Un allié improbable (Villiam)

Par il ne sait quel moyen - même si la manière l’importe peu au final - le bandit avait réussi à lui faire parvenir un message à l’auberge de la Perle, l’invitant à le retrouver à l’emplacement habituel, un jour précis.

Il n’avait fallu que quelques jours au vannie pour récupérer des informations et suffisamment intéressantes pour être partagées. Ranadaht n’était pas non plus sans rien, il avait lui aussi réussi à glaner quelques informations ci et là, peut-être par le simple fait de vivre dans les beaux quartiers et que bon nombres de ceux y vivant font d’une certaine manière confiance à leur semblables pour parler ouvertement de certaines choses.

Ainsi, comme indiqué par le message “Gadish” se retrouve à la place de l’ancienne arène. Toujours vêtu de son long manteau épais et de sa capuche qui dissimule sa chevelure bicolore. Il se tient au centre, bien visible des toits - sachant que son interlocuteur apprécie cette voie - et il patiente.

La Plaine, quelques heures après l’autre rp

La jeune fille regardait le petit monde autour d’elle, absolument déboussolée. Elle triturait ses doigts nerveusement en observant deux hommes affairé à rafistoler un morceau de toiture. Ici on discutait autour d’un cheval. Là, une femme ou un jeune garçon était occupé à jouer avec des fioles bizarres. A un autre endroit encore, quelques silhouettes prenaient une pause probablement mérité après un labeur dont elle n’avait connaissance. Mais…Aucun maitre ne semblait contraindre qui que ce soit à retourner à leurs travaux.

-Et si je veux repartir ?

Elle osa jeter un coup d’œil au semi-elfe qu’elle avait suivi jusqu’ici et qui se tenait à ses cotés. Celui-là haussa les épaules.

-Ben je te ferait faire le retour. Répondit-il l'air d'énoncer la plus simple des évidences.

Le chemin jusqu’à la Plaine était protégé par le secret. La jeune fille avait ainsi eu les yeux bandés une bonne partie du trajet. Pour autant le chef de l’Aile Blanche restait fidèle à ses principes : il ne la retenait pas.

-En fait j’en ai pas envie….

Un sourire.

-Viens je vais te présenter les autres.

**

3ème ennéade de Bàrkios, Quelques jours après
XXI année du Cycle XI,
Aux environs de l’arène clandestine,

Un petit sifflement survint dans le dos du gladiateur peut être cinq ou dix minutes après son arrivée. Comme l’autre jour, le bandit était apparu perché sur un bout de toit, bien que cette fois il se laissait être vu, reconnaissant la grande silhouette. D’ailleurs, il n’attendit pas que l’homme se retourne pour atteindre la terre ferme. Jade ne semblait pas l'avoir suivit.

-Ranadath. Le salua-t-il rapidement. Il semblait préoccupé. Tu as reçu mon message j'imagine?

Comme attendu, le sifflement provient des hauteurs. L’agilité du bandit ne surprend plus Ranadath qui pivote lentement lorsqu’il entend les pieds légers du semi-elfe se poser dans son dos.

Aux salutations, l’hybride reste d’abord silencieux, après tout seul un “V” stylisé donne une brève indication de l’identité de l’homme. Plusieurs noms semblent vouloir sortir, mais il semble préférer s’abstenir sur certains. “V.” hasarde t-il alors en guise de réponse. “Vermine, Vaurien, Va-nus-pieds…” Tant d’autres semblent convenir au vaani, mais il ne valait mieux pas commencer la rencontre de cette manière.

“J’ai bien reçu votre lettre, sinon, je ne serai pas ici.”  Souligne-t-il comme une évidence à la question qui lui paraît mal venue. “J’ai moi-même obtenu quelques renseignements, mais commencez.”

Le regard de l’eldéen perce Viliam même de sous la capuche. Il ne semble pas se soucier de la préoccupation de l’homme, car lui-même paraît impatient voir ennuyé d’être ici, dans un rendez-vous mené par le bandit.

-Viliam. Répondit-il machinalement aux balbutiement de son interlocuteur. Je m’appelle Viliam. Et comme s’il ne s’agissait que d’un détail sans importance il changea de sujet. Ou plutôt repris celui qui avait plus d’intérêt à ses yeux.

-Notre homme n’a pas bien attendu longtemps. Fit-il. Jade n’osait pas en parler devant toi. Mais il semble qu'il soit  à la tête de plusieurs autres arènes. Il pencha la tête. Elle pense à un réseau clandestin mais ses mots n’étaient pas très précis, j’ai dû interpréter. Elle en tout cas, elle se souvient d'avoir vu son frère être emmené autre part.  Au cas où je suis allé trainer un peu près des docks. Les marins ivres ça parle pas mal… Et en y laissant trainer mes oreilles, quelques autres infos plutôt intéressantes. Il parait que y a eu du ménage de fait dans certaines bandes de contrebandiers puissantes. Et un peu à tous les niveaux d'ailleurs. On a retrouvé une dizaine de corps noyés dans un canal il y a deux jours. Un ''accident''. Fait-il en n'y croyant pas une seconde. Je crois que quelqu’un à peur et essaie de couvrir ses arrières.

Seul un hochement de tête répond à la présentation du bandit. Maintenant ils sont tous les deux égaux et l’hybride laisse couler un regard insistant sur ce qui est possible de voir du visage caché sous la capuche, comme pour marquer les traits de ce dernier dans sa mémoire.

Il écoute alors le récit du bandit. Plusieurs accidents, lui-même n’y croit pas, suite à la descente du Guet dans l’arène. Il ne comprend pas vraiment en quoi ces informations peuvent servir, mais Viliam lui semble avoir une piste et une idée de tout ça. Finalement, il brise son silence concentré pour répondre.

“... Et donc ? En quoi ce ménage récent peut nous être utile ?” Peut-être que c’était là une manière bien vaanie de procéder qui lui échappe alors, mais il semble réellement bien loin de comprendre où veut en venir le bandit. Puis, laissant le temps à Viliam d’expliquer son point de vue, dans un second temps, l’eldéen poursuit sur ce qu’il sait.

“Ezechiel.” Lâche-t-il simplement comme un cheveux dans la soupe. “Le nom du propriétaire de ces arènes clandestines. Un esclavagiste que certains habitants des beaux quartiers connaissent car il a pour habitude de les fournir… Essentiellement les maisons closes pour faire la sécurité, peut-être comme le jeune Oswald. Ce n’est pas lui qui gère les transactions, mais un intermédiaire que je saurai trouver et reconnaître, car on me l’a présenté.”

Eh bien…Il pencha la tête et tapota sa joue d’un doigt. En quoi le ménage de contrebandiers le jour suivant le démantèlement du coin peut avoir à faire avec notre homme que nous savons tremper dans des affaires illicites de la sorte ? Sachant que jusqu’ici il était protégé, et qu’il ne l’est manifestement plus. Il finit par cesser son jeu et hausser les épaules. Quelque chose a changé. Quelqu’un a parlé, ou les intérêts d’un des partis ne correspondaient plus aux autres. Et de fait, les strates inférieures ont payé la dette. Pourquoi maintenant ? Quel lien ces hommes avaient-t-ils précisément avec celui que nous cherchons et pourquoi ceux là précisément se retrouvent dans la flotte ? Je l'ignore. Tout ce que je comprend c'est que nous avons affaire à quelqu'un de puissant et dont les relations semblent trembler en ce moment. Ton intermédiaire peut certainement nous en dire plus. Il eut un rictus. Mais je doute qu’il accepte de discuter là comme ça… Et soudain il s’arrêta et haussa un sourcil. Attend...comment ça on te la présenté ? Souleva-t-il.

Étrangement, Ranadath ne semble pas réceptif au sarcasme du bandit, continuant de le fixer avec sérieux et attention alors qu'il l'écoute. Il finit par simplement opiner en guise de réponse à toute cette histoire et poursuit alors. "Vous en savez davantage quant à ces relations ou une quelconque manière de le retrouver ?" Puis vient la question du bandit à laquelle Ranadath répond sans détour. "Et bien, oui. Ce dernier voulait me vendre les services de femmes en sa possession, ma nature semble être un avantage par moment dans cette cité." Il hausse les épaules ne sachant pas si cela est une vérité ou simplement de la manipulation commerciale.

Viliam laissa échapper un long soupir.

-Je vais probablement regretter de poser la question. Fit-il, l'air désabusé, mais est-ce que tu lui a déjà donné une réponse quand à cette...charmante offre ? Je t'avoue de suite que j'ai absolument pas envie de savoir les détails. Ajouta-t-il avec un geste de la main, comme chassant de son esprit des images qu'il ne définitivement voulait pas avoir dans sa tête. Mais là, c'est l’occasion ou jamais de pouvoir l'approcher à nouveau et d'obtenir ce qu'on veut...

La statue immortelle penche légèrement la tête sur le côté, quelques mèches de cheveux tombent sur une partie de son visage et il fixe Viliam. Le visage angélique du gladiateur se pare d’une expression étrange, entre l’incompréhension et la réflexion tout en cherchant à saisir la réaction du bandit.

« Ce que je fais ne vous regarde pas, Viliam. » Le prénom sort pour la première fois de sa bouche, sèchement, comme un rappel à l’ordre de la familiarité instauré par le membre de l’Aile Blanche. Ranadath semble à son tour se lancer dans cette voie-là, bien que le ton employé et le vouvoiement continuent de jouer la séparation entre les deux individus.

« Je peux néanmoins le recontacter, pour les besoins de l’enquête. Il n’est pas difficile à rencontrer et sera probablement enclin à me rencontrer à nouveau. » L’hybride ne cligne pas et reprend aussitôt sur un ton presque automatique, une habitude religieuse. « La Sulfureuse nous fait don des plaisirs de la Chair, c’est une façon de garder l’envie d’avancer de faire brûler la Flamme qui nous habite. De plus nous nous devons de lâcher prise par instant, profiter des instants de la Vie et ses plaisirs pour par la suite nous offrir au Père des Batailles. » Il reprend silence et continue d’observer les réactions de l’homme, puis finalement, dans une vive parole. « Je ne suis pas soumis à ça, si cela vous questionne tant… Je n’ai guère besoin d’évacuer quoi que ce soit, je ne suis pas considéré comme un semblable pour les miens et n’est donc pas concerné. Je ne suis qu’une lame, pas un individu. »

Ces dernières révélations ne lui font ni chaud, ni froid, encore une fois paraissant formaté à sa condition et son état d’esclave qu’il accepte et embrasse étrangement sans rechigner. « Dites-moi si vous désirez que je le contacte à nouveau ou si vous préférez vous occuper des quais dans un premier temps. »

-Effectivement ça regarde que toi Ranadath et je veux pas le savoir. Le bandit s’était reculé d’avantage, haussant sa main. Je m’en fous de ce que tu as...heu...besoin de faire ou pas. Fit-il, dans un rire un peu nerveux. Ma question ne concerne rien d’autre que notre affaire commune, le reste c'est ta vie pas la mienne. Il se garda de mentionner le profond dégout que lui inspirait l'idée même de faire appel à la prostitution. Ils avaient pour le moment autre chose à foutre que de s’engueuler sur la façon dont ils cherchaient chacun à assouvir leurs plaisirs. Mais si cet homme-là essaie de te refourguer ses femmes, tu aurais simplement une excuse de retourner le voir et de discuter avec lui. Il pencha la tête. D'autre chose que des dites femmes...

Pourtant il était vrai que la façon dont l’hybride s’exprimait avait de quoi attiser la pitié du bandit. On avait fait de celui-là un outil parfait, endoctriné au point qu’il soit persuadé de la justesse de sa bien triste condition. Une arme, un objet. Un outil qui n’avait pas de désir propres au-delà de servir. Voilà comment l’homme en face de lui semblait se considérer. Viliam ne pouvait que trouver ça terriblement triste.

Mais pour l’instant, loin de s'apitoyer sur le sort du gladiateur, ils avaient une mission.

-Je pense que ton contact est celui le plus à même de nous mettre sur une bonne piste. Comme tu l’as dit, ton statut te donne visiblement des avantages. On sait qu'il a servit d'intermédiaire et qu'il à des informations. A nous de faire preuve d'assez de subtilité pour les lui prendre.

« Je le ferai venir en ce cas. » Dit-il simplement. « Vous n’aurez qu’a … » Sa main aux doigts délicats mouline en direction des hauteurs dans un geste dédaigneux. « … faire ce que vous savez faire de mieux pour observer et suivre cet homme, peut-être vous mènera-t-il à ces appartements, ceux de l’homme que l’on cherche ou tout autre qui pourrait s’avérer intéressant. »

Finalement, après une courte réflexion il reprend presque aussitôt. « Désirez-vous faire l’interrogatoire ? Peut-être n’est-il pas judicieux que je me découvre si nous ne voulons pas perdre cet informateur et avoir la possibilité de me faire passer simplement pour un client ? » Il penche alors la tête, observant Viliam, ses propos semblent dissimuler le fond de ses pensées un court instant.