invisible.
« Garrick a tenté de faire le malin et de récupérer la rançon. Il a fait l’échange sur une petite île, j’ignore où, mais il avait oublié quelque chose. » La nordienne releva soudainement son regard vers Caleb. Un regard bien différent de ce qu’il avait vu jusqu’à maintenant. Une colère sourde, violente, appelant à la vengeance.
« On s’attaque pas au Rokvenha et à sa Rose sans rien recevoir en retour. » Sa respiration s’était étrangement calmée, devenant de plus en plus profonde.
« Je lui ai planté ton poignard dans la gorge. Aubry a fini les autres, et les mages Soltaarii ont brûlé leur navire et le reste de leur équipage. Aucun n’a survécu. » Son air sembla se radoucir, avant qu’elle serre un peu plus ses jambes avec ses bras.
De sa position, il écoutait le récit, toujours impassible en apparence. Lentement ses yeux parcouraient le corps d’Adélina et détaillaient les nombreuses cicatrices et autres marques qu’elle arborait sur son corps. Il se pencha en avant, comme pour se rapprocher d’elle, mais resta néanmoins toujours assis sur son fauteuil.
“Alors, il a eu c’qu’il méritait.” C’était une punition bien trop légère comparée à ce qu’avait imaginé le Rokvenha, mais c’était ainsi, il ne pouvait pas ramener cet homme pour le punir à son tour.
“Maint’nant que j’sais c’qui s’est passé ce jour-là, j’vais sûrement pouvoir faire l’deuil d’mes camarades.” Il se releva ensuite et s’approcha d’elle, lentement, pour ne pas l’effrayer. Il s’accroupit devant elle et chercha à capter son regard.
“C’qui t’as fait subir peut pas disparait’, mais ça fait d’toi c’que t’es aujourd’hui. Ça sert à rien d’se faire tout un truc pour un gars qu’a cané surtout qu’il a voulu manger plus gros que c’qu’il pouvait.” Il essaya de lui sourire et se releva en lui offrant sa main pour la lever à son tour. Adélina hésita un moment, avant d’attraper doucement la main tendue du Rokvenha. Debout devant lui, la jeune femme ne put s’empêcher de le fixer, observant sa réaction, comme effrayé d’imaginer ce qu’il pouvait penser à ce moment précis.
“Tout ça est fini, derrière toi… Y’aura plus d’gars pour t’faire subir d’pareilles choses et encore moins qu’oseront l’faire.” Il sécha une des larmes qui coulait encore sur la joue d’Adélina.
“Et ça s’ra à toi aussi, d’leur montrer qu’même y penser causera leur perte.” Il lui offrit enfin un dernier sourire avant de la relâcher doucement. Caleb avait raison. Elle n’était plus la jeune femme innocente qu’il avait rencontré à Bransat. D’ailleurs, Adélina ne se souvenait même plus de cette personne-là. Cela faisait un moment qu’elle avait l’impression qu’après autant d'incendies, autant de problème, elle ne pouvait même pas déterminer si elle brûlait toujours ou était en vie. Elle rattrapa le Rokvenha alors qu’il la relâchait, le forçant à lui enserrer la taille avant de planter son regard dans le sien. Elle lui fit un léger sourire, avant de répondre:
« Alors je vais montrer à ce monde ce que je peux réellement faire. » La jeune femme souffla du nez, maintenant totalement calme avant de lancer un regard amusé au capitaine.
« Lina, Reine de Meca sonne bien… non? » Il se laisse faire, l’accueillant dans un sourire.
“Aye, ça sonne bien, mais c’est pas dit qu’je serai moi-même l’Roi d’Méca.” Il glissa une de ses mains hors de la taille pour replacer une mèche derrière l’oreille de la jeune femme.
“J’sais même pas si c’est c’qui m’tenterai pour tout t’dire. Y’a fort à faire et j’préfère encore d’loin êt’ celui qu’Méca a b’soin et craint qu’celui qu’règne sur Méca…” Il dodelina de la tête.
“J’pense qu’on aura l’temps d’voir c’qu’on peut faire une fois sur place, mais on aura pas mal à faire dès not’ retour.” Adélina haussa un sourcil, taquine avant de rétorquer;
« Qui a dit que tu serais Roi à mes côtés? » La jeune femme ne put s’empêcher de lui lancer un regard moqueur. Il saurait qu’elle blaguait, puis reprenant un air un peu plus sérieux, cette dernière l’écouta avec attention. Lui, fronçait les sourcils à cette idée, comprenant l’humour et la blague tout en feignant de s’en offusquer.
“En c’cas, y aura ni Roi… Ni Reine.” On aurait dit qu’un poids s’était enlevé de ses épaules, comme si les conventions péninsulaire avait finalement été jeté à l’eau. Peu importe ce qui était arrivé, le capitaine ne la rejetait pas… Il avait raison, il était temps d’avancer, de prendre cette expérience - aussi pénible qu’elle fut - et grandir avec elle. Adélina levant légèrement le menton, écoutant avec attention le mécan alors qu’il lui disait ses pensées.
« Si il y a une chose que je peux dire c’est qu’un titre ne fait pas l’homme… Il y a tant de personnes en péninsule qui ont un titre qu’ils ne méritent pas - qu’ils ne savent pas utiliser. » Sa main se posa sur son torse, caressant doucement le tissu de sa veste.
« Je crois qu’on peut faire notre propre légende sans avoir besoin d’être quiconque. » Après tout, elle-même était passée de petite dame du nord à Duchesse de Soltariel. Si elle pouvait le faire en péninsule, elle pourrait définitivement le faire ailleurs, mais cette fois, pour son propre profit.
« Quels sont tes plans une fois que nous serons arrivés? Et surtout que puis-je faire pour t’aider? » Le capitaine se détacha lentement de l’emprise de la jeune femme, non pas pour la fuir, mais pour se diriger vers son bureau, ses notes et sa carte nautique. Il se pencha dessus, appuyé de ses mains sur le bois et planta son regard dans son travail.
“Une d’premières choses à y faire… Ca s’ra d’revend’ c’qu’on a amassé pendant ces quelques jours en péninsule. Un peu d’repos nous f’ra pas d’mal non plus.” Il souffla du nez comme si une brève pensée l’avait quelque peu épuisé sur le moment, il faut dire que lui et ses hommes n’avaient pas arrêté ces dernières ennéades.
“Puis après… J’pense qu’on devrait aller voir les Elfes. Plus tôt j’pourrai négocier l’accord avec eux, mieux ça s’ra.” Relevant son regard vers Adélina.
“Ca va d’pendre de c’qu’on y trouve là-bas et avec qui on négocie. J’me doute bien qu’ça va pas pas êt’ avec l’premier pointu qui passe donc faudra p’t’êt’ quelqu’un qu’présente bien.” Il la pointe de son index.
“J’verrai.” La nordienne avait suivi le Rokvenha, se mettant volontairement de l’autre côté de la table alors que ce dernier se penchait de nouveau sur le fouilli qui se trouvait sur son bureau. Elle se pencha légèrement avant d’attraper avec précaution l’objet elfique que ce dernier lui avait montré un peu plus tôt. Sa tête se pencha légèrement sur le côté, regardant de nouveau les inscriptions elfiques.
« Je m’en doute.» Négocier avec les elfes serait probablement difficile. Adélina avait vaguement entendu parler de leurs manières, des elfes des cités qui vivaient en parfaite harmonie avec leur environnement. Briser cette harmonie pour du commerce devrait être négocier finement.
« D’ailleurs, en parlant de revente… » Adélina releva son regard vers le Rokvenha, lui faisant un léger sourire.
« J’ai un marché à te proposer pour certaines marchandises que tu as réussi à accumuler.. » Trop concentré sur ses notes, il n’avait même pas remarqué qu’Adélina s’était saisi du clepsydre.
“Mmh tu m’proposes quoi ?” Il se doutait un peu de quelles marchandises elle voulait parler et coupa court.
“Si tu m’parles d’femmes, faut qu’ton offre m’plaise plus qu’celles d’marchands d’chair à Thaar, mais dis toujours.”Adélina n’était définitivement pas surprise par la réponse du pirate. Sans attendre, elle déposa doucement le Clepsydre, avant de reprendre la parole, mettant sa main dans la poche de ses pantalons.
« Je me disais qu’un massage ne serait définitivement pas assez. Quoi que je ne suis pas certaine que les marchands de chair thaari puissent réellement faire un meilleur travail que moi. » Elle en sortit un petit sac, l’ouvra rapidement avant d’en sortir deux broches ornées de pierres précieuses.
« Fait par le meilleur orfervrier de Soltariel… » dit-elle en souriant, confiante. La nordienne avait déjà parler avec les femmes qui se trouvaient dans la calle. Deux d’entre elle était déjà des esclaves du marchand qui l’avait récupéré. Ces deux femmes lui avais déjà bien appris sur le prix d’un souffle à Thaar et Adélina était bien consciente qu’elle offrait beaucoup plus que ce qu’un marchand pourrait vouloir.
« Tu le sais autant que moi que c’est une offre des plus généreuse… »Caleb releva la tête vers les bijoux, comme attiré par ces derniers. Il plissa le nez dans leur direction comme s’il cherchait à en juger leur valeur de sa position.
“T’veux m’racheter les donzelles ?” Dit-il en revenant à Adélina.
“T’comptes en faire quoi ? Tes femmes d’compagnies ? Héhé” il se targua d’un rire presque moqueur, une des rares fois ou le comportement d’Adélina et ses manières de nobles semblait l’amuser.
“Range moi ça t’veux bien ? J’ai pas qu’ça à fout’...” Il replongea son nez dans les notes.
“Donc faudra vendre l’tout dès qu’on s’ra d’retour à Méca, ça devrait partir assez facilement…” Il sembla de nouveau concentré dans ses calculs.
« Rok… » Il était très rare pour la nordienne de l'appeler ainsi et généralement, c’était pour réellement attirer son attention. Son expression avait changé, devenant beaucoup plus sérieuse. Adélina voulait qu’il la prenne au sérieux, si elle avait abordé le sujet à la blague, cela ne voulait pas dire que sa requête était sans fondement.
« Je ne blague pas. Je te les achète les cinq.» Adélina déposa les deux broches devant elle, avant de refermer le petit sac qui contenait encore quelques-unes de ses possessions de Duchesse, avant de le remettre dans ses poches, les gardant volontairement le plus près d’elle.
« J’ai besoin de gens de confiance et j’ai la certitude qu’elles peuvent m’aider. » Il poussa un second rire moqueur et s’arrêta net en la fixant.
“D’confiance ?” Il la regarda, le sourcil haussé l’air de voir si elle était bel et bien sérieuse et il remarqua que c’était le cas.
“Allons Ma Rose… T’peux pas m’dire qu’des donzelles r’trouvées sur un rafiot sont dignes d’confiance, elles s’raient prêtes à vend’ leur père et leur mère là maint’nant pour r’trouver leur liberté…” Il secoua la tête et balaya l’air devant lui, comme s’il chassait cette discussion.
“Naye, j’te les vends pas.” La jeune femme pencha la tête sur le côté, observant le Rokvenha pendant une seconde.
« Et pourquoi pas? Je te fais une offre généreuse… Tu n’auras pas autant que ça des marchands Vaanis… » Adélina se mit à marcher doucement, faisant le tour de la table, non sans garder son regard ancré sur le forban. Elle se plaça derrière ce dernier, passa ses mains dans le bas de son dos, se faufilant sous sa chemise. La nordienne ne put s’empêcher de frissonner au contact de sa peau chaude sous ses doigts.
« Justement, si ces dernières sont désespérées, elle ne cracheront pas dans les mains de celle qui les ont sauvés... » Ses mains se faufilèrent vers son ventre, glissant pour rejoindre sa taille.
« De toutes façons qu’est-ce que tu perds à me les vendre à moi au lieu des marchands Thaari? » La jeune femme lui embrassa doucement le dos avant de poser sa joue contre ce dernier, elle ferma les yeux, savourant le parfum du capitaine. Au final, qu’il accepte ou non était peu important, elle pourrait probablement les avoirs pour moins cher du marchand Vaani…
Le mécan soupira sous la manipulation de la jeune femme qui était bien trop prévisible.
“Lina…” Lâcha l’homme dans un souffle, un brin amusé et dérangé par cette initiative.
“S’tu penses pouvoir obtenir tout c’que t’veux d’la sorte, j’préfère t’arrêter tout d’suite, ça marchera pas.” Il se laissa néanmoins faire, frissonnant sous les caresses.
“T’veux sauver ces donzelles, j’comprend bien… Et t’as pas tort que j’en tir’rai pas un aussi bon prix en l’vendant à Méca.” Il renifla fortement.
‘Aye, vendu en c’cas…” Il se redressa, laissant la jeune femme l’enlacer.
“Fais c’que t’veux d’elles, mais viens pas m’voir si l’une d’elles tente d’te la mett’ à l’envers ou d’se barrer ou tout aut’, j’rembourse pas.” La jeune femme hocha doucement la tête, avant de desserrer son étreinte, ses mains caressaient toujours le forban, rejoignant doucement le bas de son ventre. Elle pouvait le sentir frissonner sous ses caresses, et Adélina ne put s’empêcher de sourire en le tenant ainsi contre elle.
« Promis. » Répondit-elle simplement, puis prenant un air plus sérieux elle murmura doucement;
« Tu peux pas me protéger de tout… Sinon tu devras faire comme les autres; me marier et m’enfermer dans un palais….» Elle lui donna un léger baiser sur son dos, alors que ses doigts continuaient doucement à suivre sa ceinture.
« Je te promets que tout ira bien. »Il la laisse ainsi faire, continuant l’air de rien de s'intéresser à autre chose comme les broches ainsi proposées en échange de la liberté des jeunes prisonnières. Il en détailla une de son œil avisé et grimaça. Ca ne serait pas simple de revendre pareil ornement, mais il disposait de quelques contacts qui seraient probablement interessés.
“Alors rassure toi, l’mariage et aut’ machin d’ce genre là n’fais pas partie d’mes projets et t’as r’marqué que j’disposais pas d’un palais ? Héhé ! Te v’là sereine d’ce côté là.” Il avait beau feinté le manque d'intérêt, les caresses et autres taquinerie au niveau de sa taille ne le laissait pas de marbre, il souffla alors devant la prise d’initiative d’Adélina.
“T’as bien changé Lina… Ou c’est que j’t’ai tant manqué qu’ça ?” Adélina ne put s’empêcher de sourire à la remarque du mecan. Elle se doutait bien que le mecan ne la marierait jamais, ni lui donnerait volontairement une famille, mais c’était un sacrifice qu’elle était prête à faire pour la liberté qu’il lui donnait.
« Me voilà rassurer…» La jeune femme continua ses caresses pendant un moment, sentant les frissons du forban alors que ses mains se glissaient sous la ceinture de ce dernier.
« Difficile de ne pas changer après tout ce qui s’est passé. Mais la dernière fois je n’étais qu’un sac d’or n’est-ce pas? » Une façon enjolivée de dire qu’elle était sa captive. Ses mains arrêtèrent son mouvement.
« Mais si cela te dérange je peux arrêter et te laisser te concentrer. » Si le Mecan se retournait il pourrait voir l’air amusé de l’alonnaise.
Il souffla à la remarque, elle n’avait pas tort, à leur dernière rencontre, la jeune femme n’avait d’intérêt que pour sa valeur et même si les choses ont peu à peu changé entre temps, il n’avait jamais envisagé autre chose qu’encaisser la somme proposée pour sa liberté. Cette fois-ci, il y avait quelques changements. Si Adélina n’avait pas de réelle valeur à la clef, le Rokvenha voyait tout de même certains avantages à la garder à ses côtés. La Rose avait beau être déchue de ses titres et de ses terres, pour les mécans, elle restait l’ancienne baronne d’Alonna et la Duchesse de Soltariel. Elle dégageait quelque chose qu’aucune autre femme sur cette ile ne pouvait égaler. Ses connaissances, son éducation et ses atouts faisaient d’elle une alliée de taille et qu’il valait mieux avoir auprès de soi que chez un autre. C’était entre autres une des raisons de son changement d’attitude, enfin, de ce qu’il prétendait contrôler et ressentir. La vérité était bien plus nuancée que ça.
Il ne se retourna pas, souriant tout de même en s’efforçant de rester concentré.
“T’vaux plus qu’un sac d’or maint’nant, aye… Mais tu restes toujours un investissement qui m’intéresse.” Il ne se détacha pas des mains vagabondes de sa partenaire et souffla du nez.
“Ca fait un p’tit moment qu’j’arrive plus à m’concentrer…” Un investissement… La nordienne ne put s’empêcher de sourire. Venant du capitaine, c’était presqu’un compliment. Lui qui ne semblait pas réellement s’attacher à personne - du moins - à personne d'autre que son équipage. Et voilà que le fameux Rokvenha se pliait en deux pour revenir en péninsule alors qu’il était recherché. Tout cela… pour elle. Le sourire de la nordienne s'agrandit alors qu’elle entendit la réplique du forban.
« Curieux comment les choses changent… » Adélina avait bien remarqué sa façon de la regarder alors qu’ils se dirigeaient vers l’île au pin. Elle n’avait pas oublié leur douce étreinte, la caresse qu’il avait laissé sur sa joue à Meca dans sa chambre… Tout ça était des signes que l’un et l’autre n'avaient pas avouer. Du moins, jusqu’à maintenant. Plus, Caleb lui avoua qu’il n’était plus réeelement concentré et il n’en fallu pas plus à la jeune femme pour passer à l’étape suivante. Elle fit tourner le Rokvenha pour que ce dernier lui fasse face et ce dernier obtempéra sans aucune résistance - au contraire - ce dernier semblait même amusé par la situation, et il fallait dire que l’envie ne semblait pas lui manquer à son tour. Elle se mit sur la pointe de ses pieds pour l’embrasser, déboutonnant la veste de ce dernier, pour la lui retirer, ses mains se faufilèrent ensuite sur sa chemise l’enlevant rapidement. Puis son regard s’arrêta sur les innombrables tatouages qui ornaient le corps du forban, s’arrêtant sur une cicatrice qu’elle connaissait bien. Son index suivit la marque, alors qu’elle resta pensive. Curieux à quel point quelqu’un pouvait marcher dans votre vie comme un étranger, et que soudainement il prenait une place aussi importante. Elle l’aimait… Parce que dans un monde où elle s’était sentie sans valeur, pour lui elle était devenue quelqu’un d’important. Pour la première fois depuis des mois, Adélina avait réellement l’impression d’être là, où elle devait être. L’alonnaise planta finalement son regard dans celui de Caleb avant de lui lancer un sourire, puis elle l’embrassa de nouveau, se laissant guider par une passion soudaine qui les emporta tous les deux.