Traquenard [Sylfar]

Alydaëlle laissa un rire lui échapper sous la réponse spontanée du Drow.

-Seulement quand je suis bourré...

Intéressant. Et très spirituel comme réponse. Alydaëlle se leva et épousseta ses vêtements avec nonchalance. Elle se tourna vers l'arbre où était perché Sylfar.

"Dans ce cas, rappelez-moi de vous saouler à une occasion prochaine... Qui sait si votre compagnie ne se révèlerait pas autrement plus intéressante..."

D'habitude, ce genre de situation opérait dans le sens inverse mais la jeune femme avait machinalement répliqué ce qui lui était venu en tête. Il ne s'écoula pas bien longtemps avant que Sylfar annonça la venue imminente des Divins. La tueuse eut un soupir de lassitude, empoigna son épée et vint se placer en retrait du piège, guettant à son tour les hommes. Très bien, ils étaient là. Ils passèrent droit sur le piège magique et une cacophonie sans nom se répercuta sous les arbres. Alydaëlle serra les dents, résistant à l'envie de se boucher les oreilles tant ça en devenait infernal. Plusieurs Divins tombèrent de leurs montures, d'autres ne tardèrent pas à suivre. Les hurlements se mêlèrent aux hennissements et Alydaëlle, s'en attendre le moindre signe de Sylfar ni même lui adresser un seul regard, monta à l'assaut.

Aussi agile d'un félin, aussi rapide que le vent, la tueuse bondit vers les ennemis qu'elle jugea les plus dangereux. En quelques secondes, elle avait établi un plan d'attaque. Elle sélectionna mentalement ceux qui semblaient les plus importants de par les informations qu'ils étaient susceptibles de fournir. Elle repéra un Divin apparemment plus dangereux que les autres, et le premier coup fut pour lui. Elle avait dit au sorcier qu'elle ne les épargnerait pas tous. Elle était une tueuse, et une tueuse reste une tueuse.

La bataille fut engagée très vite, les effusions de sang souillèrent le sol, le fracas des armes retentit haut et fort, mais Alydaëlle tint bon. Elle reçut un coup à l'épaule, qui lui entaman profondément la chair, manquant de peu de briser l'os, et poussa un hurlement de douleur et de rage. Elle riposta, tranchant les chairs aux endroits stratégiques pour provoquer une agonie sans nom, gardant en vie ses victimes. Une flèche se planta dans sa cuisse mais elle était si aveuglée par la colère qu'elle ne sentit pas la douleur. Elle se demanda si ce n'était pas là sa dernière bataille mais sans chercher de réponse, elle continua de jouer de son épée...

Alydaëlle avait plongé dans ce nouveau bain de sang sans réfléchir. Tueuse émérite, elle connaissait les points faibles des corps humains pour neutraliser ses ennemis, les laisser agoniser ou les tuer rapidement, et elle ne se priva d'exercer ses talents avec force et dextérité. Emportée par cette vague de violence, la demi-drow peinait à garder conscience de la réalité et peu à peu, le plan parfait qu'elle avait mis au point s'effrita dans sa tête. L'homme qu'elle voulait garder en vie faillit y passer, mais reçut seulement la lame dans le genou, le mettant à terre pour de bon dans un hurlement de douleur.

Essoufflée, encore en rage, Alydaëlle s'arrêta un moment pour constater que tous ses ennemis semblaient hors d'état de nuire. Bon. Elle en avait tué deux. Enfin lui semblait-il... Mais les autres, certains agonisant, avait encore un souffle de vie. Soudain, la vision d'un Divin braquant une flèche meurtrière en direction de Sylfar... Il en restait donc un ! Immédiatement, la jeune femme bondit vers lui et lui assena un coup d'épée au moment même où la flèche partait. Le projectile d'acier s'enfonça dans son épaule, là où elle avait déjà pris la lame ennemie... La douleur avait atteint un point tel qu'elle en était aveuglée. Cela lui arrachait les larmes mais elle ne broncha pas, retenant un cri. Le sang coulait, maculant ses vêtements, et elle acheva l'homme sans aucune pitié. Bon. Elle en avait tué trois.

A bout de souffle et blessée, elle tourna un regard noir vers Sylfar, avant de tomber à genoux, ses jambes ne la portant plus.

"D'accord, je les ai pas tous maîtrisés !" cracha-t-elle avec colère. "J'ai dû en tuer quelques-uns, mais c'était convenu !"

Elle ferma un bref instant les yeux, puis les rouvrit. Elle essuya la dernière larme qui coulait sur sa joue avec un soupir puis examina rapidement ses blessures. Elle saisit la flèche profondément plantée à mi-cuisse et la retira d'un geste sec, puis voulut faire de même avec celle que Sylfar aurait dû prendre à sa place. Mais elle cassa le projectile et laissa la pointe dans la plaie. Etouffant un grognement de mécontentement, elle releva ses yeux bleus vers le sorcier.

"Bon, si ça vous dérange pas, allez vite récolter vos si précieuses informations et faites donc souffrir autant qu'il vous plaira ces misérables larves !"

Alydaëlle lutta pour ne pas perdre conscience puis se dit qu'elle pouvait peut-être dormir juste un petit peu, histoire de reprendre des forces avant de marcher vers la ville la plus proche pour y trouver un guérisseur.

"Méfiez-vous qu'il n'y en ait pas un pour vous prendre en traître" ajouta-t-elle gravement en portant de nouveau son attention sur le Drow. "Certains ne sont pas encore tout à fait à l'agonie..."

Alydaëlle avait encore tourbilloné, fouché les ennemis comme s'ils étaient de blé et ce dans la plus grande finesse. Et encore une fois, elle avait évité à Sylfar de très sales ennuis... Ce dernier cracha alors à terre, un mélange de sang et de salive. Il était le seul encore debout...

Le Drow boîta jusqu'à l'Assassine et dit dans un sourire sardonique:

-Me méfier? Vous vous souciez donc de ma santé?
Allez, maintenant laissez-moi faire, vous n'êtes pas en état de résister de toute façon...

Le Sorcier prit alors sur lui, fit un effort et souleva la Demi-Drow du sol, sans se soucier de sa nuque qui s'était transformée en hérisson. Il la transporta ainsi, marchant très lentement non seulement pour éviter de blesser davantage l'Assassine, mais aussi à cause de la flèche qui sortait de sa cuisse. Le O-Karan assit la sublime Alydaëlle contre un arbre et retourna sur les lieux du carnage.

Là, il assomma tous les Divins qui ne l'étaient pas, les ligota solidement à l'aide de leur propre équipement et charria les survivants un à un vers l'endroit ou était l'Assassine. Tout celà lui prit une bonne demi-heure, et il laissa derrière lui les chevaux agonisants et les cadavres des hommes tués.

Le Sorcier préleva sur les humains les vêtements qui n'étaient pas souillés de sang ou d'autre crasse. Il les déchira en fines bandes et entreprit de nettoyer les plaies de la demi-Drow puis de les bander délicatement. Elle était bien trop faible pour réagir, sauf peut-être pour parler, mais il ne l'écoutait pas et continuait son ouvrage en silence. Bien sur, ce n'était pas une tâche aisée car elle nécéssitait de toucher directement Alydaëlle, mais l'Elfe Noir resta maître de lui et lui administra les premiers soins avec une douceur qui lui était peu commune. Il alla même jusqu'à lui faire boire un peu d'eau dans une coupelle qui avait appartenu à un des Divins.

Enfin, Sylfar parla, et ce fut à la belle Assassine qu'il adressa ces mots:

-Dormez maintenant, je vous réveillerai pour le cadeau...

C'était ainsi que le Sorcier appelait les tortures qu'il destinait aux hommes qu'ils avaient capturé. Ce qu'il ne disait pas, c'est que la demi-Drow avait été incroyable, elle avait terrassé à elle seule et en un temps record 8 des terribles Divins, sans compter qu'elle l'avait encore sauvé... Pour cet exploit, le Drow vaudrait jusqu'à la fin de ses jours un respect admiratif envers l'Assassine...

Le O-Karan alla s'assurer que les ex-cavaliers étaient bien dans les bras de Morphée, en réassomma deux pour être bien sur et alla s'asseoir contre le même tronc qu'Alydaëlle, sa flèche toujours dans la cuisse...

[Non, t'inquiète pas, c'est très bien ! ^^]

-Me méfier? Vous vous souciez donc de ma santé?
Allez, maintenant laissez-moi faire, vous n'êtes pas en état de résister de toute façon...

La tueuse lui adressa un regard étrange où se lisait irritation et désir. Elle ne répondit pas immédiatement, la tête lui tournant. Oui, apparemment, elle se souciait de sa santé. Sinon, elle ne lui aurait pas sauvé la vie et la flèche qu'elle avait reçu lui aurait été pour lui, comme c'était initialement prévu... La question était de savoir "pourquoi" elle se souciait de lui. D'accord, elle le trouvait attirant mais ça s'arrêtait là. Incapable de réfléchir plus longtemps à la question, elle soupira, les yeux mi-clos. A demi évanouie, Alydaëlle eut à peine conscience que le sorcier venait de la prendre dans ses bras pour l'emmener à l'écart. Elle eut une grimace de douleur tandis que ses plaies laissaient encore échapper du sang.

Le Drow la déposa avec une délicatesse étonnante contre un arbre puis repartir. Il s'écoula plusieurs minutes pendant lesquelles la tueuse se demanda bien ce qu'il pouvait faire. Elle n'entendait rien de bien significatif et lorsqu'elle rouvrit les yeux, en dépit de sa vue floue, elle fut surprise de constater que Sylfar revenait vers elle avec des morceaux de tissus à peu près propre et qu'il commençait à panser ses plaies. Sidérée, Alydaëlle ne trouva pas à réagir dans l'immédiat. Il était si... doux, que ça en devenait gênant. Après ses démonstrations d'agressivité, la tueuse était dans le doute. Elle se mordit la lèvre, tant pour ne plus penser à ses problables sentiments à l'égard du Drow que pour lutter contre la douleur. Au moins, elle était encore en vie. Pour combien de temps ? Elle n'en savait rien mais elle ne laisserait pas la mort la prendre par surprise. Pas après avoir tant lutté...

Quand il eut terminé sa besogne, sans un mot, le sorcier se leva et fit demi-tour. Alydaëlle aurait voulu le retenir mais elle ne fit rien pour... Elle regarda la plaie à l'épaule : la pointe d'acier était encore dans la chair. La jeune femme, tôt ou tard, allait devoir la chercher avant que l'infection se déclare. Tandis que le Drow s'occupait des humains à sa manière, elle déchira ses vêtements avec ce qui lui restait de force et découvrit toute son épaule. La peau était souillée de sang et la plaie ouverte laissait difficilement voir la pointe de métal.

Alydaëlle eut un soupir, se laissa aller contre l'arbre, observant un instant le Drow, la gorge serrée par anticipation à ce qu'elle allait devoir faire. Son épaule nue la faisait souffrir et elle décida de remettre à plus tard l'opération. Pour l'instant, un peu de repos semblait tout indiqué. Peu à peu, elle plaçait une certaine confiance en ce Drow qu'elle connaissait encore mal, et c'est tout naturellement qu'elle ferma les yeux, espérant simplement se réveiller un jour.

Un instant plus tard, la tueuse basculait sur le côté et s'étalait de tout son long dans l'herbe, la respiration à peine tranquille.

Alydaëlle voguait sur les flots du sommeil, mais un sommeil agité de cauchemars où la douleur était omniprésente. Le sang avait pratiquement cessé de couler hors des plaies, coagulant à la surface. Puis soudain, un hurlement. La jeune femme eut un sursaut dans son noir sommeil, se demandant si c'était réel ou si cela venait de ses songes sanglants. Puis un second hurlement, plus intense, plus prolongé. Exprimant une douleur qu'Alydaëlle n'ignorait pas. Immédiatement, elle se réveilla, ouvrant brusquement les yeux, le coeur battant. Dans son champ de vision, la première chose qu'elle vit fut Sylfar, couché non loin d'elle, gémissant. Apparemment, il dégustait aussi. Pas une partie de plaisir cette journée qui avait si plaisamment démarré...

Alydaëlle usa de ses dernières forces pour se redresser, éveillant de nouveau la douleur à son épaule. Grimaçant, elle étouffa un grognement et, s'aidant de l'arbre en prenant appui contre son écorce rugueuse, elle parvint non sans mal à se mettre de bout. Bon sang... Elle n'avait pas été dans une état aussi pitoyable depuis longtemps ! Mais la demi-drow n'était pas du genre à s'apitoyer sur son sort ou à s'avouer vaincue, même aux portes de la mort. Boîtant sévèrement, elle marcha jusqu'au Drow, jetant au passage un coup d'oeil aux Divins. Ils semblaient toujours sous leur contrôle, la plupart sinon tous dans les vapes. Il ne leur restait plus beaucoup de vêtements...

La jeune femme s'approcha du sorcier et tomba à genoux près de lui. Elle vit la dague à la lame encore rouge, songeant qu'il n'avait pas eu une mauvaise idée, même si cela devait faire sacrément mal. Alydaëlle y aurait sûrment recours tôt ou tard pour extraire la pointe d'acier qui risquait d'empoisonner sa chair si l'infection se déclarait. Dans un geste doux, elle toucha O'Karan à l'épaule, puis le tourna vers elle de force. D'une main plus ferme, elle le saisit au menton et releva son visage vers elle, étudiant l'expression qu'il affichait sans faire le moindre commentaire. La demi-drow ne souriait pas, s'inquiétant pour eux deux, mais pour rien au monde elle ne le lui aurait dit.

"Vous auriez mieux fait de me laisser agir seule..." déclara-t-elle.

Elle le lâcha presque à regret et tenta de se remettre debout, vacillante. Elle porta une main à son épaule blessée, son regard bleu sur le Drow.

"Au moins, l'un de nous en serait sorti intact et aurait survécu sans problème... Maintenant, nous sommes tous les deux dans un sale état."

Alydaëlle se baissa pour ramasser la dague, l'étudiant pensivement. Il fallait qu'elle la nettoie à l'eau et qu'elle la fasse de nouveau rougeoyer. Elle adressa un regard interrogateur à Sylfar.

"Vous permettez que je vous l'emprunte ou dois-je attendre d'avoir la miennne ?"

Comme le silence se prolongeait, la jeune femme hésita. Elle aurait volontiers aidé le sorcier à se relever et l'aurait même soigné, mais elle ne voulait pas se montrer trop attentive envers lui, et encore moins risquer de le vexer. Elle n'avait plus la force de poursuivre leurs joutes verbales.

Ce fut un Sylfar au visage torturé qui dévisagea la face séduisante d'Alydaëlle alors qu'elle lui disait des choses qu'il n'entendait presque pas tant il avait mal...

Etrangement, le Drow n'avait qu'une seule et unique blessure désormais cautérisée. De son côté, l'Assassine était meurtrie de partout, des plaies de toutes sortes et de toutes tailles. Pourtant, c'était le O-Karan qui se plaignait le plus et qui accusait le plus le coup... POurquoi? simple, c'est une mauviette...

Fils de noble, l'Elfe Noir avait passé ses 100 premières années bien à l'abri de la précarité et du malheur, des blessures et de la douleur... Voilà pourquoi il avait tant de mal à supporter ce qu'il venait de se faire. A la vérité, la demi-Drow lui était une fois de plus supérieure, et de loin...

Le Sorcier répondit néanmoins, les dents toujours serrées, tout en se relevant lentement, déjà hors d'haleine.

-Non, je préfèrerais que vous ne me l'emprunitez pas...

Après cette réponse d'un culot monstre, Sylfar prit une longue inspiration et ajouta d'une voix incertaine.

-Je préfèrerais m'occuper moi-même de ces blessures que je vous ai indirectement causées...

Et voilà, ajoutant maintenant la torture mentale d'une bonne action future à une torture physique lancinante, le O-Karan se replongeait dans ses noires idées. Il avait bel et bien proposé son aide à la belle Assassine, et ça lui avait écorché la bouche, en plus de sa cuisse qui palpitait d'une manière fort peu soutenable...

Alydaëlle était ennuyée de le voir tant souffrir, et ce sentiment l'irrita. Pourtant, elle ne pouvait rien faire pour le soulager, ni pour le soigner puisque le Drow s'en était déjà chargé. Au moins, il avait pris de bonnes initiatives en cautérisant ainsi sa blessure. La jeune femme baissa les yeux vers sa propre cuisse, songeant que la douleur y était moins intense qu'à l'épaule. Mais étant donné le coup d'épée qu'elle avait pris à cet endroit, ajouté à la flèche qu'elle n'avait pu extraire en entier, rien de surprenant... La tueuse s'apprêtait à faire rougir la lame de la dague quand la réponse du sorcier la figea dans son entreprise :

-Non, je préfèrerais que vous ne me l'emprunitez pas...

Alydaëlle resta interloquée devant ce refus qu'elle n'aurait pas envisagé. Ce n'était pourtant pas grand chose que de lui prêter cette lame pour sauver sa vie ! La tueuse prit une mine renfrognée et son regard vira au noir un bref instant. Les mâchoires crispées, elle s'apprêtait à lui lancer une réplique acerbe lorsqu'il la devança, enchaînant sa réplique :

-Je préfèrerais m'occuper moi-même de ces blessures que je vous ai indirectement causées...

Cette fois, la jeune femme demeura interdite devant cette déclaration. C'était bien la dernière chose à laquelle elle se serait attendue, plus encore que sa précédente réponse... Elle était si surprise qu'elle resta bouche bée, sans rien dire, essayant de déterminer s'il plaisantait ou s'il était sérieux. Un tel comportement de sa part était... presque suspect. Pourtant, il n'était pas bourré. Etrange... Alydaëlle étudia le visage torturé du Drow. Apparemment, ça ne l'enchantait pas des masses. Quoi de plus normal ? Sylfar n'était certainement pas du genre à prêter main forte, même à ses semblables, et blessé comme il était, cela devait encore plus le mettre en rage.

Alydaëlle s'autorisa un sourire et avança d'un pas vers lui, essayant de ne pas prendre appui sur sa cuisse blessée pour ne pas accentuer la douleur. Un éclat presque bienveillant semblait danser dans ses yeux bleus, mais la froideur et le côté narquois de son regard essayaient tant bien que mal de dissimuler ce sentiment de conciliation.

"Laissez tomber..." lui lâcha-t-elle en lui décochant un sourire sincère, déjà secrètement reconnaissate qu'il ait mis sa fierté de côté pour lui proposer son aide. "Inutile d'ajouter à votre torture, je crois que je peux me soigner moi-même. Enfin au moins opérer... Dommage que je n'ai pas un peu d'alcool avec moi mais bon... Je ferai avec."

Elle marqua un temps de pause, l'air soudain ennuyé. Elle se mordit la lèvre et finit par s'agenouiller de son mieux près de O'Karan. Elle hésitait visiblement à lui dire quelque chose, mais quelques secondes suffirent à la décider.

"Si je perds conscience, soyez gentil de ne pas m'achever, d'accord ?" lui lança-t-elle avec une ironie amusée. "Je vous en saurai gré..."

Puis elle se tourna péniblement vers le feu et plaça la dague dans les flammes. Assise sur un côté, les jambes étendues, elle attendit que la lame commence à rougir.

Alydaëlle porta la lame à son épaule, hésita de longues secondes devant la perspective de douleur qui l'attendait, puis les dents serrées, rouvrit la plaie coagulée. Elle sentit son coeur s'emballer lorsqu'une terrible souffrance la brûla, mais refusant de s'arrêter, elle enfonça la dague avec précision et s'efforça d'extirper la pointe d'acier qui menaçait de déclencher une infection. Le sang coula sur l'arme, puis sur sa main, et ses gestes devinrent tremblants. La jeune femme aurait volontiers hurler de douleur tant cela devenait insupportable, mais elle refusait d'offrir ce plaisir au Drow, plus encore lorsqu'il passa près d'elle en lui susurrant une charmante phrase selon laquelle il l'aurait volontiers achevée.

La tueuse lui décocha un regard meurtrier tandis que la sueur perlait à son front, roulant sur ses tempes. Elle eut l'impression d'une éternité de souffrance s'était écoulée avant que la pointe de la flèche n'émerge des chairs meurtries. Les doigts tremblant violemment, gémissante, Alydaëlle saisit le morceau de métal et le jeta rageusement par terre. Le souffle court, elle refusa de se lever, essayant de se remettre de la pénible intervention. Elle avait beau affirmer ne pas craindre la douleur, elle restait néanmoins un être vivant capable de ressentir. Aussi refusa-t-elle ne serait-ce que d'envisager une cautérisation comme l'avait fait Sylfar. Pas maintenant en tout cas...

Le sang continua de couler sur son épaule nue, glissant sournoisement vers sa poitrine dont on devinait la naissance, tâchant sa peau pâle. La demi-drow ferma les yeux, un mal de crâne lui donnant le vertige. Elle resta à genoux, immobile, pendant un temps particulièrement long, et quand elle rouvrit les yeux, ce fut pour voir Sylfar revenir vers elle, portant des sacs, et l'air... détendu, presque joyeux. Il lui adressa un signe de tête et Alydaëlle lui décocha un regard noir. On aurait dit qu'il avait oublié sa blessure, oublié la douleur, mais se réjouissait de voir la tueuse dans cet état. Les mains pleines de sang, la blessure profonde, l'affaiblissement général du à la douleur et à la colère... Tout cela avait l'air de lui faire plaisir et la jeune femme en conçut un profond sentiment de haine et de tristesse à l'égard du Drow.

Les quelques secondes pendant lesquelles il avait été "sympa" étaient déjà un lointain souvenir, ce que regrettait sincèrement la jeune femme. Elle regarda ses mains comme si elle les voyait pour la première fois, toujours légèrement tremblantes, n'osant pas trop bouger de peur d'accentuer à nouveau la douleur. Elle avait besoin d'un bain. Elle voulait s'immerger complètement dans l'eau pour se laver de tout ce sang qui la maculait. Elle voulait se sentir renaître, effacer ce rouge qui la couvrait... Mais Alydaëlle sentait qu'elle peinerait à se relever et elle ne voulait pas se traîner misérablement jusqu'à la rivière. Il fallait qu'elle se repose un peu. La tueuse soupira et leva les yeux vers Sylfar, lui adressant un sourire narquois.

"Sincèrement désolée de ne pas être tombée dans les pommes afin de vous laisser l'opportunité de m'achever. Mais rassurez-vous, ça peut encore venir..."

D'un air déterminé, elle prit appui sur ses mains et s'efforça de se mettre debout. Une fois levée, elle prit appui le plus possible sur sa jambe indemne et se tourna vers la rivière. Avant d'essayer de se mettre en marche, elle tituba, la vision brouillée, se demandant si elle arriverait à la rivière...

Tout à sa nouvelle félicité, Sylfar n'avait même pas vu que l'Assassine avait extrait la pointe de flèche de son corps. Ce ne fut que par hasard qu'il s'en rendit compte. Il contemplait à son aise les formes ravissantes et bien découpées de la jeune femme, en arriva tout naturellement à sa poitrine. Là, le Sorcier vit un filet de sang séché, qu'il suivit du regard pour voir la plaie sur l'épaule d'Alydaëlle déjà refermée et apparement soignée...

Il secoua alors la tête en signe de dénégation et dit d'une voix taquine et profonde:

-Ces femmes, il leur faut toujours tout tout de suite... vous n'aviez qu'une petite heure à attendre...

D'une main sure, le Sorcier plongea alors la main dans une des besaces qu'il portait et en sortit une bouteille remplie d'un liquide ambré. C'était une flasque d'alcool que le Drow avait récupéré quelques moments plus tôt sur les cadavres des chevaux des Divins. C'était donc là qu'il était parti...

D'un coup d'oeil, le O-Karan comprit les intentions de l'Assassine et dit avant qu'elle n'aille plus loin.

-Vous devriez terminer ce que vous avez commencé plutôt que de laisser cette chose s'aggraver...

D'un geste stylé, il montra du doigt la blessure sur la jambe d'Alydaëlle. L'Elfe Noir s'avança ensuite jusqu'à la jeune femme, s'arrêta à quelques cetimètres d'elle et glissa la bouteille d'alcool dans sa main. Par la suite, il dit encore;

-Ce devrait être moins pénible avec ça... et puis...

Le Drow prit ensuite le menton de l'Assassine entre ses doigts fins et redressa sa tête. Leurs visages n'étaient plus qu'à une toute petite dizaine de centimètres, il ajouta dans un souffle;

-Ma proposition tient toujours...

De l'alcool... Un sourire se dessina sur le visage de la jeune femme. Elle en avait sacrément besoin, autant pour se remonter que pour désinfecter. Mais dans un premier temps, elle se contenterait d'en boire... Elle vit d'un tout autre oeil le Drow, comme si sa colère à son égard avait brutalement fondu pour céder la place à une profonde attirance. Pourtant, la tueuse n'en laissa rien paraître, même si elle ne pouvait dissimuler ce sourire de contentement face à la bouteille que venait de lui montrer le sorcier. C'était plutôt inattendu, mais la jeune femme lui en était gré. Sa poitrine se soulevait à présent régulièrement au rythme de sa respiration, comme si elle était soudainement apaisée, ce qui était d'ailleurs un peu le cas en dépit de cette douleur lancinante à la cuisse...

-Vous devriez terminer ce que vous avez commencé plutôt que de laisser cette chose s'aggraver...

Alydaëlle baissa un bref instant les yeux vers la plaie, pas bien belle à voir. Certes... Il fallait cautériser, mais c'était plus facile à dire qu'à faire. La jeune femme avait eu son quota de douleur et elle n'avait vraiment pas le courage de remettre ça. Pas encore en tout cas... Elle laissa échapper un profond soupir, songeant avec délice au bain qu'elle avait l'intention de prendre pour nettoyer tout ce sang plus ou moins séché. Pendant ce temps,Sylfar était remonté à sa hauteur et avait glissé la bouteille d'alcool dans sa main.

-Ce devrait être moins pénible avec ça... et puis...

Alydaëlle s'apprêtait à répliquer lorsque, contre toute attente, le Drow lui saisit le menton d'un geste habile et la regardant droit dans les yeux, ajouta que sa proposition tenait toujours. Leurs visages étaient si près que la jeune femme se serait volontiers laissée aller à un autre baiser, mais elle s'empressa de chasser cette envie. Ce n'était vraiment pas le moment de perdre le contrôle de ses sens. Elle était perturbée par le comportement du Drow, qui un instant auparavant était furieux, et à présent étrangement conciliant, si bien qu'Alydaëlle ne savait plus trop quoi penser ou comment réagir. Elle le fixa donc de son regard azur, un regard impénétrable, pendant qu'elle méditait sa réponse. Elle qui s'en remettait difficilement aux autres hésitait à accepter cette offre si tentante, mais par ailleurs, la jeune femme savait qu'elle n'avait pas le choix si elle ne voulait pas laisser la blessure s'aggraver.

"J'ai besoin d'un bain..." finit-elle par lâcher sans la moindre émotion.

Son corps entier sentait le sang et l'odeur devenait piquante. Par ailleurs, l'eau servirait à nettoyer un peu les plaies, avant une éventuelle cautérisation. Si toutefois elle trouvait le courage d'aller jusqu'au bout, chose dont elle ne se sentait pas capable en ce moment. Lentement, elle rapprocha son visage de celui du Drow, ses yeux plongés dans les siens, jusqu'à ce que leurs souffles se mêlent, mençant d'effleurer ses lèvres des siennes...

"Mais puisque vous proposez toujours votre aide, je l'accepte..."

Ces mots lui avaient véritablement écorché la bouche. Une vague de chaleur intense l'envahit, mais elle ne savait pas trop à quoi elle était due. Désir ou colère ? Par dessus tout, la demi-drow était curieuse de savoir si Sylfar était sérieux ou s'il se moquait d'elle, auquel cas il allait vite le regretter...

L'Assassine s'était encore approchée du Drow, si bien que celui-ci dut se mordre la lèvre pour éviter de se laisser aller à un nouvel accès de passion. Ou bien était-ce du ressentiment? Sylfar l'ignorait bien...

En une seconde pourtant, il s'était déplacé sur le côté d'Alydaëlle, avait passé un bras sous les genoux de celle-ci et l'avait soulevée avec aisance. Les cheveux de sa nuque n'étaient plus maintenant que des pointes hérissées vers un ciel qui s'obsurcissait de minute en minute. Le Sorcier était retourné non loin du feu et avait repoussé la dague dans les flammes de celui-ci. Avec cette douceur qu'il avait déjà manifestée auparavant, l'Elfe Noir déposa la demi-Drow sur le sol. Il dit alors;

-La rivière est trop loin... Buv... euh je veux dire; je vous demande humblement de bien vouloir boire...

Dans un sourire narquois, le O-Karan écarta doucement les vêtements qui lui cachaient la blessure de l'Assassine. Il déglutit en pensant qu'il allait devoir toucher ces jambes si graciles et pourtant si puissantes lorsqu'il le fallait, puis se leva et et alla chercher une gourde dans le barda des humains.

Sylfar remarqua alors que plusieurs des hommes remuaient faiblement, il les assomma sans la plus petite once de pitié en leur grognant:

-Vous attendrez votre tour... Mais n'ayez donc crainte, vous ne serez pas déçus...

Il revint près d'Alydaëlle et attendit qu'elle ait fini de boire, ce qui allait suivre serait amplement plus douloureux que tout ce que le Drow avait puis lui faire auparavant...

Une expression de surprise remplaça bien vite la grimace de douleur que fit Alydaëlle lorsque brusquement, le Drow la saisit avec une certaine délicatesse, l'emportant dans ses bras près du feu qui crépitait encore. Elle s'agrippa à lui, tant à cause de sa souffrance que par simple nécessité, et retint son souffle quelques secondes. Ce contact particulièrement rapproché la mettait en émoi mais une nouvelle fois, elle refusa de le laisser paraître.

Une fois sur le sol, la jeune femme prit appui sur ses mains, penchant le buste en arrière comme si elle espérait soulager ainsi la douleur. Les traits crispés, un voile de sueur sur le front, elle se força à respirer tranquillement.

-La rivière est trop loin... Buv... euh je veux dire; je vous demande humblement de bien vouloir boire...

Alydaëlle leva un regard moqueur vers le Drow et lui obéit sans faire le moindre commentaire. Il avait décidément un caractère bien à lui. Séduisant et énervant, la jeune femme avait bien du mal à le cerner et à faire le point sur ce qu'elle ressentait à son égard. Elle le laissa faire sans réagir lorsqu'il entreprit d'écarter ses vêtements, a priori pour examiner la blessure... Elle l'observa ensuite tandis qu'il s'éloignait pour revenir avec une gourde, non sans assommer au passage ceux des humains qui commençaient à remuer.

Enfin, la tueuse but une dernière gorgée et posa la bouteille à côté. Sylfar était de nouveau près d'elle, et Alydaëlle le scruta de ses yeux bleus, comme si elle se demandait encore si elle faisait bien, ou non, de lui faire confiance pour la soigner. Quoiqu'il en soit, elle n'avait guère le choix. Ses jambes fuselées étendues devant elle, la chair tiède lacérée de la vilaine plaie, la jeune femme serra les dents en prenant une profonde inspiration. Elle n'était pas certaine de pouvoir résister face à la douleur en perspective. Ce n'était pas une partie de plaisir mais il fallait en passer par là. Et puis la jeune femme avait déjà connu tant de tourments qu'elle survivrait bien à celui-là aussi.

"Faites-vite mais faites-bien", dit-elle d'une voix basse. "S'il vous plaît", ajouta-t-elle.

Elle dirigea rapidement ses pensées vers quelque chose d'agréable, pour tenter de se concentrer sur la suite. Elle pensa au bain dans la rivière qu'elle avait hâte de prendre, en dépit de la température. Du feu qui la réchaufferait ensuite... Elle pensa à sa nuit avec le maître d'arme des Drows, et même au baiser échangé avec le Drow. Les yeux fermés, elle attendit que le sorcier cautérise la damnée blessure, source de tant de tracas...

Alydaëlle sentit son coeur battre de plus en plus vite à mesure que s'égrenaient les secondes précédant la cautérisation de sa blessure. Elle devina Sylfar se saisir de la dague rougeoyante, ne pouvant qu'imaginer la terrible lame chauffée à blanc. Les dents serrées, le souffle un peu plus court, elle attendit. Et brusquement, une douleur abominable, mêlée à une odeur tout aussi atroce de cochon grillé. Immonde. La tueuse griffa la terre, les mâchoires si contractées qu'elle en avait mal. Elle se demanda, sur l'instant, si elle n'aurait pas préféré être morte que de subir pareil traitement. La souffrance lui arracha des larmes, mais aucun cri ne franchit ses lèvres. Elle se demanda bien par quel miracle elle s'était tu. Elle n'aspirer qu'à hurler. Hurler sa douleur, hurler sa colère de ne pas avoir su éviter ces blessures... Puis soudain, la douleur s'estompa.

La tête renversée en arrière dévoilant sa gorge somptueuse, la jeune femme rouvrit les yeux, le souffle précipité. Sylfar venait de retirer la dague, ayant habilement cautérisé la plaie. Lentement, elle baissa ses prunelles bleues vers le sorcier, croisant son regard posé sur elle. Elle crut lire dans ses yeux un désir qu'elle partageait amplement, mais n'osait pas y croire. Elle préférait ne pas se faire d'illusion et pendant un long moment, ils se dévisagèrent sans rien dire. Autour d'eux, se mêlant au silence, la nuit tombait progressivement. Alydaëlle avait mal à la tête et la chaleur dans son corps n'était pas retombée, peut-être à cause d'un début de fièvre. A moins que Sylfar ne soit la cause de ce brasier qu'il semblait avoir allumé chez elle...

Fronçant les sourcils, la tueuse essaya de bouger, décidée à se remettre au plus vite de ses blessures. Et puis il y avait toujours le bain qu'elle s'était promis. Elle préférait se débarrasser rapidement de ce sang qui maculait sa peau avant qu'il ne soit trop coagulé et difficile à retirer. C'était peut-être déjà le cas d'ailleurs... Elle regarda Sylfar et se mordit légèrement la lèvre, résistant à l'envie de le toucher. Depuis leur dernier contact, elle ne pouvait oublier la sensation de son corps contre le sien, ce qui ne manquait pas de l'agacer.

"Merci..." laissa-t-elle finalement tomber. "Je ne devrais peut-être pas vous demander ça mais si vous pouviez... juste m'aider à me relever, je vous en serai reconnaissante..."

L'appel de la rivière se faisait pressant et Alydaëlle était prête à se traîner jusqu'à l'eau si Sylfar refusait de l'aider. D'ailleurs, peut-être aurait-elle dû s'abtenir et se débrouiller seule. Il avait déjà beaucoup fait pour elle...

Alydaëlle perçut le changement qui s'opérait chez le Drow, comme si le désir qu'elle avait lu dans ses yeux avait été une éphémère folie qui aurait échappé à son contrôle. A moins qu'il ne sache admirablement cacher certains sentiments au profit d'autres... La tueuse se posa la question mais finit par détourner ses pensées vers ce qui l'intéressait : le bain. Elle entendit le sorcier prétendre qu'elle ne ferait pas trois pas et cela la vexa, même si elle n'était pas en mesure de lui prouver le contraire. Elle aurait voulu répliquer mais déjà, Sylfar l'avait de nouveau soulevée, l'emportant avec lui, sans doute en direction de la rivière.

D'un bras léger passé autour du Drow, la jeune femme se laissa faire, avec une légère réticence mais incapable de lui dire franchement non. Le sorcier marcha un long moment, la demi-drow dans ses bras. Il ne semblait pas fatiguer même si ses muscles fournissaient un effort plutôt intense. Alydaëlle sentait ses joues virer au rouge au contact de son corps, mais elle serra les dents sans rien dire. Il y avait des choses qu'elle contrôlait mal, hélas... Enfin, il la déposa au bord de la rivière.

-Voilà, j'ose espérer que saurez vous débrouiller pour le reste...

Alydaëlle lui jeta un regard méfiant lorsqu'il repartit avant même d'attendre sa réponse éventuelle. Il disparut de son champ de vision pendant que la jeune femme, péniblement, se mettait debout. Elle était sur le point de se déshabiller lorsqu'elle vit soudain Sylfar revenir vers elle... pratiquement nu ! Bouche bée, la jeune femme posa les yeux sur lui tandis qu'il se jetait élégamment dans l'eau. Une flambée de désir monta en elle à la vue de son corps et elle détourna rapidement les yeux, furieuse. Non mais vraiment... A quoi jouait-il ? Alydaëlle se sentait brûler de l'intérieur et espéra que le rouge de son visage s'était dissipé. Impossible de renoncer à son doux projet de baignade parce ce sorcier y était allé le premier.

Et puis après tout... Haussant les épaules, Alydaëlle esquissa un sourire particulièrement sournois tandis qu'elle entreprenait de son déshabiller. Elle éveilla la douleur à son épaule mais n'en avait cure. Puisque le Drow le prenait sur ce ton, alors soit. Ils joueraient au même jeu. Avec des gestes sensuels, Alydaëlle se dévêtit, révélant ses longues jambes fuselées, son ventre plat, sa peau de satin maculée de sang en cet instant. Seulement en sous-vêtements, la jeune femme avança d'une démarche gracieuse malgré un léger boîtement, provocante jusqu'au bout. Ses longs cheveux blancs, balayés par le vent, effleuraient doucement sa peau, glissant sur ses épaules fines et nues. Elle entra dans l'eau, frissonnant de plaisir anticipé, jusqu'à ce que le niveau monte au-dessus de sa poitrine généreuse puis sous son menton.

Elle porta son regard bleu vers Sylfar, sans un mot, comme un appel muet, et par gestes lents, entreprit de frotter sa peau pour nettoyer le sang. Ce n'était pas tâche aisée à cause de la douleur encore vivace et du sang bien séché, mais avec un peu de patience, elle y arriverait. Emergeant de l'eau au niveau de la taille, ses hanches étroites cognées régulièrement par le courant, elle continua à se laver.

Si Sylfar avait plongé si précipitamment, c'était pour se donner un coup de fouet, pour oublier le trouble auquel il était sujet, abandonner ses ennuis à l'eau glacée. Ou était-ce pour attirer l'oeil de l'Assassine? Il ne savait pas, et préférait ne pas connaître la réponse...

Toujours est-il que notre Sorcier entreprit de remonter le courant à toute allure, rien de mieux que l'effort physique pour dissiper une tension. Il nagea ainsi une dizaine de mètres avant de se rapeller que sa jambe était blessée...

Un faux mouvement raviva bientôt la douleur de sa cuisse.

*Ouargh!*

Le Drow se laissa dériver jusqu'au niveau de la demi-Drow, regagna la rive opposée en quelques coups de crawl et s'agrippa à une touffe d'ajonc. Là, son regard fut comme irrésistiblement attiré par le spectacle qu'offrait Alydaëlle en train de se laver. L'Elfe Noir grogna de plaisir devant ce tableau et ses dents se découvrirent tandis qu'il esquissait un sourire carnassier...

Le Sorcier admirait sans vergogne l'Assassine qui grattait le sang seché de son corps incroyablement bien proportionné? Ses yeux parcouraient les courbes de la jeune femme avec l'habileté de l'expert qui l'était.

Nonchalant comme presque toujours, Sylfar nagea jusqu'à un rocher et s'y hissa pour ne laisser que le bas de son torse immergé. Appuyé sur les coudes, sa voix s'éleva dans l'air tandis que sur ses traits se dessinaient une expression pensive;

-Et votre nom, puis-je humblement vous demander votre nom?

Nullement gêné par le fait qu'il demandait des présentations après tous ces évènements, le regard vert bouteille de l'Elfe Noir se braqua vers Alydaëlle dans un demi-sourire on ne peut plus drowesque...

Alydaëlle suspendit ses gestes et se retourna pour apercevoir le Drow. Après avoir vigoureusement nagé dans l'eau fraîche, il s'était laissé dériver pour revenir vers elle, prenant appui sur un rocher à la surface pour se poser. Il avait l'air aussi détendu que s'il ne s'était absolument rien passé, et pourtant, la jeune femme savait qu'il devait encore souffrir de sa blessure. Façade ou supportait-il réellement sans peine cette souffrance ? La jeune femme força le courant pour avancer à la rencontre de Sylfar. L'eau glissait sur son corps mince, lui procurant une curieuse sensation, loin d'être déplaisante. Elle s'arrêta à quelques pas du sorcier, juste quand il lui posa une question, à savoir son nom.

"Eh bien..."

Elle se demanda à quoi cela lui servirait de connaître son nom, mais néanmoins, il lui avait donné le sien, nul raison de ne pas lui rendre la pareille.

"Je m'appelle Alydaëlle... Certains me connaissent sous le sobriquet de l'Insoumise, mais Alydaëlle reste mon nom usuel..."

Elle esquissa un sourire en baladant sans aucune gêne, ni décence, son regard sur le corps finement musclé qu'elle apercevait devant elle. Après tout, elle était certaine que le Drow ne se gênait pas pour en faire autant. La jeune femme aimait les hommes et elle ne voyait pas pourquoi elle devrait se priver de profiter de ce spectacle, au risque de voir se rallumer le feu qu'elle avait réussi à éteindre dans son corps un instant plus tôt.

Mais la demi-drow ne franchissait pas certaines limites, car elle n'était pas allée jusqu'à demander au sorcier de l'aider. Le sang qui avait coulé dans son dos et qu'elle ne pouvait pas atteindre elle-même resterait donc sur sa peau quelques temps. Se remettant au travail, elle frotta sa chair rougie, évitant la blessure sur sa cuisse et à son épaule, de peur de rouvrir les plaies ou d'éveiller la douleur apaisée par l'eau froide.

Toujours vautré qu'il était sur son rocher, Sylfar vit approcher l'Assassine avec une mélange d'appréhension et de contentement. Alydaëlle... c'était donc son nom... D'un geste débordant de finesse et de grâce, le Drow chassa une mouche invisible et répéta le nom d'un air pensif.

-Alydaëlle dite l'Insoumise...

Sans coup férir, il se laissa glisser complètement dans l'eau et marcha vers Alydaëlle dont le corps quasi nu attirait son attention comme une flamme un papillon. Le Sorcier se mit à tourner lentement au tour de la de mi-Drow, pas après pas, gardant sa tête tournée vers la jeune femme avec un regard devenu inquisiteur. A chaque pas, leurs corps se frôlaient imperceptiblement, hérissant la peau halée du O-Karan par ces caresses étranges...

-Alydaëlle...

Ce petit jeu dura le temps qu'il fallut à l'Elfe Noir pour faire deux tours complets de l'Assassine, suite à quoi il retourna sur son caillou et reprit sa position initiale. La moue pensive que Sylfar avait affichée jusqu'à présent se mua en mimique étrange, à mi-chemin entre la joie et l'agacement. Le Drow passa alors du coq à l'âne.

-Vous avez abbattu quelques'un de ces bâtards, ce qui vous donne droit sur l'un ou l'autre ...huit en tout, à vrai dire, mais celà, il ne l'aurait jamais avoué... Vous avez des projets concernant les jeux auxuqels vous comptez vous livrer?

Le Sorcier parlait des tortures qui seraient infligées aux malheureux humains, pour sa part, il avait déjà nombre d'idées en tête...

La jeune femme se raidit légèrement lorsqu'elle vit le Drow glisser dans l'eau et venir vers elle. Puis il commença à tourner autour d'elle, la regardant, ou plutôt la dévorant des yeux, ce qui lui arracha un petit sourire. Il répéta son nom puis aussi soudainement qu'il était venu tout près d'elle, la frôlant de son corps, il repartit vers son rocher. Alydaëlle était décontenancée par son comportement, et cela l'irritait.

Vous avez des projets concernant les jeux auxuqels vous comptez vous livrer?

La demi-drow eut un petit rire moqueur. Des projets concernant les jeux auxquels elle comptait se livrer ? D'un pas déterminé, la jeune femme se rapprocha du rocher.

"Je suis navrée de vous décevoir mais je suis une tueuse. Même si je peux donner une mort rapide ou une agonie sans nom, les tortures ne sont pas dans mes gênes. Toutefois, vous pouvez vous livrer pleinement à cette activité qui a l'air de vous tenir à coeur sans que j'en prenne ombrage."

Arrivée près du rocher, Alydaëlle le contourna et vint se placer si près du Drow que leurs corps se touchaient presque. Elle le fixa d'un regard impénétrable, puis passa sa langue sur sa lèvre inférieure en réfléchissant, l'air sérieux.

"Je préfère vous regarder pendant que je me remets de mes blessures, d'autant plus que vous offrez un spectacle plus que charmant..."

Elle se rapprocha encore, se hissant légèrement à l'aide de ses bras pour que sa bouche glisse à hauteur de son oreille.

"Mais vous le saviez déjà, n'est-ce pas ?" sussura-t-elle d'un air sournois.

Son souffle tiède effleurait la peau humide du Drow, et son corps dégageait une chaleur étonnante.

Alydaëlle réprima à grand peine un frisson de délectation au contact des dents du Drow contre sa chair. Les paroles du Drow étaient restées imprimées dans sa tête, lui donnant un sourire qui oscillait entre ironie et satisfaction. Le vent balaya un instant ses longs cheveux blancs et la jeune femme regarda le sorcier lorsqu'il se retira, après lui avoir délivré cette exquise caresse, plutôt atypique. Il arborait un air arrogant, mais tellement provoquant... La demi-drow se laissa glisser dans l'eau, sans quitter des yeux Sylfar, le contournant lentement jusqu'à ce qu'elle soit derrière lui. Là, elle se redressa, révélant son corps sous les derniers rayons du soleil, encore ruisselant d'eau.

Son air sévère l'embellissait et son regard était devenu si profond et froid qu'elle aurait pu mettre en fuite un humain peu porté sur les armes. Sans dire un mot, elle posa ses mais sur les épaules du Drow et les fit glisser le long de ses bras, tout en approchant une nouvelle fois sa bouche de son oreille.

"Vous ne devriez pas jouer avec mes sens ainsi, ou vous plongerez avec moi...." murmura-t-elle chaudement.

Ses mains parcoururent lentement le dos nu du sorcier, contact léger, doux et chaud, jusqu'à ce qu'elle mette fin au délicieux supplice, s'humectant les lèvres d'un air pensif...