|
| Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden | |
| | Auteur | Message |
---|
Vel'yra An'duin Merethyl
Elfe
Nombre de messages : 20 Âge : 917 Date d'inscription : 26/12/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 916 ans Taille : 1m87 Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Sam 2 Mar 2024 - 21:34 | |
| – An 21 du XIe Cycle. Bàrkios, second mois de l'Automne, deuxième énnéade.
Ce matin-là avait lieu une scène des plus étonnante dans les jardins de Kÿria. Usant d'un ver de terre comme d'une offrande, une elfe tentait d'amadouer une chivrine couronnée qui, plus téméraire que les autres, s'était aventurée près du sol. Ses ailes à demi-déployées, prête à prendre son envol au moindre danger, la créature menait une danse précautionneuse. Décrivant des demi-cercles autour de la femme, ne la quittant jamais des yeux, elle s'approchait à tâtillons pour ensuite se retirer précipitamment ; cherchant à estimer si le repas menu qu'on lui offrait en valait la peine. Sa tête, aux plumes ébouriffées, roulait parfois de gauche à droite, et de droite à gauche ; trahissant sa curiosité envers une créature dont la gestuelle se faisait miroir de la sienne, comme si toutes deux participaient à un rituel sauvage, aux significations connues d'elles seules. Matinal, ce spectacle serait passé presque inaperçu, si la servante de la Déesse en charge de veiller sur son instigatrice n'y assistait pas de loin. ____________ L'elfe, dont le nom demeurait jusqu'à présent inconnu, leur avait été amenée plusieurs énnéades auparavant, et il était apparu aussitôt qu'elle avait besoin d'aide. Sous ses habits de fortune, fabriqués de matériaux d'origine animale, son corps portait des stigmates, anciens comme récents ; des coupures, entailles et autres plaies qui s'étaient mal refermées, faute de soins adéquats. Sa silhouette, mince mais dessinée, témoignait d'une alimentation qui avait été la fois disparate et irrégulière, couplée à une vie de nomade, sans cesse en mouvement. Sans être sale, son hygiène trahissait des baignades irrégulières, et sa chevelure de blés n'avait probablement pas vu la couleur d'un peigne depuis bien trop longtemps. Hélas, ces considérations n'étaient que la partie émergée de l'iceberg : à bien des égards, c'était surtout son esprit qui semblait nécessiter soins et attentions. Près de deux mois après son arrivée, elle refusait toujours d'entrer dans un bâtiment dont le toit ne serait pas ouvert, et ne dormait jamais en intérieur, quand bien même le confort d'un lit aiderait à améliorer son état. Sa réaction envers un visage inconnu oscillait entre méfiance exacerbée et hostilité prudente, évitant la proximité des siens dès que c'était possible. Enfin, et c'était peut-être le plus significatif, elle parlait peu, ou pas. Des quelques prêtres et prêtresses s'occupant d'elle, tous ne pouvaient se targuer de l'avoir déjà entendue. Ceux dont c'était le cas relataient une voix effacée, comme si elle n'avait servi depuis longtemps, et avec des intonations parfois étranges, distinctes de l'elfique employé en Anaëh. A l'inverse, il n'était pas rare de l'entendre grogner ou siffler, privilégiant une communication plus proche de celle de l'animal. On ne s'inquiétait pas outre mesure, toutefois. Considérant qu'elle ne montrait pas de signe de vieillesse prématurée, la piste du choc émotionnel était écartée, lui privilégiant l'hypothèse d'une longue période d'isolement, peut-être ascétique, comme en témoignaient ses prières fréquemment observées. Après tout, nombres d'entre eux avaient quitté la ville après le Voile, en quête d'une vie différente. ____________ Ne décelant aucune menace, le Tyelcëon avait continué son manège avec une lenteur étudiée, et sa gueule n'était plus qu'à quelques centimètres lorsqu'une branche craqua non loin. Instantanément, ses poils se hérissèrent, son dos s'arrondit et il se mit à feuler envers l'intrus. De son côté, pivotant vers la menace, un geste instinctif avait poussée l'elfe à se saisir du couteau, d'ordinaire attaché à sa ceinture, seulement pour se rappeler qu'on lui avait retiré, quelques jours auparavant. Sans défense, un grognement monta doucement de sa gorge. Lèvres retroussées pour mieux montrer les dents et narines frémissantes, elle avertissait l'intrus tout en se préparant à fuir si besoin, dans une attitude dont la ressemblance avec celle du félin ailé était frappante. « Tout va bien. » Elandorr était l'un des prêtres s'occupant de son cas. C'est donc naturellement qu'il était présent aux côtés du nouveau venu, sans quoi il doutait que la moindre conversation puisse être possible. Si la présence du Mainyth de l'Armée Royale l'interpellait, il se gardait de l'exprimer. Seul le bien-être de sa patiente lui importait réellement, aussi farouche soit-elle. « Le commandant Orian veut juste te parler un peu. »
|
| | | Aegden Orian
Ancien
Nombre de messages : 1252 Âge : 6 Date d'inscription : 17/08/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 410 ans Taille : 2m Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Mar 5 Mar 2024 - 14:21 | |
|
-Paix amie.
L’intrus s’était baissé sur ses appuis en face de l’étrange elfe sauvage, comme il l’aurait fait pour amadouer la chrivine à ses côtés et tout aussi craintive. Il avait tendu l’une de ses mains au-devant en signe de paix. Son regard alla de la femme, au prêtre. A vrai dire on lui avait parlé de la nouvelle elfe muette qu’on avait amené d’urgence au dispensaire. Les rumeurs allaient vite en Anaëh. Mais Aegden, encore en rémission avait choisi de ne pas s’y pencher pour le moment. L’affaire était après tout entre les mains des arpenteurs de Kÿria et en plus de ne pas être sûr de pouvoir y faire grand-chose, il n’avait toujours pas repris ses fonctions de commandant.
Aussi ne portait-il aucun insigne ce jour-là, ni d'armes, bien inutiles alors que sa main droite se refusait encore trop souvent à tenir quelque objet trop longtemps. Le prêtre ne l’avait sans doute identifié par son titre que par habitude et parce que le soldat roux était une figure connue de sa cité natale…
Pourtant, s'il s'était promis de traiter le sujet le moment venu, c’était bien par hasard qu’il se trouvait là maintenant. Durant sa longue pause, depuis son retour des frontières d’Aduram, il était souvent venu parcourir les jardins, comme y cherchant quelque chose qu’il ne parvenait jamais tout à fait à saisir. Le bruissement des arbres au-dessus d’eux était apaisant, doux. Et pourtant…Parfois les oreilles du soldat se haussaient, ou se plaquaient en arrière, comme si le son avait quelque chose de dérageant. Et ce jour-là n’avait pas manqué. Ses pas l’avaient guidé au hasard et lorsqu’il avait entraperçu le duo, il avait voulu faire demi-tour, mais trop tard.
-Je ne te veux pas de mal.
|
| | | Vel'yra An'duin Merethyl
Elfe
Nombre de messages : 20 Âge : 917 Date d'inscription : 26/12/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 916 ans Taille : 1m87 Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Jeu 14 Mar 2024 - 22:25 | |
|
En proies à la même surprise, la chivrine couronnée fut la première des deux à réagir. Moins patiente, agitée par l'arrivée soudaine de ces bipèdes supplémentaires, elle jugea qu'il était temps pour elle de se retirer... Mais pas sans avoir obtenu son goûter auparavant. Bondissante, elle attrapa entre ses crocs le ver qui se tortillait dans la main de Lyra aussi délicatement que possible, puis souleva une petite bourrasque au moment de s'envoler d'un même geste ; s'éloignant avant que quelqu'un ou quelque chose ne décide de contester sa menue prise. Gagnant rapidement en hauteur, elle ne tarda guère à disparaître derrière les branches les plus basses, non sans abandonner derrière elle une offrande inopinée : une rémige s'étant détachée de son aile droite, celle-ci tournoya et virevolta lentement jusqu'au sol, atterrissant aux pieds de l'elfe. Cette distraction ne parvint toutefois pas à détourner l'attention de celle-ci envers l'intrus.
Ses pupilles braquées sur lui, elle guettait chacun de ses mouvements, et n'accorda au prêtre qu'un bref regard suite à ses propos. Les gestes, à ses yeux, restaient encore plus parlants que les mots. Elle n'aurait pas survécu seule en Anaëh sans cela : savoir se faire la plus grande possible, ou au contraire toute petite ; présenter sa paume ouverte, fermer ses bras en croix, ne plus battre des paupières ; s'agenouiller, montrer son ventre, présenter sa nuque ou ne plus bouger. Ces choses, utilisées en accord avec la situation et la créature rencontrée, lui avaient permis de rester en vie toutes ces années, au moins aussi souvent que de fuir ou se cacher. Pour ces raisons, l'attitude ouverte d'Aegden contribua à réduire sa méfiance, au point du moins de ne plus envisager la fuite : il ne lui voulait semble-t-il aucun mal. Un sentiment partagé par l'Arpenteur à l'égard de sa patiente et de leur visiteur. Celle-ci n'avait jamais fait preuve d'agressivité, et si elle tentait quoi que ce soit aujourd'hui, il n'avait aucun doute que le Commandant de l'Armée Royale saurait l'en dissuader, à sa façon.
« Je vous laisse, » annonça-t-il au Mainyth, et tandis qu'il s'éloignait, Lyra se baissa à son tour. Son but n'était pourtant pas de réciprocité, puisqu'elle attrapa plutôt la plume tombée un instant auparavant. Elle passa alors celle-ci le long de sa joue, éprouvant sa douceur, avant de la piquer dans ses cheveux, juste au-dessus de son oreille pointue. C'est seulement après que son attention revint à Aegden, dont elle pointa la chevelure de l'index. « Celmoth. » Un sourire imperceptible affleura sur ses lèvres. Elle faisait référence à ces mammifères omnivores et paisibles, qui partageaient avec lui la couleur rousse de leur fourrure, inhabituelle chez un elfe. Lyra plaça ensuite sa main ouverte sur son coeur, pour se désigner elle-même. « Tel’sorn. » Une Aigle. Elle se souvenait. C'était si lointain à présent, presque une autre vie, mais elle se souvenait. |
| | | Aegden Orian
Ancien
Nombre de messages : 1252 Âge : 6 Date d'inscription : 17/08/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 410 ans Taille : 2m Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Dim 17 Mar 2024 - 13:03 | |
|
L’elfe eut un rire doux, presque inaudible."Celmoth’’ l’avait-elle surnommé. Comme quoi, noss, citadin ou bien même étrangers venus d'on ne savait d'où, il y avait des choses qui ne variaient pas...
-Aegden. Fit il en posant sa main sur son torse, voulant, plutôt que de la corriger, lui faire comprendre son nom.
Il lui parlait d’une voix douce. Un peu de la même manière dont il parlait à Elben quand le besoin de rassurer le tout jeune enfant se faisait sentir. Il se permit même carrément de s’asseoir à même le sol, dans une posture tranquille. Elle semblait terriblement facile à effaroucher et en l'absence du prêtre la chose en devenait d'autant plus complexe pour le soldat.
- Tel’Sorn ? Questionna-t-il en répétant ses mots et en la désignant.
Qui était dont cette elfe ? Il était curieux d’en apprendre davantage sur elle et de ce qui l’avait poussé à un tel état. Si elle se désignait ainsi, c’était au moins qu’elle avait déjà fréquenté leur culture et qu'elle s'en souvenait.
-A tu un autre nom, Tel’sorn ? Tenta-t-il sans grande conviction, n’étant même pas certain qu’elle le comprenait véritablement.
|
| | | Vel'yra An'duin Merethyl
Elfe
Nombre de messages : 20 Âge : 917 Date d'inscription : 26/12/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 916 ans Taille : 1m87 Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Sam 13 Avr 2024 - 18:10 | |
|
Comment l'appelait-on ? Il la vit, qui sondait silencieusement sa mémoire. Plusieurs vies humaines avaient passé depuis son départ de Thaar, et d'avantage encore depuis la bataille d'Uraal, au cours de laquelle, selon toute vraisemblance, l'Aigle avait perdu la vie aux côtés de tant d'autres. Curieusement, il lui vint à l'esprit une première image : celle du grand bazar de Thaar. Il n'était pas rare que Lyra s'y rende pour effectuer les quelques emplettes de Guiscardo, cependant que le prêtre officiait au temple de Néra. C'était autant l'occasion pour elle de pratiquer son oliyan que de s'imprégner de la ville, étrangère à ses yeux sous bien des égards.
Le lieu fourmillait toujours de vie : de son ouverture matinale jusqu'à sa fermeture tardive, les marchands y hurlaient et s'égosillaient à qui mieux-mieux, vantant les mérites de leurs articles dont l'exotisme ne cessait d'émerveiller la Taledehl. Les épices odorifères y disputaient leurs couleurs à celles plus vibrantes des luxueuxes tapisseries, se confrontant elles-mêmes aux étoffes et tissus fraîchement teintes des drapiers. Les poissons, si récemment pêchés que certains en frétillaient encore, occultaient presque de leur exhalaisons l'arôme appétissant des pains d'épeautre, d'avoine ou de seigle fraîchement sortis du four. Un coutelier aiguisait ses lames, entouré de gardes du corps veillant à ce qu'aucune main indésitable ne le soulage de quelque ouvrage, eux-mêmes imperturbables aux jacassements de poules et de poulets, enfermés dans leurs cages un peu plus loin.
L'elfe ne sortait jamais sans se couvrir la tête. Elle se distinguait déjà suffisamment des gens du commun par sa taille supérieure, et ses oreilles pointues – au coeur de cette histoire – n'étaient pas sans attirer souvent l'attention elles non plus. Un panier d'osier rempli de fruits, de légumes et de simples à la main, elle était prêtre à rentrer chez elle lorsque le membre le plus inattentif d'un groupe de jeunes gens lancés à toute allure l'avait percutée ; pas assez violemment pour qu'elle ne tombe à la renverse, mais assez pour que son panier de provisions ne lui échappe et ne répande son contenu. Sans demander leurs restes, le responsable et ses acolytes s'étaient enfuis, riant à gorge déployée et évitant avec adresse les taloches que certains adultes excédés leur adressaient.
Sa patience toute immortelle lui interdisait de se courroucer pour si peu, et elle s'était simplement agenouillée pour ramasser ses emplettes, lorsqu'une petite main était venue se faufiler sous sa capuche, lui attrapant l'oreille. « Bèl Oídas ! » Grandes Oreilles. C'était la première fois, comme le lui avait expliqué la nourrice de l'enfant venue l'aider, qu'il apercevait quelqu'un de sa race – et elle aussi par la même occasion –. Elle s'excusait de son comportement. Ce souvenir inattendu la fit sourire, émergeant d'une époque lointaine. Mais ce n'était pas son nom. Les enfants préféraient d'ailleurs l'appeler Dama-deu Sorelh, " Dame du Soleil ", ou tout simplement Sorelh, et elle se flattait en même temps qu'elle s'amusait de cette comparaison à l'étoile. Pour les adultes, elle était plus simplement...
« Lyra. Son regard vint croiser celui d'Aegden, comme si elle cherchait un quelconque assentiment, puis elle s'en détourna. Alors ses lèvres se pincèrent et se sourcils se plissèrent, tandis qu'elle fouillait plus profondément encore sa mémoire. Il y avait autre chose, elle en était certaine. « V... Un certain désarroi manqua de la submerger en réalisant que le reste de son nom lui échappait, résultat inévitable de siècles de solitude. Puis la lumière se fit sur son visage. - Vel... Une autre hésitation eut lieu, plus courte celle-ci. - Vel'yra. » Cette fois-ci, elle était sûre d'elle. « Aegden, » répéta-t-elle ensuite. Ami ? » Sans même s'en rendre compte, elle avait utilisé la langue des Vaanis.
|
| | | Aegden Orian
Ancien
Nombre de messages : 1252 Âge : 6 Date d'inscription : 17/08/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 410 ans Taille : 2m Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Dim 14 Avr 2024 - 14:10 | |
|
-Vel'yra. Répétât-il, comme pour sceller cette réponse.
Il inclina un peu la tête, comme cherchant à comprendre l’étrange elfe en face de lui. Voilà un détail intéressant : elle utilisait une langue que peu d’elfes en dehors de l’armée ou des érudits ne connaissaient. Elle lui avait déjà certes donné un indice quand à une éventuelle fonction ancienne, et qui donnait sens quand ce savoir; mais s’il s’agissait là d’un réflexe, sans doute ne s’était-elle pas contenté d’apprendre l’Olyian dans des livres en cas de bataille…
-Ami, oui. Répondit-il dans la même langue qu’elle. Je suis un ami. Comprend tu mieux cette langue ?
Lui semblait en tout cas suffisamment la maitriser si en elle éprouvait le besoin. Quoi que, si la structure de ses phrases semblait naturelle, il conservait un net accent anedhel. Dans sa façon de parler et dans son attitude, assis à même le sol, il maintenait cette image d’elfe détendu, simplement pris dans une conversation à l'air presque banal, et dont elle n’avait donc rien à craindre.
-Je peux te parler ainsi, si tu es plus à l’aise. Suggéra-t-il alors avec douceur. Je suis simplement curieux te te connaitre et de discuter, Vel'yra. D'où vient tu ?
|
| | | Vel'yra An'duin Merethyl
Elfe
Nombre de messages : 20 Âge : 917 Date d'inscription : 26/12/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 916 ans Taille : 1m87 Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Lun 29 Avr 2024 - 21:29 | |
|
Si l'emploi de l'oliyan lui avait été naturel, que son interlocuteur réponde dans la même langue déclencha chez Lyra une réaction instantanée, ses oreilles se dressant tel un Fanuë saisit soudain par le craquement une branche. Elle acquiesça à la nouvelle question, en silence, sans trop de certitude. Durant les décennies passées, elle n'avait mené des conversations qu'avec elle-même, sous la forme de prière ; et si elle était convaincue d'avoir toujours mené ses liturgies en elfique, se gardant du blasphème, rien ni personne ne pourrait l'attester, tous voeux de probité se diluant dans la mare de sa solitude. Elle comprenait, oui. Mieux, peut-être, aussi. Car si l'on excluait les tentatives peu probantes des prêtres de Kÿria de communiquer avec elle, ses derniers échanges s'étaient indubitablement déroulés dans le parler de Thaar, deux siècles auparavant.
La seconde question provoqua chez elle un soupçon de confusion, qui se manifesta par une ligne barrant soudain son front. D'où venait-elle ? D'un peu partout et de nulle part, en Anaëh. Avant cela, d'Ithri-Vaan. Quelques siècles plus tôt encore, d'Alëandir, son lieu d'affectation. Mais celui de sa naissance, pour qui elle ressentait parfois le mal du pays, et qu'elle estimait être le sujet de la demande, ce serait... « Ondolaurë, souffla-t-elle. Son palais de marbre blanc, son Jardin des Ealas, son lac funéraire... mais aussi ses carrières, ses ponts, ses falaises, ses arbres aux teintes bronzées – une fois venu l'automne –, et bien sûr, sa vue sur l'océan nordique.
Au moment de se remémorer, une ombre passa sur le visage de Lyra. Même pour une immortelle, cela faisait trop longtemps qu'elle avait quitté l'île. Elle n'y était retournée qu'une fois, après sa nomination en tant qu'Aigle. Ce soir-là, sa caserne avait mis plusieurs fûts de Sintirnë en perce : ce mélange de pétales de clathre ombreux, de racines d'eryolis et de mélasse de tubercules qui, une fois macéré et vieillit suffisament longtemps dans des tonneaux en écorce d'érable fongique, donnait l'une des rares boissons capable de rendre ivre un elfe sans qu'il en boive de quantité démesurée ; alors, les rires et les cris des soldats assez chanceux pour ne pas être de faction avaient résonné jusque tard dans la nuit.
La suite, pour elle, ça avait été sa première affectation, en tant que protectrice du palais royal. Puis l'assassinat de Glorfindel, la guerre avec les noss, jusqu'aux incursions Drow, la bataille d'Uraal et finalement, sa disparition. Elle était aujourd'hui une rescapée et une étrangère, ignorant toujours à quel point les choses avaient changées depuis son départ ; combien de rois et de reines avaient succédé au sien. Lyra s'était mise à creuser machinalement la terre devant elle, songeuse, oubliant presque la présence du Mainyth devant elle. Mais pas entièrement. - ...Caranthyr-Assairon ? Roi ? » Une interrogation soudaine, simple, et ô combien révélatrice.
|
| | | Aegden Orian
Ancien
Nombre de messages : 1252 Âge : 6 Date d'inscription : 17/08/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 410 ans Taille : 2m Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Ven 24 Mai 2024 - 16:49 | |
|
-Notre Aran se nomme Artiön Laergûl de Daranovar. Fit-il avec douceur. Nous sommes dans l’an 21 du onzième cycle.
Elle semblait s’être perdue dans le temps, et Aegden s’inquiéta de savoir comment elle prendra un quelconque choc qui la mettrait fasse à la réalité. Si elle avait connu Caranthir en tant que régent cet elfe-là devait être particulièrement âgée. Aegden n’était lui-même qu’un enfant à cette époque. Si elle avait été soldat peut être même avait-elle put côtoyer son propre père. L'idée était déstabilisante. C'était presque étrange de côtoyer cette elfe, presque frêle fantôme d'un lointain passé....
-Le temps a passé depuis ta présence parmi les tiens, j’imagine. Souleva-t-il, à nouveau cherchant un ton doux. Aurait-tu idée de combien de temps ? Saurait-tu raconter ton histoire ?
Il aurait cherché à établir le contact, lui prenant la main, s’il ne l’avait pas vue si craintive. A la place, il se contenta de parler dans cette langue qui lui semblait plus familière.
Peut-être, se dit-il d'ailleurs, vaudrait-il mieux l’aide d’un guide ou bien d’un adepte de Tyra pour aider l’elfe, car il avait peur de manquer de délicatesse pour cette elfe si fragile. Il eut alors une pensée à Sirthaliel. La jeune clerc avait après tout fait partie des prêtres de la Voilée dans sa contrée natale, et ici elle avait aussi aidé nombre de soldats après la guerre Naëlisienne. Elle saurait probablement aider mieux qu'il n'en était capable.
|
| | | Vel'yra An'duin Merethyl
Elfe
Nombre de messages : 20 Âge : 917 Date d'inscription : 26/12/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 916 ans Taille : 1m87 Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden Dim 9 Juin 2024 - 18:46 | |
|
Une stupeur où se mêlaient à la fois doute et tristesse s'emparèrent des traits de son interlocutrice quand il divulgua la date. Aegden s'inquiétait de la réaction de l'elfe, et ne tarda pas à la percevoir quand celle-ci remonta lentement ses jambes contre son buste, enroula ses bras autour, puis y enfouit la tête. L’An 21 du Onzième cycle Son dernier repère chronologique fiable n'était autre que la date des funérailles de son hôte, l'homme qui lui avait sauvé la vie et l'avait hébergée à Thaar, en l'an 770 du Cycle précédent. Elle avait quitté l'Ithri'Vaan quelques mois plus tard, puis rejoint les terres elfiques au terme d'un voyage qui avait duré près d'une année, et où sa perception du temps passant s'était peu à peu dissolue.
Au gré des jours, des semaines et des mois qui s'égrenaient, elle s'était irrémédiablement détachée des notions de temporalité pour s'attacher aux aspects plus prosaïques des besoins immédiats. La cueillette et parfois même la chasse, lorsque son ventre était vide ; la quête d'un abri, lorsque la nuit approchait ; la fuite, face aux prédateurs les plus dangereux. Seuls, le Soleil et la Lune avaient rythmé ensemble ses jours, ainsi que tout ce qui incombait à une survie en solitaire. Le passé et le présent n'existant plus, seul le moment présent lui incombait, fait de faim, de soif, et peu à peu elle s'était ensauvagée, sans même s'en rendre compte.
Elle connaissait les ruisseaux et les rivières à l'eau la plus claire, ainsi que celles privilégiées par les herbivores. Elle avait appris à éviter les clairières trop exposées, et les endroits où les branches étaient assez basses pour qu'un carnivore s'y tapisse. Les vestiges d'une présence animal n'avaient plus de secrets pour elle : des poils accrochés à un roncier ou sur un tronc, jusqu'aux traces fraîchement abandonnées dans la terre molle. Se gardant également d'entrer sur les territoires peuplés par d'autres elfes; elle avait su éviter les mauvaises rencontres avec un succès raisonnable. Tout cela, et plus encore, au détriment de son instinct grégaire.
Ce qui l'avait poussée à revenir restait un mystère que les prêtres de Kÿria n'avaient pas cherché à élucider pour le moment, se contentant de l'apprivoiser sans brusquerie ni précipitation. Celui qui avait mené Aegden jusqu'à elle revint d'ailleurs à cet instant. Ne s'étant éloigné pour garder un oeil sur l'échange, il avait décelé chez sa patiente le besoin d'être à nouveau seule. « Il vaut mieux partir, maintenant, souffla-t-il au Mainyth. - Cela lui passera, ajouta-t-il quand le Commandant fut debout. - Elle a juste besoin de temps. » Combien ? Presque tous ceux s'occupant de son cas escomptaient qu'il lui en faudrait beaucoup, et qu'elle ne serait sans doute jamais la même personne qu'avant.
|
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden | |
| |
| | | | Le temps est un fleuve dont le passé est la source - Aegden | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |