Fanal sur La Queue [Caleb]

Entre pensées et actes, la frontière se trouve parfois bien plus difficile à franchir qu’un océan tout entier durant une brise fougueuse à l’orage terrible. Prôner le Temps du Jugement dans une taverne miteuse de La Dross était quelque chose ; réussir à mette en œuvres les sentes et accès pour y parvenir était tout autre. Pour la Fraternité du Marteau, le temps actuel était dur, coriace, irascible. Non point que les frères et sœurs n’en aient perdu l’habitude ; à dire vrai, ils n’avaient jamais connu le faste, mais s’efforcer de toujours courir après un goret dorée, avait de quoi fatiguer même le plus endurci des nains. Il fallait être inconscient ou fou pour le contraire : Nimir, était un savant mélange des deux.

Lui, ne craignait rien. Il se savait baigner dans la chaleur douce du Père de Tout, il se savait surveiller, il savait son destin tracé, pourquoi donc ressentir fatigue, peur et faim alors ? Des élucubrations fantasques d’on il arrivait à se persuader au moment les plus sombres de la nuit et des délires qui le submergeaient parfois. Mais Nimir était ainsi fait, et malgré l’éclat dantesque qui mangeait ses mires, il conservait une emprise et une aura chez ses suiveurs qui voyaient en lui, un réel guide. Cela n’empêchait pas bien sûr les tensions et les chicaneries, même chez les plus fidèles, mais les nains gardaient toujours enfuis en eux, la certitude que « N’a qu’une main » comme ils aimaient le surnommer, était touché par Mogar. Pour ces croyants égarés dans un monde qui les rejetaient, cette certitude se suffisait à elle-même pour continuer d’aller au charbon matin après matin.

Guidant ses ouailles, il avait d’abord décidé de prendre quelques temps de rapine et de brigandage sur les terres du Sud. Jamais trop importante : son groupe n’était plus d’ampleur à rivaliser contre des gens d’armes bien préparés. Mais voler le pauvre restait facile quand on savait s’organiser. Ô ils avaient fait quelques belles prises, mais l’or fondait plus rapidement qu’un glacier au soleil de l’Été. Ainsi, les lendemains n’étaient jamais pavés de certitude et la Fraternité continuait à avancer dans une obscurité semi épaisse, un imbroglio morne de fierté éphémère et de rancœur ancré.

Mais l’hiver arrivait à la vitesse d’une rafale folle, avec lui le froid et les difficultés. Trop sachant pour ignorer, Nimir avait décidé de mettre de cotés ses ambitions Zagazornienne. Et ça, malgré les échos qu’il recevait encore régulièrement de ses nains infiltrés dans les bonnes mœurs. La Terre promise attendrait quelques jours meilleurs. « Tu seras quand il faudra fils, le Père montre Tout, car le Père sait Tout. Si tu doutes, ne doute pas, si tu faillis, ne faillis pas, le sentier te serra révélé en temps et en heure, sans aucuns retards. Garde de toi de l’impatiente, contient ta fougue, pour le jour ou elle sera réellement mise à bonne escient ». Des paroles de Maître Hilmar qui comme souvent, lui revenait à la caboche dans les durs moments.

Car c’était la, un dur moment.

Poussé par un contrat d’escorte dans les contrées limitrophes entre l’Itrhi’Vaan et la Péninsule, la Fraternité se préparait à hiverner dans un endroit ou elle limiterait la casse lié au froid. Malheureusement, après cet entregent, la source c’était tari et avait forcé Nimir à opter pour la route plus au Nord ; plus précisément dans la partie que les hommes nomment « Le Médian ». Ici, pas de plus grosses bourses, mais quelques colifichets suffisant pour la graille. Et c’est, sur une crique faisant face à l’Eris, que le campement fut monté. Jusqu’ici, rien d’absurde encore, mais cela n’allait point tarder.

Alors qu’il volait sur le dos d’Akvar en l’accompagnant dans une partie de pêche, le Capitaine Mercenaire se fit surprendre par une menace aussi violente qu’imprévue : une foutue tempête. Le Kronriksmote, bien qu’habile, fut lui aussi totalement prit au dépourvu et dut jouer d’esquive, de pic et de voltige pour éviter l’éclair et la bruine. Nimir, sur son dos, avait hurlé à la mort. Dans l’écho terrible du tonnerre, ses cris s’étaient changés en rictus dément implorant le nom de Mogar. Le temps avait semblé se distendre, puis ralentir et le nain et sa monture en perdirent la notion même.
Ils survécurent pourtant : les nuages se dissipèrent au loin, formant une soucoupe noiratre qui promettait mort à quiconque y pénétrerait. Le Prêtre défroqué eut à peine le temps de souffler, car il comprit alors, qu’il était la perdu en plein océan. Pas le pied marin pour un écu, il continua de diriger tant bien que mal Akvar qui avait perdu moult énergie dans cette entreprise. Pis encore, l’Aigle semblait blesser. Le sort s’acharnait donc et c’est presque silencieux qu’ils planèrent ensemble, tout du long, jusqu’à réussir à s’échouer sur un morceau d’île qu’ils avaient distingué à la lueur de la Dronta.

Ainsi, Nimir se retrouvait tel un naufragé, sur un morceau de terre qu’il ne connaissait pas, sans aucunes ressources. Il pensa un moment à abattre son compagnon, pour le manger, quand la faim serait venue : mais pouvait – il vraiment faire cela ? Le Kronriksmote sembla deviner ses pensées et bien qu’il ne puisse plus décoller, s’éloigna de lui en lui promettant quelques coups de becs rageurs s’il s’approchait. Une situation inextricable, bien qu’au loin, on pouvait apercevoir d’autres îles. Jugeant que la situation ne pouvait que s’améliorer, Nimir s’obstina alors, jours après jours, à invoquer l’éther. Autant que ses forces le permettaient, il invoquait une mince et longiligne colonne flamme. Rien de très compliqué, ni même trop énergivore, mais à n’en point douter plus que visuel.

Si quelqu’un passait non loin, il le remarquerait. Restait à savoir, s’il serait bien intentionné.

Naviguer est pour la société mécane un des piliers de son mode de vie, mais aussi une manière de profiter de sa liberté. Chacun y voit son propre intérêt à le faire, que ce soit pour la pêche, affréter des marchandises dans les différents ports de Miradelphia et même traquer et piller les navires des autres nations transportant des marchandises. Qu’importe la raison, un mécan trouve sur les flots sa raison de vivre et bien souvent son bonheur.

Pas cette fois-ci.

Le “Second Souffle” avait repris la mer depuis quelques jours, à la demande du Rokvenha et ce malgré les directives de repos. Si l’expédition n’était pas prévue, l’équipage n’avait pas rechigné à l’idée de fouler de nouveau le pont du boutre car la destination n’était pas éloignée et les mésaventures, presque nulles. Seul le capitaine éprouvait une difficulté à se rendre à destination, non pas à cause de la navigation, mais bel et bien pour ce qu’elle représentait pour lui.

L'île aux pins. Située au Nord de la cité insulaire. Théâtre de la pire tragédie que le Rokvenha a eu à vivre dans sa courte vie. Son premier navire et équipage ayant trouvé le repos éternel sur ces rivages et les horreurs vécues dans les entrailles de la terre hantent encore ses nuits. De ce triste jour, il en porte encore le lourd fardeau et à cet instant, alors qu’il se dirige à nouveau vers cette île, il ne ressent aucun plaisir à ressentir l’air salin sur son visage.
S’il s’inflige cette peine, c’est qu’il estime y trouver son intérêt. Le premier concerne Adélina et son passé péninsulaire. La jeune femme souhaitant retourner sur les lieux pour rencontrer à nouveau la Médée afin de rompre ses voeux de mariage. Cependant, le capitaine doute fort que la vieille religieuse puisse faire quelque chose auprès d’un tout autre panthéon, d’une croyance pour laquelle les mécans ne portent que peu de considération.
Le second intérêt le concerne directement. Alors qu’il est devenu le “Fidèle de la Médée”. Le Rokvenha ne sait pas ce que cela sous-entend et ce qu’Eris et les autres Dieux lui réservent ou attendent de lui. Il espère alors pouvoir discuter avec la Médée, lui aussi, afin d’avoir des réponses et, si l’Impétueuse le désire, rendre service.

C’est donc à l’Est de l’île principale, que le boutre remonte doucement vers le Nord en défiant l’Eris et ses imprévus. La voie n’est pas la plus rapide, mais Rokvenha voulait montrer à Adélina les paysages de l’est de Méca et ses bayou et désert hostiles.
Alors qu’ils arrivent non loin de la Pointe de la Queue, la vigie attentive remarque au loin une colonne de fumée en provenance d’une plage. Surprit, il se frotte les yeux et s'assure de bien observer. La fumée épaisse et noire remontant alors du sable blanc ne laisse aucun doute, quelqu’un ou quelque chose fait un feu. Le marin se penche alors pour se faire entendre par les hommes sur le pont. “DE LA FUMÉE SUR LA POINTE ! PLUS AU NORD !”

L’annonce sort l’équipage de sa torpeur et tous se tournent alors pour observer dans la direction ainsi énoncée. Croqueuse s’approche de la proue pour voir à son tour, préférant s’assurer de la véracité de la découverte avant de déranger le Rokvenha. Peu à peu, alors que le navire se rapproche, elle remarque aussi la fumée dense s’élever vers le ciel et fait donc volte-face pour prévenir le capitaine.
La discussion entre les deux ne s’éternise pas et Croqueuse sort de la cabine avant d’agiter les bras et de lancer les ordres à la volée. “R’montez les voile et abaissez l’allure ! On va voir c’qui s’trouve sur cette plage. Vigie ouvre bien grands les yeux et préviens dès qu’tu vois un truc !”

Le navire manœuvre alors, à petite allure, s’approchant des de la plage en question sans trop s’y avancer, ne voulant pas s’échouer sur le sable traître qui pourrait être surélevé sous la surface de l’eau. L’ancre est ensuite jetée et une barque aussi. A son bord monte alors Rokvenha, accompagné de Rocaille et d’un troisième marin tout aussi expérimenté dans le combat que le précédent. Doucement, la barque s’approche de la rive et s’y échoue.

Les trois marins mettent alors les pieds à terre et s’approchent alors de l’origine de la fumée. Ils sont armés, mais les lames ne sont pas au clair. Rokvenha remarque une silhouette et il plisse les yeux avant d’élever la voix en Olyan. “Ahoy ?! Montre toi.”

Plongé dans une morne lancinante, Nimir ne voit pas.
Il pense, scrutant de ses mires éveillées, le moignon qui lui fait office de bras d’arme aujourd’hui. Dans un rêve qui n’en est point, il pense aux jours fastes qui viendront, au temps de la vengeance et du jugement, ou le règne de l’Infidèle sera détrôné par la Sainte-Vérité marteleuse du Père révélé. Dans cette morgue songe, il tient pour sûr la belle place, même si rien ne l’y prédit. A mesure que le temps passe, cet espoir se fait plus chimérique, plus vain, fantasmagorique. Est-ce la vraiment son but ? Celui de renverser un roi fantoche, guide d’une nation en lambeau ? Son esprit tiraillé lui cri autant oui que non, et bien sûr, il ne serait trancher. La réponse lui viendra un jour, clair et limpide, corrosive et fumante, autant que le feu magique qui brûle non loin et dans lequel il noie ses rêveries du moment.
Le cri rageur, fougueux et piaillant de Akvar l’extirpa de sa mélancolie folle du moment. Le grand aigle n’avait pas ouvert du bec ainsi depuis des jours : une bestiasse passait-elle à porté ? C’était un fin pêcheur, mais de la à aller tater de la houle dans son état, surement pas. Nimir le connaissait bien, trop bien même, et les alarmes qu’il hurlait en cet instant, se trouvait être du genre vigilante ; quelque chose approchait. Quittant son rondin échoué qui lui servait de séant, le nain s’avança au devant de la tempête de plume et de serre qui s’agitait devant lui. Quel fieffé coquin que celui-ci : presque trois jours sans mots dire et le voila qui se transformait en parfait gardien, prêt à becqueter l’intrus qui souhaitait s’en prendre à son maître. Au fond de lui, le nain en tira grande satisfaction.
Personne n’était encore mort, c’était la bon signe.

« Calme, calme ! Doux, maintenant doux ! » susurra Nimir dans un khazalide soigneux.

Tandis qu’il accrochait le flanc de son compagnon pour lui donner quelques caresses réconfortantes, il put enfin distinguer le trio qui se trouvait face et qui, manifestement n’en menait pas large. Il crut distinguer une ou deux lames tirés, mais qui pourrait les blâmer ? Ils échangeaient entre eux dans une langue qu’il maîtrisait à un stade précaire, mais suffisamment pour se faire comprendre.

« Ohla messile. Ohla. Ici, je suis, ici bas. Point clainte, il ne mold plesque pas ! Vous avoil vu mon feu ? Ah ! Nous sommes peldus, échoué, aigle blessé. Seliez vous enclin à nous aidel ? Payel, je peux. »

Nimir avait dit cela avec toute la bonhomie possible entre deux cris d’Akvar. A leurs mises, il s’agissait la non pas de marin d’eau douce, mais plutôt du genre à écumer les flots, pirates en sommes. Aussi, avait-il causé clinquante, même si sur ce sujet, il avait tout bonnement menti. Il allait falloir la jouer fine, rester sur ce cailloux un jour de plus ne l’enchanter point et il n’avait vraiment pas envi de becter de l’oiseau.

A mesure que les forbans avancent, ils remarquent alors ce qu’est cette silhouette sur la plage. Un aigle géant ? Pris au dépourvu par le cri qui semble agressif de la bestiole, les marins tirent leurs armes prêts à se défendre.

Soudain, du flanc de l’animal, un individu de petite taille se présente. Le regard du capitaine se pose aussitôt sur le nain. Ses iris vont du fils de la Forge à l’animal comprenant que les deux sont liés, ou du moins se tolèrent. Voyant cela, il lève une de ses lames en direction de ses camarades et l’abaisse lentement, en signe d’ordre. Les marins laissent alors leurs armes redescendre, mais restent néanmoins méfiants de cet étrange duo improbable.

Quand il entend la voix rauque aux accents nanesque, Rokvenha fige son attention sur celui qui prend la parole et l’écoute alors, essayant de déchiffrer les paroles gutturales, même en olyan.

“... L’feu ? Aye ! On l’a r’marqué.” Il désigne son navire derrière lui. “On est v’nu voir qui s’était perdu dans c’trou là et si y’avait encore quelque chose à en tirer.” Il renifle fortement. “C’est pas bon d’se perd’ dans ces terres là, mais j’suppose qu’t’es pas v’nu là pour faire l’expérience d’un petit air marin ?”

Il sourit, essayant de détendre l’ambiance et de rassurer le longue-barbe devant lui. “T’aider ? Pour sûr… Si tu m’assure qu’ta bestiole nous causera pas d’ennui une fois sur l’navire, j’veux bien te ramener dans un endroit plus civilisé. T’as d’la chance l’courte-jambe, j’suis d’bonne humeur et j’dois encore faire quelques bonnes actions.” Il rigole finalement et se décale pour inviter le nain en direction de sa barque. “Tu m’raconteras comment t’as fini ici perdu… Avec ce truc-là comme seule compagnie à bord, j’compte pas m’éterniser sur ces plages-là.”

Les drôles qui n’en ont pas l’air, ne semblaient point mal intentionné mais plutôt guider par la curiosité. Manifestement, leur chef se dresse, central figure du trio à la barbe à peine assez fournie pour qu’on lui en donne le nom. Nimir le dévisagea, retient sa mire et plongea son étincelle folle à l’intérieur des siennes ; s’il y en avait un à convaincre, c’est bien sûr lui. Alors le nain s’apprêta, prêt à se fendre en courbette ;  un exercice qu’il maniait à la perfection et qu’il avait pratiqué mainte et mainte fois au cours de sa longue carrière d’arpenteur de lande. Il fallait savoir faire le dos rond, montrer bonne face pour obtenir ce que l’on souhaitait de mieux ; surtout quand sa survie dépendait du bon vouloir d’un rafiot voguant sur mer, seul échappatoire avant les temps de famine. Les promesses en suite, était libre d’être tenu : tout dépendait du comment elles avaient été formulé.
«  Parfois il te faudra savoir juger quand et comment transmettre la flamme, il y a des feux qu’il est bon de maintenir allumer, d’autres qu’il est préférable d’éteindre. A toi en suite, de savoir rallumer les braises au moment voulut. Souvient t’en Nimir. » Un foutu charabia déblatéré pas ce bon vieux Maître Hilmar, qui lui revenait une fois de plus à l’esprit.

S’apprêtant à agir, il fut devancé ; le bougre lui offrait déjà l’asile. Saisissant la perche, il se lança tout de même en quelques signes du chef, remerciant le forban.

«  Point de clainte, point de clainte. Akval êtle doux si je demande. Mais place, beaucoup de place devoil, nous selons tlop sellé dans votle coquille de noix. Tlop ploche du bec. Autle balque pas loin ? »

La question du nain était pleine de bon sens, à son sens. Il ne doutait pas que c’était le cas, mais n’avait manifestement aucunes idées du comment arriver à cette fin, ni de l’énergie que cela demanderait. Jugeant qu’il était bon de créer un peu de lien avant de partager promiscuité, il prit un instant pour se présenter.

«  Aujould’hui longue-jambe, tu sauves le nain Nimil, capitaine de la Flatelnité du Malteau. Et sache que Nimil, paye toujouls ses dettes. Dois-je plévenil ton lafiot qui gite non loin d’envoyel seconde balque ? »

Ô, encore une fois, il mentait, difficile de s’en empêcher décidément. Comprenant alors que le Père de Tout lui avait envoyé de l’aide encore une fois, il se mit à rire, content d’être secouru, content d’être raccroché au fil du destin. D’une courte formule manuscrite, il mit fin à la rune qui nourrissait la colonne de feu, mais pas sans panache : sur La Pointe de la Queue, monta en l’air un véritable trait de flamme semblable à une petite tornade figé sur place, véritable phare, la colonne disparut dans un crépitement d’étincelle qui, ne pouvait pas avoir échappé au navire.

Rokvenha ne connaît rien de ce nain et pourtant, à la surprise de tous, il avait ordonné qu’on le fasse monter à bord du boutre. Le forban se garde bien de dire ses raisons, mais l’une d’elle est facilement compréhensible. Alors qu’il envisage de rencontrer la Médée et ainsi parler de sa Déesse, le marin semble vouloir faire preuve d’altruisme comme si cette action pouvait compter dans sa prochaine rencontre. D’un autre point de vue, Rokvenha ne voulait pas laisser un homme seul face à la sauvagerie des terres hostiles de la Méca, encore bien méconnue de tous même de ses habitants, c’était un sort peu enviable.
Peut-être aussi, qu’il envisageait que cet individu alors sauvé des griffes de la Mort lui soit redevable de son Souffle tout simplement. Après tout, rares sont les êtres qui sont accompagnés d’un aigle géant et qui pratiquent la magie du feu.

Magie qui, sans surprise, interpelle le capitaine lorsque la colonne de flamme monte dans le ciel avant de disparaître devant lui. Les marins portent des regards accusateurs sur le nain et semblent à nouveau s’en méfier. Dans le même temps, sur le navire, la vigie et l’équipage remarquent aussi cette scène et sans même hésiter, Croqueuse fait envoyer une barque avec deux nouveaux hommes à son bord afin d’apporter l’aide, si nécessaire.

La petite scène sur la plage dure alors quelques minutes. Après le calme revenu, on fait faire des allers-retour entre la plage et le boutre afin de charger tout le monde, y comprit l’Aigle. Les marins échappent de peu à des coups de bec et de serres, alors qu’ils tentent de charger l’animal à l’aide de cordes, sur le pont du navire.

Une fois tout le monde à bord, les regards se posent sur le nouvel arrivant ainsi que son compagnon. Chacun y va de son petit commentaire discret, mais aucun n’ose approcher. Caleb à son tour, en tant que capitaine, s’avance alors vers Nimir, faisant attention à l’Aigle pour ne pas paraître un danger pour le Maître.

“J’suis l’Rokvenha, Cap’taine du Second Souffle” Il montre alors l’équipage d’un geste ample de son bras. “A bord, c’est moi qui commande et toi et ton p’tit camarade vous m’écouterez. J’compte sur toi l’ami pour qu’tu l’tienne au calme et aucun d’mes gars n’viendra l’emmerder.” C’était les premières mesures pour une bonne entente. “Dis moi c’qu’il faut faire pour ton piaf on a un doc’ à bord si tu veux qu’il jette un coup d’oeil.”

Pendant qu’il discute, sa Seconde prend les devant et se retourne en direction de l’équipage. “Relevez l’ancre, on s’tire d’ici, on r’prend l’cap vers l’ïle aux pins. Gardez une p’tite allure l’temps qu’on s’écarte du rivage, on contourne par l’sud d’la Queue.” Et les marins partent alors faire leur travail se désintéréssant alors des nouveaux arrivants qui sont laissés là, sur le pont, face au capitaine et une jeune femme aux regard d’azur qui se tient aux côtés du maître des lieux.

S’étendant en courbade, le capitaine mercenaire commença son méticuleux travail d’inspection.

Il n’avait jamais fréquenté directement les pirates Mécans ; on disait dans la lande, moult choses à leurs sujets et la réputation de certains, dépassait de loin les côtes et rivages des terres continentales. A dire vrai, Nimir n’en savait sur eux, que via la traverses : il existait parmi les coquins Drossiens, quelques entregents sagement montés entre les îliens et les canailles des bois. Alors, il n’aurait put jurer sur la caboche de ses ancêtres, qu’un jour dans sa vie, une action ou une autre de son fait n’est eu finalement un lien avec piraterie et autres contre bandages de grande mer.

Tandis qu’il était sur le pont, il accepta la proposition du capitaine concernant son compagnon volant. La manœuvre ne fut pas évidente : il fallut concentrer entièrement l’attention du grand aigle à coup de boustifaille et de mise en garde ; de plus il n’était point certain que le malingre qui s’apprêtait à charcuter Akvar, n’était un grand habitué de la gente aviaire. Nimir lui dispensa ses conseils tout en lui évitant un coup de bec ravageur. La blessure guérirait, un foulage qui était devenu purulent à force d’humidité et de mauvais traitement ; en somme rien que du rhum et du temps ne puisse guérir. Une fois le bandage fait et l’oiseau nourri, il put enfin prendre ses aises.

Du moins, le pensait-il. Pas pied-de-mer pour un sous, le Rouge du redoubler de vigilance pour éviter de se ridiculiser à la première houle soulevant le navire. Ou qu’il regardait, les humains eux semblaient disposer d’un équilibre naturel qui leurs permettaient d’accompagner le tangage comme s’ils respiraient le même air que le bateau. Au bout de quelques temps, il s’y habitua néanmoins, cela avait quelques similitudes avec le fait de voler à dos d’aigle.
L’organisation du rafiot semblait réglée au millimètre : tout le monde à son poste, tout le monde sachant que faire sans trop poser de question. On remarquait aisément les mousses les plus récents et bien sûr lui, furoncle au milieu de la trogne, qui semblait avoir l’air gauche dans chacun de ses mouvements.

Mais de son apparence, le nain n’avait que faire, décidant qu’il était temps : il se rapprocha du capitaine et du lieu ou il tenait office. Il était temps de noué les mailles du destin que le Grand Forgeron avait forgé.

« Soyez lemelciel messile. On dit beaucoup sul les gens de la mel, mais point toujouls la vélité. Aussi, il me faut vous le dile, on dit sul vous. » Attendant que l’attention lui soit acquise, il continua avec la même flamme folle dans le regard. « Le Rokvenha. Celui qui navigue avec le Wagyl. Votle léputation vous plécèdes sul la côte Sud du Loyaume des Hommes. Il me semblait bien avoil leconnu votle nom. C’est honneul poul moi de me tlouvel ici. » Il se feignit d’une nouvelle courbe de la caboche, sachant très bien son discours assez intrusif.

«  Je ne connais point vos plans capitaine, mais, la Flatelnité du Malteau est ledevable à votle chalité. Voyez vous, moi et mes flèles, sommes postés en Langehack et poul vous annoncel une autle vélité : nos boulses sont vides et nous manquons de tlavail. J’ai entendu dile que palmis vos gens et bon malins, il existait toujouls un bon moyen de gagnel de l’ol. Qu’en pensez vous ? »

Peut être une des premières fois ou le nain ne mentait pas totalement. Il voyait en son homologue marin, un bon partenaire pour quelques parties de pillages qui renfloueraient tout le monde.

Si le trajet pour arriver à cette île avait relativement été calme et paisible jusqu’à maintenant, cela avait rapidement changé. Quand les pirates avaient aperçu le feu et la fumée, le Capitaine décida rapidement de rejoindre le rivage. Ordonnant fermement à sa rose de rester sur le navire. Adélina avait alors observé la scène du pont, au côté de Croqueuse. Ses mains se resserant sur la balustrade alors qu’elle aperçut la colonne de feu sur la plage. Son regard azuré fixait la plage alors que l'inquiétude ornait son visage. Déjà que la magie ne l’attirait pas nécessairement, savoir son compagnon en compagnie d’un être capable de provoquer les éléments ne l’enthousiamait guère et elle ne fut pas la seule, car Croqueuse envoya rapidement une seconde barque pour aller porter de l’aide à son Capitaine. Les deux femmes ne se détendirent que lorsqu’elles virent les barques revenir vers le Second Souffle. Curieuse, la nordienne observa la scène qui se déroulait devant ses yeux. L’énorme créature avait été ramenée sur le pont, alors que le nain tentait tant bien que mal de calmer cette dernière. Ce fut au bout de quelques minutes qu’il réussit finalement sa tâche, revenant vers le capitaine pour lui parler. La jeune femme se mit à ses côtés, observant silencieusement la scène alors que le nain reprit la parole.



Son accent était assez différent, ce qui révélait assez rapidement d’où cet être venait. Dans sa vie passée, Adélina avait rencontré bien des nains en Alonna, mais ces derniers ne lui avaient jamais adressé la parole en Oliyan. Néanmoins, la jeune femme ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors qu’elle entendit la réplique du nain. Sa tête se pencha légèrement sur le côté alors que ses mires azurées se portèrent sur le nain, se demandant si elle avait bien entendu. Il fallait dire qu’aussitôt qu’elle se crispait aussitôt qu’on mentionnait le Langehack après tout ce qu’il s’était passé, mais le nouveau visiteur méritait quelque peu d’être questionné. Discrètement, elle effleura les doigts du capitaine des siens, comme pour attirer son attention, et prit rapidement la parole;  « Pardonnez-moi, mais je croyais qu’avec tout ce qui s’est passé dans le Langehack entre le nain runiste et le précédent Marquis; c’était un endroit que vous voudriez éviter le plus possible… » Après tout, cet “accident” avait presque causé non pas une mais deux guerres, dont l’une avait été avortée par une discussion avec son feu mari. Le fait qu’un nain se trouve en Langehack ne présageait rien de bien. Quoique s' il travaillait contre la marquise, Adélina prendrait un malin plaisir à observer le chaos que ce dernier instaurerait. Elle observa la réaction du nain avant de continuer. « La marquise aurait-elle réussi à faire un quelconque accord avec vous? » Si c’était le cas, l’ancienne baronne ne serait définitivement pas sereine.

Alors que le navire reprend peu à peu son chemin à travers les flots, Rokvenha en pleine discussion avec le Dawi est rapidement rejoint par Adélina. Nimir semble essayer de se maintenir sur le pont et cette situation amuse bien le capitaine qui le regarde faire un instant.

Quand le manchot reprend la parole, il se montre cette fois-ci plus direct, plus intrusif en annonçant connaître le forban. Un instant le mécan fronce les sourcils en entendant parler de lui et de sa réputation sur les côtes sud péninsulaire. Une vive pensée vient le titiller, est-ce que cette “rencontre” était réellement due au hasard ? Si le Rokvenha de l’époque n’aurait eu aucun mal à attacher le pauvre nain par sa barbe, la tête à l’envers, pour lui faire avouer certaines choses - pas forcément des vérités - celui d’aujourd’hui prend davantage son mal en patience et reste muet.

Ainsi donc le nain secouru semble être le dirigeant d’un groupe armé, la Fraternité du Marteau. Le mécan cherche un instant dans ses souvenirs, mais à aucun moment ce nom lui revient, les mercenaires dans les terres n’étant pas son domaine, il n’a peut-être jamais tenté de se souvenir de ce nom. Puis le petit être continue et avoue avoir des difficultés financières, comme bon nombre de groupes mercenaires qui traversent de mauvaises passes de temps à autre.

Finalement, allant répondre, il se fait devancer par la douce caresse sur le dos de sa main et se tait aussitôt, laissant alors Adélina prendre parole. Bien sûr, Nimir venait de parler du Langehack terre bien connue de la Rose qui ne peut s’empêcher d’intervenir à cet instant. La question est intéressante et le capitaine laisse alors le soin au questionné d’y répondre.

Pendant ce temps, plusieurs idées fusent dans la tête du forban. Obtenir une aide en provenance de la terre ne serait pas une mauvaise idée, comment et pourquoi ? Il n’en sait rien, mais s’il fallait un jour en avoir besoin, peut-être que cette Fraternité du Marteau serait un bon point de départ. Il s’avance alors et laissant ainsi Nimir à sa discussion avec Adélina, il le renseigne. “Aye, j’entend Nimir… Ecoute… Suis-nous pour l’heure, nous allons rend’ visite à la Médée, tu pourras rester sur l’navire si tu l’souhaites. Une fois fait, nous discuterons d’tout ça et on verra c’qu’on peut bien faire ensemb’ … J’n’ai pas encore d’affaire sur terre, mais on pourrait s’trouver un arrangement j’en suis sûr.”

Puis il s’écarte brièvement en laissant les deux discuter et surtout Adélina obtenir ses réponses - qui pourraient s’avérer utiles - retournant ainsi à ses obligations en distillant ses directives au reste de l’équipage. L'île aux Pins n’est plus très loin et une autre discussion, tout aussi sérieuse et importante, va débuter.

Ayant cherché à attirer l’attention du Rokvenha, c’est celle de l’Anguille qu’il reçut.

Nimir se vantait d’être un fin observateur, au courant des codes primaires qui régissaient la plupart des sociétés de ce monde. Il n’aurait sut dire pourquoi, ni comment, mais cette femme possédait un fort lien avec le capitaine du navire, et point seulement parce qu’elle le précédait à la parole en cet instant. D’instinct il sut donc, qu’il était préférable de posséder dans sa nasse cette femme plutôt que de s’en faire une ennemie. Un constat plutôt simple à dire vrai, mais le capitaine mercenaire était plutôt doué pour créer des inimités ; aussi était-il donc préférable de se le répéter à soit même.

Mettant en avant toute la vergue que pouvait possédait un nain manchot au regard fou, il se gaussa et prit la pose et l’attitude d’un vieux briscard qui avait vu et revu, trop de chose dans se bas monde pour en être réellement surprit. Derrière, les cris de l’aigle retentissaient, mais une note plus douce cette fois, la bête ne tarderait pas à avoir faim mais il semblait qu’elle ne souffrait plus.

« Madame, veuillez savoil que, je ne fais pas paltis de ceux s’étant contenté d’une tête poul lépélation. Voyez, il existe en Zagazoln, diffélents avis, diffélents coulants. » Il leva alors ostentatoirement son moignon, l’arborant fièrement comme un trophée. « Voici le plix payé poul défendle mes convictions, ô cela ne lésulte pas totalement des évènements liés au Langehack, mais disons que je polte folte lancune à cette lande et à son peuple. Soyez lassulé : ma compagnie n’effectue aucunes tlansactions avec la malquise, nous campons simplement sul ses côtes en quête d’un contlat. L’hivel applochant, il me fallait choisil ou m’établil. »
Approuvant alors les dires du capitaine qui lui promettait discussion futur, Nimir prit un instant pour tirer son brûle-gueule de sa proche. Il en bourra habillement le foyer et tout cela à une main, puis inspira quelques bouffées pour activer les runes gravés dans l’objet qui mirent feu à l’herbe à pipe. Se callant contre un tonneau avant d’éviter les roulis de la mer, il lanca une œillade perçante à la jeune femme, continuant sur la lancée.

« Pelmettez moi, Madame, mais vous semblez poltel vous aussi quelques griefs à l’encontle du Langecin, ai-je vu juste ? »

Les paroles du nain ne tombèrent guère dans les oreilles d’une sourde. Les prunelles azurées fixèrent sans gêne la patte manquante de l’être devant elle, alors qu’elle écoutait attentivement ses dires. Ces dires étaient honorables, certes, il semblait entêté, mais au moins, il ne bougeait pas devant la soi-disant “Justice” que certaines personnes exerçaient. Combien de gens auraient changé leurs dires ? Voir leur action pour se sauver la face ? Ceux qui affrontaient la tempête étaient beaucoup plus impressionnants. L’air toujours sérieux, la jeune femme rompit le silence, avant de reprendre ; « J’admire vos convictions et surtout votre dédication… Peu de gens savent réellement se tenir debout lorsque les répercussions vont aussi loin. » C’était un fait, non pas un compliment pour flatter sa personne. Les péninsulaires étaient d’ailleurs très bons pour se rétracter d’une situation embêtante… Alors en laisser leur main pour leurs convictions… Cela semblait plus être un rêve qu’une réalité.



Le nain sembla néanmoins reprendre contenance, et son attitude sembla quelque peu changée… Plus décontracté, plus inquisiteur. Il avait rapidement compris la réticence d’Adélina lorsqu’il avait mentionné le Langehack et n’osa guère poser plus de questions, ce qui agaça quelque peu la nordienne. La jeune femme laissa s’échapper un claquement de langue sur son palais, clairement ennuyé par la question de ce dernier. Dire qu’elle avait un grief contre Prudence lui semblait presque grotesque, surtout que l’une avait tenté d’assassiner l’autre. La seule raison pour laquelle la jeune femme n’avait pas déclaré la guerre contre cette perfide femme était pour respecter la volonté de feu son mari. « En effet. Prudence est un furoncle pour notre monde. Je ne pleurerai pas sa mort. » Chose qui devrait ne pas tarder sachant le nombre d’ennemis que la jeune femme avait déjà.  Son regard se porta ensuite sur le nain qui fumait sa pipe. Sans-gêne, elle observa le nain, tentant de le décoder, de voir quelles étaient ses intentions. Le fait que ce dernier utilise leur magie ne la rassurait point. S’il voulait la tuer, il le ferait sans que quiconque ne puisse intervenir. « Notre amour pour le Langehack semble être un point commun… Après tout, les ennemis de mes ennemis sont mes amis, n’est-ce pas? »

Le Rouge avait lu juste dans la jeune donze.

Il ne s’en enorgueillit point, mais un rictus peu ragoutant lui barra les lippes ; figure plutôt grotesque tandis qu’il essayait de maintenir en équilibre son brûle-gueule avec les dents. La situation semblait tourner à son avantage, la curieuse rencontre suivait un chemin qui se dessinant comme pavé d’intention et d’or clinquant : en somme tout ce qu’il appréciait dans la vie – ou presque. Mais il n’aurait put jurer à l’instant même, qu’il était encore totalement tiré d’affaire ici même. Bien que la femelle soit manifestement à l’esgourde du patron, elle n’était pas le patron. Détenait-elle assez de clinquante pour se payer ses services ? Il en doutait fortement ; bien que quelque chose dans son attitude, semblait cacher un autre secret. Elle se tenait trop droit, pas une courbure sur la cambrure, pas un arquage dans les guibes, pas une corne calleuse sur les pognes et sans parler de son parler : tout ça fleurait trop bon pour une forbande écumant les mers depuis longtemps. Néanmoins, Nimir décida de taire cette observation, mieux ne valait-il pas juger sur la simple vue du paquet car on s’en retrouvait surement surprit une fois ouvert. Et pour sur que de paquet, celui-ci, il l’aurait bien ouvert.
Tirant une bouffée digne d’un dragon, à en faire penser à la vigie que le navire prenait feu, le nain se décala de sa prise et décida de la jouer mystique.

«  Une palfaite maxime madame, même si en Zagazoln, nous y ajoutons facilement le Talion. Je ne doute point que l’avenil, nous léselve alols, quelques belles sulplises. Pelmettez moi maintenant de lejoindre mon chel Akval, j’aimelai évitel à un de vos matelots, de se faile cloquel le blas. Il y a bien assez d’un seul manchot sul se pont. »

Se fendant de la plus belle des révérences d’on il était capable, le nain alla jusqu'à mimer un baise main. Saluant le capitaine, il s’éloigna d’un pas peu assuré, laissant dans son sillage fumerolle et rire aiguisé qu’on aurait plus facilement attribué à un doux dingue qu’à un mercenaire endurcit.