Au clair de la lune [PV]

Aetius, innocemment heureux, croyant qu’il avait empli la jeune vicomtesse d’intenses et d’aimables sentiments. A sa remarque, Lucrèce baissa un joli minois rougissant avant de relever ses yeux, brillant d’une lueur complice. Un maigre sourire s’affirma sur son visage et elle glissa quelques mots flatteurs qui élargirent les rangées de dents blanches du prince du sang, tout à fait rasséréné à présent. Voilà qu’elle venait blottir sa tête sur son torse musclé, et Aetius assuma son rôle d’homme en enroulant ses bras autour du corps frêle et encore tout habillé (presque décent !), de sa maîtresse. Maîtresse qui, d’un coup, fondit en larmes sans crier gare. Des gros bouillons s’écoulaient sur la peau du comte et, plus embarrassant, sur son pourpoint de soie sauvage. Ce dernier, partagé entre gêne et appréhension, en alla d’une poignée de mots maladroits. Sans se soucier plus que cela de sa mise (quoique un peu quand même), il lui caressa le cheveu avec une tendresse gauche tout en chuchotant des paroles qui se voulait réconfortante.

A sa grande honte, les larmes n’eurent pas l’effet voulu sur le seigneur, qui était bâti pour l’aventure et les longues campagnes. Sans bien maîtriser ces choses-là, l’effet des mains et des perles salées étaient étrangement aphrodisiaque. Aetius se demanda alors ce qui n’allait pas avec lui et si les scènes de pillages et de viols dont il avait été spectateur étaient la cause de ce déclic anormal. Il finit par venir baiser les joues et les yeux de sa belle, goûtant honteusement ses larmes avec gêne et délice, comme elle avait goûté ses larmes à lui. A son tour il rougit un peu, car il redevenait dur, et sa partenaire ne pouvait ignorer cette chose qui reprenait de l’assurance et rappelait sa présence à tous deux. Voulant faire taire son agitation renouvelée, il commença à esquisser un mouvement pour se relever. Il voulait quitter la compagnie, mais ses mains la prirent pour la redresser avec lui. Ils deux corps s’élevèrent ; les bras d’une Lucrèce éplorée s’agrippaient à un Aetius mal à l’aise, partagé par la honte et le désir qui la provoquait. Rude gaillard, il n’eut pas de mal à soulever la blonde, et ses mains, tentatrices là aussi, avaient trouvé une assise solide dans les fesses de la callipyge vicomtesse, qu’elles purent tâter à nouveau l’instant de la manœuvre.

Une fois mis debout, Aetius, qui pourtant voulait arrêter son geste, assit son amante sur le petit meuble. Celle-ci, n’aidant pas à calmer les ardeurs irrévérencieuses du prince du sang, dévorait sa gorge de baisers passionnés, désespérés. Comme s’ils allaient mourir après leur rencontre. Aetius soupira sourdement, fermant les yeux pour mieux apprécier ces lèvres humides à cause des pleurs. Et alors, lentement, infiniment lentement, il la coucha sur la commode en lui rendant ses baisers, en buvant ses larmes délicatement, comme si elles étaient un élixir à tout ce qui pouvait être mauvais. Un instant après, les deux amants s’immobilisèrent, les yeux perdus dans le vague. Lucrèce souffla un gémissement sur le visage de son amant. De nouveau, il était en elle.