[HT Teiweon] Tractation avec la voix des morts | Elvanshalee

Bàrkios, Huitième ennéade de l'an Huit du Cycle Onze,
Temple de Teweion, Puy d'Elda

"Au-dessous du nombril, il n'y a ni religion ni vérité. "
Extrait du journal de Khernal Kre'Nael

Le Temple de Teweion, Déesse des Morts et des Âmes, s'ouvrait devant lui. Les lieu étaient sombres, mais majestueux. Personne ne pouvait penser qu'un tel temple était creusé à même la roche d'un volcan à la place de galeries âgées de plusieurs Cycles... La nef, où se rassemblait les priants, était grouillantes de drows s'inclinant devant la Déesse Mère, en espérant obtenir Ses grâces. Khernal entra dans le temple, le visage relevé toisant la foule. Les fidèles baissaient la tête à son passage, par respect pour la déesse ou par révérence vers le Ditronw Da're ou encore par crainte qu'il ne lise dans vos esprits d'un simple regard – de telles rumeurs courraient effectivement dans le Puy, mais rares étaient ceux sachant réellement de quoi il retournait.

Le drow traversa la grande allée jusqu'à la statue de la Déesse. Là, il s'y inclina bien bas. Non pas qu'il espérait avoir les faveurs de Teweion, mais un Daeldhel ne respectant pas les traditions en matière religieuse risquait gros. Et la première grosse perte serait le soutien des prêtres et prêtresses. Le sombre s'arrêta sur la gauche de la statue et attendit. La Haute Prêtresse devait l'attendre ici, selon la lettre qu'il lui avait envoyé dans la matinée, et son retard l’énervait au plus haut point. Ces prêtres et leur arrogance... Ils pensent que le monde est à leur pied car "la Déesse leur parle". Foutaises. La Déesse était dans son palais stellaire, à compter les drow morts et à rire de leur stupidité à s'incliner devant elle telle des larves. Et tout les gens présents ici, qu'ils y soit par ferveur ou par hypocrisie, étaient ces larves. Et les prêtresse étaient les corbeaux qui se déléctent des larves. Khernal sourit en pensant que sa métaphore était bien trouvée.

Un phrase lui revint en tête, une phrase entendue de la bouche d'Haldren Baenfere lui-même : « Selon Ornod Ad’Sherk et Lyar Venltar, une divinité n’est rien d’autre que de l’énergie issue de la foi de ses fidèles, patiemment accumulée au cours des millénaires au point de développer une conscience d’elle-même. D’une certaine façon, Ornod affirmait que nous créons les dieux, et ce depuis des temps immémoriaux ». Le mage devait avoir raison. Après tout, le Ditronw Da're n'y avait jamais pensé. Les rituels et les sorts complexes était une occupation bien trop mangeuse de temps que les débats théologique n'avait jamais été sa priorité.

La Hautre Prêtresse arriva. Le mage s'inclina bien bas devant celle-ci puis se releva et introduit le dialogue.

« Bonjour, Haute Prêtresse. Je vois que vous avez reçu ma missive. Nous avons à parler, et cela ne peut attendre plus longtemps. »

HRP:

L’ouvrage majestueux qu’était le Temple de la Mère fut le théâtre des plus grands bâtisseurs qu’eut jamais abrité le Puy d’Elda. Les murs de pierre noble se déclinait en une nuance de gris foncé et de noir. Les parois étaient souvent habillés de voiles et rideaux d’un bleu smalt ou encore colbat. A cela s’ajoutait la particularité de ces tranchées creusées sur les bas-côtés des pièces et couloirs offrant l’écoulement continu d’une eau limpide. Le Sanctuaire était ainsi bercé par la symphonie éternelle de ces petits ruisseaux aménagés en résonance avec les cantiques louant la Mère des Ombres. La nef centrale était un chef d’œuvre d’architecture abritant les aussi sublimes que sépulcrales statues représentant Teiweon Danath’Koor. Et puis, il y avait ce symbole, l’autel par lequel tant de vie périt, par lequel tant d’âme nourrit la Déesse Mère. Ce dernier était sculpté en une magnifique fresque contant la célèbre cosmogonie Drow de l’Eda et plus précisément l’épisode de la naissance de Teiweon, « Une Cujjin » d’un genre officieusement officiel à moins que cela soit l’inverse mais qui avait eu l’aval de ceux qui furent autrefois Rois. Le sang élément inconditionnel avait des sillages rainurant le marbre jusqu’aux traits, de part et d’autres, de calices ciselés. Les longues cannelures coulaient jusqu’au sol et se perdaient en un schéma complexe redessinant allégoriquement les bannières de la Sombre déité jusqu’à se perdre parmi les ruisseaux alimentant les « bassins » de la façade du temple.

De la pénombre jaillit une main, une main pourvue de griffes métalliques qui s’échouait lascivement sur l’épaule du Ditrown Da’re en une délicate caresse. Les phalanges couraient désormais le long de son bras jusqu’à ce que la silhouette de la drow se détache des abîmes du sanctuaire. La Haute-Prêtresse était fidèle à elle-même pourvue d’une houppelande échancrée laissant entrapercevoir son échine par de menu endroit suggestif. A l’étoffe couleur encre nuancé de bleu se mêlait des bandes de cuir matte qui, à y regarder de plus près, couvraient les divers points vitaux de l'Ssivah d'l'ilhar. Désormais, la Prima Sanguis lui faisait face offrant ce sourire en coin. Malgré les lanières de cuir couvrant ses yeux, l’aisance de ses mouvements était un état de fait.

« Ne vous a-t-on jamais instruit sur l’Eda ? » Souffla-t-elle sur le ton de la confidence quant à ses propos sur la cosmogonie des dieux.

« Le nouveau Ditrown Da’re nous ferait-il enfin l’honneur de nous rendre hommage comme son prédécesseur, Haldren Baenfre, qui nous offert en sacrifice trois de ses hommes ? Vous allez me dire que nous sommes en tant de guerre… Et que vos croyances se tournent certainement davantage vers Valas… »

Un sifflement mêlé au son rauque d’un ronronnement brisa le silence. Et un corps longiligne grimpa lentement le long de la silhouette de la drow. L’animal n’était autre que Nagi, son tatzelworm de compagnie. La tête de félin ne tarda pas à se reposer contre l’épaule de sa propriétaire qui de sa senestre vint prodiguer quelques flatteries au niveau de son menton. A vrai dire, elle savait pertinemment qu’il ne venait pas à cette fin mais apprécia rappeler à quel point les attentions envers le culte étaient grandement appréciées et qu’elle était l’autorité de concert avec le Karliik Glenn actuel. Après tout, Elvanshalee avait formé aux côtés de Malag et d’Haldren, une alliance qui avait porté l’ancien Obok Senger du second Ost là où il en était actuellement après avoir éliminer la Prime-Sorcière. Elle imprima un pas contre le dallage du Temple, sa main se saisissait de celle de Khernal qu’elle entrainait dès lors au sein d’un couloir. Le long du chemin, il pouvait peut-être se sentir suivi. Peu d’inquiétude, l’ombre n’était autre que Shar’Alak, l’un des Da’ron de sa suite. Ce noirelfe était véritablement son fantôme, vétéran du premier Ost atteignant bientôt le millénaire. Ils terminèrent leur cheminement jusqu’à cette pièce qui lui servait de bureau. Elvanshalee prit place sur l’une des banquettes murales habillées de nombreux coussins, Khernal était naturellement invité à s’asseoir et reçut des mains d’un domestique qui traina par là une coupe de vin s’il l’eut voulu.

« La Fille de la Voilée vous écoute, que requiert le Ditronw Da’re ? »

Dès à présent, Nagi serpentait le long du corps de sa maîtresse, circonscrivant les courbes de manière aussi possessive qu'il l'eut pu, couvant sa propriétaire avec toute la témérité qu'un chien de garde pouvait fournir jusqu'à finalement juger que la situation fut hors de "danger". La tête féline se laissa choir, indolente, contre les cuisses de l'ligrr d'l'vetus .

Le pas de la prêtresse retentissait doucement sur l’allée de granite, et les échos se perdaient au lointain. A des centaines de pieds sous terre, le Temple de Teiweon la protégeait de toute sa hauteur des tonnes et des tonnes de roches agglutinées au-dessus d’elle. Pour qui n’était pas habitué, la pression du monde et ses quintaux de sédiments sonnaient comme un tintinnabulement grave à vos oreilles, sans que vous pussiez véritablement l’entendre, et le sang vous battait faiblement les tympans. Peut-être même était-il possible d’entendre le doux soupir de Teiweon, qui, s’engouffrant aux quatre vents dans les longs couloirs de pierre, vous enlaçait de sa bise funeste. Mais, à force de temps passé, de nuits et de jours qui s’étiolaient dans l’espace, indiscernable sous la voûte rocheuse, la respiration devenait moins frénétique, l’on respirait mieux, et l’ouïe se dégageait imperceptiblement.

A présent, Dralassa aimait à arpenter ces lieues et lieues de catacombes englouties par le Puy, grimpant une à une les marches parsemées çà et là, louvoyant autour des autels et des colonnes, passant devant les alcôves. La vastité des lieux la plongeait dans une pénombre vespérale, séculaire, et l’emplissait d’une immense sérénité, grave et austère. Les diverses litanies que l’on psalmodiait au loin et l’air froidureux qui circulait entre les piliers accoisaient son âme et son esprit. C’était chez elle, sa demeure, et la prêtresse s’y sentait bien.

Un nouveau-venu. L’on s’écarta devant lui, s’inclina sur son passage, et les pas du sombre le conduisirent directement devant la grande statue de Teiweon Danath’Korr, là où ce fut à son tour que de se prosterner devant la grandeur et la majestuosité de leur Déesse à tous. Nul n’échappait à Son œil vigilent, et lui faisait bien que de lui discerner ses hommages, fussent-ils sincères ou non. Quelques enjambées plus loin, et le drow s’arrêta devant la Cujjin. Dralassa erra un moment dans les parages, curieuse de cette nouvelle présence qui, si l’on s’attardait un tant soit peu sur sa posture et les regards qu’il jetait çà et là, attendait vraisemblablement quelqu’un. Elle roda placidement dans les environs, ne cherchant ni à se faire voir, ni à se dissimuler. Elle n’était qu’une âme parmi tant d’autres en ce lieu sacré qui les réunissait tous, et sa présence n’avait rien de désobligeant, et moins encore de suspecte. Lorsque le sombre la remarqua, au bout d’un certain temps, long comme court, elle s’inclina à son tour comme l’eût fait une vulgaire novice.

La dague fut dégainée comme la prêtresse marchait dans la direction du sombre qui patientait, que pour mieux le dépasser. S’accroupissant doucement, Dralassa plongea la lame dans ce fin caniveau d’où sourdaient de doux clapotis et un ruissellement cristallin. L’eau, fraîche et pure, entreprit de laver le sang qui maculait encore l’acier de l’arme, utilisée au cours de quelque sacrifice sibyllin pour le néophyte.

Une nouvelle présence, féline et joueuse. Un pas contenu et lascif, une prestance altière et mise en scène, et le port ostentatoirement confiant de l’hôte qui ne connaît nul rival au sein de sa propre demeure. La Haute Prêtresse Elvanshalee Hune’Beaenre venait d’apparaître derrière le sombre. Atournée comme à son habitude, d’une sade et gente façon, la voilà qui batifolait avec, laissant s’égarer ses doigts de son épaules à son bras, lui témoignant quelques platitudes à revers de fausses lubies auxquelles personne ne croyait.

S’intéressant fortement à tout leur pratricotage, Dralassa tendit l’oreille. Après quelques siècles de cabales rondement menées et d’intrigues fomentées, la prêtresse avait l’art et la manière d’affecter le désintérêt le plus évident, quand bien même chaque disciple et chaque affidé présent céans-même pouvait être les yeux et les oreilles d’un autre. D’une toute autre façon, la neutralité et le stoïcisme habitaient son visage depuis bien trop longtemps déjà. S’emparant d’un tissu de lin qu’elle trempa dans la rigole après avoir rengainé sa lame, elle se rapprocha d’eux jusqu’à parvenir auprès de la Cujiin. Elle s’abandonna dans la contemplation des camées, des mosaïques, et des fresques en tout genre, lesquelles racontaient de leurs pigments bigarrés toute la création du Monde. A renfort de lents gestes, attentionnés et aimants, Dralassa entreprit de laver les façades apparentes de l’autel, tout en laissant se conglutiner le sang ; Teiweon ne s’était peut-être pas encore repue des âmes charriées par le liquide vitale, et la prêtresse décida de remettre ces ablutions au lendemain.

Le Ditronw Da're, et un nouveau qui plus était. Assurément, il ne ressemblait point à Haldren, qu’elle avait déjà aperçu lors de l’assaut du temple de Valas, il y avait de cela quelques années déjà. Un mage, si fait. Voilà qui confirmait donc ce qu’elle avait pressenti aux lisières de la trame de la réalité. Il ne tarderait pas à s’ourdir, dans les ombres des alcôves et des renfoncements épars que proposait le temple, quelques relents de brigue. Alors qu’ils venaient tout juste de décider de s’en aller pour poursuivre leur conversation ailleurs, Dralassa agit.

Dans une grande sémillance, l’Aveugle, éternel bandeau enroulé sur son regard, se porta à leur hauteur, ayant d’ores et déjà décidé du rôle qu’elle interpréterait. Elle s’inclina de nouveau devant le Ditronw Da're, et plus encore devant sa supérieure.

« Permettez que je vous suive, ès qualité de simple disciple. Vous aurez assurément besoin de quelque service ancillaire », murmura-t-elle d’une impérissable voix basse et atone.
Elle les suivit alors dans ces longs couloirs qui menaient jusqu’à l’antichambre d’Elvanshalee.

Là, elle mit à disposition sa pourvoyance, en boisson comme en mets, et entreprit de servir les deux sombres. A renfort d’humilité doublée de simplicité, dans des gestes malgré tout souples et gracieux, elle éclipsa la rustauderie et la rigueur du conviviat comme le vin s’écoulait en abondance dans deux coupes qui vinrent rejoindre les mains des hauts dignitaires.

Puis, la simple servante qu’elle était se rencogna dans une alcôve, regard bandé mais dardé en direction de Khernal, et patienta, prête à tout enregistrer de ce qu’il se dirait là.

"L'art de gouverner consiste à ne pas laisser vieillir les hommes dans leur poste."
Khernal Kre'Nael

La main quasi féline de la Hautre-Prêtresse se posa sur son épaule couverte du tissu de sa robe de mage. Calme et serein, le Ditronw Da're se retourna, découvrant le visage aux yeux bandés de son interlocutrice. Cette personne avait été une alliée de choix dans les plans d'Haldren, il n'y avait pas de raison qu'elle ne le soit pas dans ceux de Khernal. l'Aveugle prit la main du mage et le guida à travers les dédales du temple. Le geste était totalement dénué de sentiments, et relevait plus de la familiarité. Les deux drow s'installèrent dans une pièce où une novice aux yeux bandés leur apportère de quoi boire. La noirelfe se retira, laissant la prêtresse et son invités.

« Vous comprendrez qu'un tel geste n'est pas possible en temps de guerre... Cependant, je m'engage à ce que vous puissiez venir personnellement choisir cinq membres de ma garde personnelle pour nourrir la Déesse. Cela vous convient-il ? »

Khernal ne fit pas attention à l'animal lové sur les cuisses de la maitresse et se concentra un instant pour projeter son esprit hors de son corps. Il s'éleva au dessus de la pièce pour la sonder et regagna son enveloppe charnelle immédiatement. Les deux Sombres étaient seuls, si l'on exceptait la novice dans un coin de la pièce qui ne semblait pas représenter une quelconque menace. Un vieux guerrier de la Da'ron de la Haute Prêtresse était aussi présent mais ne représentait aucune menace.

« Ce que requiert, ou plutôt, ce que demande le Ditronw Da're à la Voix des morts est très simple. Malag'eyl, notre Karliik, a définit une stratégie ma foi très astucieuse pour l'extermination de nos lointains cousins adorateurs de Kÿria... Mais une telle organisation nécessite la mobilisation de tous les Ost et nous nous retrouvons en manque de guerriers sur l'un des deux fronts. Si la Fille de la Voilée en convient ainsi, j'aimerai qu'elle se rende là où on l'attend avec ses fidèles afin d'y soutenir l'armée. Vos talents y seront bien utilisés, et les elfes capturés entièrement donné en sacrifice à la Mère. »

La novice – qui n'était autre qu'une Grande Prêtresse du culte – accroupie dans un renfoncement de la pièce avait les yeux bandés dardés sur la Ditronw Da're, qui sentait le poids de son regard. Il ne s'en formalisa pas et reporta son attention sur la Voix des Morts. Ses cheveux blanc d'ivoire tombaient en cascade dans son dos jusqu'à ses hanches. Sa peau d'ébène était quasi nue, à l’exception de certains endroits particulièrement ciblés qui étaient recouverts de fines lanières de cuir. Ses formes étaient parfaite, tout ce dont un drow pouvait rêver. Mais Khernal réprima au plus profond de lui ses pulsions masculines et se concentra sur ce qu'il proposait à la Haute Prêtresse.

Cette femme représentait avec Malag'eyl l'un des plus grandes autorités du Puy. Elle ne serait pas facile à convaincre. Mais au nom de la victoire Eldéenne elle se devait de se mobiliser. Ses pouvoirs de mage, dévastateurs, à ce que l'on disait d'eux, serait en effet très utiles sur ce front...

HRP:

Un monde séparait l’antichambre d’Elvanshalee du reste du Grand Temple. Là, l’on oubliait avec évidence les cassolettes qui laissaient exhaler des fragrances d’encens par-delà les litanies des anamnèses pour se concentrer sur des sujets ô combien plus importants. La guerre et les relations diplomatiques en faisaient partie, et, à l’ombre des alcôves, quelques-uns décidaient du sort des plus nombreux. Tapie dans l’une d’entre elles, Dralassa écoutait les desseins de ceux de sa caste, les conflits qui s’engageaient, ainsi que les promesses faites par les deux partis. Il était de bon aloi que de commencer les négociations par ces cinq guerriers que l’on offrirait en sacrifice, en hommage à Teiweon. Le Temple serait assurément heureux et satisfait de cette initiative, et cela même si elle avait dû être diligemment rappelée par la Grande Prêtresse. Mieux ne valait pas blasphémer la Déesse de l’Ombre en s’impatronisant au sein de Son domaine pour simplement s’enquérir de nouvelles troupes. Les coutumes, à force d’usage et de tradition, avaient force de loi.

Au travers de son bandeau de lin, Dralassa sentit quelque chose. Dans son environnement proche, les vents de magie s’agitèrent, et une multitude de petites taches multicolores vinrent nuancer la périphérie de son regard. Elle monopolisa sa volonté, que pour mieux sentir une légère palpation de sa personne comme de la salle, aussi douce et légère que la dernière vague de la marée mourant sur le rivage. Etait-ce elle que l’on cherchait à sonder ? Plutôt qu’une légère nappe, ce fut une lame de fond qu’elle renvoya, sans aucune sensibilité pour celui qui la recevrait. Ce n’était pas une attaque, pas même une menace, mais plutôt un revers de la main qui balayait les éventuelles questions que l’on pouvait se poser à son sujet. Tout cela avait été effectué au-delà de la trame de la réalité ; à l’instar de son comparse aux cheveux chenus, Dralassa n’avait point bougé. Elle en revint à la conversation.

Voilà ce que demandait le Ditrown Da’re ; la participation de Teiweon dans la guerre que menaient les sombres à l’encontre de leurs cousins séculaires en suivant les directives du Karliik Malag’eyl. Car les guerres étaient couteuses, aussi bien en denrées qu’en elfes, et toute aide leur serait bienvenue, et cela d’autant plus que le conflit avait été ouvert sur deux fronts sensiblement différents. Dralassa détourna le regard du Ditronw Da’re pour le rediriger sur la Haute Prêtresse. L’humble servante, qui se tenait toujours dans les ombres, nourrissait intérieurement une certaine curiosité sur le projet, et tenait à observer le visage d’Elvanshalee lorsque celle-ci apporterait sa réponse.

Si cela n’avait tenu qu’à elle, Dralassa eût sauté sur l’occasion. Inutile de tergiverser et de se perdre en argutie ; mieux valait passer à l’action. Il pouvait être bon que le Grand Temple de Teiweon sortît un peu de son érémitisme antédiluvien pour s’ouvrir au monde et s’adonner à cœur joie dans de grandes représentations sacrificielles et belliqueuses. Livrer guerre aux sylvains. Son abéance de massacres et de douleurs elfiques l’enjoignaient à lever quelques voïvodes et leurs vavasseurs pour s’en aller bourreler les elfes de l’ordalie qu’ils lui avaient faite subir. Elle fut bien tentée que d’exprimer son avis sur la question, mais le risque de dessiller le Ditronw sur sa condition de Grande Prêtresse demeurait trop élevé. Mais Dralassa s’y trouva bientôt obligée.

Alors qu’Elvanshalee s’apprêtait à répondre, l’on prit à peine le temps de toquer à la porte que celle-ci s’ouvrit aussitôt. Tous les regards se tournèrent dans cette direction ; l’on n’avait aucunement l’habitude de déranger la Haute Prêtresse lorsque celle-ci recevait. Une personne d’importance circula dans l’antichambre pour aller murmurer quelques sibyllines paroles à l’oreille de la Haute Prêtresse, si faiblement qu’elle seule put comprendre de quoi il en retournait. Quelques secondes plus tard, et elle quittait les lieux, non sans en informer préalablement son invité. La sombre damigella, alors toujours en retrait, s’altéra soudainement en une disciple d’un bien plus haut niveau que ce qu’elle avait bien laissé croire de prime abord.

«J’ose espérer que vous ne prendrez point ombrage à ce que j’assure la relève », murmura-t-elle en s’installant lentement dans le fauteuil qu’occupait jusqu’alors Elvanshalee. L’idée lui était des plus truculentes ; qu’une petite servante s’arrogeât ainsi du droit de présider l’abouchement entre la Haute Prêtresse et le Ditronw Da’re ne manquerait pas d’irriter ce dernier. Tout drow se fût assurément fendu de ce petit sourire torve et cauteleux dont ils avaient le secret, surtout au sein d’une pareille intrigue, et le regard qui s’en serait suivi aurait été teinté d’une lueur aussi malicieuse que matoise. Dralassa n’afficha qu’un austère visage de marbre, déclinant non pas son rang, mais simplement son identité. Le plus platement du monde.

«Dralassa en’Sharen. »

Cette place qu’elle occupait désormais lui octroyait déjà quelques droits, et elle s’en saisit bien volontiers. Avec grand naturel, sans vergogne aucune, Dralassa s’empara du verre qu’avait tenu sa supérieure et le remplit à l’aide de la carafe. Elle reposa ensuite cette dernière avant de reposer son dos contre les coussins damassés du fauteuil, croisant nonchalamment une jambe sur l’autre.

«Tout d’abord, reprit-elle in poculis, de sa voix atone et anormalement basse, sachez que le Temple aussi bien que Teiwon se trouvent honorés du futur présent que vous avez annoncé, et que nous ne rechignerons pas sur les cinq membres de votre garde personnelle que vous offrirez. Le geste est d’autant plus apprécié que, comme vous l’aviez souligné, le temps est à la guerre. »

Dralassa fit une petite pause, gobelottant le contenu de son verre. Boire lui faisait grand bien, surtout lorsqu’elle dialoguait. La Grande Prêtresse continua sur sa lancée, de son ton monocorde et morne, sans changer de posture.

«Bien que je parle au nom du Grand Temple et de Teiweon, je ne puis promettre le total engagement du culte dans cette guerre. Nous ne sommes déjà pas étrangers dans l’ascension de Malag’eyl au poste de Karliik, et ce fut là une brillante opportunité que nous lui avons offerte et qu’il sut saisir. Et nous ne nourrissons aucun grief à votre encontre, Ditronw Da’re ; le Temple vous félicite de votre dernière progression, mais, dans la mesure où nous n’avons pas encore eu affaire avec vous, nous ne nous sentons aucunement débiteur, à vous comme à Malag. »

Nouvelle pause de circonstance, le temps qu’elle humecta une fois de plus ses cordes vocales trop durement touchées. Il n’y avait que du vrai, dans ce qu’elle venait d’affirmer, mais d’autres éléments étaient encore à prendre en compte, réciproquement. Eléments qu’elle ne tenait pas à dévoiler aussi facilement. Le Temple ferait si fait bonne figure dans sa prochaine démarche.

«Toutefois, si Teiweon n’est point reconnue pour sa mansuétude, Elle peut faire preuve de bonne volonté à l’égard de ceux qu’Elle considère comme ses alliés. Nous statuons sur le fait que l’hégémonie des Sombres sur les elfes doit être connue par chacun, et surtout par ces derniers. Qu’un regroupement de prêtres, de disciples, d’acolytes et de cultistes de Teiweon, ainsi qu’une possible compagnie de mercenaires financée par le Temple se portera garant de votre demande, et marchera là où les mèneront les plans du Karliik. A moins que la Haute Prêtresse Elvanshalee Hune’Baenre ne soit également de la partie, je prendrai la tête de ce petit groupe. »

La Grande Prêtresse, dans une certaine nonchalance qui tranchait sévèrement avec l’austérité de sa voix et de son expression, décroisa les jambes et se redressa davantage en direction du Ditrown Da’re. Il était des choses qui se devaient d’être exprimées clairement.

«Nous nous entendons bien, je gage, en affirmant que cet acte de « bonne volonté » de notre Déesse, alors que rien ne vous est dû, va de pair avec une partie des récoltes des retombées économiques, sociales, militaires et territoriales de notre future victoire. »

Citation :: Elvanshalee passe ce tour-ci de réponse.

"Il faut abolir les religions, afin de reprendre le contrôle de notre vie. La religion, c'est la pensée d'un autre."
Extrait du Journal de Khernal Kre'Nael

La contre-attaque sous forme de lame psychique prit Khernal au dépourvu. Elle alla s'écraser sur ses barrières mentales, mais il ne s'attendait pas à une attaque en plein Temple de Teiweon. Son entrevue avec la Haute-Prêtresse le paralysait entièrement et il ne pouvait faire que comme si il n'avait rien remarqué. Mais son esprit en ébullition élaborait mille et une stratégies de défense ou, dans le pire des cas, de fuite. Qui avait bien pu lui renvoyer une telle attaque ? Il aurait senti si c'était le Fille de la Voilée, et la seule personne dans la pièce était l'esclave accroupie dans un coin. Il ne pouvait pas non plus vérifier que c'était elle, un nouveau sondage signifiait une nouvelle exposition. Et il mettrait la maitresse du culte sur ses gardes. Alors le mage attendit patiemment.

Contre tout attente, la surprise passa plus rapidement que l'on ne l'aurait prévu. Khernal écarquilla certes les yeux lorsque, prétextant une chose importante à régler de toute urgence, Elvanshalle quitta l'entichambre et fut remplacée en une fraction de seconde par la Noirelfe qui venait de se fondre dans le décor de la pièce. Celle-ci s'annonça simplement par son nom et par une excuse à peine formulée à laquelle Khernal retint une pique sarcastique en mettant en avant le fait que la Haute Prêtresse seule pouvait répondre à sa requête. Pourtant il se tût et écouta calmement. Au fur et à mesure de ses mots, avisés et imprégné d'un bon sens qu'une simple servante n'aurait pu avoir. Par déduction, Khernal en conclut qu'elle s'était joué de lui en se faisant passer pour une esclave et écouter la conversation à l'abri des accusations. Peu importait, il valait mieux qu'elle ait le pouvoir de lui accorder ce qu'il était venu chercher.

Cependant, il n'aima d'aucune façon la manière subtile avec laquelle elle lui força la main quant au sacrifice annoncé. Cette simple phrase posa les bases de la discussion, qui serai fondé sur un respect, une distance et une méfiance mutuelle. La discussion, que Dralassa mena d'une main de maître à la poigne de fer, sembla échapper au contrôle du Ditronw Da're. Chaque mot était soigneusement posé et faisait son effet. Rien à voir ici avec une discussion que l'on pourrait avoir avec un soldat de l'armée Sombre.

La voix basse et atone de la Grande Prêtresse résonnait encore dans la petite pièce et plongeait les deux Sombres dans l'ambiance particulière du Temple de la Voilée. Celle de Khernal, forte et tranchante, vint la briser quand elle sortit de ses lèvres.

« Il est évident que le Temple de la Voilée ne nous est pas débiteur. Cependant, il ne peut que lui être bénéfique d'inscrire en mettre d'or son mérite dans la victoire écrasante qu'il aidera à fournir à l'armée. Sans compter ce que vous avea à gagner. La soif de Teiweon sera étanchée et les autel crouleront sous le sang impie des Peaux Blanche. »

Une statue de la Voilée attira le regard du mage. La regarder le détourna un moment de la tenue et de l'attitude provocante de la Prêtresse, qui, les jambes croisées, semblait vouloir jouer sur le fil tendu au dessus du ravin de la vulgarité. La représentation de la déesse était fidèle à l'image que s'en faisait une bonne partie de la société drow. Un crâne sanguinolent aux oreilles pointues dans la main, son regard, caché par un lambeau de tissu, semblait transpercer son entrave et toiser la pièce.

Khernal observa la pièce d'argile puis en détourna les yeux pour fixer de nouveau la drow en face de lui. Elle avait décrois les jambes depuis sa dernière phrase et gardait le silence jusqu'alors. Silence qui se prolongeât jusqu'à ce que le Ditronw Da're vienne le briser une nouvelle fois avec sa voix grave.

« La Société Eldéenne a besoin du Temple et du pouvoir de l'Aveugle. Avec votre aide, les pertes seront minimes, et le plan de l'Olath Blada d'autant plus viable. Diviser nos forces est un risque que nous allons prendre, mais ô combien rentable si il réussit. Les elfes sont affaiblis, et leur orgueil leur dicte ce qu'il feront. C'est précisément ce que vnous allons exploiter. Après la prise de Solith et l'installation de la séparation d'Anaëh, votre rôle de support sera primordial. Vous pourrez une bonne fois pour toute mater les rebelles elfes adeptes de leur Déesse de la Mort et qui blasphème notre culte en bafouant l'art noble de la nécromancie. Tout le monde serai gagnant. »

Khernal prêchait une convaincue ? Peut-être. Mais Brosser dans le sens du poil ne fait de mal à personne.

« Pour finir, je voudrai demander une dernière faveur aux Adeptes de L'Aveugle. Une fois ce front terminé et l'Anaëh réduit en cendre, vous devriez vous diriger vers la Péninsule. Même si je ne peux cautionner une telle guerre _ une erreur stratégique, sauf le respect du Haut-Prêtre de la Déesse de la Torture _ le mal est fait. Nos ravitaillements arrivent difficilement à travers l'Aduram. L'armée ne se mêlera pas de cela avant la fin du Front. Vous seuls pouvez aider les troupes de Bol. »

HRP:

Oui, Khernal s’était grandement ébaubi du rapide changement de personne qui s’était opéré dans l’antichambre de la Haute Prêtresse Elvanshalee, alors même que celle-ci le quittait pour s’en aller rejoindre des affaires qui, il était possible de le penser, requéraient que plus encore son attention, mais il avait finalement su se reprendre avec brio face à feu cette ancelette qui s’était soudainement métamorphosée en diplomate. Il y eut peut-être un mauvais regard, une moue agacée, voire sarcastique, mais le Ditronw parvint à mettre de côté son ego et son orgueil pour se focaliser sur une discussion bien plus importante que ne l’eût été une tirade sur la probité de ce retournement de situation.

Des idées avaient été posées, des assertions avaient été émises, et de prétendues suggestions statuant sur un quelconque partage des futurs bénéfices tributaires de la guerre à venir avaient, elles aussi, été avancées. Mais il demeurait peut-être encore des doutes sur les parts de chacun, et Dralassa tenait à mettre les choses au clair. En même temps qu’elle pourpensait à ses futurs agissements, à ses futures paroles, Dralassa le faisait naqueter, neutrement plongée dans quelques songeries d’éloquence, avant de finalement reprendre la parole de sa voix morte.

« Ne cherchez donc pas à obliger le Temple à écornifler çà et là le moindre profil que générera cette guerre en voulant le sevrer de quelque gain que ce soit, ce serait là autant de mauvais goût que de vaines avanies. Je ne souhaitais que suggérer implicitement l’inévitable, mais je vous le tiens alors pour dis ; dans la mesure où les conflits coûtent, Teiweon ne fera pas qu’inscrire Son nom en lettres d’or dans le mérite de la victoire, mais Elle ponctionnera ledit or de l’adversité. Comme nous tous, n’est-il pas ? »

Le Temple n’était pas dur à la desserre, non, et pour cause, il n’hésiterait pas à fournir quelques garnisons de ruffians et de reîtres en tout genre si le besoin s’en faisait sentir, mais Teiweon connaissait bien où se trouvaient ses intérêts. Certes, une flopée de prisonniers de guerre et d’autres esclaves prêts au sacrifice viendraient remplir ses cages et ses cachots, mais il était du devoir de ses membres éminents à veiller à ce que le trésor se renflouât, de quelque manière que ce fût. Et, si l’on savait où placer ses atouts, tout autant que manier les mots en scellant de bons accords, il pouvait être aisé que de faire florès. La Grande Prêtresse tint toutefois à nuancer ses propos.

« Mais nous accepterons bien volontiers tout le cheptel d’elfe que nous capturerons lors des batailles et des escarmouches à venir. Quant au partage des terres, domaines, trésors ou reliques que j’affirmais tout à l’heure, ne vous embâtez point de telles précisions ; il sera toujours temps de les aviser par la suite. »

Se taisant alors, l’elfe noire à la voix brisée se racla quelque peu la gorge, non par gêne, mais bien par nécessité. Cela le temps que dura la prise de parole de Khernal à propos de leur engagement dans cette nouvelle guerre contre leurs cousins d’Anaëth.

«Oui, notre aide sera un apport certain pour vos troupes, et nous serons d’autant plus à même de vous apporter soutien qu’il serait des plus déplacés de ne pas faire appel à Teiweon, notre Déesse à tous, lors d’un tel évènement. Pour ne pas parler d’hérésie. Et nous souhaitons tous, là encore, de participer à ce qu’il ne demeure plus de ces forêts d’Anaëth que des escarbilles rougeoyantes étouffées par la cendre. »

Et un autre sujet fut abordé, un sujet somme toute assez délicat. Dralassa, quand bien même était-elle une noirelfe, savait être diplomate, et était d’autant plus avantagé dans ce rôle que sa voix pouvait difficilement être altérée dans des teintes endêvés ou des aigus surpris, sous peine de connaître une vive douleur et un ton éraillé. Mais elle savait aussi porter quelque sujet que ce fût sur la voie dérangeante de la franchise, dût cela ne point plaire à ses interlocuteurs. Aussi la Grande Prêtresse s’expliqua-t-elle sur le dernier point, avec grand calme, dans une voix grave, basse, mais déterminée.

« Bien que je ne nourrisse aucun maltalent personnel à l’encontre de Bol –si ce n’est qu’il semble être des plus enclins à musarder à jouer à la guéguerre et à mener des assauts sur des terres éloignées en délaissant toute notion de poliorcétique, je ne puis cautionner ses agissements dont le plan a retentit dans toute son éclatante messéance. Dans l’intérêt du Temple aussi bien que de ses prêtres et ses disciples, nous refusons, pour le moment, de nous engager dans pareil périple. Et que l’on ne me reproche aucunement que de nonchaloir à son avenir et à ceux qui ont daigné le suivre lorsque l’on sait à quel point il s’est opiniâtré de cette escarmouche qui l’aura conduit en grand péril. Pour faire simple, le revancher n’est pas dans mes idées premières. Attelons-nous déjà à cette première guerre en Anaëth qui nous concerne véritablement, et dont on connait les tenants et aboutissants. Là encore, nous aviserons par la suite. »

"Ce qui paraît générosité n'est souvent qu'une ambition déguisée."
Traité politique du Puy d'Elda, Anonyme.

Khernal acquiesça. Ce que disais Dralassa était criant de vérité.

"– Très bien, Dralassa. Je suis gré de l'aide que vous nous apportez. Et je sais que l'armée, au travers du Karliik Glenn, saura être reconnaissante. Quant à l'attaque en Péninsule, je ne peux que soutenir votre avis. A vrai dire, je pense que c'est une bêtise que de s'être engagé dans un tel front. C'est un gâchi de ressources. Mais maintenant qu'une telle guerre est déclarée, il faudra la soutenir, d'une manière ou d'une autre. Après tout, c'est l'honneur de notre peuple qui est en jeu en Oësgard. "

Khernal se leva. Il afficha un sourire satisfait et balaya encore une fois la pièce du regard.

"– Votre clairvoyance saura être utile aux drows. J'espère vous retrouver à Eraison à contempler un champ de bataille rougi par le sang de nos ennemi. "

Le Ditronw Da're fit un pas en arrière. Alors qu'il s'apprêtait à remonter le dédale de couloir qui l'avait conduit jusqu'ici, il se retourna, la main sur un angle de mur.

"– Transmettez à la Haute Prêtresse mes remerciements. Que Teiweon vous garde. "

Sans un autre regard, il quitta la pièce. Lorsqu'il réapparut dans le temple, toujours autant infesté de priants venus chercher le salut de leur âme, il admira une nouvelle fois la statue de la Voilée. Malgré eux, ses genoux ployèrent devint la pièce de pierre à l'effigie de la Déesse. Le Sombre n'était pas venu pour son âme. Mais il repartait avec un support si précieux aux Osts.

Il se remit debout et ses pieds foulèrent à nouveau la nef. Les drows le laissait respectueusement passer. A l'entrée du Temple, son Phord'ur l'attendait patiemment. Khernal avança vers lui.

"– Cela s'est-il bien déroulé, Maître ? "
"– Comme cela devait. répondit laconiquement le Chef du C'nros. "

HRP:

L’abouchement arrivait à son terme, et les deux partis avaient trouvé un arrangement, aussi profitable pour l’un qu’il ne l’était pour l’autre. Khernal avait énoncé l’hypothèse, sans émettre de jugement de prime abord, d’aller secourir, ou, à tout le moins, aider les drows qui s’étaient stupidement lancés sur la Péninsule. Dralassa, de son côté, avait été bien plus franche, marquant péjorativement l’offensive aussi bien que son meneur, un certain Bol. Ce n’était qu’alors que le Ditronw Da’re avait laissé exprimer ses sentiments et son avis sur ce raide. La culture drow et son peuple aimaient à s’entourer d’une certaine hypocrisie qui ne manquerait pas de leur faire défaut si elle était utilisée au mauvais moment, ou à mauvais escient. Mais qu’importait, à l’heure actuelle.

«L’honneur de notre peuple est en jeu en Péninsule, vous avez raison. Il est fort dommageable que la probité des sombres soient tributaires de gens de son acabit. Lorsque l’on connaît à quel point notre société fait l’éloge du mérite et de l’ambition, il est difficile de comprendre comment Bol a su mener sa barque jusqu’à parvenir au rôle qu’il détient actuellement. Il doit simplement être extrêmement ambitieux. Si la guerre en Anaëth se forlonge et nous prive de bon nombre de sombres, je crains qu’il ne faille faire une croix sur ce sauvetage. »

Drapée dans son éternelle austérité, la Grande Prêtresse se leva lorsque son vis-à-vis fit de même.

«Nous y serons, sans faille, et ce même champ de bataille sera tourmenté de toutes ces âmes que fauchera Teiweon. Que la Déesse soit avec vous. »

Fixement, la sombre regarda Khernal s’en aller, quitter les appartements de la Haute Prêtresse, laquelle n’avait, par ailleurs, toujours pas refait apparition. Pour qu’elle manquât ainsi pareille entrevue, elle devait faire face à des problèmes fort arêteux. Si Dralassa commença à envisager la nature de l’affaire, elle cessa bien vite ; elle aussi avait de nombreux préparatifs à organiser.

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