D'une grande blessure peut naître autre chose que la mort. [PV Halya]

Un Pish Oura...
Normal qu'Halya n'ait pas reconnu ses empreintes. C'était plutôt le genre de prédateurs que les loups géants évitaient. Aussi grand que cruels, on racontait que ce genre de félin étaient prêt à tuer pour le simple plaisir.

La voix de Fenris n'avait pourtant montré aucune émotion. Halya jeta un regard dans sa direction. Il était d'une neutralité effrayante qu'elle ne lui connaissait pas. Les traits de son visage étaient figés, presque froids. Voir un tel détachement, un tel mépris sur le visage du soldat fit frémir la protectrice. Elle ne voulait jamais voir ce visage se tourner vers elle... Mais ce n'était surement qu'une façade. Nul doute qu'il connaissait l'elfe à terre.

Maintenant, elle était encore plus sûre de son intuition de départ: il fallait qu'ils s'en aillent et vite... Mais Fenris semblait en décider autrement. Le cri étouffé du cavalier lui fit relever la tête. Il était descendu!

-Fenris! Mais qu'est-ce que vous faites?!

Pour ne pas risquer d'attirer le prédateur s'il n'était pas loin, elle essayait de garder son appel à demi voix mais elle ne tentait pas de cacher sa tension. Elle voulut suivre son ami pour le ramener vers leur monture lorsqu'elle le vit s'agenouiller pour ramasser quelque chose et faire tout de suite demi-tour sur quelques mots.

Halya observa quelques secondes ce que son ami avait ramassé avant qu'il ne le mette dans une des sacoches: un morceau de bois terreux avec quelque chose de peint dessus. Son cœur se serra en apercevant les visages du petit tableau. Cela devait avoir de la valeur pour le disparu... Et encore plus pour ceux qui devraient le pleurer.
Elle aida Fenris à se remettre en selle et regarda une dernière fois le cadavre. Elle aurait aimé pouvoir lui offrir une sépulture décente mais tout ce qu'elle put faire ce fut de baisser ses paupières. La froideur de la peau et la tension des muscles étaient toujours les mêmes... des marques de la Mort bien plus choquantes à son sens que tous les spectacles sanglants.

Tout en murmurants quelques mots à Tari et Kÿria, elle entendit le cavalier exposer ce qu'il savait de la bête et de son comportement. Si le félin avait des petits, ils risquaient gros à rester ici car des proies lentes aussi conséquentes qu'eux constitueraient un repas de choix...

-Vous avez raison. Il va falloir jouer sur l’endurance cette fois.

Malheureusement, c'était peut-être ce dont ils manquaient le plus, sinon ils auraient pu distancer leurs poursuivants.

Il leur fallut marcher longtemps en pressant légèrement le pas. Maëghan tenait bon, mais au bout de quelques heures, Halya recommença a serrer les dents. Ils firent quelques poses très courtes, mais ne parlaient que peu. Par fatigue où pour éviter les mauvaises rencontres ? Peut-être les deux.

Ils poussèrent ainsi dans la direction supposée de l'armée jusqu'à la tombée du jour, mais ils avaient du contourner plusieurs obstacles et les repères étaient difficiles à prendre dans une forêt si dense. Cette fois, pas de grottes ou d'Erboas. Pas de rivière ou de ruisseau. Ils devaient juste espérer sortir du territoire de chasse du Pish Oura.

Cela faisait quelques jours que le jeune Fenris était partit accompagné la Protectrice d'Ardamir en vue d'entrer en contact avec les différentes tribus noss. Bien que cette idée ne plaisait pas vraiment au capitaine...en effet les noss étaient des tribus indépendantes, elle ne connaissait rien de la guerre et l'ennemi qu'elle devait affronté était bien plus coriace que de simples humains, mais tout aide quel qu’elle soit était la bienvenue, même aussi petite soit-elle. Oh les guerriers noss savaient harcelés les drows et nul doute que leur grands guerriers pouvaient se montrés acharnés dans un combat, mais il n'étaient que des branches fragiles fassent au ost drows....non les seuls véritables elfes capables de repoussé les sombres n'étaient autres que les taledhels, eux seuls avaient la capacité militaire de pouvoir affronté cette menace. C'était du moins ce que pensait notre Capitaine, n'apportant pas vraiment de crédit au noss. Aussi si cette mission se terminait par un échec il n'en serait pas plus étonné.

Il y a de cela peu de temps après le départ de son jeune frère et de la Dame Louve, lui parvinrent une nouvelle des plus désagréable. en effet un épervier vint lui apporter une bien triste nouvelle.

"Aylah Elabriryn" avait été capturé, elle s'occupait de garder le front ouest en coalition avec les troupes des protectorats voisins. Notre Capitaine ne connaissait que très peu ce jeune capitaine, mais il regrettait déjà la perte d'un officier et qui plus est des archers...Il se rappelait de sa fougue au temple de Kyria avant de partir pour le front. Elle n'était pas morte, mais ce qui l'attendait était bien pire...d'Après les éclaireurs, le groupe qui détenait Aylah se dirigeait vers le puy, du moins c'était la direction qu'ils avaient prisent. Delyndil chargea quelques éclaireurs de suivre le groupe qui detenait captive le capitaine Elabriryn , espérant qu'ils n'aient pas trop d'avance et que les dites éclaireurs auraient la chance de pouvoir suivre leur traces. l'ainé des Nöldorion prierait Tyra pour que le fil de vie du capitaine puisse tenir encore quelque temps.

Melendil: " Le capitaine Elabriryn.....capturée...c'est une très mauvaise nouvelle...."

"Oui...elle tenait le front ouest..., espérons que ses lieutenants auront su reprendre le commandement...ceux-ci ont déjà certainement chargé un groupe de partir a sa recherche..."

Melendil: " Nous sommes plus près des terres stériles que leur groupe, envoyons nous aussi des éclaireurs pisté ce groupe..."

"Oui...occupes-toi de trouvé quelques âmes vaillantes...envoie également un épervier au front Ouest, pour savoir où en est la situation..."

Mais comme une mauvaise nouvelle, n'arrive jamais seul, peu de temps après alors que le Capitaine s'occupait des derniers réfugiés d'Eraison et de quelques détails militaire, deux cavaliers arrivèrent au portes du campement. Terond était parmi ces cavaliers. On avertit alors l'ainé de la venue de ceux-ci.
Les deux cavaliers expliquèrent au Capitaine leur aventures, que le groupe fut attaqué par des sombres et ils furent séparés. Ces mots furent pour l'ainé le déclencheur d'un rage intérieur, sa haine déjà grande venait soudainement de s'éveillé à nouveau. Sa famille n'avait pas été touché par les perte et la tristesse, ce n'était pas aujourd'hui que le nom glorieux des Nöldorion tombera. Aylah Elabriryn et maintenant Fenris. L'elfe comprit que Silcrist devait à nouveau faire parlé d'elle, la pourfendeuse sortirait de son fourreau à nouveau. Laissant au soin des généraux des l'armée des protectorats voisins et de son lieutenant Calum de prendre le commandement en son absence.

Melendil: " Je t'accompagne mon ami..."

"Bien voyageons léger...et soyons rapide..."

Le groupe se forma quelques temps après la nouvelle, et aussi léger et rapide, ils se préparèrent a partir a la recherche de l'autre groupe. C'est alors que le jeune Terond interpella son Lieutenant.

Terond:" ..Lieutenant Melendil.."

Melendil: " Que veux-tu cavalier Terond?"

Terond:" je vous accompagne....je n’abandonnerai pas un frère d'arme...et un .....ami......"

Le regard du capitaine suffit au jeune Terond de comprendre qu'il était le bienvenue. Un léger sourire discret était là, la seule chose qui lui fut donner comme réponse.

Melendil:" ...."

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Après deux jours de recherche, le groupe de cavalier finirent par tombé sur ce qui restait d'un campement. Mais les traces des rescapés avaient été effacé avec le temps et les différents passages, cependant les traces d'un groupe plus fournis prenait une direction unique. Drows ou elfes il ne saurait le dire, mais c'était là, le seul indice désormais. Le groupe de cavaliers établirait le campement ici.
C'est dans les minutes qui suivirent que notre capitaine sentit quelque chose de dur et de métallique sous son pied droit. Il tapota le sol et écarta les quelques feuillages qui se trouvait au sol pour y découvrir, l'une des deux lames de Fenris, masqué a travers les débris et la terre.

"Hum?...."

Les différents cadavres étaient composé de sombres et d'elfes, à cet instant, notre avatar de la haine observa la scène et par un réflexe musculaire, il serra fortement le poignet de la lame sœur de son cadet.
C'est alors que sortant soudain de l'ombre plusieurs daedhels déferlèrent sur la groupe de cavaliers qui pour la plupart avait déjà posé pieds. Notre Capitaine pouvait remercié son fidèle destrier Turambar qui d'un élan rapide se leva pour asséné plusieurs coups de sabots sur le crâne du malheureux daedhels qui s’apprêtait à transpercé l'ainé des Nöldorion. Ses compagnons étaient déjà au prise avec certains, il aperçu même Melendil tranché plusieurs adversaires dans sa formidable danse de lames, les faisant tournoyées tels des dagues. Delyndil quant à lui fut assaillit de deux adversaire coriace dans leur genres. Quelques pas d'intimidations essayant de placé l'elfe qu'il était en défense. Ceux-ci lui lancèrent quelques injures afin de l'intimidé, mais notre avatar connaissait la guerre, et les conflits...il s'arrêta et dégaina Silcrist dans un sifflement aigu, la courbure de la lame était très particulière...de nombreux Drow l'avait entendu et vus avant que sa course folle ne finisse par s'étouffé dans la chair. "Ennemie de la grande peur" , voila les inscriptions qui se voyaient gravé sur cette lame, elle avait connu maintes et maintes batailles, elle avait traversé le temps et les époques...son nom résonnait dans les souvenirs des daedhels pour certains comme celle qui tranchait, celle qui pourfendait...surnommé "Pourfendeuse" ou" Siffleuse". Aussi lorsqu'elle fut dégainée, notre Capitaine ne fut pas surpris de voir les sombres s'arrêté soudainement , certains reconnaissait ce bruit si aigu...et ceux qui ne l'avait jamais vu ne pouvait que croire les dires.



Daedhels:"...La siffleuse...."

les présentations faites, la passe d'armes s’engagea à l'instant ou le sentiment de bravoure de l'un des deux finit par l'envahir et qu'il décida de passé à l'action, enchainant coups sur coups, l'autre ne mit pas longtemps a suivre...la passe d'arme fut acharné, et notre avatar reconnu aisément ceux qu'il affrontait, ce n'était pas de simple mercenaire engagé, ces drows de l'Ithrivan, non c'était de vrais guerriers, ceux-là venait du......Puy. Aussi son attention se fit plus vive encore. Ces adversaires étaient à prendre au sérieux. Par un mouvement agile ,il bloqua l'un de ses adversaire, et d'un geste fort, il exécuta un geste du pied afin de faire perdre l'équilibre à son adversaire. Et lorsqu'il voulu s'attaquer au second, un troisième plaça un coup de lame qui força notre capitaine à s'arrêté dans sa course.

"hum...?"

Les trois décidèrent finalement d'attaquer ensemble, l'idée était bonne et ce fut chose faite. Heureusement pour notre capitaine son ami Melendil qui venait d'achever son assaillant, envoya sa lame en direction de l'un des trois. Le métal transperça le daedhels au niveau du thorax. Se retournant , Delyndil profita de leur soudaine inattention pour s'avancé et alors qu'il s'approchait, et qu'il voulut assené son premier coup, les deux sombres se retournèrent frappèrent horizontalement. Par un réflexe qui laissait parlé l'expérience, l'ainé, se baissa de justesse et frappa tranchant net la tête des deux adversaires qui se tenait devant lui.....Silcrist venait à présent de versé le sang dans un sifflement aigu.



Melendil: " Daedhels...!!!"

"C'étaient les derniers?"

Melendil": Oui je crois...."

Eanor: " Capitaine, il n'y a pas de trace de votre frère ou de la Dame louve..."

Melendil:" Capturés?"

"Je ne sais pas....mais j'ai vu de nombreuses traces qui se dirigeait de côté-là..."

Rangeant la lame de son jeune frère, le Capitaine, ne pouvait pas perdre de temps, il reviendrait enterré les morts plutard. Tous reprirent leur monture, et partirent en direction des traces.

Leur fuite qui n'avait pas si mal commencé prenait peu à peu des airs de cauchemar. Ils avaient trop trainé les deux premiers jours et arrivaient beaucoup plus tôt que prévu au moment où la blessure du cavalier n'était plus leur préoccupation principale... Loin de là.

La découverte du cadavre les avait tout deux laissés d'humeur sombre. L'oreille aux aguets, attentive au moindre changement dans leur environnement, Halya avait passé le reste de la journée la main sur le pommeau de son épée. Et la découverte de la carcasse de cerf peu avant la nuit ne l'avait pas aidé à se détendre: ils ne dormiraient pas cette nuit-là.
Elle n'en avait pas vraiment parlé avec lui, mais de ce qu'elle avait compris, Fenris entendait la Symphonie d'une toute autre manière qu'elle... et une manière bien plus précise. Elle se contentait donc de fixer son attention sur les accords lourds et corrompus des drows qui se pressaient à leur suite, plus proche, plus vifs que jamais. Elle n'avait même pas l'espoir de séparer suffisamment les autres sons qui vibraient dans son être pour repérer un animal dans son propre territoire.

Dans l'obscurité, ils avaient essayé de garder leur direction, fixant un arbre après l'autre pour continuer à marche droit. Mais cela les menait sur des terrains de plus en plus escarpés... et l'état de Maëghan autant que celui du dos du cavalier ou de la jambe de la protectrice n'arrangeaient pas les choses.

La monté fut difficile. Ils s'arrêtèrent quelques minutes en haut pour permettre à Fenris de descendre de sa monture mais Halya refusa de s'asseoir. Son tibia et sa cheville la lançaient plus encore que la veille et elle avait beau se cramponner au fait que ce n'était pas une blessure grave, la douleur n'en restait pas moins réelle.
Et la descente fut bien pire. Fenris glissa plusieurs fois, pris de vertige. Halya ne pouvait qu'esquisser des mouvements pour lui venir en aide. Elle ne parvenait que rarement à le retenir, le terrain et sa jambe lui demandaient déjà une grande concentration pour ne pas suivre le même chemin.


A l'aube, ni l'un ni l'autre n'était beau à voir. Les drows s'étaient un peu éloignés, ils avaient du s'arrêter quelques heures pour se reposer... mais pas suffisamment pour donner de l'avance à leur proie. En marchant toute la nuit, ils avaient à peine réussi à conservé l'écart de la veille et maintenant que le soleil pointait son nez, les sombres, frais et correctement nourris les rattraperaient d'autant plus vite. Il était probable qu'ils soient sur eux en quelques heures... Mais au moins les deux elfes avaient échappés au Pish Oura jusque là... même s'ils croisèrent très rapidement des traces laissant présager qu'ils étaient toujours sur son territoire.

La Symphonie était terriblement pratique pour surveiller l'avancer de leurs poursuivants. Mais hélas, elle ne leur laissait pas non plus le luxe du doute. Même l'esprit embrumé Halya sentait la forêt hurler sous les lames des drows qui se frayaient un passage et murmurer de surprise et de crainte en observant la fuite des elfes.

Plusieurs fois dans la matinée, les jambes de la Protectrice menacèrent de céder mais ce n'était plus seulement à cause de sa blessure. Elle avait beau être endurante et avoir gardé une certaine hygiène de vie et un goût pour les entrainements depuis son accès au post de Protectrice, elle était épuisée... et elle n'était pas sûre qu'elle aurait fait beaucoup mieux durant son passage dans l'armée. Cela faisait des heures qu'elle avait cessé d'avoir mal aux pieds. Elle ne les sentait plus. Elle ne sentait plus vraiment ses jambes non plus, à part une douleur indistincte. Mais ses muscles refusaient de lui obéir. La fatigue, la soif et la tension étaient aussi éreintantes pour le corps que pour les nerfs. D'autant plus qu'à part quelques regards échangés avec Fenris, dont l'état n'était pas vraiment meilleur, rien ne venait rompre la monotonie de la marche.

Et rien n'est plus monotone qu'une marche dont on ne connaît pas la fin. Pour se remettre du cœur au ventre, Halya sorti une ration. Après ça, il ne leur en resterait qu'une seule et ils n'avaient vraiment pas le temps de faire des détours pour chercher les premières baies du printemps. Elle donna la moitié du pain à son compagnon. Il avait l'air exténué. Le sang ne transparaissait pas à travers sa tunique, mais ils n'avaient pas eu l'occasion de vérifier sa blessure après ses chutes de la nuit et quelques points avaient peut-être sauté. Elle se souvint en frémissant du moment où elle avait dû le recoudre. Elle avait si peur de toucher une veine ou une artère importante. Et quelques instants avant, la peau brûlante de Fenris pulsait sous ses doigts gelés. Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment d'être distraite.



La forêt défilait autour d'eux, toujours semblable. Le soleil avait dépassé son zénith depuis quelques heures à présent. Mais cette fois les elfes n'avaient plus le choix. Halya sauta derrière Fenris sur le dos de la jument fatiguée, lui demandant un effort de plus, puis elle la força à accélérer l'allure. La Protectrice savait que si elle lui demandait de partir au galop, c'était la vie de sa monture qu'elle risquait.

Mais les drows étaient en vue.

Les voix des elfes noirs se rapprochaient. Certains invectivaient même leurs proies ou riaient comme s'il s'agissait simplement d'un jeu... Ce qui était surement le cas pour eux. Un jeu de chat macabre que les souris allaient perdre...

Halya jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Quatre. Six. Sept? Moins de dix. Trop pour se battre. Comme ils le pensaient. Si la jument n'arrivait pas à accepter... Et même si c'était le cas elle ne tiendrait pas suffisamment longtemps. Et encore plus si elle devait supporter le poids de deux elfes...

Devant la Protectrice, Fenris résistait à grand-peine à la fatigue. Elle avait l'impression qu'il était à peine conscient. Un instant, elle hésita à descendre, mais se ravisa. Un sacrifice aussi désespéré qu'inutile ne profiterai à personne.

Derrière les drows s'approchaient toujours avec leurs rires obscènes. Elle pouvait distinguer les visages des premiers. Pour faire face, elle dégaina son épée, parant la chute éventuelle de Fenris et gardant la bride avec une seule main.


Soudain, Maëghan fit un écart sur le côté et partit au galop. Halya n'eut que le temps de se retenir à la crinière de l'animal et de lever son arme. Un éclair roux passa près d'elle et s'écrasa quelque part derrière, touché par un revers de la guerrière. Elle faillit lâcher son épée dans le mouvement, mais réussit à la garder en main in extremis.


Un feulement. Deux. Puis un rugissement. Des cris remplacèrent les appels de leurs poursuivants. Lorsqu'elle fut assez stable pour pouvoir regarder en arrière, Halya découvrit ce qui avait failli s'agripper à la croupe de Maëghan. Un énorme félin à la fourrure tigré avait aplati au sol deux sombre et continuait à semer la panique dans les rangs. Deux autres créatures, beaucoup plus petites restaient plus en retrait sous les arbres et s'en prenait au fuiards.

Sans demander son reste, Halya remit tant bien que mal son épée au fourreau et se concentra sur la course de sa monture, tentant de la garder dans la même direction. La bête écumait mais les cris de douleur qui leur parvenaient encore devait lui permettre de trouver des ressources cachées.

Hélas même dans ces conditions la jument ralentit très vite. Halya aurait pu descendre, mais Fenris avait déjà piqué plusieurs fois du nez. Il avait de mal tenir droit et risquait de tomber. Elle aurait pu le maintenir en selle depuis le sol... si son dos n'avait pas été justement la zone à ne pas brusquer. Aussi elle resta un bon moment sur le dos de la monture épuisée, un bras enroulé autour du torse du cavalier.

Lorsque la nuit commença de nouveau à tomber, elle ne se posa même pas la question de trouver un endroit particulièrement protégé. Elle trouva juste un coin de terre et d'herbe dégagé et se laissa tomber à terre... Littéralement puisque ses jambes, refroidies par l'inaction de la fin de l'après-midi, venaient de se dérober sous elle. Heureusement, Fenris tint bon le temps qu'elle réussisse à se remettre debout pour l'aider à descendre.

Soutenir le poids de son compagnon en plus du sien demanda à la protectrice d'user ses dernières forces. Une fois Fenris allongé, elle parvint à peine à défaire la selle et la bride de Maëghan avant de s'étendre à son tour. Pas la peine de rêver, elle ne pourrait pas tenir la garde elle seule et Fenris était bien trop épuisé pour l'aider. Mieux valait récupérer tant qu'ils le pouvaient. Le jour les réveillerait bien assez tôt.


Et en effet, la nuit passa bien vite. Lorsqu'elle finit pas se réveiller, les membres d'Halya étaient lourds comme du plomb contre le sol dur. Sa bouche était pâteuse. Elle se força à s'asseoir pour ne pas se rendormir, mais une douleur fulgurante lui coupa le souffle. Elle étouffa un glapissement. Le simple fait d'étendre sa jambe droite à plat était douloureux. Ses ongles s'enfoncèrent dans la terre. Sa jambe tremblait. Elle n'avait plus le choix. Elle allait devoir parler de son problème à Fenris...

Mais il y avait toujours un bon côté des choses. Elle était parfaitement réveillée. Et ce fut donc débarrassée des brumes du sommeil qu'elle put se tourner vers son compagnon... qui était déjà réveillé.

-Fenris... J'espère que la nuit n'a pas été trop mauvaise. Elle attendit d'un oreille inattentive la réponse du soldat... mais il fallait bien se lancer. Alors elle se lança. J'ai bien peur que notre avancée d'aujourd'hui soit un peu plus complexe que prévue...

Évidemment, la révélation n'était pas bien difficile à comprendre si Fenris avait vu la réaction qu'elle venait d'avoir. S'il essaya de savoir quand elle s'était blessée, il ne lui demanda même pas pourquoi elle s'était tue jusque là. Au contraire, il lui adressa un sourire contrit. C'en était presque au point qu'il s'excusait de ne pas l'avoir vu ce qu'elle ne voulais pas qu'il voit.

Elle lui retourna un sourire, reconnaissante de l'attention qu'il lui portait.

-Le soir de l'attaque un drow m'a porté un coup en pleine jambe. C'est le plat de sa lame qui a touché, mais il faut croire que le choc était plus violent que je ne le pensais.

Oh le choc, elle l'avait parfaitement senti! C'était plutôt le fait que se soit plus qu'un bleu douloureux ou qu'un léger traumatisme qui l'inquiétait. Mais à quoi bon se lancer dans des conjectures et des explications qui ne mèneraient à rien.

A la place, elle souffla en se forçant à plier la jambe et aida Fenris à se redresser à son tour. Il était toujours aussi pâle et des cernes noirs creusaient ses orbites. Le simple fait de se redresser le faisait haleter. Ils avaient vraiment besoin de retrouver des forces, l'un comme l'autre... Mais Halya savait qu'ils ne pourraient vraiment le faire qu'une fois sortit d'affaire. Le problème restait donc entier.

Mais Fenris semblait d'un autre avis. Perdre de leur avance pour chercher de l'eau et des vivres. Le temps était un luxe qu'ils n'avaient pas le droit de gaspiller... d'un autre côté, ils n'iraient nul part s'ils mourraient de faim et de soif.

-Très bien... Nous devrions trouver des baies dans les endroits un peu plus exposés au soleil.

S'ils suivaient les sentes tracées par les animaux sauvages, ils auraient aussi des chances de tomber sur un ruisseau ou une marre. Ça ne serait pas un luxe étant donné le peu d'eau qu'il leur restait.

-Mais je peux marcher. C'est juste que c'est un peu dur de... Repartir dirons nous. Si nous devons ménager Maëghan, faisons plutôt des poses fréquentes. Pas question que vous marchiez dans votre état. Si votre blessure se réouvre ou si vous tombez, vous risquez bien plus que moi et nous n'avons rien de plus pour vous traiter.

Sur cela, elle serait sans appel. Les plaies dans le dos, en plus d'être très douloureuse à cause de toutes les liaisons musculaire qui s'y trouvaient, pouvaient facilement dégénérer... Et l'une de celle du cavalier avait toujours un passager clandestin. S'il y avait une chose qu'Halya ne voulait pas, c'était finir cette aventure seule.

Halya passa une main dans ses cheveux roux pour les rejeter en arrière avant de tenter de se lever grâce à la présence de l'arbre. Lorsqu'elle leva son bras pour s'accrocher au tronc, les doigts de Fenris quittèrent leur emplacement, glissant le long de sa main. Cela la surprit légèrement. Elle ne s'était pas rendu compte de leur présence plus tôt.

Au final, elle avait réussi à se remettre sur pied... Mais chaque pas était une torture. Elle aida Fenris à se lever, à grimper sur leur monture et parvint à trouver une place derrière lui. Seller Maëghan avait été un peu difficile, mais la jument semblait avoir un peu récupéré, elle.

Ce matin-là, ils n'avancèrent pas vite, s'arrêtant régulièrement et cherchant avant tout à trouver ce dont ils manquaient, mais la tension était assez retomber pour qu'ils échangent un peu sur le chemin.

Même dans leur état de fatigue, la mâtiné passa plus facilement que celle de la veille. Halya marcha un peu mais passa la plus grande partie du temps sur le dos de Maëghan. Ils réussirent à trouver un coin un peu plus ensoleillés que la moyenne où avaient déjà mûri quelques fruits sauvages.

Fenris resta assez éveiller durant tout le trajet pour parler de ses compagnons d'armes et de sa magie. Halya se rendit compte que les négociations avec les Noss avaient vraiment pris toute son attention lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne parvenait pas à associer le nom de Terond à un visage précis. D'habitude, elle faisait très attention aux elfes sous ses ordres mais là, elle n'arrivait qu'à se souvenir de quelqu'un qu'elle avait vu plusieurs fois en grande discussion avec Fenris et qu'elle ne pouvait que supposer être le personnage en question.
Par ailleurs, quelque chose dans la description que Fenris faisait de son ami lui rappelait Sandriel, un lancier aussi orgueilleux que taquin... Sauf qu'à l'époque où elle était dans l'armée, ils se liguaient souvent ensemble pour chercher ceux qui ressemblaient à Fenris... Elle partagea des anecdotes sur la manière dont elle avait rencontré son ami et sur les quelques tours pendables qu'ils s'étaient joués avant de s'allier contre les autres membres de leur groupe. Elle confia au cavalier qu'elle ne pouvait le voir aussi souvent qu'elle le voulait depuis son départ de l'armée.

Ils parlèrent aussi de l'ancienne monture de Fenris. Celle qui avait fui le jour où la troupe du lieutenant Calum avait porté secours à la Protectrice. C'était la première fois qu'Halya entendait parler de chevaux traumatisés par la perte d'un cavalier mais si un elfe pouvait s'attacher à sa monture, pourquoi pas l'inverse. Maëghan était encore toute jeune pour sa part et peu de gens la montaient à part Halya.
A son tour, pour passer le temps, la protectrice évoqua la période qu'elle avait passé en Itrhi'Vaan en tant que mercenaire et les personnes étranges ou peu recommandables qu'elle y avait croisées. Cela expliquait au passage pourquoi elle ne voyait pas seulement les drows comme un ennemi séculaire.

Lorsqu'enfin les deux compagnons trouvèrent une source d'eau, l'idée de s'arrêter un moment vint d'elle-même. Ils vidèrent plusieurs fois la gourde avant de s'installer près du festin qu'ils avaient ramassé. Après le stress de la veille et de l'avant veille, pouvoir souffler était vraiment appréciable. Mais leurs chances de s'en tirer seuls s'ils ne trouvaient pas très vite d'autres elfes étaient minimes. Après le coup du Pish oura, les drows n'abandonneraient plus la traque, c'était certain!


-Cela fait 5 jours depuis l’attaque. Delyndil doit être au courant à présent…

Cinq? Déjà? Halya repassa mentalement le fil des évènements.

-Quatre jours il me semble...

Mais Fenris semblait dans ses pensées. Halya réalisa enfin ce que le soldat venait de dire. Delyndil. Au courant... C'est vrai que le reste de la troupe était plus ou moins rassemblé et battait en retraite lorsqu'ils avaient dû fuir. Les renforts ne tarderaient donc pas à arriver dans la zone... Et il y avait fort à parier qu'ils seraient efficaces puisque le frère du capitaine faisait partie des disparus. Mais de là à retrouver deux elfes perdus dans l'immensité d'Anaëh...

Le cavalier poussa un soupir et s'excusa. Il devait en être venu à la même conclusion que son amie.

-Moi je sais. Mais il vaudrait mieux retrouver le chemin du camp par nous même. Ça aura quand même plus de panache pour le livre.

Tourner leur aventure en histoire ne serait pas bien difficile si on y réfléchissait. Les héros des contes pour enfants et ceux des livres d'Histoire se ressemblaient assez finalement. Ils triomphaient ou perdaient avec honneur. Tout le reste n'était qu'une description d'épreuves surmontées avec brillaud. Mais il fallait avoir vécu ce genre de situation désespérée pour comprendre à quel point ces descriptions manquaient de réalisme même si cela faisait toujours plaisir de se comparer à des mythes.

Halya sourit, confiante. Ce n'était pas le moment de se laisser abattre. Ils avaient retrouvé de l'eau et avaient de quoi se remplir un peu l'estomac.

-Comment va votre dos?

Halya sourit en voyant Fenris sortir de son apathie un instant en demandant de quoi elle pouvait bien parler. Elle était certes allée un peu loin, mais ça avait eu le mérite d'interloquer son ami... Même s'il avait toujours l'air préoccupé. Il parlait de leur impossibilité de recevoir de l'aide comme s'il venait juste de la découvrir.

La question de la protectrice concernant sa blessure mit autant de temps que les autres à atteindre leur cible. Décidément, il n'allait pas bien. Halya se redressa contre l'arbre qu'ils avaient choisi tout en l'observant, restant calme et décontractée. Rien ne servait de se démoraliser en un si bon moment. D'après lui, son état ne s'était pas aggravé outre mesure alors pourquoi sombrait-il d'un coup? Elle aurait pu essayer de crever l'abcès, mais il était peu probable qu'elle tire quoi que se soit du cavalier si ce n'était une impression de solitude et la crainte de ne pas sortir entier de leur escapade.

Il tenta un sourire, puis un deuxième, mais le coeur n'y était pas vraiment. Et contre toute attente, il s'excusa. Halya n'essaya même pas de retenir son rire et ramassa une framboise pour faire bonne mesure. Fenris restait toujours si... Noble!

-j'aime qu'on me remercie! Allons. Nous savons tous les deux que ça ne sera pas facile. Mais ce n'est pas pour ça que c'est impossible. Et notre repas n'est pas si mauvais que ça.

Elle mordit dans une fraise et reporta son attention sur son ami... pour croiser son regard asymétrique. Elle se rendait compte à présent qu'elle n'avait pas réellement soutenu son regard depuis longtemps. Ils s'échangeaient souvent des regards mais celui là était bien plus appuyé. Elle plissa les yeux, interrogative. Elle tenta de détourner les yeux mais sentait toujours ceux de Fenris sur elle. Contrairement à un peu plus tôt, il ne semblait pas absent... mais curieusement absorbé parce qu'il regardait.

-Fenris? Tout va bien?

Il se détourna instantanément pour prendre une framboise.

Elle s'attarda un instant sur son visage. Sur ses yeux si rares. Elle n'avait jamais vu de telle différences de couleurs avant de le rencontrer. Ses lèvres blanches se découvrirent en un sourire légèrement gêné. Cette fois elle rompit le contact. Sa gorge était légèrement noué.

-Nous ferions peut-être bien de ne pas trop tarder.

Durant l'après-midi, Halya marcha beaucoup plus fréquemment que dans la mâtiné. Maëghan était réhydraté et aurait put le porté avec moins de fatigue que le matin, mais mieux valait ne pas tirer sur la corde.

La pose du déjeuné avait été écourté sans réelle raison, Halya s'interdisait de revenir sur la question. Ce qu'elle avait cru apercevoir dans le regard de son compagnon... ne devait pas être ce qu'elle avait cru. Vu les problèmes des derniers jours, elle avait besoin d'un ami de confiance pas de problèmes supplémentaires. Gérer ça en plus du reste n'était tout simplement pas possible. Et elle avait très certainement tout imaginé. La fatigue les embrumait tous les deux et ils ne connaissaient presque rien l'un de l'autre... même si elle trouvait sa compagnie agréable.

Le soleil décrut rapidement ce jour-là, comme si le temps lui-même voulait mettre fin le plus vite possible à ce calvaire. Les deux elfes continuèrent malgré tout d'avancer, cherchant un nouveau point d'eau ou une source de nourriture. Les derniers rayons avaient presque disparu lorsqu'ils trouvèrent un cerisier. Pas de point d'eau mais quelques fruits étaient déjà mûres.

Ne pouvant parier sur le fait de trouver mieux dans le noir, ils décidèrent de s'arrêter pour la nuit. Avec ce que l'arbre portait, s'ils prenaient même les fruits encore un peu verts, ils pourraient même en avoir un peu pour la journée du lendemain ! Seul problème : les cerises qui avaient assez pris le soleil n'étaient pas tout près du sol...

-Je suppose que je vais devoir m'y coller. Soupira Halya comme si elle parlait d'une partie de chat.

En pleine forme, grimper n'aurait pas été un problème. Ayant grandi à Ardamir, et d'une nature aussi curieuse qu’aventureuse, crapahuter dans les arbres et prendre des chemins dérobés en escaladant des pans de tronc à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol ne lui faisait plus peur. Mais avec une jambe peu sûre et craignant le moindre choc, elle allait surtout devoir tirer sur ses bras...

Elle aida Fenris à s'installer, vida leurs restes de fruit en tas sur le sol et défit l'équipement de Maëghan avant d'approcher de l'arbre noueux sa tunique tâchée coincée dans l'une des sangles de son armure comme un sac. L'avantage, c'est qu'elle n'avait pas à enlever cette dernière pour grimper.

Heureusement pour elle, les premières branches étaient assez basses et larges pour qu'elle n'ait pas à monter par le tronc. A la place, elle sauta pour attraper la plus basse à deux mains et passa sa jambe valide au-dessus. Cela devait faire plus d'une vingtaine d'année qu'elle n'avait pas fait ce genre de chose. Elle sourit soudain lorsqu'une idée stupide lui traversa l'esprit. A 477ans, on pouvait commencer à dire que faire le cochon pendu n'était plus de son âge... Mais elle n'en fit rien et se redressa en faisant attention à ce que sa jambe ne blessée ne frappe pas une autre branche.

-En rentrant à Ardamir, c'est décider, je fais préparer le plus grand festin que le Palais n'ai jamais connu! Lança-t-elle en atteignant les premières cerises.

Les alentours étaient sombres mais cette fois-ci, il fallait prendre sur leur temps de sommeil... Une nouvelle fois. Halya s'efforçait d'ignorer le mauvais pressentiment qui lui nouait la gorge. Ils n'auraient pas autant de chance que les fois précédentes. Les drows avaient été malins... et chanceux. A présent, même si les deux elfes en cavale parvenaient à leur échapper, ils n'avaient nulle part où se replier... et impossible de passer tout une vie à fuir leurs poursuivants dans ce coin d'Anaëh. L'affrontement approchait. Et lorsqu'ils seraient dos au mur, les lames des drows pointés sur eux, elle savait parfaitement que ni Fenris, ni elle ne serait en mesure de les vaincre l'arme au poing.
La fatigue était devenue bien trop grande, pour l'un comme pour l'autre. La protectrice pourrait peut-être tenir quelques minutes, mais dans son état, elle n'avait aucune chance de l'emporter, même après l'intervention du Pish Oura. Une embuscade n'y suffirait pas. Son style était basé sur la vitesse et la précision. Impossible d'esquiver en prenant appui sur une seule jambe. Elle avait fini par se résoudre à prendre de légères doses de sa poudre antidouleur, ce qui l'aidait aussi à lutter contre l'abattement et le sommeil, mais cela n'était plus une question de douleur. Sa jambe se dérobait de plus en plus souvent. Déjà, marcher sans boiter légèrement lui était devenu presque impossible et elle montait derrière Fenris bien plus souvent qu'au début de leur périple. Elle n'avait même pas pris la peine de vérifier son propre état, ne désirant pas plus que ça saper les restes de son moral.


Mais lorsqu'ils tournèrent le dos au campement de l'armée, la protectrice réalisa quelles étaient réellement leurs chances de survie. Elle regardait la mort en face avec une certaine quiétude, et ce, depuis longtemps. C'était une vieille consœur. Elle l'avait aussi donnée trop souvent pour l'ignorer.
Halya essayait de croquer la vie à pleines dents et ne gardait que peu de regrets, considérant que chaque jour était une bénédiction autant qu'un effort. Et c'était pour cela qu'elle était au moins sûre d'une chose. Si elle devait y laisser la vie, elle ferait tout pour emporter le maximum de sombres avec elle.

Elle aurait été seule, tout aurait été différent, plus calme, plus facile. Mais la présence de Fenris la maintenait en alerte. Si un guerrier de l'armée elfe ne méritait pas de mourir, c'était lui. Pas ainsi. Pas après qu'elle ait passé des jours à le regarder s'affaiblir, impuissante.

Les jambes lourdes, le dos perclut de crampes, la guerrière continuait à conduire Maëghan le long du cours d'eau malgré la lune qui montait presque au zénith, s'efforçant de ne pas laisser le sommeil embrumé son esprit.Un hurlement de douleur déchira le silence juste derrière elle. Elle pouvait à peine distinguer Fenris, à terre, de l'autre côté de Maëghan. Il avait glissé si doucement qu'elle ne s'en était pas aperçu! Elle se précipita près lui, s'agenouillant sans même penser à protéger sa jambe qui le lui rappela sans ménagement. Elle eut juste le temps d'entendre de le cavalier annoner d'une voix rauque.

-Le carreau...

Il faisait trop sombre pour inspecter la blessure. Trop sombre pour faire quoi que se soit. Halya l'aida à se redresser, mais il ne pourrait pas aller plus loin ce soir-là. Elle passa un bras autour de son torse et, sans poser de question, plongea une main sous la chemise de Fenris. Le bandage était humide. Le choc avait été assez violent pour que le bout du carreau déchire légèrement le tissus, manquant de couper une bande. Impossible de savoir ce qu'il avait causé comme dégâts internes. Elle glissa également ses doigts glacés sous le bandage, un peu plus bas, le long de la plaie recousue. Un point avait sauté. Ils ne pourraient pas le refaire.

Elle serra les dents et obligea Fenris à se relever pour s'installer à quelques pas de là, dans l'ombre d'un arbres énorme. Il ne parviendrait pas à rester éveiller... Et si elle s'endormait, ils avaient de bonne chance de se faire rattraper par des drows au petit matin... donc de ne pas vouloir se réveiller du tout.

Mais la fatigue ne demande pas pour frapper...

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Le froid de l'acier caressa sa peau. Le fil d'une lame mordant très légèrement sa chaire pour lui faire reprendre ses esprits. La tête douloureuse, elle leva les yeux pour découvrir un sourire. Un fin sourire qui laissait apparaitre de belles dents blanches... et une peau d'un noir d'encre. Elle se perdit dans les yeux clairs du drow, aussi douloureux que sa lame. Elle le connaissait. Il était à leur poursuite. C'est lui qu'elle avait vu avant l'attaque du Pish Oura. Elle n'arrivait pas à bouger. Droguée? Blessée? Attachée? Une vague douleur existait à la limite de sa conscience. Elle baissa les yeux... et hurla de terreur... sans qu'aucun son ne puisse sortir de sa bouche.

-Doucement ma belle. On en a pas fini avec vous deux.

La main du sombre se baladait sur sa joue, ses lèvres, son cou, sa poitrine, son corps meurtri.

-Il ne faudrait pas que tu rates le meilleurs.

Elle ne pouvait rien faire. Rien a part sentir une peur primale monter en elle et envahir chaque recoin de son esprit. La peur de renoncer à tout. Renoncer à la plus petite parcelle de ce qui faisait d'elle une personne dont elle pouvait soutenir le regard dans le miroir. Elle ne voulait pas être brisée. Elle ne pouvait pas. Elle devait se battre pour les autres. Elle avait des gens à protéger, d'autres à connaitre.

La voix suave revint, flanquée de quelques ricanements lointains. Un murmure au creux de son oreille.

-Maintenant c'est à son tour.

Fenris!

Elle voulut protester, se débattre, mais pas un mouvement, pas un son ne vint récompenser ses efforts. Il était là. À quelques pas. Son visage pâle était égratigné, ses bras désarticulés, mais le reste de son corps était encore intact. A part les carreaux, elle savait qu'aucune cicatrice ne marquait sa peau. Pas un échec... À part celui d'Halya.

Elle ne pouvait même pas fermer les yeux. Seulement regarder les iris voilés de son ami et sentir le goût de ses propres larmes.

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Halya se redressa en prenant une grande goulée d'air.
Avait-elle crié? Qu'est-ce qui l'avait réveillée? Elle n'en était pas sûre. La lune était toujours très haute dans le ciel. L'air frais de la nuit collait à son visage couvert de sueur. Chaque muscle de son corps était tendu. Son cœur battait vite. Sa respiration était inégale. Elle scrutait les alentours comme une biche aux aboies.
Mais Fenris était près d'elle, bien vivant.

L'air qui passait dans sa gorge ne parvenait pas à réguler son souffle. Quelque chose attrapa son bras, elle tressaillit, se tournant d'un bloc, la main prête à se refermer sur la gorge de son agresseur.

-Tout va bien.

La voix douce se voulait rassurante. Le regard asymétrique qui l'observait dans la pénombre la frappa de plein fouet. Elle pouvait presque y voir son propre visage. La main d'Halya se rabattit sur sa poitrine dans un geste instinctif de protection au lieu d'atteindre sa cible.

-Vous avez fait un cauchemar.

Un rêve. C'était un rêve. Oui. Un simple rêve... Si réel.
Elle se sentait déboussolée. La peur continuait à étreindre son esprit. Pourtant, elle pouvait bouger, elle pouvait se défendre elle pouvait agir. Ce n'était qu'un rêve. Un mouvement de Maëghan la fit sursauter. Les sourires étincelants dansaient encore dans l'ombre, prêts à frapper.
Son regard se tourna une nouvelle fois vers Fenris, le dévisageant sans même s'en rendre compte. Sa respiration hésitante se calmait peu à peu. Le cavalier était indemne. Il était là. Aucune trace de violence ne maculait son visage. Son regard n'était ni révulsé ni absent. Un sourire flottait sur ses lèvres, tellement plus doux que les dents aiguës des drows. Le goût de larme était encore tellement présent.

Un contact froid sur sa main fit frissonner Halya. Elle baissa les yeux pour découvrir la main de Fenris sur la sienne. Elle remonta vers son visage en prenant une grande inspiration. Il fallait qu'elle reprenne pied. Cet égarement ne lui ressemblait pas. Le cavalier poussa un léger soupir dont elle ne comprit pas vraiment la raison.

-Que c'est-il passé ?

La douleur. La peur. Les drows. Le visage de Fenris. L'impuissance. Elle sentait encore...

-J'étais impuissante, incapable de...

La main de Fenris pressa gentiment ses doigts, la ramenant dans la réalité. Elle se força à repousser les images. Mais ces yeux... Elle baissa la tête jusqu'à ce que son front touche l'épaule gauche du jeune cavalier. Si son regard était difficile à soutenir, ce simple contact faisait du bien à Halya.
Peut-être passait-elle trop de temps avec les loups et finissait par en avoir le côté tactile... Ce n'était pas vraiment un geste bien séant, ni même quelque chose qu'elle se serait autorisé envers quelqu'un qu'elle connaissait si peu. Mais à ce moment, elle s'en fichait éperdument. C'est à peine si elle avait pensé à ce qu'elle faisait. Elle cherchait la certitude qu'elle ne rêvait pas, quelque chose auquel se raccrocher, une présence réconfortante.

-Tout va bien... Répéta-t-elle comme pour s'en convaincre.

Ils étaient encore tout deux libres et vivants. Ils ne se laisseraient pas prendre comme cela. Ils ne se laisseraient pas briser. Plutôt mourir...

-J'étais capturée et torturée... par les drows. Ça avait l'air tellement réel... Je sais que je ne devrais pas... mais... Et puis vous étiez là... à cause de moi. Et je ne pouvais rien...

Sa voix se brisa. Le poing qu'elle gardait contre elle se serra un peu plus. Elle s'obligea à prendre une inspiration. Puis deux. Elle se concentra sur son cœur, sur le contact de la chemise sur son front. Sur les doigts froids qui entouraient sa main. Sur la terre sous son corps. Elle n'avait pas l'habitude des cauchemars, même en situation de stress. Elle pensa un instant à l'antidouleur aux effets légèrement psychotropes qu'elle avait pris dans l'après-midi, mais fini par écarter la question d'un revers de main. La raison lui importait peu.

Elle reprit peu à peu le dessus, réussissant à stabiliser sa respiration. Ses muscles se détendaient. Son cœur ralentit.
Soudain, un détail traversa son esprit. La main de Fenris était glaciale sur la sienne... Ce n'était pas normal. Inquiète, elle se redressa un peu pour pouvoir le regarder de nouveau sans vraiment s'éloigner de lui.

-Vous êtes gelé...

Halya fronça le nez, mais ne put s'empêcher de sourire à la remarque de Fenris. Un peu fraîche? Il avait l'air de trouver la nuit beaucoup plus qu'un peu fraiche! La guerrière savait très bien que ses mains étaient froides la plupart du temps, et elle avait aussi remarqué, malgré elle, que le cavalier semblait souvent irradier de chaleur. Là, il en était presque à trembler de froid alors qu'Halya était tout à fait à son aise.
S'il se mettait à se contracter ou a sursauter à cause du froid, les blessures dans son dos ne devraient pas aimer ça...

Après une brève réflexion, Halya se dégagea de l'étreinte du cavalier pour s'asseoir. De quelques gestes habiles, elle défit les courroies du plastron de son armure, très largement renforcée de plaques de métal et de cote de maille. Le cuir était assez épais pour que ces parties soient toujours plutôt froides. Même dans l'ombre, les gestes étaient tellement habituels qu'ils ne prirent pas longtemps.
Lorsqu'elle posa sa cuirasse près d'elle, la brise de la nuit s'infiltra jusqu'à sa peau. La différence de température la fit frissonner, mais sentir un peu 'air frais après un rêve oppressant n'était pas désagréable. Les alentours avaient toujours l'air hostile, mais à présent, elle arrivait à garder la main sur son imagination. Les images étaient plus lointaines, moins prenantes.

Une fois débarrassée du poids de son équipement principal, elle en profita pour s'étirer un instant avant de se rallonger sans un mot... et en essayant de ne pas croiser le regard de son ami. Qu'aurait-elle bien pu dire? Elle posa de nouveau la tête sur son bras. Mais cette fois, elle se glissa près de lui jusqu'à sentir le torse du cavalier contre le dos de sa tunique.

-Il vaut mieux que je ne touche pas à votre dos. J'espère que cela suffira à vous réchauffer un peu...

Elle avait prononcé ces mots sur le ton de la conversation, mais c'était bien parce qu'elle se sentait obligée de se justifier.
Maintenant que la peur avait un peu reflué, cette proximité lui paraissait bien plus... Réelle. Être physiquement proche au point de sentir la chaleur corporelle d'un autre elfe... enfin façon de parler dans ce cas précis, était très inhabituel. Elle ne pouvait s'empêcher d'être un peu gênée et la réaction instinctive qui l'avait poussée à cherche ce contact n'aidait pas. Mais ne disposant d'aucune couverture et étant dans l'incapacité de faire un feu, c'était là le meilleur moyen de ne pas laisser le cavalier mourir de froid. Et... Sentir sa présence la détendait toujours alors que ses yeux se perdaient dans les abysses noirs entre les arbres des environs.
Même si elle l'avait voulu, elle ne parviendrait pas à se rendormir avant un bon moment.

-Désolée de vous avoir réveillé.

Halya était restée éveillée un long moment, sentant les doigts des sombres se rapprocher d'elle a chaque fois qu'elle se laissait aller vers le sommeil. Mais elle était bien. La sensation de gêne avait fini par s'estomper face à la chaleur et au rythme lent du souffle qu'elle sentait passer par moment dans ses cheveux. Depuis combien de décennies ne s'était-elle pas retrouvé dans une situation comparable? Bien sûr, elle avait vécue bien des galères avec Sandriel et le froid avait été l'un de leurs ennemis, mais ce n'était pas exactement pareil.
Combien de temps cela prit, elle n'en avait aucune idée. Mais elle finit par se laisser aller. Cette fois, pas de rêve, pas de cauchemar. Juste une main qui la secoua doucement.

-Halie.

Le réveil fut plus dur qu'elle ne l'aurait pensé. Elle se força a ouvrir les yeux pour découvrir que la forêt blanchissait à peine. C'était le matin. Et il était ...

-... temps de partir.

Voila, c'était ça. Ils devaient partir. Halya se redressa sur les coudes et se frotta les yeux d'une main. Ils avaient encore quelques fruits. Un peu de sucre leur donnerait un coup de fouet. Ils le manquaient pas d'eau et Maëghan était reposée.

-Vous devez vous en aller.

S'ils passaient au Sud du défilé rocheux ils pourraient...

Une gifle lui arriva en plein visage. Halya se releva sur un bras et se tourna vers Fenris, sourcils froncés.

-Vous ne devriez pas plaisanter avec ce genre de chose...

Mais le regard du cavalier était mortellement sérieux. Il ne songeait tout de même pas à abandonner... Pas maintenant?!

-Il n'en est pas question!

L'imbécile! L'abrutit! Le crétin!
Halya voulut se mettre à genou sans penser à sa jambe et se raidit un instant quand cette dernière le lui fit payer. Mais cela n'avait que peu d’importance. Aucune en fait. Elle dévisageait Fenris, comme pour essayer de savoir à quel point il était sérieux.  
La mâchoire crispée et les poings serrés pour ne pas céder totalement à la colère, elle ne trouvait toujours rien qui puisse lui faire penser que c'était une idée juste lancée, comme ça.

-Vous pensez vraiment que cette idée stupide règlera nos problèmes? Depuis combien de temps y pensez-vous?

Si elle avait appris une chose auprès de soldats défaitistes, c'est qu'il n'y avait rien de plus dur que d'essayer de sauver quelqu'un qui n'avait plus la fois de se battre. Dur pour ne pas dire impossible... C'était une chose sur laquelle personne ne pouvait rien. Et elle ne pouvait pas croire qu'il avait renoncer. Pas après ce à quoi ils avaient échappé.

Lorsque Fernis s'était redressé, elle n'avait pas fait un seul geste pour l'aider. En fait, elle ne fit pas un geste durant tout le temps où il lui expliqua son sombre point de vue.

Il resta vague sur l'origine de cette idée... Il s'y faisait peut-être depuis des jours. Des jours qu'il s'affaiblissait. Sur ce point, Halya n'avait aucun doute. Elle avait essayé de ne pas se voiler la face sur l'état du cavalier. Mais plus que la fatigue ou une envie d'échapper à la douleur et à l'angoisse, Fenris semblait vouloir s'arrêter parce qu'il était un boulet dans leur fuite à tous les deux. En soit, l'idée était compréhensible, et même terriblement brave. Halya aurait certes eu plus de chance toute seule et cela épargnerait peut-être une vie. Mais cela ne restait une bonne idée que si elle préférait continuer à vivre en s'appuyant sur des cadavres.
Et puis Halya ne pouvait s'ôter de l'idée que s'il avait été seul, il n'aurait pas agi ainsi. Il mettait une nouvelle fois sa vie en danger, comme le jour où il avait pris le tir d'arbalète à la place de la protectrice. Était-il désintéressé à ce point?!

Il parlait posément, calmement, comme s'il exposait n'importe quelle solution stratégique pour échapper aux drow. Il n'y avait pas d'hésitation, pas d'émotion forte. Avec sa réaction brusque, Halya avait vaguement l'impression d'être une enfant à qui on explique ce qui doit être fait.

Pourtant, quand Fenris lui demanda une seconde fois de partir, elle ne put s'empêcher de laisser tomber:

-Vous être égoïste.

C'était assez injuste d'assener ce genre de chose. Il fallait du courage pour oser proposer une telle solution, ainsi qu'une grande abnégation. Mais lorsque l'on combattait pendant des siècles, et surtout lorsque les adversaires étaient des sombres, la mort devenait parfois un moindre mal. Le plus dur, c'était de ne pas voir les autres se relever.

-Pensez à Delyndil, à vos parents, à Terond. Je ne veux pas être celle qui leur annoncera votre mort!

À Ellyrion, elle avait fait ce qu'il fallait. Elle avait laissé mourir des amis pour tenter de sauver un maximum de monde. Elle avait perdu sa mère et était rentrée sans se retourner. Elle était officier. Et un officier devait penser avant tout à ses hommes. La totalité de ses hommes. Mais elle n'était plus militaire. Elle avait le droit de réfléchir autrement.

A chaque fois qu'elle avait risqué de se briser, elle avait recollé les morceaux, balayé devant sa porte et était repartie. Mais cette fois, elle ne fuirait pas sans se battre. Elle avait le droit d'être égoïste à son tour, et même un peu lâche.

Elle le répéterait autant de fois que nécessaire. Elle refusait de renoncer une fois de plus. Emportée, ses doigts se refermèrent sur le col de la tunique de Fenris. Le mouvement inattendu arracha une grimace de douleur au cavalier. L'inquiétude se mêlait à la colère, mais le mouvement d'humeur d'Halya ne retomba pas pour autant.

-Vous avez mal? Et bien, vous allez continuer! Jusqu'à ce que cette fichue blessure finisse par guérir! Et vous repenserez à moi dans quelques milliers d'années, quand vous serez un vieillard fatigué et aussi édenté que possible, avec des dizaines d'arrière-petits-enfants. Et là, seulement là, vous pourrez décider sans arrière pensé de mettre fin à vos jours! Mais pas comme ça!

C'était un pari risqué. Mais elle ne pouvait simplement pas se résoudre à prendre la solution de facilité. Les négociations avec les Noss étaient en bonne voie. Le Conseil d'Ardamir était tout à fait compétent et elle avait toute confiance en sa Main droite pour que les choses continue à tourner correctement si sa propre aventure finissait mal. Le fait que deux elfes des cités soient morts de la main des drows en allant chercher de l'aide auprès de leur frères sylvains les feraient peut-être passer pour des fous idéalistes, mais cela ne donnerait que plus de poids à leur projet avorté. Rien ne serait perdu pour le peuple elfe.

Elle se força à lâcher le cavalier. Sa colère la desservait sûrement, faisant croire qu'elle ne refusait que sous le coup de l'émotion et qu'elle le regretterait plus tard. C'était la solution qui lui allait le mieux. Et si elle devait payer le prix fort... elle le paierait.
Elle prit quelques instants avant de planter de nouveau son regard dans celui de Fenris.

-Ne me demandez pas de sacrifier un ami. Je n'en suis plus capable.