Un autre réveil difficile | Loreta & Aslan

Première ennéade
Verimios 21:XI

Aslan ouvre péniblement les yeux. Sa tête est si lourde qu'elle lui semble fermement scellée dans l'oreiller sur lequel elle repose. Sa nuque lui paraît d'apparence trop faible pour parvenir à la soulever de là et plus encore pour en supporter le poids. Et il sait d'avance que, lorsqu'il le fera, cela ne sera pas sans douleur car ses tempes le pressent déjà sensiblement.
Pourtant, comme chaque matin depuis deux mois, il y parvient. Après quelques minutes, il arrive à bouger ses doigts, puis ses pieds puis chacun de ses membres aussi lourds que son crâne, avant de finalement parvenir à se redresser péniblement. Une grimace déforme son visage alors que des aiguilles lui transpercent le cerveau.

Ce n'est qu'une fois assis qu'il referme les yeux... et se concentre. A l'aide de ce collier d'enfant toujours à son poignet mais dont il ne se souvient pas totalement, il met dans l'ordre dans sa tête. Tout ce qui ne lui appartient pas, il le range dans un coin et l'enferme soigneusement afin que cela ne le dérange plus tant qu'il ne le souhaite pas. Puis il fait avec soins l'inventaire des endroits où il y a quelques trous dans son propre passé, afin d'être prêt à les combler le moment venu. Il en a trouvé une dizaine... Une dizaine de souvenirs à lui qui ont disparus dans l'esprit de Viliam et une dizaine des siens qui sont venus prendre place dans le sien.
Il s'adonne à ce rituel afin de parvenir à continuer à avancer en attendant le jour où il parviendra à retrouver le bandit. Ce dernier ne semble d'ailleurs pas le chercher, alors qu'il connaît son nom de famille. Craint-il de retourner dans la bibliothèque au point d'être prêt à perdre des parties de lui ? Le Guetteur, pourtant en congé maladie depuis tout ce temps, ne renonce pas, lui. Il a d'abord tenté d'utiliser les souvenirs à sa disposition mais cela n'a fait que lui en apprendre plus sur l'histoire de Viliam sans lui donner la moindre piste sur son emplacement actuel. Alors, aussi discrètement que cela lui a été permis, il s'est procuré quelques rapports d'enquête et registres qu'il étudie chaque jour afin de trouver la moindre piste qui pourrait le mener à lui. Il a déjà interrogé quelques personnes, mais bien peu afin de ne pas attirer l'attention du Guet, car il n'est pas dans son intérêt qu'ils apprennent ce qu'il fait où ils voudront exploiter ses souvenirs sans chercher à l'en débarrasser.
Pour l'instant, il n'a rien trouvé de probant mais peut-être quelqu'un finira-t-il par entendre sa douleur et voir sa sincérité lorsqu'il dit qu'il ne lui veut aucun mal... Il essaie de ne pas désespérer, même si cela lui arrive parfois. Et il ne peut s'en confier à personne. Personne sauf la seule qui soit au courant de son état parce que la situation l'y a contraint.

Alors qu'il arrive à la fin de son rituel matinal et qu'il ressent à peine le soulagement arriver, on frappe à sa porte.

-Maître. Loreta Ley'alnen est arrivée.

Lorsque l'on parle de la louve...
Aslan soupire. Non pas parce que sa visite lui déplaît mais parce que son répit aura été de bien courte durée. Il s'est réveillé tard, une fois encore.

-Fais-la patienter dans le petit salon et dis-lui que j'arrive.
-Bien, Maître.

Oui, Aslan vit toujours dans la demeure familiale... C'était essentiel à leur plan. En échange du silence de Loreta sur son état, Aslan garde le silence sur les pensées secrètes de la jeune femme. Mais elle veille aussi un peu sur lui, l'aidant à cacher son mal et lui offrant la solitude et le temps dont il a besoin pour faire progresser son enquête. Pour cela, les plans de mariage de leurs familles leur servent bien. Ils jouent chaque jour un simulacre de romance naissante qui reste très platonique. Assez pour contenter leurs parents, même s'ils finiront par s'impatienter. Aksel le raille déjà à ce sujet... Alors nul doute que la famille de Loreta lui demandera bientôt de se montrer plus entreprenante avec lui qui semble intéressé mais timoré. Il a laissé entendre à sa mère que cela venait de sa crainte de mal faire après le fiasco de sa dernière relation amoureuse... Cela a fonctionné, pour le moment. Mais il est un homme et on finira par douter de son intérêt pour la jeune femme s'il ne passe pas à l'acte, il le sait. La question est de savoir : quand ?

Après avoir pris le temps de se laver pour se débarrasser des émotions et douleurs de la nuit, Aslan s'habille, met de l'ordre dans sa tignasse sombre et sort, se dirigeant vers la pièce où il a demandé à ce que l'on installe sa fausse bien-aimée. Nul doute qu'on lui a proposé une boisson -certainement chaude vu le froid qui s'installe déjà-. En arrivant sur le seuil, il sourit en la découvrant, d'un sourire qui n'est peut-être pas aussi tendre qu'il n'y paraît mais qui n'est pas totalement forcé non plus. Car elle est sa seule alliée dans ce monde... et peut-être même sa seule amie.

-Loreta. Il s'approche d'elle et, comme il a pris l'habitude de le faire depuis quelques ennéades pour faire croire à ses sentiments, il lui prend la main et dépose un baiser sur sa joue. Ça va ? Fait-il avec moins de formalisme qu'il ne le ferait pour une simple amie, histoire de continuer à faire croire à son idylle tandis que le serviteur sort et ferme la porte derrière lui, leur laissant enfin un peu d'intimité.

-Bonjour Aslan. Fit Loreta.

Avant qu’il n’entre Loreta attendait, sagement assise sur un fauteuil. Dans sa main une petite tasse fumait doucement et elle y buvait à l’aide de gestes tout mesurés. Lorsque le guetteur était apparu, elle l'avait posée et s'était délicatement levée. Elle portait un châle épais sur ses frêles épaules, variant des voiles dont elle avait plus l'habitude. Elle avait probablement comme tous était surprise par le temps extrême au dehors. Une brise aurait semblé pouvoir la faire s'envoler sous ses robes.

-Tu as l'air fatigué. Fait-elle remarquer avec sa voix fluette, sa petite bouche se fronçant en une moue inquiète. Elle vient poser le dos de sa main sur son front. Tu ne me semble pourtant pas malade…

Et comme si elle s'y était brûlée elle retira soudain sa main, et s'éloigna, s'en allant plutôt a la fenêtre. Loreta était ainsi, une petite poupée volage qui semblait difficile à saisir tout a fait. Sans doute aussi conservait-elle un certain malaise face a cet homme qu'elle n'aimait pas mais a qui elle devait accorder sa confiance. Cet homme qui avait vu et vécu tant de vies, jusqu'à avoir une fiancée autrefois, tandis qu'elle n'était toujours qu'un petit moineau dans une cage dorée. Elle semblait avoir du mal à maintenir une trop grande proximité physique entre eux, comme intimidée, et elle finissait souvent par s'y soustraire ainsi.

-Est-ce dû a ta…hm...condition ? Finit-elle par ajouter, en replantant ses yeux clairs dans ce de son prétendant. Elle s’inquiétait sincèrement pour lui en ajoutant : Il semble que tes crises se font récurrentes ces derniers temps. Fait-elle remarquer.

Il lui avait expliqué l’affaire, après sa première crise. Elle n'avait alors pas été certaine de complètement comprendre mais il avait semblé que sa présence simple et sa voix l'aidaient. Alors elle avait agi de la même sorte, cherchant à l'aider lorsqu'il en avait besoin. Elle s'inquiétait aussi, sincèrement, de le voir au fil de temps toujours fatigué, si souvent la main à ses tempes.

Aslan reste immobile alors que Loretta l’ausculte. Il ne la quitte pas du regard, peu dérangé par cette proximité et ce geste à la fois intime et pourtant anodin de par son innocence. Elle ne fait que veiller sur lui, en amie et comparse. Après tout, ils jouent tous deux à tromper leur monde en public en faisant croire à leur idylle, aussi timide soit-elle.

-Non, je vais bien sur ce plan-là.

A peine a-t-il eu le temps de réagir à sa réflexion que la jeune femme s'échappe et il ne fait rien pour la retenir. Il sait qu'elle n'a pas son expérience et donc son aisance avec les personnes de l'autre sexe. Sans compter que sa confiance est difficile à acquérir pleinement. Il a pu l'observer mais aussi le ressentir lorsqu'il a laissé libre court à sa magie pour percevoir ses émotions. Il le fait un peu moins, son état ne le lui permettant pas toujours, mais il doit se retenir pour cela... Elle n'est pas totalement "avec lui". Est-ce à cause des conditions dans lesquelles s'est forgée leur amitié qui prend plutôt la forme d'un alliance de circonstance ? Lui dans le besoin de trouver un soutien et elle dans celui de s'assurer de son silence ? C'est fort probable...
Comment peut-il lui faire comprendre qu'elle peut se reposer sur lui ? Qu'il n'a aucune raison et aucune envie de la trahir ? Parce que le fait qu'elle ait un secret le conforte dans le fait qu'elle gardera le sien mais il n'aurait rien dit, même si elle avait tout dit en découvrant sa situation... Seulement elle ne semble pas encore bien le connaître, malgré les deux derniers mois passés ensemble. Il faut dire que leurs échanges se limitent le plus souvent aux besoins de chacun dans le contexte actuel. Quelque fois, il a emmené Loretta en ville, dans des quartiers qu'il connaît bien et où il sait pouvoir trouver distraction sereine ou paix en fonction de ce qu'il recherchait. L'objectif en tous les cas était de l'éloigner des Soieries et de tout ce qui lui pèse tant mais il n'a pas l'impression que cela l'ait beaucoup détendue le concernant.

S'il ne répond pas à sa première question, un silence ne faisant que confirmer qu'elle est sur le bon chemin, il peut aisément répondre à son commentaire.

-Mon enquête fait remonter plus facilement les souvenirs. Commence-t-il en venant s'asseoir pour se servir un thé, première chose qu'il va ingurgiter de la journée. Les rapports que je me suis procuré me parlent beaucoup de lui, même si son nom n'y est pas toujours... L'Aile Blanche, c'est lui. Elle reflète sa façon de penser. Et je pense le cerner de mieux en mieux...

Levant sa tasse, il boit une gorgée avant de la reposer et de porter son regard sur Loretta. Il garde le silence quelques secondes, visiblement songeur. Il vient de se demander à quel point Renalt lui est semblable pour avoir tout quitté pour lui. S'ils ont été amoureux, ils ne le sont visiblement plus aujourd'hui mais il est resté à ses côtés... C'est que ce combat est aussi le sien, c'est évident.
Mais, en songeant à cela, il ne peut s'empêcher de revenir à sa jeune sœur qui pense visiblement à lui plus souvent qu'elle ne veut bien l'admettre. Et, puisqu'ils sont seuls et que personne ne peut les entendre...

-N'as-tu jamais eu envie de le revoir ? Ton frère. Se risque-t-il finalement à demander avec douceur, de peur de la brusquer.

-Je ne l’ai jamais rencontré. Je suis née alors qu'il n'était déjà plus des nôtres, Aslan...

Loreta revient doucement s’asseoir en face du guetteur.

-Est-ce que tu le vois parfois, dans ta tête ? Demande-t-elle.

S’il éprouve des remord à utiliser la mémoire d’un autre, ce n’est pas le cas de la douce Loreta. On l’a élevé à considérer les bandits comme ceux de l’Aile Blanche comme des sous citoyens. Comme on l’a élevé à user de ses domestiques, certes sans cruauté, mais tout de même comme si leur service lui était dû par son statut. Elle se fiche pas mal du sort de leur chef, qu’elle ne voit encore que comme une brute aveugle. De ce fait, elle ne parvient toujours pas à saisir pourquoi ce frère qu’elle n’a pas connu l’avait suivi, autrefois. Et cela la fait douter. Souvent. Et culpabiliser de penser à un spectre que sa famille s'est toujours attaché à effacer.

Elle se mordille la lèvre inférieure, luttant entre ce sentiment coupable, et sa curiosité.

-Parfois je m’interroge. Admet-t-elle, ses longs cils baissés sur ses mains. A quoi ressemblait-il à mon âge ?

"Plus des nôtres"...

Elle parle de lui comme s'il était mort. Cela le blesse mais il sait que ce ne sont pas ses sentiments qui parlent. Il a de la peine pour Renalt, c'est vrai. Lui-même vivrait mal le rejet de sa famille, même si cela ne lui ferait pas changer de vie pour autant. Mais l'ampleur de la peine qu'il ressent n'est pas la sienne. Elle est due aux souvenirs qui l'habite et à cette affection qu'il a parfois l'impression d'avoir pour lui alors qu'il a à peine connu cet homme dans son enfance.

A la question de Loreta, Aslan la fixe, songeur. Il ne lui a jamais raconté ce qu'il voit, il garde ces images pour lui. En revanche, il a déjà évoqué ce qu'il ressent dans ces moments-là mais aussi ses interprétations, ce qu'il comprend du personnage qui habite son esprit. Cela l'aide à analyser les choses. Il est probablement plus proche de lui mais imagine que c'est probablement à sens unique... S'il n'a pas apprécié ses visites dans son esprit, le bandit doit détester qu'il possède quelque chose qui lui appartient... Ce qui est étrange, c'est qu'il ne cherche pas à le récupérer...

-Je le vois... A des âges différents. Viliam et lui sont très proches.

Aslan a toujours senti cette curiosité timide de la jeune femme pour son frère. Il sait qu'elle a été élevée dans une haine tournée vers lui mais elle ne semble pas y adhérer totalement. Elle lui accorde visiblement le bénéfice du doute et ce n'est certainement pas lui qui irait l'en blâmer. Il a toujours préféré se faire son propre avis sur les choses plutôt que de se fier à des on dit.

-De ce que j'en ai connu et que je perçois aujourd'hui... Je dirais que vous avez des points communs. Comme une certaine ouverture d'esprit, par exemple. En tout cas, lorsqu'il était jeune puisse qu'il est parvenu à se défaire de son éducation pour se rapprocher d'un esclave. Il marque une pause, le temps de boire une nouvelle gorgée. Je pourrais dire que nous nous ressemblons mais nous avons choisi des voies totalement opposées... Notre seul point commun est d'avoir emprunté une voie différence de celle qui avait été tracée pour nous.

Si, officiellement, sa famille l'a en partie renié en lui coupant les vivres, elle est toujours là, à veiller sur lui, prête à lui ouvrir la porte lorsqu'il en aura besoin. Renalt, lui, s'est révolté contre les siens. Les Ley'alnen l'ont peut-être rejeté mais la réciproque est probablement vraie. C'est peut-être ce qui le rend plus virulent encore que Viliam de ce qu'il a pu lire dans les rapports.

-Si jamais tu souhaites m'accompagner ou que je lui transmette un message le jour où j'irai à la rencontre de l'Aile Blanche, il sera toujours temps. Evoque-t-il posément et presque innocemment.

Il ne veut pas la brusquer. Il a déjà tellement de mal à gagner sa confiance... Mais il souhaite qu'elle sache que ces options sont tout à fait possible et qu'il est prêt à faire cela pour elle.

Elle soupire.

-Prend garde Aslan. Fait-elle, son ton guindé s’alourdissant de sérieux. Ces souvenirs te mettent dans une position dangereuse. Elle avait baissé la voix, comme de peur qu’on l’entende. Tu as accès à des informations que mes frères tentent de contrôler depuis bien longtemps. Et au delà, Fabio aussi voudrait retrouver Renalt mais pour des raisons bien différentes des nôtres. S’il venait à apprendre que tu possèdes la clé de cette histoire…

Elle ne termina pas sa phrase, baissant à nouveau les yeux. Malgré l’absence de mots, le guetteur ne devait avoir aucun doute. L’ainé actuel des Ley’alnen n’aurait aucun remord à se servir d’Aslan à son grès pour obtenir ce qu’il désirait : retrouver son frère et certainement supprimer pour de bon son existence et le danger qu'il représentait visiblement pour lui. Si pour cela, le guetteur devait être dénoncé, Fabio n’en éprouverait certainement nulle culpabilité. Quant au sort de Loreta pour sa trahison et son silence, il n’en serait pas plus joyeux.

-J’aimerais t’accompagner. Fit-elle. Mais son visage afficha une certaine forme de tristesse. Mais Je doute même que Rénalt ait le moindre intérêt quand à mon existence. J’ai déjà tenté de le contacter, il y a quelques mois... Finit-elle par avouer, presque honteuse. Par l’intermédiaire d’un assassin que nous avions chargé de le retrouver. Elle secoua la tête. Mais j’imagine que ma lettre, si il l’a jamais reçue, à dû être jetée au feu…

-Pourquoi crois-tu que tu sois la seule au courant ? Renchérit Aslan, parfaitement conscient des risques qu'il encourt. Il n'y a pas que ta famille que j'ai à craindre en la matière. Au lieu de me faire disparaître, le Guet pourrait chercher à m'arracher les visions de ces souvenirs en espérant y trouver le moyen de dénicher Viliam avant de me laisser dans cet état une fois qu'ils auraient obtenu ce qu'ils voulaient de moi. Et l'un comme l'autre agirait en pure perte et moi je ne serai qu'une perte nécessaire... Déplore-t-il, témoignant plus d'agacement que de craintes à cette idée qui pourtant semble bien habiter un coin de son esprit.

Si les fragments de mémoire qu'il détient permettaient de retrouver le bandit, cette histoire serait close depuis longtemps mais Aslan a déjà tenté cette voie, à en souffrir le martyr. Si d'autres tentaient, ils ne feraient que détruire sa vie, celle de Fantôme -s'il devait réapparaître un jour- ainsi que celles de toutes les personnes qui apparaissent fugacement dans ces extraits. Et Viliam resterait hors de leur portée en fin de compte. Peut-être rendu plus dangereux qu'avant s'il apprenait que l'on s'est approché de ceux auxquels il tient.

Loreta a une vision si négative de sa situation avec ce frère qu'elle avoue enfin avoir envie de rencontrer. Il éprouve de la compassion pour elle et comprend ses doutes alors qu'elle est partagée entre ce désir et la crainte que sa famille l'apprenne et ne la punisse pour cela...

-Ou bien peut-être ne sait-il tout simplement pas à quoi s'attendre et a-t-il préféré s'épargner toute peine ?... Continue Aslan, sans pour autant émettre le moindre jugement. Les suggestions sont nombreuses et il est de toute façon difficile de juger de la sincérité de quelqu'un à travers une lettre. Que tu veuilles l'inciter à te parler par toi-même ou que je me fasse ton messager ou même que je ne tente rien, je ferai comme tu le voudras. Conclut-il avec douceur.

Le guetteur ne craint pas un seul instant pour la sécurité de Loreta. La seule chose qu'elle risque, c'est que Renalt la repousse et elle prendra sa décision en en ayant parfaitement conscience. Pour le reste, l'Aile Blanche n'a jamais blessé volontairement de civil. Il y a eu des dommages collatéraux dans leurs actions, c'est vrai, mais aucun n'a été blessé ou n'est mort directement de leur main. Alors, elle ne risque probablement rien. Lui, en revanche... Il risque de passer un seul quart d'heure. Mais, vu son état actuel, peu lui importe de prendre quelques coups ou de se faire enfermer dans une cave insalubre du moment qu'il peut rencontrer Viliam et lui rendre sa mémoire.

-Hier, j'ai retrouvé la trace d'une femme qui a été libérée pendant l'une de ses opérations : elle a monté sa propre affaire. Il se peut que l'Aile Blanche l'ait aidée et, donc, qu'elle ait encore des contacts avec eux. Je vais me renseigner un peu sur elle avant d'aller la voir. Je n'espère pas beaucoup de résultats, mais au point où j'en suis...

-Je viendrais si je le peux, au moment où tu les auras rattrapés. Acquiesce-t-elle, en ayant malgré tout par l’air tout à fait convaincue. A moins que Fabio ne trouve un moyen de m'en empêcher.

Elle se mit distraitement à jouer avec sa tasse tandis qu’il continuait.

-Je n’ai pas assez de connaissance du monde pour juger de tes chances de réussites vis-à-vis de cette femme. Mais j’espère que ça marchera. Un nouveau soupir. Si tu veux mon avis cette histoire n’a que trop durée. Nous souffrons tous d’une situation qui n’aurait à l’origine pas eu lieu d’être.

Aslan regarde Loreta, décryptant en même temps tous les éléments de cette "situation" qui la rende si désagréable, à l'un ou à l'autre. Et leurs points de vue sont sûrement très divergeants sur le sujet... car faire semblant d'être amoureux n'est certainement pas dans sa liste à lui.

-Je finirais bien par trouver un moyen... Si seulement j'avais un moyen d'anticiper leurs actions, je pourrais devenir un caillou dans leur botte et ils viendraient me trouver eux-mêmes... Réfléchit-il tout haut. Quant à trouver une excuse pour disparaître tous les deux pendant quelques jours : une escapade en amoureux devrait faire l'affaire, qu'en penses-tu ?

Elle se surprend une seconde à poser sa main sur sa bouche et laisser échapper un bref rire. Cela lui semble presque rocambolesque. C'est en tout cas bien éloigné de son quotidien tranquille et bien rangé.

-J’entends déjà mes servantes jaser, se laisse-t-elle aller à s'amuser.

La réaction de Loreta étire un sourire sur les lèvres d'Aslan.

-Quant à nos familles, elles diraient plutôt "Enfin !" Surjoue-t-il en levant les mains vers le ciel.

Elle n'ajoute rien, riant toujours doucement à cette plaisanterie. Le rose s'empare légèrement de ses joues pâles. Elle espère presque, avec amusement, que cette fois là le mage n'usera pas de ses tours, car elle serait bien gênée de partager la scène comique que cela lui fait imaginer.