Au clair de la lune [PV]

Cela faisait quelques jours qu’Aetius et sa suite s’étaient installés dans les quartiers hautvalois. Situé non loin du château royal, l’hôtel d’Eskevar était bondé de ces hommes des Vignes léonines. La plupart portaient le plaid, ce curieux costume à carreau qui était spécifique aux Hautvalois et notamment aux guerriers d’Helderion. Son vieil ami le baron d’Hautval lui avait permis de séjourner dans sa demeure le temps qu’il règle ses affaires à Diantra. Or ces quelques jours à la capitale n’avaient pas laissé Aetius de marbre. En plus de fréquenter quelques uns des nobles hautvalois qui séjournaient eux aussi la cité royale, il avait pris la fâcheuse tendance de profiter de son renom, qui n’était pas encore éteint, de champion royal.

Pour vous donner un exemple plus concret de la vie dissolue que menait le jeune seigneur, nos pourrions parler de cette nuit qui l’avait conduit chez une femme de la cour fort aimable. A vrai dire, la soirée avait été des plus confortables dans son ensemble, bien qu’un élément perturbateur cassât l’ambiance. C’était le mari qui s’en revenait. Lorsqu’une servante entra en trombe dans le manoir de son amante pour annoncer l’arrivée du brave homme, Aetius sut immédiatement quoi faire. Déjà perçu à la cour comme un séducteur qui avait tendance à tendre les relations entre les différents nobles du royaume, il n’allait pas s’embarrasser d’abattre un mari jaloux et ce à quelques jours d’une entrevue importante avec le roi.

Aussi s’était-il rué hors de la maisonnée par la première fenêtre qui lui était tombé sous la main. Dans son empressement, il s’était contenté de s’emparer le minimum vital, c’est-à-dire son baudrier, son épée et son pendentif, qu’il enfila en trombe tandis qu’il jouait l’équilibriste sur le rebord d’une fenêtre. Une fois harnaché, il rasa le mur avec prudence, s’interdisant de contempler les quelques mètres de vide que lui promettait le moindre faux pas sur la mince niche sur laquelle il s’aventurait. Une fois arrivé au coin du mur, il sauta sur le toit d’une bâtisse modeste dont le toit, comme partout dans la capitale, dévorait la lumière d’une venelle, laquelle ne devait plus apercevoir une raie de soleil.

Poursuivant alors sa fuite sur les toits des bourgeois, il appréciait l’unicité de l’instant donné. Son corps nu recevant l’air frais d’une nuit déjà avancée, la course menée sur les tuiles traîtreuses des quiètes maisons de Diantra, les rayons lunaires qui venaient se réverbérer sur la peau ruisselante de sueur de notre jeune chevalier. Et puis, l’absence d’yeux, la sensation inégalable d’être le maître de cette ville abandonnée, de régner sur les rues désertes comme sur les places qui… Hé attendez ! N’était-ce pas une femme qui le fixait, là, en bas, sur cette place ? Aetius s’immobilisa, embrassant d’un regard la place vide, ou presque. Reprenant son souffle après sa cavalcade, et sans aucune pudeur pour cette inconnue qui pouvait l’observer dans son plus simple appareil, il se demanda ce qu’elle pouvait faire ici.

Lorsqu’il rentra dans sa demeure, il le fit, pour une fois, par le toit. Et nu. Il était tard, le soleil était tombé depuis des heures. Cependant, quelques chevaliers hautvalois veillaient encore à l’étage. Ils jouaient au Kjall à quelques-uns tout en sirotant un vin de leur pays et quelques histoires de généalogie. La discussion était murmurée, aussi l’arrivée fracassante d’Aetius ne fut pas discrète. Ouvrant sans douceur une trappe qui reliait l’étage au grenier, il tomba à quelques pas de ses compagnons qui, passés un temps de flottement, se mirent à rire. Ce bon Aetius ! Dans quoi était-il encore se fourrer ? On lui fit fête et lui posa des questions tout en jouant. Ce dernier, qui n’était guère pudique et assez fier de son arrivée comme de sa tenue, lâcha une poignée de mots avant de conclure sur « J’ai fait une rencontre bien étrange, en revenant. » Les chevaliers rirent et partirent dans des hypothèses d’ivrognes tandis qu’Aetius allait se coucher.


Le lendemain, tard dans la matinée, Aetius se rendit au château royal. Il avait accompagné, de nouveau, quelques seigneurs, et patientait à la cour du roi en jouant (un peu trop ?) au Kjall avec différents flambeurs de la noblesse. Il lui arrivait souvent de se déconcentrer pour observer la faune de la dite cour. Les joueurs, les courtisans, les chevaliers, les dames. La cour de Diantra devait être la plus importante de la Péninsule et il fallait bien avouer que c’était un joyeux bordel. Mais alors qu’il embrassait d’un regard la toile humaine qui l’encerclait, il crut reconnaître une jeune femme qui se détachait du reste. Il avait mal vu son visage, dans la nuit, mais il était quasiment sûr de l’avoir rencontré, hier, tard la nuit… Prenant soudain conscience de comment ils s’étaient rencontrés, Aetius baissa soudainement la tête, qui rougissait, et se cachait derrière ses cartes.

« Qui est cette femme, là bas, mon bon Gyrard ? »

Le seigneur avec qui il jouait n’eut même pas besoin de lever les yeux. De toute manière, fixer la jeune dame n’aurait pas été des plus convenables, et elle aurait vite compris qu’elle était le sujet de conversation des deux gentilshommes.

« C’est la vicomtesse d’Adamantine, l’ancienne femme du baron de Hetalia. Elle vient à la cour de Diantra pour oublier sa répudiation, m’est avis. »

Et le seigneur de trier ses cartes et de lancer les dés, tandis qu’Aetius recommença à fixer la damoiselle, comme la nuit dernière pendant leur étrange rencontre. Elle finit par venir à leur table. Plus courageuse qu’on aurait pu le penser au premier abord, elle s’adressa à lui directement et se référa subtilement à la mésaventure de la veille. Cependant, elle parlait timidement et sa peau rosit peu à peu, ce qui redonna au régent une certaine assurance. Il se leva, suivi par les autres joueurs et prit son poignet délicatement pour y apposer un baisemain.

« Je suis heureux de vous rencontrer de nouveau, vicomtesse. Je suis Aetius d’Ivrey, le régent de Scylla. Je vous en prie, prenez place, dame. »

Et alors ils s’assirent tous et jouèrent. Les flambeurs venant principalement de Hautval, ils jouaient selon les règles de leur pays, et il était clair que la dame avait un peu de mal. Bien sûr, tous se plièrent en quatre pour perdre un peu, notamment Aetius, tout en discutant des différentes affaires de la Péninsule. Le jeu se poursuivait sans heurt, ce qui laissait autant de temps pour jeter quelques regards à la beauté d’Adamantine. Heureux et flatté de ne pas laisser de marbre une jeune femme de la haute société, il souriait de temps à autre de façon tout à fait charmante et, à mesure que leurs regards se croisaient, il s’enhardissait en laissant descendre ses yeux azurés sur le galbe parfait de la joueuse, qui semblait ne pas être indifférente à cette légère goujaterie.

Quelques passes de dés passèrent lorsqu’Aetius, qui fixait alors Lucrèce, se leva. Il déclara alors qu’il devait régler une chose avec quelqu’un tout en restant des plus évasifs. Cependant, il semblait avoir autre chose en tête. Prenant congé de ses compagnons, il commença à rejoindre un petit huis pour disparaître dans les couloirs du château.

Aetius s’était traîné jusqu’à la sortie, dans l’espoir de voir accourir la jeune vicomtesse. Les échanges de regards avaient été plus que suggestifs, et s’il ne devait pas la revoir dès maintenant, il se pourrait bien qu’un billet doux lui soit remis au plus tôt. Finalement, elle revint à sa rencontre.

« Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour cette nuit. Je vous pensai le fruit de mon imagination, aussi j'espère ne pas vous avoir offensé, cela me chagrinerait d'autant plus que... »

La référence à la dernière nuit fit sourire le régent, qui lui offrit son bras. Celle-ci posa délicatement ses mains sur l’avant bras du jeune homme. Les pulpes de ses doigts vinrent glisser sur le revers de la main du seigneur, ce qui fit un peu rougir la dame d’Adamantine et sourire de plus belle Aetius. Ses yeux le fixèrent, ses cils papillonnèrent. Certes des affaires attendaient l’Ivrey, mais il pouvait bien venir avec un peu de retard, non ? Déambuler avec la jeune femme aurait été un bon exercice, et, de plus, on sait à quel point les épouses répudiées étaient fragiles après les ruptures ? Il était donc du devoir du beau brun de surveiller cette dernière afin qu’elle ne commette pas de folie.

Ils commencèrent à arpenter les couloirs du château, bras dessus, bras dessous. C’aurait été un beau couple, sans doute. Tous deux assortis, portant de riches vêts bleus. Une blonde avec un brun, une jeunesse complice, un port altier. Non, vraiment, le couple avait quelque chose, notamment lorsque l’on comparait les yeux des deux êtres. Clairs tous les quatre, les deux paires brillaient de lueurs étranges et différentes. Chacun avait dû surmonter quelque terrible épreuve et se retrouver un peu dans leur regard respectif. L’alchimie, en fin de compte, était là. Ils marchèrent quelques temps avant qu’Aetius finisse par répondre à la victomtesse.

« Vous ne m’avez aucunement offensé, belle dame. Il faut bien avouer que vous ne m’avez pas découvert sous ma lumière la plus pieuse. A vrai dire, cela semble normal lorsqu’on vagabonde dans le plus simple appareil. » Il s’était mis à murmurer ces mots à l’oreille de Lucrèce. « Je devrais moi aussi m’excuser pour un tel spectacle, même si vous ne semblez pas être offensée par tout cela. »

Les deux êtres prirent alors une porte plus petite que les autres qui débouchait sur un couloir plus étroit et désert. Tous deux se fixaient alors, Aetius en souriant, Lucrèce en rougissant.

L’attitude de la dame changea du tout au tout lorsqu’ils bifurquèrent dans le petit couloir où les emmenaient Aetius. Prévoyait-il ce revirement ? Suivait-il un itinéraire précis ou s’était-il simplement perdu ? On ne le saura jamais. Au lieu de cela, on pouvait se poser des questions sur l’entrain de Lucrèce, qui entremêlait les mains des deux jeunes gens avant de s’avancer d’un pas sûr, quasi aventureux. Elle s’immobilisa le temps d’un souffle, puis grimpa jusqu’à lui pour lui tendre un baiser. Le sourire d’Aetius, en bon loup qu’il était, s’élargit bêtement.

« Dame, je… » fit-il pour les convenances alors que son bras s’enroulait déjà autour de la taille de guêpe de la vicomtesse, qui le fit taire en l’embrassant de nouveau. Les vêtements susurraient au contact de la robe vicomtale et du pourpoint scylléen, et les mouvements des deux amants dégageaient des bruits froissés, sourds dans ce recoin du château royal. Un amour feutré naissait de ces deux êtres étrangers à la ville, à la cour et aux coutumes du pays, ils se laissaient aller, savourant l’interdit d’une union secrète. Leurs voix étaient basses, comme si on complotait, et ils faisaient attention à leurs baisers, craignant peut-être d’être surpris par quelque agent imaginaire. Les mouvements étaient d’abord lents, compassés, presque craintif. C’était deux jeunes âmes qui s’offraient une étreinte nouvelle et épurée de tous les faux semblants.

La chaleur des deux corps s’épousaient dans les lentes frictions des acteurs, et si Lucrèce pouvait être exaltée par les promesses que sa vue lui avait offert la veille tard dans la nuit, Aetius n’avait aucun mal à imaginer le corps gracieux et parfait de sa partenaire qu’il caressait d’une main sûre pour finaliser les croquis mentaux que son esprit dessinait de plus en plus fébrilement.

Le souffle court de Lucrèce se mêlait à l’haleine lente de son amant, qui sentait l’air parcourir son épaule. La jeune femme semblait être excitée par tout cela. Ce recoin, cet anonymat, ce secret. Un moment, elle crut se retenir mais finit par se donner avec encore plus d’abandon. Elle but alors les lèvres de l’Ivrey comme si elles étaient le calice, s’agrippant à lui avec une puissante douceur. Les deux corps s’épousaient calmement et les deux amants échangèrent une longue conversation de baisers, repliés dans le coin, au milieu des sombres tentures, à moitié assis sur un vieux meuble solide qui avait été posé ici, dans cette demi-alcôve noyé dans les rideaux cramoisi. Finalement, la main de la douce vint tâte son poitrail puissant avant de descendre avec une lenteur presque cruelle jusqu’à son abdomen, dont la vicomtesse semblait découvrir la dureté comme une agréable surprise. Elle le regarda alors, interloquée, et Aetius lui offrit son sourire le plus complice. Leurs lèvres se rejoignirent encore et la main de l’aventureuse petite noble continuait son chemin un peu plus bas.

Et à mesure que ses doigts caressaient la soie de son habit, qu’elle effleurait sans toucher sa peau blanche, Aetius sentit sa virilité se réveiller. Sa brayette, qui mettait déjà en avant ses attributs masculins, commençait à se boursoufler lorsque la main mutine rencontra la lance du seigneur. La damoiselle, avec une candeur charmante, releva les yeux et fit part de son trouble à Aetius, qui, pour toute explication, l’embrassa fougueusement et en profita pour suivre l’exemple de sa partenaire en venant tâter des fesses galbées de la belle blonde.

Capturé par la jeune vicomtesse, Aetius savourait cette douce maltraitance. A moitié allongé sur le robuste meuble de bois, complètement déshabillé par cette belle étrangère, il profitait de l’instant, pour bizarre qu’il était. Lucrèce, cette inconnue qu’il avait rencontrée la veille dans les circonstances les plus étranges, ne ménageait pas sa peine. Ses mains furetaient sur le corps du chevalier, ses lèvres s’acoquinaient à chaque nouveau baiser, et son parfum étouffait le prisonnier. Bientôt, la tigresse se mit en besogne de désarmer complètement Aetius. Un à un, les boutons de son pourpoint complice tombaient entre les doigts agiles et pressés de la belle blonde, qui semblait être poussée par une envie impérieuse de retrouver son amant comme il était au premier soir. La veste laissait place à la peau du jeune homme, qui ne s’émouvait nullement du traitement que sa maîtresse lui faisait subir.

Celle-ci au contraire se montrait des plus actives. Elle semblait être affamée de baisers, de lèvres, d’Aetius. S’appuyant d’une main sur le torse nu du malheureux, elle le dominait, posant son corps contre le sien, chérissant chaque pouce d’Aetius avec sa bouche aimante. Par les Cinq ! S’il avait pensé que cette gentille poupée pouvait se montrer aussi acharnée. Voilà que son autre main venait à la rencontre des ficelles de la brayette d’Aetius. Elle défit le nœud sans difficilté avant de retirer la roide virilité du seigneur de sa cache de tissu. Aetius réfréna un frisson sous l’autorité des mains froides de Lucrèce, puis en réfréna de nombreux autres lorsqu’elle commença à s’amuser avec la sensible petite chose en l’effleurant d’une main légère.

Aetius ne fit rien de plus, il se contenta de subir l’outrage qu’elle lui infligeait en essayant, tant bien que mal, de réprimer les soupirs d’aise que déclencher en lui cette étreinte, ces caresses. Toujours plus entreprenante, son amante, qui semblait ne pas se lasser de titiller la bête de son partenaire, finit par saisir la barre avec plus de vigueur, puis par la caresser avec une certaine volonté, ce qui provoqua chez le chevalier piégé un nouveau soupir discret. Comme reconnaissant, celui-ci, qui avait fermé les yeux pour déguster les attentions prodiguées par la jeune vicomtesse de façon optimale, finir par porter sa large main tannée par le cuir de l’épée jusqu’au visage de Lucrèce, qui était perdu entre ses muscles dessinés par l’entraînement. Sa paume vient alors caresser lentement la joue de la besogneuse, flattant parfois son cou et parfois sa chevelure. A l’heure actuelle, il avait l’air incapable de faire quoi que ce soit d’autres pour elle. Allongé sur la petite table, caché derrière les tentures, il profitait d’être un objet de désir, la proie de la belle inconnue.

Les paroles de la dame surprirent Aetius. Refuser ses avances ? Et puis quoi encore ! Rien ne montrait que les deux amants voulaient se séparer, bien au contraire. La jeune femme, pour détromper le seigneur de la plus belle des façons, continua son voyage sur l’abdomen d’Aetius. Les embrassades s’étaient transformées en bénédictions buccales, et la vicomtesse, s’agenouillant progressivement, frôlait de ses lèvres la virilité tendue de l’amant, qui soupirait et espérait follement qu’elle vienne flatter la bête avec ses mains comme sa bouche. Mais alors, aux portes du donjon, elle s’arrêta lentement et jeta un coup d’œil à Aetius et petit Aetius, comme troublé. Celui-ci ne fit rien qui puisse l’influencer et, à son grand dam, elle revint pour qu’ils joignent leurs lèvres.

La jeune femme finit par faire oublier cette petite déception en rivalisant d’érotisme. Bientôt, sa jambe vint l’envelopper avec une grâce charmante. Les deux corps étaient collés l’un à l’autre, la virilité d’Aetius compressée dans cette étreinte qui se relâcha peu à peu. Toujours plus mutine, la main de Lucrèce saisit de nouveau Aetius et le mena dans le bazar de ses robes. Celui-ci, sensible, réprima un soupçon suivi de près par celui de la vicomtesse. Le fer de lance d’Aetius vient frôler l’intimité de la dame, lui promettant mille délices, et, sous l’impulsion de cette dernière, finit par la pénétrer lentement. La manœuvre provoqua un soupir qui tenait du gémissement chez les deux amants. Par les Cinq, elle était étroite, la bonne fille !

Instinctivement, les jambes d’Aetius se fléchir et ses mains s’agrippèrent au fessier de sa partenaire. Craignant toujours qu’on ne les surprenne, le prince du sang se faisait doux, se faisait lent, et à chaque fois qu’il s’avançait un peu plus dans Lucrèce, il l’embrassait pour étouffer ses cris sourds. Un rythme lambin s’initia, la jambe de sa maîtresse serrait un peu plus sa taille tandis que ses mains tenaient avec force la vicomtesse qui, sous l’effet de l’union devenue plus charnelle, se cambrait.

La jeune vicomtesse avait l’air de souffrir le martyre dans la petite alcôve. Agrippée désespérément à Aetius, elle semblait ne jamais vouloir le lâcher. Sa jambe compressait la taille d’Aetius, sa poitrine son torse, ses lèvres sa bouche. Là où elle savourait la lente pénétration, le chevalier appréciait les gémissements qu’elle contenait tant bien que mal et qui pourtant s’échappait de sa gorge coupable. A chaque fois, la timidité et la crainte d’être découverte venaient se mêler au plaisir qu’exprimait ces soupirs. Elles se mélanger à lui comme pour lui résister, et finalement, les cris qu’elle ne pouvait réfréner prenait un goût d’interdit brisé qui contentait grandement Aetius.

Et alors qu’un rythme plus confortable s’enclenchait lentement, les bruits du pas rapide d’un tiers qui s’approchait. Aetius aurait bien voulu s’arrêter là et essayer de se rendre un minimum de décence au cas où l’inconnu ne les aperçoive, mais Lucrèce le tenait entre ses serres avec une telle volonté qu’il ne voulut point interrompre l’étreinte, qui, il fallait l’avouer, valait largement le danger qu’elle faisait courir aux deux amants. Soudain, la vicomtesse se détacha d’Aetius et le fit plonger sous sa robe. Triste subterfuge, la cachette était pour le moins rudimentaire. Et, foutou pour foutu, le chevalier comptait bien stimuler sa maîtresse comme avant. Certes, une servante se mêlait de l’affaire, mais après tout, il y avait du bon à chaque situation ! Effleurant les cuisses de la beauté de son nez et ses lèvres, il soufflait d’une haleine courte sur les recoins secrets de la vicomtesse, qu’il finit par cajoler avec la bouche. Ses mains n’en restèrent pas là et sous le tissu, la servante put entrapercevoir des mouvements opérant des sortes de va-et-vient sur les jambes et le fessier de la damoiselle. Et lorsqu’elle partit, Aetius ne fut interrompu que par la petite blonde, qui le libéra de sa prison de tissu avant de tomber à côté de lui. Ou plutôt sur lui.

Poussant son amant vers l’arrière, Lucrèce vint s’empaler une nouvelle fois sur Aetius. Celui-ci, captif de nouveau, se laissa faire, incapable de rien tenter. Il dut observer la vue plongeante que la dame offrait et subir en silence les ondulations de la nymphe qui maîtrisait complètement le rythme.

Une lente cavalcade s’en était suivie. La bizarrerie du contexte et l’entrain que mettait la cavalière à se jeter au trot sur sa docile monture avaient eu raison des oppositions morales qu’Aetius ressentait. C’était à l’homme de chevaucher, cela était vrai depuis la naissance du monde. En bon prince (du sang) cependant, la brave bête fit taire sa conscience qui finit, de toute manière, par se dissoudre dans l’étreinte. Etreinte étroite et mirifique dont la lenteur assassinait le captif à chaque mouvement de reins de la vicomtesse. Caché sous ses jupons bleus, le péché de chair qui se produisait dans ce couloir du château royal avait anéanti la raison des deux amants. L’une oubliait son passé et sa répudiation, l’autre les convenances et la tradition.

Mais toutes choses, et surtout les bonnes, avaient une fin. Lucrèce, retournée par cet accouplement pour le moins improvisé, acheva sa danse dans un frisson de délice. La belle blonde tomba sur les lèvres du seigneur avant de s’assoupir un moment sur son corps perlé de sueur. Le souffle court, elle restait là, immobile, oublieuse du monde qui semblait se résumer au poitrail de son étalon. Et délaissant complètement la monture à une agréable et cruelle souffrance. Car ce dernier n’avait pas eu son soûl de plaisir, et la damoiselle pouvait le sentir à cette chose dure qui menait la résistance en elle. Cela n’arrivait pas souvent à Aetius, qui aurait pu se rappeler que la pauvrette avait été sans cesse assaillie par les mains, la verge et la langue de sa proie. Mais au lieu d’être compréhensif, le prince du sang était assoiffé. Sa lance toujours roide et emprisonné par une Lucrèce qui n’avait pas l’air de vouloir s’en détacher, il posa sa tête contre le mur froid.

Ses mains vinrent alors profiter de l’accalmie pour jouer avec la coiffure de la belle, hésitant à détruire ces cheveux dressés et modelés en une sculpture dorée du plus bel effet. Elles finirent par se replier sur ses jambes. Caresser les bas blancs de soie, louvoyer autour des rubans qui maintenaient ces derniers, finir par les dénouer d’un mouvement doux et faussement innocent pour pouvoir jouir de la douceur des nobles cuisses occupa un peu le beau seigneur, qui n’arrivait pourtant pas à s’étancher complètement. Versant dans des caresses plus cavalières, il escalada les cuisses pour rejoindre fesses et bas-ventre, s’amusa à titiller une jeune femme encore fort sensible à ces attentions. Et, alors que son corps exprimait cette sensibilité exacerbée, Aetius glissa un petit :

« Vous ne croyez tout de même pas vous en tirer à si bon compte… »

Aetius était pris au piège, de façon charmante, certes, mais pris au piège quand même. Prisonnier entre les cuisses d’une jeune femme contentée, il était, on peut le dire, en position de faiblesse. Et pour ne rien arranger, Lucrèce lui avait lancé un ultimatum. Le chevalier en fut d’ailleurs troublé. Se servait-elle de ses charmes et de cette situation diablement inconvenante pour le forcer au mariage ? Ne lui laissant pas le temps de rassembler ses pensées, la perverse vicomtesse remua un peu, ce qui rendait fou de plaisir un Aetius opprimé par son vît.

« Damoiselle, je ne puis… »

Un râle interrompit sa réponse. Sa verge, rendue sensible par l’étreinte, réagissait au quart de tour. Elle voulait être libérée, accéder au plaisir.

« Il me faut tout prendre en compte et… »

Même manège. Par les Cinq, avait-elle bien dit « toutes vos requêtes ». Ainsi que toute la journée, toutes les nuits ? La beauté en voulait au pauvre chevalier pour le traiter ainsi, pour le torturer comme ça !

« Bien madame, oui, soit. » finit-il par susurrer, incapable de résister. Il aurait tout fait pour qu’elle l’achève. La jeune femme lui sourit de toutes ses dents et l’embrassa avec une joie qu’il ne lui avait pas connu. Cessant d’être cruelle, elle reprit son doux va-et-vient, encouragée par un Aetius vaincu.

Aetius en voulut un peu à sa lâcheté d’homme. Et comme si elle entendait ses pensées, la vicomtesse, qui lui faisait fête, décida de reprendre les va-et-vient de ses hanches. Aetius oublia vite ce qu’il avait dit et ses mains vinrent palper le fessier de la beauté, qui semblait vouloir rétribuer sa monture avec justice. Ainsi fit-elle périr l’Ivrey sous ses assauts répétés, accélérant même la cadence à un point qu’ils n’avaient pas atteint précédemment. Macérant dans sa culpabilité, le prince du sang soupirait béatement, s’oubliant tandis qu’une jeune femme s’empalait sur lui en guise de récompense. Oublié, le secret, oubliés les servants, les couloirs, les agents. Il savourait dans toute sa mesure le privilège de sa situation, jusqu’à ce que…

Voilà que la vicomtesse arrêta leur petit manège. L’épée d’Aetius se languissait déjà du fourreau étroit de Lucrèce, ignorant qu’elle lui en réservait un autre tout aussi accueillant à sa façon. Aetius, un homme aux abois, essaya d’articuler une réclamation, mais rien ne vint. Il se laissa dévorer par les lèvres de Lucrèce, résigné à son sort. De la colère naissait même et Aetius pensait qu’elle voulait l’abandonner ainsi en punition de sa précédente hésitation. A son grand heur, la langue de sa maîtresse le détrompa bientôt. Léchant lentement, prudemment, la roide lance, la belle blonde offrit à son amant un spectacle qui le récompensait largement. En effet, s’adonnant à une pratique mal vue, voilà qu’elle s’en prenait directement à sa virilité, qui ployait devant tant de caresses. Rejointe par ses mains, la bouche de la damoiselle couvrait d’une affection dont était très obligé Aetius, qui finit par donner de l’entrain à sa partenaire avec ses mains. Comme un coq en pâte, il était immobile, souriant comme un idiot, il maintenait ses paluches sur l’altière coiffure de la petite besogneuse.

Finalement, son sourire s’élargit d’autant plus et Lucrèce releva soudain la tête. Au comble du bonheur, Aetius était comme abruti. Après un long râle, il soupira, respirant assez rapidement. La vicomtesse lui avoua ne s’être jamais livré à un tel rituel auparavant. Mensonge flatteur ou vérité inavouable, le comte ne le saurait jamais, mais cette remarque le fit sourire de plus belle. Il laissa passer un silence et prit la main de son amante. Elle était rouge comme une pivoine. Embrassant ses doigts, il dit sans la regarder, peut-être pour détendre l’atmosphère, peut-être, et c’est là le pire, sérieusement.

« Nombre de mes plus délicates partenaires m'ont susurré, le souffle encore haletant, que sa saveur n'avait rien à envier à l'ambroisie »