[MdO2019] Fin Trame de l'Hydre :: La dernière tête de l'hydre

Il aimait la déshabiller des deux yeux, voilà pourquoi il s’esquiva au vol plané du poignard qui, autrement, se serait brillamment sertit dans son orbite. Depuis les décennies à la côtoyer, le bougre avait longuement retourné la question : il avait rêvassé tous sens et tous côtés à la meilleure des manières pour venir à bout de sa tourmenteuse favorite. Il l’avait étranglée jusqu’à ce que les vaisseaux de son regard andrinople n’en pètent et que sa langue en devienne bleue sous la pression de ses pattes. Poignardée cent fois d’un coutelas rouillé et émoussé de la tête aux pieds. La tête retirée du restant et vidée de l’intérieure. Mais sa fatalité favorite restait celle où il la découpait en quartiers pour la donner à manger aux porcs, qu’ensuite il puisse donner ses porcs à manger à ses esclaves. Ça, ça avait du panache !

Pour le moment, il se devait trouver solution plus terre à terre. Illusion ou pas, il n’offrirait jamais la satisfaction à la rose de le supplanter en combat singulier. Il savait, au fin fond de lui-même, qu’elle lui rabrourait les oreilles jusqu’à ce qu’il n’en souffle son ultime souffle. Non, il ne se le permettrait pas. Il avait beau être en désavantage, lui qui usait comme main principale la surprise, il lui restait tout de même une chose en sa manche qui pouvait faire peser la balance en son camp: il la connaissait comme aucun autre.
« Pendant que rêvasse à savoir qui de nous deux l’emporterait, je ressasse tous les soirs la manière que j’y parviens. Tu n’auras pas le temps de souffrir cette fois ; tu trouveras le jeu ennuyeux, mais nous sommes attendus. » Et sans plus tarder, l’affrontement éclata. Il s’élança contre elle en dépossédant son ceinturon de deux petites dagues malodorantes, celles-ci évidemment bien recouvertes d’une huile qu’on devina plus qu’empoisonnée. Il taillada, ici et là, piqua devant lui et tâcha de l’atteindre aux points vitaux, sans jamais trouver sa cible. Elle était agile et il l’était tout autant ; voilà bien le nerf de leur problème. Ainsi se déroula sous les yeux des illusionnistes l’une des plus épiques parade de coups : elle s’esquivant à la morsure du corrosif acier et lui aux prises et aux coups balancés en sa direction. Encore, il ne sut la toucher.

C’était bien là que résidait toute la tension de cet affront. Un coup unique des deux partis suffirait pour l’emporter. Lui, par le poison, elle, par le sang versé. Le premier coup qui fit mouche fut porté par la rose, d’un croc en jambe qu’il ne vit venir qu’à la dernière minute. Il chuta comme une roche, mais sut rebondir adéquatement qu’elle ne sut en tirer profit. Plutôt, c’est en roulant au sol qu’il vint écorcher au travers le cuir de sa botte le dessus de son pied gauche. Il l’avait infecté, très certainement. Mais combien de temps cela prendrait-il avant qu’elle n’en soit complètement envenimée ?

Va savoir comment, elle avait pleinement conscience que son temps était désormais limité. Au bout de quelques minutes sûrement, un sort atroce l'attendait. Que s'eut été de la paralysie, de la maladie ou même d'un arrêt cardiaque, elle ne désira guère attendre de voir les effets de ce damné poison. À peine remit sur ses petons, Kah se vit contraint à affronter une nouvelle furie. L'hémomancienne lui montra tout le savoir de sa formation militaire, s'approchant si près qu'elle sut finalement le désarmer de deux violents coups aux poignets. Les tartes fusaient, tantôt aux flancs, tantôt au visage. Veinard, il n'en saignait pas encore. Pas avant du moins qu'elle encaisse l'un de ses crochets dans le but unique de lui rendre la pareille d’un coup plus violent encore en direction de son nez. Tordu, les os s’en voyant dessoudés les uns les autres, une fontaine de sang s'écoula de ses narines pour venir en asperger les jointures de la combattante. Il recula de deux pas, porta sa main à son nez, puis redressa ses rubis incandescent sur elle.

Il la vit sourire à pleines dents et … Ça n’augurait rien de bon.

Aussi prestement qu’il s’était octroyé son temps de repos, il s’élança à nouveau en sa direction. Ses yeux ne guettaient plus ses mains, ni son jeu de pied, ses lèvres seules l’obsédaient désormais. Elles remuèrent et bien que muettes, il sut discerner à qui elle s’adressait. Dula, oui, bien évidemment … Il devait frapper et vite. Dans sa lancée, il roula l’épaule première contre le sol et s’empara du bout des doigts de l’un de ses poignards pour venir tenter une rapide estocade. La pointe de sa lame s’en allait raté son coup et, avant qu’elle ne termine sa course, disparut au même titre que son porteur dans un cumulus d’encre pour réapparaître derrière elle : une botte secrète qu’elle connaissait, mais qu’elle ne sut qu’in extremis éviter. Elle para, mais au lieu de voir s’abattre le couteau dans sa clavicule, elle usa de son bras comme d’un pavois, recevant la pointe de l’arme blanche bien au creux de son triceps, lui arrachant une plainte de tous les diables. Kah maintint sa prise au travers le muscle et tordait la lame comme s’il désira la voir déchoir de sur ses gambettes.

Hélas, le sort était jeté et aussi surprenaient qu’il était apparut derrière elle, un mal s’installa chez lui. Un mal qu’il ne pouvait combattre. Du moins, pas avec aucuns des moyens en sa possession … Une migraine lui intima de stopper tout mouvement, se voyant même dans l’obligation de lui faire lâcher la prise de sur la garde de son coutelas. Il se prit tête à deux mains, y ancrant ses doigts avec une telle détermination qu’il en creusa les chairs jusqu’à en être freiner par les ossements de son faciès. Il hurlait à son tour. De douleur et de rage : il ne pouvait désormais plus lutter contre une telle force …

Les plaintes cessèrent. Derechef le silence s'instaura en maître puis, l’écho d’un hoquet résonna, puis celuui d’un corps contre le sol. Le poison s’était frayé un chemin jusqu’aux artères de son cœur et l’avait complètement contaminé, lui offrant une mort certaine et foudroyante. Kah posa un genou au sol, près de sa maîtresse, la contempla, l’admira, puis se racla la gorge pour couvrir sa dépouille d’un crachat qui venait de loin. Il essuya sa vilaine bouille zébrée de sang, puis posa son séant sur le cadavre, contemplant cet étendu de solitude qui s’offrait devant ses yeux. La paix, enfin. Il soupira pleinement, détourna une ultime fois son attention vers L’Renor, puis souffla en sa direction, dans l’espoir qu’elle sache l’écouter par l’eau delà :

« Je t’ai eu. »

Ton monde tourne dans le vide. Tes tempes te semblent décidées à t’aplatir le crâne, ton corps est pris de frissons, tes doigts peinent à conserver ta baguette entre les doigts. Et tu attends. Tu attends que la mort daigne te prendre ou que la vie te soit offerte. Ta vision floutée par la myopie et la sueur s’accroche au corps complètement avachi de Kahveka en espérant qu’il se réveille à temps. Combien de temps te reste-t-il ? Combien de temps avant qu’Urgoll et les marchombres l’aient libéré de son sommeil ? Combien de temps avant qu’alerté par ton utilisation trop intensive de la magie, la garde ne vienne t’achever ? Tu ne veux pas mourir. Pas maintenant. Pas ici.

- Sur la couronne de Meingal, si tu ne te réveilles pas…

D’avant en arrière, assis au sol, tu balances, pour t’empêcher de t’endormir. Pour empêcher l’épuisement de te cueillir.

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Saleté de forgeronne…
C’est la réaction du lancier qui fut la plus rapide. Tout intrigué qu’il fut non seulement par la présence d’une enfant, mais en plus par ses babillages insensés, c’est sans la moindre hésitation qu’au moment où celle qui avait affronté la Haute-Prêtresse Xeran se laissa tomber, il se retourna, offrant à la tempe de la gamine un preste coup de la masse à l’arrière de son arme.
Lui pris d’hésitation face à l’attitude à adopter quant à celle qu’ils ne pouvaient pas tuer, l’épéiste encore sur pieds prend un peu de recul, se repositionne rapidement, de manière à ce que son collègue lancier et lui n’empiètent pas sur l’angle d’attaque de chacun, et cherche ses appuis. L’arbalétrier tente de trouver couvert, pestant à la vue de l’écorchure sur le bras de Krish de n’avoir pas plus osé qu’un pauvre tir de sommation. Et dès lors que les pas du tireur croisent ceux du fantassin, le nœud se referme, la boucle est bouclée.

Un rapide estoc de lance force la forgeronne en une position délicate, et en grand prédateur, l’épéiste en profite. Le porteur de lame glisse légèrement devant la lutteuse, et d’un preste mouvement plante sa lame dans l’épaule. Un second estoc de lance trouve la direction de l’articulation jumelle, et d’une pression conjointe ils forcent le Feu d’Uriz au sol.

- Excite-toi un peu trop et non seulement tu te saignes toute seule.

Le sifflement d’un tir d’arbalète retentit. Viconia y perd sa seconde jambe.

- Mais la petite maline y passe elle aussi. Alors tu vas attendre sagement que l’on soit venu vous chercher, et ensuite on prendra le temps de se poser la question de ce que l’on fait de vous.

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L’odeur de la chair brûlée emplissait leurs narines. Les marchombres à la combinaison des râles et de l’odeur surent exactement lorsque le bain de flammes serait suffisant à ce que leurs victimes ne soient plus en position de se relever. Certes, ce serait moins satisfaisant que de leur retirer la vie en personne, mais c’était là l’approche la plus sécuritaire. Le colosse ne tiendrait de toute façon pas beaucoup plus longtemps.

L’un appelle l’ombre, l’autre s’élance dans le dos du Haut-Prêtre de Zakh’Bar pour y mettre les deux pieds, le poussant vers le sol au même moment où il repartait dans un agile salto. L’élémentaliste fiévreux tombe, pour être au lieu de cueilli par le sol, littéralement avalé.
Chacun des assassins prend un bras du massif animal sur ses épaules, et ils avancent aussi vite qu’ils peuvent sans réellement savoir exactement où ils vont.

- Ils sont où tes autres amis à ton avis, le Gobelin ?

Retenant un grognement de douleur, face contre le sol, Krish voyait Viconia, assise contre le mur. Après une dernière ruade de principe, la respiration toujours haletante et les cheveux en bataille, elle cessa de bouger pour arborer un sourire supérieurement amusé... Et figer dans son esprit les visage des guerriers présents. Leur odeur. L’humiliation de la situation.

Ceux qui suppliaient le Père pour avoir la puissance de se sortir de leurs mauvais pas étaient indigne de Lui.

Elle se baignerait dans le sang de ces ennemis, même s'ils se révélaient aussi loyaux envers Elda et les Dieux qu'ils l'étaient aujourd'hui dans un triumvirat moribond Ils avaient tué le Haut-Prêtre de Teiweon. Ils s'en étaient pris à elle et peut-être à sa fille qu'elle n'entendait plus. La Vengeance naissait dans l'injustice et dans la difficulté. La victoire revenait au dernier debout.

Dans sa main, au niveau de sa poitrine, le couteau qu'elle a dérobé au garde d'élite reste dissimulé par son propre corps. Ses omoplates crient sous la pression des armes. Il faudrait de très longues secondes aux deux arbalétriers pour rendre leurs armes à nouveau fonctionnelles et l'a façon dont elle était maintenue les empêchaient de quitter facilement la cache d'arme dans laquelle elle s'était réveillée quelques secondes plus tôt.

Elle eut un rire mauvais.

Bravade ou réelle mise en garde ?

"Là où on les a laissé." gronde-t-il en retour.

Voilà où il en est : à être mi-porté, mi-trainé par ceux-là même qui l'empoisonnèrent. Si les Dieux sombres ne sont pas d'humeur joueuse... Qu'il en soit ainsi. Son rictus se fait amusé alors qu'il force encore et encore sa grande carcasse à se mouvoir, alourdi par l'épuisement, les pointes de douleur à son épaule et sa main transpercée et ce qu'il porte. Une protection qui s'avère un fardeau quand le corps n'en peut plus. Toujours utile... Le sombre n'a pas le temps pour semblable jérémiade.

Que le groupe soit resté dans la même maudite salle ou ait bougé, ils ne pourront le savoir qu'en se rendant sur place. Si ce n'était pas le cas, ils remonteraient sa trace... Et la tête d'os ? Non sans une pointe d'agacement en pensant à celui qui l'a tué, Urgoll'Ven ne peut nier qu'il s'est avéré utile et le sera encore, si l'ennemi ne l'a pas déjà trouvé. Ralentissant le pas, il se défait du grimoire du sombre pâle et se tourne vers l'un des marchombes pour le lui donner.

"Nous retournons auprès du Feu d'Uriz. Va voir si le pâle est encore vivant : elle aura besoin de tous ses servants pour se débarasser de Malag'. dit-il avec gravité. Si Teiweon ne s'est pas encore emparée de sa Flamme, rend-lui son bien puis rejoignez-nous."

Difficile pour un élémentaliste d'expliquer comment, mais le marchombre disparait, en réponse à ses directives. Le Haut-Prêtre de Zhak'Bar reprend sa route, avec le soutien de son guide obscur, dans une progression plus lente. Un nœud de frustration et d'agacement se noue pour le servant du Prime Dragon : se trainer dans les ombres ne fait pas parti de ses plaisirs, surtout pas en ayant laissé le Feu d'Uriz dans une position désavantageuse. Se sont-ils seulement tous extraits de l'illusion, que la disparition de certains illusionnistes a dû faire disparaître ?

En cet instant, les champs de bataille lui manque : faire front face à un ennemi impie et déverser sur lui la rage du Dragon, entouré d'élémentalistes dévoués à ce même but destructeur... Voilà un souvenir qui fait s'embraser son Feu. Les voies des sombres sont multiples. se morigène-t-il, avant de porter un regard sur le marchombre qui soutient sa grande carcasse de presque un cycle. Se pourrait-il que je sois vieux... ?

Un soudain rire bestial déchire alors le silence étouffant des ombres.

Une infinie étendue de néant. Un désert de noirceur qui intimait le motus. Si silencieux, qu’il entendait la pression de l’air contre ses tympans. Une fréquence égale et qui commençait très sérieusement à lui casser les noix. Toujours confortablement assis contre le dos de son amante avachie sur l’humide sol, il soupira d’ennui. Occuper les illusionnistes en ne coupant pas les ponts de ce mirage … C’était d’un déplaisir à lui faire gagner des rides, tant il s’en courrouça.

« Stupide situation. Pensa-t-il, en allant se gratter l’omoplate tout en s’intimant une douloureuse grimace. Que … » Il souleva sa chemise, puis passa en révision le relief de sa peau brûlée. Ça n’a rien d’une inflammation anodine, se dit-il. Il continua encore son examen puis, enfin, il comprit. Elle l’avait marqué au fer-chaud de ses initiales, comme les pégus le faisait à leurs bovines … Ses dents se resserrèrent et crissèrent entres elles, tandis que sa poigne se raffermit de plus belle contre le pommeau de son coutelas. Il abaissa le nez vers elle, la dévisagea, puis s’agenouilla près d’elle. Du fil de son arme blanche, il lacéra ses vêtements de sorte à la soutirer à sa pudeur. Il pivota son arme afin que la pointe soit tête en bas, puis se penchant vers elle pour mieux décrire les reliefs de son corps juvénile. Ainsi, il s’accouda tout contre elle et commença son méfait. Il grava à même la peau du cadavre ces quelques doux mots d’amour : « Je te hais. » Bientôt, la boucherie eut tôt fait de rendre sa tâche plus ardue qu’il le croyait, tant le sang voulut s’échapper des plaies qu’il engendrait au passage de son couteau. Qu’importe, il continua, jusqu’à ce que son grand dorsal soit complètement rayé par ces entailles haineuses. Ce ne fût qu’une fois sa besogne accomplie qu’il put l’admirer sereinement : elle était belle, somptueuse même, ainsi toute simplement vêtue de sa robe carmin … Et silencieuse, il semblait l’apprécier plus encore.

Si seulement il ne l’avait pas entendu se railler de lui, au fin fond de sa tête, heureuse qu’elle fût de l’avoir marquée de ses initiales. Alors, peut-être que l’idée de la poignarder ne lui aurait pas traversé l’esprit. Il joint sa deuxième patte contre l’autre fermement appuyée contre son couteau, courba le dos puis s’élança de toutes ses forces pour venir la suriner d’un fulgurant coup.

À l’instar d’un mort à qui on insufflerait un souffle nouveau, Kah s’échappa de sa torpeur en se réveillant en sursaut. L’arrière de sa tête se heurta contre le mur sur lequel il était adossé. Il avait retrouvé vue à la réalité, mais la migraine qui vrilla entre ses oreilles lui intima à fermer les yeux. Un haut le cœur se présenta à la commissure de ses lèvres, retenant une bille qui lui incendia les boyaux. Une plainte plus tard, il tâta un peu autour de lui jusqu’à ce que ses doigts décrivent du bout le cuir d’une botte. Il ouvrit un œil et y vit l’affreuse tronche maladive de Valsrik. Un nouveau haut le cœur lui prit.

« Faut qu’on se tire d’ici. Affirma l’entité magique d’un ton accablé.
- Quoi ? Là, maintenant ? Et ou ?
- Là où tu veux, mais loin d’ici. Et vite. Clairement, il était au bout de sa vie, sa voix n’avait plus rien de l’impétueux personnage qu’il fût quelques heures plus tôt. »

Kah raffermit sa poigne contre sa botte, observa aux alentours en inspirant un bon coup, puis laissa derrière eux l’envolée d’une fumée d’encre, obscure et épaisse. Le temps se tordit, l’espace également, et il transporta sa charpente d’une ombre à l’autre, sans vraiment savoir où il allait. Les Dieux leur furent favorables, car leur transport s’arrêta au sommet du palais, là où des lucarnes donnaient sur le peuple qui grondait là devant l’auguste établissement. Cette fois, Kah dégobilla clairement. Et sur lesdites bottes de Valsrik. Il s’essuya le bec du revers de l’avant-bras, cracha au sol, puis poussa d’un timbre de voix essoufflé :

« Et maintenant? »

- Faut qu’on réussisse à rassembler le groupe.

Tu es trop épuisé pour te formaliser de la bile rongeant tes bottes. Tu es même trop épuisé pour avoir un raisonnement aussi logique que tu le veuilles. Tu en as assez. Tu as trop donné, physiquement, magiquement et psychologiquement. Tu as trop donné pour accepter que personne n’ait rien reçu. Et malgré tout tu as envie de continuer, parce que tu le dois au Père des Batailles et à ses enfants.

- Ils gardent Malag’eyl quelque part en bas, barricadé par l’une des magies les plus puissantes que j’aie jamais vu.

De sortilèges tissés de main Eldéenne, il n’y a peut-être que ceux d’Haldren que tu aies jamais vu excéder ce genre de mobilisations d’énergies. Et contrairement à elle, tu n’es pas un mysticiste. Tu serais bien incapable d’identifier exactement ce qu’il se trame. En particulier dans ton état actuel. Tu n’es même plus bon à détecter des pièges.

- Je ne sais pas exactement ce qu’il se trame là-bas, ni ce que le Karliik a à voir avec. Mais l’Etat-Major a l’air bien moins inactif qu’on aurait pu le penser.

Tu essaies de te relever, pour mieux retomber les fesses contre le sol.

- Je risque de ne pas pouvoir faire grand-chose avant un moment.

L'assassin se lève, comme pour te renvoyer ton impuissance à la figure. Tu devines un sourire de sa bouche encore pleine de bile, mais la suite... oh la suite tu ne l'aurais jamais imaginée.

- Ils gardent son corps. Et s'il bouge, il doit être bien refroidit parce que je l'ai tué.

- Dans ce cas-là tu n'as pas fait un travail très propre.

- J'ai eu un fâcheux contre-temps qui m'a empêché de bien nettoyer.

Tu soupires, le visage tombant vers le sol. Un fâcheux contre-temps... si c'est à un fâcheux contre-temps que vous deviez ce qui vous attend là-bas. Une telle magie... tu as peine à croire qu'une telle magie soit déployée seulement pour conserver un corps sans vie.

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Il traverse les ombres avec une vitesse fulgurante, en direction de là où il t’avait laissé. Le tout pour constater avant qu’il n’arrive à bon port que d’autres canaux avaient déjà été creusés dans son monde de ténèbres. Un autre marchombre, dont il n’avait aucun doute sur l’identité. Kahveka s’était réveillé, et il s’était déplacé. À partir de là deux solutions s’ouvraient : la première, l’assassin avait pris soin d’achever le mage au réveil, de peur de voir se répéter les événements de l’illusion. La seconde, il t’avait emporté dans sa fuite, comprenant que tes intentions n’étaient jamais que de relever le Peuple Drow, quels que soient les moyens. Dans les deux cas, partir à ta poursuite ne servait à rien.

L’archer fit donc volte-face, pour rattraper ceux qu’il avait abandonnés. Dans l’espoir qu’ils suffisent de trois pour tirer leur épingle du jeu.

Un tic nerveux lui fit plisser l’arcade sourcilière. Une magie plus puissante encore qu’il ne l’avait jamais vu ? Valsrik avait beau n’être qu’un jouvenceau comparé aux vieilles carcasses qu’étaient ceux qui frôlaient le millénaire, il n’en restait pas moins une référence en matière de magie. Son don, s’il en était un, lui avait donna les outils nécessaires afin de parfaire l’art dans lequel ce jourd’hui il excelle mieux que quiconque. Savoir que cet homme en redoutait les flux qui préservaient le cadavre de Malag’eyl lui donna même froid dans le dos. Et pour un Drow de cet acabit, la chose relevait de l’exploit. Son regard andrinople vogua vers la foulée qui grondait à l’instar du Vatna dans un tremblement sans pareille, puis vers la souffreteuse goule qui se tenait là, avachi contre le mur. Pensif, il réitéra puis termina sa réflexion en observant la chevalière qu’il portait au doigt. Il la caressa en soupirant longuement, puis se retourna vers son allié de fortune.

Survivre, c’est bien là tout ce qui avait toujours compté aux yeux du Drow. Ce jour’dhui pourtant, la décision ne lui avait jamais semblé aussi complexe. Il pouvait laisser à son pauvre sort Valsrik et ne pas écouter ses recommandations, ainsi peut-être aurait-il possibilité d’y parvenir de lui-même et corriger l’erreur qu’il avait commise, ce jour où il planta sèchement sa lame dans le dernier membre du Triumvir. Ou … Il s’arrangeait pour remettre sur pieds la carte maîtresse de leur groupe. Quoi de mieux pour combattre la magie que la magie elle-même ?

« Aidé par l’ogre de Zhak’Bar et en pleine possession de tes moyens, tu saurais t’y prendre pour en finir pour de bon ? Demanda Kah vers son compatriote, la main plongé dans les poches de son mantel, comme à la recherche d’un objet en particulier.
- Pas sans une ligne de front. Je ne suis pas mage de guerre. Je sais frapper fort, mais encore faut-il qu’on m’en donne le temps. »

Enfin, le coupe-jarret tira de son vêtement une petite fiole capable d’être tenue dans le fond de sa paume. Son visage se tordit d'agacement lorsqu'il vit la potion, comme s'il devait s'en défaire à contrecoeur. Le drogué commençait-il à ressentir le manque ? Le verre qui retenait le liquide, une épaisse encre opaque, sembla si solide qu’il paraissait improbable que l’on en casse la coquille. Il posa un genou au sol, montra devant les yeux de l’homme ledit produit et déposa son attention dans les yeux du pâlot.

« J’ai un plan, mais pour ça il faut que tu sois remis de tes efforts et … le temps nous manque. Prend ça et je te fait promesse que jamais tu ne te seras jamais aussi bien sentit. C'est inoffensif, tu verras.»

Il n’avait aucune raison de lui faire confiance, tout comme personne n’avait jamais eu de raisons de le faire envers Kah, mais avait-il seulement le choix ? Chaque fois c’était la même : les situations obligent à nous faire commettre des actions que nous n’aurions jamais consentis autrement.

« Pendant que nous nous déplacions, j’ai vu où sont nos alliés. Tu boiras. Tu te préparas, tout le temps qu’il te faut si tu veux et je t’emporterai aux devants de nos ennemis en souhaitant ardemment que tu les délivres de leurs geôliers. Balais tout, fait tout exploser, je m’en contre-fiche, mais épargne Urgoll, Krish et … L’Renor. »

En silence, le Gobelin fulmine. Terré dans les ombres en compagnie d'un marchombre, il a découvert le Feu d'Uriz, planté au sol comme un vulgaire insecte; le Haut-Prêtre de Teiweon, inconscient ou mort... L'état du reste du groupe ne vaut guère mieux, mais ces deux seuls éléments suffisent à embraser son cœur à la vue de pareille hérésie. Ô Voilée, prépare tes Geôles Glacées...  Les sombres mots s'échappent tout juste d'entre ses lippes crispées... Tandis que le second maître obscur les rejoint, bien plus rapide sans l'élémentaliste à trainer. Bien. Le doux désir d'embraser les corps hérétiques meurt en son âme, alors qu'il ressent la lassitude d'un usage quelque peu abusif de sa magie. Il en serait capable... Mais cela lui couterait beaucoup, alors que Malag' est encore hors de portée. Deux arbalétriers, un épéiste et un lancier. Ils ont tué le Haut-Prêtre de la Voilée sans hésitation, pourtant deux d'entre eux tiennent en respect le Feu... Bien. Lentement, la plaie qui lui serre de bouche s'étire en un rictus malveillant. En douceur... Il transmet ses ordres aux deux sombres.

L’épéiste surveille le moindre geste de la drow, attentif au moindre frémissement de rébellion. L'empêcher d'agir sans lui asséner un coup mortel, alors même qu'elle lui ferait volontiers connaître le même sort que leur collègue à la gorge arrachée... Tâche difficile. Concentré qu'il est, il perçoit cependant un mouvement de tête suspect du lancier. Brusquement, il ressent une présence dans son dos.

Retirant sa lame du corps du Feu, il fait volt-face, alors qu'un couteau est plongé dans son flanc. Ses yeux s'écarquillent à la vue de la masse humanoïde à crocs, surgie de nul part derrière lui. Son bras s'élance pour frapper malgré la lame qui fourrage entre ses côtés, alors qu'une corde claque et qu'une flèche file et se loge dans la tête de l'arbalétrier à la porte. L'épeiste compte bien emmener son meurtrier avec lui... Mais un corps se plaque contre le sien et un sourire se fait grand. Ses espoirs se noient dans le gargouillis de sa gorge que l'on déchiquète. Dans un même temps, une lame a surgi et s'est enfoncée dans le torse de l'autre arbalétrier, avant d'y être tordue avec une efficacité malveillante.

Coordonnés, les marchombres et le Gobelin ont profité de l'effet de surprise afin de d'éliminer trois de leurs ennemis. Presque sans effort. Par delà la gorge qu'il mâchouille en un horrible baiser, alors que le bras armé coincé frémit contre son ventre, Urgoll'Ven adresse un regard rieur au survivant. Adieu.

Bien sûr, elle avait rit car elle savait ce qui se cachait dans les Ombres. Elle avait sentit leurs Braises en digne Feu d'Uriz qu'elle était... C'était du moins ce qu'elle maintiendrait même sous la torture.

L'une de ses épaules fut brusquement libérer. Elle n'attendit pas de savoir pourquoi. Son champ de vision lui permettait seulement d'avoir la certitude que ce n'était pas prévu au programme étant donné la réaction des arbalétriers. Roulant à demi sur le côté, elle referma la main sur la hampe de la lance qui la tenait encore en respect, la forçant à glisser sur son omoplate en mordant la chair pour éviter qu'elle ne risque de passer en dessous. Le guerrier résista, brusquement rappelé à son devoir malgré l'état de son voisin. La pointe de la lance se fiche entre deux dalle juste à côté de l'oreille de la drow, emprisonnant quelques mèches blanches au passage. Un coup de pied dans les côtes oblige Krish à se rabattre sur le sol en toussant. La botte se relevait pour avoir le temps de reculer de manière à ne plus avoir le second adversaire dans son dos tout en décoinçant sa lance... Et une douleur fulgurante au genou le jeta à moitié au sol, sa jambe se dérobant malgré toute sa volonté. La hampe renforcée de métal lui échappa des mains.

Un long poignard... La miséricorde de son frère d'arme. L'arme lui traversait le genou de part en part. Il tira sa propre lame. Une poigne de fer s'enroulait autour de son buste, crochetant son bras et l'attirant au sol. Sa tête heurta le pavé. Son coup de dague flou ne trouva que le vide. On s'empara de son crâne, visiblement pour lui briser les cervicales, mais la force était si maigre que son cou tint bon. Il en profita pour viser un peu mieux la forme vague qui le maintenait au sol. Un grognement de douleur, son adversaire s'avachit à moitié sur lui. Il avait ripé sur une cote. Il leva de nouveau sa lame pour la frapper dans le dos... Et glapit.

à peine plus d'une seconde, il perdit connaissance, la jugulaire percée à coup de dents voraces et de griffes affaiblies par des blessures aux épaules.

Krish, le corps couvert d'un sang écarlate, roula sur le dos à côté de sa victime, essoufflée.

- Faiblards... ces gardes... " ricana-t-elle entre deux inspirations en apercevant le profil d'un allié proche. Puis elle tenta de se redresser en tendant ses bras en arrière. Ses épaules refusèrent de porter son poids. Rester allonger quelques secondes de plus c'était pas mal non plus... " Viconia ! Toujours en vie ?! " lança-t-elle plus fort. " Et est-ce que quelqu'un a vu Driz'na ? "

Tu sens. Tu doutes. Tu imagines. Ce genre d’essences, tu les connais. Ce sont les essences avec lesquelles tu travailles, celles qui bien dosées nourrissent la concentration et affûtent le talent. Tu sens. Tu doutes. Tu imagines. Le dosage de celle-ci est bien loin de ce que tu prépares dans ton laboratoire. Les fragrances qui se mêlent au connu t’inquiètent, mais quel choix as-tu ? Avec cette liqueur tu es autant dangereux pour l’adversaire que pour toi-même. Sans la liqueur tu n’es plus rien. Et d’adversaire il en reste au moins un.

Tu te résignes. Tu bois. Tu  déglutis. Tu soupires. Tu attends. Tu essaies de penser. Tu penses. Tu réfléchis. Tu conçois. Tu crées. Tu vois. Tu vois plus clairement que jamais tu n’as vu. L’Etat-Major en entier te semble à ta portée. Tu ne sens plus la douleur, tu ne sens plus la fatigue, tu ne sens plus que le monde qui t’entoure, dans ses plus fins détails. Un battement de cils et c’était comme la plus profonde des méditations… un peu plus de temps et tu imagines à peine ce qui serait à ta portée.
Tu souris. Tu te relèves, ton regard vide moitié aveugle glissant de haut en bas et de gauche à droite de manière erratique. Tu vois. Tes perceptions s’affinent, s’élargissent, se portent au loin…

- Mène-moi aux autres, et je vous mènerai à Malag’Eyl.

Ou à ce qu’il en reste, même si ce n’est finalement plus là ton premier désir. C’est après une mysticiste que tu en as plus qu’après le Karliik. C’est après celle qui t’a fait convoiter – même à juste titre – une autre alternative que tu en as.

Pas parce que tu crois soudainement moins en un plan comme le sien, ni parce que le Feu d’Uriz en a ainsi décidé. Mais simplement parce qu’en cette heure, tu te sens au-dessus de ces jeux. En cette heure tu te sens puissant, et tu n’as qu’une envie, c’est de le prouver.

Elle flottait dans ce monde abyssal. Ses yeux ouverts ne voyaient plus. Son nez ne sentait pas. Ses doigts se saisissaient perpétuellement du vide. Là, elle allait sans but. Même sa voix se refusa à briser la catatonie de ce silence religieux. Où était-ce ses oreilles qui étaient devenues sourdes ? Pourtant, elle ne s’en inquiéta guère. Peut-être même s’y trouva-t-elle bien. Elle n’avait ni chaud ni froid, ni faim ni soif. Suspendue dans cette fraction de temps et d’espace, elle n’avait aucun but sinon de se laisser porter par l’immensité immobile. Oui, elle s’y sentit bien, pour la première fois apaisée. Il n’y avait rien ici-bas qui aurait pu la blesser, la meurtri, l’abimer. Le Rien avait cette chose de réconfortant, de terriblement attirant si bien qu’elle cessa presque de plonger vers un sol qui n’existait pas. Elle demeura entre deux eaux, plus légère qu’une plume. L’attendait-on au dehors ? Cela n’avait plus d’importance à présent. Elle profita un temps qui lui parut éternité. Les secondes s’égrainaient sans qu’elle ne put les compter, comme si toute notion l’avait quitté. Alors, sans même s’en rendre compte, ses yeux se fermèrent.

Elle tenta de respirer mais sa bouche était obstruée. L’air ne passait plus, alors que glissait dans un gargouillis humide une mixture ferrugineuse. Elle s’étouffait. La Rose Noire décolla péniblement ses paupières engluées alors que ses poumons se contractèrent, crachotant sans parvenir à extraire la vilaine mélasse. Elle reprenait conscience, dessinant bientôt les contours inégaux du plafond. Elle ne respirait plus. Son cœur fit un bond et elle se roula sur le ventre, retrouvant peu à peu les sensations qu’elle avait perdu. Des perles rougeâtres s’écrasèrent alors que son estomac se retourna sous la violence du réveil. Dégueulant ses boyaux, elle put bientôt retrouver l’usage de son corps convulsant jusqu’à ce qu’il ne demeure plus rien du caillot sanguin.

A bout de souffle, la respiration tendue par des halètement rauque, elle se hissa tant bien que mal en regardant les corps gisants autour d’elle. Ses mains avaient presque été liées, mais le cadavre à son côté n’avait pu venir à bout de sa tâche ; mort de chez mort, elle lui cracha un glaviot mêlant glaire et hématies. La corde se desserra bien vite. Ils n’étaient pas tous là. Il n’était pas là. Une rage nouvelle commença à s’emparer de son corps, l’obligeant à quelques pas erratiques alors qu’elle recouvrait ses forces. Les mirettes andrinoples balayant la salle, elle ne daigna pas même accorder une seconde au corps inanimé du Haut-Prêtre de Teweion – trop faible pour survivre. Elle n’accorda pas plus d’importance au feu d’Uriz qui reprenait contenance. Même le Géant ne l’arrêta guère dans sa quête, alors que ses doigts se resserrèrent sur la poupée de chiffon. « Kahveka ». Pas plus qu’un murmure qui franchit ses lippes engourdies. Sa langue chafouine recueillie le précieux liquide dont le goût raviva la flamme au fond de ses prunelles avides. Elle était sortie de l’illusion.
« KAHVEKA ». Cette fois-ci, elle avait crié. Ses cordes vocales avaient tant vibré sous la rage et l’appréhension. Si elle en voulait à son ami, elle était aussi – et surtout – morte d’inquiétude. Sa vie en suspens, elle avait besoin de le retrouver.

Enivré par le goût de la chair, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar a observé la rage du Feu, ses crocs mordant toujours plus profondément tandis que les siens ouvrent la gorge d'un énième ennemi. Il inspire profondément les effluves sanguines alors que le cœur continue de battre dans de vaines tentatives. Le cuir qui lui couvre le torse est souillé, de même que le métal qu'il lui faudra entretenir. Peut importe. Se repaître de la chair ennemi en cet instant lui parait le plus grand des plaisirs, après tant de bile. Malag, il reste Malag.

L'illusionniste se traîne et la mage du sang revient à elle. Avec un grondement, ses mâchoires se relâchent, et le cadavre encore chaud, lentement, s'effondre. Déglutissant, Urgoll'Ven enjambe le tas de chair morte tout en se grattant d'un doigt les dents, et s'approche du corps du Haut-Prêtre de Teiweon. Baissant les yeux avec gravité, il en observe le torse. Puis, il s'agenouille et prend son pouls... Un grondement lourd roule dans sa gorge.

"Mort." annonce-t-il.

La colère, encore, cette vieille amie, se loge dans ses entrailles. Rappelé bien rapidement auprès de la Voilée... Une erreur, au cours de son ordalie, ou une hérésie des servants du Fourbe Caché ? L'un comme l'autre lui font montrer les crocs alors qu'il travers la pièce, sous le regard impassible des marchombres, et assène distraitement à la sanglante, qui quémande l'Alchimiste.

"Vivant avec le moucheron ou mort avec lui."

Ses émois l'agacent, nullement d'usage en ce lieu, en ce moment. Un devoir demeure, qui peu à peu, plante ses crocs. Des illusionnistes sont morts, des guerriers sont morts. Pour quoi ? Pour qui ? La dernière tête, qui se terre. Mortuaire ? Qui sait ? Ils sauront. Mort comme vivant, les flammes le dévoreront et purifieront le Puy des restes de son influence gangréneuse. Lui, ou les parasites qui se nourrissent de son cadavre.

Tel est le souhait pieux de la flamme du Gobelin, tandis qu'il se penche sur le jeune corps, trouvé bel et bien derrière la porte, comme annoncé par l'illusionniste, la Maudite. Rapidement, il constate que la fillette respire, et hume l'odeur du sang frais sur sa tempe. Inconsciente. Vivante. Négligemment, il la soulève par une poigne de tissu, entre ses omoplates, et la ramène auprès des corps et de sa... Mère.

"Vivante." lâche-t-il, au même titre que le petit corps inconscient.

Il n'entend que de l'émoi pour ceux qui ont péri, ont disparu... Qu'importe, tant que l'Impie est encore brandie comme symbole d'un pouvoir hérétique. Le sourire qu'il arbore n'est plus fait d'une joie fanatique, mais d'une sombre rage dévorante. Ses mires sanguines accrochent les efforts de la drow qui se traînent, un carreau dans chaque jambe, alors que leur dernière mage de la vie erre plus loin. L'initiative, l'initiative... Combien de prêtres avaient-ils battus comme plâtre pour leur indolence ?

A grand pas il s'avance vers la sanglante et, face à ses mires égarées, lui frappe le visage de son battoir. Tant de siècles d'existence... Pour tant de vent dans le crâne. Egares-toi sur le champ de bataille si tu veux mourir.

"Aertsab Rylin'Ahna. gronde-t-il, glacial comme les Geôles redoutées de la Voilée. Cesse de gémir et sert nos Dieux comme tu le dois. Va arrêter les hémorragies du Feu d'Uriz et de l'illusionniste."

Peu lui importe son état, qu'elle fasse le moindre geste d'attaque et il assénera sans hésitation une énième volée.

Bien. Driz'Na n'avait finalement pas finit d'être un poids mort... Mais elle était vivante. C'était un constat dont elle ne savait encore quoi faire, mais la colère redescendant, elle aurait sûrement les idées plus claires. Le plus surprenant était surtout de voir la C'nrosienne se relever d'entre les morts pour sauter vers le couloir, encore toute poisseuse en brayant le nom de leur expert ratier.

Le dernier souvenir qu'elle avait d'elle était plutôt... Ignoble. Ses tripes se retournèrent. Qu'est-ce qui s'était passé non des dieux ?! Ils étaient entré dans la salle... Et puis ils étaient tous mort... Mais ça allait mieux merci. Elle sentait poindre un mal de tête mais la solution de "tout n'était qu'un rêve" lui allait fort bien pour le moment. Elle tata sa clavicule, vérifiant que la gemme de défense mentale façonnée par son cher ami de Sol'Dorn était bien présente... Elle l'était. Quelque chose lui disait qu'un message au SAV n'était pas déconnant...

Prenant sur elle pour éviter d'insulter L'Renor - perdre son souffle et haleter en agonisant quelqu'un d'injure n'était pas la meilleur façon de briller en société - elle repassa rapidement les derniers évènement en revue. Mort. Réveil. Ils n'étaient donc plus dans un illusion. Urgoll était pas là puis re-là. Le moucheron devait être Valsrik, ce qui voulait dire qu'il avait joué un jeux triple pour les sortir de la toile d'araignée dans laquelle ils s'étaient jetés. Kah était avec lui donc en cas de soucis, ils pourraient fuir. Kahveka était très habile pour ça. Elle n'avait pas de soucis à se faire.

Leur seule perte était donc Vlos... Et elle n'en éprouvait pas le plus petit début de chagrin. Par contre c'était sûr que le culte de Teiweon allait leur chier dans les bottes après ça. Il allait falloir surveiller ça de près et agir au besoin... Kahveka avait intérêt à s'en tirer le bougre.

Elle se redressa finalement en grognant pour se mettre en tailleur. D'un mouvement sec, elle arracha un pan de la tunique de l'homme à côté et le glissa à moitié sous son corset de métal pour qu'il appui sur la blessure du coup de lame qui avait raclé une de ses cotes flottantes. Chaque mouvement de bras lui faisait mal mais le plus problématique était qu'elle n'avait plus aucune force dans les bras.

Au lieu de s'acharner, elle jeta un regard à sa gamine en reprenant son souffle. Elle n'allait pas pouvoir la porter sans qu'elle s'accroche. Plus loin dans la grande salle, Viconia était également assise, les deux jambes criblées de fer. Les deux femmes échangèrent un long regard. Elle n'était pas certaine de ce qu'il s'était passé mais si Viconia avait tenté une percée pour prendre les soldats à revers, c'était sacrément culotté et une belle preuve de la conscience qu'elle avait du groupe et de sa place dans la grande machinerie qu'ils mettaient en place. Cette hypothèse était appuyée par la phrase lapidaire selon laquelle Viconia avait avoué avoir donné à Driz'Na des ordres pour l'aider à se cacher.

Le Premier Feu adressa un sourire satisfait à la jeune femme avant de tourner la tête du côté d'Urgoll qui venait de proposer une chose qui lui inspirait la plus grande révolte pour une raison qu'elle ne comprenait pas elle-même.

- Le premier mage qui m'approche s'en prend une. " En serrant les dents et grâce à la lance non loin, elle se remit debout. Elle suintait encore d'un sang qui n'était pas le sien, et s'essuya enfin les lèvres d'un revers de main... ce qui ne fit que déplacer un peu de manière sur ses doigts en lui donnant un air plus sauvage encore. " Ou son Valsrik et Kahveka. Et plus important : est-ce qu'on a des nouvelles de Malag'eyl ? "

« Bois … Bois … C’est ça … » Se dit-il, à mesure que le maître mage s’abreuvait de la ponce du flacon. Il termina la dernière goutte sans même grimacer. C’était à tous les coups un exploit, car même lui lorsqu’il en ingérait, tordait son visage à le marquer d’une ridule nouvelle. Désormais, le temps était compté, or il fallait agir prestement avant qu’il ne décède sur place. Euh, non, avant que ses alliés ne trépassent … Kah se remit tout à fait en équilibre sur ses petons, jetta une dernière œillade sur le grondement en contrebas de la fenestration, puis s’approcha du sorcier pour le guider au travers le sinueux chemin des ténèbres. Il placarda sa main contre son avant-bras, inspira à plein poumons, ferma les yeux pour mieux y voir –oui, aucune erreur ici-, puis se servit pour une ultime fois de son talent en l’art obscure pour se mouvoir jusqu’à leur compatriotes. Aujourd’hui sans vergogner, il dût admettre que sa connaissance poussée des dédales du palais lui servit mieux que jamais et il se fit promesse d’en acquérir tout autant de connaissances des prochaines rénovations …

Enfin, sortis tous deux de sous l’ombre d’une girandole suspendue à quelques mètres du groupe, une émanation inodore, mais tout aussi noire qu’une pierre de jais, exhala d’au travers du mur, laissant suite à son envol la présence des deux rustauds. Les yeux du spadassin se plissèrent de sorte à mieux distinguer ceux qui étaient encore présent, s’arrêtant après un bref examen oculaire de l’Al’Serat contre sa concubine qui sembla en tous point furibonde, pour faire changement. Aussi préféra-t-il ne pas rajouter à sa hargne pour l’instant : d’abord  car le moment ne s’y prêta plus ou moins et après, car il aurait assez du restant de sa vie pour lui rabrouer les oreilles de milles et unes manières. Aussi dut-il avouer qu’il préférât ne souffrir d’aucuns heurts venu d’elle : à contrario de ses acolytes, il était encore le seul qui n’avait écopé de blessures, aussi minimes furent-elles! Dans son livre à lui, cela relevait de l’exploit. Ou de la couardise, c’était selon.

« Ô Forgelâme, Malag’eyl n’est plus très loin, semble-t-il. Et je vous ai apporté mon arme secrète pour en terminer une bonne fois pour toute. » Au travers la légère brume provoquée par son inopinée arrivée, son regard retrouva son habituelle lueur espiègle. Il garda tout de même pour lui-même qu’il ne pouvait à peu près plus exercer de son art, le cœur lui débattant si intensément, qu’il commença à voire poindre quelques picotements à sa vue. Quoi qu’inquiétant sort, il trouva que cela tombait à pique, car sa vue troublée atténuait la laideur de l’hobegobelin qui était posté non loin du héraut d’Uriz.

Chance ou malchance ?

La Rose Noire grogna alors que résonnait encore sa paume chaude conter sa joue. Les mires vrillées vers le Géant, elle l’aurait volontiers taillé en pièce à ce moment précis. Il ne lui aurait fallu guère d’effort à cette distance, quand l’Immondice pensait dominer le petit corps. Elle imaginait – avec délice – les viscères s’écrasant sur le sol et le flot gargouillant inonder sa bouche. Peut-être que la rêverie arrêta son geste, ou peut-être s’était-elle simplement rappelé que ce n’était pas le moment. Il viendrait le jour triomphant où ses épines s’enfonceraient profondément dans la chair du Prime Dragon. Car à déblatérer avec un semblant d’importance, il en venait à oublier qu’il n’était pas bien différent des autres hommes.

Souriant à la tragique perspective, elle se tût en rapportant son attention vers les trois protagonistes, bien heureuses d’ailleurs d’être toujours vivantes. A en croire les blessures, le combat avait dû être violent, mais cela ne l’inquiétait point trop ; ce qui obnubilait encore son esprit c’était Kahveka. L’Ombre pouvait bien se terrer encore un peu, lorsqu’elle s’en saisirait, il aurait tôt fait de demander grâce. Les doigts agiles de la Sanguine s’en vinrent saisir son plus grand bien. Le tissu roula entre ses pulpes poisseuses, alors que son échine se secoua d’un frisson d’excitation. Bientôt, la Maîtresse Araignée attrapa au vol d’un fil de la toile et laissa ses narines s’emplir de l’odeur délectable qui s’échappait des plaies des uns et des autres. Même les cadavres offraient un ravissement certain, laissant ses papilles imaginer chaque goût. Quel était la véritable sapidité du Feu d’Uriz ?. N’oubliant pas la haine qui remuait plus tôt ses humeurs, elle se laissa distraire par quelques préoccupations plus légères.

Toutefois, elle n’eut pas à faire un pas qu’une fumée particulièrement familière pénétra dans la pièce. Enfin il sortit de ses ombres. Fermement accrochée à sa toile, la magicienne perdit le sourire et l’excitation se mua bientôt en une masse noirâtre et indicible ; un plomb dans le ventre, plus froid que le fer et plus terrible que la Vengeance elle-même. Alors, profitant de l’arrivée, la Bouchère entama quelques sommaires réparations. S’approchant avec vigueur de la pauvre prêtresse mi ferraille mi femme, elle récolta quelques larmes rouges. L’envie du jeu l’avait quitté, et même, elle mit toute sa violence au service du rétablissement. Sans grande douceur, les mains retirèrent les corps alors que déjà le sang s’agglutinait dans une masse compacte quand les muscles se reformaient.

Cela faisait un bruit ignoble, à mesure que les fibres se tendaient, à mesure que les plaies diminuaient. Nul doute que la Viconia souffrait sous le peu de considération que lui offrait L’Renor. Les prunelles andrinoples pouvaient bien regarder avec dégoût son œuvre, elle chuchotait à voix basse. « Patience Dula, patience… ». Et il ne fallut guère longtemps pour qu’elle finisse son travail ; un brouillon au mieux, qui pourrait aider au mieux la prêtresse à se tenir debout. Car elle ne faisait pas de miracle : elle avait bien plus l’habitude de blesser que de soigner.
Acide donc, elle se retourna vers la Mère, sans lui prêter la moindre attention. Elle avait refusé son aide et elle en fût bien heureuse : elle avait ainsi tout le loisir de fulminer. Préférant se taire face à la soudaine – et non moins insupportable – politesse de son ami, elle marmonna silencieusement quelques mots dans une litanie muette. Bientôt, oui très bientôt, le Maître des Ombres sentirait la douleur. Il ne pourra s’y dérober et pourtant, devra y faire face avec dignité. Oh Kahveka… Comment vas-tu t’en sortir cette fois ?.

Elle s’approcha doucement avant que la voix fluette ne brise l’alchimie. « Une prêtresse à peine capable de marcher, une enfant inconsciente, vous qui n’êtes pas dans un plus bel état ». Elle planta son regard vif et inquisiteur dans celui du Feu d’Uriz. Elle sentait le flot de sang qui s’était écoulé le long de ses côtes. Il ne faudrait guère de temps avant qu’elle ne sombre à son tour. Elle avait perdu trop de sang « Rasseyez-vous, vous nous serez plus utile en vie que morte ». Ses lèvres avaient formulé la phrase avec froideur et distance, et pourtant, la Rose Noire était persuadée que l’eldéenne se connaissait assez pour savoir qu’elle avait raison. A jouer à plus fort que l’on est, l’on finit par perdre douloureusement.

Flotter ainsi à quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol ne t’aura jamais paru aussi aisé. Tu te baignes dans cette coûteuse facilité au point d’en oublier l’importance du jeu de relationnel de ton entourage. Il n’y a que deux choses auxquelles tu arrives à penser : ton pouvoir, et le temps qu’il te reste à l’utiliser. Parce que le temps te manque. Chaque seconde qui passe, chaque occasion pour ton cœur de battre est comme le mouvement d’une aiguille vers l’inexorable fin de l’afflux de pouvoir.

- Tu restes-là Viconia. ta voix tonne, privée de sa discrétion habituelle au point où on en est, tu te mettrais en danger et tu nous ralentirais. Vous autres tu t’adresses au reste des participants à ce triste coup d’état sans te retourner vers eux suivez-moi, je sais où est Malag’Eyl et pourtant ta voix leur arrive à l’oreille comme si tu fus en face de chacun d’eux

Tu empoignes ta baguette, et dans un large mouvement tu signes des glyphes en direction de Viconia, puis de l’entrée et de la sortie de l’armurerie.  Quelque chose change en elle. Tu sais qu’elle le sent, mais puisqu’elle ne pourrait pas dire quoi…

- J’ai piégé les issues. Tu peux sortir, mais personne d’autre ne devrait pouvoir les traverser sans moi. N’essaie pas de jouer les héroïnes, quelque chose me dit que tu en as déjà fait bien assez.

Tu le vois comme le nez au milieu de la figure, il n’y a pas que son corps physique qui est meurtri. Les arcanes se plient et se nouent en son sein comme autant de bobines usagées. Il faut qu’elle se repose. Et aussi hautain qu’elle puisse trouver cela venant de toi, et aussi prétentieuse que tu puisses la trouver, tu n’as pas envie qu’elle meure. Contrairement à d’autres, elle est définitivement plus utile au Puy vive que morte.
Un dernier regard de tes pupilles folles sur Viconia, et tu te retournais vers les profondeurs du Vatna, en direction des sous-sols de l’Etat-Major, sans attendre ton reste. Qui en veule pour le Puy te suive. Qui te fais confiance te protège.

Pour info ( très important ):

Le piège:

Elle détestait les idiots qui ne se connaissaient pas assez pour savoir quand laisser les autres prendre la main. Mais elle détestait encore plus ceux qui abandonnaient par confort face à l'importance d'une mission. De nouveau debout, et malgré la douleur, elle jaugea L'Renor, une lueur féroce dans le regard.

Elle n'avait pas encore l'habitude de jouer sur son état de Premier Feu pour contraindre ses pairs. L'autorité, elle ne l'avait jamais exercée à travers les titres... Mais elle n'avait pas non plus l'habitude de s'écraser face à ce genre de fausse gentillesse.

- Garde tes ordres pour tes larbins. En mille ans, j'ose croire que j'ai appris à connaitre mes limites un peu mieux que toi en quelques secondes. " Puis elle donna un coup de menton dans la direction de Valsrik. " Si tu as du temps à perdre demande lui plutôt d'arrêter de gaspiller bêtement ses forces en volant ou en posant des pièges qu'il devra maintenir à distance. " Le mage, Kahveka et Urgoll reçurent d'ailleurs toute son attention. " Partez devant si vous le voulez et laissez nous une marque à chaque intersection. Viconia et moi avancerons à notre rythme. Nous verrons bien si nous avons l'occasion d'assister à la fin de Malag'eyl. "

Sur ces derniers mots, elle se plia pour vérifier l'état de Driz'na et la trainé dans le coin le moins visible du réduit.

Le géant garde un oeil sur les agissements de la sanglante et retient un grognement alors que le Feu d'Uriz proteste. Cependant, il ne revient pas à lui de douter de sa puissance... Sans pour autant s'empêcher d'apprécier, pour mieux évaluer son état. Alors que d'un sourire amusé il accueille le retour de l'Alchimiste et du Pâle, il s'approche de Krish... Et fronce le nez alors qu'il semble percevoir une odeur de brûlé. Étrange.

Gardant cette élément en tête, il se tourne vers le pâle, on ne peut plus enclin à le suivre. Pourtant, le rictus qui naissait sur son visage à la perspective, enfin, de mettre la min sur Malag'eyl, se nuance à la vue du curieux spectacle qui lui fait face : le mage suant sous l'effort qu'il avait laissé derrière-lui flottait comme un étrange nuage et jetait sort sur sort dans une démonstration de puissance ridicule. Peut-être est-ce sa propre fatigue qui l'influence, mais le Gobelin ne s'amuse pas de pareille fanfaronnade. Un gâchis potentiellement mortel, voilà ce qu'il voit.

"Continues ainsi, moucheron, et Teiweon se rira de toi bien assez tôt. lance-t-il en direction du drow volant qui s'éloigne déjà. As-tu déjà oublié ce que tu as traversé !? Utilise cette tête que tu arbore si haut pour autre chose que des sorts futiles !"

Lui se rappelle bien l'intense concentration dans laquelle se plongea le sombre pour le guider, de même qu'il se souvient du temps qu'il lui fallut pour trouver leurs proies, puis l'immobilisme du marque mage. Un choix du mage, ou l'épuisement ? Dans tous les cas, revenir fanfaron et débordant de magie sentait mauvais.
Trop bas pour que l'intéressé puisse l'entendre, il gronda plus sombrement, agacé par les agissements du mage irréfléchi.

"Que tu nous emportes dans ton trépas et je me repaitrai de tes cendres... Dussè-je aller les chercher dans ces maudites P'leik."

Un temps de réflexion et il jette un œil derrière-lui, posant ses mires soudain bien sérieuses sur le Feu, qui se penche sur son rejeton. Le Feu d'Uriz diminué, une gamine inconsciente, et une illusionniste aux actions hérétiques... Son regard se porte sur la sombre aux jambes transpercées, avec des lueurs indicibles dans ses miroirs sanguins. Son comportement, cette fois, est on ne peut plus digne d'une enfant d'Uriz, consciente de ses limites et privilégiant leur devoir. Cependant, le Gobelin a bien trop côtoyé de ses "semblables", autrefois, pour ne pas se méfier de pareille attitude servile.
Sans que rien dans sa posture ne traduise cette indécision, il cligne des paupières en lâchant un "Bien, Feu d'Uriz." avant de se détourner, emboîtant le pas à leur guide si pressé de périr.

Face aux quelques hésitants étant donné la constatation de Viconia et le départ de Valsrik, Krish leva un sourcil... Et laissa seulement tomber d'une voix grave.

- Allez-y. Nous règlerons cette histoire quand Malag'eyl sera mort.

Une fois que tous eurent quitté la grande pièce, elle tira Driz'na - faute de pouvoir la porter - auprès d'elle et s'assit contre l'un des murs, laissant une grande trace carmin sur la pierre en glissant jusqu'au sol. Elle attira la tête de la gamine sur sa cuisse valide et s'autorisa enfin à souffler. Elle laissa aller sa tête contre le mur robuste. Cet endroit lui rappelait un certain temple tout en nuance de gris... Mais les vêtements et les yeux de Viconia lui assurèrent qu'elle n'y était pas. Les couleurs différente du rouge n'avaient pas disparues du monde.

- Combien de temps avant que cet idiot ne s'épuise à ton avis ?

Sans savoir pourquoi, elle se sentait particulièrement détendue et n'avait aucun remord à ne pas suivre l'équipe jusqu'au dénouement final. Elle aurait du... Elle devrait avoir envie de les suivre et de voir Malag'eyl expirer enfin... Mais ce n'était qu'un mort de plus. Elle avait enclenché un changement, elle Les avait réunit ici. Ce n'était pas tout à fait à elle de choisir s'ils étaient vraiment dignes d'intérêt... Et qui de droit gardait un œil sur eux.

Tu as du mal à te contenir, et encore plus de mal à te retenir. Tu es léger… si léger… tu aurais pu filer à travers les couloirs plus vite que les carreaux d’arbalètes qui avaient transpercé Viconia, mais à ce moment-là… ta suite aurait eu bien du mal à te donner le pas. Tu vois tout, absolument tout, du mouvement de la garde quelques embranchements plus loin, à la révolution des énergies vers lesquelles tu te diriges.
Trouver ton chemin à travers les rondes, les pièges et les culs-de-sac ? Pas le moindre souci. Surtout après que le gros des forces ait été redirigé par votre serviteur le Haut-Prêtre de Zakh’Bar vers les chambres des illusionnistes…

Tu te déplaces en des mouvements erratiques, comme une ponge à la recherche de son prochain lieu de ponte, tantôt t’éloignant dangereusement du groupe, tantôt te rapprochant d’eux à une vitesse si phénoménale que l’on pourrait se demander si ton cerveau ne s’en trouvait pas écrasé par les jets. Mais à voir tes pupilles perdues entre le haut, le bas, la gauche et la droite, et le sourire totalement antithétique de ton personnage habituel que tu arborais depuis beaucoup trop longtemps… nul doute que la pression ne fut la dernière des préoccupation de tes méninges.

- Il est là, il est là !

Face à vous il n’y a plus qu’une lourde porte en acier noir, scellée de la marque du Gardien. Et tu sens la magie qui s’excite derrière. Et tu ne vois pas ce qu’il y a derrière. Les murs sont trop épais, les constructions trop stables. Impossible pour toi d’y glisser tes vibrations, d’en tracer les pourtours, et d’en identifier le contenu. Tu ne peux qu’essayer de deviner ce que tu vas y trouver. C’est comme un cadeau d’anniversaire. C’est un mystère tant que l’on ne l’a pas ouvert. Et c’est un mystère qui pourrait bien te tuer, mais le jeu en vaut largement la chandelle.

- Derrière la porte !

Ton attention se pose sur Urgoll, qui à défaut de voir ton regard se poser sur lui aura pu sentir tes arcanes le caresser pour te décrire sa silhouette. Tes doigts fermement refermés sur ta baguette, et tremblants d’excitation, tu décris de lents cercles de la gueule du dragon.

- J’ouvre !

- Je te laisserais presque faire comme tu l'entends, afin que tu saches ce que cela fait que d'être moqué par la Voilée. Mourir en ouvrant une porte, t'en sentirais-tu grandi ?


- Fais-moi confiance ton ton retrouve brusquement son sérieux habituel Je sais ce que je fais.

- Que nos ennemis périssent... Ou qu'Elle se…

- Contente-toi de te préparer pour la suite. tu tonnes impérieusement, ta cible devenue ta seule préoccupation


L’atmosphère autour de vous est comme allégée, seulement vérité en est, ce n’est que la pression autour du métal qui est plus forte. Tu cherches la faille qui te permettra de faire céder l’ouvrage avec une application digne des plus grands artistes du larcin de ce monde… seulement avec un peu plus de panache. Puis tu souris, d’un sourire mauvais. Une brèche, une simple minuscule brèche dans la construction, et de là ton jeu de pression s’infiltre à travers les alliages, sépare les grumeaux, force les parts faibles à s’affaisser sur les parts fortes, puis les parts fortes à s’affaisser sur les parts plus fortes, jusqu’à ce qu’il ne reste du Gros Œuvre qu’une minuscule sphère ô combien sous pression.

Et depuis l’autre côté de ce-qui-fut-des-battants, ils se dévoilaient, les suivants du Trop Silencieux. Et c’est qu’ils auraient été bien trop courageux de se poster seuls au chevet de celui dont ils étaient le Favori. Là encore, ils s’étaient faits un devoir de s’entourer de protecteurs.

Qu’à cela ne tienne

Tu serres les dents, ramène la queue du dragon à ta hanche. Le bouquin flottant à ta gauche se referme dans un claquement magistral. La pression monte encore un cran. Votre air est littéralement aspiré par le métal, et puis la pression se relâche, dans une inouïe gerbe de flammes nourries de fer. Les carreaux qui dans leur vol s’étaient trouvés légèrement déviés par ton jeu sont dévorés par le brasier avant d’avoir pu trouver cible. Les tireurs eux-mêmes pour une poignée d’entre eux sont faits cendres. Et immobile, flottant à mi-distance entre sol et plafond, tu te délectes du carnage.

Une part des éruptions est arrivée jusqu’à toi. Les flammes ont léché ta robe jusqu’à ne plus laisser de la part du manteau qui couvrait ton torse qu’une manche, et de celle qui couvrait tes jambes des pantalons tâchés de tissu roussi.

Les marques blanches qui depuis jeunes avaient pris possession de ta peau grandissent à vue d’œil, les glyphes insensés qu’elles dessinent sous tes tatouages changent de forme, ton corps lutte contre un mal venant de l’intérieur, et s’il n’a plus beaucoup de force, tu ne t’en rendras certainement pas compte avant qu’il soit trop tard. Parce que les plus importants de vos ennemis, les deux mysticistes et l’abomination qu’ils protègent… ils sont toujours debout.

L'abomination:

L'impatience. La fatigue. Des relents d'immondice qui demeurent, rappelant la maudite entaille à l'arrière de son crâne. Sa volonté, aux crocs enfoncés dans une chair épuisée. Qu'il en soit ainsi. Guidés par un moucheron éphémère, ils se sont enfoncés dans les profondeurs de l'Etat-Major. Dans une énième démonstration de puissance aberrante, l'insecte consume le peu de vie qu'il doit lui rester... Des suppositions que le Gobelin oublie vite quand, finalement, il pose les yeux sur le dernier triumvir. Du moins, sur ce qui est supposé l'être.

Ce n'est pas une flamme ni une brûlure, mais un brasier qui s'allume à cette vue grotesque, d'amalgame de peaux dans une débauche de cadavres et de glyphes. De drow, il n'a plus rien que l'illusion qui miroite dans son regard démesuré et furieux. Malag'eyl était vivant, cela avait été dit. En l'instant, s'il l'avait pu, le Gobelin aurait arraché la langue du pâle pour pareil hérésie à l'encontre du Peuple Sombre. Un pantin de chair immonde et bouffi. Engeance, ou autre chose ? Rien qui n'ait encore la glorieuse prestance d'un drow. Les offrandes aux Dieux passaient par la scarification, le don de chair et de sang, mais cela outrepassait l'humilité du fidèle, se jetant dans le brasier d'orgueil d'un hérétique.

Le Haut-Prêtre du Prime Dragon en a assez. L'énergie arcanique parait presque une odeur qui prend à la gorge et imprègne tout ce qui s'en approche, tant elle emplit la pièce. Glyphes, gemmes, sacrifice, abomination, dans une pièce fermé, tel le gaz du volcan prisonnier d'une cavité. Une étincelle et...

"N'avancez pas." gronde-t-il, avant de se mettre en mouvement.

Le rejet, viscéral, donne cette impulsion qui le fait bondir, le visage déformé par un rictus enragé. Accumuler de la magie, vite, autant que possible dans un laps de temps infime avant que les agaçants sbires se remettent de leur arrivée et ne s'en mêlent. Une flamme, voilà ce qu'il a en tête, sans prendre le temps de lui donner pleinement forme. L'instabilité de la magie fera son œuvre. Qu'il advienne ce qu'il doit advenir, avant que l'Immonde ne les charge, sous la protection des larves qui lui servent de protecteurs. Ô Prime Dragon... Dans une torsion qui lui donne le vertige, Urgoll'Ven projette ce qu'il a pu accumuler si prestement, dans cette poudrière impie.

La flamme à l’approche du béhémoth s’élargit comme s’il lui avait été offert toute la paille du monde… et s’étouffe tout aussi vite. L’abomination en rit courtement, dévoilant une ligne de dents parfaitement blanches.

- Bien essayé.

Une voix distordue, moqueuse, déformation de ce qu’avait été celle de Malag’Eyl auparavant fait vibrer la salle entière. Les yeux du monstre se plissent, sa musculature composite se tend, et avec l’effrayante rapidité que lui autorisent ses immenses jambes, la créature se lance toutes lames devant vers le petit groupe d’intrus.