Mon monde pour un peu de talent ! [ Krish ] [ Terminé ]

Ses deux paupières s’ouvrèrent délicatement, découvrant le monde comme si c’était le premier jour. Il passait les premières minutes de cette nouvelle journée à contempler le plafond terreux que formait sa suite. Une chatouille contre son poitrail à l’air libre le fit subitement sortir de ses songes, en même temps que son attention se portait contre la main qui l’avait dérangé. Elle était dotée de longs doigts féminins, graciles à souhait, dont les ongles semblaient fraîchement manucurés. Ni l’endroit, ni le temps n’étaient avenant à ce genre de pratique, or donc il relevait de l’évidence qu’elle faisait de ses talents à charmer, son travail à temps plein. Il dévisageait cette main avec une toute nouvelle haine, sans même daigner regarder la femme qui somnolait à moitié. Ses traits se raidissaient d’ores et déjà et il inspira très profondément comme pour contenir une colère sans doute très prématurée. Il chérissait le silence du matin, la quiétude qui régnait alors que tout le monde dormait à poings fermés mais aussi, fort évidemment, d’être loin des premiers rayons du soleil dont les Puysard n’avaient pas l’habitude. Or, ce n’était pas le cas ce matin-là puisque sa compagne temporaire broya cette quiétude quotidienne en lui chuchotant à l’oreille ces quelques mots, tout en empruntant au passage un timbre de voix suave à souhait :


« Il est bon de vous voir si reposé, Velkyn. »


Ses yeux bifurquèrent enfin vers elle, se remémorant qu’il s’agissait vraisemblablement d’une Drow, à en voir la pigmentation de sa peau. Elle avait le corps élancé et pourvue d’attraits usuellement forts plaisants pour le sexe masculin. L’une de ses jambes s’allongeait pour venir étreindre celle de Velkyn, s’enroulant autour à l’instar du boa. Isten s’était faite généreuse car elle lui avait octroyé un corps à l’image d’elle ou du moins, elle s’en approchait. À ce moment, agacé par sa présence, le prêtre se demandait pourquoi n’avait-il pas quémander la chaleur d’une puterelle dont la langue lui aurait manquée. Peut-être alors aurait-il eu la bonne fortune d’avoir un réveil qui lui aurait sied.



Sans respit, il s’étirait de tout son long, les deux bras dans les airs, en faisant fi des attentions racoleuses que tentait de lui prodiguer la femme aux petites mœurs. Cette fois bien éveillé et les yeux grands ouverts, l’immense patte d’ours de Velkyn vint se déposer contre la joue de la pauvrette qu’il caressa pendant un court instant seulement, tout juste avant de la pousser violemment en bas de sa couche, cul nul sur un tapis poussiéreux. Une fois débarrassé de ce qui le gênait, il s’échappait de son lit à son tour, lui aussi dépourvu de tous atours et donc vêtu uniquement de sa propre chair meurtrie, et scarifiée par la guerre. Pendant qu’il enfilait –pour une des rares fois- un habillement autrement fait que de fer ou d’alliage, il vociférait quelques paroles en direction de la gueuse, toujours étalée contre le sol :


« L’idée de saisir mon poignard et de t’ôter cette damnée langue m’a très fortement chatouillé l’esprit. Les lèvres closes, silencieuse comme une ombre et ne pipant pas le moindre mot … Peut-être ferais-je de nouveau appel à tes services, si quelqu’un t’offre cette faveur un jour. »


La chose ayant été vite dite, il lui fit dos puis claquait des talons en d’autres endroits. À son passage plusieurs le dévisageaient comme si démuni de son harnois, il se faisait méconnaissable. Il portait des guêtres trouées vis-à-vis les genoux et un mantel ocre dont les boutons n’étaient pas même attachés. On lui reconnaissait son absence de goût en matière d’habillement l : il ne portait en fait que le strict minimum. L’ouverture de son manteau laissait percevoir sa musculature ouvragée mais aussi, les nombreux tatouages qui caractérisaient son corps. Évidemment, un épais ceinturon cloîtrait sa taille dans le cuir et s’en servait pour trimbaler son poignard fétiche et de surcroît, une épée au pommeau décoré à l’emblème d’Uriz.


Les gens ici pullulaient de parts et d’autres comme dans une fourmilière. On ne s’y retrouvait plus dans toute cette cohue que formait ce petit quartier d’artisans. La douce sérénade du marteau s’écrasant encore et encore contre le fer, guida Velkyn jusqu’au vif du sujet. Il cherchait vraisemblablement un forgeron capable de rafistoler son épée émoussée par les dernières prises de bec avec ses cousins elfiques. Ses yeux vermeils dansaient d’un kiosque à l’autre en farfouillant à la recherche d’un peu de qualité. Hélas pour lui, faute d’avoir main mise sur du matériel de première qualité et aussi, d’une main d’œuvre sous-qualifiée, fort était à parier que le Haut-Prêtre devrait se contenter d’un peu de médiocrité. Alors il accosta le premier malheureux venu, dégaina d’un mouvement fluide et l’interrompait sans autres cérémonies :


« J’ai en ma possession une épée à l’effigie de ton Créateur et Maître. Aussi invraisemblablement que cela ne puisse paraître, elle a été émoussée et à mon œil, ici personne ne pourrait même penser toucher un jour une telle lame. Seulement, je n’ai que toi et je veux que tu me la répares. »


« Sur le champ. »


Son timbre de voix était sec et acerbe, laissant bien voir qu’il n’avait cure de tout ce qu’on pouvait penser des paroles qu’il avait craché comme du venin sur le pauvre artisan. Ajoutez à cela le fait qu’une bonne de dizaine de personnes s’étaient éloignées pour laisser place au Haut-Prêtre, le forgeron n’avait plus choix d’obtempérer sur le choix. Ses yeux s’étaient abaissés en guise de soumission et s’il avait pu, comme un chien battu, il en aurait même les oreilles affaissées.

Krish avait eut un pincement au cœur en quittant Naélis. Sûrement le reste de sa commotion. Mais elle n'était pas le genre à regarder en arrière. Une fois son frère mis convenablement dans une mâle et rapatrié au pays, elle s'était mis en route vers Yutar seulement accompagnée des drows de sa suite. Même Wydrin avait été renvoyé à Thaar pour veiller sur Wik.  Elle, dix guerriers sur-entraînés, un apprentis forgeron, un esclave drow et une demie sang portant tous les deux les colliers et les bracelets métalliques associés à leur condition chevauchèrent dans la direction de Yutar. L'équipage était léger et rapide, mais pas dépourvue de richesse. Les armures de ses gardes personnels étaient toutes forgées de la main de Krish ou de son meilleur apprenti et elle n'allait certainement pas se départir de ses atours préférés pour les beaux yeux d'officiers aux goût spartiates.

Le jour était à peine levé lorsque le groupe arriva aux pied de la citadelle. Krish, en tête sur son étalon couleur sable, du montré pâte blanche pour la première fois depuis longtemps. Les soldats la laissèrent entrer sans problème, la couleur de sa peau ne trompant pas, mais lorsqu'elle mis pied à terre à l'intérieur et laissa les rennes de I'nik au premier soldat sous-gradé et rustaud qui passa a sa portée, elle dû se faire reconnaître et obliqua directement vers les forges pendant que sa garde était conduite à… sûrement un coin pour se reposer et mange deux trois trucs avant d'aller chasser de l'elfe. Les officiers allaient sûrement essayer de leur mettre la main dessus mais ils n'obéissait qu'à leur maîtresse. Avait-elle oublié de le préciser ? Hmmm… Bof, c'était pas important de toute façon.

Ce qui l'était plus par contre, c'était l'état pitoyable des forges de la forteresse… Depuis combien de temps n'avait-elle pas œuvré avec un matériel aussi misérable… Même les outils étaient des plus lambdas… Les forgerons qu'elle croisaient jetaient des regards mauvais à ses regards mauvais. Sa tenue cachait totalement la marque des Forges de Lave qui ornait son dos mais le bustier d'argent pur constitué de plusieurs centaines de lamelles qui épousait avec une précision d'horloger les courbes de son buste attirait l’œil des artisans autant que ce qu'il contenait. Ainsi pendant un temps qui lui paru infini, elle inspecta espace de travail après espace de travail, geste après geste, métal après métal. Cueillant ça et là une arme à peine refroidie sur un râtelier, elle fronçait le nez et la reposait comme si elle avait touché par mégarde un étron des plus repoussant. Toute sa concentration étiré vers le but unique de trouver toutes les failles de ce système pour pouvoir en corriger un maximum en un minimum de temps.

Oh, elle ne le faisait pas par bonté d'âme… quoi que. Son patriotisme l'avait poussé à prendre sans cesse des nouvelles du front mais c'était des envies biens plus personnelles qui l'avait poussée jusque là. Elle qui avait appris à peine quelques ennéades plus tôt que son propre mari avait été désigné comme Haut-Prêtre, elle ne lui avait toujours pas offert de cadeau digne de ce nom. Ils n'avaient fait que ce croiser à Thaar. Alors offrir en son nom une nouvelle armurerie à leur peuple pour accomplir leur Vengeance divine lui avait paru tout indiqué. Bon... ce n'était pas la seule raison de sa venue, mais rien qu'avec ça, elle avait du travail...

Elle inspectait l'oeuvre d'un homme qui n'avait visiblement pas l'âme, ni la maîtrise, ni le tempérament pour forger des armes lorsqu'une voix attira son oreille. Le regard compatissant qu'elle posait sur l'objet de métal se détacha doucement des contour de la pauvre arme maltraitée et son sourire de chat repris sa place préféré. Ses yeux de sang ne cherchèrent pas tout de suite à localiser sa cible. Elle reposa l'arme nouvellement forgée et se glissa dans l'agitation des ateliers avec la simplicité qui la caractérisait. Entre le ronronnement des fourneaux et la froideur humide des bacs de trempages, assaillit par les échos graciles des masses frappant l'acier, elle était littéralement chez elle.

Ce fut donc en tant que maîtresse de maison qu'elle interompit l'échange de l'homme qui venait de refourguer sans ménagement une œuvre bien plus raffinée de ce qu'elle avait put voir ce matin là entre les pattes grossière d'un incapable.

« Je ne poserait pas un doigt sur cette lame si j'étais vous. » intima-t-elle (haut et fort) au forgeron qui sursauta de nouveau.

Un pantalon de cuir noir s'enfonçait dans ses cuissardes de même couleur, dégageant une fine bande de peau noire et maculée de tache de brûlure entre celui ci et un corset d'argent auquel pendait deux lames jumelles aussi magnifiques qu'intrigantes. Chacune en forme de demie cercle, l'une d'un noir bleuté. L'autre d'un blanc nacré. Le plastron semblait avoir été conçu pour ne pas gêner le moindre mouvement de sa porteuse mais chaque inspiration gonflait malgré tout sa poitrine. Une cape de voyage grise était jetée sur des épaules larges et retombait sur des bras forts et secs. Les yeux de lave sans âges qui trônaient sur le visage égratigné par les ans de la nouvelle venue ne s'étaient pas posés un instant sur l'homme auquel elle avait pourtant adressé la parole, préférant trouver leur chemin vers ceux du Haut prêtre.

« Alors comme ça tu accepte que des ouvriers de seconde main s'occupe de cette lame ? Je me demande bien ce que tu a pu faire avec pour réussir à l'émousser... »

Elle s'approcha de quelques pas a travers la foule. Les regards noirs s'étaient multipliés mais l'assurance de l'étrangère ainsi que la présence de Velkyn dissuadèrent tout mouvement disproportionné devant l'insulte qu'elle venait de proférer.

« Peut-être la Voix des Dieux préférerait-elle que je me charge personnellement de ce détail ? »

Il n'y en avait que pour quelques minutes tout au plus... si c'était bien réalisé. Un guerrier ne devrait jamais avoir à s'écarter de ses armes.

Quand elle fut enfin arrivé à sa hauteur et d'une distance un peu moins que raisonnable les répara, elle finit comme elle aurait du commencé :

« Bonjour Velkyn. Heureuse de te revoir. »

Serrée contre Velkyn, elle intercepta la main dans son dos par réflexe puis la garda prisonnière par esprit de contradiction sans pour autant tenter de résister au baiser. Ses doigts encore libres glissèrent sur l'épaule du Haut-Prêtre, profitant du fait qu'il ne porte pas son éternelle armure pour tracer le contour de sa clavicule, de son épaule, de son biceps, de chaque muscle qui l'emmena jusqu'à la poignée de la lame qu'il avait faillit confié à ce rats de bas étage. La griffe d'argent qui entourait son index crissa contre le pommeau. Métal contre métal. Peau contre peau. Alors qu'elle approfondissait leur échange, le taquinant de sa cuisse au passage, ses doigts se glissèrent entre ceux de son époux, puis entre ceux de son époux et l'arme qu'il tenait.

Ce ne fut que lorsque des points noirs dansèrent derrière ses paupières que Krish consentit à reculer, refusant de le laisser décidé de l'arrêt de leur échange comme il l'avait commencé. Le sourire qui se dessina alors sur les lèvres austères de cet homme redoubla celui de la forgeronne.

« Et bien... Que nous nous soyons croisé à Thaar t'aurait-il donné envie de me revoir ? »

Elle lâcha la main qui s'était aventurée près de la marque qui ornait son dos pour replacer une longue mèche blanche derrière son oreille ciselée comme de la dentelle.

« Ou alors c'est peut-être juste l'idée d'avoir quelqu'un de compétent pour s'occuper de ça. »

Sur la fin de sa phrase, elle utilisa son travail de sape pour tenter de s'emparer définitivement de l'arme de son époux d'un coup de poignet.

« Il me faudra un peu de temps pour créer les outils adéquate à partir d'une telle médiocrité, mais elle devrait être comme neuve avant le coucher du soleil… enfin si on me laisse le temps de travailler. »

Les administrateurs et les soldats venus faire retaper leurs équipement se faisaient de plus en plus nombreux. La forteresse militaire semblait en pleine ébullition. La guerre laissait sa trace jusque dans l'atmosphère… si différente de celle de Thaar. Maintenant qu'elle ne se sentait plus aucune obligation envers le Puy ou cette flopée de racaille en armure qu'on appelait armée, Krish se sentait presque nostalgique de cette odeur de combat, d'obéissance et de discipline… et la haïssait comme au premier jour.

Son regard quitta le visage de Velkyn, attiré par une jeune femme tirant un creusé du feu pour mouler une barre de métal. La lueur rouge était trop sombre. La lame serait fade et mal équilibrée… Pourtant un soldat attrapa la jeune forgeronne par la manche, exigeant que son plastron soit débosselé… Chaque artisan avait ses clients il fallait croire…

Chaque soldat était un chien de guerre. Parfaitement dressé, impitoyable… mais terriblement borné et stupide. Leur éducation était ainsi faite. A force de brimade et de châtiments, seuls les plus exceptionnels d'entre les eldéens osaient aller contre l'autorité pour exprimer leur plein potentiel… et bien souvent devenir cette fameuse autorité. Ce qu'elle pouvait mépriser tous ces chiens qui rongeaient le moindre os tombé de la table de leur maître…

Sans crier gare, elle tourna soudain les talons pour se placer près de celle qui venait de remettre le soldat à sa place en posant ses protection sur un tas de bout d'équipements en aussi piteux état.

« Je réquisitionne ton fourneau, ton enclume et… nan, j'allais dire tes outils mais ce ne sera pas nécessaire. Tu va m'assister le temps d'organiser un peu le bazar de cette organisation. Tu pourras disposer de la forge à ta convenance dès que je ne serai plus dans le secteur.
-… Quoi ? La jeune femme leva a peine le nez de son travail. Sa masse s'abattait encore et encore sur un métal bien trop froid pour donner un feuilletage réellement satisfaisant. Cet emplacement est le mien. Si tu es une nouvelle recrue, va voir Maître Hes'Karog. Laisse-moi travailler maintenant.

La masse s’immobilisa en l'air à mis parcours. Une lame noire en forme de demi-cercle venait de glisser juste sous son menton. On pouvait distinctement lire quelques mots gravés comme une rigole sur sa surface. Un passage des livres sacrés de d'Uriz.

« Je t'apprendrai le respect. ». La lame mordit à peine le bord de la mâchoire de la jeune drow. Presque une caresse… qui laissa un filet de sang. « Va chercher ton Maître. Dit lui que la Maîtresse des Forges de laves est là. »

Krish n'aurait su dire si cette gourde était plus apeurée par la lame qu'elle avait sur la gorge, le titre qu'elle venait d'entendre ou la présence du haut-prêtre auquel Krish ne jetait même pas un regard pour le moment. Elle baragouinait des excuses. Dès que la menace d'acier l'eut libérer, la jeune femme se plia humblement en deux… face à Velkyn (ce qui eu le don de faire tiquer la maîtresse forgeronne), et détala. Krish fronça le nez en inspectant du regard son nouveau royaume avant de pousser un soupire.

« Et bien ça me rappellera mes jeunes années… et merde… j'ai laissé mon marteau dans mon sac de selle. »

Puis elle se tourna de nouveau vers son époux.

« J'ai pensé faire quelques changements ici. Histoire de donner à ces troufion un équipement au moins potable ? Je préférerais passer mon temps de façon un peu plus ludique, mais j'ai pensé que cela te plairai. »

Au bout de l'allée, un petit homme aussi large que haut et vêtu d'un tablier de cuir avançait à toute jambe vers la femme qui venait de mettre un grain de sable dans son organisation millimétrée… sans savoir qu'elle comptait en ajouter bien d'autres pelletés.

Un sourire second vint se déposer contre le faciès de Velkyn, alors qu’il remarqua comme elle n’avait rien perdu de ses indomptables habitudes. Des millénaires pourraient passer et quand bien même, elle ne changerait pas : elle ne se soumettrait jamais, pas même aux volontés lubriques de son mari. Elle ne lui donnera jamais le dernier mot, ça non ! Ou du moins, du plus loin qu’il s’en souvînt, cela ne s’était jamais produit. Or donc, son amusement s’en voyait amplifier à voir comme le temps faisait parfois des ravages, mais certaines choses n’allaient jamais changer.

« Et bien... Que nous nous soyons croisé à Thaar t'aurait-il donné envie de me revoir ? »

« L’envie de te revoir me taraudait depuis fort trop longtemps hélas… Tous ici jubileront lorsqu’ils entendront que tu es arrivée, tu tombes ici comme une bénédiction sur nos pauvres soldats. Nous étions pratiquement sur le point de nous guerroyer avec des bouts de bois, tant nos armes nous faisaient défauts… »

La Voix d’Uriz restait un brin en retrait, déposant ses deux mains contre son ceinturon, observant sa femme réquisitionner de nouveaux appartements pour la tâche qu’elle s’était mise en tête. Elle détala vers la première venue et lorsqu’il aperçut qu’elle s’était fait mal comprendre par l’apprentie, le prêtre empoigna le manche de son coutelas d’une main ferme. À peine eut-il le temps de le dégainer que la maîtresse des forges en avait fait autant et non seulement cela, mais avait aussi menacé l’apprentie. Le sourire de Velkyn changea du tout au tout, tantôt conquis par sa femme et là, bien amusé par icelle.   Elle était si farouche, une vraie furie ! Parfois, dans ses songes les plus profonds, il s’imagina Krish aussi talentueuse pour la guerre que la forge et, aidée de son caractère bouillant, il en avait des frissons juste à imaginer quel genre de guerrière aurait-elle faite.

Suite au départ de la jouvencelle, Velkyn se dirigea vers le premier passant venu et d’une main ferme il vint lui accrocher le bras. Sans nécessairement faire pression ou lui octroyer quelconques douleurs, il lui demanda d’un timbre de voix qui se faisait franchement autoritaire : Va vers l’entrée de la citée, tu y trouveras sûrement une délégation. Icelle sera sûrement accompagnée de plusieurs chevaux. Tu les reconnaîtras, ils sont normalement tous restreints par de nombreuses chaines, c’est à eux que tu leur demanderas le destrier de la Maîtresse des forges de lave. Tu feras attention à cet animal et encore plus à ce qu’il transporte parce qu’autrement, je le jure sur le con d’Isten, tu le paieras cher de ta vie.

Se faisant bien plus petit depuis que le Haut-Prêtre s’était adressé à lui, le juvénile Drow prit les jambes à son cou et s’enfuyait sur le champ. La chose étant réglée, Velkyn s’en retournait vers sa femme dont il s’approchait de nouveau. Sa main chercha subtilement à se frayer un chemin au même endroit où elle s’était posée la dernière fois, c’est à dire au creux de ses reins.

« Ludique, dis-tu ? L’un n’empêche pas l’autre, tu pourrais par exemple, débuter tes travaux pendant que je te… »

« Heuh, c’étions ti qui l’responsable ?! Oué oué ! Qui c’est l’ptit malin qui a abîmé ma jeune apprentie ?! »

Son jargon était mâché comme si le nabot avait deux dents dans la bouche. Furibond comme pas deux, le court sur patte menaça le couple qui réunis pour une seconde fois, à l’aide d’un piquet à foin. Le prêtre se faisant ainsi couper la parole par de viles menaces, sans s’en rendre compte, refermait avec force et vivacité sa poigne contre le cuir du pantalon de Krish. Son bras s’était raidi dare-dare, interrompu dans son rarissime batifolage. Son visage se crispait, ses traits faciaux redevinrent sévères, ses lèvres se pincèrent, ses yeux se froncèrent et ses pupilles brillaient d’une rage qui grandissait à vue d’œil. Si près de sa compagne, elle pouvait même entendre ses dents crisser les unes contre les autres, tant il se sentait sous le joug de la colère. Il déposa vers Krish un dernier regard, mais loin d’être le plus affectif.

Il fit volte-face et sans piper le moindre mot, il fit trois bonnes enjambées vers l’avant, en direction de l’arme tendue vers lui. Les deux mains du Prima allèrent s’ancrer contre le bois de la lance puis d’un mouvement sec et puissant, lui enfonça l’autre extrémité droit dans le gras du bide. Le nain contraint à une quinte de toux profonde et creuse, redressait les yeux vers Velkyn pour constater qu’à peine le nez levé, sa gorge se vit saisir par la patte d’ours du prêtre. La messe fût vite dite pour le nabot, le tranchant d’un coutelas venait de l’ouvrir en un trait vertical, du bas du ventre jusqu’au poitrail. Il se vida comme un porc sur le pavé, sang en quantité et entrailles comprises. Sa main était si ferme à sa pauvre gorge, que le bout de ses phalanges commençait à percer le derme hâlé du pauvre lilliputien. Les deux iris vermeils, brillants de rage, fixaient ceux du mourant avec une haine sans pareille, et ce, jusqu’à ce que son dernier souffle ait été exhalé.

Il essuya son couteau contre le mantel du maître nain puis jeta sa dépouille encore chaude, contre le pavé maintenant bien décoré de cet excès de rage. Le revers de sa main alla ballayer sa joue tachée de sang afin d'en retirer le plus gros, même si au final il aggravait sa bouille coupable du meutre qu'il venait de commettre à la vue de tous. La boucherie terminée, la respiration du Prima abordait une tendance plus normale et après avoir lorgné vers la foulée de gens qui le dévisageait, il s’exprimait sur un timbre de voix on ne peut plus austère, s’adressant aux artisans qui avaient inexorablement arrêté leur labeur :

« Que ceci soit dit et bien dit, la Maîtresse des forges de lave est ici présente et en cela, vous serez désormais ses obligés. Tous les forgerons devront se plier à ses moindres exigences, car elle est ici une bénédiction pour le front. Quiconque osera défier sa parole, se verra condamné de traitrise et de ce fait, en subira les lourdes conséquences. »


Si les gens avaient tendance à acclamer la sainte parole du prêtre lorsqu’il menait ses troupes à la bataille, ce ne fut ici pas le cas. Le silence était lourd et il fallut plusieurs longues secondes avant que le chant des enclumes revienne enivrer les oreilles de ceux qui foulaient le quartier des artisans. Velkyn se retourna finalement vers Krish, le faciès toujours aussi tourmenté par la colère, mais nuancé d’une pincée de satisfaction.

Il avait toujours dit que Krish savait contenir le feu qui brûlait en lui, mais ce n'était pas l'une de ces fois.

« L’envie de te revoir me taraudait depuis fort trop longtemps hélas… Tous ici jubileront lorsqu’ils entendront que tu es arrivée, tu tombes ici comme une bénédiction sur nos pauvres soldats. Nous étions pratiquement sur le point de nous guerroyer avec des bouts de bois, tant nos armes nous faisaient défauts… »

« Ton armure aussi a été réduise en charpie pour que tu te balade dans cette tenue ou c'est juste en mon honneur ? » ne put-elle s'empêcher de demander tout en vacant à sa récupération de emplacement de travail.

Elle n'avait pas eut deux minutes pour profiter de la médiocrité des lieux que Velkyn était déjà à nouveau sur elle. Un peu agacée mais toujours aussi joueuse, elle s'empara de la main qui approchait son dos pour la descendre jusqu'à sa fesse… Et elle savait qu'il le faisait délibérément en plus! Sa marque était non seulement une œuvre d'art aux reflets métalliques qu'elle portait avec fierté, mais aussi une scarification au fer chauffé a blanc qui rendait sa peau extrêmement sensible sur toute sa longueur… Presque aussi sensible que les oreilles finement dentelées dont les prêtres de Kiel avaient pris soin pendant son adolescence. C'était bien le genres de choses que l'on oubliait pas.

Elle allait le couper pour lui proposer… Mais quelqu'un se chargea du travail à sa place.

Quelqu'un qui n'avait certainement pas reconnu le Haut-prêtre. Tous auraient du baisser la tête devant un personnage d'une si grande importance. Au Puy, il auraient été honorer ne serai-ce que de se retrouver en sa présence, de pouvoir jeter un coup d'oeil sur le visage qui portait les dogmes de leur Créateur sur ses épaules. La plupart d'entre eux auraient donner leur bras pour qu'un peu de sa superbe retombe sur leurs vies pathétiques… Mais il fallait croire qu'en campagne tout le monde devait faire des concessions.

Elle glapit. Oh… Pas a cause de l’interruption du sombre râblais, mais plutôt parce qu'une main venait de se refermer vivement sur la ceinture de son pantalon, la marquant littéralement à la culotte. Et boudiou ce que c'est désagréable ! Les yeux étonnés de Krish croisèrent un instant ceux de Velkyn… redoutables…

Ce regard qui le propulsait hors de lui-même.

Il se jeta presque en avant vers celui qui l'avait défié alors que la forgeronne tiraillait sur sa tenue pour remettre en place son pantalon et ses sous-vêtements, laissant une main préventive sur son arrière train. Velkyn referma la main sur la gorge de l'outrecuidant. Aussitôt, les iris rouge de Krish suivirent plus attentivement ses mouvement, obliquant légèrement vers la gauche pour pouvoir nettement voir le profil du Haut-prêtre se détaché sur le rougeoiement de la fournaise. La chaleur était bien plus grande ici que dans n'importe quel autre endroit de la forteresse, mais l'image que cela donnait était… impérissable.

Cela faisait trop longtemps qu'elle n'était pas revenu au Puy… Qu'elle n'avait pas profité de ce caractère flamboyant que pouvaient avoir les drows importants… A chaque fois qu'elle passait du temps auprès de vrais drows elle se demandait pourquoi elle était partie… et invariablement, elle finissait par s'ennuyer de leur côtés prévisible et borné… Pourtant elle revenait toujours…

Elle observait les gestes du guerrier comme elle observait jadis les danses au temple ou les techniques de son maître. Elle décomposait chaque mouvement comme si elle allait devoir l'exécuter elle-même. Elle lisait chaque placement de main, chaque appui comme si elle se souvenait l'avoir déjà vu… déjà dansé. Le corps flasque du responsable des forgerons tomba au sol.

Krish n'avait pas pensé à faire un geste… ou plus exactement, quand elle y avait pensé, le type était déjà entrain de perdre littéralement ses tripes à défaut de les cracher. Finalement même la guerre n'obligeait pas a faire AUTANT de concessions. De tendu, Velkyn reprenait peu à peu la maîtrise de lui. Il se tourna presque hagard vers la foule et l'observa froidement avant de parler d'une voix claire qui ralluma le sourire joueur de la forgeronne qui n'avait pas cessé de l'observer comme un prédateur en jauge un autre du regard durant toute la scène.

Mollement appuyée du coude sur une enclume, elle regarda tout ce beau monde s'agiter puis attendit là, parfaitement détendue, que les artisans reprennent leur travail. Ce n'était pas vraiment la peine d'en rajouter une couche tout de suite. Les regards s'étaient posés sur elle, attendant sûrement un signe ou un ordre de sa part, mais le seul qu'elle leur donna fut son indéfectible désintérêt.

Elle patienta jusqu'à ce qu'une paire d'yeux bien particulière se pose sur elle, s'amusant des réactions qu'elle devinait, de la crainte qu'inspirait Velkyn… et entrapercevant tout le chemin qui lui restait à faire pour ne pas dégringoler. Il était toujours furieux. En presque six-cent ans, il avait toujours la même incroyable capacité de vous faire croire que vous êtes la cause et la cible de toute sa colère et ce, d'un seul regard. Le sourire de sa cible s'allongea et elle se remis d'aplomb pour faire les quelques pas qui les séparaient avec la plus grand nonchalance.

« Et bien. Et bien. Et bien… on dirait que tu disais vrai. La fougue n'est pas ce qui te manque. »

Les yeux de la Maîtresse des forges ne quittaient pas ceux du Prêtre, redoublant d'intensité, cherchant à déterminé d'après ses souvenir s'il était seul maître de lui ou si les murmures dont il était porteur lui faisaient l'honneur de leur présence. La main d'encre de Krish se posa sur sa joue maculée de sang pour en ôter le gros. Contrairement à celle du guerrier elle n'était pas DEJA ensanglanté lord de l'opération, aussi donna-t-elle un résultat un peu plus net (un peu seulement). Puis elle s'empara du battoir poisseux qui servait de main au Haut-prêtre. Elle se rendit compte avec un froncement de sourcil qu'elle avait la peau légèrement plus pâle que la sienne a force de vivre à la surface…

« Je n'ai rien contre le fais que tu mettes le monde a mes pieds, mais le sang séché n'est sûrement pas des plus confortable. » murmura-t-elle a son encontre. « Suis-moi. »

Sa main directrice pouvant rivaliser de force avec celle du guerrier, elle fit un pas en arrière pour l'entraîner a sa suite par la ruelle que venait d'emprunter le gnome noire. Elle scruta une seconde les alentours… mais il ne lui fallu pas deux seconde pour trouver ce qu'elle cherchait : une sorte de tente en grosse toile ouverte sur le dessus : la maison, le bureau et peut-être même la forge personnelle du responsable des forgerons de Yutar. Il suffisait d'avoir déjà travailler une fois pour l'armée pour la reconnaître sans une hésitation. Elle y entraîna Velkyn a sa suite et poussa le pan de tissus lourd et grisâtre.

A l'intérieur, la luminosité baissa brutalement sans cependant atteindre un niveau dérangeant pour un drow. Près d'un bureau couvert de notes, une table plus en retrait soutenait trois récipients. Aussitôt son objectif en vue, elle se retourna face à Velkyn pour s'emparer de sa seconde main et continuer à le guider en marchant a reculons.

« Loin de moi l'idée de te critiqué en publique... » enfin si mais pas devant ses hommes ou le bas peuple… enfin pas sur une broutille de ce genre… dieux qu'elle s'assagissait ! « Ton geste était parfaitement justifié. Mais je ne pourrais pas faire grand-chose avec trois forgerons. Évite de tuer son second, je n'ai pas envie de me taper la paperasse. » ajouta-t-elle toujours sur le même ton.

Ses yeux joueurs profitaient de ce qu'ils avaient devant eux. Sa main sèche remis derrière l'oreille de Velkyn, plusieurs longues mèches blanches tachées de rouge.

Et tout de suite elle se défila, lâchant sa main, lui tournant le dos, reculant d'un pas pour saisir l'aiguillère remplie d'eau clair et humidifier l'un des deux linge posés près des bols, retirant le sang de ses doigts au passage. Elle se souvenait du jeu qu'il avait amorcé sans le vouloir lors de cette fameuse soirée à Thaar… Elle s'amusait beaucoup trop pour y mettre fin d'elle-même.

Lorsqu'elle fit de nouveau face à Velkyn avec un sourire toujours aussi provocateur, se fut pour s'emparer de ses mains et les enveloppées dans le linge pour les nettoyer minutieusement avant de s'attaquer à son visage.

«Cela fait longtemps, n'est-ce pas?"

Des centaines d'années... au bas mot...

"Navrée de ne pas avoir de baignoire sous la main… » le linge resta soudain en suspention dans l'air « A moins que ce soit l'une des prérogatives des Haut-prêtre d'avoir le droit à une baignoire même en campagne. »

C'était loin d'être aberrant, la plupart des officiers devaient d'ailleurs en avoir une. En plus ils étaient dans une forteresse, c'était pas la mer à boire... Mais bon, on ne savait jamais.

Dans sa main, le tissus était déjà entièrement gorgé de rouge.

Elle savait ce qui agitait l'âme de cet homme… et n'en avait que plus de respect pour lui. La peau a laquelle elle rendait sa teinte d'encre avait été choisie comme vaisseau par les dieux. Non seulement Uriz lui-même, mais également Teiweon, Isten, Kiel, Valas, Kiran, Leetha, Zaek'Bak. Un être qui s'était élevé seul. Elle avait quitté le Puy à peine quelques décennies après leur mariage. Un bien piètre appuie pour ce qu'il avait accomplit par la suite. Il avait trouvé ses propres alliances, ses propres ressources. Il avait grandit dans son art, devenant l'un des plus grand guerrier de leur race… Peut-être le plus grand s'il avait continuer à s'améliorer au même rythme qu'alors… Elle aurait aimé le voir en action à nouveau. Le voir au cœur d'une bataille, rythmer les mouvements de deux armées par sa simple présence sur le champ de bataille. Une nostalgie qui ne lui ressemblait pas…

Elle renouait avec ses premières passions.

Depuis se jour à Thaar ou cet imbécile de forgeron était tombé dans ses filets, elle voyait le monde… d'un œil renouvelé. Elle avait redoublé d'attention dans son art, souhaitant de nouveau éprouver ses limites et celles de ses confrères. L'air paraissait plus frais, le métal plus éclatant, le Soleil plus brûlant. Pour ce qu'il lui avait fait, pour ce qu'il était, pour ce qu'il n'avait pas été, elle se vengerait. L'espoir qu'il lui avait donné sans preuve finirait par s'essouffler, elle le savait. Il n'avait presque rien fait pour gagner son véritable respect et plus le temps passait, moins elle voyait le forgeron pour ne laisser que l'elfe. Un elfe qu'elle haïssait pour avoir voulu la contraindre, même un instant. Elle le tuerait pour cela. Un jour. Elle l'éprouverait jusqu'à ce que son âme soit façonnée de la façon qu'il lui plairait à elle ou il périrait dans le processus. Un jour.

Mais ici, et chaque jour depuis ce moment, la vie reprenait ses droits comme cela n'avait pas été le cas depuis des décennies… des siècles peut-être. Des entrevues qu'elle avait eut avec son époux lors du dernier Cycle, aucune d'entre eux ne l'avait marquée depuis son premier départ. Ils s'étaient sûrement parlé de choses et d'autres… ouais sûrement. Puis elle était repartie à sa vie d'excès et de puissance au-delà de tout sens commun sans plus d'entrint.

Elle sourit en l'entendant parlé de faire marche jusqu'au Puy pour ramener les artisans par la peau du cul… Elle ne doutait pas un instant qu'il aurait fini par le faire.

« Tu as toujours été impatient. »

Et dire qu'elle se trouvait elle même assez intransigeante de ce côté là… Elle était peut-être bien trop sévère envers elle même… Ou bien les années amenaient-elles une certaine indolence… Ou encore ses petits stratagèmes étaient toujours suffisamment bien ficeler pour que ce qu'elle attendait se passe toujours dans les temps… Oui, c'était sûrement ce dernier point le plus réaliste. En tout cas celui qui s'était le plus souvent vérifié au cours des derniers mois.

Elle ne put cacher une seconde de surprise interloquée.

« Personne d'autre n'aurait osé défier les dieux pour t'enlever cette parure. » ne put-elle cependant pas s'empêcher de rétorquer du tac au tac.

Un léger moment de flottement suffit a ce que l'univers bascule. Elle lâcha le tissus humide qui tomba à terre dans un 'floc' à peine audible. Son dos bascula sur le bureau, ses cheveux se mêlant aux parchemins. Elle lâcha un rire, se laissant pousser jusqu'à la table, bataillant sans trop résister.

En quatre siècles, son mari l'avait visiblement égalée dans l'art de la lutte… Pourvu qu'il ne l'ait pas dépassée. Il se pencha sur elle, insinuant une jambe entre les siennes. Elle voulut passer les doigts dans ses cheveux d'argent mais ne rencontra d'abord que la force des larges mains qui lui clouaient les poignet. Il vint s'emparer de ses lèvres, gourmand.

Un brin d'insistance suffit à la forgeronne pour libérer ses mains d'une secousse et aller les perdre sur les épaules de son époux, sa griffe traçant une ligne acérée alors qu'elle s'agrippait à lui. S'il semblait vouloir l'empêcher de réagir à chaud, il n'avait pas non plus l'intention de la tenir longtemps, sinon…

La laissant explorer ses épaules, son dos, jouer dans sa chevelure, il plongea dans son cou laissant les marques sauvages de ses lèvres sur la peau sombre de la forgeronne. La respiration de Krish accéléra alors que le nez du jeune blanc bec heurtaient son oreille.

« Jamais tu n’as été aussi adorable qu’en ce moment précis … »

Le souffle à son oreille répandit un léger frisson le long de sa colonne vertébrale. Elle aimait vraiment cette voix depuis longtemps oubliée, la respiration qu'elle sentait erratique contre la dentelle fine de son oreille, l'attention de l'homme aussi bien que ce qu'il représentait… Câlines, ses jambes s'enroulèrent comme des serpent autour de celles du Haut-prêtre, le maintenant tout contre elle et l'empêchant par la même occasion de passer facilement les doigts sous la ceinture qu'il semblait avide d'ouvrir. Elle lâcha un soupire, un sourire flamboyant toujours sur le visage… Ce corniaud la connaissait encore bien.

Soudain, elle combla l'infime distance entre eux, refermant les dents avec avidité sur l'oreille effilée de son époux. Son corset de métal créait comme une barrière entre leurs deux corps, chauffé par leur deux peaux. De nouveau sans un avertissement, l'une de ses jambes se déroula pour prendre appuis sur le bord du bureau et donner une impulsion que suivit tout son corps pour les déséquilibré tout deux vers le côté. Incapable cependant de se défaire assez rapidement de l'emprise qu'ils avaient l'un sur l'autre, elle dégringola du bureau avec lui, emportant plusieurs pages froissées dans leur chute.

Si elle n'était qu'une piètre guerrière et absolument incapable de manier correctement les épées qu'elle pouvait pourtant détruire de trois coups bien placés, la lutte avait toujours été son point fort. Le seul petit talent dans lequel elle pouvait espérer tenir la dragée haute à un guerrier accompli, surtout avec les cours qu'un certain assassin lui avait donné récemment plusieurs ennéades durant… Mais le gouffre entre un vétéran lambda et Velkyn restait palpable.

Et alors ?

Profitant de la chute, elle tenta de prendre un instant l'avantage. Au dessus de son époux, son corps appuyé sur le sien à moitié pour le bloqué ou pour simplement l'observer… Une main dans celle de Velkyn, l'autre appuyée près de sa tête, les cheveux de la drow dégringolaient sur son épaule jusqu'au sol. Ses yeux joueurs croisèrent un instant ceux du prêtre avant de disparaître sous ses paupières alors qu'elle l'embrassait avec passion.

L'air lui manquait. Il n'y avait pas d'autre raison qui aurait put lui faire abandonné l'échange. Aussitôt elle plongea à nouveau son regard dans celui de Velkyn et glissa lentement vers son oreille.

« Je viens de chevaucher pendant plus d'une ennéade et tu ne peux même pas attendre qu'on m'ait attitré une tente pour vouloir m'épuiser… Impatient… C'est exactement ce que je disais. »

Elle ne cherchait même pas a dissimuler l'envie qui perçait dans sa voix rauque… Mais se redressa soudain, à califourchon sur lui, les deux mains simplement posées sur le torse que ses yeux de lave ne pouvaient totalement s'empêcher de détailler.

« Hélas, j'ai du travail. Particulièrement une lame à remettre à neuf au plus vite. Il faudra te plaindre à celui qui m'a confié cette tache. Il me semble qu'il ne voulait pas mourir à cause d'une arme en mauvais état. »

Son sourire félin avait repris sa place habituelle, guettant les moindres remous dans ceux de Velkyn. Ils avaient tout leur temps. Et elle aimait cela.

Tigresse … Elle avait toujours fort aise à la lutte, il fallait l’avouer. Elle usait de sa pesanteur à son profit et se jouait du fait que son adversaire était féroce et fonçait généralement tête première. Ils se retrouvèrent contre le sol, lui dessous, elle dessus. Ils se fixèrent pendant un instant, un instant qui parut plus long encore que le purgatoire. Au détour de ces regards passionnés, ils s’échangèrent un baisé des plus fougueux. Sa main libre cherchait à atteindre de sa chair au niveau des épaules, tandis que ses lèvres se mariaient aux siennes dans une accolade interminable. Son souffle était court et plus leur étreinte durait, plus son sang se chauffait. Une protubérance commençait à déformer son caleçon et se heurter contre le bas ventre de l’artisane. Elle manqua de souffle et lorsqu’elle s’approcha pour lui susurrer à l’oreille, il lui mordilla le bas du cou en y faisant sentir le passage discret d’une langue curieuse.

Impatient, lui ? Bien sûr que oui! C’était chose connue, allons! Il répondit à sa pique d’un timbre de voix chaud et au souffle également un peu court :

« Une ennéade à chevaucher le même destrier … Je connais une autre monture qui ne demanderait que ça. »

Complice, son sourire se faisait aussi joueur que le sien. Puis, il reçut un coup de masse : « Hélas, j’ai du travail ». Il cligna des yeux plusieurs fois, la fixant droit en les yeux afin de percevoir si elle était d’humeur à la blague. Il calma ses ardeurs puis tentait, aussi calmement que faire se peut, de lui répondre :

« Je ne me peux plus d’attendre encore et encore, Krish … Toutes les lames du monde ne valent pas une minute d’attente supplémentaire … »

Lui qui idolâtrait normalement tout ce qui était munit d’un côté tranchant, laissait bien voir comme il avait envie d’elle, comme il la désirait. Aussi intensément qu’il contemplait un champ de bataille dont des centaines de cadavres gisaient, il la fixait de ses yeux gorgés d’envie. Il avait goûté un échantillon de ce qui lui appartenait, de la femme qui s’était unie à lui, jadis. Et il était resté sur sa faim, visiblement. Ses deux mains escaladaient son corps, serpentant sur sa peau comme des couleuvres. De ses cuisses jusqu’au creux de ses reins, il traça du bout de ses doigts quelques caresses attentionnées. Toujours sous elle, se laissant soumettre à sa volonté sans chigner, il poursuivit :

« À te voir, si près de moi, je constate comme j’ai été sot de laisser filer entre mes doigts l’un des plus beaux bijoux du Puy. Depuis toutes ces années, je me suis frotté contre tant et tant d’ennemis, que j’en avais oublié comme tu savais me charmer, avec ce petit sourire mutin … »

Quoi ? Velkyn aussi doux ? Si la vieille forgeronne se targuait un jour au grand publique d’avoir aperçu le Haut-Prêtre aussi sentimental et de l’avoir soumis à sa volonté, étalé de son long sur le sol, jamais personne ne le croirait!

Il aurait put dire n'importe quoi, ça n'aurait pas changé d'un souffle, ni l'expression de Krish, ni la fatigue du voyage… N'importe quoi… sauf ça. Le moins que l'on pouvait dire c'est qu'elle ne s'y attendait pas… Et c'était rare… extrêmement rare. Un éclat de rire surpris lui échappa.

C'était une chose de se mettre délibérément en situation dangereuse pour regarder le déroulement d'une scène quelque peu imprévue comme on va au théâtre, quitte à en payer les pots cassés… Ou plutôt à les faire payer aux personnages qui pensaient pouvoir prendre un peu trop de liberté avec la trame de leur histoire. A la limite, se défendre contre un danger de mort subite, une provocation imprévue, danser sur le fil du rasoir qui finirait tôt ou tard par vous servir de guillotine. Tout cela était rare mais au bout d'un millier d'année, ils s'imprimaient doucement comme une seconde nature. Un recourt nécessaire pour ne pas mourir littéralement d'ennui. Mais cela n'empêchait pas chaque personne de devenir incroyablement prévisible avec le temps. Passé le demi-Cycle, on voit au travers des manipulations et des mensonges que les autres fomentent contre vous. Passé le Cycle, on voit au travers des manipulations et des mensonges que les autres fomentent contre eux-même.  

L'inattendu vient vous ranimer un court instant. Le sursaut vous dit que vous n'aviez jamais penser à ce minuscule détail… Et s'efface aussitôt lorsque vous vous rendez compte que ce que vous venez d'apprendre est une évidence et qu'il vous aurait suffit d'y penser une seconde pour tomber sur le même résultat. Mais la surprise, la vrai surprise, totalement innocente, était un met auquel on ne goûtait plus… au point de finir par l'oublier, d'autant plus lorsque cela n'impliquait pas qu'une personne soit directement menacée.

Et pourtant cet homme accomplit que Krish avait rencontré pour la première fois alors qu'il était à peine sorti de l'enfance venait de la figer.

« Soit tu es bien plus fourbe que dans mes souvenirs, soit tu es bien plus sot... »

Son ton était incertain malgré le fait qu'elle garde son éternel sourire… Mais même en se plongeant entièrement dans regard intense qui la fixait, elle n'arrivait pas à trancher. Il se fichait d'elle ? Etait-il en manque à ce point ? Enfin… Il ne lui en avait jamais fallu beaucoup pour sauter sur une joli femme… Mais il n'avait jamais été non plus du genre à laisser quelqu'un le soumettre pour satisfaire ses envies. Bien au contraire... Alors il tentait de la manipuler ou il était sérieux ? Elle n'arrivait plus à savoir…

Elle l'observait, le scrutait, étendu de tout son long sur le sol, sans qu'il ne tente quoi que ce soit pour se dégager ou s'emparer d'elle. Elle était totalement immobile. Le temps semblait se distendre alors que des mains aussi rugueuses et caleuses que celles de la forgeronne remontaient sur ses cuisse, sur ses hanches, atteignant sa peau sombre sans mouvement brusque.

Elle l'avait toujours connu ambitieux, passionné par son culte et la voie qu'il avait choisi : la voie des armes. Le jeune prêtre qu'elle avait épousé n'aurait jamais laissé une partie de jambe en l'air se mettre entre lui et une arme ou un combat à sa mesure.

Le temps d'un battement de cil, elle aperçu d'autres yeux. Des yeux d'acier la défiant d'une haine sans fond. La mort en personne n'avait pas un tel regard... Mais la chaleur des iris rouges les chassèrent. Ici la haine et la méfiance étaient… absentes ? Pourtant il la connaissait assez pour savoir de quoi elle était capable… Et pourtant l'intensité en était toute autre. Si son souvenir était un feu froid, celui qu'elle avait maintenant devant elle lui faisait l'effet d'un torrent de lave.

« Tant de sensiblerie ne te ressemble pas. » L'une de ses mains remonta sur le torse du prêtre pour y dessiner des arabesques. « Si c'est pour que je te forge une nouvelle là ou une nouvelle armure, ce n'est pas la peine de me sortir le grand jeu, tu sais ? »

De son jeune temps, il était de notoriété publique que jadis l’initié d’Uriz avait aisance à s’amouracher de la première venue. Sans sortir du stéréotype de celui qui cherchait à se faire valoir aux yeux d’Isten, il avait pris habitude de besogner la gente féminine Drow, une fois sous le couvert de la nuit. Inexorablement, bien que le temps avait épargné sa charpente physique de ses ravages, ses occupations l’obligeaient à s’éloigner de son côté « coureur de jupon ». Se souciant de tout ce qui se rapporte de proche ou de loin à la guerre, vingt-quatre heures n’étaient plus suffisantes pour offrir la moindre minute à une femme. Le nez plongé plus que jamais dans les eux creux et tumultueux d’une guerre sans fin, son caractère d’acier et son faciès sévère s’étaient tous deux collé à lui à tout jamais. La présence d’une femme qui autrefois avait attisé en lui une passion hors du commun –outre pour la guerre-, pourrait être en mesure d’y créer une brèche première. Les regards qu’elle lui lançait sans cesse, ces sourires qui n’en finissaient plus, il se revoyait lorsqu’il était jeune et innocent. À mesure que les minutes s’écoulaient, au fur et à mesure qu’il resta sous la main de sa femme, il en venait même à oublier la pesanteur de ses responsabilités au sein de son peuple.

Organiser la défense du front, planifier les prochains raids, s’assurer du retour d’Éraison, les pourparlers avec les artisans qui ne finissaient plus de vouloir négocier leurs conditions … Tout ça n’étaient que bagatelles lorsqu’il se noyait en son regard. Sot, non, il ne se considérait pas ainsi. Bien qu’il ne savait plus à quel point de vieux souvenirs pouvaient un jour émerger d’outre-tombe et vous faire perdre l’équilibre. Ses deux mains s’étaient nichés au bas de son dos et cherchaient désormais à se dénicher un chemin menant jusqu’à son derme. Du bout des doigts, il effleurait la sensible marque qui la différenciait des autres forgerons de ce monde. Exécrant la région où elle s’était bâti une nouvelle réputation, il adorait tâter la cicatrice qui lui rappelait l’endroit où elle avait vu le jour. L’endroit où ils s’étaient unis après avoir vécu quelques années où leur passion avait atteint son apothéose. Il fallait dire qu’il adorait aussi la voir se cambrer sous les frissons que lui procurait cette zone si sensible. Son œil brillant d’amusement se froissa, en même temps qu’il souriait d’avance à l’effet qu’il allait lui prodiguer.

« Tant de sensiblerie ne te ressemble pas. »

« Tu as raison, j'ai probablement été atteint à la tête une fois de trop. »

Ses doigts longèrent son poitrail, pouvant y dessiner les longues et interminables lignes de ses tatouages. Respectivement, y siégeait deux tatouages sur chacun de ses pectoraux bien découpés et exacerbés par son rigueur entraînement. Une croix rougeâtre et dégoulinante de sang, en l’honneur de leur Déesse Kiran puis, deux mains ligotées par un barbelé en l’honneur de sa sœur, Kiel la cruelle. Finalement, une des mains vint profiter de leur échange pour s’attaquer à quelques cordages de son corset. Ses yeux brillaient de malice mais on y voyait une certaine empathie, se réservant d’agir sans son consentement. Pour notre prêtre, il n’y avait pratiquement rien de tel que de conquérir quelque chose dans le but de le posséder, mais peut-être en avait-il soupé après tout que ce soit immanquablement par le fil de l’épée ? Il la savait indomptable et surtout, imprévisible. Un autre soir peut-être aurait-il simplement usé de sa fougue naturelle et de son sens de la « persuasion », mais ce soir-là n’en était pas un. Ils n’avaient jamais été aussi proches depuis plus d’années qu’on ne pouvait le compter et pour cela, il était bien prêt à sacrifier plus d’une vie afin que les minutes s’allongent et que la course de la lune se freine, l’espace d’une nuitée.

« Si c'est pour que je te forge une nouvelle lame ou une nouvelle armure, ce n'est pas la peine de me sortir le grand jeu, tu sais ? »

« Il est vrai que je n’ai jamais eu le culot de te demander ni arme, ni armure qui siéraient à mon titre … »

Velkyn contracta ses abdominaux et se redressait d’aplomb, sans pour autant la chasser de sur ses jambes. Leur proximité fit tinter les lamelles de métal chambranlantes de son corset, faute d’avoir le soutien des nombreux cordons à son dos. Il approcha son faciès du sien et de sa lippe, y frôlait ses lèvres en une concise caresse. Il se fit joueur à son tour et avant de lui répondre, au creux de l’oreille, l’assena d’un mordillement au lobe :

« On m’a toujours dit que tes prix étaient exorbitants … Quel sera le tient ? »

Elle s'en doutait. Il n'était pas sérieux. Atteint a la tête une fois de trop. Voilà qui lui ressemblait plus… Même si son œil laissait toujours la forgeronne perplexe… Elle se promit de ne pas laisser ce mystère irrésolu… De toute façon, elle aurait voulut l'oublier qu'elle n'en aurait sûrement pas été capable. Il y avait des aventures dans lesquelles on ne pouvait s'empêcher de sauter à pieds joints.

Les chaînettes de son corset cliquetaient sur le métal alors que Velkyn se redressait. Leurs visages si proche qu'elle sentait leur souffle se mêlés, elle distinguait chaque strie sombre sur l'iris de son vis à vis. Il frôla ses lèvres. Leurs sourires étaient aussi joueurs et provocateurs l'un que l'autre. Il glissa le long de sa joue. Des dents se refermèrent sur l'oreille de la forgeronne. Elle frissonna de tous ses membres, retenant de peu un soupire.

« On m’a toujours dit que tes prix étaient exorbitants … Quel sera le tient ? »

Elle ne répondit pas. Par les dieux elle n'aurait jamais du le relancer sur la guerre les armes et tout le tremblement ! Les doigts qui frôlaient à peine son dos, parcourant sa marque comme si peu savaient le faire érodaient peu à peu son envie de faire durer l'attente à défaut de faire disparaître la fatigue. Ils n'étaient pas lourds ou insistant sur cette peau trop sensible qui tournait rapidement en douleur ou en gêne les contactes trop appuyés. Ils la taquinaient. Tantôt effleurant du bout des ongles, tantôt semblant vouloir se poser réellement, ses phalanges suivaient des contours qu'il connaissait encore étrangement bien…

« Tu me surprends de plus en plus… J'ai l'habitude de séduire quand j'en ai envie, pas de me laisser convaincre lorsque j'ai la tête à autre chose, Homme. » parvint-elle a murmurer d'une voix… dont elle ne put camoufler le timbre rauque.

Le sourire mutin qui savait visiblement trouvé son chemin dans la cuirasse du Haut-prêtre ne fut que redoublé après cette dernière pique… Mais avec quelque chose de plus flamboyant. Sa respiration s'était de nouveau accélérée.

« Tu me veux tout a toi et voila que tu parles arrangement commercial. Pas très séduisant tout ça... Moi qui croyais que toutes les lames du monde ne valaient pas une minute d’attente supplémentaire... »

Elle ponctua le rappel d'une traînée de baiser sur la peau d'encre qui frôlait son visage, remontant de sa clavicule à sa mâchoire. L'une de ses mains restées sur le torse de son mari, coincée entre le deux corps, se dégagea pour guider d'autre doigts sur une série de lamelles agencées de façon bien particulières sur le côté de son corset.

« Voyons si tu sais encore ouvrir ce genre de fermoir... »

Ce ne serait sûrement pas aussi sportif qu'elle l'aurait voulu. Elle n'était pas a son avantage, mais comme toujours, ses vieux réflexes avaient transformer une de ces situations inédite qu'elle cherchait avec avidité en une autre bien plus facile à gérer. Si seulement elle avait put se rendre compte de cette manie, les surprises serait sans doutes moins rares dans sa vie.

Ses deux mains vagabondaient contre sa peau sensible et la voir réagir l’amusait plus qu’outre mesure. Le ton de la soirée se faisait aux chuchotements, chose qui n’était pas pour lui déplaire après une journée aussi cacophonique. Il avait le lointain souvenir qu’à son jeune âge, elle lui montra tout des jeux de l’amour. C’est elle qui s’amusait de lui, elle qui le charma alors qu’il n’avait point connu d’autres femmes, elle qui le chevaucha pour la première fois … Le temps, inévitablement, faisait bien avancer les choses et via les expériences qu’il avait vécu suite à leur mariage, il tentait au mieux d’échanger les rôles. Lui, devait la convaincre, lui devait la charmer et si possible, à terme, c’était à lui de prendre les rênes de leurs ébats … Si cette chose était possible, compte tenu du caractère imprévisible et explosif de sa compagne. La chose était envisageable mais fort bien peu probable, se disait-il finalement … L’assurance dont il faisait preuve envers d’autres conquêtes avait cette vilaine habitude d’être ébranlée en compagnie de sa femme. Il gravitait autour d’elle l’une de ces aura qui perturbait, qui fracassait d’un coup l’assurance de quiconque se targuerait d’être maître en sa présence. Pas même le Grand-Prêtre savait s’en protéger et il le savait. Il se devait tout de même de tenter sa chance et de faire comme si rien de cela ne l’atteignait.

Les nombreux baisés contre son cou, son faciès et ses lèvres ne lui facilitaient pas la tâche. Ses deux pattes d’ours se glissaient à son dos et s’affairaient à dénouer les derniers cordages. Heureusement pour lui, eux deux tapis dans l’ombre, personne n’assistait aux longues secondes qu’il lui fallait pour lui dérober son haut. Tout ce temps, son visage s’était froissé d’agacement et d’une onze de crainte, crainte de faire l’objet d’une quelconque raillerie. Mais voilà que  c’était chose du passé, il avait rendu sa liberté à sa poitrine opulente. Cette petite victoire lui redonna la confiance qu’il lui fallait pour aller de l’avant : sa main se cramponna à sa croupe et il la fit basculer contre le sol où il lui barrait toute échappatoire possible en déposant ses deux jambes de parts et d’autres de son bassin. Faisant de son dos un arc, il se pencha pour venir étreindre ses lèvres des siennes avec d’autant plus d’avidité qu’il y a peu. Il dévora ses lèvres avec une passion sans pareille, profitant de cet excès d’envie pour venir soupeser l’un de ses seins et venir frôler de justesse son sommet érigé la luxure du moment. Il lui mordilla la lippe en terminant par un dernier et interminable baisé, soufflant tout juste après :

« La séduction n’a jamais été l’une de mes forces … Mais après plus de six-cent années, il est peut-être temps de s’améliorer. »

Il traça son chemin jusqu’au bas de son cou en laissant derrière lui une traînée de baisés tous aussi langoureux les uns que les autres. Il amorça dans une lenteur accablante une montée, à l’aide de ses lèvres, contre le sein qu’il avait tâté de sa main. Arrivé en son sommet, il marqua son territoire en lui dérobant une caresse labiale dès plus attentionnée. Ce petit endroit usuellement connu pour créer des avalanches se devait d’être traité avec finesse et respect –pour le moment du moins- et c’est ce pourquoi sa langue osa une sortie pour en titiller la cime. Ses deux mains quant à elles exploraient les alentours de ses pantalons de cuir, comme pour trouver moyen de lui en faire le retrait. À tâtons, il trouva le moyen de lui libérer les jambes de leur prison de cuir mais en restait là. Peut-être, sans doute, aimait-il à son tour la faire languir, alors qu’elle dansait sous les attentions que Velkyn apportait à sa plantureuse nudité.

Le mantel ocre du Haut-Prêtre venait chatouiller les flancs de Krish. Enfin il avait réussit à la défaire de son corset… qui tomba dans un bruit sourd sur la natte de paille qui isolait la pièce de l'humidité du sol. L'air frôla à peine la peau de la forgeronne que celle de son vis à vis vint se presser agréablement contre elle. La couleur et l'aspect du par-dessus qui cachait encore les épaules de Velkyn avait le don de dégoûter les personnes doté d'un quelconque goût… Mais il avait également la particularité de n'être que lâchement attaché. Il couvrait sans couvrir. Cachait tout en dévoilant.

Elle avait a peine profité de sa nouvelle liberté de mouvement que les mains de son amant quittèrent son dos pour s'emparer de ses hanches et la faire basculer sur le sol. Ses réflexes voulurent nouer ses jambes derrière le dos de son agresseur, mais il fut plus rapide et il se retrouva au-dessus d'elle avant qu'elle ne le réalise réellement. Un sourire dévoilant ses dents dont le blanc tranchaient sur sa peau d'encre, elle ne sut si c'était lui qui s'était emparé de ses lèvres ou si elle l'avait violemment tirer vers elle.

Leurs baisers se faisaient plus langoureux, plus brûlants. Les mains de Velkyn s'aventuraient avec plus de témérité. Perdant l'une des sienne dans la crinière de son époux, l'autre agrippa fermement le col de la serpillière ocre pour la tirer violemment en arrière au risque de la déchirer si son propriétaire ne s'activait pas rapidement pour l'enlever.

Ses intonations rauques la faisaient frissonner. Même après tant d'années, la Voix des Dieux vibrait encore a son seul contact. Pour toute réponse, elle ne gratifia d'un air de défit et lui arracha un baiser de plus avant qu'il ne glisse sur sa gorge, sa poitrine. Il disait peut-être que la séduction n'avait jamais été son fort mais Isten n'avait jamais délaissé Velkyn pour ce que Krish en savait… Et l'habileté de sa langue pardonnait très largement ses quelques cafouillages.

La forgeronne se cambra légèrement, laissant aller sans retenu ses soupires naissants sans plus en demander à ses muscles noués de la fatigue du voyage. L'une de ses jambes cherchait à glisser contre celle du prêtre pour aller attiser une partie de son anatomie qu'elle eut la surprise de découvrir déjà presque aussi ferme que sa volonté. Ses propres mains couraient sur le buste scarifié et tatoué qui s’étalait enfin pleinement à sa vue. Le bout de sa griffe courrait avec légèreté de symbole en cicatrice, soufflant des caresse. Du bout des doigts, elle étudiait chaque réaction, l'intensité de chaque frisson, de chaque contraction involontaire, chaque changement dans sa respiration. Elle se délectait presque autant de retrouver d'ancienne observation que de son propre plaisir.

Impatienté par le jeu qu'il voulait tenir encore un peu, la respiration erratique et le rythme cardiaque commençant à s’emballer bien trop a son goût, l'une des mains de Krish avait finit par atteindre le ceinturon de cuir et s'affairait agilement à le détacher. Sa patte griffue, en revanche, glissa dans le cou de son amant pour aller taquiner sa pomme d'adam de la pointe de sa griffe. La pression ne se voulait pas menaçante, juste assez agressive pour le pousser à relever la tête vers elle sans l'embrasser pour autant. Elle voulait voir son expression, son visage, se plonger dans son regard sanglant. S'assurer que c'était lui et nul autre peut-être…  Un instant suspendu hors de la fougueuse course du temps alors qu'elle s'affairait toujours, distraitement. Cela n'était pas dans ses habitudes… Mais pouvait-on encore parler d'habitude dans une situation pareille ? Elle en avait envie. Elle n'avait pas besoin de plus pour passer à l'acte.

Il roula des épaules et fit chuter son mantel d’une exécrable facture afin d’en dévoiler ce dont les yeux de sa compagne n’avait su découvrir de son poitrail. La profondeur de ses cicatrices et de ses scarifications semblaient plus douces et moins violentes à l’œil, sûrement dû au jeu de lumières des chandelles. Alors qu’à l’inverse, l’immaculé de ses marques religieuses allaient de pairs avec les ombrages. Son souffle manquait mais l’appétit qu’il avait pour ses lèvres ne s’amenuisait en rien. Il en redemandait encore et encore, profitant au passage de chaque attention qu’elle lui livrait, ne serait-ce que cette jambe curieuse entre les siennes, ce doigt qui parcourait son torse ou sa main à sa ceinture. Il inspira profondément puis retournait à la charge de son visage alors qu’il se fit stopper par la griffe à son cou. Sous la « menace », il se vit contraint à redresser le menton et mettre frein à sa fougue passagère. La gorge bien tendue, le souffle plus court que jamais, il plongeait ses deux iris rougeoyants en les siens, lui laissant croire pendant l’ombre d’un instant qu’il était sous son emprise à elle et à personne d’autres. Il déglutissait lourdement et se surprenait à lui sourire, une fois qu’il avait constaté comme il était à sa « merci ». Poussant le jeu jusqu’au bout, il força à contre-courant et fit s’appuyer d’avantage la griffe contre son cou. Il continua jusqu’à ce qu’enfin, une gouttelette de sang vienne perler et pleuvoir sur la joue de la forgeronne. Sûrement était-ce son orgueil qui avait parlé, pas en mesure de lui laisser croire qu’elle pouvait le soumettre … Ou du moins, pas de cette manière.

Comme un petit animal en cage, retenu sous la menace, il tenta tout de même de trouver une alternative. La main qui tantôt s’était endormie à l’encolure de son pantalon de cuir se réveilla et entreprenait de le faire glisser le long de ses hanches, autant qu’il le pouvait, compte tenu de son étroitesse. Cette même main tenta de perturber et de déjouer les airs amusés de sa compagne en allant, délicatement, effleurer le bouton de sa fleur intime. Quelques mouvements circulaires, l’effleurement de son pouce, quelques pressions suggestives … Son regard ne déviait jamais, patientant de voir si ses manœuvres porteraient fruit. Ils en étaient encore qu’au jeu et il n’avait pas dans l’idée de perdre, ça non! Son sourire à lui s’accentuait au fur et à mesure que sa main gagnait en vigueur, alors que d’autres goutes sanguines s’échappaient de sa gorge et glissaient le long de la griffe meurtrière.

Il en avait perdu le fil du temps et plus rien ne comptait, sauf elle. Il avait fait le vide, sa psyché était libérée de tous ses tourments ainsi que de tous ses soucis … Jusqu’à ce qu’il entende un souffle, une voix chaude et suave à souhait. Une voix familière qui s’était jadis déjà entretenue avec lui, lorsqu’il s’était marié. Depuis toujours il avait interprété cette tonalité comme celle d’Isten, mais la schizophrénie avait ce défaut d’offrir à son porteur ces quelques hallucinations auditives au moment le moins opportun.

«N’oublies jamais qui est-elle … Tu t’es uni à elle et la voilà, toute là offerte pour toi. Honores-là comme à la première fois. C’est elle, elle que j’ai choisi. »

Elle retint un gémissement, le transformant subtilement en un écart de respiration.

La griffe qu'elle avait continuer à tenir sur la gorge de Velkyn malgré la goutte écarlate qui s'était écrasée sur sa joue, commençait à montrer des signes de faiblesse. Il était à un battement de cil de son visage. Leurs respiration se croisaient, se mêlaient. Elle vint taquiner le coin de ses lèvres rêches du bout de la langue. Il souriait, souffle court. Elle sentait son regard intense s'égarer sur son visage, suivre ses lèvres, sonder ses yeux… et elle prenait plaisir à y voir son reflet.

La ceinture d'arme du prêtre glissa au sol à côté d'eux.

Soudain, la pression de la griffe disparue. Une langue agile passa sur le métal pour en cueillir une goutte de sang. Les deux bras de la forgeronne la plaquèrent contre lui. Contre sa peau chaude, couturée, décorée. Elle tenta de le faire basculer dans le même mouvement mais que ce soit sa fatigue ou le talent de son adversaire, elle retomba plat dos, entraînant Velkyn avec elle. Trois baiser claquèrent voracement contre la mâchoire du sombre alors qu'elle se tendait rapidement pour refermer les dents sur le lobe de son oreille, le maltraitant avec cette sorte de douceur avide qu'on ne peut imiter. Taquinant sa boucle d'une langue experte.

Malgré ses efforts, elle ne parvenait à se défaire de ses cuissardes à la seule agilité de ses pieds. En quelques instants interminables, elle n'avait réussit qu'à les décoincer légèrement. En même temps ce n'était pas les chaussures les plus facile à enlever. Elle aurait su elle aurait certainement porté autre chose de toute façon… et pris un bain… dormi… et trouvé quelqu'un pour lui dénouer le dos.

Mais toute a son ardeur, elle se souleva un peu dans l'espoir qu'il finisse ce qu'il avait commencer et la libère de ces vêtements récalcitrants. Ses mains s'agrippaient au large dos du prêtre sans ménagement. L'une d'elle décida finalement de descendre plus bas pour profiter de son fessier malgré les braies qui le gainaient encore. Glissant sur le tissus qui couvrait la hanche du guerrier, elle laissa ses doigts prendre le relais de la jambe qui avait cessé son balai pour profiter des caresse.

Elle ne remarqua pas le léger voile qui passait dans les yeux de son amant au moment où une autre voix que la sienne sonnait à son oreille. Elle n'avait pas d'énergie à perdre en raillerie ou en mots inutiles. Une rareté... Elle était simplement là entre ses bras, oublieuse du monde comme à chaque fois. Certains devaient voir bien peu de poésie dans la scène que jouait ces êtres, mais Krish la savait être une forme d'art consommé. Chaque caresse, chaque partenaire était différent. Chaque geste avait sa propre portée, sa propre profondeur et la gamme aux clés innombrables donnait une infinité de symphonie. L'un des rare poème qui pouvait, ne serait-ce que pendant quelques instants, atteindre directement le cœur. Et lorsque le regard de l'elfe noire croisait celui de Velkyn, la seule chose qu'elle savait c'est qu'elle toute forme de désire ou de manque avait disparu au profit de ceux qu'elle ressentait pour cet homme.

Tous deux étalés sur le sol, à se débattre pour savoir qui étancherait sa soif de l’autre le premier, se roulant l’un sur l’autre pour qu’au final, il se retrouve toujours dominant. Elle était éreintée, ça se voyait, mais il en avait cure. Même qu’en fait, il décida d’en profiter plus qu’outre mesure, sachant pertinemment qu’elle ne serait pas toujours aussi docile. La cérémonie avait assez durée, il se redressa et s’éloigna du visage de Krish afin de lui ôter –certes assez peu délicatement- les affublements qui couvraient sa pudeur. Lui aussi adoptait la tenue d’Adam, envoyant valser bien plus loin ses braies mais aussi, ses sous-vêtements. Une déchirure occasionnée par son engouement fût d’ailleurs entendue. Il la dévora une dernière fois des yeux, contemplant la créature d’haut en bas, pendant d’interminables secondes, enfin, plus rien ne lui obstruait la vue. Elle était telle qu’il s’en souvenait, belle comme à ses premiers jours. Le temps se montrait plus clément sur certaines personnes et la Forgeronne, bien qu’elle ne fût point totalement épargnée, s’était vue choyée en ce sens. Et de toute manière, quand bien même aurait-elle été moisie comme une morue ou munie d’une paire de tétons balayant le sol, il en aurait été de même. Elle était sa femme et les voix en sa tête l’avaient désignée comme son élue, comme étant LA FEMME à posséder. Peut-être était-ce folie, un trop plein de passion ou simplement l’amour, mais elle saurait toujours attiser en lui ces réactions démesurées.

L’une de ses mains venait épouser sa cuisse puis longea jusqu’à son mollet qu’il souleva dans les airs. Il s’appuya ensuite contre le corps de sa femme, son autre main venant se poser tout près de sa tête. Son regard était mutin, son sourire tout autant et dans le silence, pendant que le sang s’égouttait encore de son cou jusqu’à son poitrail, son bassin fît en sorte qu’il ne fasse plus qu’un avec elle. Son souffle s’était calmé et pendant la manœuvre, il tâcha de ne rien manquer du spectacle qu’offrait le visage de sa mie. Il se délectait de chacun de ses soupirs, de ses sourires et même de ses regards. Il avait entre-temps, déposer la jambe de sa partenaire contre son épaule, question qu’elle soit plus à l’aise et avait amorcé une danse très lente du bassin.

Ne sachant pas dévier de leur jeu, la lenteur de ses mouvements démontrait comme il se plaisait à la faire languir. Elle aimait ces jeux de séduction, où la patience était la première arme et où le but du jeu, était de faire craquer son adversaire. Il avait une –bonne- longueur d’avance là-dessus. C’est pourquoi il continua, encore et encore, sous un rythme prudent et très minutieux. Ses lèvres s’étaient assagies et s’étaient établies non loin des siennes, sans jamais plus les toucher ou du moins, pas de son grés. Il alla parfois nicher son nez en son cou où il profitait du fumet de son parfum et où il couvrait sa peau sombre de quelques attentions passagères, du bout de la langue.

Il menait la danse, pour le moment, poussant plusieurs râles de satisfaction rauques et grave. Va savoir combien de temps pourrait-il endurer de jouer la comédie aussi longtemps …

Un léger rire secoua Krish lorsqu'elle entendit un tissus se fendre. Ne pas confondre vitesse et précipitation… Nue sur le sol, appuyé nonchalamment sur un coude en attendant qu'il daigne se retourner vers elle, elle ne manquait pas une miette du spectacle, redécouvrant un corps qui avait jadis été sien avec un sourire des plus satisfait… et des plus avides. Elle aurait put être dans un lit immense affublé d'une tenue magnifique et entouré de coussins couverts de dorures ou d'esclaves par dizaines, son attitude aurait été la même… même si elle aurait été plus confortablement installée, il fallait l'avouer.

Elle frissonna. Le fond de l'air semblait soudain traîtreusement frais. Reprenant un peu son souffle, son bras se resserra sur son ventre comme si cela pouvait suffire à lui tenir un peu plus chaud. Et cet homme, insupportablement maître de lui, s'arrêtait là, face à elle, l'observant de haut en bas, la fixant d'un regard espiègle. Elle du se mordre la joue pour ne pas laisser filer un mot. Ni supplique, ni provocation car elle savait qu'elle n'aurait pas réussi à prononcer l'une sans l'autre. Seulement leurs yeux qui s'affrontaient encore un peu alors qu'elle mourrait d'envie de rendre les armes. Elle ne bougeait pas, prenant plaisir à le voir céder peu à peu a sa propre envie.

Elle frissonna d'une toute autre façon lorsque des doigts calleux heurtèrent sa cuise. Sa peau tachetée de brûlure gris cendre appréciait bien plus ce contact que celui de mains qui n'avaient jamais connu le labeur. Les muscles de sa jambes se tendirent légèrement alors qu'elle se redressait  mais le geste de son époux la dissuada d'aller jusqu'au bout de son idée. Une main repoussa sa crinière blanche éparpillée au sol pour pouvoir s'appuyer près de l'emplacement que venait de quitter sa tête.

Elle se rallongea tout a fait pour le laisse venir totalement à elle. Ses mains se nouèrent sagement derrière la nuque du sombre, fouillant presque malgré elle dans sa chevelure d'argent. Ses gestes se faisaient lents, moins empressés, plus sensuels. Elle suréleva un peu pour l'aider à trouver son chemin. Son souffle trembla lorsqu'elle le sentit s'insinuer lentement en elle. Elle faillit fermer les yeux mais le contacte visuel qu'elle se refusait à perdre l'en empêcha in extremis. La jambe qui était posée sur l'épaule de son amant se tendit tout a fait. Sa seconde jambe s'enroula dans son dos, caressant ce qui se trouvait à porté du bout de son pied alors qu'il commençait à bouger. Lentement. Langoureusement.

Le rythme de ses vas et viens devint très vite celui de la respiration de sa femme. Il mesurait le moindre de ses gestes. Même lorsque son visage s'approcha dangereusement de celui de Krish, il ne l'embrassa pas. Elle sursauta presque en le sentant se nicher de nouveau dans son cou. Le parcourir autant qu'il lui était possible avant de venir redécouvrir les expression que leur corps a corps provoquait.

L'oeil de la forgeronne se fit de nouveau plus incisif. Son sourire félin plus vorace face à l'air mutin du prêtre. Aussi lentement que lui, elle accentuait de plus en plus ses mouvements de bassin à contre temps, rendant cette danse tantôt plus vive, tantôt plus étouffée. Si elle ne pouvait pas utiliser chaque muscle de son corps, elle usait au moins des plus intimes, provoquant sans un mot le souffle rauque de son mari. Qu'elle ne le chevauche pas ne voulait pas dire qu'elle lui laissait les pleins pouvoirs.

Usant de sa souplesse, la jambe qu'il avait lui-même déposé contre son épaule se plia contre sa nuque et le tira en avant, l'obligeant à venir s'emparer des lèvres de Krish. Cette dernière s'empara de la main libre du sombre pour la poser contre le renflement d'un sein.

Tout cela était d'une… douceur inattendue malgré leur concours silencieux. Il voulait la combler, la voir céder la plus petite parcelle de contrôle… sans y croire tout à fait. Et pourtant elle en était proche. Cette douce crispation qu'elle connaissait si bien l'engourdissait peu à peu malgré ses efforts, l'empêchant de penser. Ses mains couraient sur le corps de l'homme qui la mettait au supplice chaque seconde un peu plus. Elle savait qu'elle aurait put lui arracher son extase, la quémander. Il lui aurait donné. Mais ses quelques tentatives pour prendre le dessus, aussi approximatives que pulsionnelles, avaient été balayées.

Au moment où il replongea dans son cou, elle aurait jurée ne plus avoir la volonté de continuer cette minauderie une seconde de plus. Ses dents se posèrent au creux de la large épaule du sombre. Au lieu de parler, sa bouche y grava un suçon… Mais ce n'était pas assez.

« Velkyn... »

Un rire étouffé secoua son poitrail lorsqu’il remarqua qu’elle tenta d’elle-même d’accélérer la danse. Il sentait son corps onduler, ses hanches s’agiter à contre-courant dans l’espoir, sans doutances, qu’il acquiesce à sa muette requête et qu’il adhère à des mouvements plus convaincants. Lorsqu’il sentit le serpent s’enrouler à sa nuque, il se laissa manipuler par la pression et retournait marier ses lèvres aux siennes pour lui raccourcir le souffle derechef, en un baisé plus qu’exhaustif et luxurieux. La voir insister, encore et encore des hanches, lui donna la curieuse idée de s’immobiliser. Il prit pause, là, bien installé en elle. Entre deux baisés sulfureux, le sourire bien fendu jusqu’aux oreilles, il lui souffla quelques mots dans l’espoir de la faire craquer :

« Comme tu es impatiente ... »

Loin d'être acerbe, il lui avait plutôt dit cela sur un timbre de voix joueur et complice. Il ne lui permit cependant pas de répondre puisqu’il retourna à la charge, mordillant parfois sa lippe en terminant une de ses étreintes. Il avait tué ses pas de danse pendant un moment déjà, bien qu’il s’amusait à aller la secouer en la titillant d’un coup de bassin concis et soudain. Lorsqu’elle s’empara de sa patte, il obtempéra également, loin de renâcler à l’idée d’aller palper ces horizons. Lorsqu’il nicha son nez dans son cou il senti comme elle était sur le point de craquer, comme elle allait tôt se briser comme le verre d’un miroir. Il se jouait d’elle, patientait et espérait que tôt, elle piétinerait sans remords sur son orgueil et qu’elle se ficherait d’être bonne perdante dans leur jeu improvisé. En même temps, il savait à qui il avait à faire : ce n’était là pas un simple félin qu’il agaçait. Il tirait la queue d’une dragonne et pas n’importe laquelle, il avait gros à perdre –ou à gagner, dépendamment …-.

Sa main tantôt posé sur le sommet de sa nudité rebondissante, se refermait progressivement comme un étau dont on refermait l’emprise. Les caresses se diversifiaient, parfois douces, parfois plus provoquantes. Son index et son pouce agissaient en tourmenteurs, agaçant la protubérance de la montagne de quelques pressions. Il était vrai aussi qu’il n’était pas cruel à ce point … Si autrefois il avait pour elle éprouvé un peu d’amour, aujourd’hui cette flamme éteinte montrait encore un peu de vie. S’il ne voulait pas voir les braises s’éteindre, il fallait tout de même y mettre du sien et raviver la chaleur via au moins, quelques attentions bien choisies.

Sans crier gare, il abandonnait sa poitrine et clôtura son dos d’un bras et sa croupe de l’autre. Une fente plus tard, la soulevant de sur le sol pour la laisser choir sur le rebord du bureau. Comme le temps, il changea et l’enfourchait derechef sans autres cérémonies. Puis, tout juste avant d’aborder une nouvelle danse dont le rythme était nettement plus rythmé, il vint nouer ses deux jambes ensembles à l’aide de son bras dextre et les vint se soulever vers le ciel. Il garda tout de même un contact visuel avec son adorée, palpant chacune de ses réactions et n’en manquant pas le moindre des détails. Il lui donna cette fois plusieurs bonnes raisons de gémir de plaisir, compte tenu des coups de reins soutenus qu’il lui administrait. Son souffle était tout aussi rauque que tantôt mais démontait cette fois comme il en tirait du plaisir. Lui aussi commençait à céder aux plaisirs que la chair pouvait lui offrir, après tout … Il se cambra un peu puis venait couvrir de quelques baisés innocents le mollet de la forgeronne, tout en continuant ses coups de boutoir.

Après un moment, analysant l'intensité de son plaisir, il freina la cadence d’un cran, tout au même instant qu’il léchait sa peau d’encre à l’aide de sa main, de sa cuisse surélevée jusqu’à son séant. Il lui déroba une caresse plus qu’attentionnée, tâtant la région avec avidité et plaisance.

Comme il se plaisait de jouer avec ce félin aussi féroce que dangereux …

Le traite ! Plus elle se languissait, plus il ralentissait. Il allait même jusqu'à s'immobiliser le chacal ! Ah il le prenait comme ça ! Bandant ses muscles déjà raidis par la fatigue, Krish se…

retrouva soudain presser contre le torse de son amant avec une exclamation de surprise lorsqu'il l'enleva du sol. Elle heurta le bureau plus violemment que prévu… a moins qu'il soit vraiment très peu soigneux mais elle lui laissait le bénéfice du… oooh tous les bénéfices qu'il voulait !

Sa respiration eut un sursaut. Sa main griffue se referma dans un spasme sur la première partie de l'anatomie du prêtre qui passa a portée : sa cuisse. Sans aucune mesure, elle y planta griffe et ongles, se cambrant soudainement en arrière. Son autre paume ne glissait non plus sur le corps de Velkyn mais sur le sien, palliant à ce manque d'attention dont elle s'était trouvée la victime, du moins tant que personne n'y viendrait mettre un terme.

Pour l'aider à tenir, elle croisa les chevilles. Elle glissait sur le bureau, son bassin dansant lascivement pour trouver l'angle le plus adéquate, les sensations les plus délicieuses. Contre ses habitudes, elle s'abandonna à son rythme, son étreinte, sa passion. L'esprit embrumé de plaisir, elle gardait l'image du feu de ses iris sur elle, s'accrochait à son regard autant qu'elle l'obligeait à garder ce contact.

De seconde en seconde sa respiration se faisait plus profonde. Ses gémissements plus sonores. Elle chercha la main de Velkyn, glissant ses doigts entre les siens et…

Et lâcha un grognement de rage lorsqu'il ralentit de nouveau. Ses jambes se plièrent violemment, ses pieds échappant à demi à l'emprise de la large main pour se poser sur le haut de son buste… Et le propulser en arrière de toute la force qu'elle avait encore, le déséquilibrant même assez pour qu'il tombe a la renverse.

Mais au lieu de lui sauter littéralement dessus pour profiter de se moment de faiblesse, elle ne bougea pas de son perchoir. Elle n'avait pas quitté l'homme des yeux. Il s'amusait à la faire languir alors qu'il la savait fatiguée d'un long voyage ! Et bien elle prendrait les choses en mains personnellement. Au sens propre du terme ! Son regard encré dans le sien, il ne lui fallut qu'une poignée de secondes pour qu'une délicieuse crispation s'empare de tout son être. Même avec tous les réflexes du monde, il n'aurait pas eut le temps de revenir vers elle.

En un battement de cœur, une chaleur brumeuse se rependit en elle. Sa jambe fouetta le vide. Pour la première fois, son regard quitta celui du Haut-prêtre alors que sa tête se rejetait en arrière sans retenue. Chaque muscle de son corps se tendait avant de se relâcher doucement. Le sang battait à ses tempes.

Elle était si agacée que même cette petite étincelle de plénitude et d'éternité dura bien moins longtemps que ce qu'elle aurait voulu. Encore nébuleuse, assise sur le bord de la table, elle glissa précautionneusement au sol pour se camper sur ses jambes fatiguées.

« Vue ta maîtrise, tu pourras finir tout seul sans problème. J'en suis sûre. »

Dressée de toute sa hauteur, sa voix rauque avait atteint le paroxysme de la provocation. Elle le raillait, mi-agacée, mi-satisfaite, admirant avec délectation le corps ciselé qui s'étalait devant elle, d'un œil pas encore tout a fait revenu de ses émotions.

Ah voilà! Les braises incandescentes de leur passion se ravivaient de plus belle lorsqu’il senti contre sa cuisse la morsure de la passion. Griffes et ongles se plantèrent contre la chair, mordant d’un enthousiasme qui peignait avec aisance le tableau de son engouement à la chose. Sa poigne de fer arrachât tout de même un grognement soudain et rauque au guerrier qui se fit surprendre par ce pincement. Sa cuisse se faisait malmenée mais il n’en avait cure puisqu’il savait qu’il allait bientôt bloquer l’engrenage de leur ébat pour une tierce fois. Il en termina avec elle –pour le moment- et puis aussitôt fait, ses yeux s’ouvrèrent tout grand de surprise. Stupéfait, le rugissement de Krish déchira le silence qui régnait sous la tente et secouée d’une rage profonde, la panthère, à pieds joints, se propulsa contre son poitrail dénudé. Loin de s’attendre à pareille bousculade, son souffle s’en vit couper net sec et c’est cul nul qu’il culbuta contre le sol froid et humide.

Il venait de se faire mordre et pas qu’un peu. Mais pi encore, c’est qu’il n’était pas au bout de sa peine. L’animal qu’était Krish n’avait pas fini de faire les dents sur son tortionnaire car plus cruel encore était le sort qu’elle lui réservait.

Sagement étalé sur le sol, encore un peu sous le choc d’une telle prise, il cligna plusieurs fois des yeux puis tenta de se redresser, juste avant qu’il ne constate que sa femme avait perdu suffisamment de temps. Sa main s’était faite bonne remplaçante de sa généreuse virilité et s’était activée deux fois plutôt qu’une. Obnubilé par le spectacle, il ne tenta plus même de reprendre le dessus sur le jeu. Il profita de tout ce qu’il lui était possible d’admirer chez elle : son corps, ses feulements de plaisirs, sa manière de bouger et finalement, ce regard qui quitta le sien pour la première fois. Les secondes se comptaient sur une main avant qu’elle n’atteigne le paroxysme de leur soirée de luxure. Il s’était brûlé et plus qu’au troisième degré parce que pendant qu’il l’épiait sans gêne aucune, les fesses collées contre le sol humide, elle, jouissait à outrance en dressant l’échine bien droite lorsqu’un fulgurant orgasme vint l’assaillir. Elle reprit à peine son souffle qu’elle lui lança une pique plus provoquante que jamais, alors que pauvre de lui, il se retrouva esseulé et de surcroit, toujours raide comme une barre de fer.

Il se retrouva franc perdant et cela l’agaçait en un point tel qu’il garda prisonnière sa langue dans la prison de ses dents. Il posa une main conte le sol, s’emparait au passage de son mantel puis se redressa silencieusement. Il approcha, d’un pas lent mais résolu pour venir couver ses épaules, si elle le laissait faire, dans une manœuvre attentionnée. Il n’avait pas fait mine de vouloir mettre main à l’ouvrage et lui aussi, terminer ce qu’il avait commencé. Il préféra venir faire l’ombre de sa femme et se nicher à son dos, là où ses mains se posèrent contre ses épaules. Suggestives, quelques pressions préliminaires démontraient comme il s’était assagit depuis sa défaire, se démontrant plus doux et attentionné.

Son mutisme parlait de lui-même, Krish l’avait mordue et pas qu’un peu! Mais ce n’était pas pour lui déplaire, compte tenu que c’était d’abord pour son caractère farouche et effronté qu’il avait jadis éprouvé pour elle d’aussi forts sentiments. Ses pouces remontèrent et tracèrent un chemin sinueux de pressions inégales, du haut de son cou jusqu’à ses trapèzes. Tôt, elle pouvait d’ailleurs sentir la présence de souffle brûlant contre son cou auquel il susurra :

« Le moment semble bien opportun pour cette fameuse idée de bain … Qu'en dis-tu ? »

Sa phrase se termina en étouffant son souffle à l’arrière de son oreille où il nicha un baisé tout innocent mais ô combien langoureux.

La main traînant sur le bord du bureau, elle s'attendait à le voir réagir au quart de tour… mais pas de cette façon. Elle suivit des yeux l'approche de son mari, sans bouger d'un pouce, cherchant à  percer ses intentions, jaugeant son attitude, décryptant ses mouvement. Elle était peut-être impulsive, mais certainement pas stupide, et l'homme qui venait de rouler à terre était l'un des deux hommes les plus important de leur peuple… Et un homme qui n'aurait pas rougit face au Karliik Glenn Malag'eyl une arme à la main.

Sa posture se tendit légèrement lorsqu'il passa dans son dos. Un frisson presque douloureux accompagna sa méfiance lorsque les mains caleuses se posèrent sur ses épaules, mais elle le laissa faire sans un geste de défiance, restant seulement attentive au plus petit changement.

Mais au lieu de s'attaquer a sa gorge, ou de l'agripper férocement, les puissantes mains s'attardèrent plutôt sur les nœuds de sa nuque et de ses épaules, lui arrachant un soupire d'aise. Elle se détendit instantanément. Les murmures de Velkyn étaient encore empreints d'agacement et de tension… et pourtant ses gestes restaient mesurés, suggestifs, certes, mais doux. Il avait réellement mûri…

Krish sourit à sa proposition, laissant aller sa tête en arrière, longeant le côté de son visage, s’imprégnant une seconde de plus de son odeur. Elle glissa une main agile dans son large dos pour faire disparaître toute distance, sentant la virilité de son amant cogner ses reins.

« Tu es plein de surprise ce soir... et d'un calme divin...» murmura-t-elle a son oreille. « Tu es sûr que tu ne risques pas de me noyer si j'accepte ? »

Au final, elle était bien. La réaction de son époux avait emporté toute son irritation. Il l'intriguait de plus en plus. L'intérêt qu'elle éprouvait pour lui n'était pas seulement physique comme pour la plupart de ses conquêtes. Il était bien plus que ça… né de la passion d'une époque lointaine, du respect pour un homme de talent qui avait su tracer son chemin, de l'admiration presque fascinée pour un être choisi par les Dieux pour conduire son peuple, et de quelque chose de plus personnel… une curiosité, la surprise d'une incompréhension qui la taraudait. Il y avait dans le comportement de cet homme quelque chose qui lui échappait et qu'elle voulait saisir.

« La proposition de la baignoire commune s'étend aussi a la chambre ou tu attends que je te laisse dormir en paix et que j'aille harceler l'intendant une fois propre ? » ajouta-t-elle avec un sourire de nouveau amusé.

Elle se retourna vers lui, sa cuisse glissant par "mégarde" sur le désir encore ardant du guerrier. Ses bras s'accrochèrent lâchement à son cou. Dormir seule... voilà bien une prérogative dont elle se passait aisément... même chez elle.

S’il avait mûri ? Cette question était discutable en de nombreuses choses. Seulement, la Maîtresse des Forges pouvait se contenter chanceuse parce qu’elle avait, à son insu, la quasi-immunité du Prêtre. Enfin, disons que la ligne de l’acceptable se voyait franchement déportée, lorsqu’il s’agissait d’elle. Peut-être était-ce parce qu’elle était la mère de sa fille, ou simplement parce que c’était elle : une bête féroce et indomptable dont il se faisait un cruel plaisir à tenter d’appâter. Avec une autre, c’est sans doutances qu’il se serait sûrement redressé sans respit pour aller punir sa conquête en la culbutant comme si aucun lendemain était au rendez-vous. La fessée aurait été cinglante et les coups de reins, violents et bestiaux. Il faut croire qu’elle était bénie parce qu’à l’inverse de ce triste sort, c’est à son dos qu’il se nicha pour lui délivrer quelques douces attentions.

Lorsqu’elle se retourna, elle accrocha –sans doute par mégarde- sa protubérance encore raide d’envie, ce qu’il lui fit fermer les yeux momentanément. Ses poumons se remplirent d’air en une inspiration qui se voulait contrôlante sur ses envies. Lorsqu’elle lui fit face, ses deux pattes d’ourson vinrent boucler un, puis deux boutons au niveau de son abdomen, afin d’en refermer ensembles les tissus de son mantel. Il laissa précautionneusement une vue plus que suggestive sur le vallon que formait sa généreuse poitrine délaissée. Lorsqu’elle lui souffla la dernière phrase, un sourire mutin reprenait d’assaut le minois du Prima. Il prit un moment avant de répondre et tout en l’aidant à enfiler à la va-vite ses braies plus que serrées, il répondit simplement :

« Les portes de ma couche te seront toujours ouvertes … Tu es ma femme, Krish. Qui plus est … Ce serait loin de me déplaire. »

Et alors qu’il noua deux cordons au niveau de sa taille de guêpe, après l’avoir aidé à enfiler ses braies de cuir plus que serrées, il affronta son regard comme pour lui rappeler qu’en fait, effectivement, ils étaient tous deux mariés! Comme il avait su le démontré avec brio, pas plus tard qu’il y avait peu, il n’avait jamais été franc séducteur. Mais ce qu’il disait relevait rarement du mensonge, lorsqu’il s’adressait à elle. Quant à lui, il couvrit sa nudité de ses pantalons troués et de mauvais goût, restant pieds et poitrail flambants nus.  De toute manière, pas plus de cinq minutes de marche étaient nécessaires pour franchir le portail de ses appartements.

Nous venions de franchir un autre monde. Cet endroit n’avait plus rien à voir avec cette tente de commandant, non. À droite, un immense bureau fait de pierre sur lequel des dizaines de parchemins s’entrecroisaient l’un dans les autres et ou trônait une petite maquette du front. Au milieu de la salle, de nombreux fauteuil entourant une menue arène ou encore quelques traînées sanguines décoraient le sol. À gauche, une baignoire démesurément grande et spacieuse, capable d’accueillir au moins deux personnes. Contre l’un des murs, plusieurs présentoirs dont tout son armement était présent : marteau de guerre à deux mains –son arme de prédilection, disait-on, épée à deux mains, pavois de métal, hache et même, plusieurs armures dont une seule était décorative et encore en bon état. Si une chose pouvait choquer Krish, c’était le piètre état de son armement. Loin d’avoir perdu l’attention si particulière que le prêtre accordait à son armement, toutes ses armes et armures avaient été malmenées au fil des années et faisaient d’elles des pièces d’anthologies mais qui malheureusement, menaçaient de céder du jour au lendemain, si Uriz le voulait. Finalement, sur le mur principal, un cadre gigantesque avait été peint avec brio, mais rien dessus ne représentait ni joie, ni bonheur : Éraison était enflammée et donnait sur un champ où les cadavres s’entassèrent et où les mouches commençaient d’ores et déjà a se chercher quelque chose à se sustenter.

Il fit entrer Krish en l’invitant d’une main et lorsqu’elle entra, deux servantes s’inclinèrent en attendant les directives.

« Allez me chercher de l’eau chaude et du savon. Ne tardez surtout pas, ma femme déteste attendre. »

Non, pour l'heure, Krish n'avait pas idée du comportement que son mari continuait d'avoir avec toute autre personne qu'elle. Elle ne voyait que l'homme qui même après avoir été jeté au sol, ne demandait que sa compagnie. Elle aurait put prendre cela comme une preuve de faiblesse, mais accuser le Haut-prêtre d'Uriz en personne d'une telle ignominie aurait été pure folie… surtout vue la taille et la force de ses mains. Même Krish et ses bras endurcis au fil des années de forge, elle qui avait pourtant vaincu au bras de fer un bon paquet de déserteur du IVe Ost dans des gargotes infâmes du Thaar, ne se risquerait pas à un concours aussi puéril avec un ours pareil.

Elle s'était plutôt laissée habillée en suivant avec intérêt les gestes de Velkyn, laissant traîner cuissardes et riche corset sans s'en préoccuper une seconde. De toute façon elle ne connaissait pas une femme capable de porter sa création à part elle-même. Soit disant que le métal était trop lourd et trop inconfortable pour être porté à même la peau. Il n'y avait rien à espérer de ces gens…

Le prêtre venait de lui donner libre accès a sa chambre, elle n'hésita pas une minute de plus à le suivre au travers de la forteresse. Nul besoin de préciser que leur duo attira bien des regards au milieux de ces hommes en armes, de ces intendants affairés et de ces prêtres endimanchés. Tous deux pieds nus, couverts du stricte minimum… et encore, les regards s'arrêtaient qui sur les symboles gravés sur le corps du Haut-prêtre, qui sur le décolleté vertigineux de sa compagne… A moins que ce ne soient leurs chevelures défaites… ou encore le fait que Krish se cramponne avec autant d'orgueil que de délectation au bras de cet homme devant lequel tous s'inclinaient… enfin devant lequel s'inclinaient ceux qui le reconnaissaient. En approchant des appartements du M'Thain, ils faillirent être arrêter par deux fois. Mais les gardes connaissaient assez leur guide pour le reconnaître, même affublé de la sorte… et heureusement.

Enfin ils passèrent les portes des appartements particuliers de Velkyn. La salle était grande. Le lit n'était pas visible, sûrement dans une pièce adjacente, mais au fond à gauche, un bassin de taille exubérante était creusé à même la roches du sol et ses bords remontaient jusqu'à la taille d'un drow moyen et une rigole tout autour semblait étudier pour que la salle ne soit pas noyée en cas de débordement. Remarque faite, cette chose devait aussi pouvoir servir de bassin sacrificiel…  Décidément, être un personnage de si grande importance, ouvrait des possibilités infinies…

« Je plaints ceux qui vont devoir remplir cette chose. »

Elle n'avait pas fini sa phrase que deux servante. Des esclaves peut-être ? Non. Plus certainement des prêtresses du cultes triées sur le volet pour servir corps et âme leur guide spirituel et osaient à peine regarder dans les yeux le porteur de la Parole Divine, pensa la forgeronne avec un sourire des plus condescendant avant de se désintéresser totalement des deux gamines pour répondre aux mots de son mari par un regard joueur.

Puis elle se libéra de son bras pour avancer au centre de la pièce, traversant sans frémir l'espace qui avait été dédié aux combats, la plante brûlée de ses pieds  piétinant les éclaboussures de sang. Sa tête tournait en tout sens, regardant chaque coin de la pièce en s'approchant peu à peu des vielles caricatures d'armes qui étaient exposées comme des reliques.

« Impressionnant… Je suppose que nous allons devoir attendre un bon moment avant que ce bain ne soit prêt... » remarqua-t-elle en passant le doigts sur un objet bien particulier.

Elle avait reconnu ce vieux marteau de guerre. C'était celui que Velkyn maniait à ses débuts… ses tout-débuts même. Encore jeune apprenti. C'était drôle de penser qu'à la même époque, même ses propres œuvres ne résistaient pas aux outrages du temps… C'était si loin… De toutes les choses qui avaient encombrés son passé, Velkyn était bien la plus ancienne qu'elle avait gardé. Avant lui il y avait quoi ? Père ? Mère ? Ren ? Maître Ashak ? Son condisciple Martag ? Tous morts. Sauf Ren… Mais depuis qu'elle avait vu sa figure, elle savait que cela ne tarderait plus.

Elle qui ne pensait jamais au passé fut prise d'une soudaine nostalgie devant toutes ces œuvres qui prouvaient qu'elle aussi, toute Maîtresse des Forges qu'elle pouvait être, avait eu bien d'autres vies que celle qui s'égrainait actuellement. Fille d'Uriz prédestinée à la Dothka. Apprentie assassin. postulante pour le IIe Ost. Esclave. Apprentie aux forges de laves. Initiée d'Isten. Maîtresse des forges. Vagabonde. Réfugiée en Nanie. Protégée de Teiweon. Commerçante. Princesse Marchande. Dix vies humaines n'auraient pas suffit à comprendre ce qu'elle avait eut l'occasion de voir. Et elle était de retour, aux portes de la forêt dont ses ancêtres avaient été chassés sous les yeux d'une déesse qui se prétendait mère seulement pour mieux rejeter les créatures qui cherchaient la vérité. Leur exil ne datait que de cinq Cycle. Cinq vie comme la sienne. A la fois infinie et si courtes… Elle était parmi les dernières à se souvenir d'une époque où les drows étaient totalement maître de l'Ithri'Vaan, ou les elfes n'avaient même pas connaissance de leur existence. Un temps ou les humains s'organisaient encore en clan, ne reconnaissant ni roi, ni panthéon unique. Où les nains étaient des forgerons et des runistes si puissants qu'elle rêvait d'apprendre auprès d'eux…  Et voilà ce que tous ces peuples étaient devenus.

Certains se seraient empressé de dire qu'elle sentait le temps la rattraper… Mais c'est en réalité tout le contraire. Déconnectée. Hors du temps. Voilà ce qu'elle était. Des générations entières, plus jeunes qu'elle, avaient trouvées la mort. Mais elle était encore là. Les quelques traits de l'âge que l'ennui avait ajoutés à son visage étaient les seules preuves que le temps avait réellement continué sa course pour les autres. Un soupire plus sombre que d'ordinaire vint mourir sur ses lèvres, accompagné de se léger sourire si communs aux gens dont l'esprit est accaparé par de vieux souvenir.

« Je ne m'attendais pas à revoir ton vieux marteau… Tu te rappelles de ce que je t'ai dis le matin de notre mariage? Non c'est stupide...»

Cela faisait bien trop longtemps. Des paroles en l'air. Les mots n'avaient jamais eut aucune importance pour la forgeronne. Les seuls qu'elle avait respectés dans sa vie étaient ceux qu'elle avait prononcés sous le regard des dieux... et encore. Elle les laissaient filés depuis toujours. Jeune, elle s'en servait sans vergogne contre ceux qui étaient assez stupide ou assez orgueilleux pour les croire. Mais après ces retrouvailles, certains d'entre eux lui revenaient en mémoire. Pourquoi la Maîtresse des forges épousait-elle un jeune homme sans aucun haut fait à son actif? Une question a laquelle elle avait donné autant d'explication qu'elle avait eu d'interlocuteur. Passion, ennuie, pression politique, envie de se lier à une famille de prima par un jeune homme inexpérimenté. Toutes les raisons des plus loufoques aux plus sérieuses y étaient passées. Mais elle la vérité était bien plus loufoque. Un pari. Une envie. Une passion. Il ne lui avait posé qu'une seule fois la question. Par moquerie ou par réelle curiosité, elle ne s'était jamais penchée sur la raison qui l'avait poussé à agir ainsi. Mais elle avait répondu. "J'ai toujours été attirée par le talent, Velkyn. Et je peux t'assurer que tu en as plus que tout autre. Tu me connais. Ce mariage est un pari de plus. Quand tu seras au sommet, je pourrai tous les regarder de haut et dire que j'ai toujours su déceler la grandeur. Et dans des générations on s'arrachera encore ma griffe car ce sera celle qui figurera sur les armes de Velkyn Xaran. Avoue que le jeu en vaut la chandelle..."

Je crois qu'il est plus que temps de te forger une arme réellement à ta mesure, tu ne crois pas?

À cette époque, seulement quelques dizaines d’années avaient défilées suivant son anniversaire centenaire avant qu’il ne s’unisse sous le regard du Sombre Panthéon avec l’incontrôlable et imprévisible forgeronne. Six-cent années se sont écoulées pratiquement et à l’instar des premières années d’un poupon, les souvenirs se faisaient plus volages et enclin à se consumer pour qu’il n’en reste, au final, que quelques bouts épars et incomplets. Il ne se souvenait ni des paroles qu’elle lui avait dit, ni même de ce dont le prêtre avait pu leur raconter. Par contre, ce qu’il se souvenait, c’est le regard qu’elle lui lança lorsqu’elle lui formula ses vœux, des vœux qui seraient jugés par nos Créateurs et qui ne devaient pas être dictés à la légère. Il avait souvenance de l’emprise qu’elle avait sur lui, jadis … Il faut croire que les choses n’avaient pas vraiment changé, car encore ce jourd’hui, alors qu’il se croyait fin protéger derrière sa muraille d’indifférence, il en ressentait encore la chaleur de ce feu d’antan qui brûlait pour elle jour et nuit. Loin d’être le plus à même de se tenir à l’écart des femmes dont le charme était arme bien aiguisée, il s’était toujours débrouillé pour ne jamais donner suite à aucune aventure, quand bien même furent-elles aussi rares les unes que les autres. Sa parole fût une jour entendue par son Père le Créateur, alors qu’il unissait sa vie à celle de Krish –que ce soit d’union stratégique ou de passion-, et pour cela jamais il n’avait laissé entrer de femmes en son cercle intime. D’ailleurs, ce doit être l’une des principales raisons pour laquelle il développa une passion si démesurée envers le combat, les armes et la guerre. Non seulement sa foi lui dictait cette voie, mais il fit d’elle sa meilleure concubine. Maintenant, ils s’étaient tous deux séparés et jamais ils n’avaient tentés de se recontacter, pourquoi ? Peut-être qu’un mur de fierté et d’égocentrisme s’était élevé haut en les airs, entre eux deux, incapables de le surmonter ou de le contourner d’une quelconque manière. La bonne fortune dû s’en mêler, autrement, c’est seul que Velkyn aurait fort probablement séjourné les prochaines nuitées en Yutar …

À la queue-leu-leu, les deux prêtresses déversèrent bac après bac, d’innombrables chaudières d’eau chaude dans la voûte creusée à même la pierre. Pendant ce temps, une autre arriva, les bras pleins de vêtements, ceux-ci fort probablement dans le bût de se vêtir confortablement après qu’ils se soient tous deux toilettés.

En effet, à son mûr y trônait non seulement ses armes actuelles –pour la pluparts tous malmenées par le combat- mais aussi, de vieilles armes qu’il considérait comme de précieuses reliques. Le marteau de guerre dont elle prit attention de détailler. La griffe de son créateur était couverte de rayures mais à son style, elle pouvait en effet y déduire qu’elle en avait été l’auteure. Bien que ses talents dépassaient plus que ce qu’une personne pouvait attendre d’une « bonne » forgefer, elle ne pouvait pas même se douter du nombre d’impacts que le marteau avait subits. Entraînement, mutineries, batailles, guerres et autres, avaient tous contribués à son mauvais état. Son manche était craqué en deux endroits, la tête quant à elle avait subit de nombreuses fissures dont le fer s’était arraché. Bien qu’elle ne serait plus à même d’occire la moindre bestiole, sa valeur sentimentale dépassait l’entendement : elle lui avait été offert avant même qu’ils ne se marient, avant même qu’ils ne se fréquentent.

À sa question, à savoir s’il avait souvenance des mots qu’elle prononça devant les Dieux, il garda sa langue nouée bien profondément en sa gorge. Il aurait pu faire preuve d’un romantisme digne des plus grands charmeurs Péninsulaire, en venant délicatement lui prendre ses petites mitaines, pour ensuite lui susurrer à l’oreille avec exactitude, chaque mots précis de ses vœux de mariage … Mais il n’en fit rien, les années avaient effacé avec brio ce message comme le vent l’aurait fait sur une image estampillée sur le sable du désert. Il régnait tout de même à son faciès un petit sourire satisfait, la voir nager dans  ce ruisseau de nostalgie n’était pas déplaisant. Après tout, les années qu’ils se fréquentèrent réellement n’était que poussière sur le livre d’aventure qu’elle avait vécu durant son millénaire. Qu’elle se souvienne, elle, de ces précieuses années … Voilà qui avait quelque chose à rendre heureux même le plus cruel et le plus sévère des Prêtres.

Alors qu’elle dévisageait les alentours, Velkyn exécutait quelques pas vers elle afin d’en réduire leur distance. Il se positionna pour faire de lui-même l’ombre de sa femme, tapis dans son angle-mort. Ses deux pattes escaladèrent son grand dorsal jusqu’à se percher à ses épaules où, il exécuta quelques sommaires pressions à sa nuque en guise de préliminaire. Ceux-ci ne s’attardèrent pas cependant, puisqu’elles quittaient ce nid dont les nœuds étaient tordus et tendus, pour serpenter jusqu’à son abdomen, là où ses doigts s’entrecroisèrent pour y former une ceinture. Il maria son poitrail dénudé contre le dos de Krish et déposa le bout de son nez à son cou, simplement pour l’agacer le temps qu’elle en termine avec ses rêveries les plus profondes. Il se fit durant cette cérémonie plus que respectueux, n’ayant pas piper le moindre mot. La laissant elle, baigner dans ce silence de contemplation mélangé au son que faisait les nombreux vases dont l’eau chaude s’échappait jusque dans le fameux bain.

« Je crois qu'il est plus que temps de te forger une arme réellement à ta mesure, tu ne crois pas? »

Elle aurait eu beau réfléchir toute sa vie aux mots les plus doux qu’elle aurait pu lui dire, jamais cela n’aurait eu le même effet qu’à l’instant. Ses mots s’envolèrent jusqu’aux oreilles de Velkyn comme la plus douce des mélopées jamais inventée. Elle n’en vit rien, puisqu’elle lui faisait encore dos, mais son sourire s’était élargit jusqu’aux oreilles. Inconsciemment, ses deux mains exerçaient une pression nerveuse à son abdomen, rien qui ne pouvait lui faire mal, mais qui en revanche, trahissait tout son engouement à la chose. Son nez allait se nicher au creux de son cou pour que ses lèvres, puisses à terme, venir embrasser langoureusement cette zone si sensible. À l’aveuglette, ses deux mains se frayèrent un chemin jusqu’aux boutons qui retenaient cet horrible défroque qui lui appartenait, afin d’à nouveau, la dévêtir partiellement. Ces deux mêmes pattes qui allèrent cette fois avec plus d’aisance, lui retirer ses braies. Vêtue de sa tenue d’Eve pour une seconde fois, un bras puissant se glissait sous ses genoux et l’autre à son dos, afin de la soulever avec une facilité déconcertante. La nouvelle ayant fait son bonheur comme peu d’autres, il se senti enclin à faire d’elle sa « Reine ». Il la porta jusqu’au bain où il la déposait sur la corniche de pierre que formait ses rebords de leur bain. Une délicate fumée se dégageait de la masse d’eau chaude en gage de sa chaleur.

« Le bain de Madame est fin prêt, dicta l’une des deux prêtresse, savon à la main et débarbouillette dans l’autre »

Quant à lui, ses braies avaient trouvé le sol en seulement un déhanchement, tant elles ne tenaient à rien sans sa ceinture. Il se retrouva lui aussi dévêtir de la tête aux pieds, mais préférait s’asseoir sur ladite corniche de pierre, tout près d’où elle irait s’asseoir une fois immergée dans le bain. Il patienta, comme pour lui laisser l’honneur d’inaugurer ce qui serait, fort probablement, l’un des plus grands luxe que pouvait s’offrir ce front de guerre …