Mettre le feu au sable [PV Viliam (Sasha)]

2nde ennéade de Verimios
21e année du Onzième Cycle
Atelier de Verrerie de Noerthil

- Emmett ! tu lances autoritairement en direction du demi-drow Va me chercher de nouvelles bûches ! Mon feu commence à mourir.

Tu pestes intérieurement en éventant à l’entière force de tes bras les grands fours pour en maintenir la chaleur. Petit à petit, des flammes déjà grosses continuent de gonfler, dévorant par la même occasion de plus en plus vite du combustible commençant à manquer.

- Vite vite !

- J’arrive !

Plutôt que d’attendre d’arriver à ton niveau, le grand sang-mêlé te lance une à une les bûchettes, que tu lances une à une au four, avant de reprendre l’éventail, de pousser les flammes à une chaleur suffisante, et de refermer l’habitacle. Tu soupires comme un païm, t’essuies le haut du front du dos de la main, et pestant encore une fois, finis par t’extirper de ta chemise déjà trempée, l’utilises pour t’éponger bras et poitrine, et la jette nonchalamment au sol.

- Il faut qu’ils puissent résister aux substances les plus corrosives, naturellement ! tu ironises J’espère que le pauvre gusse qui boira le poison fabriqué là-dedans ne nous en voudra pas de nous être fait des sous sur son dos !

Tu ris sans vraiment rire. Il ne sert à rien de se voiler la face. Les alchimistes Thaaris – les Drows en particulier – font partie de tes meilleures clients. Les alchimistes Thaaris sont aussi parmi les gens les plus louches foulant le sol de cette Cité. Et oui, par-là tu entendais Zeka et Sasha y compris. Zeka avait juste la chance d’être une personne louche en laquelle tu avais confiance. Sasha lui… il n’a pas l’air d’un mauvais bougre, mais tu verrais avec le temps. Surtout si tu finissais par croiser ses « clients » habituels.

- Tu t’en sors Pilulu ? Pas trop difficile pour un premier jour ?

Trier et mélanger les poudres de métaux à toute vitesse sous les ordres de Zeka pour que tu puisses ensuite les mélanger à la silice en fusion ne laissait pas beaucoup de temps aux deux jeunes gens pour réfléchir à quoi que ce soit de plus créatif. Mais s’ils tenaient encore un peu le rush finirait par passer. Et là vous tous, toi y compris, pourriez vous amuser un peu plus.
En attendant tu te satisfaisais largement d’observer le gamin et ses joues rondes s’agiter pour suivre la cadence imposée par ses nouveaux collègues. Et malgré la pénibilité c’est qu’il s’appliquait à la tâche. Vraiment adorable. Comme un gros pikulua.

- T’inquiètes pas, on sera tous plus tranquilles cet après-midi.

-Je m’en sort. La voix fluette de l’alchimiste fit de son mieux pour paraitre forte et sûre. Pas le temps d'en ajouter d'avantage. Ni même de relever les yeux vers l'elfe. Encore moins de s'interroger de ce surnom.

Suivre un rythme aussi effréné n’était pas dans son habitude. Normalement, ses camarades lui laissaient tout le temps de tester, d’expérimenter, de se tromper et de recommencer. Ici l’erreur c’était perdre du temps, et ralentir toute la chaine.

Le jeune homme passa son poignet contre son front pour en ôter la sueur. Zeka avait donné ses ordres, et il exécutait du mieux qu’il pouvait, notant au passage les mélanges qu’il ne connaissait pas encore, les propriétés de tel mixture, et la réaction de celui-là mélangé avec un autre.  

Certes au début il avait eut des réticences. Ne jouait-il pas double jeu, à faire ce qu’il faisait ? N’était-il pas en train de fournir les ennemis contre lesquels ses camarades luttaient avec tant d’acharnement ? Mais ces questions qui avaient froncé son front, il n’avait vite plus eut le temps de s’en inquiéter. Aussi avait-il dû les mettre de côté, pour le moment où ils souffleraient enfin…

- Tu t’es vachement bien débrouillé pour une première fois gamin ! tu verses généreusement de la bière dans des pichets dont les ornements détonnent avec la sobriété du reste de la table Et en plus tu apprends vite on dirait.

Même pour tes collègues et toi, les matinées de ce dernier hiver étaient particulièrement difficiles. À cause du froid, les chandeliers, vases, bijoux, alambics, lampes et autres objets de verrerie fine, trop souvent exposés à de brusques changements de température, se fissuraient pour certains, et se brisaient pour d’autres. Renforcer ceci, remplacer cela, fournir ceci, réparer cela… les demandes s’amoncelaient presque aussi vite que vous n’étiez capables de les gérer. Et si vous y arriviez, c’est bien parce que vous vous imposiez cette terrifiante cadence.

Tu es prêt à parier que Sasha ne savait pas le moins du monde ce dans quoi il mettait les pieds lorsqu’il s’est proposé de vous rejoindre, mais tu es tout aussi impressionné de voir qu’à la fin de sa première matinée, il ne semble pas non plus le moins du monde décidé à fuir. Il ne s’en donne pas l’air, mais il est coriace, le gamin. Coriace et assez vif d’esprit pour saisir à la volée la majeure partie des indications que Zeka lui aura distillé au fur et à mesure du travail.
Tu es tout aussi fier du jeune Zeka d’ailleurs, qui aura pris à coeur son rôle de mentor, et se sera prouvé bien meilleur professeur que tu ne l’imaginais. Qui aurait cru que votre timide alchimiste sache se montrer si ferme !

À la fin, vous aviez tous bien travaillé, et le repos du déjeûner n’en était que plus délicieux.

- Tu auras bien gagné de pouvoir t’amuser un peu. tu lui passes sa part de victuailles L’après-midi à moins de commandes exceptionnelles c’est quartiers libres. tu te sers copieusement et prends finalement place à table La machinerie est tout à toi.

Tu t’assieds, te saisis de tes couverts, mais au lieu de commencer à manger tu fermes les yeux. Dans une posture presque solennelle, tes employés t’observent te murer dans le silence, ton visage habituellement chaleureux même dans ses colères soudainement frappé du même givre que celui qui ronge les toits.

- C’est étrange hein ? Zeka murmure en appelant Sasha du coude Il fait ça chaque fois qu’on déjeûne ensemble. les autres confirment d’un hochement de tête circonspect Avec les autres on pense qu’il s’est mis un dieu à dos ou quelque chose du genre.

Et ils ne sont pas bien loin. Car c’est une prière que tu fais régulièrement, dans ces moments où jouer la comédie devient dur. Un vœu que tu envoies à la divinité qui voudra bien s’en saisir, à défaut de l’accomplir. Tu pries que ceux avec qui tu partageais ton sang soient en paix, et que leurs Souffles ne soient pas tourmenté par ce que tu leur as infligé. Qu’ils sachent que tu te souviens d’eux et que tu te souviendras toujours d’eux. Eux tous. Même les ayant abandonné par leur vivant, tu les tiendras avec toi jusque par-delà la mort.

- Bon appétit tout le monde !

Et juste comme ça, accompagné d’un sourire complice d’un alchimiste en direction d’un autre, tu étais redevenu « toi-même ».

Sasha s’était contenté d’un haussement d’épaule à la remarque du petit groupe, pas le moins du monde dérangé par le brusque changement d'attitude de leur camarade.

-J'ai côtoyé pas mal d’ami particulièrement pieux. Sourit-il tranquillement. Certains prient chaque matin, et ça arrive que d’autres remercient leurs dieux quand ils ont droit à des repas meilleurs que d’ordinaire. Alors ça me choque pas.

Puis l’elfe semble sortir de sa transe et le repas de de lancer. Alors le jeune alchimiste renvoie sa politesse a voix plus haute en croquant sans plus de cérémonie dans un morceau de pain.

-Bon appétit.

Les pensées de Sasha errent à nouveau un instant à ce travail qu’il a clairement sous-estimé. Ce n’est pas la charge de travail qui l’inquiète au fond, mais la destination de ses talents. Il a peur de la réaction de ses amis. Et en même temps…agit-il vraiment mal d’apprendre de son coté à s’améliorer et à se faire un peu d’argent… ? Son ancien mentor n'accomplissait pas toujours des besognes irréprochables à l'époque...Il fallait bien vivre.

Comme pour s’extirper de ces craintes dont il n’aura pas les réponses en se morfondant seul, il se tourne à nouveau vers son camarade et chasse le tout par une simple question, mais qui aura il l'espère l'effet de relancer un peu la conversation.

-ça fait longtemps que tu travailles ici au fait ? C’est un sacré rythme à la longue. Il laisse échapper un petit rire. Ou bien est-ce que t'a été recruté comme moi ?