Traquenard [Sylfar]

(Hrp: désolé, j'ai du rater un épisode /Hrp)

Installé dans son arbre, Sylfar ressassait sans cesse les mêmes questions, les mêmes doutes. Alydaëlle vint exprimer son mécontentement au pied de son perchoir, ce qui acheva de le dérouter. Un mal de crâne violent s'annonçait déjà pour l'Elfe Noir qui grogna de douleur.

Il l'entendit s'éloigner, resta là à fixer une petite branche, puis se décida et se laissa tomber au sol. Sans trop bien savoir pourquoi, le Drow avança d'un pas qui se voulait nonchalant à la suite de l'Assassine. Bien que ça lui déplaise au plus haut point, le Sorcier avait décidé d'expliquer la situation à la Demi-Drow. Il s'appuya contre un arbre, se râcla la gorge et dit d'une voix tendue:

-Ce sont les Divins qui sont à nos trousses... Oui, je dis bien nos trousses car ils traquent et tuent tout qui a du sang Drow dans ses veines. Comme moi, vous êtes en ce moment poursuivie comme du vulgaire gibier... A ces mots, le poing gauche de Sylfar se serra brutalement et il continua d'une voix sourde de colère. -Si je vous laisse en arrière, ils vous tueront puis continueront à me pourchasser, je n'aurai pas le temps de rallier une cité de mon peuple...

Là, il prit une longue inspiration, se força à détourner son regard de la superbre silhouette d'Alydaëlle et reprit, à voix basse cette fois.

-En conséquence de celà, vous allez revenir près du feu, avaler ces lapins et dormir jusqu'à midi.

Le ton était étrangement ambigu et le Drow n'avait pas précisé qu'il monterait la garde durant le sommeil de l'Assassine, même c'était dans ses intentions. Bien sur, il ne pouvait la forcer à se plier à l'urgence, mais l'Elfe Noir se sentait un brin mieux maintenant qu'il s'était expliqué. Bien sur, ça l'horripilait aussi d'avoir du rendre des comptes de la sorte, mais nécéssité fait loi...

Alydaëlle n'écoutait que d'une oreille distraite le Drow qui l'avait rejointe, apparemment enfin décidé à lui expliquer la situation. La tueuse l'en remercia mentalement car s'il y avait une chose qui l'insupportait particulièrement, c'était de devoir fuir ou risquer sa vie pour une cause inconnue. La seconde chose qui la mettait dans un état de rage qu'elle peinait parfois à contrôler, sauf quand sa vie en dépendait, c'était de recevoir des ordres. L'Insoumise qu'elle était avait toujours mis un point d'honneur à exprimer sa liberté et son indépendance. Dans un regain d'énergie, elle se décolla du tronc d'arbre et se rapprocha du Drow d'un coup, si près de lui que leurs corps se touchaient presque. Elle plongea son regard orageux dans celui du sorcier, la mine sévère, les poings sur les hanches.

"Vous avez mis les... Divins à mes trousses ?" gronda-t-elle d'une voix basse.

Elle eut un geste de la main irrité, comme pour chasser ses propres paroles, sans quitter des yeux Sylfar.

"Peu importe... Ils ne m'empêcheront certainement pas de régler l'affaire Styrak... En revanche, je vous demanderai de ne pas me donner d'ordres... Je n'en reçois de personne..."

Elle resta encore un moment devant lui, le défiant du regard, partagée entre désir et haine. Il l'attirait, elle le reconnaissait, mais le détestait tout à la fois. C'était invraisemblable et rageant à la fois. La demi-drow finit par reculer d'un pas lent.

"Je ne veux pas de vos lapins, mais vous remercie de la peine que vous avez pris pour les chasser et les faire cuire. Je... n'ai besoin que d'un peu de sommeil après la nuit infernale que vous m'avez fait passer ! Franchement, dans le genre nuit agitée, j'ai connu beaucoup mieux..."

Le ton en disait long sur ce à quoi elle faisait allusion, mais elle ne se soucia guère de savoir si le Drow avait ou non compris. Titubant, Alydaëlle s'efforça de revenir vers le feu. Elle avait un peu mal à la tête et sut qu'elle ne résisterait pas longtemps à la lourdeur de ses paupières. A peine arrivée, elle s'écroula par terre et ses yeux se fermèrent tout seuls. La respiration tranquille, le corps détendu, étendue sur le dos, elle resta là, sans bouger. Le sommeil n'avait pas été long à s'emparer d'elle, et ce en dépit des images du Drow et de leur impossible cavalcade tournoyant dans son esprit embrumé.

Pour une raison qui lui échappait, les paroles d'Alydaëlle faillirent déclencher un fou rire chez Sylfar. Il ne se retint qu'en se mordant profondément la lèvre inférieure de ses incisives aiguës, mieux valait ne pas en rajouter. L'Assassine était épuisée, et nul doute qu'elle l'aurait sévèrement tancé si elle n'avait pas été si fatiguée. Une fois la Demi-Drow endormie, l'Elfe Noir passa son bras sur son front et soupira de soulagement. Il savait pertinnement que peu de personnes acceptaient des ordres sans les discuter.

Le O-Karan ramassa ses oreilles grillées et constata avec agacement qu'elles étaient froides. Il remonta néanmoins dans son arbre de tout-à-l'heure avec son repas et se réinstalla le plus confortablement.

-Ca va être beau...

Se dit-il en pensant pour la enième fois à la créature plus qu'alléchante qui sommeillant quelques mètres plus bas... Mâchouillant distraitement son repas refroidi, le Drow ferma les yeux pour mieux percevoir les éventuelles menaces qui surviendraient, son arc sur les genoux.

Après quelques minutes, il lâcha un grondement de mécontentement, darda un regard de reproche vers l'Assassine endormie. Le Sorcier retourna alors à sa veille silencieuse, tentant de faire le vide dans sa pauvre tête partagée entre plusieurs avis...

*Un début en force, Sylfar, bravo... vraiment...*

Alydaëlle ouvrit les yeux alors que le soleil était déjà haut, presque au zénith. Son souffle précipité trahissait le sommeil agité qu'elle avait eu sur la fin, mais elle fit preuve de sang-froid et se concenta de se redresser. Elle chassa les derniers souvenirs des cauchemars qui l'avaient tourmentée et resta un instant assise, le dos droit, les pensées vagabondes. Elle se frotta les yeux avec un soupir puis passa une main dans ses longs cheveux blancs. En dépit des mauvais rêves, elle avait quand même assez dormi pour récupérer. S'aidant d'une main, elle se mit debout, constatant les dernières braises rougeoyantes, puis chercha des yeux le sorcier. Peut-être avait-il choisi de l'abandonner... A cette réflexion, Alydaëlle fut curieusement partagée entre deux sentiments : joie et déception. Elle n'aperçut pas les affaires de Sylfar et eut beau regarder autour d'elle, rien.

Avec un nouveau soupir, Alydaëlle haussa les épaules. Quelle importance... Elle avait mieux à faire que de se tracasser pour ce Drow qu'elle ne connaissait même pas ! La tueuse s'étira, étouffant un bâillement. Elle avait faim à présent. Elle regarda les lapins embrochés, très cuits mais froids, et eut une grimace de dégoût. Elle préférait la viande saignante, voire même crue. Tant pis pour le déjeuner. La jeune femme attendrait d'être à une auberge. Enfin... Si elle restait en vie assez longtemps pour y parvenir, et sans se faire repérer. Elle s'arrêterait à Ydril. C'était le moins risqué. Petite ville portuaire, le roi n'y était pas présent, les Drows non plus. Idéal en vérité. Satisfaite de sa décision, la tueuse s'assurera d'avoir toutes ses affaires et se prépara à partir.

Une fois le ventre rempli et après avoir passé la matinée vautré sur un arbre, Sylfar commençait à aller mieux. Bientôt, la mésaventure dans la rivière ne serait plus qu'un mauvais souvenir, mais il restait toujours le problème que représentait Alydaëlle... Néanmoins, le Sorcier avait pu réfléchir à son aise, perché sur sa branche.

Ce fut donc un Drow ragaillardi qui,une fois son barda ramassé, se laissa tomber comme une pierre du haut de son arbre avant de s'accorcher à une branche basse pour exécuter une petite pirouette et atterir tout en finesse. Il se retrouva derrière l'Assassine et à cette vue, l'Elfe Noir passa sa langue sur ses lèvres d'un air carnassier. La Demi-Drow avait fait quelques pas lorsque le O-Karan décia de se manifester, il s'appuya nonchalament contre un tronc d'arbre et prit la parole sur un ton enjoué.

-Vous partez? Vous me laissez la meilleure partie de cette folle équipée?
Comme vous voulez...

Puis, jubilant méchamment de sa pique, Sylfar croisa les bras et se laissa aller à admirer à son aise les hanches de la belle Assasine, attendant que celle-ci se retourne.

Alydaëlle s'immobilisa lorsqu'elle entendit la voix de Sylfar s'élever derrière elle. Elle baissa la tête sans rien dire, réfléchissant à ce qu'il venait de dire. A dire la vérité, cela la laissait de marbre. La seule rélexion qu'elle se fit concernait le fait qu'il n'était pas parti, contrairement à ce qu'elle avait pensé. Elle ne sut cependant si elle devait en être satisfaite ou agacée. Apparemment, lorsqu'elle se retrouvait en compagnie de quelqu'un, cela lui attirait des ennuis. A moins que cette compagnie de soit d'une autre sorte, comme sa nuit avec Zéphyr, ceux qui suivaient son chemin finissaient soit par être blessés ou tués - le moins ennuyant à ses yeux de demi-drow - soit par la mettre elle en danger. Et ça, elle détestait.

En tant que tueuse, la jeune femme aimait avoir le contrôle de la situation. Elle aimait gérer les choses à sa façon. Insoumise, elle l'était et portait bien ce sobriquet. Elle défiait même le destin, bravait la mort, mais selon ses principes. Personne ne devait venir interférer dans son existence. Après un instant de silence, Alydaëlle pivota sur les talons, les cheveux dans le vent. Un éclat glacial illuminait l'azur de ses yeux, et sa bouche fermée, sans un sourire, lui donnait un air sévère. Ses traits gracieux étaient pourtant détendus mais quelque chose de fascinant et d'effrayant émanait de sa personne. A moins que ce ne fut son silence inquiétant...

Lentement, la jeune femme remonta à la hauteur de Sylfar, dardant un regard noir sur le sorcier. Elle sentait son coeur battre lourdement, comme lors d'un combat imminent, ou lorsque l'excitation de la chasse l'enfiévrait. Elle se planta à quelques pas du sorcier, nonchalamment épaulé contre un arbre. A quel jeu jouait-il ? Que voulait-il ? L'enfoncer un peu plus dans l'humiliation de cette mésaventure ? Ce que la demi-drow trouvait encore plus insupportable, c'était l'attirance évidente qu'il exerçait sur elle. C'était une chose qui échappait à son contrôle, donc qu'elle détestait de toutes ses forces.

"Que voulez-vous, à la fin ? Je vous ai tiré de vos ennuis, je vous ai porté jusqu'à la rivière et j'ai veillé sur votre satanée petite vie durant cette nuit."

La voix était profonde, aux intonations sèches. Alydaëlle ne comprenait pourquoi ils étaient encore là, tous les deux, dans cette fichue forêt... Devaient-ils compter l'un sur l'autre pour échapper aux Divins ? A cette pensée, la tueuse eut un curieux sursaut d'horreur, auquel se mêlait un plaisir détestable.

"C'est quoi la suite de vos fabuleux plans ?"

Attendant sa réponse, elle contempla avidement les traits du Drow, étudiant l'expression de son regard, essayant vainement de lire ses pensées.

Les yeux de Sylfar avaient parcouru le corps de l'Assassine jusqu'à en arriver à ses yeux. Là, ils avaient été brusquement arrêtés par l'expression terrible qui émanait du visage d'Alydaëlle. Le Drow avait d'ailleurs failli tomber à terre sous le coup de la surprise et de l'effroi, n'évitant celà que grâce à un providentiel plis dans l'écorce de l'arbre.

*Sang Noir! C'est bien la première fois, ça...*

En connaisseur des femmes qu'il était, le O-Karan laissa la Demi-Drow s'exprimer tant qu'elle voulait. Il mit également ce court moment de répis pour se remettre du choc qu'il venait de vivre. Cependant, ce fut avec une moue taquine et d'un léger que le Sorcier répondit;

-...comme j'ai veillé sur votre propre existence toute cette matinée...

Il lâcha alors un sourire séduisant, de ceux qui lui avaient déjà valu bien des succès auprès de la gent féminine. Sans laisser trop de temps sécouler de peur de fâcher à nouveau son interlocutrice, Sylfar enchaîna:

-Je ne sais ce qu'il en est de vous, mais je n'ai pas l'intention de laisser cette engeance ternir le nom des O-Karan... Je me proposais donc de leur offrir mon cadeau de remerciement pour cette merveilleuse cavalcade...

L'ironie était présente dans les mots de l'Elfe Noir, mais dans son regard, une sale étincelle s'embrasa. Une étincelle si terrible qu'elle envahit l'entièreté de ses yeux, une étincelle qui révéla un bref instant sa véritable nature. Profondément perverti, sadique au possible, cruel à l'extrême limite, froncièrement mauvais, tel était Sylfar au plus profond de son être. Et c'était comme celà qu'Alydaëlle avait pu l'observer quelques secondes durant...

Le Drow se reprit, chassa de son regard toute trace de qui venait d'y passer, sans parvenir à se débarasser une petite lueur interessée dès que ses yeux tombaient sur l'Assassine...

[lol. J'y ai eu le droit aussi une fois ou deux... ^^]

Alydaëlle sentait sa colère retomber alors qu'elle dévisageait son interlocuteur. Faiblesse impardonnable... Elle écouta le Drow lui faire remarquer que lui aussi avait veillé sur elle au fil de cette matinée mais malgré l'exactitude du propos, la tueuse ne fléchissait pas sur le fait qu'il lui devait plus à elle, que elle à lui. Toutefois, elle ne lui en fit pas la remarque, peu décidée à embarquer pour une joute verbale. Sylfar lui décocha un sourire qu'Alydaëlle trouva plutôt ravageur mais elle se ressaisit aussitôt, chassant les indécentes pensées qui lui venaient. Voilà encore une chose qu'elle détestait chez ce Drow de malheur... Son charme... Serrant les dents et les poings, la tueuse détourna un instant les yeux, réprimant un soupir irrité.
Puis le sorcier reprit la parole et ce qu'il dit attira de nouveau son attention :

"Je me proposais donc de leur offrir mon cadeau de remerciement pour cette merveilleuse cavalcade..."

Il y avait une telle ironie dans ses paroles que cela plu à Alydaëlle, mais hors de question de le lui montrer. Affichant une expression neutre, presque hostile en vérité, elle perçut alors l'étincelle démoniaque qui dansa dans les yeux de Sylfar, le faisant paraître tel qu'il était réellement. Il semblait pire que tous les Drows qu'avait pu rencontrer la jeune femme, un abject elfe noir qu'il en existait rarement. Non qu'elle en soit effrayée, bien au contraire, mais elle s'en étonnait quelque peu. La tueuse médita les dires du sorcier, songeant que ce n'était pas une mauvaise idée, quoiqu'elle n'était certaine de vouloir plonger à nouveau dans les ennuis à peine après en être sortie. Mais... Alydaëlle était intéressée et pour la première fois depuis le début de leur difficile mésaventure, un sourire se glissa sur ses lèvres. Ou plutôt, un rictus cruel se dessina, lui donnant un air foncièrement mauvais.

Lentement, elle se rapprocha de Sylfar et tendit le bras, prenant appui contre le tronc d'arbre sur lequel s'adossait le Drow. Bientôt, sa bouche fut si près de lui qu'il pouvait sentir son souffle tiède, vaguement fruité. Cynique, elle darda un regard profond sur lui puis se hissa légèrement sur la pointe des pieds, intimidante et fascinante à la fois. Certains auraient pensé qu'elle pouvait tout autant s'apprêter à l'embrasser qu'à l'égorger...

"Je ne suis pas sûre de savoir ce que vous valez réellement mais je suis curieuse de le découvrir..."

Son murmure brûlant, juste à l'oreille du Drow, ne pouvait être entendu que de lui. Elle ne le touchait, effleurant à peine son corps du sien, et reprit son chuchotement diabolique.

"Je vous suis quel que soit votre projet, mais désormais, nous sommes quittes. Vous ne me devez rien, je ne vous dois rien... Cela implique qu'en cas de pépin, c'est chacun pour soi..."

Alydaëlle avait détaché chaque mot, les prononçant distinctement, mais au fond d'elle, elle n'était pas certaine qu'elle abandonnerait lâchement le Drow en cas de souci. Mais cela dépendait de trop de choses pour qu'elle puisse nourrir quelque certitude.

Alydaëlle réprima un frisson délectable et eut un sourire arrogant. Il lui était difficile de savoir à quoi s'attendre avec ce Drow, d'autant plus qu'il semblait animé d'une étrange personnalité. A l'évidence, il pouvait être aussi imprévisible qu'elle. Tranquillement, elle se détacha du sorcier, peu sûre de vouloir le laisser l'embraser par sa seule présence à sa proximité. Elle ramena ses cheveux en arrière et se détourna du Drow avec un petit soupir. Il était désespérément ambigu et la jeune femme ne savait si elle devait s'en réjouir ou l'en détestait plus encore. Mais avait-elle réellement de la haine pour lui ? La tueuse commençait à en douter mais ne tenait pas vraiment à chercher la réponse. Tournant le dos à Sylfar, elle marcha vers les cendres et se baissa pour ramasser sa houppelande, pratiquement sèche.

"C'est à se demander quel genre de sortilège il utilise sur moi..." grommela-t-elle, sans se soucier de savoir si le Drow l'entendait ou pas.

Quand elle eut enfilé son vêtement, elle revint près de Sylfar, qui n'avait toujours pas quitté sa place. Elle le jaugea d'un oeil où se mêlaient désir et mépris, se retenant de venir à nouveau trop près de lui. A force de jouer à ce jeu, elle pouvait finir par perdre le contrôle et risquait de s'y brûler les ailes. Alydaëlle était une femme de caractère qui obtenait toujours ce qu'elle voulait, mais elle savait se montrer prudente en toute circonstance.

Dans le silence de la forêt, la tueuse affronta le regard du sorcier détendu, attendant de savoir ce qu'il allait décider. Elle ne trouva rien à dire, peu désireuse de lui laisser une nouvelle occasion d'engager une joute verbale, même si cela n'était pas pour lui déplaire. Mais d'une manière générale, elle pensait qu'ils auraient mieux à faire que de se disputer, aussi préféra-t-elle cesser là les hostilités.

Tandis que l'Assassine allait rechercher son vêtement, Sylfar serra sa main si fort qu'un de ses ongle pénétra la chair de sa paume, laissant ruisseler un mince filet de sang. Son élan de colère passé, le Drow entra dans un état de réflexion, et il observait encore la plaie dans sa main lorsque Alydaëlle revint vers lui. Le Sorcier l'accueillit la Demi-Drow d'un regard mi-amusé mi-agacé et ne put s'empêcher de la mirer une fois de plus.

*Mais c'est infernal ça!*

Clairement agacé cette fois, le O-Karan se redressa d'une poussée du bassin contre le tronc de l'arbre sur lequel il était appuyé. Il acquiesca alors à une question qui ne lui avait pas été posée, s'étira un long moment puis réajusta son arc et dit:

-Allons-y...

Et l'Elfe Noir se mit en route. Immédiatement, il prit l'allure de la marche forcée, ce qui équivalait pour un humain à une coure soutenue.

Pas un mot de tout le voyage, Sylfar pensait, encore et encore, mais cette fois, il réfléchissait à ce qu'il ferait subir aux Divins qui le pourchassaient depuis deux jours maintenant. Les arbres se suivaient et se ressemblaient, jusqu'à ce que les deux compagnons d'infortune arrivassent à un endroit où les arbres étaient étroitement enlacés au-dessus du sentier forestier. Le Drow pila net et, sans un regard pour l'Assassine, lâcha:

-Ici...

Alydaëlle regarda le Drow passer devant elle et se mettre en route, à une allure de forcené. Tranquillement, elle lui emboîta le pas, savourant malgré elle la vue qu'elle avait de lui. Cette pensée lui arracha un sourire narquois puis elle s'efforça de regarder les alentours, guettant d'éventuels signes suspects. Les bruits ne l'inquiétaient pas, et aucun mouvement n'attira son attention. Machinalement, la jeune femme accéléra le pas, prenant une allure énergique pour ne pas perdre de vue le sorcier, un peu plus loin.

Ils marchèrent un long moment, au travers de la forêt sombre. Alydaëlle n'arrivait pas à garder les idées claires. Les dernières traces de fatigue embrouillaient son esprit. L'image du sorcier, les Divins, la fuite, tout tournait dans sa tête et cela l'épuisait autant que cela l'énervait. Soudain, Sylfar s'arrêta si brusquement que la jeune femme, juste derrière lui, le percuta violemment. Le choc faillit la faire tomber à la renverse et elle étouffa un cri de rage. Puis elle décocha un regard noir au sorcier au moment où il lâchait un simple mot :

-Ici...

Alydaëlle s'écarta du sorcier et se planta à côté de lui, irritée. Cela l'agaçait qu'il ne lui parle pas et qu'il donne l'impression de la diriger comme un pantin. Non, en fait, elle détestait ça !!! Elle contint sa rage avec force.

"Vous êtes aussi attirant que vous êtes horripilant !" lâcha-t-elle froidement.

Elle balaya les environs d'un regard soupçonneux, comme si elle espérait trouver les réponses que le Drow se plaisait à lui cacher. Les poings sur les hanches, elle reprit :

"Quoi, ici ? Vous voulez faire quoi ? Et moi ? Qu'est-ce je suis censée faire dans cette histoire ?"

Bousculé, Sylfar fit un pas en avant et se retourna avec une fluidité toute drowe, la main déjà sur l'arc. Il se ravisa et soupira d'un air taquin. Voyant qu'Alydaëlle s'énervait une fois de plus, l'Elfe Noir déposa l'index de la main droite sur les lèvres de la Demi-Drow. Le contact de cette chair en partie humaine contre son doigt froid lui fit de nouveau hérisser les cheveux sur la nuque, mais il n'en montra rien.

-Je vois qu'il va à nouveau falloir vous expliquer... Qu'à celà ne tienne, nous en avons le temps...

Ayant dit, le Sorcier ôta son doigt de la bouche de la Demi-Drow, refoula in extremis l'envie de toucher une autre parcelle de la peau de cette Assassine et recula d'un pas. Il s'assit ensuite en tailleur au beau milieu du petit chemin et invita Alydaëlle à en faire de même. Très vite, le O-Karan regretta ce geste car il avait désormais juste sous son nez les jambes finement galbées de la Demi-Drow. Il s'efforça donc de trouver autre chose à regarder et dit d'une voix tendue, un sourire mi-figue mi-raisin tissé sur les lèvres:

-Pourrais-je humblement vous demander de vous mettre à ma hauteur je vous prie? Je ne tiens pas à attraper un torticolis...

Le ton à nouveau ironique était celui que Sylfar avait désormais décidé d'adopter avec l'Asassine. Puisqu'il ne pouvait lui donner d'ordres, il lui "demanderait humblement" désormais...

Alydaëlle fut si surprise lorsqu'il plaqua son index contre ses lèvres qu'elle ne réagit pas immédiatement. Mais il l'enleva toutefois assez vite pour qu'elle n'ait pas à lui bondir dessus, toutes griffes dehors. Le contact n'avait pas été désagréable et de ce fait, cela l'irritait encore plus. Elle le regarda s'asseoir à quelques pas, en taille, lui offrant une vue intéressante de ses jambes. Aussitôt, elle refoula une bouffée de colère et n'attendit pas qu'il le lui propose pour s'asseoir à son tour. En effet, ce faisant, il lui demanda "humblement" de se mettre à sa hauteur.

Alydaëlle, en s'essayant sous le coup de l'irritation, se retrouva trop près de lui et préféra s'écarter de manière plus décente. Sans regarder le Drow, elle eut un sourire ironique, mais qui glissa fugitivement sur ses lèvres. Puis, par son silence, elle l'invita à poursuivre. La situation était embarrassante mais énervante, mais la tueuse saurait s'y tenir.

"Alors ?" s'impatienta-t-elle en tournant les yeux vers lui.

Le silence qui se prolongeait n'était pas pour l'aider à garder son sang-froid et nager dans l'ignorance comme en ce moment n'en finissait pas de l'énerver. Elle ignorait toujours pourquoi elle s'était mis en tête de suivre le sorcier, et de l'aider. Et plus encore, elle peinait à concevoir qu'elle ait pu lui sauver la vie. Pourtant, elle l'avait fait et ne le regrettait pas vraiment... Du moins lui semblait-il...

Dans un coin de sa tête, loin des yeux d'Alydaëlle, Sylfar pouffa de rire en voyant qu'il l'avait encore énervée. Cependant, revenant à la réalité, le Sorcier jugea qu'il devait prendre garde à ne pas la pousser à bout. Ce fut donc cérémonieusement qu'il bascula le torse en arrière, appuyant ses coudes contre le sol. Puis, sa voix s'éleva, et pour la première fois depuis que le Drow avait rencontré l'Assassine, elle était calme et posée. L'Elfe Noir était sérieux...

-Bien... La troupe que vous avez vu passer hier soir est constituée d'une douzaine de Divins. Je vais vous traduire les noms assez approximativement car je ne les connais qu'en Drow

Le Traqueur, de loin le plus innoffensif, est chargé de pister les proies.

Le Pigeon, comme on l'appelle, car son but est de faire le lien avec les autres groupes de Divins qui sillonnent Miradelphia.

Le Boucher, nettement plus dangereux que les deux premiers, est chargé du ravitaillement, inutile de vous dire qu'il sait y faire avec la viande, même si elle vit encore...

Les Cinq Larmoyants sont de de grandes brutes épaisses qui accomplissent en général le gros des combats.

Les Cinq Traits sont des archers/arbalétriers d'élite, capables d'abbattre un oiseau en vol à une centaine de mètres...

Enfin, le Commandant et le Lieutenant, les pires de tous, sont des soldats polyvalents qui excellent dans tous les arts martiaux...

L'Elfe Noir marqua alors une pause pour laisser à Alydaëlle le temps de digérer toutes ces informations. Il reprit quelques minutes après;

-Cette fine équipe se déplace sur des chevaux de la meilleure qualité qui soit, toujours à bride abbattue... lueur de malice dans les yeux ... et c'est celà que nous allons utiliser à notre avantage.

Je vais tisser un filet de magie qui brisera instantanément les pieds de leurs montures. Ils tomberont alors comme des pierres, mais il ne faut pas espérer qu'ils seront hors de combat, hormis peut-être le Pigeon et le Boucher qui répugnent à utiliser le cheval comme moyen de transport.

C'est là que vous intervenez principalement, je vous demande humblement de vous tenir prête pour neutraliser nos chers amis au plus vite. C'est mieux si ils sont encore en vie, bien sur...

La malice avait laissé place à une étincelle malsaine et présage de mauvaise augure dans les yeux du O-Karan. Un sourire fin sur les lèvres, comme s'il venait de discuter de la plus banale des histoires, Sylfar interrogea Alydaëlle du regard.

La colère d'Alydaëlle était retombée progressivement tandis qu'elle écoutait attentivement les explications du Drow. De temps en temps, elle lui jetait un regard, parfois perplexe, parfois irrité, parfois fasciné. Autant d'émotions en si peu de temps, se succédant sans répit. La tueuse répugnait devoir l'avouer, mais le sorcier ne la laissait pas indifférente. Toutefois, au fil de son récit, elle se demanda s'il n'était pas un peu fou dans sa séduisante tête de sorcier... Toutefois, elle ne l'interrompit pas et le laissa s'exprimer, jusqu'à ce qu'il ait entièrement fini. Enfin, Sylfar tourna les yeux vers lui, l'interrogea d'un regard grave.

La tueuse ne réagit pas immédiatement. Elle méditait ces explications d'un air sceptique, dardant ses prunelles azur sur le Drow, essayant de déterminer s'il était sérieux ou pas. Finalement, elle se laissa brusquement basculer en arrière avec un soupir anéanti et se mit à fixer le ciel. Allongée sur le dos, son corps tranquillement étendu mais l'esprit agité, elle continua à penser en silence. Après une minute, elle ferma les yeux, sa poitrine se soulevant régulièrement au rythme de sa respiration. C'était dingue. Il ne pensait pas sérieusement ce qu'il voulait faire. Ce Drow avait vraiment l'art et la manière... Ou il la fascinait, l'attirant inexorablement, ou il la mettait hors d'elle. Mais là, c'était vraiment du délire.

"Vous êtes... un peu... taré sur les bords..." finit-elle par lâcher sans rouvrir les yeux.

Elle passa ses mains derrière sa nuque, savourant ces quelques minutes de repos allongée sur le sol, après leur marche effrénée. Elle continua à méditer, croisant ses longues jambes avec un soupir.

"Mais... Votre idée mérite qu'on s'y arrête. Tuer des Divins ne me pose aucun problème mais ce que vous m'avez décrit me pousse à la prudence. Si vous êtes absolument certain d'avoir le contrôle sur eux par votre bidule magique, je marche."

Elle rouvrit les yeux et tourna légèrement la tête pour apercevoir le Drow. La jeune femme fronça les sourcils, son beau visage n'exprimant qu'une vague méfiance.

"Toutefois, vous avez intérêt à être sûr de vous ou c'est moi qui vous tuerai avant d'y passer !!!"

Elle était folle... Alydaëlle n'en revenait pas de ce qu'elle avait dit. Grommelant toute seule, elle reporta son attention vers le ciel. Ce damné sorcier avait vraiment une emprise insupportable sur elle. Si seulement il n'était pas aussi attirant, elle l'aurait envoyé balader sans autre forme de procès mais là... C'était plus dur.

Alydaëlle se coucha devant le Drow toujours étendu, et ce nouveau point de vue lui coupa soudainement le souffle. Son coeur se mit à battre au ralenti et de manière beaucoup plus puissante, si bien qu'il n'aurait pas été étonné que l'Assassine l'entende. Quelques instant plus tard, elle fit le bon vieux coup du croisement de jambe, et le coeur du O-Karan manqua un battement. Ses yeux s'arrondirent un bref instant sous le coup de la surprise.

Sylfar réussit à reprendre son calme et constata avec déception que la Demi-Drow ne le prenait pas vraiment au sérieux. Celà eut pour effet de l'énerver et sa réaction fut immédiate. Dans un bond plus félin que Drowesque, le Sorcier fut sur l'Assassine et siffla rageusement:

-Leurs chevaux s'écrouleront sous eux, je peux en maintenir encore quatre au sol, il ne vous reste que 8 personnes à maîtriser... En serez-vous seulement capable?
Et si, en passant, vous pouviez éviter de les tuer, je compte les faire souffrir comme jamais ils n'ont souffert...

La seconde qui suivit, l'Elfe Noir se rendit compte de la situation dans laquelle il venait de se mettre. Il était au-dessus d'une sublime créature qui était amplement capable de lui faire regretter son geste, et ce de toutes les manières qu'elle voulait. Il ferma les yeux et serra les dents d'un air contrit, car il s'était laissé emporté...

Les idées du Drow étaient toutes autres, et il menait dure lutte en lui-même pour décider de plusieurs choses. La première, sa vengeance serait-elle suffisante si ne fut-ce que un des divins échappait au supplice qu'il leur réservait? La seconde, que ferait-il une fois celà fait? Et enfin, que faire avec cette diablement belle Demi-Drow?

La réponse au dernier problème s'imposa d'elle-même. On ne se défait pas comme ça de plusieurs décennies de flirts, libertinages et autres luxures de toutes sortes... De ce fait, toujours surplombant l'Assassine, la tête de Sylfar sembla agir toute seule... Ses lèvres aussi d'ailleurs...
Avant de comprendre ce qu'il faisait, l'Elfe Noir avait plongé sur l'attirante bouche d'Alydaëlle et l'embrassait avec fougue, rage, désir, appréhension et encore tant d'autres sentiments...

Fort heureusement, il arrive toujours un moment où on retrouve ses esprits, et celà arriva finalement au Sorcier. L'effet fut immédiat, le O-Karan fut debout avant même d'avoir pu penser le mot

*Bêtise...*

Furieux contre lui-même, Sylfar reporta une partie de cette colère sur l'Assassine et cracha, le souffle court:

-Vous ferez comme vous voudrez!

Puis il se retourna dans un grand mouvement faché et entona une sourde mélopée de magie noire, déversant dans son sortilège tout ce qu'il ressentait. Contentement... Rage... Désir... Souffrance... Peur... Vexation...

Alydaëlle commençait à fatiguer, se demandant ce qu'attendait le Drow. Comptait-il la garder sous lui encore longtemps ou daignerait-il enfin la libérer ? Elle échappa un soupir et releva les yeux vers lui, s'apprêtant à lui poser la question. Au même instant, le visage de Sylfar se rapprochait du sien et avant qu'elle n'ait eu le temps de réaliser quoi que ce soit, sa bouche se pressait brutalement sur la sienne. Si un sentiment de rage fit briller ses yeux, une lueur brûlante s'alluma aussi, manifestation de son désir inassouvi. Un moment, elle eut envie de le repousser violemment, furieuse, mais contre toute attente, elle en fut incapable. Elle lui rendit son baiser tout aussi fougueusement, savourant ce moment qu'elle avait attendu sans même en avoir conscience.

Puis, tout à coup, le sorcier s'arracha brutalement à leur baiser sauvage. Il paraissait furieux et Alydaëlle le comprenait. Il se tournait vers elle avec colère, lui crachant une réponse à sa dernière question :

-Vous ferez comme vous voudrez!

Alydaëlle se rengorgea, satisfaite, et s'allongea de nouveau par terre, les mains derrière la tête, contemplant le ciel avec un soupir. Quel drôle de Drow que ce O'Karan. A un moment, elle avait pensé qu'il préférait les hommes que les femmes. Cela lui arracha un rictus mais à l'évidence, elle s'était trompée. Bien qu'elle ait envie de faire un petit somme, la tueuse décida de rester éveillée. Les Divins n'allaient certainement pas arriver dans la minute, mais elle devait demeurer attentive. Lorsque le sorcier en aurait fini avec ces histoires de magie, elle se préparerait à leur... plan. Elle nourrissait encore quelques doutes mais cela importait peu. Elle ne pouvait plus reculer.

"C'est curieux, à vous voir comme ça, vous avez l'air d'un vrai sorcier..." lança-t-elle avec ironie, toujours étendue sur le sol, en observant le Drow.

Elle eut un sourire moqueur. Elle commençait à apprécier de l'asticoter, lui envoyant quelques piques dont elle étudiait la réponse.

L'incantation maléfique s'élevait dans les airs, emplissant les environs de sa sourde menace. Si Sylfar était concentré sur ce qu'il faisait, il entendit tout de même la pique de l'Assassine, ce qui l'énerva encore plus... Ce serait ça de plus à mélanger au flux magique, mais le Drow se promit de lui donner la réplique.

Ce qu'il fit une fois son ouvrage terminé. Le sortilège fit frémir l'air à une dizaine de centimètres au-dessus du sol, comme une onde qui parcourut le sentier et ses alentours dans un cercle de 12 mètres de diamètre. Celà fait, le Sorcier silencieux alla ramasser une branchette et la jeta à l'endroit où son sort était effectif. Le morceau de bois toucha le sol et fut immédiatement sectionné, retombant lamentablement en deux morceaux.

Satisfait de lui, le O-Karan se retourna vers Alydaëlle qu'il regarda de haut, la base de ses cheveux se raidit alors, et lâcha d'un ton sec:

-C'est curieux, à vous voir dans cette position, vous n'avez pas du tout l'air d'une guerrière...

Un sourire narquois accompagna ses paroles tandis qu'il mettait la main à sa petite sacoche. De là Sylfar sortit une poignée d'une poudre verte sombre qu'il jeta d'un grand geste large sur le sol désormais piégé.

L'Elfe Noir étira ensuite longuement ses muscles engourdis par son incantation et allait ajouter quelque chose de bien senti à l'attention de la Demi-Drow quand son reard partit au loin une fraction de seconde. Il prit son arc drow en main et dit alors:

-Ils seront ici dans un petit quart d'heure, alors à moins que vous ne vouliez qu'ils vous passent sur le corps, quittez cette position...

Le O-Karan aurait pu encore ajouter une demi-douzaine de qualificatifs pour cette position mais il ne le fit pas, sa réplique précédente était déjà assez évocatrice de ce sujet. Il grimpa agilementdans un arbre à quelques mètres du sentier et se posta là, l'esprit presque pas dérangé par les images d'Alydaëlle couchée sur le petit chemin...

Alydaëlle ne cilla pas tandis que Sylfar s'occupait de son piège magique. Elle observait le ciel avec une moue presque enfantine, les pensées vagabondant dans toutes les directions. Elle essayait de faire le point sur sa situation et sur tout ce qui l'avait amenée ici. Rien de très glorieux à dire vrai, et cela avait tendance à l'irriter, mais la jeune femme se dit que les choses auraient pu être pires. D'ailleurs, elles pouvaient encore le devenir lorsqu'elle engagerait le combat contre les Divins, s'ils venaient réellement...

-C'est curieux, à vous voir dans cette position, vous n'avez pas du tout l'air d'une guerrière...

A ces mots, Alydaëlle se redressa sur les coudes et croisa les jambes, un sourire narquois jusqu'aux oreilles. Elle considéra le sorcier entre amusement et ironie, dardant son regard bleu sur lui.

"Vous avez l'air bien prude..." se moqua-t-elle ouvertement. "Vous ne connaissez donc pas l'expression selon laquelle il ne faut jamais se fier aux apparences ?"

Elle laissa échapper un rire, sans toutefois bouger de sa position. Ce genre de réplique l'amusait plus que cela ne l'énervait, et elle se trouvait très bien ici pour bouger sur une simple pic de ce sorcier qu'il était aisé de provoquer...

- Ils seront ici dans un petit quart d'heure, alors à moins que vous ne vouliez qu'ils vous passent sur le corps, quittez cette position...

Alydaëlle laissa son sourire s'étirer, incapable de l'effacer tant elle était amusée par ses paroles. Elle s'étonna que sa colère ait aussi soudainement disparu au profit de ce sentiment de légèreté. Elle n'était pas sûre que le Drow en soit tout à fait l'origine mais quelque chose lui disait qu'il n'était pas tout à fait étranger. Elle se demanda bien comme il pouvait affirmer que les Divins seraient là dans si peu de temps et se contenta de hausser les épaules en se redressant. Elle se leva, quitta la place et s'éloigna vers un arbre, pas très loin de celui de Sylfar. Là, elle dégaina son épée, planta brutalement la lame dans la terre, et s'allongea de nouveau.

"Eh bien s'il nous reste encore un quart d'heure, autant occuper ce laps de temps... Quand ils arriveront, mon épée sera toute disposée à les accueillir."

Elle adressa un dernier sourire au Drow, puis passa ses mains derrière sa nuque, se perdant à nouveau dans le flot de ses pensées, à travers sa contemplation acharnée du ciel. Etendue sur le dos, elle concentra tout de même certains sens aux bruits alentour, guettant d'éventuels signes suspects.

Méfiez-vous de l'eau qui dort... Alydaëlle médita cette expression d'un air pincé, essayant de contrôler le sourire qui lui venait sans peine. Il semblait, depuis quelques instants, que les rôles se soient inversés. Elle provoquait le Drow à l'en mettre en colère, et cela l'amusait. Un peu plus tôt, c'était elle qui entrait en rage face aux actions de Sylfar. Elle repensa un instant à leur baiser, trouvant cette impulsion aussi étonnante qu'agréable dans la mesure où ils semblaient s'entendre comme chien et chat.

- Et maintenant, il nous faut observer le silence... si toutefois vous parvenez à garder ce qui vous sert de bouche fermé...

Alydëlle rouvrit un bref instant les yeux et lança un oeil moqueur vers le sorcier. S'il savait tout ce que sa bouche pouvait faire, il n'aurait sans doute pas eu dans l'idée de lui dire ça.... La jeune femme ne fit donc aucun commentaire, préférant - pour une fois très exceptionnelle - lui obéir. Bercée par le silence et certains souvenirs agréables, elle se laissa aller à la quiétude. De temps à autre, elle dardait un regard sur Sylfar, puis sur l'épée plantée à côté de la tueuse, puis sur le chemin. Mais il n'y avait toujours rien. Comme le temps commençait à s'écouler, Alydaëlle sentit l'impatience la gagner. Avec un soupir, elle se redressa à s'assit. La tension perceptible entre eux l'irritait et elle décida d'amorcer une conversation peut-être plus détendue...

"Dites-moi, ça vous arrive d'être... sympa ?"

Le ton était sincère, curieux, même si la tueuse ne pensait avoir là la meilleure amorce de conversation. Bah, au moins, elle aurait essayé. Tant pis s'il lui renvoyait une pique acerbe ou si elle essuyait un silence...

Immobile comme une statue, Sylfar écoutait de toutes ses oreilles, concentrant toute sa volonté sur les bruits environnants. Chants d'oiseaux, bruissement du vent dans les feuilles, sons des branches qui craquaient, respirations de petits animaux. Puis soudain, ce fut le vacarme, l'explosion sonique. La capacité des oreilles du Drow était poussée à son maximum, les paroles d'Alydaëlle faillirent donc déchirer ses tympans. La douleur fut immédiate et dévastatrice, l'Elfe Noir fallit glisser de son perchoir et s'écraser en bas.

Il plaqua les mains contre ses deux oreilles et jura comme jamais Drow n'avait juré. Un mince filet de sang s'écoula le long des lobes du Sorcier, bientôt accompagnés par une larme de souffrance.

Trop occupé par son mal, la réponse du O-Karan à l'Assassine fut dénuée de toute trace de verve.

-Seulement quand je suis bourré...

L'Elfe Noir prit une longue inspiration, grogna encore une fois et relâcha ses oreilles meurtries. Il tourna brusquement la tête vers le chemin puis murmura, resserant sa prise sur son arc.

-Ils ont du forcer l'allure, les voilà...

Un bruit de cavalcade parvint bientôt à nos deux piégeurs, et il ne fut pas longtemps avaant que le groupe de Divins ne fasse son apparition. Voyageant tout comme le Sorcier l'avait annoncé, les cavaliers ne mirent qu'une seule seconde pour entrer dans le champ de vision de l'Assassin et de Sylfar, puis tomber dans leur piège.

Ce fut alors un concert cauchemardesque de cris de bêtes, d'hommes, de bruits de chute, mais le son qui ressortit nettement de ce chaos fut le claquement que firent les pieds des chevaux lorsqu'ils se brisèrent...

La confusion était totale, mais déjà les dirigeants de la poursuite tentaient de se relever. L'un d'entre eux, le Lieutenant, vit son mollet cloué au sol par un trait noir qui avait transpercé sa chair puis profondément enfoncé dans le sol... Le Commandant était debout, la flèche qui lui était destinée s'était perdue dans le tourbillon de deux chevaux fauchés.

Toujours accroupi sur sa branche, le Drow lachâ son arc et empoigna son sceptre...