[Etat-major]Lorsque deux elfes viennent à parler de deux peuples fort différents

Le réveil avait été difficile… Mais moins que les derniers jours.

« La Guerre n'est pas une fin en soi. Et même si nous gagnons la paix, c'est à Anaëh qu'elle revient. »

Depuis la veille, cette phrase lui tournait dans la tête comme la preuve de ce qu'elle avait découvert, lui redonnant de l'allant. Même le conseil chaotique et les discutions à couteau tiré qui s'annonçaient avec certains des officiers lui paraissaient à la fois plus grave et moins pesant.

Pour la première fois depuis des années, elle ne profita pas de la torpeur du petit jour pour sortir s’entraîner au sortir du lit. Elle laissa de côté les rapports les plus pratiques et s'attaqua en priorités à ceux qu'elles recevaient d'Ardamir et de son commandant d'armée avant de rédiger des lettres bien plus exhaustives qu'à l'accoutumé concernant l'avancement de l'alliance avec les Noss.

Elle avait même proposé à la reine de Naëlis une entrevue... Et s'était préparée à en assumer les conséquences quitte à devoir aller plaider sa cause en personne auprès des autres protecteurs. S'ils avaient l'occasion de faire une alliance avec les humains pour repousser les Drows, l'inaction et la rancune du Haut Conseil pourrait leur coûter trop cher en l'absence d'un roi pour trancher. D'autant plus que cette fameuse reine, quoi que très jeune et pleine de fougue, avait l'air de bonne volonté. Elle avait supporté beaucoup... Beaucoup plus que ce dont aurait été capable Halya. Cela n'était qu'une preuve de plus que les officiers étaient à bout de nerfs et encrés dans leur vision des choses. Elle déplorait que le peuple elfe en soit réduit à ces extrémités.

Contrairement à la tente d'un diplomate classique, aucun garde n'était posté en faction devant celle de la Protectrice d'Ardamir et un pan en était ouvert tant qu'elle travaillait, donnant directement sur une large table recouverte de cartes et de papiers. L'agencement permettait de lire à la lumière du soleil et évitait aux messagers d'avoir à frapper à chacune de leurs interruptions.

Halya venait de l'éloigner de sa table pour chercher un document lorsque le messager qui attendait l'itinéraire définitif à proposé à Delyndil frappa trois coups sur l'un des poteaux qui tenait la tente comme ils en avait l'ordre quand le battant était fermé. Intriguée, elle fut à l'entrée en une seconde... Et découvrir son hôte de marque derrière le messager qui avait l'air assez peu sur de lui quant à la conduite à adopter.

-Dame Yasairava. Dame Hereon est ici.

Halya remercia le messager en lui remettant les rapports demandés « et donnez ça au Fauconnier pour Ardamir » ajouta-t-elle. Celui-ci s'inclina devant les deux femmes et détala. Sortant tout à fait, la Protectrice salua respectueusement la reine, comme elle l'avait fait la veille, mais le décorum était encore moindre que celui du Conseil. En guêtres vertes et tunique grise parfaitement ajustées, avec pour toute arme une vielle dague au profil curieusement humain sanglé à son bras gauche, Halya n'avait pas essayé de se donner le moindre galon. Seul restaient son maintien régalien et le côté farouche et souple que dégageaient ses mouvements. Randil n'était pas en vu.

-Heureuse de vous revoir Dame Hereon. Entrez, je vous en prie... A moins que vous ne préfériez deviser ailleurs. Je vous aurais accueilli plus dignement si nous en avions le temps...

Le Palais de Chênes aux splendides jardins suspendus était bien loin. La pure vérité était qu'elle ne s'attendait pas à voir passer le temps si vite. Elle attendait cette visite, certes, mais pas aussi tôt ! Et sa tente était-ce qu'elle était : un bureau qui accueillait une malle et un lit défait dont la couverture était parsemée de poils de loups. Heureusement, dans un coin il y avait deux chaises, mais l'endroit devait être bien moins présentable que la tente propre et légèrement à l'écart qu'on avait attribué à cet hôte de marque.

-Je suis encore navrée de l'accueil que vous ont réservé les membres de notre conseil de guerre. Attaqua-t-elle une fois que la question du lieu fut réglée. Le voyage que vous avez fait est tout sauf anodin. Pour parler franc, vous avez toute ma reconnaissance pour ce geste et je pense que le peuple d'Anaëh gagnerait beaucoup à conclure une alliance avec les humains de Naëlis. Surtout en ce qui concerne des partages d'informations ou des mouvements coordonnés. Mais la question est : après ce que vous avez vu hier, Naëlis est-elle toujours prête à conclure ce pacte d'entraide avec une Protectrice ?

Comme Glinaina l'avait si bien fait remarquer la veille, et malgré sa jeunesse, Halya avait fait attention à ne pas oublier le rang de la personne avec laquelle elle traitait. Forte de ses nouvelles résolutions, elle prendrait tout le temps qu'il faudrait et offrirait gite, couvert, rafraichissement et oreille attentive à son hôte; cela se sentait dans sa voix posée. Mais elle ne pouvait se permettre de perdre toute une journée à parlementer pour des bouts de chandelles sans savoir ou elle mettait les pieds.

Un peu surprise, Halya afficha un franc sourire en entendant la Dame de Naëlis avoué qu'elle était habituée aux campements militaires. Femme de tête ou véritable guerrière, elle ne pouvait encore le dire mais cela restait une bonne nouvelle. Avec sa maigre expérience en tant que protectrice, elle avait tout de même remarqué de les personnes habituées à voir la dure réalité des choses réclamaient moins de faux-semblants. Et les ronds de jambe et jeux de théâtres diplomatiques, c'est ce que la Protectrice détestait le plus dans ses fonctions.

Au moins, la tente dans laquelle Halya recevait son hôte de marque était à peu près rangée malgré les documents qui semblaient se répandre comme de la mauvaise herbe et le lit en désordre. La rigueur que lui avait enseignée l'armée avait la peau dure. Elle proposa une chaise à la reine, rapprocha deux godets, une cruche d'eau dans laquelle macérait des plantes et s'assit près d'elle pour l'écouter.

Hélas... Elle ne pouvait pas dire que cette Dame avait tort lorsqu'elle assurait que l'éloignement de Naëlis et Anaëh ferait beaucoup d'heureux. Rien que dans l'armée royale et les hautes sphères des armées locales, la Protectrice pouvait déjà trouver une bonne liste de nom et si les protecteurs étaient plus diplomates, nul doute qu'elle ne trouverait pas beaucoup de gens disposés à prendre ce parti. Les convaincre du bien-fondé d'une alliance serait sûrement le plus difficile. Mais chaque chose en son temps.

Pour l'instant, elle devait discuter les termes de cette alliance. Et ça ne serait peut-être pas qu'une question de bonne volonté... Même si cela ne pouvait pas faire de mal. A la question de la reine, Halya se détendit. Au moins elle savait à quoi s'en tenir.

-Je m'y engage Dame Hereon. Vous seriez étonnée de savoir combien de pas j'ai fait dans la direction des humains... Cependant, comme je l'ai dit hier, notre accord n'est en rien dépendant du bon vouloir de l'armée royale et le Haut Conseil a... d'autres crises à gérer actuellement. Aussi, jusqu'à ce que je fasse valoir cette alliance face à mes confrères, notre alliance ne lie qu'Ardamir elle-même. Wyslena et Mera se rangeront peut-être à mon avis dans les ennéades à venir, mais pour le reste d'Anaëh je ne peux rien vous promettre.

Tout en parlant, elle remplit les deux gobelets de la mixture rafraîchissante et but une gorgée.

-Écoutez. Pour ce qui concerne directement le support armé : mes troupes sont concentrées autour d'Eraison et le resteront jusqu'à sa reprise car nous connaissons bien le terrain. Sur l'Ouest, les troupes de Wyslena restant sur leurs terres seront faciles à convaincre, elles sont prises à la gorge et leur commandant travail en collaboration avec le mien. Mais la plus grande partie des hommes présents seront issus de tous les coins d'Anaëh, et peut-être même de Noss. Je jouerai de toute mon influence pour que le Commandant de l'armée royale et ceux des armées locales acceptent de coopérer le plus possible avec vous sur le flanc extérieur.

Halya avait parfaitement conscience que ce qu'elle proposait était bien peu engageant. Mais en acceptant de faire cause commune avec les humains sans confronter les autres Protecteurs, elle outrepassait déjà ses droits. Elle jouait sa réputation et celle d'Ardamir. Certains pourraient même l'accuser de mettre en danger la sûreté d'Anaëh. Si elle prenait le risque, c'était parce qu'elle avait une idée de ce qu'ils pourraient tirer de cet arrangement malgré toutes les contraintes.
Après une courte pose pour permettre à son interlocutrice d'assimiler ce qu'elle venait de dire, et une nouvelle gorgée d'eau, elle repris.

-Pour l'instant, je peux déjà vous promettre un échange d'information constant. Pour le reste, comme je vous l'ai expliqué, je préfère ne faire aucune promesse que je ne peux pas tenir.

-Très bien.

C'était même plus que très bien. Parfait. Les deux femmes étaient sur la même longueur d'onde. Il ne restait plus qu'un détail important et le principal aurait été fait.

-Si vous désirer qu'un émissaire vous accompagne, je peux vous en attacher un. Il serait également préférable que vous repartiez avec quelques messagers elfes ou au moins deux faucons, car nous ne pouvons accepter d'humains voyageant seuls sur notre sol, autant pour notre tranquillité d'esprit que pour leur sécurité.

Et là serait bien un point inaltérable. Car les humains, plus que tout, étaient imprévisibles. C'est ce qui faisait leur charme, leur force, mais également leur irresponsabilité. S'il était possible de se fier à un individu, le peuple n'était pas digne de confiance à long terme.

-Pour le Commandant de l'armée royale, j'ai bien peur que le chercher soit du temps perdu. Il tient le Front pendant que nous préparons la reprise d'Eraison. Il est bien plus mobile que nous pour éviter de devenir une cible trop tentante. L'atteindre reviendrait à une course sans fin. Mais ne vous en faites pas, il est aussi vaillant qu'au premier jour.

Mais la question suivante de la jeune elfe surprit Halya même plus que le simple fait de l'avoir vu entré sous la tente de l'État Major au nom des humains de Naëlis. Interrogation dans sa voix était si innocente et dénuée d'accusation que la Protectrice en sourit très sincèrement.

-Vous devriez plutôt vous demander pourquoi je n'aurai pas fait appel à notre peuple pour protéger l'Oeuvre de notre Mère.

Elle prit le temps de boire une gorger avant de reprendre.

-Parce que nous ne vivons pas de la même façon, beaucoup d'elfes essaient de faire des Noss et des Cités deux peuples différents. Mais nous sommes frères et sœurs. Enfant de la Mère. Les cités ont été établies par d'antiques Noss. Des êtres qui ont su passer outre leur différence pour protéger les leurs et Anaëh. Certaines s'étaient sûrement trop éloigné des Voies de la Mère, et le sont encore, mais ce n'est pas une fatalité. Refuser une part de notre héritage, c'est refuser de comprendre que tout être est connecté à l'ensemble des autres dans l'Ordre Naturel des choses. Les elfes sont touchés dans leur ensemble lorsqu'Anaëh souffre. La couleur de cheveux, d'yeux, la taille, les vêtements, les mots que nous utilisons pour rendre hommage à la Mère importent peu.

Halya s'autorisa une pause.

-Vous l'avez fait très justement remarquer, ma vision des choses est loin d'être la plus répandue. Je parle moi-même de Cité et de Noss jour après jour, ne serait-ce que pour ménager les tensions et les orgueils blessés. Mais je pense qu'en tant qu'elfe ayant choisi d'unir sa vie à celle d'un humain, vous pouvez comprendre que l'avis du plus grand nombre n'est pas forcément le meilleur. Naëlis a aussi ses préjugés.

Halya sourit de plus belle en entendant la jeune femme parler aussi ouvertement et sans arrière-pensée de sa vie avec les humains. Elle avait choisi de le faire au grand jour, quitte à se mettre tout son peuple à dos. Rien que ce choix forçait le respect. C'était un choix auquel elle avait été confrontée et auquel elle avait répondu d'une manière tout à fait différente. Mais ce qui interpellait le plus la Protectrice, c'était que malgré ce que cette jeune femme avait dû expérimenter, elle semblait continuer de voir le meilleur côté de chacun.

Chacun a besoin d'apprendre des autres.

Dans le fond, ce n'était pas entièrement faux... Quoi qu'avoir quelque chose à apprendre des drows était assez difficile à imaginer. Mais elle se rendait compte maintenant que les proportions étaient bien différentes...

-Apprendre des autres ne peut pas faire de mal, j'en conviens. Mais chaque culture a aussi des défauts qui peuvent faire beaucoup de mal. C'est pour ça que nous gardons les frontières closes en temps normal. Pas pour une obscure histoire de supériorité de sang. Par exemple, les humains sont vifs, emportés, extrêmes dans leurs décisions. Ils s'adaptent et survivent à tout. C'est dans leur nature. Leur longévité, leur éducation. C'est ce qu'il manque aux elfe : ce pouvoir d’innover, cette avidité de découvrir et de conquérir. Mais comment comprendre leur égoïsme ? Leur inconscience de l'équilibre du monde ? Ils laissent leurs enfants mourir, refusent de soigner leurs malades et éventre la terre pour en tirer le plus possible.
Bien sûr, je ne nie pas qu'une véritable alliance serait profitable, surtout par les temps qui courent et je ne parle que de groupe ici. Certains individus peuvent être surprenants et bien au-dessus d'une quelconque moyenne, j'en conviens. Surtout pour une race aussi riche et changeante que la leur. Mais n'en veuillez pas à ceux qui refusent de s'approcher d'une autre culture sans savoir quelles en seront les répercutions à long terme.

Et bien... Maurquimellë devait l'inspirer aujourd'hui.

-Mais je divague encore. Je vois bien que nous sommes d'accord sur ce qu'il convient de faire. A vrai dire je n'ai que rarement eu l'occasion de mener une négociation aussi rapidement !

Elle s'autorisa un éclat de rire. D'habitude, ce n'était pas vraiment dans son style de faire de grand discours verbeux sur un sujet pareil. Elle se contentait de dire que les humains n'étaient pas si mauvais que ça et pouvaient être utile... Comme elle se contentait de dire que les Noss et les Cités étaient du même sang et pouvaient cohabiter et s'entraider. Des lieux communs s'ils en étaient. Et voilà qu'on lui servait un accord tacite sur un plateau et qu'elle trouvait encore à redire...

Mais a bien chercher, ce n'était pas étonnant. En regardant cette jeune reine, Halya avait l'impression de se voir quelques siècles plus tôt... En plus noble et moins sauvage bien sûr. C'était peut-être la première fois qu'elle pouvait parler à une elfe partie en terre humaine et qui avait décidé d'y rester... pour un temps du moins.

Après quelques instants, elle ajouta.

-Pardonnez-moi si vous trouvez ma question trop peu pertinente, mais j'aimerais savoir... Il y a quelques siècles, il existait un village assez proche de la frontière d'Anaëh, entre Wyslena et Naëlis : Blanchamp. Vous trouverez cela stupide, il sans doute été englouti par le Voile... Mais j'aimerais savoir si ce nom vous dit quelque chose.

Son regard avait perdu un peu de son intensité pendant un instant, comme si elle n'était plus tout à fait présente en pensé. Même seule elle n'évoquait que rarement les souvenirs de cette époque. Tout cela la rendait étrangement... Nostalgique.

Halya avait gaffée. Ou mit le doigt sur quelque chose qu'elle n'aurait pas du toucher. Du moins c'est ce qu'elle conclu en voyant le visage détendu de sa jeune interlocutrice changé du tout au tout. Son maigre effort pour alléger l'atmosphère ne fut pas des plus concluant... Mais le silence qui s'en suivit était paisible. Bien plus qu'elle ne l'aurait pensée. Dans ce calme, alors qu'elle avait osé poser à demi mot cette petite question qui fleurissait de temps à autres dans son esprit depuis des siècles, elle avait été un peu surprise par la réponse.

Alors le Voile n'avait pas eut les même effets sur toute la surface du continent. Arcamenel en Ithri'Vaan. Les destructions de Calimenthar au Nord. Peut-être Tari et Elenwë s'étaient-elles également révélées... En tout cas la venu du Barde avait du être une splendeur...

Mais toutes ces considérations religieuses disparurent bien vite face à la dernière question de Glinaina. Oui. Elle était en droit de se poser la question. Mais peut-être était-ce trop risqué de se dévoiler ainsi. Si elle était appelé à l'impliquer plus avant dans les relations entre les humains et les elfes, cette jeune femme pourrait côtoyer bien d'autres Protecteurs et il valait bien mieux que certaines choses restent dans l'oublie... Comme ce qu'il était advenu de ce petit village. Mais peut-être aussi n'aurait-elle pas d'autre occasion dans toute une vie de rencontrer une femme avec une telle expérience hors d'Anaëh. Un morceau de la vérité peut-être. Un de ceux qui n'engageait à rien...

-Un peu... Mais je ne vous l'aurai pas demandé si cela risquait de m'offusquer. J'ai vécu dans ce village pendant près d'un siècle après avoir explorer les terres hors d'Anaëh, expliqua-t-elle finalement avec un petit sourire. Mais cela ne doit pas être la seule chose à avoir changé en Naelis.

Une bribe. Une éclat. Rien du tout. Et pourtant plus que la plupart de son entourage pour lequel elle avait été mercenaire pendant près d'un siècle, sillonnant les routes arides de l'Estrévent. Évoquer autre chose n'était pas si désagréable.

La curiosité de la jeune elfe touchait la Protectrice. La petite voix qui lui intimait de garder le silence sur cette époque de sa vie se faisait plus sourde. Par ces questions anodines, Halya avait l'impression d'être étrangement proche de la Reine de Naëlis. Elle sourit en portant une main à sa tempe sous l'effet d'une intense concentration.

-C'était... voyons que je ne me trompe pas... Il y a deux, trois, cinquante, deux-cent deux ou deux-cent trois ans que j'ai quitté les terres mortelles je crois.

Une petite éternité en soit. Bien loin de savoir qu'une légende folklorique s'était élevée des cendre de sa vie humaine pour se répandre dans les quelques bourgs non loin de la lisière des bois, transformant chaque détail en une histoire méconnaissable ; Halya avait toujours considérer que les noms et les visages de tous ce qu'elle avait connus étaient tombés dans l'oubli. Les plus lointains descendants de son fils ne devaient plus connaître ne serait-ce que son nom ou sa profession.

-Je me rappelle d'une toute petite ville marchand en Ithri'Vaan dans laquelle j'ai rencontré des nains pour la première, Thaar il me semble. Et Sol'Dorn de laquelle je me suis tenue éloignée comme de la peste. D'autres ruines de vieilles cités plus au sud, hantées de choses étranges. Mais je ne peux pas prétendre connaître la vie à Naëlis même, je ne m'y suis arrêter que quelques jours. La vie y était difficile, peu prospère. Je n'ai jamais compris ce qui pouvait pousser les humains à se laisser mourir de faim les uns les autres ou abandonner leurs propres enfants, mais c'était là un exemple flagrant. Les sombres y régnaient par la force et la peur, comme sur le reste des terres du sud et de l'est. Les gens comme nous n'y étaient pas les bienvenus.

Un sourire vif fleurit sur son visage.

-La dureté des terres humaines m'a fait rebrousser chemin, je dois l'avouer.

Bien étrange phrase pour accompagné un air si jovial, mais ce départ représentait tellement de choses.

-Mais même dans les heures les plus sombre, chacun peut faire éclater une lumière inattendue. On y vivait tant bien que mal, comme partout ailleurs. La campagne était dangereuse, surtout compte tenu de la proximité d'Aduram et Anaëh mais la terre était fertile et les animaux y vivaient en abondance malgré la chasse excessive. Dans les régions peu protégées, les attaque de brigands ou simplement d'hommes affamés étaient monnaies courantes.
Avec la guerres les paysans doivent avoir bien d'autres problèmes maintenant. Mais peut-être que la présence de l'une des notre dans l'entourage de leur monarque a adouci les conditions de vies de la Cité ? Ajouta-t-elle avec un demi-sourire.

Elle se permettait là un écart mais finalement, elle ne craignait pas trop la réaction de la jeune femme. Elle l'écouta a son tour puis fronça les sourcils lorsqu'elle posa une nouvelles question sur un ton légèrement moins assuré.

-Il faudra que vous m'appreniez à reconnaître au premier coup d'oeil ceux qui peuvent entendre la Symphonie. Je ne pensais pas que cela se lisais aussi aisément sur mon front.

Même si les elfes des Noss pouvant entendre Anaëh chanter étaient légions, les Citadins possédant ce lien étaient bien peu nombreux, surtout depuis le Voile. Mais ce fait intriguant n'était pas assez perturbant pour que les traits détendus d'Halyalindë se brouillent. Elle posa une main sur le bras de la jeune femme.

-Vous n'avez pas a vous en faire. Si vous désirez revenir et retrouver une vie paisible le moment venu, il y aura toujours quelqu'un pour vous accueillir.

A quoi bon ajouté que la possibilité la plus probable était qu'elle n'ai pas envie de revenir ? Que si elle désirait aller de l'avant, elle devrait se défaire de ses souvenir, chaîne après chaîne, pour ne garder que ce qu'elle pouvait supporter et emporter. Après tout c'était peut-être seulement Halya, pas de quoi généraliser. En cet instant du moins, elle aurai aimé être un cas particulier. Elle embraya.

-Vivre au contact d'autres race a été très enrichissant. J'ai vu quelles étaient les lacunes de notre peuples, j'ai même beaucoup remis en question l'intégralité de nos traditions, de notre acharnement a rester loin des autres races, mais j'ai aussi vu quelles étaient ses forces et sa sagesse. Et j'en suis revenue bien plus confiante en notre mode de vie que lorsque je suis partie... Et j'avoue que je ne désespère pas totalement de voir un peu de l'imagination et de l'inventivité des humains rejaillir sur nous si cela ne nous coupe pas des traditions anciennes.

Mais pour en revenir à votre question, m'éloigner d'Anaëh a été difficile. J'entendais à peine la Symphonie pourtant c'était comme si la plupart des terres hors d'Anaëh étaient en sommeil. Muettes. Je n'en ai pris conscience qu'en revenant à Ardamir. Et après ça... disons que les circonstances de mon retour en Anaëh ont fait que la Symphonie est devenue bien plus importe et bien plus présente dans ma vie qu'avant mon départ. Le Voile a bien plus bouleversé mon lien envers Anaëh que mes années en terres humaines. Alors je pense que rien ne peut briser un tel lien. Comme rien ne peut vous ôter les souvenirs que vous avez de votre vie en Anaëh ou en Naëlis. Vous avez des enfants ?

Elle s'interrompit soudain, comme si ce brusque changement de registre lui avait échappé. Elle se passa une main sur la nuque avec un rire gêné.

-Pardonnez-moi. C'était soudain. Ne vous sentez pas obliger de répondre.

La question de la jeune femme était soudainement revenue dans son esprit, plus sérieuse. En revenant sur son propre passé, elle se rappelait de la fuite en avant qu'elle avait effectuée. De toutes les questions qu'elle avait évité de se poser. Glinaina était décidément bien plus mûre qu'elle.

-Une femme du village dans lequel j'ai vécu avait coutume de dire que Ceux a qui on donne la vie, finissent toujours par sauver la notre de la façon la plus inattendue qui soit. Si vous avez la chance de construire une famille, ne vous posez pas trop de questions... qu'elle soit immortelle ou non. Si un prêtre de Kÿria m'entendait, il me châtierait sûrement sur le champs, mais je suis convaincue que vos proches vous mettrons sur la voie qui est faites pour vous. Et si vos pas vous conduisent en Anaëh a nouveau, même si cela prend du temps, vous y retrouverez une place.
En dehors de la forêt on a tendance à oublier le calme reposant que représente une vie Citadine... Voir sans cesse les même visages, savoir qu'ils ne tomberont pas en poussière en quelques années, pouvoir construire sur le long terme... Retrouver une stabilité est un grand changement qui compense largement la lenteur d'esprit ou l'incompréhension de certains. Et si comme moi le calme ne vous va pas, il y aura toujours des occasions pour trouver de quoi s'occuper.

Elle fini sa dernière phrase sur un léger éclat de rire en montrant d'un geste les papiers étalés sur la table.

-Si je peux vous confier quelque chose... Ce qui m'a été le plus difficile en revenant en Anaëh n'a pas été de retrouver une place, un métier ou des amis, mais de perdre les habitudes les plus flagrantes de mes voyages. Le contact physique surtout. Je me suis rendu compte à quel point nous nous tenions éloignés les uns des autres. Vous auriez du voir les réactions de mon entourage devant mes démonstrations d'affection durant les premières décennies...